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Les Estivants Entretien avec Frank Vercruyssen (tg STAN) > page 2 École du TNS Eugène Onéguine Atelier-spectacle dirigé par Jean-Yves Ruf > page 2 André Pomarat lit Victor Hugo > page 2 Pendant ce temps... Les comédiens de la troupe > Côté public Vous créez aujourd’hui la version fran- çaise des Estivants de Maxime Gorki – la version néerlandaise de votre spectacle ayant été créée en 2010. Ce n’est pas la première fois que les membres de tg STAN travaillent sur Gorki puisque vous avez monté en 1994 (en néerlandais) puis en 1997 (en anglais) The Last Ones. Pour- quoi revenir aujourd’hui à cet auteur ? FRANK VERCRUYSSEN (tg STAN) – Vous savez, nous conservons toujours des écri- vains comme Tchekhov et Gorki dans nos cœurs, c’est presque une nouvelle retrou- vaille entre amis. Avec Büchner aussi, ce sont des auteurs qui ont été fondamentaux dans le parcours de tg STAN. Pouvoir jouer un auteur russe du début du XX e siècle, en lui superposant notre propre histoire, se plonger dans ces dialogues savoureux à propos de la vie, de la solitude, du mariage, de la politique, c’est formidable et ce sont des choses dont on aime parler sur scène entre nous. En plus, le « personnel drama- tique » des Estivants convenait parfaite- ment au groupe que nous voulions réunir sur scène : ce sont parfois les acteurs, les rencontres, qui influencent le choix du texte et non l’inverse. On a longtemps hésité entre Les Estivants et La Mouette de Anton Tchekhov mais, dans La Mouette, on aurait vraiment dû forcer le texte à se plier au groupe. C’était beaucoup moins pratique en termes de distribution alors que la pièce de Gorki nous offre beaucoup de possibilités, chacun a des séquences excitantes à jouer. Il y avait donc un peu de pragmatisme ! Cela dit, c’est un texte qui nous accompagne de- puis longtemps, un texte qu’on a souvent lu ensemble. Je dis toujours que ce sont les textes qui te choisissent et non l’inverse. C’est-à-dire qu’on peut lire un texte en 1991 et s’apercevoir que c’est un texte incontour- nable, superbe, et le laisser de côté. On peut le relire dix ans plus tard et ressentir l’évi- dence que c’est le moment opportun de le monter sur scène. Chez nous, c’est souvent comme cela que les choses se passent, en tout cas. C’est parfois simplement le texte qui dit « oui, c’est maintenant » ! Après, par- donnez-moi l’expression, mais ce texte est un beau bordel ! Il y a pas mal de travail à réaliser puisque c’est une pièce qui néces- site de légères adaptations, c’est inévitable. Pourquoi l’adaptation vous semble-t-elle nécessaire ? – Gorki est beaucoup plus rude dans l’écriture que des écrivains comme Tchekhov, Strindberg, Ibsen ou Schnitzler. J’ai conscience que ça peut paraître très condescendant de souligner cela, mais je crois vraiment que les acteurs d’aujourd’hui doivent aider le texte à s’actualiser. En tout cas, à ne pas s’enfermer dans une époque sociopolitique donnée et à éviter la commé- moration. Disons qu’il y a dans Les Estivants beaucoup de sermons, une certaine forme d’insistance parfois… Il n’y a pas la même économie d’écriture que chez d’autres écri- vains de son temps. Je pense que l’on peut faire le parallèle avec Platonov, l’œuvre de jeunesse de Tchekhov où l’on voit bien qu’elle est écrite par un jeune écrivain très énergique capable de s’amuser avec toutes ses capacités mais où l’on voit aussi qu’il n’a pas encore la totale maîtrise du crayon, qu’il n’arrive pas encore à écrire le strict nécessaire, pas plus pas moins. Il y a un peu de ça chez Gorki. En même temps, pour un collectif de comédiens, c’est un texte qui a l’avantage d’être un vrai playground (une aire de jeu, une cour de récréation) c’est-à- dire que l’on peut attaquer le texte, l’agen- cer en fonction des besoins du groupe. Et parfois, en adaptant ne serait-ce qu’un tout petit peu, tout redevient pertinent. J’ai en tête l’exemple du discours d’une méde- cin qui parle du rapport des intellectuels aux classes ouvrières, très spécifique au moment où elle s’exprime puisque Les Esti- vants est écrit au moment de l’avènement de la bourgeoisie russe. C’est le début du siècle, c’est le développement intellectuel des classes moyennes. Aujourd’hui il y a évidemment plus d’intellectuels qui sont liés aux classes ouvrières. On garde donc quatre-vingt-dix pour cent du texte original et on adapte un peu le reste. > suite page 2 VLAS – Alors dis-moi, comment vas-tu ? VARIA – Je suis triste, Vlas. Je ne sais pas pourquoi. Tu sais, il arrive que, tout à coup, sans penser à quoi que ce soit, on se sente prisonnière. Tout semble étrange, tellement vain. Personne ne prend la vie au sérieux. Toi, par exemple, avec tes éternelles plaisanteries. VLAS – Tu veux que je sois sérieux, comme un borgne qui voudrait que tous les autres aussi n'aient qu'un œil. VARIA – Arrête ces âneries, Vlas. VLAS – Bien, répondit-il, et il sombra dans un morne silence. VARIA – Je voudrais aller dans un endroit où vivent des gens simples et sains, où on parle une autre langue, où on se consacre à des choses importantes et grandioses. Tu vois ce que je veux dire ? VLAS – Oui, je comprends, mais tu n'iras nulle part, Varia. VARIA – Peut-être que si. Extrait des Estivants de Gorki Traduction du russe tg STAN Dom Juan Frontal / bifrontal comment faire face ? Julie Brochen > page 3 OURNAL J Théâtre National de Strasbourg SEPTEMBRE-OCTOBRE 2012 / n°15 Les Estivants © Thomas Legrëve « Un réquisitoire contre le gaspillage de soi. » SAISON 12-13 > page 3

Journal du TNS #15 / Sept-Oct 2012

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Actualités du TNS : rentrée 2012/2013, programmation septembre et octobre 2012, Les Estivants de tg STAN, Ecole du TNS, atelier spectacle Eugène Onéguine Jean-Yves Ruf, Dom Juan par Julie Brochen, reprise en frontal, les comédiens de la troupe

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Les EstivantsEntretien avec

Frank Vercruyssen(tg STAN)

> page 2

École du TNSEugène OnéguineAtelier-spectacle

dirigé par Jean-Yves Ruf> page 2

André Pomaratlit Victor Hugo

> page 2

Pendant ce temps...Les comédiens

de la troupe> Côté public

Vous créez aujourd’hui la version fran-çaise des Estivants de Maxime Gorki – la version néerlandaise de votre spectacle ayant été créée en 2010. Ce n’est pas la première fois que les membres detg STAN travaillent sur Gorki puisque vous avez monté en 1994 (en néerlandais) puis en 1997 (en anglais) The Last Ones. Pour-quoi revenir aujourd’hui à cet auteur ?

FrANk VerCruySSeN (tg STAN) – Vous savez, nous conservons toujours des écri-vains comme Tchekhov et Gorki dans nos cœurs, c’est presque une nouvelle retrou-vaille entre amis. Avec Büchner aussi, ce sont des auteurs qui ont été fondamentaux dans le parcours de tg STAN. Pouvoir jouer un auteur russe du début du XXe siècle, en lui superposant notre propre histoire, se plonger dans ces dialogues savoureux à propos de la vie, de la solitude, du mariage, de la politique, c’est formidable et ce sont des choses dont on aime parler sur scène entre nous. En plus, le « personnel drama-tique  » des Estivants convenait parfaite-ment au groupe que nous voulions réunir sur scène : ce sont parfois les acteurs, les rencontres, qui influencent le choix du texte et non l’inverse. On a longtemps hésité entre Les Estivants et La Mouette de Anton Tchekhov mais, dans La Mouette, on aurait vraiment dû forcer le texte à se plier au groupe. C’était beaucoup moins pratique en termes de distribution alors que la pièce de

Gorki nous offre beaucoup de possibilités, chacun a des séquences excitantes à jouer. Il y avait donc un peu de pragmatisme ! Cela dit, c’est un texte qui nous accompagne de-puis longtemps, un texte qu’on a souvent lu ensemble. Je dis toujours que ce sont les textes qui te choisissent et non l’inverse. C’est-à-dire qu’on peut lire un texte en 1991 et s’apercevoir que c’est un texte incontour-nable, superbe, et le laisser de côté. On peut le relire dix ans plus tard et ressentir l’évi-dence que c’est le moment opportun de le monter sur scène. Chez nous, c’est souvent comme cela que les choses se passent, en tout cas. C’est parfois simplement le texte qui dit « oui, c’est maintenant » ! Après, par-donnez-moi l’expression, mais ce texte est un beau bordel ! Il y a pas mal de travail à réaliser puisque c’est une pièce qui néces-site de légères adaptations, c’est inévitable.

Pourquoi l’adaptation vous semble-t-elle nécessaire ?

– Gorki est beaucoup plus rude dans l’écriture que des écrivains comme Tchekhov, Strindberg, Ibsen ou Schnitzler. J’ai conscience que ça peut paraître très condescendant de souligner cela, mais je crois vraiment que les acteurs d’aujourd’hui doivent aider le texte à s’actualiser. En tout cas, à ne pas s’enfermer dans une époque sociopolitique donnée et à éviter la commé-moration. Disons qu’il y a dans Les Estivants

beaucoup de sermons, une certaine forme d’insistance parfois… Il n’y a pas la même économie d’écriture que chez d’autres écri-vains de son temps. Je pense que l’on peut faire le parallèle avec Platonov, l’œuvre de jeunesse de Tchekhov où l’on voit bien qu’elle est écrite par un jeune écrivain très énergique capable de s’amuser avec toutes ses capacités mais où l’on voit aussi qu’il n’a pas encore la totale maîtrise du crayon, qu’il n’arrive pas encore à écrire le strict nécessaire, pas plus pas moins. Il y a un peu de ça chez Gorki. En même temps, pour un collectif de comédiens, c’est un texte qui a l’avantage d’être un vrai playground (une aire de jeu, une cour de récréation) c’est-à-dire que l’on peut attaquer le texte, l’agen-cer en fonction des besoins du groupe. Et parfois, en adaptant ne serait-ce qu’un tout petit peu, tout redevient pertinent. J’ai en tête l’exemple du discours d’une méde-cin qui parle du rapport des intellectuels aux classes ouvrières, très spécifique au moment où elle s’exprime puisque Les Esti-vants est écrit au moment de l’avènement de la bourgeoisie russe. C’est le début du siècle, c’est le développement intellectuel des classes moyennes. Aujourd’hui il y a évidemment plus d’intellectuels qui sont liés aux classes ouvrières. On garde donc quatre-vingt-dix pour cent du texte original et on adapte un peu le reste.

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VlAS – Alors dis-moi, comment vas-tu ?VAriA – Je suis triste, Vlas. Je ne sais pas pourquoi. Tu sais, il arrive que, tout à coup, sans penser à quoi que ce soit, on se sente prisonnière.Tout semble étrange, tellement vain. Personne ne prend la vie au sérieux. Toi, par exemple, avec tes éternelles plaisanteries.VlAS – Tu veux que je sois sérieux, comme un borgne qui voudrait que tous les autres aussi n'aient qu'un œil.VAriA – Arrête ces âneries, Vlas.VlAS – Bien, répondit-il, et il sombra dans un morne silence.VAriA – Je voudrais aller dans un endroit où vivent des gens simples et sains, où on parle une autre langue, où on se consacre à des choses importantes et grandioses. Tu vois ce que je veux dire ?VlAS – Oui, je comprends, mais tu n'iras nulle part, Varia.VAriA – Peut-être que si.

Extrait des Estivants de GorkiTraduction du russe tg STAN

Dom JuanFrontal / bifrontal

comment faire face ?Julie Brochen

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OURNALJ Théâtre National de StrasbourgSeptembre-OctObre 2012 / n°15

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« Un réquisitoire contre le gaspillage de soi. »

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Eugène Onéguine,roman en verspar Jean-Yves Ruf, metteur en scèneAtelier-spectacle de l'École du TNS

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Au cours de leur troisième et dernière année, les élèves du Groupe 40 de l’École du TNS présenteront cinq ateliers-spectacles ouverts au public. Eugène Onéguine de Pouchkine est le premier d’entre eux. Dirigé par Jean-yves ruf et créé au cours du Festival d’Avignon, il est repris à Strasbourg avant d’être présenté le 18 octobre à Moscou dans le cadre d’une master class organisée par l’École d’art dramatique du Théâtre d’Art MHrAT, puis à Paris, à la Maison de la Poésie, du 8 au12 novembre.

Le poème trace la vie d’Eugène Onéguine qui refuse l’amour de la jeune Tatiana ; tue un ami, Lenski, en duel ; trompe son ennui et le temps qui passe par maintes stratégies diverses et finit par rentrer à Moscou où il retrouve Tatiana devenue une des femmes les plus prisées de Moscou. Il re-connaît la jeune fille qu’il avait dédaignée et tombe amoureux. Elle l’aime encore, mais il est trop tard, elle est mariée et n’a plus la naïveté de la Tatiana

d’antan. L’intrigue peut sembler pauvre, mais ce serait méconnaître le génie de Pouchkine qui à tra-vers les figures de Tatiana, Lenski, Onéguine, nous parle de l’amour, de la mort, de l’angoisse de vieil-lir, de son amour pour les pieds des femmes, pour le champagne et le foie gras de Strasbourg et de son angoisse de poète de perdre un jour sa sève. Au-delà, c’est bien un grand texte sur l’amour qui occupe nos vies et la froideur intérieure qui nous guette, notre hiver qui approche dangereusement. L’adresse est simple, directe, il s’agit pour le comé-dien d’être plus dans l’art du récit, voire parfois du conte, que de jouer un personnage. Le spectateur doit avoir l’impression de tuer le temps en com-pagnie de Pouchkine, en suivant l’histoire d’Oné-guine et de Tatiana, lors d’une longue soirée d’hiver russe.Il n’y a pas un sujet, une ligne de force, mais un maillage de sujets et d’intensités diverses qui composent le tissu de la vie. Il s’agit de trouver le ton particulier de ce texte : un mélange entre une grande tenue littéraire, un constant jeu sur les rythmes et les sonorités, une grande profondeur de pensée, et dans le même temps une constante légèreté, un humour qui nous cueille au détour d’une strophe, un ton qui est presque celui de la conversation, aussi libre, aussi digressif.

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le sous-texte des Estivants est insurrectionnel…

– Évidemment qu’il y a une dimension insurrectionnelle, comme toujours dans l’œuvre de Gorki d’ailleurs. Les Estivants met en scène des gens issus de la classe moyenne cultivée qui se re-trouvent dans de petites datchas, des résidences secondaires dans la campagne russe. On les voit donc bavarder, se disputer, tomber amoureux. Ce sont de petites tranches de la vie de tous les jours. Bien sûr, Gorki utilise cette peinture de l’oisiveté pour critiquer une classe sociale donnée. Il dépeint des gens qui, selon lui, gâchent leur potentiel en ne parvenant pas à penser la société. Le fil rouge de la pièce, c’est le personnage de Varia, une femme qui ne sait pas bien quoi faire dans la vie, qui a un sentiment inexplicable de tristesse et qui, au fur et à mesure, découvre dans quelle forme de prison elle se trouve. Elle essaie alors d’en échapper et de se couper de ces gens qui discutent dans le vide, sans profondeur. L’intention de Gorki à l’époque est claire : il faut encourager les classes moyennes à épouser l’idéologie révolutionnaire. Donc, dans cette pièce, il ne parle pas du tout des aristocrates mais des bourgeois, des intellec-

tuels de classes moyennes, pour les inciter à se réveiller poli-tiquement. On voit d’emblée les nombreux parallèles que l’on serait tenté de faire avec l’époque actuelle, comme avec bien d’autres époques aussi. Sauf qu’aujourd’hui, les résonances sont particulièrement vives, vu la crise planétaire que nous tra-versons et la mise en cause actuelle du néolibéralisme. Après, théâtralement, c’est aussi très stimulant d’arriver à montrer des gens qui ne font rien sans ennuyer le spectateur.

Gorki disait d’ailleurs à propos de sa pièce qu’elle était écrite pour « donner des rêves à l’âme »…

– Oui, voilà, elle a une fonction de réveil politique pour préparer la révolution à venir. Elle agit aussi sur un plan plus intime, comme un traité d’art de vivre, une sorte de réquisitoire contre le gaspillage de soi, pour empêcher de passer sa vie à boire de la vodka sur un canapé. L’âme de Varia, elle, se réveille. Elle se rend compte qu’elle n’est pas prise au sérieux, et va prendre sa vie en main. Ceci dit, je dirais que nous n’avons pas vraiment une approche psychanalytique de la pièce. Évidemment, comme nous sommes des comédiens curieux des différents aspects du spectacle, nous nous intéressons aussi à la dramaturgie et, en l’occurrence, à la vie politique du début du XXe siècle. C’est important de connaître l’histoire d’une pièce et l’histoire de la mise en scène d’une pièce pour ne pas réinventer l’eau chaude à chaque fois ! Je me souviens par exemple, de cette version particulièrement intéressante des Estivants créée par Luk Perceval, un metteur en scène majeur dans le paysage néerlandophone mais qui n’est pas encore très connu en France. Nous avons également visionné le film de Peter Stein, bien sûr.

tg STAN est un groupe extrêmement ouvert. Vous aimez in-viter d’autres comédiens ou danseurs pour un ou plusieurs projets, vous partez facilement travailler avec d’autres collectifs d’acteurs. Disons que la rencontre entre artistes semble être pour vous le gage d’un renouvellement constant. encore une fois avec Les Estivants, vous créez un groupe bien spécifique…

– Il y a trois générations présentes sur le plateau, par exemple Bert Haelvoet est un de nos anciens étudiants duquel nous sommes restés très proches. Robby Cleiren,

lui, a déjà travaillé avec Jolente De Keersmaeker et moi sur Trahisons de Harold Pinter et il vient d’une compagnie de Flandres dont nous sommes assez familiers. Il y a aussi sur le projet une grande dame de Hollande qui s’appelle Marjon Brandsma qui vient souvent voir notre travail et réciproquement. C’est merveilleux de la voir aux côtés de toutes jeunes comédiennes, elle qui a un statut un peu «  culte  » ici. C’est un groupe très marrant et ça fonctionne très bien entre nous. C’est vrai que chacun de nos projets trouve aussi sa raison d’être dans le fait de réunir des gens aux parcours parfois très différents, porteurs de diverses aventures de théâtre, parfois aussi des danseurs de P.A.R.T.S., l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker avec qui nous collaborons beaucoup parce que c’est fantastique de travailler avec des gens plus jeunes que nous, d’une autre génération. Même en terme de production, ce genre de projet polyglotte est assez excitant puisque cela permet des collaborations entre différentes structures.

lorsque vous avez créé tg STAN en 1989, vous veniez vous opposer à cette suprématie du metteur en scène qui était très forte à l’époque. De quelle façon avez-vous vu évoluer le pay-sage théâtral depuis ? Beaucoup de jeunes collectifs français citent tg STAN comme une de leurs influences…

– Je voudrais préciser que l’on ne s’opposait à rien. On a voulu faire autrement et en faisant ce qu’on a fait – un collectif d’ac-teurs – on s’est visiblement opposé. Mais ce n’était en aucun cas une énergie négative, on n’avait pas l’intention d’attaquer une certaine façon de faire mais de faire ce qu’on avait envie de faire ! Après on a été un des facteurs qui a peut-être contribué à décomplexer des acteurs, à développer le théâtre dans ce sens (pas de quatrième mur, l’acteur au centre, etc.) mais nous aussi on a été les petits de quelqu’un ! On n’a rien inventé. Les artistes deDiscordia, par exemple, nous ont beaucoup donné d’énergie ou un monsieur incontournable comme Jan Decorte a été fonda-mental pour les arts de la scène en Flandres.

Propos recueillis par Ève Beauvalletpour le Festival d’Automne à Paris

LES ESTiVANTS de Maxime Gorki (Belgique) BORD DE PLATEAu

Du 19 au 26 octobre 2012 Séances spéciales • Surtitrage français Mardi 23 octobre• Surtitrage allemand Mercredi 24 octobre

Jeudi 25 octobreMise en scène tg STAN

> Coproduction du TNS pour la version française

Du mardi au samedi à 20h, dimanche 21 à 16hRelâche lundi 22

Salle Koltèstg STAN : Marjon Brandsma, Robby Cleiren, Jolente De Keersmaeker, Sara De Roo, Damiaan De Schrijver, Tine Embrechts, Bert Haelvoet, Minke Kruyver, Frank Vercruyssen

André Pomaratlit Victor HugoEn partenariatavec la Librairie KléberPassionné de Victor Hugo et de sa langue, le comédien André Pomarat revisite la poésie de ce monument de la littérature française en six lectures tout au long de la saison.

Ce « parcours Hugo » s’inscrit exclusivement dans la période de son exil à Jersey et Guernesey du 11 décembre 1852 au 5 septembre 1870, où il rentre en France, après son refus de deux amnisties et après la mort de Napoléon III.La Légende des siècles sera l’œuvre majeure de cette période. Il rassemble là, pour une dernière édition, non seulement « les petites épopées » mais y rattache aussi deux autres poèmes qui en sont le dénouement et le couronnement, La Fin de Satan et Dieu, constituant ainsi un poème d’une certaine étendue (40 000 vers) où se réverbère « le problème unique, l'Être, sous sa triple face : l'Humanité, le Mal, l'Infini ; le progressif, le relatif, l'absolu  ». Un poème, Le Gibet (ou «  la passion selon Hugo  ») se rattache à La Légende des siècles. Les Châtiments et Les Tables tournantes échappent à la légende, mais ne peuvent en être ignorées historiquement.

Première lecture : La Légende des sièclesUn homme est seul sur scène, perdu au milieu d’une ruine intemporelle. Il crie. Il se souvient, il prophétise. Il est l’âme humaine qui s’épanche à longs traits. Il est la bête, le brin d’herbe, Dieu, le Diable, qui se parlent en chuchotant. Humanité en marche, les civilisations plongées dans l’ignorance, Noé et Mahomet, Caïn, César et Dante. «  Il a au fond des yeux l’éclair du feu volé ». Et ce chemin de lumière, pavé comme un graffiti sur un mur : l’homme. Fresque immense qu’est ce poème, tentative d’un Hugo dans toute la force de son écriture poétique. Œuvre de matu-rité sur près de vingt années d’exil.

André Pomarat

Mardi 23 octobre à 19h Librairie Kléber • Entrée libre • Réservation obligatoire au 03 88 24 88 00

Lectures suivantes :> Mardi 13 novembre : Les Tables tournantes • Mardi 4 décembre : Les Châtiments •

Mardi 15 janvier : Le Gibet • Mardi 5 février : La Fin de Satan et DieuÀ 19h à la Librairie Kléber • Entrée libre

> Lundi 4 mars à 20h : La Légende des sièclesÀ 20h au TNS • Entrée libre

Réservation obligatoire au 03 88 24 88 00

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l’intention de Gorki à l’époque est claire : il faut encourager les classes moyennes

à épouser l’idéologie révolutionnaire.

EuGÈNE ONÉGuiNE de Alexandre PouchkineAtelier-spectacle du Groupe 40 (3e année de l’École du TNS)

Du 4 au 9 octobre 2012

Sous la direction de Jean-Yves Ruf

Traduction du russe André Markowicz

Tous les soirs à 20h • Relâche dimanche 7

Salle Gignoux

entrée libre (selon les places disponibles)réservation obligatoire au 03 88 24 88 24Avec Léon Bonnaffé, Laurène Brun, You Jin Choi, Kyra Crasnianschy, Jules Garreau, Thaïs Lamothe, Thomas Mardell, Céline Martin Sisteron, Sarah Pasquier, Romain Pierre, Bertrand Poncet, Alexandre Ruby, Eva Zink (élèves comédiens) Diane Guérin et Thomas Laigle (élèves régisseurs) Hélène Jourdan (élève scénographe)

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w w w . t n s . f r+33 (0)3 88 24 88 00

Présentations de saison

Vendredi 7 septembre à 20hSamedi 8 septembre à 18h

Quand s’abonner ?

Abonnements Cartes Saison :2 jours prioritaireslundi 27 et mardi 28 août de 10h à 18h au TNSégalement par courrier, dépôt ou sur Internet

Ouverture de la billetterie(abonnement et location)lundi 3 septembre à 14h

• Les formulaires d’abonnement parvenus au TNS par courrier, dépôt ou Internet seront traités dès le mercredi 29 août.• Souscriptions et réservations possibles tout au long de la saison.

Journées du patrimoine

Visites

• des ateliers de construction de décorsDes visites guidées en présence de l’équipe des ateliers sont proposées :Dimanche 16 septembredépart des visites : 11h – 14h30 – 16h8 rue de l’Industrie, Illkirch Graffenstaden,Tram A direction Illkirch/Lixenbuhl, arrêt Colonne

• du TNSSamedi 15 septembredépart des visites : 14h30 – 16h30 – 18h30Dimanche 16 septembredépart des visites : 11h – 14h30 – 16h30

Nombre de places limitées • Réservation obligatoire

Bibliothèques idéales :« une autre vie est possible »

Françoise Dolto l’insoumise

Rencontre, lecture, musique, film : Les Biblio-thèques idéales rendent hommage à la liberté d'esprit de Françoise Dolto en présence de Ca-therine Dolto, écrivain, pédiatre et psychothéra-peute, Jean-Pierre Winter et Claude Schauder, psychanalystes. Julie Brochen et David Martins, comédien de la troupe du TNS, liront des extraits de la correspondance de Françoise Dolto. Samedi 22 septembre à 20hSalle de l’Aubette • Place Kléber • Entrée libre dans la limite des places disponibles

Les Bibliothèques idéales • 14 > 24 septembre • www.bibliotheques-ideales.strasbourg.euEn partenariat avec la Librairie Kléberet la ville de Strasbourg

Festival Musica

les abonnés du TNS bénéficient d'un tarif pré-férentiel pour l'ensemble des manifestations de MUSICA (16 € au lieu de 20 €)

Lecture

Dans le cadre de Trésors russes des bibliothèques strasbourgeoises (exposition 2 octobre > 10 novembre) et de 2012 Année des saisons de la langue et de la littérature russe en France

rencontre avec le romancier russe Zakhar Prilepine et Michel Deutsch, écrivain, scénariste

et metteur en scène,précédée d’une lecture d’extraits d’œuvres de

l’auteur par David Martins et Ivan Hérisson, comédiens de la troupe du TNS

Jeudi 25 octobre à 20hMédiathèque Olympe de Gouges3 rue Kuhn, StrasbourgEntrée libre dans la limite des places disponiblesEn partenariat avec la ville de Strasbourg, le Consulat général de Russie, la Bibliothèque nationale et universitaire et l’Université de Strasbourg

Atelier d’écriture du TNS

Du réel à la scène

Atelier ouvert à tous (dans la limite des places disponibles) et animé par Magali Mougel, auteur et pédagogue et Fanny Mentré, auteur associée au TNS, autour de la question de l’écriture théâtrale du réel et/ou de faits d’actualité.

Premier rendez-vous :Samedi 13 octobre de 10h à 13h au TNSRéservation obligatoire auprès deQuentin Bonnell :03 88 24 88 47 • [email protected]

SEPTEMBRE

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7 Présentation saison 20h

8 Présentation saison 18h

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SAiSoN 12-13

DOM JuAN Molière / Julie Brochen 3 > 13 octobre LES ESTiVANTS Maxime Gorki  / tg STAN 19 > 26 octobre TOBOGGAN Gildas Milin 13 > 30 novembre SALLiNGER Bernard-Marie Koltès / Catherine Marnas 20  novembre > 7 décembre Au BOiS LAcTÉ Dylan Thomas / Stuart Seide 13 > 21 décembre WhiSTLiNG PSYchE Sebastian Barry / Julie Brochen 10 janvier > 2 février MÉTAMORPhOSE Franz Kafka / Sylvain Maurice 17 > 31 janvier ÉRIC VIGNER& L'ACADÉMIE 3 LA PLAcE ROYALE Pierre Corneille 5 > 16 février GuANTANAMO Frank Smith 9, 10 et 16 février JEAN LA chANcE Bertolt Brecht / Jean-Louis Hourdin 5 > 24 mars MAîTRE PuNTiLA ET SON VALET MATTi Bertolt Brecht / Guy Pierre Couleau 19 > 27 mars ATTILA VIDNYÁNSZKY 3 LES TROiS SœuRS Anton Tchekhov 3 > 7 avril LE FiLS DEVENu cERF Ferenc Juhász 10 > 12 avril GRAAL THÉâTRE GAuVAiN ET LE chEVALiER VERT Florence Delay, Jacques Roubaud / Julie Brochen 21 mai > 7 juin 8e FESTiVAL PREMiÈRES à Karlsruhe Jeunes metteurs en scène européens 6 > 9 juin

« Que le risque soit ta clarté » écrivait rené Char. il y a quarante ans, le TNS devenait officiellement théâtre national. Au cœur de sa mission : la création, l’accompa-gnement d’aventures, la naissance et la diffusion des œuvres nationales et internationales qui ont fait et font l’his-toire de notre culture et les contours de notre paysage théâtral. la responsabilité du TNS est d’autant plus grande au regard de l’histoire de la décentralisation théâtrale qu’il demeure le seul théâtre national implanté en région. Cette saison sera donc à nouveau celle des textes connus en même temps que de la découverte d’auteurs, celle des fidélités, de la poursuite des compagnonnages, des invitations, des ouvertures, des gestes de compagnies et des croisements toujours plus nombreux entre le théâtre et son école...Que le risque soit notre clarté donc, et que le merveilleux demeure notre fondement…

Julie Brochen

Dom Juan : frontal / bifrontal, comment faire face ?Par Julie Brochen, metteur en scène

DOM JuAN de Molière BORD DE PLATEAu

Du 3 au 13 octobre 2012 Séances spéciales • Surtitrage français Vendredi 5 octobre• Surtitrage allemand Samedi 6 octobre

Mardi 9 octobre

Mise en scène Julie Brochen

> Nouvelle version

Du mardi au samedi à 20h, dimanche 7 à 16h

Relâche lundi 8

Salle KoltèsAvec Muriel Inès Amat*, Christophe Bouisse, Fred Cacheux*, Jeanne Cohendy, Hugues de la Salle, Marie Desgranges*, Antoine Hamel*, Ivan Hérisson*, David Martins*, Mexianu Medenou, Cécile Péricone*, André Pomarat

* Comédiens de la troupe du TNS

Dans un face-à-face Molière se déploie.L’architecture ou plutôt le rapport scène-salle d’un théâtre à l’ita-lienne peut parfois mettre à distance le spectateur, mais pas avec Molière. J’ai toujours aimé jouer et mettre en scène entourée des spectateurs dans une vraie et grande proximité, dans un danger

commun et partagé – c’est pourquoi j’avais tout d’abord fait le choix du bifrontal, dans l’Espace Grüber… Mais là, dans cette nou-velle version frontale de « notre » Dom Juan, que nous avons ré-pété en Koltès avant de partir en tournée, j’observe que ce danger, ce risque partagé est plus grand, il se creuse, il s’affûte dans un face-à-face avec le public.Molière était un acteur, il écrivait pour des acteurs. Il écrivait pour la scène, en toute connaissance de l’espace dans lequel il allait jouer et faire jouer ses pièces : il m’apparaît que son architecture et son écriture se redécouvrent, se redéploient dans ce face-à-face. Dans ce même esprit de creuser toujours plus et autrement le rapport aux œuvres, après le film de La Cerisaie réalisé par Alexandre Gavras et produit par Philippe Avril, nous continuerons notre exploration de ce que peut être un vrai film de théâtre en tournant Dom Juan dans l’Espace Grüber et sans gradins, en invitant l’équipe d’Alexandre Gavras avec nous sur le plateau, pour tourner l’intégralité du texte. Ainsi, nous vous proposerons dès que possible de découvrir notre nouvelle collection de DVD avec ces deux premières œuvres.

LIMBUSLIMBOFestival MusicaCoproduction du TNS et création mondiale (commande de l’État et des Percussions de Strasbourg)

Apéro bouffe en sept scènes d’après Carl von Linné et Giordano Bruno

Musique Stefano Gervasoni livret Patrick Hahn Mise en scène Ingrid von Wantoch-Rekowski Direction artistique Jean-Paul Bernard Avec Les Percussions de Strasbourg

Dans les limbes, cet espace incer-tain où le temps se déroule sans fin, Carl et Bruno vaquent à leurs occupations éternelles quand l’ar-rivée de Tina vient tout perturber… Jusqu’à la catastrophe qui les pré-cipite vers l’enfer. Le premier opé-ra (bouffe) de Stefano Gervasoni (1962) est une sacrée cuisine…

Samedi 22 à 20h30Dimanche 23 à 16hSalle koltès

Dans le cadre du festival, le TNS accueille également :

DANZA PREPARATASamedi 29 septembre à 17hà l’Espace K.-M. Grüber

> MUSICA 201221 septembre > 6 octobrewww.festivalmusica.org

Dom Juan / Sganarelle : figure(s) de MolièreMise en espace de Julie Brochen • Avec les comédiens Mexianu Medenou et Ivan Hérisson

En partenariat avec l’Université de Strasbourg, le TNS présente une petite forme théâtrale autour de Dom Juan créée spécialement pour les 20 ans de la Carte Culture.

Dom Juan / Sganarelle, deux figures théâtrales inscrites dans notre imaginaire et sur qui repose toute la force de la pièce de Molière. Deux personnages emblématiques qui constamment s’opposent et se font face. À travers leur confrontation, c’est le portrait de l’auteur lui-même qui se donne à voir.

Jeudi 18 octobre à 18h30 à l'espace Grüber, 18 rue Jacques kabléEntrée libre • Réservation recommandée au 03 88 24 88 00> Pour les étudiants, billets à retirer à l'espace Carte Culture de l’Université de Strasbourg •www.carte-culture.org • 03 68 85 67 80

Dom Juan passe de femme en femme, et n'est fidèle qu'à un principe : son refus de se « lier ».Pour Julie Brochen, Dom Juan n'est pas un simple séducteur, il revendique son anticonformisme. il vit son absolu besoin de liberté à la fois comme une vision politique et comme un jeu. Penser « autrement » est dangereux, il le sait.Créé en 2011 en bifrontal, le spectacle revient au TNS après une importante tournée. Mais, cette fois, il sera présenté dans un disposi-tif frontal, en salle koltès. Dans cette nouvelle version, l’intrigue et les rapports entre les personnages se resserrent sur la violence de chacune des confrontations.

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Côté publicPendant ce temps...Les comédiens de la troupe

À son arrivée au TNS, Julie Brochen a eu la volonté d’inscrire une troupe au centre du théâtre et du projet artistique. Parallèlement aux spectacles qu’ils répètent et dans lesquels ils jouent, les comédiens du TNS participent à un grand nombre d’activités. les cartes blanches données à la troupe, comme le Cabaret Pierre Dac, ou les différentes lectures en sont la partie visible, mais conjointement, Muriel inès Amat, Fred Cacheux, Marie Desgranges, Antoine Hamel, ivan Hérisson, David Martins et Cécile Péricone mènent avec le service des relations publiques un travail plus méconnu des spectateurs. Chaque numéro du Journal du TNS, durant cette saison 12-13, sera l’occasion de faire découvrir un aspect particulier de ce travail attentif, continu et ouvert aux diffé-rents publics.Dans ce premier numéro de la saison, les comédiens évoquent leur travail auprès de personnes totalement éloignées du théâtre et nous expliquent comment, par la pratique, ils les accom-pagnent dans leur découverte de l’art dramatique. Focus donc sur deux expériences : l’une, menée en direction des patients en psychiatrie du centre hospitalier d’erstein ; l’autre, à destination des détenus de la maison d’arrêt de l’elsau.

Depuis janvier 2010, les acteurs de la troupe du TNS mènent un atelier théâtre au centre hospitalier d’erstein. Parallèlement, les pa-tients viennent régulièrement aux spectacles du TNS. Sarah khenati, psychologue et art-thérapeute et Hélène-Marie Pignon, psycho-motricienne, sont présentes à chaque séance afin d’assurer la médiation entre les partici-pants et les acteurs. Cécile Péricone : Nous avons commencé à travailler à Erstein il y a deux saisons. En 2010, la psychologue et la psychomotricienne du centre hospitalier avaient contacté le TNS pour savoir s’il était envisageable de faire participer des comédiens professionnels à l’atelier théâtre qu’elles avaient mis en place. La première année, Muriel et moi ne savions pas trop où nous arrivions. Nous avions au préalable rencontré les psychothérapeutes et assisté à une séance de leur atelier. Celui-ci nous avait semblé formidable et nous nous demandions ce que nous pouvions apporter de plus aux patients. Puis, nous nous sommes dits que nous pouvions axer le travail avec eux sur l’exigence du rapport au texte et surtout leur apporter un regard qui ne soit ni médical, ni social. Nous sommes comédiennes, tout ce qui est de l’ordre du psycho- ou du socio- n’est pas notre domaine. Nous posons sur eux le même regard que celui que nous posons sur les acteurs amateurs. Afin que celui-ci ne soit pas faussé, nous refusons de connaître les raisons de leur hospitalisation. Nous leur parlons comme à des comédiens, Sarah et Hélène-Marie interviennent lorsqu’elles en ressentent la nécessité.Muriel inès Amat : D'après elles, le fait que notre parole soit d’une autre nature que la leur les aide beaucoup. Quoi qu’elles fassent, elles restent des thérapeutes à leurs yeux... Nous, ils nous écoutent d’une toute autre manière.Cécile : On ne peut pas être complice avec son thérapeute, il y a une distance nécessaire.David Martins : L’important n’est pas tant le résultat final que le travail qu’il implique. En arrivant à mener à son terme un mini-projet, ils peuvent s’imaginer réussir à faire la même chose à une autre échelle. Comme nous n’en-trons pas par la même porte, ils entendent quelque chose d’autre mais qui vise au même épanouissement. Cécile : Nous savons que la pratique théâtrale a des vertus thérapeutiques. Nous avons tous éprouvé cette merveille à nos heures ! Mais ce qui m’importe quand j’anime ces séances, c’est de ne surtout pas entrer dans une démarche thérapeutique. C’est justement parce que nous ne nous situons pas à cet endroit-là qu’il peut se passer des choses, que ça leur ouvre la possibilité d’avoir des petites révélations, des moments de frissons joyeux.David : Nous sommes face à un public plus fra-gile, mais intervenons exactement de la même façon qu’avec les amateurs ou les lycéens : nous ne venons pas là pour soigner les gens.Cécile : Au début, Muriel et moi étions parties sur des séances d’une heure car nous pen-sions qu’il serait compliqué de dépasser ce temps de concentration. Au final, nous nous sommes rendu compte que nous aurions pu aller au-delà. La saison suivante, David a pu mener des séances de deux heures sans souci.

David : D’où l’importance d’envisager les choses sur le long terme. En voyant leur travail et en les rencontrant, je me suis dit que nous pouvions aller plus loin. L’année précédente, ils avaient fait une représentation de dix minutes, à mon arrivée je leur ai dit que nous raconterions une histoire entière tous ensemble qui durerait trois quart d'heure, ce qui a suscité des réactions énormes, une sorte de mutinerie !Marie Desgranges : Ils ont eu l’impression que nous leur en demandions trop, qu’ils n’allaient pas pouvoir le faire et ça les a énormément angoissés. À la 3e séance, ils nous ont dit : « On ne fait pas ça, c’est trop difficile, on n’y arrivera jamais ! »

David : Leur peur était essentiellement liée à l’apprentissage du texte mais aussi à la mon-tagne à gravir. Une des participantes nous disait tout le temps « On n’est pas des comé-diens professionnels ! », ce qui est devenu un des leitmotive de l’atelier.Muriel : La barre était haute et cela a généré beaucoup d’angoisse…Marie : … Mais aussi beaucoup de joie. Les infirmiers nous disaient au sujet d’un partici-pant : « C’est dingue ! Il est toujours prostré et là il rit aux éclats ». Cette joie a un prix, les psy-chothérapeutes sont là pour établir les limites.Muriel : Et le résultat était tellement magni-fique. Pour Cécile et moi, c’était touchant de les retrouver un an plus tard, de voir l’évolution et de se dire : « C’est possible ! »

« Nous ne venons pas làpour soigner les gens. »

À l’initiative de Fred Cacheux, un partenariat avec la maison d’arrêt de l’elsau a été mis en place en 2010. lors de la saison 11-12, quatre séances de trois heures de matchs d’improvisations conduites par Fred Cacheux et David Martins ont été proposées dans le quartier Homme. Cette saison, l’atelier se poursuit. la prochaine étape serait de pouvoir faire venir les participants aux spectacles, ce qui, bien que difficile, ne s’avère pas impossible. Si nous intervenons à la maison d’arrêt, ce n’est pas pour des raisons altruistes ou sociales mais avec la conviction que c’est

de cette façon que nous enrichissons notre travail. L’idée était d’ouvrir encore plus nos portes à la diversité, d’aller chercher des personnes vivant des situations de vie mar-ginales ou extrêmes pour les accompagner dans leur découverte du théâtre. C’est donc tout naturellement que, main dans la main avec le service des relations publiques, nous avons pris le chemin de la maison d’arrêt. Après avoir établi différents contacts, no-tamment avec Gaëlle Sibi, conseillère d’in-sertion et de probation, nous avons mis en place un atelier de jeu.Il y a plusieurs points communs entre le tra-vail conduit à l’Elsau et celui mené à Erstein : la question du regard que nous portons les uns sur les autres et la tentative de casser

les barrières qui se dressent entre nous à cause de nos situations de vie. Nous nous retrouvons simplement, en tant qu’humains, les uns en présence des autres pour faire du théâtre. Chercher l’humanité dans un en-droit qui se déshumanise, qui est surchargé en population, qui manque cruellement de moyens n’est pas chose simple. Il a fallu dans un premier temps découvrir le fonc-tionnement complexe de la maison d’arrêt, trouver la formule adaptée à ses contin-gences.La saison dernière nous avons fait une pro-position à la fois ludique et exigeante : il s’agissait de faire des matchs d’improvisa-tions. Cette formule a pour caractéristique de pouvoir produire du plaisir et du jeu im-médiatement. Il y a eu un véritable engoue-ment. Un petit noyau s’est constitué et ceux qui en faisaient partie en voulaient ! Des si-tuations théâtrales sont allées relativement loin. Une fois, un « gros dur » a tiré un papier et a dû improviser seul sur le thème de la maternité. Pendant dix minutes, il a inventé des personnages imaginaires autour de lui, créé une conversation entre eux et les a véri-tablement dessinés :« - Ah ? C’est votre premier enfant là ?- Ouais.- Bon courage, hein ! Et vous ? Huitième !!! Et ben dites-donc ! Félicitations ! Non bah moi, ma femme vous savez… »Il poursuivait sa fable et ne lâchait rien. Théâtralement, c’était excellent  ; humainement, ce qui se disait était extrêmement touchant. Tout le monde pleurait et était extrêmement ému. Ce garçon vivait une expérience inédite en présence de personnes avec qui il n’avait pas le droit de se montrer si sensible et fragile. Nous nous trouvons là-bas en présence d’hommes aux personnalités opposées, parfois en rivalité. Quelques-uns échangeaient des regards froids en promenade et se sont retrouvés à faire du théâtre ensemble, à devoir interpréter une mère ou une épouse et à se prendre dans les bras…. Dans sa pratique, tout interprète se retrouve dans des situations d’intimité où il est obligé de se livrer. Là, le fait que ce soit des gens à vif, en souffrance, les met dans une acuité et donne des résultats qui, d’un point de vue artistique et humain, sont saisissants. Humainement, nous, ça nous bouleverse.Le bilan que nous avons fait avec eux est sans équivoque : le résultat en termes de bien être, de défoulement, d’amusement, de rires, de rencontres est immédiat. Ils parlent de moments d’évasion...Nous avons également fait une lecture dans cette prison et cela nous semble indispen-sable. Nous rêverions d’y faire un cabaret ou une petite forme… Il faudrait qu’il y ait tout un « bouquet » de propositions, que le théâtre devienne moins exceptionnel pour eux.

Fred Cacheux et David Martins

« Que le théâtre deviennemoins exceptionnel pour eux… »

Édité par le Théâtre National de Strasbourg • Directrice de la publication Julie Brochen • responsables de la publication Éric de La Cruz, Fanny Mentré, Chantal Regairaz • en collaboration avec Quentin Bonnell, Anne-Claire Duperrier, Tania Giemza, Chrystèle Guillembert, Fabienne Meyer • Graphisme Tania Giemza • remerciements à Ève Beauvallet, Le Festival d'Automne à Paris, André Pomarat, Yvonne Francisco • impression DNA

renseignements/location : 03 88 24 88 24

Tarifs saison 12-13 : de 5,50 € à 27 €

où se jouent les spectacles ?TNS : 1 avenue de la Marseillaise- Salle Koltès, placement numéroté- Salle Gignoux, placement libreESPACE KLAUS MiCHAEL GrüBEr :18 rue Jacques Kablé, placement libre

Toutes les salles sont accessiblesaux personnes à mobilité réduite.

informations pratiquesoù et comment acheter vos billets ?(hors abonnement)

• Au guichet du TNS : Place de la républiqueHoraires d’ouverture : le lundi de 14h à 18h, du mardi au samedi de 10h à 18h.

• Par téléphone : 03 88 24 88 24 et par internet http://billetterie.tns.fr(à moins de 2 jours avant la date choisie, les réservations ne peuvent plus être acceptées).

• À la caisse du soir (uniquement le spectacle du jour) : ouverte 45 min. avant le début de la représentation.

• Autres points de vente :- Boutique Culture, place de la Cathédrale- réseau « FNAC, Carrefour, Géant, Système U, intermarché »- Détenteurs de la carte Culture : Kiosque Culture, L’Agora - bâtiment Le Platane

Où trouver le Journal du TNS ? Au TNS et dans de nombreux lieux de dépôts : Boutique culture, bibliothèques, FNAC, théâtres, musées, bars… (liste consultable sur www.tns.fr) •Sur le site du TNS (téléchargeable dès les 1er Septembre, Novembre, Janvier, Mars et Mai) • Sur le blog du TNS : www.tns.fr/blog > rubrique Le Journal du TNS

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S’exprimer, publier, partager sur le

> Propos recueillis et introduits par Quentin Bonnell, chargé des relations publiques

Remerciements aux personnels du Centre hospitalier d'Ersteinet de la Maison d'arrêt de l'Elsau ainsi qu'à Anne-Claire Duperrier,

chargée des relations publiques et coordinatrice de ces deux ateliers

© Pascal Bastien