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Votre participation constitue une aide précieuse sur les comptes ESPERANZA TIERS-MONDE, Commun : 000-025.77.36-07 Bolivie : 088-067.95.10-20 Pérou : 792-534.83.62-28 ESPERANZA T.M. Belgique België PP 9/2208 —————–—————–—–—————————————————- 4500 HUY P20 22 94 Bulletin ESPERANZA T-M a.s.b.l. Trimestriel n° 2 - 2011 Editeur responsable : Jérôme de Roubaix 5, chemin de Gabelle 4500 HUY [email protected] p. 2 p. 3 p. 4 p. 5 p. 8 p. 11 p. 12 p. 14 p. 16 Assemblée Générale du 28 mai Thèse d’Emmanuelle Piccoli - Au revoir Jules Bilan de l’année 2010 Nouvelles de nos projets en Bolivie Une date à marquer d’une pierre blanche au Pérou Bibliothèques rurales à Cajamarca L’or bleu latino-américain JU ste 1 mot Le coin des bonnes choses

Journal juin 2011

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Le journal estival est là..profitez-en !

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Page 1: Journal juin 2011

Votre participation constitue une

aide précieuse sur les comptes

ESPERANZA TIERS-MONDE,

Commun : 000-025.77.36-07

Bolivie : 088-067.95.10-20

Pérou : 792-534.83.62-28

ESPERANZA T.M.

Belgique – België PP 9/2208

—————–—————–—–—————————————————-

4500 HUY P20 22 94

Bulletin ESPERANZA T-M a.s.b.l.

Trimestriel n° 2 - 2011

Editeur responsable : Jérôme de Roubaix

5, chemin de Gabelle – 4500 HUY

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p. 8

p. 11

p. 12

p. 14

p. 16

Assemblée Générale du 28 mai

Thèse d’Emmanuelle Piccoli - Au revoir Jules

Bilan de l’année 2010

Nouvelles de nos projets en Bolivie

Une date à marquer d’une pierre blanche au Pérou

Bibliothèques rurales à Cajamarca

L’or bleu latino-américain

JUste 1 mot

Le coin des bonnes choses

Page 2: Journal juin 2011

L ’asbl Esperanza-TM a tenu son assemblée générale le samedi 28 mai dernier.

Ce fut une excellente réunion avec une bonne vingtaine de participants. Une

des obligations d’une telle réunion est la présentation du bilan financier de l’année

antérieure et la décharge donnée aux administrateurs. Ce bilan vous est présenté ci

-après.

Avant cela, le président a tenu à faire pour l’assemblée un « rapport moral » de

l’année 2010. C’est ainsi qu’il rappela l’événement qui a le plus marqué notre

association, le décès de celui qui nous rappelait tant notre « fondateur » Paul

Bouvy : Francis Ulsen, petit frère de Charles de Foucault, que les lecteurs attentifs

avaient également appris à connaître dans ces pages. Certaines présences à son

enterrement nous marquèrent particulièrement: deux des trois enfants de Paula

Steels, bien sûr aussi son plus proche frère dans la prêtrise avec qui il avait travaillé

des années à Titicachi et qui célébra la messe, ainsi que deux de ses grandes amies

de Bolivie.

Ce rappel fut également l’occasion de nous souvenir de deux autres disparitions

récentes et fort importantes pour Esperanza. Il y eut celle de Jules Colsoul, un de

nos fondateurs, auquel ce journal rend hommage par ailleurs. Récemment disparu

aussi, quelqu’un qui fut également un grand ami de Paul: Olivier de Visscher,

durant des années agronome faisant équipe avec le padre au Nord Lipez, et qui

s’était dernièrement rendu célèbre ici chez nous dans la culture, (exploitation,

transformation, ventes) d’orties. Toute notre sympathie va à son épouse Poupette

Choque. Mais penser à nos disparus nous fit également évoquer nos grands

anciens et nous avons eu une pensée amicale pour notre président de toujours,

François Fraikin, et pour le frère de Paul, Philippe Bouvy.

Le calendrier des activités de 2010, passé en revue, nous permit de :

marquer de pierres blanches les dates du souper de la St Valentin à Beaufays,

celle de la représentation théâtrale du Masque du dragon aux Chiroux, celle du

Fest’toi aussi à La Sarte par le groupe Esperanza-J, celle du souper du groupe

« C’est Pas l’ Pérou » à Marchin ;

cocher aussi le fait que nous avons tenu de très régulières réunions en CA

élargi, parfois avec l’un ou l’autre invité (Brigitte de Terwagne, par exemple,

nous a laissé un très bon souvenir),

souligner que nous avons réalisé 4 fort bons numéros de ce petit journal grâce

au travail de Thomas qu’il faudra veiller à suppléer à plusieurs puisqu’il est parti

en Amérique Latine sans doute pour une durée assez longue.

Nous avons aussi passé en revue tous les projets à soutenir en 2011 et élaboré le

budget, puis programmé les activités qui seront organisées pour récolter les fonds

nécessaires. Nous avons bien sûr besoin de vous pour arriver à réaliser tout cela !

Jérôme

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Le samedi 14 mai 2011 fut une date historique pour Esperanza-TM. Un de ses membres a ce

jour-là, et un tout petit peu grâce à notre petit groupe, décroché un titre de Docteur en

Anthropologie de l’UCL (excusez du peu !). Le Dr Emmanuelle Piccoli avait invité ses proches

et des membres de notre association à la défense de sa thèse de doctorat qui nous

intéressait tout particulièrement puisqu’elle portait sur les Rondes Paysannes de

Bambamarca. Ce fut une réunion à la fois extrêmement sympathique et admirablement

intelligente. Le niveau des interventions des membres de son jury (parmi lesquels Luis Mujica)

fut tout à fait remarquable. Ce qu’ils nous disaient, outre des éloges dithyrambiques sur notre

amie, stimulait de manière enthousiasmante nos réflexions et donnait envie de nous en

procurer le texte. Après quoi les proches d’Emmanuelle furent aux petits soins pour proposer

à toutes les personnes présentes, plus de 50 passionnés, fiers et contents, boissons et amuse-

bouches bien péruviens : papas a la huancaïna, cancha et mote cuisinés avec du vrai maïs de

l’Ahijadero étaient au rendez-vous ! Encore toutes nos félicitations et remerciements à Emmanuelle et aux siens ! Aux antipodes

d’un travail de recherche austère et exclusivement théorique, elle nous a réellement fait

pénétrer le quotidien et savourer la réalité des gens dans toute sa dureté certes, mais aussi

dans toute sa beauté !

« Vie paysanne et gouvernance rondera dans les Andes ».

Ethnologie de la communauté de l'Ahijadero et de la gestion du vivre ensemble à Bambamarca, Pérou

¡

Au revoir, Jules, et merci…

Dès le départ de l’Abbé Paul BOUVY pour la

paroisse minière d’Atocha, quelques amis de la

première heure se sont réunis pour mettre au

point une équipe d’entraide.

L’Abbé Jules COLSOUL, François FRAIKIN, Alphonse

et Yvette DANS, Jean JORISSEN jetèrent ainsi les bases de

ce qui allait devenir ESPERANZA Tiers Monde.

Jules COLSOUL est né à Jemeppe le 02/10/1931 et est décédé à

Embourg le 16 mars 2011.

Le 8 janvier 1975, Jules n’hésite pas à s’envoler vers le Nor Lipez, en compagnie de

l’abbé Philippe BOUVY, frère de Paul, et de Alphonse et Yvette DANS. Visite inoubliable

pour la petite équipe.

Jules fut un des plus fidèles piliers d’Esperanza. Jamais il n’a refusé ses services. Présent

à chaque rencontre, il a beaucoup travaillé dans la discrétion, en assurant un service

humble et régulier.

Merci Jules !

Yvette Dans

Page 4: Journal juin 2011

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Page 5: Journal juin 2011

C omme chaque année à l’époque

de Pâques, deux de nos

membres ont pu rendre visite à

certains des partenaires que nous

soutenons dans ce pays qui est à

l’origine de la création d’Esperanza.

Cette année Julien s’y est rendu avec

sa fille Bernadette du 8 au 29 avril

dernier. Un de nos rédacteurs les a

interviewés pour recueillir leurs

impressions.

* Cette année-ci votre voyage avait un

triple but n’est-ce pas ?

Oui, d’une part nous voulions rencontrer

des personnes qui pourraient nous donner

quelques informations sur les suites du

travail de notre ami décédé le padre

Francisco Hulsen. Ensuite bien sûr nous

voulions, comme d’habitude, rendre une

visite de soutien et d’appui afin de mesurer

l’évolution de notre cher Nidelbarmi, enfin,

nous voulions aussi, comme nous le faisons

depuis des années, vivre la semaine sainte

avec les communautés villageoises de la

paroisse d’ Uyuni.

* Comme le souhaitait notre groupe de

Beaufays-Ninane-Embourg, et comme cela

était rendu nécessaire par notre manque de

communication avec nos amis boliviens,

pour nous permettre de prolonger notre

appui à ce que nous pourrions appeler

« l’héritage du padre Francisco », vous avez

pu, par ce voyage, avoir enfin des nouvelles

de son ancienne paroisse et surtout du

travail que, par lui, nous avions pu aider à El

Alto?

Oui, et elles sont contradictoires. Bonnes

en ce qui concerne le travail dans

l’ancienne paroisse de notre ami sur la rive

est du lac Titicaca, elles le sont un peu

moins en ce qui concerne le groupe que

nous avons aidé à El Alto.

* Détaillez-nous d’abord un peu ce que

vous pouvez nous dire concernant le groupe

de femmes aymaras originaires de cette

paroisse de Titicachi et installées dans les

bidonvilles de El Alto.

Le groupe continue de se réunir dans le

local, lieu de production artisanale dont

nous avions pu appuyer la rénovation. Mais

la cohésion du groupe fait défaut et

manque d’un « guide », rôle que

remplissait si bien Francisco.

* Mais vous avez pu rencontrer l’ancien

séminariste et compagnon de travail de

Francisco ainsi que les quelques femmes qui

ont « hérité » de son travail à El Alto ?

Oui, et ici par contre le travail paroissial, se

porte fort bien. Il est porté par le curé Max,

son ami qui était venu en Belgique célébrer

avec nous son enterrement, ainsi que son

ancien séminariste, Xavier (par ailleurs frère

d’une ancienne éducatrice du Nidel et

grande amie de Julien). Des petits projets,

par exemple pour des ateliers de couture et

du travail d’éducation féminine dans les

trois principaux villages constitutifs de

cette paroisse aymara, mériteraient sans

doute de petits appuis d’Esperanza. Nous

avons rétabli un contact de qualité tant

avec les deux prêtres (Max et Xavier)

qu’avec les trois amies du père Hulsen de

El Alto (Maria Teresa, Nancy et Maria

Elena).

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* Mais cette année-ci, comme nous le disions

dans notre numéro précédent et faute de bonnes

nouvelles, Esperanza va plutôt aider

ponctuellement un important organisme de

Cochabamba ?

Oui, n’avons pu encore visiter Creamos, mais

Emmanuelle Piccoli s’y rendra en visite

prochainement et leur apportera notre petite

aide financière pour le foyer d’accueil.

* Et comment va notre cher Nidelbarmi, où le

padre Juan ne peut plus aujourd’hui être présent

au quotidien, alors qu’il en contrôlait, jusqu’ici

sans beaucoup de partage des responsabilités,

tant l’organisation que les considérables moyens

financiers ?

Eh bien les nouvelles sont plutôt bonnes.

L’ambiance nous a paru excellente au sein des

équipes tant de El Alto (5 centres coordonnés,

sur le plan éducatif, par Vilma et Lucia) qu’à

Potosi (5 centres coordonnés par Zenobia, Felix

et Mari-Luz). D’ailleurs cela nous a frappés un

peu partout cette année : l’éducation s’améliore

et est devenue une priorité pour tous. Les

qualités des professeurs nous ont paru en

progrès et les livres et jeux éducatifs de tous

types sont très diffusés et présents partout (ceux

du Nidel participent bien sûr de ce climat

général favorable).

* Et que pouvez-vous nous dire de la gestion du

projet ?

La direction financière est assurée par un trio où

personne ne peut décider seul. David, un

éducateur issu donc des travailleurs boliviens

salariés du projet, Hernan, prêtre bolivien, ancien

curé de la paroisse de l’endroit, ainsi que Juan

Carlos autre prêtre, espagnol, sont les 3

membres bien sûr en étroite relation aussi avec

le fondateur Juan Claessen aujourd’hui retiré

dans une maison d’anciens en région

carolorégienne.

* Comme nos lecteurs le savent, à chacune de

vos visites, Esperanza vous munit d’une somme

qui vous permet d’acheter, en vue de leur

diffusion, une grande quantité de jeux produits

par le Nidelbarmi. Comment l’ utilisez-vous?

En moyenne pour un jeu , comprenant son

plateau et ses pions ainsi que le(s) livret(s) de

questions, il faut compter entre 5 et 10 € environ,

ce qui est cher pour les gens là-bas, mais le

matériel est de bonne qualité et comprend bien

des éléments qui sont aussi chers là-bas qu’ici.

Toujours est-il que pour équiper une classe

d’une trentaine d’enfants on arrive assez vite à

des montants de l’ordre de 250 €. Ceci fait

comprendre que les 1500 € annuels d’aide

apportée par Esperanza, qui bénéficie tant au

Nidel auquel nous achetons les jeux, qu’aux

villages auxquels nous les offrons, sont bien vite

dépensés. Nous en avons souvent trop peu,

même si nous y ajoutons des jeux achetés de

notre poche dans le commerce, en particulier

pour jouer avec les tout petits (puzzle, pour

moins de 5 ans, par exemple, lesquels ne sont

guère produits par le Nidel)

6

Page 7: Journal juin 2011

7

* Dans cette ville anciennement minière aujourd’hui très touristique au

bord du Salar du Nord Lipez, Esperanza a ces dernières années, grâce à

vous soutenu trois projets. Quelles sont les dernières nouvelles de

l’internat, de l’orphelinat et de la paroisse en général ?

Le hogar, si pauvre et en mauvais état, à l’époque où seul le Dr Benjamin

lui permettait de survivre, qu’Esperanza avait vraiment dû financer les

réparations des fenêtres et du mobilier, est enfin devenu l’orphelinat de

la ville qui l’a sérieusement restauré et permet d’accueillir tant des

nouveaux nés que des adolescents sans famille.

* Et que nous racontez-vous du superbe internat financé à bout de bras

par Barbara et l’Allemagne où Esperanza a de temps en temps contribué à

l’achat d’une belle batterie de cuisine ou au salaire du gardien ?

L’insécurité urbaine a beaucoup augmenté à Uyuni et les parents des

jeunes du secondaire qui habitent trop loin de la ville pour rentrer chez

eux sont très rassurés, surtout s’il s’agit de filles, de les voir loger dans un

endroit sûr et bien tenu. Mais le travail de la gardienne reste énorme et

peut être trop prenant pour une jeune fille comme elle qui n’a plus

beaucoup de vie pour elle-même.

* Enfin, chers amis, la raison même d’effectuer votre voyage à ces dates-là

est bien la célébration de la semaine sainte dans et avec les communautés

paysannes, n’est-ce pas ? Racontez-nous donc un peu comment cela se

passe.

Il faut vous rendre compte que la paroisse compte une trentaine de

villages et que, chaque année, c’est un autre village qui reçoit, à son tour,

les célébrations, de plusieurs jours de durée, avec quelques 1200

participants environ, dont une délégation de chacun des autres villages.

Chaque année Bernadette et moi organisons des ateliers pour animer

quelques dizaines d’enfants de tous âges avec notamment des jeux du

Nidelbarmi. Nous essayons que des professeurs co-animent avec nous

afin qu’ils se familiarisent avec ces jeux pour en devenir par la suite des

utilisateurs car nous sommes convaincus de leurs vertus éducatives.

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Page 8: Journal juin 2011

Quelle joie, chers lecteurs, lorsque la

démocratie a vaincu la

dictature et la corruption ! Le

5 juin, les péruviens ont voté

pour élire pour 5 ans leur

nouveau président. Et ils l’ont,

ouf, de justesse fort bien fait !

C’est la première fois qu'un

gouvernement de gauche sera au

pouvoir au Pérou par la voie

démocratique (pour ceux qui ne

connaissent pas bien l'histoire du

Pérou, il ya eu le gouvernement de

gauche du militaire Velasco, mais

c'était au travers d’un coup d'état).

Ce sera aussi la première fois que

plus de deux mandats présidentiels

en suivant sont le résultat de la

démocratie (le Pérou a toujours

alterné dictature et démocratie). Tout

un enjeu, mais, comme cela circulait

le lendemain des élections , "ganó el

Perú" "ganó la esperanza" !

Enfin c’est la première fois depuis

longtemps qu’un président gagne

l’élection sans avoir la majorité à Lima,

donc surtout avec les voix des Andes et

de l’Amazonie!

Tous les journaux, radios et chaînes de

TV, dès les lundi 6 et mardi

7, même ceux clairement opposés à

Humala, ont reconnu sa victoire.

Au moment de mettre sous presse on

attendait impatiemment les noms du

premier cabinet ministériel. Mais tous

nos amis là-bas étaient déjà

incroyablement contents, et vigilants

quand même, vu que Humala est un ex-

militaire…Bien qu'il ait été victime d'une

satanisation systématique, et qu'il ait

fait preuve d'une capacité de

concertation avec d'autres tendances en

vue de la gouvernabilité , il y a tout de

même quelques déclarations et

attitudes du passé qui donnent de lui un

portrait un peu trop autoritaire et

« militariste », impétueux et « d’extrême

gauche » avec nationalisation et impôts.

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Page 9: Journal juin 2011

Mais il y a tellement de bases sociales,

syndicales, intellectuelles (dont l’écrivain

Vargas Llosa, lui-même, pas vraiment

d’extrême gauche), politiciens (nos anciens

amis « chrétiens de gauche », de la

mouvance Susana Villaran toute récente

bourgmestre de Lima) qui ont décidé de

lui faire confiance, qu'il semble difficile

qu'il ne respecte pas cet appui. Son

discours était émouvant, et donne envie

d'y croire pour que ce pays soit enfin

meilleur pour tous et que son succès

macro-économique (relatif) ne soit pas

seulement la seule chose mise en

avant. D'autres valeurs existent que le

portefeuille !

Mais avant tout .... c'est la dignité qui a

gagné, parce que pour la

majorité d'entre nous cela aurait été

une honte face au monde, que la fille

de Fujimori devienne présidente.

Une fois de plus et, plus que jamais, la

marmite populaire a bouilli à gros bouillon

et la cocotte-minute politique sifflé à toute

vapeur, durant des mois, et la tension ne

retombera pas tout de suite .C’est plutôt

bon signe. C’est justement pour la survie

de la démocratie que beaucoup de

Péruviens craignaient, luttaient, et

attendaient avec angoisse le résultat de ce

deuxième tour des élections. Deux

candidats se présentaient : ceux qui étaient

arrivés en tête au 1er

tour et que nous vous

avions présenté dans ces colonnes en

mars dernier : Ollanta Humala, qui a perdu

les élections en 2006 pour avoir présenté

un programme de changement

socioéconomique trop radical, mais est

arrivé en tête en avril avec 31,2% et Keiko

Fujimori, fille de l’ex-président Alberto

Fujimori, condamné à 25 ans de prison

avec 70 de ses complices, pour ses actes

de corruption et ses crimes politiques, qui

a eu, elle, 23% des voix.

Mario Vargas Llosa, qui choisit finalement

un appui total à Humala, écrivait il y a

seulement un mois que les péruviens

avaient le choix « entre le sida et le

cancer », ne pouvant donc opter que pour

le moindre mal. Ils avaient plutôt le choix

entre un mal connu : le retour d’une

dictature corrompue et le maintien du

néolibéralisme sauvage, et un bien

possible, voire probable : des réformes du

système économique et politique pour une

répartition plus équitable du pouvoir et

des richesses entre tous les péruviens.

Cette option fut largement diabolisée par

la droite : comme émanant d’un suppôt de

Chavez, de Lulla ou de Cuba. Les classes

dirigeantes se sont beaucoup lamentées et

disent aujourd’hui encore craindre le pire,

d’où chute de la bourse malgré les

discours rassurants d’Humala. Le jeu des

nantis est facile à comprendre : sur le

terrain politique, ils étaient en possession

du ballon depuis 20 ans et ne sont

toujours pas prêts à le lâcher, même si ils

devaient multiplier les fautes et payer

l’arbitre. Les grandes entreprises minières

nationales et surtout internationales, le

gouvernement actuel, la plupart des

services de presse, de radio et télévision,

l’Eglise de l’Opus Dei s’unirent donc et

s’opposèrent ces dernier mois férocement

à tout changement. On les comprend :

accusés de corruption, ils risquent même

de perdre leur liberté.

Mais comment expliquer le vote d’un

pourcentage important de pauvres en

faveur de Keiko qui, au final, est passée

tout près de la victoire avec 48.8% ?

Keiko Fujimori promettait de reprendre la

politique assistencialiste de son père : elle

a distribué à pleins camions nourriture et

vêtements pour acheter les voix des

pauvres.

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Page 10: Journal juin 2011

Nous, qui ne souffrons pas la faim, avons

du mal à comprendre que, pour un

morceau de pain, ils plient l’échine et

renoncent à leurs droits. Aujourd’hui les

pauvres ne sont pas seulement exploités,

ils sont exclus et inutiles. Ils sont de trop.

Et comme ils dérangent, il faut les mettre à

l’écart, les neutraliser. C’est pourquoi

Fujimori avait fait une campagne de

stérilisation des femmes du peuple. Et puis

beaucoup de péruviens

attribuent à Fujimori la

fin de l’hyperinflation qui

les avait durement

appauvris juste avant son

accession au pouvoir et

abusivement aussi la

capture d’Abimaël

Guzman et par là-même,

la mise totalement sous

le boisseau des activités

de Sentier-Lumineux, et

lui en sont aujourd’hui

encore reconnaissants au

point d’applaudir sa fille.

Paolo Freire nous aide à

comprendre les causes

de l’oppression. Il écrit : « Les opprimés

“accueillent” en eux l’oppresseur, dont ils

“projettent” en eux “l’ombre” : ils sont à la

fois eux-mêmes et l’autre ». Avec la

propagande, la télévision, la politique et la

pastorale de la peur que pratiquent

certains secteurs d’Eglise pour anesthésier

le peuple, celui-ci devient fataliste « et

croit que sa souffrance est l’expression de

la volonté de Dieu comme si Dieu était

l’artisan de ce “désordre organisé” ».

Certes Ollanta Humala n’est pas un ange

et ne fera pas de miracles. Il ne pourra pas

changer radicalement le système

économique en vigueur au Pérou. Mais il

veut s’orienter vers une économie sociale

de marché, s’inspirer de l’expérience de

Lula au Brésil, investir plus dans l’éducation

et la santé, respecter les droits des

communautés andines et amazoniennes,

donner une pension aux retraités de plus

de 65 ans…. Il faudra bien qu’un jour les

riches comprennent que c’est aussi leur

intérêt de changer le modèle économique

actuel parce que « s’il n’y a pas

d’espérance pour les pauvres, il n’y en aura

pour personne, même pas pour les soit

disant riches ».

Aujourd’hui le défi est

énorme. Humala a

beaucoup promis

d’améliorer la situation

des plus pauvres et il lui

faudrait un ministre de

l’économie qui rassure les

milieux économiques et

financiers et les

entreprises sur le plan

national et international.

Or le pays est maintenant

divisé en deux : les

partisans qui attendent

énormément de cette

grande première et les

adversaires d’hier, déçus

et meurtris, qui sont

intimement convaincus que l’on court à la

catastrophe, pour leurs intérêts et/ou ceux

du pays. Une source d’espoir : l’Equateur,

la Bolivie, le Paraguay, l’Argentine, et le

Brésil disposent tous aujourd’hui de très

intéressants régimes de gauche. Seuls le

Chili et la Colombie restent franchement

du côté de l’ultralibéralisme. Croisons donc

les doigts pour le continent que nous

aimons !

NB : Notre texte est largement inspiré d’une lettre du père

Francisco Fritsch, prêtre français du diocèse d’Ayaviri, actif

depuis plusieurs dizaines d’années dans le sud andin en

totale identification avec la cause des plus pauvres et

d’une autre émanant, au lendemain des élections, de notre

amie Bernadette Brouyaux - Ortiz de Zevallos, maman de

Soledad et épouse d’un architecte urbaniste proche

collaborateur de S Villaran.

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Page 11: Journal juin 2011

L e 27 mai, les autorités de la province

de Cajamarca ont mis à l’honneur le

réseau de Bibliothèques Rurales à

l’occasion de ses 40 ans, avec notamment

une exposition de photos dénommée

« Terre qui raconte, terre qui lit ».

Voici la traduction d’un article paru dans le

journal local à cette occasion.

Il y a 40 ans, une des idées les plus

révolutionnaires a vu le jour à Bambamarca : il

s’agissait de mettre la lecture à portée des

populations rurales, dans ces zones

systématiquement oubliées, où l’on pensait

que serait vain tout essai de semer des livres.

Dans ces terres, on n’avait cultivé que des

pommes de terre et du maïs, des tubercules et

des fèves, du blé et de l’orge, et cela depuis

des siècles.

Mais comme l’homme ne vit pas seulement de

pain, un autre pain paraissait dangereux pour

certains secteurs, certains qui ne pouvaient

concevoir l’idée d’un « indien lecteur » ou d’un

homme andin réfléchissant sur des choses

élémentaires comme le monde où il vit, d’où il

vient et où il va, et la perception que la vie est

faite d’inégalités. Cela, c’était un danger pour

certains, mais pas pour le Père Juan Medcalf.

Pour ce prêtre, la nourriture des livres devait

être partagée entre tous, avec tous ceux qui

n’y avaient pas accès et étaient marginalisés

par ceux qui détenaient le pouvoir dans les

communautés. C’est ainsi qu’en 1971 surgit le

cri, au début silencieux, du réseau de

Bibliothèques Rurales. Un réseau qui s’étend

lentement dans différentes communautés,

comme un filet qui attrape dans ses mailles les

fils des livres, des savoirs, et les donne de

manière rotative à d’autres

communautés.

Bambamarca fut le début d’un des

projets de lecture les plus importants

d’Amérique, qui s’est propagé en 40 ans

à plus de 500 communautés dans 10 des

13 provinces du département de

Cajamarca. Il a fallu pour cela étendre le

projet initial de Juan Medcalf, et ici surgit

la lumière, la voix et l’action d’Alfredo

Mires. Cet homme a fait de sa vie un

don aux livres, au recueil de l’essence

pure de ce qui ne fut pas colonisé et a

survécu dans l’âme de ces habitants des

Andes, dans les conversations autour du

feu, dans les bavardages lors des

récoltes et parfois dans les nuits

lugubres où l’on parle des peurs et des

âmes comme quelque chose de naturel.

Parler de tout le travail des Bibliothèques

Rurales demanderait de nombreuses

pages qu’il faudrait écrire, plus qu’avec

de l’encre et du papier, avec les visages

heureux des campesinos qui ont eu, en

ces 40 ans, accès à la lecture qui lui était

interdite depuis des siècles, dans les

visages et la joie de ceux qui ont eu

l’occasion d’être auteurs et écrivains à

travers leur propres histoires.

La justice tarde, mais elle arrive. Cet

hommage rend justice au travail

d’Alfredo Mires, et parviendra d’une ou

l’autre manière, probablement à travers

un sourire, à l’âme compatissante de

Juan Medcalf, dans un coin de l’univers.

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Page 12: Journal juin 2011

V ous avez lu le dernier Vargas Llosa ? Et

bien il vaut le détour, plus pour l’histoire

que pour la prose. On y découvre les atrocités

commises au début du XXème siècle par notre

cher Léopold II au Congo et celles non moins

terribles de compagnies britanniques dans

l’Amazonie péruvienne. A chaque fois le

principe est le même: l’appât du gain passe

avant l’humain ! Et le plus paradoxal c’est que

les principales victimes sont bien souvent les

personnes qui vivent là où se trouvent les

principales richesses, c’est ce que certains

appellent la malédiction des richesses naturelles.

Malheureusement les choses n’ont pas

beaucoup changé et aujourd’hui l’or peut être

doré, noir, blanc, vert mais aussi bleu. 3

histoires, 3 pays, 3 destins, 3 exemples

révélateurs…

« MASSACRES DE RIO NEGRO » - UN PASSÉ

TERRIBLE À NE PAS OUBLIER (GUATEMALA)

En 1975, le gouvernement dictatorial du général

Lauguerud commence la construction d’un

gigantesque barrage sur la rivière Chixoy (centre

- nord) sans informer la population et grâce à un

financement de la Banque Mondiale et de la

Banque Interaméricaine du "Développement".

28 communautés se voyaient directement

affectées par l’inondation pure et simple de

leurs terres et donc une délocalisation forcée.

Peu enthousiastes, les populations firent preuve

d’une résistance et une opposition fermes. La

réponse du gouvernement mena à une des pires

atrocités de l’histoire guatémaltèque (pourtant

tristement accoutumée du fait). Une campagne

de terreur se solda par l’assassinat de 450

personnes.

Le 13 mars de chaque année, les membres des

communautés des collines du Rio Negro font

une marche en mémoire des victimes de ces

tueries. Carlos Chen, qui a perdu sa femme et

ses deux enfants, est un des leaders du

mouvement communautaire qui demande que

justice soit faite.

Terminé en 1983 ce barrage génère 278

mégawatts d’énergie et fournit près de 40% de

l’électricité guatémaltèque. Aujourd’hui encore

les survivants, les personnes affectées (près de

13000), vivent dans des conditions d’extrême

pauvreté, déplacées sur des terres non fertiles,

sans eau courante ni électricité !

« VIDAS A CAMBIO DE ORO » - UN PRÉSENT

PEU RÉJOUISSANT (PÉROU)

Nous vous avons déjà parlé de l’entreprise

Yanacocha qui extrait de l’or à ciel ouvert, dans

la région de Cajamarca. Les dégâts écologiques

et humains sont proportionnels aux bénéfices.

Yanacocha est la deuxième entreprise minière

mondiale dans laquelle participe une

corporation financée par la Banque Mondiale. Il

faut retourner une tonne de terre pour un

gramme d’or. Cette terre est ensuite lavée dans

un chouette produit . . . le cyanure. Des

montagnes disparaissent littéralement pour

laisser la place à des cratères remplis de poison

qui ont jusque 500m de profondeur !

QUAND L´EAU LATINO-AMÉRICAINE DEVIENT UN OR BLEU QUI APPARTIENT À QUELQUES-UNS

12

Page 13: Journal juin 2011

Les rivières sont contaminées, divers cas de

maladies inhabituelles ont été observés et il

arrive que l’eau vienne à manquer dans une ville

andine peu coutumière de ce type de pénuries.

Les gens, pour la plupart agriculteurs, ne sont

pas très contents, ils l’ont donc fait savoir ce qui

leur a valu une très dure répression de la part de

la police et de groupes de sécurité privés de

l’entreprise minière. «Quien se opone a la mina

se juega no solo la tranquilidad, sino la vida ! » .

Il y a déjà eu six leaders communaux assassinés

depuis 2003 (Godofredo Garcia Baca – Juan

Montenegro – Remberto Herrera – Melanio

Garcia – Isidro Llanos – Edmundo Becerra). Ce

dernier s’opposait à Yanacocha dans la région

d’El Solitario, il a reçu 17 tirs et laissé une veuve

et deux enfants en bas âge.

Mais les gens ne baissent pas les bras, entre

autres avec le soutien de l’association GRUFIDES

qui continue courageusement son travail malgré

les campagnes de harcèlement et diffamation.

Celle-ci tente parfois de jouer les médiateurs via

une de ses figures emblématiques, le prêtre

Marco Arana. Mais les choses ne sont pas

simples et il arrive que les gens lui disent :

«No nos hable más padre Marco, porque cada vez

que nos habla aceptamos dialogar con la minera,

y yá no queremos más dialogar ! ».

« EL AGUA ES DEL PUEBLO, CARAJO ! » - UN

EXEMPLE DE CE QUE LA MOBILISATION POPULAIRE

PEUT OBTENIR (BOLIVIE)

En 1997 la Banque Mondiale imposa la

privatisation de l’eau à El Alto – La Paz comme

condition de son aide financière. La distribution

d’eau fut ainsi cédée à la compagnie Aguas del

Tunari, filiale des multinationales Bechtel -

Edison – Abengoa, qui, en janvier 2000,

augmenta les tarifs de 200%. Les réactions ne se

firent pas attendre, la répression du

gouvernement d’Hugo Banzer non plus. De

nombreux dirigeants furent emprisonnés et la

ville mise en état de siège pendant 90 jours avec

une occupation militaire en bonne et due forme.

Mais la résistance civile ne faiblit pas malgré de

nombreux blessés et deux décès parmi lesquels

celui de Victor Hugo dont l’assassinat fut filmé

sans que pour autant justice soit faite. Cette

mobilisation déterminée, à laquelle participa

activement le président actuel, Evo Morales

(comme le témoigne la photo ci-dessous)

aboutit finalement à l’annulation du contrat.

Comme le disent les gens d’El Alto : « Por una

vez David venció a Goliat ! » .

1. Celui qui s’oppose à la mine joue pas seulement sa tranquillité mais aussi sa vie !

2. Ne nous parlez plus padre Marco, parce que chaque fois que vous nous parlez nous

acceptons de dialoguer avec la mine, et nous ne voulons plus dialoguer !

3. Pour une fois David a vaincu Goliat !

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Page 14: Journal juin 2011

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A l’heure où j’écris ces

lignes, les Belges fêtent un

bien étrange anniversaire. Une

année riche d’absence, de

vacuité et d’indifférence. Est-ce

le symptôme d’une volonté

inconsciente de se distinguer et

d’exister malgré tout ? La preuve

faite que nous restons maîtres

du surréalisme ? Une illustration

parfaite d’un désir de dialogue

intercommunautaire au-delà du

concret et des résultats, comme si la

négociation se suffisait à elle-même

comme acte de réconciliation ?

En dehors des raisons objectives

qui justifient nos errements, j’ai le

sentiment de participer à une farce

grotesque, comme un entracte burlesque

d’une tragi-comédie où le public se perd

à observer l’arroseur arrosé. Et pourtant,

dans l’ombre des coulisses, les

comédiens démissionnaires poursuivent

une pièce périmée, un spectacle minimal

vital pour notre divertissement tandis que

les protagonistes s’essayent encore aux

costumes.

Au quotidien, je n’y vois pas une grande

différence. Les affaires suivent leur cours.

On les dit “courantes”. Peut-être une

course de fond… Pièce de théâtre ou

manifestation sportive, je reste

“spectateur”, un rôle parfaitement

incarné : je regarde et j’attends. Peut-être

que ma participation sera sollicitée dans

un isoloir. Peut-être pas… Dans l’attente,

je regarde une définition au dictionnaire :

« fait d’accepter sans protester ; tendance

à se soumettre, à subir sans réagir ».

Quelques mots qui décrivent

étonnamment mon attitude et celle de

mes contemporains. Quelques mots qui

synthétisent selon moi l’année écoulée.

Quelques mots qui définissent la

“résignation”, soit le renoncement,

l’apathie, la démission, la soumission, le

fatalisme… autant de synonymes que le

constat actuel me force à associer au

concept de “démocratie belge”.

En contraste, je tiens entre les mains un

petit livre d’une dizaine de pages où il est

question de “principes”, de “valeurs”,

d’“espoirs”, d’“idéaux à transmettre”.

L’auteur en appelle à « veiller tous

ensemble à ce que notre société

reste une société dont nous soyons

fiers ». Il s’agit du désormais

célèbre pamphlet « Indignez-

vous ! » de Stéphane Hessel. Ce

résistant nonagénaire, témoin actif

du Conseil National de la

Résistance créé en 1943 et co-

rédacteur de la Déclaration

Universelle des Droits de

l’Homme, nous invite à l’insurrection pacifique.

Si « les raisons de s’indigner peuvent paraître

aujourd’hui moins nettes ou le monde trop

complexe » dit-il, « il y a des choses

insupportables » face auxquelles « la pire des

attitudes est l’indifférence ». Stéphane Hessel

propose une action en réseau, par l’usage des

nouveaux moyens de communication, fondée

sur « l’espérance de la non-violence », « un

message d’espoir dans la capacité des sociétés

modernes à dépasser les conflits par une

compréhension mutuelle et une patience

vigilante ».

Au-delà de la résignation et de

l’indifférence, une frange de la population

espagnole s’est inspirée des mots du vieux

résistant. Depuis le 15 mai, des milliers

d’espagnols ont investi les places publiques par

l’improvisation de campements, à Barcelone et

ailleurs. Via internet et les réseaux sociaux, par la

présence d’espagnols immigrés dans les autres

villes d’Europe, les Indignés appellent à la

solidarité sur le Vieux Continent par l’occupation

des centres urbains. Là-bas, sur des pancartes de

fortune, on peut lire : « Sans travail, sans maison,

sans futur et sans peur » ; « Les Marchés

gouvernent et je n’ai pas voté pour eux » ; « Ce

n’est pas la crise, c’est le Capitalisme » ; « Nous

ne sommes pas le problème, nous sommes la

solution ». Si le contexte espagnol est particulier

quant à l’acuité des effets de la crise –

retombées des spéculations

immobilières, emplois précaires, taux excessif de

chômage chez une génération de jeunes

diplômés, manque de représentation de la part

de la classe politique – les conséquences de la

crise financière sont symptomatiques des

orientations économiques mondiales.

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Page 15: Journal juin 2011

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L’instabilité des marchés, les diktats des

banquiers et des agences de notation, la

politique d’austérité imposée aux citoyens, la

démission générale de la classe politique face

aux institutions internationales… sont autant de

facteurs dont nous sommes à présent

coutumiers.

Sur le fond les Indignés ont raison car les

faits parlent d’eux-mêmes. Peut-être doublement

raison puisque la plupart vivent quotidiennement

la précarité. C’est bien plus la forme qui déchaîne

les passions.

Je fus surpris d’entendre un journaliste

bien connu du service public, professeur

d’université et fervent adepte des définitions

étymologiques dans un jeu radiophonique – un

homme au savoir colossal donc – railler le

mouvement des Indignés. Ailleurs je lisais un

philosophe espagnol dénonçant le “populisme”

du mouvement, constatant que « nos sociétés

regorgent de gens qui sont “contre” »,

représentants d’une “ère de la politique

négative” « dans la mesure où leur attitude ne

dessine aucun horizon souhaitable, aucun

programme d’action ». Par contre, selon lui,

« l’indignation cesse d’être une boutade

inoffensive et incapable de modifier les situations

intolérables qui la suscitent lorsqu’elle

s’accompagne d’une analyse

raisonnable ». Sans parler de

l’interrogation classique

formulée par le sens commun :

« à quoi cela les mènera-t-il ? ».

Parlant des hommes

politiques, j’écoutais un espagnol

annoncer : « ils veulent que nous

changions en une semaine ce qu’ils n’ont pas

réussi à faire en quarante ans ». Car les

sceptiques de tout poil aimeraient des

propositions concrètes (même si elles existent

bel et bien) et des résultats immédiats – sans

parler de l’immobilisme intéressé des

conservateurs et autres réactionnaires. Or le fait

d’occuper une place en permanence, à plusieurs

centaines de personnes, est déjà en soi un plan

d’action. Se réapproprier un espace public,

physiquement et symboliquement, par l’usage

du corps et de la parole, en tant qu’individu

associé à d’autres est déjà une proposition

concrète. Par les Assemblées populaires, ils

expérimentent la démocratie telle qu’ils

l’imaginent, telle qu’ils la veulent où la pensée et

l’expression individuelles reprennent toute leur

importance. L’imagination, la créativité, la

solidarité, l’écoute sont promues comme des

moyens dans la prise de décisions. Plutôt que

d’être simplement “contre”, les alternatives de

“vivre ensemble” sont expérimentées

directement sur le terrain. Plutôt que d’être

“apolitique” ou “antipolitique”, ils parlent

ensemble de politique, amenant des gens

auparavant peu soucieux de la chose à

s’interroger et à s’exprimer, tout en étant vigilant

des récupérations politiciennes. Le tout en

rythme, en musique, avec la gaieté de cœur et

l’esprit d’initiative des volontaires. A ce propos,

Eduardo Galeano donnait son opinion à Daniel

Mermet rencontré Plaza Cataluña pour l’émission

radio Là-bas si j’y suis : « Ici il y a la même

rencontre, la même énergie de dignité, le même

enthousiasme. L’enthousiasme est une vitamine

qui vient d’un petit mot grec signifiant “avoir les

dieux à l’intérieur. Et moi à chaque fois que je sens

que les dieux sont à l’intérieur – d’une personne

ou de beaucoup de choses, de la nature, des

montagnes, des rivières – c’est à ce moment là

que je me rends compte que vivre vaut la peine

[…]. De ce monde infâme, pas très accueillant, pas

très chaleureux dans lequel on est né, il y a un

autre monde en gestation dans le ventre de ce

monde-là, qui attend. Et c’est un

monde différent, un monde

différent dont l’accouchement est

difficile. Et par contre c’est sûr qu’il

est en train de battre à l’intérieur

de ce monde et c’est certain qu’il

existe. Je le vois. Je le reconnais

dans ces mobilisations spontanées.

Elles prouvent l’existence de cet autre monde ».

Si les campements des Indignés prouvent

bien le désir et l’existence d’alternatives, ils

démontrent aussi leur capacité d’innover dans

les formes de mobilisation. Ils appliquent avec

courage et imagination l’appel de Stéphane

Hessel : « Créer, c’est résister. Résister, c’est

créer ».

Julien Lefèvre

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L’enthousiasme est une

vitamine qui vient d’un petit

mot grec signifiant “avoir les

dieux à l’intérieur.

Page 16: Journal juin 2011

Calle 13

est un excellent groupe Porto-Ricain

à découvrir sur leur site Internet

-

Le site en français des bibliothèques rurales de Cajamarca

Et bien sûr le site Internet de Esperanza-TM à recommander

Musique

internet