12
P ourquoi reve- nir à froid sur les événements de novembre 2005, que les médias ont d’ailleurs tout aussi rapidement oubliés qu’ils s’étaient précipités pour en donner une vision apocalyptique ? L’analyse des fac- teurs déclanchant de cette crise sociale ne nous a pas pris au dépourvu, tant les indicateurs étaient et restent inquiétants. Les régulations de longue date, mises en œuvre par nos associations, ont bien souvent permis d’atténuer les condui- tes de violence et d’autodestruction dans les 130 quartiers où nous som- mes présents. Les lieux et temps de parole, la présence humaine des cor- respondants de nuit, l’implication de nos équipes, ont certainement évité des dégâts dont les premières victimes sont les familles de ces quartiers. Nous sommes surtout indignés par un discours dévalorisant pour les cités des banlieues et par des propos tendant à culpabiliser les habitants. Nous avons décidé ici de parler en termes de ressources plus qu’en termes de carences ou de menaces. Car comment ne pas voir qu’une partie de nos concitoyens refuse de considérer nos quartiers populaires comme une richesse pour la ville, son développement et son rayonnement. La diversité des apports, l’énergie de cette jeunesse, la libre créativité qui se développe dans ces quartiers, la capacité à s’organiser pour faire ensemble, peuvent beaucoup pour une société prisonnière de sa mono- culture, de sa pensée unique ou de son esprit malthusien. Cette richesse humaine oubliée, ce capital social relégué, doivent être réintégrés dans le jeu de l’échange. Nous, Régies de quartier, sommes signes de ce possible. Manifestons-le lors de la semaine « Régies en Constellation » du mois d’octobre, où toutes les Régies mettront en avant cette richesse. Bernard Reverdy , Président du CNLRQ Journal d’information du Comité National de Liaison des Régies de Quartier INFO-RÉSEAU Sommaire 2-3 En direct des Régies A Mâcon, Lyon, Paris XI e Portrait d’acteur La presse parle des Régies 4-7 Le Dossier Régies et habitants : une régulation de proximité Correspondants de nuit ou de coursive, temps de parole entre les salariés des Régies et les habitants du quartier... D’une Régie à l’autre, les modes de régulation sociale engagées par nos associations ont contribué, comme à Blanc- Mesnil, à maintenir l’équilibre lors des émeutes de novembre dernier. Une mission de longue haleine dont habitants, bailleurs et élus reconnaissent l’utilité et la valeur humaine. 8-11 En direct du Réseau Vie du Réseau Communication Développement Formation Économie solidaire 12 Entretien Laurent Mucchielli, sociologue et chercheur au CNRS , vient de publier avec Véronique Le Goaziou, Quand les banlieues brûlent. Retour sur les émeutes de novembre 2005 (voir p. 11). 37 juin – septembre 2006 EDITORIAL Banlieues : menaces sur la ville ou ressources pour la ville ?

juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

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Page 1: juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

Pourquoi reve-nir à froid sur

les événements de novembre 2005, que les médias ont d’ailleurs tout aussi rapidement oubliés qu’i ls s’étaient précipités pour en donner une vision apocalyptique ?L’analyse des fac-teurs déclanchant de cette crise sociale ne nous a pas pris au dépourvu, tant les indicateurs étaient et restent inquiétants. Les régulations de longue date, mises en œuvre par nos associations, ont bien souvent permis d’atténuer les condui-tes de violence et d’autodestruction dans les 130 quartiers où nous som-mes présents. Les lieux et temps de parole, la présence humaine des cor-respondants de nuit, l’implication de nos équipes, ont certainement évité des dégâts dont les premières victimes sont les familles de ces quartiers.Nous sommes surtout indignés par un discours dévalorisant pour les cités des banlieues et par des propos tendant à culpabiliser les habitants. Nous avons décidé ici de parler en termes de ressources plus qu’en termes de carences ou de menaces. Car comment ne pas voir qu’une partie de nos concitoyens refuse de considérer nos quartiers populaires comme une richesse pour la ville, son développement et son rayonnement.La diversité des apports, l’énergie de cette jeunesse, la libre créativité qui se développe dans ces quartiers, la capacité à s’organiser pour faire ensemble, peuvent beaucoup pour une société prisonnière de sa mono-culture, de sa pensée unique ou de son esprit malthusien. Cette richesse humaine oubliée, ce capital social relégué, doivent être réintégrés dans le jeu de l’échange. Nous, Régies de quartier, sommes signes de ce possible. Manifestons-le lors de la semaine « Régies en Constellation » du mois d’octobre, où toutes les Régies mettront en avant cette richesse.

Bernard Reverdy , Président du CNLRQ

Journal d’information du Comité

National de Liaison

des Régies de Quartier

I N F O - R É S E A U

Sommaire

2-3 En direct des Régies A Mâcon, Lyon, Paris X Ie

Portrait d’acteur

La presse parle des Régies

4-7 Le Dossier Régies et habitants : une régulation de proximité

Correspondants de nuit ou

de coursive, temps de parole

entre les salariés des Régies

et les habitants du quartier...

D’une Régie à l’autre, les

modes de régulation sociale

engagées par nos associations

ont contribué, comme à Blanc-

Mesnil, à maintenir l’équilibre

lors des émeutes de novembre

dernier. Une mission de longue

haleine dont habitants, bailleurs

et élus reconnaissent l’utilité

et la valeur humaine.

8-11 En direct du Réseau Vie du Réseau

Communication

Développement

Formation

Économie solidaire

12 Entretien

Laurent Mucchielli, sociologue

et chercheur au CNRS, vient

de publier avec Véronique

Le Goaziou, Quand les banlieues

brûlent. Retour sur les émeutes

de novembre 2005 (voir p. 11).

n°37juin – septembre 2006

E D I TO R I A LBanlieues : menaces sur la ville ou ressources pour la ville ?

Page 2: juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

En direct du Réseau

2 Info-réseau N°37

En direct des Régies

En décembre 2005, une vingtaine de salariés des deux Régies de Mâcon, avec conjoints et enfants, se sont ren-dus à Colmar où se tient un magnifi-que marché de Noël. Ce déplacement, largement pris en charge par les Régies, leur a permis, l’espace d’une journée, de repousser leur ligne d’hori-

zon. Les deux Conseils d’administration ont souhaité ajouter cette dimension sociale aux relations de travail, en dépassant cette fois le cadre des sorties dans la péri-phérie rurale. Ce voyage a laissé plein de souvenirs à tous et en appelle beaucoup d’autres. Il a favorisé dans l’équipe de la Régie des relations plus légères, plus cha-leureuses et plus libres, climat qui perdure depuis.

Salariés, conjoints et enfants, se sont rendus à Colmar où se tient un magnifique marché de Noël.

Chantiers de coopération au Burkina FasoRégie de quartier La Duchère - Lyon (69)

Dans le cadre de l’accord de coopération décentralisée entre la Région Rhône-Alpes et celle des Hauts-Bassins, à l’ouest du Burkina Faso, la Régie participe, depuis sep-tembre 2005, à la rénovation de bâtiments publics. Déjà l’internat et le réfectoire d’un centre de formation, ainsi

que les locaux d’une équipe d’éducateurs qui servent à accueillir les enfants des rues, ont été entièrement refaits. En juin, un dispensaire géré par l’ONG Medicus Mundi et une école seront également réhabilités.Chacun de ces chantiers de second œuvre en bâtiment, d’une durée d’un mois, permet à six jeunes Français et autant de Burkinabés de 18 ans environ, de s’inscrire,

pendant leur parcours de professionnalisation, dans une action originale visant l’apprentissage d’un métier et la découverte d’une autre culture. Ces chantiers favorisent également un moment de longue rupture avec le milieu d’origine, qui laisse aux jeunes le temps de réfléchir à leur situation et à la définition d’un projet personnel.L’encadrement des chantiers est assuré à la fois par l’en-cadrant technique de la Régie et l’accompagnateur éduca-

tif de l’ARRADEP, association de développement d’actions d’inser-tion et de forma-tion, créée par les bailleurs sociaux et partenaire de l’opération.Pour la Régie, l ’ a c t i o n n e s’arrête pas là. « Au-delà de la dimension d’in-sertion et de for-mation, c’est un projet citoyen, porté par un

réseau de bénévoles. Le dernier chantier a d’ailleurs accueilli un groupe de bénévoles de la Régie », précise le directeur, Thierry Escudéro. Premier bilan : sur six jeunes par-

tis en septembre dernier, cinq suivent aujourd’hui un parcours de formation qualifiante ou ont signé un contrat de droit commun.

L’équipe du chantier du Burkina Faso.

Voyage de Noël en AlsaceRégie des quartiers Sud et Régie inter-quartiers

Nord - Mâcon (71)

Page 3: juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

En direct du Réseau

P O R T R A I T D ’ A C T E U R SAnne Mistral

Régie de quartier du XIXe Nord, Paris

« Développer le lien social, monter des projets de A à Z, travailler avec les habitants, c’est exactement ce que j’ai envie de faire ! », s’est dit Anne Mistral, en découvrant l’annonce passée par la Régie. Une licence de cinéma, de pre-mières expériences professionnelles dans le domaine culturel, une formation à l’aménagement du territoire... Anne est loin de penser qu’elle est la candidate

idéale. Elle convainc pourtant le CA et le directeur qui se félicitent aujourd’hui d’avoir misé sur l’énergie et le sens créatif de la jeune femme. « J’avais une mission bien précise, mais libre à moi d’inventer les moyens d’y parvenir. » A un minutieux travail de terrain dont l’objectif est de faire connaître la Régie, elle met sa touche personnelle, originale, humaine, joyeuse. Dernièrement, pour attirer les habitants à la bricothèque, Anne et son équipe ont distribué des tracts dans les boîtes aux lettres. Mais elle a également installé en pied d’immeuble le camion blanc de la Régie, couverts de dessins d’outils réalisés par les enfants du quartier. Dans le mégaphone, Anne, sa collègue et quelques habitants, vêtus d’une salopette et d’une casquette, interpellaient les habitants. « Nous sommes passés très vite de trois usagers par mois à trois par semaine. »Désormais directrice adjointe, toujours en charge du lien social, Anne a pris en charge le suivi administratif des salariés. « Détaché de l’activité technique, le pôle social ne veut rien dire. C’est beaucoup plus facile maintenant que je rencontre régulièrement les salariés. Car ce sont aussi des habitants. » Il y a bien sûr les moments de doute, un sentiment d’impuissance face à certaines situations humaines. Mais en fédérant les partenaires autour d’un projet, Anne sent toute la force d’un groupe où chacun va dans le même sens.

Info-réseau N°37 3

Un espace ouvert aux projets du quartierRégie de quartier Fontaine au Roi - Paris XIe (75)

La nouvelle Régie a ouvert un espace d’accueil, de ren-contres et d’initiatives solidaires. Le quartier « Fontaine au Roi » souffre d’une pénurie de salles mises à la dis-position des habitants. « Implantée dans une rue très passante, la Régie est identifiée par nombre d’entre eux comme un outil au service du quartier. Il nous a paru naturel d’y accueillir cet espace de solidarité », indique le directeur, Yves-Paul Viteau.Occupant près de la moitié de la surface de la Régie, l’espace est disponible en permanence. Pour en bénéfi-cier, il suffit d’exposer son projet et de « demander les clés ». Il peut s’agir aussi bien de cours d’alphabétisation, de petits-déjeuners organisés par une association pour favoriser les échanges avec la communauté chinoise, ou encore de l’accueil d’une association de jeunes femmes menant une action humanitaire en direction du Mali.Pour la Régie, l’accès à cet espace doit rester autonome. Les projets s’y forment et s’y développent à leur rythme, sans intervention systématique de la Régie. « C’est un espace d’initiatives, en direction des habitants, cohérent par rapport à la philosophie des Régies », souligne Yves-Paul Viteau.

Navigation sur le net

Dans le cadre du Contrat

de ville, la maison des

jeunes de Nevers vient

d’être équipée de trois

postes informatiques par

Cédric Picard, animateur

multimédia de la Régie

de Nevers. L’objectif de

la maison des jeunes,

par l’intermédiaire de

Cédric, est de créer avec

les jeunes un CDrom

interactif qui sensibilisera

sur les risques de

certaines substances

(alcool, tabac...).

Sa diffusion est prévue

en fin d’année.

Le Journal du Centre –

14 février 2006

Restauration d’un

catamaran

En partenariat avec

le Conseil général,

le Conseil régional,

la DDTEFP et Air et Océan,

organisme de formation,

la Régie de quartier

de Bordeaux a mis

en place un chantier

d’insertion sur la

restauration d’un

catamaran de 12 mètres,

le Brancaléone. Pour clore

les six mois de chantier,

les six salariés ont reçu le

public lors d’une journée

Portes ouvertes. La mise

à l’eau du voilier a eu lieu

le 27 avril.

Sud Ouest – 13 mars

2006

La presse parle des Régies

Page 4: juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

4 Info-réseau N°37

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Médiateurs de la nuit : une veille qui apaise

Dans des quartiers enclavés, aux heures où les associations et les services publics ont fermé leur porte, plusieurs Régies ont développé avec les Villes, les bailleurs et les habitants une activité de médiation et de veille sociale. Dans le prolongement de l’activité technique des Régies, ces « correspon-dants de nuit » écoutent, conseillent, rassurent. Lors des violences urbaines de novembre, l’équipe de la Régie de Blanc-Mesnil a prouvé la qualité et l’utilité de ce service de proximité.

«Je tiens à vous remercier pour votre présence et les mesures que vous avez su faire appliquer, au sein de votre équipe de correspondants de nuit. (…) Le rôle

que vous avez joué pour maintenir la tranquillité sur nos sites a été essentiel. » Ce courrier, adressé au cours des violences urbaines à la Régie de quartier par le directeur régional d’Efidis, un des bailleurs de Blanc-Mesnil, a mis du baume au cœur de la petite équipe de correspondants de nuit. Alors que plusieurs bâtiments col-lectifs ont été gravement endommagés, les déambulations de ces médiateurs noctur-nes semblent avoir largement contribué à éviter heurts et dégâts dans les trois rési-dences où ils interviennent. « Le travail de médiation que nous avions entrepris bien avant a été primordial. Nous avions le sou-tien de la population. Nous n’aurions pas réussi tout seuls », précise Roch Mafouta.Roch est un enfant des quartiers Nord de Blanc-Mesnil. Cependant, comme pour ses collègues, son embauche tient aussi bien au fait qu’il « connaisse tout le monde » qu’à une expérience de vie

Régie de quartier du Nord de Blanc-Mesnil (93)

L’équipe

des correspondants de nuit

est composée de 3

emplois-jeunes

et 2 adultes-relais.

En 2004, ils ont réalisé

en binôme, de 20 h à 3 h

du matin, 1 639 interventions

au cours de 361 nuits.

La hausse globale

de l’activité est de 9,4 %,

avec le même nombre

de logements occupés (806).

La médiation constitue

l’essentiel de l’activité

des correspondants de nuit

(69 % des interventions

contre 13 % pour les actions

de prévention).

Le travail de médiation que nous avions entrepris bien avant a été primordial. Nous avions le soutien de la population. Nous n’aurions pas réussi tout seuls.

Régies et habitants : une régulation de proximité

Une partie de l’équipe de la Régie de Blanc-Mesnil.

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Info-réseau N°37 5

qui, à 35 ans, lui donne la capacité de con-vaincre et la volonté de s’engager. « Notre évolution personnelle et notre inscription dans la vie adulte, active, autonome, a un

réel impact sur la jeunesse. Surtout lorsque l’on s’adresse aux meneurs, ceux qui ont de l’emprise sur les autres. Sans discontinuer, on explique, on conseille, jusqu’à les calmer quand c’est chaud. Beaucoup à froid aussi, car ils ne sont plus les mêmes. De nombreux conflits se règlent en sonnant directement chez les parents. On tente de les impliquer et de les responsabiliser davantage. » Quand la famille de Roch s’est installée à Blanc-Mesnil, « les parents veillaient sur les enfants, que ce soit les leurs ou ceux des autres. Aujourd’hui, ces liens presque villageois, solidaires, se sont relâchés. C’est ce que nous tentons de rétablir à travers notre travail de médiation. Si, par exemple nous sommes sans nouvelles d’une personne âgée, nous frappons chez elle. »

Une veille humaine et techniqueA cette veille humaine, aux règlements par l’écoute et le conseil des conflits de voisinage, des nuisances sonores, se couple une veille technique. Les dysfonctionnements sont recensés par l’équipe, soit lors de leurs déambulations, soit dans le local mis à leur disposition par le bailleur Efidis. « C’est un lieu de passage, ouvert, un lieu de discussion

avec les habitants », précise Roch. Les correspondants de nuit accompagnent un médecin, font respecter le travail des pompiers. Et selon les situations, la médiation peut se faire aussi bien vis-à-vis des jeunes que de la police, afin d’éviter que cela ne dégénère, d’un côté ou de l’autre.Il y a trois ans, la prise en charge du dispositif par la Régie de quartier s’est faite « naturellement », comme l’explique Bruno Marandola, responsable à la Ville de Blanc-Mesnil de

la Mission Tranquillité Sécurité. « Cette activité de média-tion est dans le prolongement de l’activité technique que la Régie développe de jour avec les salariés habitants pour l’embellissement des quartiers. » Le comité de pilotage, qui réunit les bailleurs, la Ville, Mamadou Diallo, directeur de

la Régie, et son adjoint, Mourad Aitkaci, évalue lors de réunions régulières l’effi-cacité du dispositif. Mais c’est à la Régie que tous les quinze jours sont étudiés les problèmes rencontrés par l’équipe des correspondants de nuit.Au même titre que l’activité de nettoyage ou de second œuvre en bâtiment, la médiation est en cohérence avec le projet de la Régie. « Ce service apporte une suite suite p.6

Cette activité de médiation est

dans le prolongement de l’activité

technique que la Régie développe

de jour avec les salariés habitants

pour l’embellissement des quartiers.

Roch Mafouta, correspondant de nuit et Mourad Aitkaci, directeur-adjoint

Monique Vervoitte, membre du Bureau de la Régie, présidente d’une Amicale de locataires

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« Ils sont là pour le bien commun et tout le monde s’y retrouve ! »

Résidence Germain-Dorel, dont la belle architecture est protégée au titre des Monuments historiques, le bailleur Efidis gère 265 logements sociaux. Ce bailleur a contracté avec la Régie 502 heures de médiation et 34 heures de nettoyage et de second œuvre en bâtiment. Didier Simon, directeur régional, est convaincu de l’efficacité du dispositif

« Correspondants de nuit », un nouveau métier qu’il faut selon lui diffuser et développer.

«L es correspondants travaillent

en terrain connu. Ils sont très

proches des gens du quartier. On ne

peut pas pour autant les assimiler

à des « grands frères ». Ce sont

de véritables professionnels, formés

et aptes à maintenir la distance

nécessaire avec les locataires. Rien à

voir non plus avec la police. Ils ne sont

pas là pour dénoncer, réprimer, mais

pour instaurer, à un instant T,

un dialogue, une relation de confiance.

Salariés de la Régie, les correspondants

sont neutres. Ils ne peuvent être

soupçonnés d’être à la solde du bailleur

ou de la Ville, de protéger des intérêts

particuliers. Ils sont là pour le bien

commun et tout le monde s’y retrouve.

Lors des violences urbaines,

les correspondants étaient dans une

discussion permanente avec

les habitants. Ils ont pris soin

de raccompagner chez eux les mineurs.

Nous, par la force de l’habitude,

on ne perçoit plus forcément ce

qu’il y a d’exceptionnel et de confortable

dans ce dispositif de médiation.

En novembre, son utilité a été clairement

démontrée. Mais tout un travail

pédagogique reste à faire auprès

des communes pour développer

ce nouveau métier. »

de la p.5 réponse à des problèmes et à des carences qui affectent les quartiers de notre territoire. Qu’il s’agisse des dégradations de parties communes ou du sentiment d’insécurité… »,

explique Mamadou Diallo.Monique Vervoitte, membre du Bureau de la Régie, présidente d’une Amicale de locataires et référente d’immeuble auprès du bailleur, en constate les effets. « A la Régie, à l’Amicale, au centre social, on essaie d’améliorer la vie quotidienne des habitants. Dans notre résidence, le soir, elle était devenue vraiment

difficile. On s’est battu pour obtenir une déambulation des correspondants de nuit. J’ai fait du porte à porte pour présenter leur tra-vail. Depuis qu’ils sont là, beaucoup de choses ont changé. Peu à peu le calme revient, les locataires sont con-tents, on s’endort dans le silence. »

Récemment, un nouveau bailleur a signé une convention pour bénéficier de ce service. Une autre est en cours avec un bailleur qui au départ y était opposé, considérant que ce rôle était celui de l’Etat. Pour Monique, « les émeutes ont malheureusement montré tout l’intérêt d’un effort de prévention et de médiation qui tisse des liens de proximité, au quotidien et dans la durée. »

On s’est battu pour obtenir une

déambulation des correspondants

de nuit. J’ai fait du porte à porte

pour présenter leur travail. Depuis

qu’ils sont là, beaucoup de choses

ont changé.

Résidence Germain-Dorel, où se tient le local des correspondants de nuit.

Page 7: juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

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Info-réseau N°37 7

Les habitants et leurs associations, acteurs de la régulation sociale

En novembre dernier, les 130 territoires où intervien-nent les Régies de quartier, classés « sensibles » pour la quasi-totalité d’entre eux, n’ont connu qu’à deux ou trois exceptions près des moments de violence urbaine. Comment expliquer cette différence avec d’autres quar-tiers ? Bernard Reverdy, Président du C N L RQ , revient sur les modes de régulation qui sont une des réponses apportées par les habitants eux-mêmes.

Lors de notre Assemblée générale de mai 2005, le dia-gnostic que nous portions sur les quartiers repre-nait les constats faits par l’Institut national d’études

démographiques, le rapport de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », ou les analyses du statisticien Eric Maurin. La paupérisation, la discrimination et la relégation sont présentes dans les quartiers où nous agissons. Ce qui fait la différence doit être recherché dans les modes de régulation que certains quartiers ont su développer depuis des années et dans lesquels se sont impliquées de nom-breuses Régies, donc des habitants.

La médiation socialeLa médiation sociale a été définie en 2000, lors d’une ren-contre européenne organisée par la Direction interminis-térielle à la Ville, comme « un processus de création et de réparation du lien social et de règlement des conflits de la vie quotidienne, dans lequel un tiers impartial et indé-pendant tente, à travers l’organisation d’échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider à améliorer une relation ou de régler un conflit qui les oppose ».Nombreuses sont les personnes qui, sans mandat particu-lier, sont reconnues pour leurs capacités à régler les petits conflits et dont l’autorité naturelle suffit à éviter les déra-pages. C’est ce que le sociologue Marc Hatzfeld* appelle la « régulation de village » et qui reste importante dans les communautés issues de l’immigration. En stabilisant certains de leurs salariés dans des emplois durables sur le quartier, les Régies leur ont favorisé l’accès à ce rôle. Ainsi les 35 « correspondantes de coursive » qui entretiennent les immeubles de l’Arlequin, à Grenoble, ont pu se comporter comme modératrices auprès des « grands jeunes » lors des évènements de novembre dernier.Les associations, et particulièrement celles créées par les jeunes pour la pratique du sport, ou encore celles ayant un objectif interculturel, jouent également ce rôle d’intermé-

diation. Cela leur est plus difficile si elles n’interviennent plus que dans le cadre d’une délégation de service public, sans liberté d’initiatives.De leur côté les Régies de quartier ont toujours estimé que la médiation sociale était une dimension transversale des différents métiers qu’elles pratiquaient. Les équipes en charge du nettoyage des parties communes ont ainsi un rôle de médiation autour de la propreté, non seulement pour faire respecter leur propre travail, mais également pour intervenir dans les conflits ou les incompréhensions autour des encombrants, de la collecte sélective, du respect des boites aux lettres...Dans plusieurs villes, les Régies ont été sollicitées par les habitants et leurs partenaires pour développer des corres-pondants de nuit. Notre article sur le dispositif de Blanc-Mesnil montre bien le rôle modérateur qu’ils ont pu jouer en novembre 2005.

Lieux et temps de paroleL’organisation de lieux et de temps de parole est un élé-ment complémentaire des dispositifs de médiation. C’est ce qu’ont compris les élus de Chambéry qui ont facilité l’ouverture par le centre social et la Régie de quartier d’un lieu pour tout public, ouvert le soir de 18 h à 22 h. C’est dans ce type de lieux que la parole peut se libérer.Enfin, nombreux sont les administrateurs des Régies qui ont organisé des temps de parole avec les salariés pour analyser la situation. Rappelons que les Régies sont géné-ralement les premiers employeurs privés des quartiers où elles interviennent. L’écoute de leurs salariés est un élément de compréhension des mouvements sociaux qui se mani-festent sur leur territoire.Bien sûr, ces modes de régulation ne peuvent à eux seuls répondre à l’attente des jeunes qui s’est violemment expri-mée en novembre. Ils facilitent cependant une démarche politique et citoyenne qui fera que les habitants pourront prendre la place qui leur revient dans l’organisation de la société et de ses choix économiques et sociaux.

* Petit Traité de la banlieue. Repères pour l’intervention sociale, Dunod,

Page 8: juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

En direct du Réseau

8 Info-réseau N°37

En direct du Réseau

Nouveau code des marchés publics :enrichir les outils du Réseau

Annoncée depuis le début de l’année, la sortie du nouveau code des marchés publics (NCMP) devrait finalement intervenir après l’été. Le projet de décret est actuellement en cours d’examen par le Conseil d’Etat. Ce code devra être appliqué dès sa parution par les collectivités publiques et autres donneurs d’ordre.Au sein du Réseau,

le groupe de travail « marchés publics », composé de quatre directeurs de Régie et qui s’est récemment attaché les services d’une juriste bénévole, a engagé un travail pour enrichir nos outils méthodologiques. Pour ce faire, il travaille avec l’appui du cabinet Ernst&Young (qui avait réalisé notre premier guide sorti en 2002) : actualisation du guide, avis sur différents types de marchés pouvant avoir valeur d’exemple (marché d’insertion, clauses sociales...).Le 20 juin, dans le cadre de la formation continue des directeurs, une journée de formation sera consacrée à l’accès aux marchés publics.

La santé publique au cœur des préoccupations du Réseau

Une convention de partenariat avec la Ligue nationale

contre le cancer est en cours de signature avec le CNLRQ . Il s’agit, à titre expérimental, de réaliser un travail de mobilisation des femmes afin de les sensibiliser au dépistage du cancer du sein. Actuellement, plus de 10 000 décès de femmes sont enregistrés chaque année, dont un grand nombre faute de dépistage précoce. Beaucoup d’entres elles sont issues des quartiers populaires. Une dizaine de Régies de quartier du Bas-Rhin, de Haute-Garonne, de Gironde, du Gers, de la Réunion et des Côtes-d’Armor participeront à cette opération en lien étroit avec les Comités départementaux de la Ligue. Des outils spécifiques de communication, réalisés par le CNLRQ , seront mis à la disposition des Régies.

Un nouvel animateur NTIC

Aurélien Villette a

rejoint l’équipe du

CNLRQ, rue Sedaine,

comme animateur NTIC

(Nouvelles technologies

de l’information et de la

communication).

Outre la réalisation des nouveaux sites, il poursuivra le travail

de sensibilisation et de formation à l’utilisation des NTIC au

sein du Réseau et contribuera à la conception de différents

outils de communication.

Il présentera, lors de la prochaine assemblée générale,

la nouvelle identité visuelle du site www.regiedequartier.org.

V I E D U R É S E A U

C O M M U N I C A T I O NGuy Dumontier, Président d’honneur du CNLRQ,en présence de monsieur Xavier Bertrand, Ministre de la santé et monsieur Henri Pujol Président de la Ligue contre le cancer.

Page 9: juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

En direct du Réseau

Info-réseau N°37 9

En direct du Réseau

Du 7 au 15 octobre

2006, chaque

Régie est invitée à

mettre en place un

événement sur son

territoire afin de

communiquer sur

son projet auprès

de l’ensemble de

ses partenaires.

Ces événements

participeront

également de la

politique de communication globale

du Réseau et favoriseront sa politique

de développement. Ils permettront en

outre de consolider la culture de Réseau

à partir d’un événement annuel national.

Le Comité national a fait appel à

deux stagiaires, Stéphanie et Sofia.

Responsables du projet dans

sa globalité et de sa bonne marche, leur

mission principale est de concevoir

et de mettre en place le plan de

communication permettant

d’aboutir à la multiplication

de ces événements locaux

dans les Régies en automne

2006, mais aussi de rechercher des

financeurs (sponsoring, mécénat...), de

faire le lien avec les Régies et d’élaborer

un plan média. Vous serez certainement

amenés à rencontrer Stéphanie et

Sofia dans les prochains mois. Nous

comptons sur votre chaleureux accueil !

Régies de territoire : un guide méthodologique

Depuis plus de 10 ans, le Comité

national expérimente le concept

de Régie de territoire. Quatre Régies

sont aujourd’hui labellisées sous ce

vocable : Lectoure, Lunel, Mauvezin

et Villeneuve-sur-Lot. La Commission

Développement a

décidé de la

constitution

d’un groupe

de travail dont

la principale

mission est

d’élaborer

le cahier des

charges en

vue de la rédaction

d’un guide méthodologique spécifique

à ce type de Régies. Spécialiste du

développement local en milieu rural,

la SCOP SAPIE accompagnera ce

groupe à plusieurs niveaux : analyse

des projets des Régies existantes,

accompagnement du groupe dans

la réflexion, rédaction du guide.

D É V E L O P P E M E N T

Projet Régies en Constellation : un événement dans chaque Régie

Un engagement fort du CNLRQ aux côtés des RégiesLa formation des acteurs du projet de Régie de quartier,

bénévoles et professionnels, est une des composantes

essentielles de la vie du Réseau national. La Commission

Formation du CNLRQ s’articule autour d’une coordination qui

a réalisé le bilan de l’année 2005 et qui déterminera un projet

de formation pour 2006/2007. Les membres de la Commission

(22 personnes de 19 Régies différentes) se répartissent en cinq

groupes de travail thématiques : les fondamentaux du plan de formation du CNLRQ :

Rencontres Acteurs, formation des permanents et des

bénévoles ; la formation continue des directeurs et nouveaux

directeurs ; la démarche de progrès ; le partenariat avec Habitat Formation et la Commission

paritaire nationale Emploi Formation ; le diagnostic des besoins.

Chaque groupe se réunit en moyenne trois fois par an.

Les objectifs de la Commission Formation sont : de promouvoir et pérenniser les rencontres acteurs, richesse

spécifique du Réseau ; de favoriser l’échange et la mutualisation des pratiques ; d’anticiper et accompagner les évolutions techniques,

réglementaires, ou celles de la vie associative ; de maintenir collectivement le sens et la cohérence des

actions et projets des Régies de quartier. de co-construire une culture de réseau.

Stéphanie Diene et Sofia Djaadaoui, responsables du projet.

F O R M A T I O N

Page 10: juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

En direct du Réseau

10 Info-réseau N°37

du Réseau

INFO-RÉSE AUDirecteur de la publication Bernard ReverdyComité de rédaction et rédaction Zinn-Din Boukhenaïssi, Betty Erhlich, Guy Lafrechoux, Valérie Lamour, Anne Mistral, Hervé Reb, Vincent Ricolleau, Didier Testelin.Rédaction Marie MichaudSecrétariat de rédaction Gwendoline GrimontIllustrations Albert Maquette Patricia Chapuis Imprimeur L F T , MontreuilNuméro de dépôt légal 91/0322.Abonnement 12,20 Euros (4 n°).Comité National de Liaison des Régies de Quartier 47-49, rue Sedaine 75011 Paris.e-mail [email protected] www.regiedequartier.org Cette publication a bénéficié du soutien du ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité : – D G E F P – Délégation générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle, – D G A S – Direction Générale de l’Action Sociale, – D I V – Délégation Interministérielle à la Ville,

– F S E – Fonds Social Européen.

FONDS SOCIAL EUROPÉEN

RÉGIES L ABELLISÉES Régie des quartiers La Gabare, Bègles (33) Régie de territoire du Villeneuvois, Villeneuve-sur-Lot (47)

SITES EN E XPERTISE Paris IIIe (75) Aulnay-sous-bois (93)

En direct

Services aux habitantsL’objectif est de favoriser

la reconnaissance par les

partenaires institutionnels

et les acteurs des différents

services aux habitants mis

en place par les Régies. Il

s’agit ainsi de maintenir

et de développer des

activités existantes dans les

quartiers, tout en permettant

aux Régies d’accéder aux

dispositifs proposés par

l’Etat : agrément, Chèque

Emploi Service universel

(CESU), exonération de

cotisations sociales...

A l’occasion de différentes

rencontres avec le cabinet

du Ministère de l’Emploi

et de la Cohésion sociale,

l’Agence nationale des

services à la personne, les

réseaux et autres organismes

intervenant sur ce secteur,

l’état des lieux issu de

l’Assemblée générale de

mai 2005 ainsi qu’une

étude nourrie d’exemples

concrets ont servi de base

à la présentation de nos

pratiques, de leur sens dans

le cadre de notre projet, et

des pistes de développement

des services aux habitants.

En outre, une réflexion a

été engagée avec l’U NCASS afin d’explorer des pistes de

partenariat.

Culture et formation à l’économie solidaireIl est envisagé de travailler autour

de la culture du Réseau en montrant

en quoi les Régies sont des acteurs

de l’économie solidaire, comment, avec

qui... Ces travaux seront utiles aussi bien

aux personnes qui rejoignent le Réseau

qu’à celles qui sont en poste depuis plus

longtemps. Dans un premier temps,

il s’agit d’intégrer cette dimension

au cours de certains modules

de formation déjà existants (stages

acteurs...). Dans un second temps,

la Commission proposera une action

de formation spécifique élaborée à partir

d’un référentiel de l’économie solidaire

construit par le Réseau.

Solidarité internationaleSur ce thème, trois axes ont été retenus : capitaliser et diffuser dans le Réseau

les expériences et les projets des Régies

en matière de coopération internationale Nord/

Sud ; poursuivre, à l’échelle européenne, le travail

déjà engagé au sein du Conseil de l’Europe

et proposer des pistes de développement pour

l’Association européenne des Régies de quartier

(AE RDQ) ; au niveau du MES (Mouvement pour

l’Economie Solidaire), impliquer le Réseau

dans les différents projets, et notamment

celui de la préparation de la prochaine

rencontre internationale de l’économie

solidaire qui se tiendra à Ostende,

en avril 2007.

É C O N O M I E S O L I D A I R E

Dans le prolongement des travaux engagés, la Commission économie solidaire a décidé de constituer trois groupes sur différents thèmes prioritaires pour les Régies : les services aux habitants ; la culture et la formation à l’économie solidaire ; la solidarité internationale.

Page 11: juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

En direct du Réseau

Quand les banlieues brûlent... Retour sur les émeutes de novembre 2005

Une analyse croisée des événements

de novembre 2005 qui soulève de

nombreuses questions : Pourquoi l’école

n’est plus vécue comme lieu de promotion

sociale ? Quelle est la situation sociale

des habitants de ces quartiers ? Les jeunes

émeutiers ont-ils été « instrumentalisés » ?

Quelle police pour quelles missions dans

nos quartiers ? Sous la direction de Laurent

Mucchielli et Véronique Le Goaziou, La Découverte, 2006, 8,50 f.

Ville, quartiers, banlieuesLes ressources des habitantsL’indignation provoquée par les simplifications stigmatisantes

lors de la crise de novembre 2005 a rassemblé,

autour des rédacteurs de la revue Economie et Humanisme,

des associations de professionnels du social, des élus,

des chercheurs et le CNLRQ. Cette crise révèle celle de notre

société qui ne sait pas utiliser le potentiel considérable

des banlieues sur le plan humain. Ce dossier présente cette

richesse des habitants des cités avec en particulier quelques

bons exemples en provenance de notre Réseau.

Economie et Humanisme, n° 376, mars 2006, 13 f.

Français comme les autres ? Enquête sur les citoyens d’origine

maghrébine, africaine et turqueCette enquête réalisée en 2005 porte

sur un échantillon de Français d’origine

immigrée comparé à un « échantillon

miroir » de la population française. Elle pose

des questions aussi diverses que : des

Français plus religieux et moins laïcs ? Une

culture de l’assistanat ? Intégration et égalité des chances ?...

Un ouvrage d’une grande rigueur intellectuelle

et scientifique, un outil de travail précieux.

Sylvain Brouard et Vincent Tiberj, Sciences Po, Les Presses, 2005, 10 f.

Villeneuve de Grenoble, la trentaineQu’est devenue l’expérience pilote conçue par Hubert

Dubedout dans les années 1970 ? Plutôt qu’une reconstitution

historique ou une analyse sociologique, ce livre, illustré de

très belles photos, restitue le sens que chacun peut donner au

« vivre ensemble » à la Villeneuve.

Paroles d’habitants avec Hervé Bienfait, Editions Cnossos, 20 f.

Info-réseau N°37 11

Écouter V O I R

Mai

Jeudi 4 Définition du cahier des charges Outils de gestion, à Trélazé (49).Jeudi 11 et vendredi 12Formation à la comptabilité Région Ile de France (1er module).Mardi 16Commission Economie Solidaire, Paris (75).Mercredi 17 maiBureau du CNLRQ, Paris (75).Lundi 22Présentation du projet Régies en Constellation à la FAPE.

Juin

Jeudi 1er et vendredi 2Formation à la comptabilité Région Ile de France (2e module).Vendredi 2Groupe de travail Régie de Territoire, Toulouse (31).Vendredi 9 et samedi 10Assemblée générale du CNLRQ, Noisy-le-Grand (93).Samedi 10 juinConseil d’administration du CNLRQ, Noisy-le-Grand (93).Samedi 17 et dimanche 18Rencontre acteurs, cycle 3 (3e module), à Bezons.Mardi 20 et mercredi 21Formation des directeurs « La commande publique :

la stratégie des Régies en matière d’accès aux marchés publics » et « Régie de quartier, prestataires de services ? », à Paris.Mercredi 28Groupe de travail Commission Formation : le partenariat avec Habitat-Formation et la Commission Paritaire Emploi Formation.Jeudi 29 et vendredi 30Formation à la comptabilité Région Ile de France (3e module).

Juillet

Mardi 4Groupe de travail Commission Formation : la Démarche de Progrès.Mardi 11Groupe de travail Commission Formation : la formation continue des directeurs et nouveaux directeurs.

Septembre

Jeudi 14 Commission Développement, Paris (75).Jeudi 21, vendredi 22 et samedi 23Rencontre acteurs cycle IV (1er module), à Avignon (84).Vendredi 22, samedi 23 et dimanche 24 Séminaire des Présidentes et Présidents.

p Les rendez-vous du CNLRQ

En direct

Lire

Page 12: juin – septembre 2006 INFO-RÉSEAU

12 Info-réseau N°37

EN

TR

ET

IEN Entretien

avec Laurent

Mucchielli

Laurent Mucchielli,

sociologue et

chercheur au CNRS.

Il vient de publier

avec Véronique

Le Goaziou

Quand les banlieues

brûlent. Retour

sur les émeutes de

novembre 2005

(voir p. 11).

Les événements d’octobre et novembre 2005 étaient-ils prévi-

sibles? Qu’avaient-ils de singulier et que nous disent-ils?

Oui, c’était prévisible car aucun des problèmes de fond qui dégradent la situation dans les quartiers dits sensibles depuis quinze ans n’est réglé, ni même significativement atténué depuis 2002. Le premier est la situation écono-mique. Le débat public discute des petites variations du taux de chômage national entre 9 et 10 % de la population active. Mais ces chiffres n’ont rien à voir avec la réalité des quartiers où le taux de chômage des jeunes hommes nés de père ouvrier et sortis sans diplôme de l’école approche 50 %. Et si l’on pouvait mesurer les effets de discrimina-tions liés au quartier ou à la couleur de peau, ce taux serait encore supérieur. A quoi il faut ajouter que, lorsqu’ils se sentent « largués » dès l’école primaire, et qu’ils sont orien-tés rapidement vers les filières techniques, une partie des jeunes développe un très fort ressentiment vis-à-vis de l’institution scolaire.Ensuite, il faut évoquer les conflits qui se cristallisent sur la question des modes d’intervention de la police. Le quo-tidien, ce sont des contrôles incessants que les jeunes per-çoivent comme des contrôles au faciès, humiliants voire violents, et auxquels ils répondent à leur manière. Il y a là un cercle vicieux qui s’est installé depuis des années et que personne n’a le courage politique de dénoncer comme tel car cela supposerait une réforme profonde des façons de faire de la police dans les quartiers populaires.A cela s’ajoute enfin l’humiliation symbolique globale qui ressort de l’image désastreuse renvoyée aux habitants de ces quartiers par les médias et les politiques. Tout ceci nourrit en permanence dans cette jeunesse des sentiments de colère, d’injustice, d’humiliation et d’exclusion.

L’affirmation selon laquelle les jeunes étaient majoritaire-

ment des délinquants et ont été instrumentalisés durant les

émeutes par des groupes ou des individus vous parait-elle

crédible ?

Non, c’est un leurre. Lorsqu’un petit groupe de malfai-teurs cambriole un entrepôt, ce qui nécessite une prépa-ration, un repérage, un équipement, etc., on a affaire à de la délinquance organisée. En quoi ce modèle peut-il être appliqué lorsque des dizaines de jeunes s’affrontent des nuits entières avec les CRS ou mettent le feu à des bus ou à des bâtiments publics ? Nous sommes ici dans le contexte des émeutes ou révoltes urbaines, qui sont des déchaînements de violence temporaires, émotionnels et improvisés. Il n’y a ni organisation délinquante ni cons-truction idéologique. Du reste, les magistrats qui les ont jugés ensuite ont confirmé que la plupart des émeutiers étaient des « primo-délinquants ». Ce sont enfin les RG eux-mêmes qui ont démonté la thèse du Ministre de l’Intérieur dans leur rapport du 23 novembre, dévoilé dans la presse le 7 décembre.

Selon vous, quel rôle, quelle place devrait-on accorder aux

habitants dans les processus de construction démocratique

dans les quartiers ? Et quelle est la place pour des réseaux

associatifs comme les nôtres ?

Un rôle certainement plus grand que celui qui prévaut aujourd’hui. Les habitants sont les « parents pauvres » des actions qui sont mises en place dans les quartiers : la plu-part leur sont destinées, elles sont faites pour eux, mais rarement avec eux. De ce point de vue, la « participation des habitants », en principe inscrite au cœur de la politique de la Ville, est un échec : parfois informés, rarement con-sultés, les habitants ne sont quasiment jamais associés aux décisions qui impactent pourtant sur leur vie quotidienne et sur leur avenir. D’où l’importance des associations qui peuvent faire de la médiation, servir de porte-parole et contribuer à ce que les habitants se sentent exister comme acteurs à part entière du processus de construction démo-cratique dans les quartiers.