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L ES USAGES DU NUMÉRIQUE DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ EN A FRIQUE AUDE S HOENTGEN ? ,BEYDI S ANGARÉ ?? ,HAMIDOU CISSÉ et NELLY AGBOKOU †† ? Economiste, consultante indépendante, TIC ?? Ingénieur, Telecom SudParis Ingénieur, CNAM Paris †† Docteure en Pharmacie, Université de Nancy Résumé Les défis en matière de santé sont nombreux en Afrique. Il s’agit notamment de répondre au manque d’infrastructures, à la pénurie de person- nel médical afin d’augmenter l’accès des popula- tions aux soins. L’essor du numérique durant ces dernières années sur le continent a permis son intégration au secteur de la santé donnant lieu à l’e-santé. Cette étude montre comment l’e-santé permet d’apporter une réponse plus adaptée au déficit de professionnels de santé, aux probléma- tiques de prévention, de diagnostic et de traite- ment. Elle expose également les conditions indis- pensables au développement de l’e-santé notam- ment l’amélioration de la connectivité à l’internet, l’augmentation de l’investissement, l’optimisation du cadre règlementaire ou encore la coopération régionale. Table des matières 1 Introduction ............................. 2 2 Les principaux défis et contraintes du secteur de la santé en Afrique .......................... 2 3 Le numérique comme moyen d’accès à la santé en Afrique ................................ 11 4 Les conditions indispensables au développement de l’e-santé ............................... 16 5 Conclusions et recommandations ............ 20 Bibliographie ........................... 22 1

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LES USAGES DU NUMÉRIQUE DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ

EN AFRIQUE

AUDE SHOENTGEN?, BEYDI SANGARÉ??, HAMIDOU CISSɆ et NELLYAGBOKOU††

?Economiste, consultante indépendante, TIC??Ingénieur, Telecom SudParis

†Ingénieur, CNAM Paris††Docteure en Pharmacie, Université de Nancy

Résumé

Les défis en matière de santé sont nombreuxen Afrique. Il s’agit notamment de répondre aumanque d’infrastructures, à la pénurie de person-nel médical afin d’augmenter l’accès des popula-tions aux soins. L’essor du numérique durant cesdernières années sur le continent a permis sonintégration au secteur de la santé donnant lieu àl’e-santé. Cette étude montre comment l’e-santépermet d’apporter une réponse plus adaptée audéficit de professionnels de santé, aux probléma-tiques de prévention, de diagnostic et de traite-ment. Elle expose également les conditions indis-pensables au développement de l’e-santé notam-ment l’amélioration de la connectivité à l’internet,l’augmentation de l’investissement, l’optimisationdu cadre règlementaire ou encore la coopérationrégionale.

Table des matières

1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

2 Les principaux défis et contraintes du secteur de lasanté en Afrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

3 Le numérique comme moyen d’accès à la santé enAfrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

4 Les conditions indispensables au développement del’e-santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

5 Conclusions et recommandations . . . . . . . . . . . . 20

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221

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1 IntroductionLe troisième des Objectifs de Développe-

ment Durable 1, établis en 2012 par le Pro-gramme des Nations Unies pour le Développe-ment, concerne explicitement la santé. Bienque des avancées historiques aient été ef-fectuées ces dernières années, les questionsde santé sont encore loin d’être résolues enAfrique, entre « une insuffisance de moyenshumains et financiers, aggravée par une faibleperformance des systèmes de santé et uneforte croissance démographique » 2. En effet,les pays africains pâtissent encore du manqued’infrastructures de qualité, de personnelscompétents, d’un coût élevé des soins et dedifficultés à traiter les situations d’urgence.

Pourtant, les atouts ne manquent pas surle continent africain, qui présente notammentun environnement favorable au développe-ment de l’e-santé. Le nombre de smartphonessur le continent a explosé ces deux dernièresannées - le parc actuel étant de près de 300millions 3 - permettant l’accès à internet etl’utilisation d’applications par les populations.Par ailleurs, le sous-investissement dans lesinfrastructures de santé a laissé la place àdes innovations dans le domaine numérique,faisant du continent un véritable réservoird’innovations technologiques et sociales 4.

Le numérique a démontré son utilitééconomique et sociale dans de nombreuxsecteurs, permettant l’accès à de nouveauxservices, à la connaissance et à l’information,une réduction des distances, du temp etdes coûts de transaction. La question desavoir comment les africains peuvent tirerparti du numérique pour améliorer l’accèset l’usage des services de santé est donc iciprimordiale. Cette analyse revient d’abord sur

1. UNDP, Objectifs de développement, 2016 :http://www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals.html

2. Dominique KEROUEDAN, Le développementsanitaire en Afrique francophone, 2015 : http://www.diploweb.com/Le-developpement-sanitaire-en.html

3. 296 millions de smartphones, Afrique, Q4 2016(Source : GSMA Intelligence)

4. Ndèye Fatou Sène, Principaux incubateursnumériques en Afrique : http://terangaweb.com/tic-entrepreneuriat-start-up-technologiques/

les principaux défis auxquels est confrontéle secteur de la santé en Afrique, elle étudieensuite dans quelle mesure le numériquepeut constituer un outil d’améliorationdes services de santé et propose enfin desrecommandations pour les différents acteursdu secteur en soulignant le rôle indispensabledes autorités publiques.

2 Les principaux défis etcontraintes du secteur dela santé en Afrique

2.1 Les infrastructures de santé

Dans l’organisation des structures desanté en Afrique, cinq grands niveaux peuventêtre distingués : les structures de premierniveau (dispensaires, cases de santé), leshôpitaux généraux, les structures spécialisées(dédiées à un handicap ou une maladie), lesstructures dites « hôpitaux de districts » et lescentres hospitalo-universitaires (CHU). LesCHU, souvent subdivisés en pôles (réanima-tion, pharmacie, pneumologie, cardiologie,orthopédie), constituent les structures deréférence et se situent généralement dans lesgrandes villes. En dehors de ces structurespubliques, il existe des structures privéestelles que la Clinique Internationale de Dakarou encore la clinique KABALA de Bamako,que l’on trouve surtout dans les grandes villes.

Cependant, malgré cette organisationhiérarchique bien définie, la disponibilité deces infrastructures de santé pose problème.En effet, l’OMS estime que la populationafricaine dispose de 10 lits d’hôpitaux pour10 000 habitants 5 contre 63 lits pour 10 000habitants pour la population européenne.Un taux de disponibilité de lit d’hôpitaux 6

qui varie considérablement entre les paysafricains. En 2009, le nombre de lits d’hô-pitaux fonctionnels disponibles pour 10000 habitants était de 16 pour le Congo(RDC), 4 pour la Côte d’ivoire, 7 pour le

5. Statiques sanitaire mondiales-OMS-2009.6. Le recensement des lits d’hôpitaux est un indica-

teur de la disponibilité des services hospitaliers.

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GRAPHIQUE 1 – Raison de la non-utilisation des structures de Santé (Guinée Conakry)

Source : EIBEP 2002/2003

Burundi et 17 pour l’Algérie contre 28 litspour l’Afrique du Sud. En plus du nombrelimité de lits d’hôpitaux, le manque d’hygièneet d’entretien ou la limite de la maintenancehospitalière 7 prouvent à suffisance quel’hôpital africain a tendance à se dépouillerde sa mission.

La question des infrastructures concerneaussi l’ensemble des équipements hospi-taliers. Dans beaucoup de pays africains,l’équipement lourd (scanner, unité d’IRM,etc.) est souvent concentré dans quelquesrares hôpitaux, voire un seul pour toutle pays. Ces conditions rendent le travaildes professionnels de santé très difficileet limitent l’accès des patients à certainsservices (radiologie, radiothérapie, etc.).Le cas de la panne de la seule machine deradiothérapie du cancer du Sénégal abritéepar l’hôpital Le Dantec de Dakar en est uneparfaite illustration. 8

Un autre enjeu concerne le reste dumaillage qui est composé de dispensaires oucases de santé, généralement situés dans leszones rurales ou reculées. Bien qu’offrant unaccueil, ces derniers n’ont ni le personnel qua-

7. Pr Abdoul KANE, LA VIE SUR LE FIL, Harmattan,Juillet 2013,120 p.

8. La panne de cette dernière en 2017 a en effet étéà l’origine d’un débat houleux au sein de la presse et dela population. Le gouvernement a alors décidé du trans-fert des patients au Maroc à ses frais puis commandétrois machines neuves pour remplacer celle défectueuseet équiper un autre hôpital de la région (courant 2017).

lifié, ni le matériel suffisant pour prodiguerdes soins 9. De plus, la distance entre ces casesde santé et les hôpitaux généraux ou CHU estsouvent importante et les routes qui les relientsont généralement de mauvaise qualité (29% de routes du continent ont un revêtement).Ces facteurs sont à l’origine d’un retard dessoins voire de renoncements aux soins.

Dès la fin des années 1980, plusieurs paysd’Afrique subsaharienne ont tenté d’appliqueren vain une logique de décentralisation etde déconcentration de leurs établissementshospitaliers 10. Par exemple, en Guinée Co-nakry, des réformes inspirées de l’Initiativede Bamako 11 et effectuées à partir de 1988ont permis d’élargir la cartographie des uni-tés sanitaires afin de faciliter l’accès aux soinsde santé primaire, d’améliorer l’efficience desstructures sanitaires et la qualité des presta-tions. Ainsi en 2002, selon le Ministère dela santé, le pays disposait de 370 centres de

9. Entretiens BearingPoint en 2008 et 2009 et H.Tcheng, J-M. Huet, « Les TIC pour aider à pallier lesfaiblesses de la santé en Afrique », Télécoms, n 200,p.70-72, juin 2009

10. Moussa Sanogo, analyse des nouvelles formesorganisationnelles hospitalières en émergence au Mali-Université de Montréal-2012

11. Pour rappel, l’Initiative de Bamako correspond àune réforme de la gestion des systèmes de santé qui apour objectifs de : renforcer les mécanismes de gestionet de financement au niveau local ; promouvoir la par-ticipation communautaire et renforcer les capacités degestion locale ; renforcer les mécanismes de fourniture,de gestion et d’utilisation des médicaments essentiels ;assurer des sources permanentes de financement pourle fonctionnement des unités de soins.3

Les usages du numérique dans le domaine de la santé en Afrique

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GRAPHIQUE 2 – Nombre de médecins pour 100 000 habitants, 2007 – 2013

Source : Organisation Mondiale de la Santé - Atlas of African Health Statistics-2016

santé, 402 postes de santé, 7 hôpitaux régio-naux et 2 hôpitaux nationaux installés dansla capitale. Or, bien qu’harmonieusement ré-parties dans les sept grandes régions admi-nistratives, ces structures ne connaissent pasun taux d’utilisation satisfaisant. Une enquêtemenée par la Direction Nationale de la Statis-tique (Guinée Conakry) pour le compte de laBanque Mondiale a notamment permis d’étu-dier les raisons de la non-utilisation des infra-structures (Graphique 1) 12.

En effet, comme nous pouvons le consta-ter sur le graphique ci-dessus, 1,95% de lapopulation rurale évoque l’éloignement desstructures, 58% de la population urbainen’utilise pas ces dernières à cause de leurétat et 52% des urbains et 48% des rurauxmettent en cause la qualité des prestations.

Afin d’améliorer ces infrastructures ainsique leurs accès, lors de la déclaration d’Abuja(Nigéria) 13 en 2001, les états africainss’étaient engagés à consacrer 15% de leur bud-get total à la santé. 14 Force est de constaterque cet engagement est loin d’être respecté.Actuellement les pays africains consacrenten moyenne 4% de leur PIB au budget de

12. Mohamed Lamine DOUMBOUYA, Accessibilitédes services de santé en Afrique de l’Ouest : le cas dela Guinée, Laboratoire de l’Economie de la Firme et desInstitutions, Université Lyon 2, Janvier 2008.

13. Bulletin de l’Organisation mondiale de la Santé-2010-OMS

14. Rémy Darras, Cliniques et hôpitaux : quand pu-blic et privé opèrent en équipe- Jeune Afrique (consultéle 30/04/2017)

la santé . Néanmoins des différences signi-ficatives existent entre pays : 5,7% en Côted’Ivoire, 4,2% au Sénégal et 6,5% au Magh-reb (avec 7,1% en Tunisie, 6,6% en Algérie),d’après des chiffres de la Banque mondiale,contre 15% dans les pays développés 15.

Face au déficit d’infrastructures sanitairespubliques, le secteur privé a pris le relaisavec la construction de structures hospita-lières ayant des plateaux techniques amélio-rés. C’est le cas par exemple du CBCHB (Ca-meroon Baptist Convention Health Board),structure de santé d’une congrégation reli-gieuse au Cameroun. 16

Il arrive aussi que l’état délègue laconstruction d’infrastructures médicales à despays partenaires afin de disposer d’hôpitauxet d’équipements de pointe. L’Hôpital de dis-trict de Mbalmayo (Cameroun) est, à ce titre,le reflet de la coopération sino-camerounaise,tout comme l’Hôpital Général de Niamey(Niger) ou l’Hôpital du Cinquantenaire deKinshasa (RDC) réalisé dans le cadre d’unpartenariat entre la République Démocratiquedu Congo, la Chine et l’Inde. Toutefois, cettestratégie ne constitue pas une solution de

15. Rémy Darras, Cliniques et hôpitaux : quand pu-blic et privé opèrent en équipe- Jeune Afrique (consultéle 30/04/2017)

16. Le projet concernait la construction de nouvellesinfrastructures sanitaires et l’acquisition d’équipementbiomédical d’une valeur de 7,8Me(5,1Mds FCFA) avecun prêt souverain de 5,4 Me(3,5 Mds FCFA) soit 78%du montant total. Voir le Cameroon Baptist Convention(Consulté le 6 Avril 2017)

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GRAPHIQUE 3 – Nombre de personnel pharmaceutique pour 10 000 habitants, 2007-2013

Source : Organisation Mondiale de la Santé - Atlas of African Health Statistics-2016

long terme 17.

La santé, et notamment les infrastructures,se voient consacrer un budget insuffisant.C’est en grande partie pour cette raisonqu’elles sont souvent vétustes, difficilesd’accès et manquent d’entretien, de plateautechnique et de ressources humaines - quandelles existent.

2.2 Une faible ressource en person-nel médical

Le continent africain est celui qui présentele moins de professionnels de santé avecune moyenne de 3 médecins pour 10 000habitants en Afrique contre 22 en Amériqueet 32 en Europe (Graphique 2). Toutefois,ce ratio varie très fortement d’un pays àun autre. Selon l’OMS, on note ainsi quel’Algérie compte environ 12 médecins pour10 000 habitants alors que des pays commele Togo, le Bénin et le Burkina-Faso ont àpeine 1 médecin pour la même tranche depopulation 18.

De même, l’Afrique compte très peu depersonnels pharmaceutiques : 0,5 pour 10000 habitants contre une moyenne mondialede 4,5 pour 10 000 habitants (Graphique 3).Sans compter le manque d’infirmiers, de

17. Rémy Darras, Cliniques et hôpitaux : quand pu-blic et privé opèrent en équipe- Jeune Afrique (consultéle 30/04/2017).

18. OMS - Atlas of African Health Statistics-2016

dentistes et d’autres professionnels médicauxet paramédicaux. 19 Le constat est donc sansappel : l’Afrique fait face à un réel déficiten matière de personnel médical qualifiéau regard de sa population, une situationqui résulte de la conjonction de plusieursfacteurs.

2.2.1 Le manque de personnel médicalqualifié

En premier lieu, la formation des person-nels médicaux n’est pas adaptée aux besoinsde la population : le numérus clausus ou lenombre d’admis en première année dans lesfilières de santé (Médecine et Pharmacie) esttrès faible. Cela conduit à un nombre limitéde personnel de santé qualifié à la sortie desécoles. C’est le cas du Sénégal qui forme enmoyenne 80 diplômés en médecine par andepuis 2011. 20 Avec ce nombre de médecinsformés par an, la population sénégalaise(11 343 328 habitants) dispose en moyennede 0,07 médecin pour 1000 habitants. Faceà ce faible nombre, le gouvernement amis au point des mesures incitatives ayantpour objectif l’accroissement du nombrede personnels de santé, au rang desquellesfigurent la création de facultés et centresde formation. Ce type de mesures incluantla formation «express» d’intermédiaires

19. OMS - Atlas of African Health Statistics-201620. La fidélisation des personnels de santé dans les

zones difficiles au Sénégal, OMS, 2010 (Consulté le 27Avril 2017)5

Les usages du numérique dans le domaine de la santé en Afrique

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médicaux a ainsi été l’une des solutionsutilisée par le gouvernement togolais pourfaire face au manque de médecins sur sonterritoire dans les années 70. Destiné à formerdavantage d’assistants médicaux par le biaisd’une formation proche de celle dispenséeaux médecins, le décret présidentiel du18 septembre 1972 met en place l’Ecoledes Assistants Médicaux 21 au Togo. 22 Sice type d’initiative a permis d’augmentersensiblement le nombre de professionnels desanté, son impact reste encore très limité.

2.2.2 La «fuite des cerveaux»

« La fuite des cerveaux » contribue elleaussi à la pénurie de ressources humainessur le continent. Elle concerne aussi bien lespersonnes ayant suivi tout ou partie de leursétudes supérieures en Afrique que celles quiont suivi la totalité de leur formation supé-rieure à l’étranger.

Bon nombre de partenariats entre les uni-versités étrangères et africaines existent et ontpour objectif de faciliter l’accès des étudiantsafricains à une meilleure formation. Si les mé-decins africains en cours de formation grâceà ces partenariats sont nombreux, peu d’entreeux rentrent finalement dans leurs pays d’ori-gine.

A ce jour, dans les Etats africains, peude programmes d’incitation au retour desprofessionnels de santé existent. Les africainsdésirant retourner dans leurs pays d’originese heurtent à des difficultés financières etadministratives. Le ministère de la santé duSénégal a mis en œuvre des mesures tellesque le recrutement des médecins sénégalaisexerçant à l’étranger pour augmenter lenombre de personnel de santé au niveau

21. http://www.univ-lome.tg/index.php/bourses/item/3-eam (Consulté le 1 Avril 2017)

22. Créée pour répondre aux besoins ressentis parles services de santé publique en matière de person-nel technique opérationnel, cette école a pour objectifprincipal de former des assistants dont le rôle est deservir d’intermédiaires entre les médecins et le corpsparamédical. Formés à partir des réalités du pays etselon des techniques appropriées, ils ont aussi pour mis-sion d’assurer la coordination des activités sectorielleset intersectorielles du département de la santé publique,en particulier dans les zones rurales.

national. Toutefois, ce type d’initiative resteencore peu répandu.

La fuite des cerveaux est le résultatd’une conjonction de facteur. A ceux préci-tés s’ajoutent des facteurs tels que la diffi-culté d’adaptation et la mauvaise gestion lo-cale des ressources humaines qui alimententainsi le manque de personnel médical enAfrique. En effet, des médecins formés dansde grandes universités occidentales ou afri-caines avec un plateau technique évolué au-ront non seulement des difficultés à exercerdans les petits hôpitaux ou encore les zonesrurales mais aussi une faible propension à ac-cepter le faible niveau de revenu octroyé auxpersonnels médicaux.

Ce manque de personnel de santé en-traine une dégradation de la qualité de l’offrede soins, conditionnant ainsi la bonne qualitédes soins au paiement de coûts élevés.

2.3 L’inégalité face aux soins

En Afrique, les problèmes d’accès auxsoins sont dus, à la fois, à la dépendance auxdisponibilités budgétaires, à la faiblesse voireà l’absence de mécanismes de sécurité socialemais aussi à l’empreinte des institutionsinternationales.

En effet, selon l’OMS, du fait de lafaiblesse des mécanismes de sécurité socialeen Afrique, ce sont les plus pauvres quipaient proportionnellement le plus pour lessoins de santé. Dans 22 pays de la région,les dépenses directment supportées par lesménages représentent plus de 40 % du totaldes dépenses de santé (Graphique 4). Dansles pays où l’investissement public dans lasanté est faible, les paiements directs tendentà atteindre un niveau élevé. Cela constitue unobstacle majeur à l’accès aux soins de santé. 23

En d’autres termes, les dépenses publiquesde santé profitent davantage aux richesqu’aux pauvres. Ainsi, en Mauritanie, 72 %des subventions versées aux hôpitaux béné-ficient aux 40 % les plus riches. Au Ghana,

23. OMS, Statistiques sanitaires mondiales 2014

6

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GRAPHIQUE 4 – Part du PIB consacrée aux dépenses de santé par le gouvernement etpourcentage des paiements directs sur la totalité des dépenses de la santé, Afrique 2012

Source : Adapté des statistiques sanitaires Mondiales-OMS-Genève-2014

un tiers des dépenses publiques de santé pro-fite aux 20% les plus riches, tandis que 12 %seulement vont au 20% les plus pauvres. Leschiffres sont similaires pour la Tanzanie. 24

Notons que depuis l’adoption des OMDs,les gouvernements Africains se sont peu fo-calisés sur les problèmes de santé liés auxmaladies non transmissibles (MNT). En effet,même si les OMDs en matière de santé ontété atteints, le traitement des patients atteintsde maladies cardiovasculaires, cancers, mala-dies respiratoires chroniques et de diabète aété relégué au second plan. Dans ce contexte,la médecine privée s’est affirmée. Selon laSociété Financière Internationale (SFI), enAfrique subsaharienne, 40 à 60 % de ces actesmédicaux sont effectués dans le privé. 25

A cela s’ajoute le népotisme et la corrup-tion dans le milieu hospitalier qui suscitentla méfiance des populations et constituent unobstacle à l’accès aux soins pour ceux qui,faute de moyen ou par contestation, refusentde se résigner à payer des dessous de tablepour accéder à un minimum de soins. 26

24. « Les systèmes de santé en Afrique et l’inégalitéface aux soins », Afrique contemporaine- JacquemotPierre, 2012

25. Comité Régional de l’Afrique 2015-OMS26. Gobbers D, L’équité dans l’accès aux soins en

Afrique de l’Ouest, adsp numéro 38 mars 2002 71-78

2.4 De véritables lacunes en matièrede gestion des épidémies : le casdu virus Ebola

Depuis quelques décennies, l’Afrique estconfrontée à plusieurs épidémies : choléra,méningite et plus récemment Ebola. Afin degérer ces risques sanitaires, des personnelsqualifiés et des protocoles bien définis sontnécessaires. Or, on constate que dans les ins-tances sanitaires nationales ou dans les hôpi-taux, 27 ces protocoles n’existent pas ou sont àun état embryonnaire. Ainsi, face à certainesépidémies, la riposte souvent lente et désorga-nisée conduit à des conséquences sociales dé-sastreuses et cause, le plus souvent, des pertesen vies humaines. Malgré la connaissance deces conséquences, les plans de gestion de cesrisques tardent à se mettre en place. Il existepeu de moyens de gestion des risques fiablespermettant d’éviter les épidémies ou de les ju-guler rapidement. 28 Le graphique ci-dessousillustre les étapes que doit comporter un plande gestion de risque. 29

La lecture du cas de l’épidémie du virusEbola en Guinée (2013-2015) à la lumièrede ces différentes étapes est particulièrement

27. TARKPESSI Kossi, Mise en place de la démarchequalité dans les établissements hospitaliers du Togo àpartir de l’expérience française, Mémoire, 2007.

28. L’épidémie d’Ebola : un échec de gestion de lacrise humanitaire, François AUDET, Observatoire Ca-nadien sur les Crises et l’Action Humanitaire (OCCAH)2014

29. Extrait de Fiche 19 Conduite d’une démarched’analyse et de traitement de risque Page 141- 2011.7

Les usages du numérique dans le domaine de la santé en Afrique

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GRAPHIQUE 5 – Raison de la non-utilisation des structures de Santé (Guinée Conakry)

Source : Haute Autorité de la Santé

parlante (voir encadré 1).L’expérience de l’épidémie du virus Ebola

en Guinée permet de mettre en évidenceplusieurs manquements en matière degestion du risque. Si le retard de diagnostic aconduit à un déclenchement tardif de l’alerted’épidémie et donc des mesures de lutte,l’absence initiale de proposition de mesurescorrectives et l’ineffectivité de la formationde la population ont quant à elle permis auvirus de s’implanter et se propager.

Selon l’OMS, plusieurs raisons expliquentles manquements dans le système de gestion :

- La fragilité et la non-efficience du sys-tème de santé pour des risques sani-taires de grande envergure.

- Le manque de coordination oud’échanges de compétences inter-régionales et intra- régionales.

- La vétusté des infrastructures de santépublique.

- La faible éducation à la santé de la po-pulation, sa forte mobilité et la porositédes frontières.

- La pénurie d’agents de santé.

- Les croyances culturelles (confiance auxguérisseurs) génératrices de comporte-ments à haut risque.

De fait, les autorités sanitaires ne dis-posent pas de moyens et d’infrastructuresadaptés et ne semblent pas suffisamment pré-parées pour répondre aux risques sanitaires

élevés.

2.5 Prévention, protection sociale etapprovisionnement en médica-ments

2.5.1 Des mécanismes de prévention trèsinsuffisants

L’étude des mécanismes de préventionscontre les maladies telles que le VIH, lepaludisme et les maladies non transmissiblesrévèle une situation mitigée. La préventioncontre le VIH et le paludisme a permis deréduire leur prévalence et d’améliorer ladurée de vie des personnes atteintes. Ainsi, laprévalence du VIH a diminué et l’espérancede vie des personnes atteintes ne cessed’augmenter (60 ans en 2015 contre 50,6 ansen 1990 en Afrique 30 ). Le nombre de décèsdus au paludisme a baissé de 48% entre 2000et 2015 et le nombre de nouveaux cas a chutéde 12% sur la même période . 31 De plus,des études sur un vaccin sont en cours 32 ,preuve de l’avancée de la prévention primaire.

Cependant, la prévention des MNT et no-

30. Organisation Mondiale de la Santé. L’espérancede vie a progressé de 5 ans depuis 2000, mais lesinégalités sanitaires persistent, 2016, disponible sur :http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2016/health-inequalities-persist/fr/

31. Rapport sur le paludisme dans le monde 2015Résumé, Organisation Mondiale de la Santé, 2015.

32. Organisation Mondiale de la Santé, Développe-ment du vaccin antipaludique, 2016. Disponible sur :http://www.who.int/malaria/areas/vaccine/fr/. 8

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Encadré 1 : Gestion de l’épidémie du virus Ebola

L’alerte nationale pour cette maladie qui a commencé à se répandre en décembre 2013 a été tardive, laissant lechamp libre à sa fulgurante propagation. Ce n’est qu’en mars 2014, alarmé par le taux de mortalité élevé, que leMinistère de la Santé de Guinée a lancé une alerte sur une maladie non identifiée. Une analyse minutieuse etprofonde des prélèvements biologiques a ensuite permis de mettre en évidence l’espèce Zaïre du virus Ebola, laissantde côté les pistes de choléra et fièvre de lassa évoquées initialement. La ville de Guéckédou en Guinée-Conakry estalors identifiée comme étant l’épicentre de la maladie.

A la fin du mois de mars, soit plus de trois mois après le début de la propagation, le bureau régional Afrique del’Organisation Mondiale de la Santé déclare une flambée de maladie à virus Ebola d’« évolution rapide » et non uneépidémie. Un système de gestion des situations d’urgence voit alors le jour. Des informations sont délivrés à lapopulation mais les habitants ne sont pas formés et ne respectent pas de mesures d’hygiènes pouvant permettrede diminuer la contamination. Dans le cas où elles ont été données, n’ayant pas tenu compte des traditions, descoutumes et du rapport aux morts qui reste particulier dans certains villages en Guinée, les formations ont étévaines. Toutefois, une surveillance particulière de cette population a été faite et a permis d’identifier et de soigner lesnouveaux cas apparus tardivement.

Suite à cet évènement, des recommandations diagnostiques ont été élaborées, des conseils sur l’équipement deprotection individuelle ont été donnés et un protocole pour réaliser des inhumations sans risque et dans la dignité aété diffusé. Un vaccin a été élaboré puis utilisé pour traiter certains cas.

tamment du cancer en Afrique présente deslacunes. La prévention faisant appel à l’in-formation, la communication et l’éducation,force est de constater la très faible présence,voire l’absence de professionnels de santéspécialistes des MNT et du cancer en parti-culier. 33 L’on retrouve ainsi l’une des consé-quences du manque de personnels formés etde connaissances évoqué plus tôt (voir section2.2), qui empêchent notamment le bon dé-roulement de la prévention primaire. Les fac-teurs de risques du cancer (le tabagisme, unemauvaise alimentation et l’obésité, le manqued’activité physique, l’hypertension artérielle,le diabète et l’hyperlipidémie) flambent parmanque d’éducation de la population. Il enest de même pour la prévention secondaire.

En effet, les pays africains ne disposentpas de plateaux techniques efficaces pour ledépistage et la détection précoce de certainscancers. Si près 36 millions de décès dans lemonde sont dus aux MNT, près de 80% de cesdécès (soit 29 millions) sont enregistrés dansdes pays à revenu faible ou intermédiaire . 34

Plus de deux tiers des cas de cancers dansle monde touchent ces même pays. L’OMSestime qu’en comparaison à 2008, en 2030l’incidence des cas de cancers sera plus im-

33. Informer, éduquer et communiquer pour prévenirle cancer en Afrique, Jean-Marie Dangou et Alimata JDiarra-Nama, OMS Bureau Régional de l’Afrique, Juin2012

34. Organisation Mondiale de la Santé, Maladie nontransmissible, 2013, Disponible sur : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs355/fr/

portante dans les pays à revenu faible (82%)ou intermédiaire-inférieur (70%) que dansles pays à revenu intermédiaire-supérieur(58%) ou élevé (40%) . 35 Les cartes de l’OMSdécrivant, pour chaque pays, la mortalité dueaux MNT 36 montrent d’ailleurs que l’Afriqueest particulièrement touchée.

2.5.2 Une couverture sociale encore troplimitée

Auparavant destinée uniquement à cer-tains employés, notamment ceux du systèmeformel, et à leurs familles, la couverture ma-ladie a vocation à s’étendre à une grande par-tie de la population. En effet, dans certainspays, des efforts sont consentis pour la créa-tion d’un système d’assurance maladie pourtous. 37

Le Sénégal, dans le cadre de son Plan Sé-négal Emergent (PSE), a mis en place le PlanStratégique de Développement de la Couver-ture Maladie (PSD-CMU) 2013-2017 38 dontl’axe prioritaire est la promotion et le déve-loppement des mutuelles de santé. Sa cibleprincipale est constituée des populations dumonde rural et du secteur informel.

35. Rapport sur la situation mondiale des maladiesnon transmissibles 2010 Résumé d’orientation 2010.

36. Base de données de l’Observatoire Mondial de laSanté, OMS, Disponible sur : http://apps.who.int/gho/data/node.main.A860?lang=en

37. La protection sociale en Afrique-OIT (consulté 11Avril 2017)

38. Ministère de la Santé et de l’action sociale (Séné-gal) (Consulté le 11 Février 2017)

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Les usages du numérique dans le domaine de la santé en Afrique

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En Côte d’Ivoire, depuis septembre2015, une couverture maladie universelle(CMU) instituée par la Loi numéro 2014-131du 24 mars 2014, couvre obligatoirementl’ensemble des populations. 39 Cette loi vienten renforcement du régime de protectionsociale déjà en place qui était destiné à tousles travailleurs salariés du secteur formel.Notons que, grâce à la mise en place d’uneassurance maladie obligatoire en 2010, leMali avait fait des progrès considérables enmatière de protection sociale et de prise encharge des soins avant la survenance de lacrise actuelle qui le secoue. Ce programmepermettait de mieux protéger les populationsindigentes et marginalisées. 40 Depuis 2015,le ministère en charge de la Solidaritéréfléchit sur l’optimisation de cette assurance,vers l’instauration de la Couverture maladieuniverselle (CMU) à l’horizon 2018. 41

Cependant l’extension de cette couverturemaladie présente plusieurs faiblesses, au rangdesquelles figurent :

- La fragilité financière des travailleursissus de l’économie informelle(en Côted’ivoire par exemple) ;

- La prise en compte limitée des caracté-ristiqueset des besoins des bénéficiaires(au Sénégal, la gratuité n’est accordéequ’au moins de 5 ans inclus) ;

- L’insuffisance des leviers organisation-nels et institutionnels.

2.5.3 Les problèmes d’accessibilité et detraçabilité des médicaments

La capacité de production de médica-ments en Afrique reste limitée. Le continentimporte officiellement 80% de ses médica-ments, les 20% restants étant produits surplace. Ces productions locales se répartissentautour de deux grands pôles : l’Afrique duNord (notamment l’égypte, la Tunisie et leMaroc qui couvrent 70 à 80% de ses besoins

39. Centre des Liaisons Européennes et Internatio-nales de Sécurité Sociale (Consulté le 6 Avril 2017)

40. ODI (The Overseas Development Institute)-(Consulté le 6 Avril 2017)

41. Instauration d’une couverture maladie universelleau Mali (consulté le 30 AVRIL 2017)

au niveau pharmaceutique) et l’Afrique duSud. 42

Même si l’Afrique présente un taux d’im-portation en médicaments élevé, leur acces-sibilité n’est pas pour autant garantie. 43 Ellevarie en fonction des pays, des régions et dutype de médicaments : essentiels 44 ou non. 45

Afin d’améliorer l’accessibilité des médi-caments, notamment des médicaments essen-tiels, l’initiative de Bamako 46 a été adoptée en1987 par la majorité de tous les pays africains.Bien que grâce à cette initiative les médica-ments sont devenus disponibles, ils restentinaccessibles pour les familles africaines enraison de leur coût et de leur qualité.

L’OMS estimait en 2007 que dans lespays en développement, les médicamentsreprésentent entre 25 et 70% du montanttotal des dépenses de santé, contre moinsde 15% dans la plupart des pays à revenuélevé. Dans certains pays, près d’un tiers desfamilles pauvres (revenus journaliers < à 2 $)n’obtiennent aucun médicament nécessairepour soigner les maladies aigues. 47 Face à ceconstat l’OMS a élaboré un Plan stratégiquedestiné à accroitre l’accès aux médicamentspour les populations disposant de peu demoyens, d’intégrer la médecine traditionnelleet les médecines complémentaire et parallèle

42. Afrique : l’indépendance pharmaceutique est-ellevraiment possible ?, Pharmanalyse, 2010.

43. Accès équitable aux médicaments essentiels :cadre d’action collective. Perspectives Politiques del’OMS sur les médicaments, No. 8, OMS, 2004

44. Les médicaments essentiels sont ceux qui satis-font aux besoins prioritaires de la population en matièrede soins de santé. Ils sont choisis compte tenu de leurintérêt en santé publique, des données sur leur efficacitéet leur innocuité, et de leur coût/efficacité par rapport àd’autres médicaments. Ils ont pour but d’être disponibleà tout moment et la liste de ces médicaments est définiepar chaque pays en fonction de ses besoins.

45. Les médicaments non essentiels ou encore nova-teurs sont ceux qui coutent le plus cher. Souvent utilisésdans le cadre des grandes pathologies (cancers, diabète,etc.), ils sont difficilement accessibles du fait notam-ment de leur coût élevé.

46. Accès équitable aux médicaments essentiels :cadre d’action collective. Perspectives Politiques del’OMS sur les médicaments, No. 8, OMS, 2004

47. Stratégie pharmaceutique de l’OMS. Lespays en première ligne, 2004-2007. Disponiblesur http://apps.who.int/medicinedocs/collect/medicinedocs/pdf/s5521f/s5521f.pdf?ua=1

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dans les systèmes de santé nationaux. 48

Par ailleurs, au-delà de la question de ladisponibilité des médicaments sur le conti-nent se pose celle de leur qualité. Le manquede contrôle de qualité des médicaments aussibien dans les pays exportateurs que dans lespays importateurs a été reconnu comme l’unedes raisons principales de la prolifération demédicaments de faible qualité. Appelés ré-gulièrement « médicaments contrefaits » leurprolifération en Afrique pose un réel problèmede santé publique. Moins couteux et doncplus accessible pour la population, ils sontau mieux sans effets mais souvent dangereuxpour la santé humaine car souvent mal doséset composés de substances dangereuses.

Ainsi les défis du secteur de la santé enAfrique sont nombreux, notamment en ce quiconcerne les infrastructures, les ressourceshumaines ou la gouvernance. Pour relever lesdifférents défis de ce secteur, le numériques’impose de plus en plus comme une optioncrédible.

3 Le numérique commemoyen d’accès à la santéen Afrique

Le développement d’Internet et l’explosionde l’utilisation des téléphones portables enAfrique bouleversent actuellement de nom-breux secteurs économiques. 49 Le secteur dela santé ne fait pas exception. Ainsi appelle-t-on « e-santé » l’ensemble des moyens tech-nologiques appliqués au secteur de la santé.L’e-santé englobe les systèmes d’informationsutilisés dans les établissements sanitaires, lesservices de santé en ligne (ou télésanté) ouencore l’utilisation de robots pour certainesinterventions médicales. Lorsque ces servicesde santé en ligne sont accessibles à travers letéléphone portable, on parle alors de m-santé.

Le graphique 6 détaille l’ensemble des

48. Médicaments essentiels, rapport bien-nal 2006-2007. OMS, 2008. Disponible surhttp://www.who.int/medicines/publications/BiennialReport0607FR.pdf?ua=1

49. L’Afrique des Idées, Les usages du numérique enAfrique.

domaines couverts par l’e-santé. Cette étudemettra un accent particulier sur la m-santéqui est le domaine connaissant l’évolutionla plus importante, notamment grâce à ladémocratisation des téléphones portablesqui facilite l’accès aux patients à travers desservices en ligne ou d’informations diffuséessur les réseaux sociaux.

3.1 La télésanté, véritable locomo-tive du développement de la e-santé

On entend par télésanté l’ensembledes services de santé proposés grâce auxtechnologies de l’information et de la commu-nication indépendamment du support utilisé(ordinateur, téléphone ou tablette). 50 Lesétudes montrent qu’elle permet d’améliorerla protection de la santé des populations etd’augmenter la couverture santé. 51

3.2 La télémédecine, une solution audéficit de professionnels de santé

Pour le Professeur Lareng, créateurde l’Institut Européen de Télémédecine,la télémédecine est l’utilisation de toutmoyen technique pour la pratique de lamédecine à distance. A ce titre elle est unecomposante majeure de la télésanté. Commecela a été démontré (voir section 2.2), lemanque de professionnels de santé est undes problèmes majeurs du secteur de la santéen Afrique. Si la solution réside avant toutdans l’augmentation du nombre de médecinsformés par les facultés africaines, il sembleque le numérique ait ici aussi un rôle à jouer.

Permettant d’optimiser le temps des mé-decins grâce à la possibilité qu’elle leur offred’effectuer des consultations à distance, latélémédecine augmente le ratio de patientstraités par médecin et s’avère être une solu-tion idoine pour les populations isolées quin’ont pas accès à ce type de services. Toute-fois très peu de pays africains adoptent une

50. Science & Santé, La e-santé, la santé à l’ère nu-mérique, Janvier-Février 2016

51. OMS, Global diffusion of eHealt, 2016

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politique en matière de télémédecine. 52 Lesfreins les plus importants sont tout d’abord :le coût d’une solution globale, le manque depolitique de régulation et de cadre d’utilisa-tions des services de télémédecine. 53

Ainsi c’est le secteur privé qui est à la ma-nœuvre quant au développement de la télémé-decine sur le continent. C’est le cas de MedxCare, une entreprise créée par une camerou-naise et dont l’ambition est de connecter lespatients du continent à l’ensemble des profes-sionnels de santé à travers le monde. A titreillustratif, elle permet aux patients de fairedes consultations à distance, de demander unsecond avis et d’être suivi à distance grâce àla constitution d’un dossier médical. PassDoc-teur est également un service de télémédecineissu du secteur privé au Sénégal. Des initia-tives de cet ordre existent dans d’autres pays.On peut citer Find-a-med au Nigeria ou en-core Telmedx au Ghana.

Malgré ces initiatives, la télémédecine seheurte à la barrière linguistique. En effet, ilpeut arriver que le médecin et le patient neparlent pas la même langue. Les services deconsultation en ligne apportent une solutionà cela sur deux plans. D’une part, par la priseen compte de ce facteur au moment du re-crutement. Des entreprises telles que MedxCare mettent ainsi l’accent sur le recrutementde médecins issus de la diaspora africaine enoccident, parlant, pour la plupart, les languesafricaines. D’autre part, par la mise en place,pour certains d’entre eux, d’un système detravailleurs communautaires. Ces derniers nesont pas nécessairement des professionnelsde la santé mais des personnes choisies dansune communauté donnée qui vont recevoirune formation de base sur la santé 54 ainsiqu’une formation sur la plateforme de télé-medecine, afin d’être en mesure de faire lelien entre la plateforme et les patients. Unrôle d’autant plus important que le taux delittératie numérique reste encore faible.

52. OMS, E-health country profiles, 201653. OMS, E-health country profiles, 201654. OMS, Community health workers, 2007.

3.3 La m-santé, le mobile comme ac-célérateur

L’arrivée massive du téléphone portable,puis du smartphone, et le développement desréseaux mobiles (3G, 4G) sur le continentafricain 55 confèrent une place particulièreà la m-santé. Très utile dans des domainestels que le suivi personnalisé des patientssouffrant de maladies chroniques (diabète,hypertension, insuffisance cardiaque etc.),la m-santé détient, grâce au suivi à distanceet au taux de pénétration qu’elle permetd’atteindre, un avantage sur les autressecteurs de la télésanté. En effet, le traite-ment et le suivi des maladies chroniquesdeviennent un enjeu majeur des politiquesde santé des pays africains où elles se sontrécemment développées suite au changementdes modes de vie. L’utilisation de la m-santépeut permettre aux populations de mieuxconnaître ces maladies, aux patients de mieuxsuivre l’évolution de leurs maladies et desolliciter l’avis d’un professionnel de santé encas de besoin.

3.3.1 Prévention

Permettant une meilleure disponibilité etune meilleure fiabilité des informations, latélésanté contribue, via la m-santé, à l’éduca-tion sanitaire des populations, et ce, particu-lièrement en cas d’épidémie.

Le cas de l’épidémie d’Ebola est à ce titretrès évocateur. Créée par un jeune ivoirien,l’application Prévention Ebola 56 a été renduedisponible en téléchargement sur les plate-formes Apple Store et Google Play afin depermettre aux populations d’accéder à desmessages de prévention en langues localescontre l’infection. Au Nigéria, toujours dansla lutte contre cette épidémie, la diffusion demessages de prévention via les réseaux so-ciaux et par SMS a joué un rôle importantdans la sensibilisation des populations. 57 Au

55. L’Afrique des idées, Les usages du numérique enAfrique.

56. Le top 5 des applications mobiles en Afrique,2015.

57. One.org, Case study: How Nigeria contained theEbola outbreak?, 2014.

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GRAPHIQUE 6 – Qu’est-ce que l’e-santé?

Source : OMS, Global diffusion of eHealth, 2016

Rwanda, la start-up Kasha cible les femmeset leur délivre des informations fiables sur lacontraception ainsi que sur divers produitsmédicaux.

Bien que l’impact de telles initiativessoit parfois limité du fait notamment dela difficulté d’accès à internet dont souffreencore une grande partie du continent 58,on peut néanmoins mettre en valeur deuxatouts majeurs de la télésanté. En plus depouvoir être rapidement mis en place, lesoutils numériques (sites, applications, etc.)permettent à la population - et non plusseulement aux gouvernements - d’engagerfacilement des actions concrètes pour laprévention des maladies et l’éducationsanitaire. Or, le temps est, en matière de luttecontre les épidémies, un bien extrêmementprécieux. Le potentiel formidable que lenumérique renferme pour la diffusion rapided’informations est d’autant plus importantque le secteur de la santé en Afrique connaîtaujourd’hui de nombreuses failles.

3.4 Diagnostic

La m-santé met le patient au centre desenjeux, lui permettant par exemple d’initierle recueil des données relatives à sa santé(Graphique 7) et d’en devenir ainsi un acteurà part entière.

58. En 2015, une vingtaine de pays dont le Mali,le Bénin, le Congo et Madagascar avait un taux depénétration internet inférieur à 10%. (L’Afrique desIdées, les tendances du numérique, 2016)

Développé au Mali, le projet IKON permetaux cliniques isolées souvent situées en zonesrurales, de transmettre les radiographiesaux différents spécialistes, souvent installésdans la capitale. Il fait ainsi gagner un tempsconsidérable aux malades qui disposentalors d’un accès beaucoup plus rapide audiagnostic et au traitement approprié. Al’instar de Dawa Mobile-Health au Tchad, unlaboratoire de santé connecté destiné à dé-pister la bilharziose, une maladie largementrépandue dans le pays. Les dépistages sontréalisés directement dans les villages et leséchantillons sont transmis à un laboratoirephysique. Les résultats des examens sontenvoyés par SMS et les médicaments sontlivrés à distance. En Ouganda, l’entrepriseMatibabu permet aux utilisateurs de sonapplication de savoir s’ils sont contaminéspar le paludisme grâce à un détecteur àinfrarouge. Au Nigéria, la start-up Aajohambitionne de diagnostiquer un ensemblede maladies à partir des symptômes quele patient aura entré dans l’application.Allant plus loin dans l’innovation, la start-upougandaise Mama-Ope, a quant à elle misen place une veste intelligente reliée à uneapplication mobile capable de détecter lapneumonie.

3.5 Traitement

Les hôpitaux en Afrique font régulière-ment face à des pénuries de sang. Afin depallier cela, la start-up sénégalaise, Hope, a13

Les usages du numérique dans le domaine de la santé en Afrique

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mis en place une plateforme mobile afin demobiliser la population autour de la probléma-tique du don de sang. Offrant aux utilisateursla possibilité de renseigner leurs informationspersonnelles, notamment le groupe sanguin,la plateforme permet de mieux cibler la dif-fusion d’une campagne d’information en casde pénurie d’un groupe sanguin donné. AuMali, la start-up Malisante met en contact lespatients et les professionnels de santé plusfacilement grâce à son site mobile et web.

La gestion des médicaments dans leshôpitaux et dans les pharmacies est unproblème récurrent en Afrique, source defrustration pour les patients. C’est la start-upghanéenne mPharma, permettant suivi desmédicaments en connectant les hôpitaux,médecins et patients, qui apporte la réponsenumérique la plus complète à ce problème.Toutefois, d’autres initiatives apportant unesolution partielle ont été lancées, à l’instarde Jokkosanté au Sénégal, qui permet unegestion communautaire des médicamentspour éviter le gaspillage.

3.6 Suivi des patients

Le suivi des patients est l’une des étapesles plus importantes afin d’assurer une qualitéde soins optimale. Cela est d’autant plus im-portant qu’il n’existe pas de système efficacede gestion des dossiers des patients dans laplupart des pays africains. Ainsi, la m-santédans ces pays amorce la création de « dos-sier électronique patient » à travers les infor-mations récoltées via les sites mobiles et lesapplications.

Au Burkina Faso, le projet M@SAN,initié par un médecin burkinabè permet parexemple aux femmes enceintes de suivrel’évolution de leur grossesse avec plus desérénité 59 via une communication par SMSet messages vocaux. Une initiative similaireexiste au Sénégal à travers la plateformede Karangue. Au Mali, le projet Djantoli,basé sur une application mobile, se focalisequant à lui sur le suivi des nourrissons et des

59. Observatoire De la E-Santé dans les pays duSud, M@SAN : http://www.odess.io/reportage/msan.html

enfants afin de réduire la mortalité infantile.Il en est de même de l’application mobileGifted Mom au Cameroun ou Safermom auNigéria.

3.6.1 La récolte des données du terrain

Les recensements effectués par des méde-cins ou des employés d’ONG dans différentesparties du pays sont par nature incomplets,partiels et très coûteux. 60 Connaître la réalitédu terrain permet d’y faire face avec davan-tage d’efficacité, à partir de solutions qui sebasent sur l’intelligence collective. Le numé-rique permet d’obtenir des données sur uneplus large partie de la population et d’obte-nir des résultats plus complets et nettementmoins coûteux. En outre, la fiabilité des don-nées semble davantage garantie que dans lesrecensements. 61 Cette récolte des donnéesfiables et complètes du terrain est une étapeprimordiale pour une refonte du secteur de lasanté en Afrique : en partant de la réalité duterrain, elle permet d’atténuer les préjugés etde rediriger l’effort de manière efficiente.

Un certain nombre d’applications per-mettent de faire de la collecte de donnéesdans le domaine de la santé existent. Ainsi,TRACnet est une application qui permetd’avoir les données et les indicateurs VIHrécoltés sur le terrain au Rwanda (nombre depatients/niveau de l’approvisionnement enmédicaments sur le terrain). On retrouveral’application Ushahidiau Kenya, qui permetnon seulement de faire le point sur lesbesoins des populations avec des informa-tions envoyées par SMS ou via les réseauxsociaux mais aussi de constituer des cartesinteractives de la situation sur le terrain. EnOuganda, une solution de e-santé, mTrack,permet de suivre l’évolution en temps réeldes stocks de médicaments dans les hôpitauxet cliniques privées.

60. Jacques Blanc, Julien Canard, Crowdsourcinganalyse et définition, 2008

61. Ibid.

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3.6.2 L’e-formation, un levier pour amé-liorer la qualité des soins

Loin de se cantonner à l’amélioration duparcours patient (prévention, diagnostic, trai-tement, etc.), la télésanté permet à la fois decompléter la formation des futurs médecinset de consolider celle des professionnels desanté.

La formation des étudiants en médecine àdistance est à la fois une solution au manquede moyens auquel ils sont confrontés et uneopportunité d’amélioration du niveau de qua-lité de la formation des étudiants qui ont,par ce biais, accès à des professionnels desanté hautement qualifiés. Sur le continent, cegenre de partenariat n’est que très peu déve-loppé. Toutefois, on peut citer le rare exemplede l’hôpital provincial général de référencede Bukavu, en République démocratique duCongo qui, grâce à un partenariat avec l’Uni-versité de Pavie (Italie), permet aux étudiantsde suivre certaines interventions en tempsréel et de poser des questions en direct auxmédecins italiens.

Impactant lourdement la qualité des soins,la formation continue des professionnels desanté, participant à la fuite des médecins horsdu continent, est un autre problème auquel lae-santé peut apporter une part de solutions.Des programmes de formation sous forme d’e-learning ont ainsi été mis en place aussi bienà destination des infirmières (Kenya) que desmédecins (Bénin). Au Sénégal, une start-up,DrLinkup, a créé le premier réseau social afri-cain réservé aux médecins qui ont ainsi lapossibilité d’échanger entre eux et de parta-ger les dernières innovations. 62 Le MOOC dusite E-diabète.org, permet quant à lui à desspécialistes africains et européens de parta-ger leurs connaissances sur le diabète avecd’autres médecins à travers le continent touten se formant.

Cependant, ces plateformes de formationn’entrent pas dans une stratégie plus globale.Leur impact reste donc pour l’instant limité. 63

62. Le monde Afrique, une nouvelle vague de startup débarque au Sénégal, 2015

63. OMS, E-health country profiles, 2016

3.7 L’hôpital numérique : défi et op-portunité pour les hôpitaux afri-cains

L’impact du numérique sur les structuresde santé repose d’abord sur la mise en placed’un système d’information robuste. Cesystème d’information est un ensemble de res-sources (matériel, logiciel, procédures, etc.)permettant de traiter, stocker et d’échangerdes informations (données, images, textesetc.). Le système d’information va pourpouvoir traiter des dizaines de processus,comme par exemple :

La gestion des lits 64

La gestion des lits doit être centraliséeentre plusieurs hôpitaux. Elle doit organiseret anticiper la sortie et l’entrée des patients,intégrant un système de priorisation entrepatients selon la gravité de leurs maladies.

La gestion des rendez-vousLe manque de professionnels de santé

rend la gestion des rendez-vous d’autant pluscritique.

La gestion du dossier patientC’est l’une des problématiques les plus

importantes de l’hôpital numérique. Unegestion efficace du dossier patient permetune amélioration du suivi patient et de laqualité des soins. 65

Tous ces processus visent à centrer les ser-vices autour du patient et de ses besoins. Lesystème d’information doit permettre à l’hô-pital d’être plus proche du patient, plus trans-parent avec le patient.

Aujourd’hui, l’hôpital numérique enAfrique relève plus du défi que de la réalitéde terrain. Dans beaucoup de pays la miseen place des systèmes d’information dans leshôpitaux est très parcellaire. Elle se limitesouvent à la gestion des entrées et sorties despatients . 66

64. Meah, La gestion des lits dans les hôpitaux, 2008.65. Cadre de Santé, Mise en place du dossier patient

informatisé, 2016.66. Mise en place d’un Système d’Information Hospi-

talier en Afrique, Cheik Oumar Bakayoko

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GRAPHIQUE 7 – Le patient, acteur de sa santé

Source : Whithings, Livre blanc Santé Connectée, 2014

Toutefois au cours des années passées,quelques initiatives ont permis d’améliorerla situation. Le Bénin a, par exemple, misen œuvre un système de gestion des infor-mations hospitalière dans ses hôpitaux. 67

L’apport de ce système d’information restecependant cantonné aux informations sur leséjour des patients, aux consultations ainsiqu’à la production de statistiques. Certainspays africains ont également pris consciencede l’importance du dossier patient, la bonnegestion de ce dossier participant amplementau succès des établissements de santé. C’estainsi que le gouvernement rwandais a misen place un système de gestion des données-patients dans les dispensaires à travers lepays. 68 La Côte d’Ivoire a récemment misen place un système équivalent. Toutefois,ces initiatives, très ciblées, apportent dessolutions à des problèmes précis et nes’inscrivent pas dans une stratégie globale demise en place d’un « Hôpital numérique ».

Ainsi, la e-santé offre des solutions allantde la prévention au traitement en passantpar la formation continue des médecins. Sonapport peut être décisif dans l’évolution fu-ture des établissements de santé et dans laformation des professionnels de santé. Son

67. Annuaires des Statistiques68. ONU, Une meilleure santé à la portée d’un « clic »,

2008

impact sur le secteur est d’ailleurs jugé demanière positive par l’ensemble des acteurs(ONG, société civile, autorités etc.) . 69 Malgréles effets positifs avérés de la e-santé, l’apportdes Etats africains dans l’ensemble de ces ini-tiatives numériques demeure insuffisant pourpermettre aux écosystèmes d’entreprises dee-santé de s’épanouir et de constituer une ré-ponse pérenne à certaines failles du secteurde la santé.

4 Les conditions indispen-sables au développement del’e-santé

Dans la pratique, deux conditionsémergent comme étant indispensables audéveloppement efficace de programmesd’e-santé dans un pays : l’accès à l’outilnumérique et l’implication du gouvernement.

4.1 Améliorer la connectivité et l’ac-cès à l’outil numérique

La connectivité - et l’accès à l’outil nu-mérique d’une manière générale - sont desconditions sine qua non au déploiement de lae-santé.

En 2016, 46% de la population africaineavait souscrit à un service mobile. 70 La mi-

69. OMS, E-health country profiles, 201670. GSMA Intelligence, données Q4 2016 (nombre

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gration vers les services d’internet mobile s’ac-célère mais seulement 29% 71 des africains yont un accès pour l’instant. Ces faibles tauxde pénétration du marché ne permettent pasun déploiement aisé des services de e-santé.La fracture numérique est encore importantedans certaines régions : les réseaux mobilessont encore lacunaires dans la plupart deszones rurales, où les services de e-santé sontd’autant plus nécessaires. Le Malawi 72 a ainsicréé un système de subventions (prélevéessur le Fonds d’Accès Universel) pour les opé-rateurs acceptant de déployer leurs réseauxen zones rurales.

De même, l’accès aux infrastructuresd’électricité, à un équipement informatiqueou mobile, à des logiciels est nécessaire pourassurer, par exemple, la connexion des centresde santé entre eux ou avec le Ministère de laSanté. Le développement d’innovations tech-niques (infrastructures électriques solairesindividuelles, terminaux mobiles individuels. . . ) complètera l’effort public pour l’accès.D’autres facteurs constituent une entrave àl’accès à l’outil numérique, comme le manqued’aisance dans l’utilisation des smartphonespar les professionnels de santé et les citoyens- cette problématique incluant la question del’alphabétisation - ainsi que la disponibilitéd’applications mobiles en langue locale.

Ainsi, une amélioration de l’accès desprofessionnels et des citoyens à l’outilnumérique est un enjeu important de lae-santé qui concerne les différentes partiesprenantes (Etat, opérateurs, professionnelsde santé, citoyens) et différents aspects aurang desquels figurent : le développementdes réseaux mobiles en zones non couverteset des infrastructures d’électricité, l’accès àun équipement mobile ou informatique ainsique la formation à l’utilisation des outilsnumériques.

d’abonnés uniques)71. Ibid.72. https://www.telegeography.com/

products/commsupdate/articles/2014/10/10/malawi-to-set-up-universal-access-fund/

4.1.1 Une forte impulsion venant du po-litique

Parmi les défis de la e-santé sur le conti-nent africain, l’OMS cite le développement demécanismes de gouvernance appropriés quiassureront redevabilité, transparence et lea-dership. 73 Les institutions ayant publié desétudes sur le sujet s’accordent à souligner lanécessité de l’impulsion politique : le gou-vernement doit avoir une vision clairementformulée et des priorités stratégiques qui dé-montrent un engagement envers les enjeux desanté, en termes de politiques, d’allocationsde ressources et d’initiatives. Cette volontépolitique, portée par le Ministère de la Santéet plus largement par le gouvernement, doits’inscrire sur le long terme, les projets de e-santé étant généralement longs, coûteux ettechniques.

C’est ainsi que de nombreux pays ont misen place une stratégie nationale de santé in-tégrant les technologies de l’information etde la communication. L’Union Européenne in-dique que 70% de ses pays membres ont misen place une politique ou une stratégie natio-nale en matière de e-santé. En 2011, sur les112 pays étudiés par l’OMS, 93 avait adoptéune approche e-santé (ou m-santé), à traversdes programmes d’information, d’urgence etde télémédecine. 74

La tendance a aussi émergé en Afrique,où plusieurs pays ont démontré leur intérêtpour le sujet et développé une stratégie natio-nale, un cadre réglementaire ou une feuille deroute, dans le but de développer et soutenirl’e-santé. En effet, le Kenya a publié en 2011sa stratégie nationale en matière d’e-santé 75

qui promeut des solutions abordables et ac-cessibles dans un contexte de déséquilibregéographique d’accès aux soins et de pénuriede ressources humaines. Maurice a publié lasienne en 2010,« Health2015, Seamless conti-nuity of care » 76, en mettant l’accent sur l’uti-

73. http://www.afro.who.int/en/health-information-and-knowledge-management/topics/ehealth-and-informatics.html

74. World Development Report, 201675. https://www.isfteh.org/files/media/

kenya_national_ehealth_strategy_2011-2017.pdf76. http://www.who.int/goe/policies/

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Les usages du numérique dans le domaine de la santé en Afrique

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lisation de solutions digitales rentables pouraméliorer notamment les prestations de soins,l’allocation des ressources et la sensibilisa-tion des citoyens. Le Botswana, l’Ethiopie, leGhana, le Togo, la Zambie et le Zimbabwe 77

sont d’autres exemples de pays africains ayanttravaillé sur une stratégie nationale d’e-santé.

L’Organisation Mondiale de la Santé etl’Union Internationale des Télécommunica-tions ont publié conjointement un guide pra-tique 78 destiné aux Ministères de la Santéet aux Ministères des Technologies de l’infor-mation et de la Communication, ainsi quede manière plus large, aux départements etagences étatiques concernés. L’objectif du do-cument est de fournir un cadre pour la miseen oeuvre d’une stratégie de e-santé, son suiviet l’évaluation de ses résultats.

Identifiant le coût et la qualité commeles moteurs de l’e-santé, le rapport précisequ’un plan national doit être axé sur les élé-ments suivants : « garantir l’interopérabilitéet l’adoption de normes ; mettre en place desmesures encourageant l’innovation et l’inté-gration de l’e-santé dans les services de base ;identifier les financements nécessaires à lamise en œuvre à moyen et long termes ; ré-pondre aux attentes des citoyens en termesd’efficience, d’efficacité et de personnalisationdes services ; utiliser les données (. . . ) pourla planification de la santé publique, tout engarantissant le respect de la vie privée et lasécurité des informations ; mettre en placedes activités de suivi et d’évaluation afin des’assurer que l’e-santé répond aux prioritéssanitaires définies ».

L’implication du gouvernement apporteune garantie que le projet soit bien en ligneavec les programmes de santé nationaux etapporte à ce projet une crédibilité supplémen-taire. En 2006, le gouvernement du Malawi amis en place un projet de suivi électroniquedes patients atteints du SIDA, 79 à travers un

mauritius_health2015.pdf?ua=177. Liste non exhaustive. D’autres exemples de stra-

tégies e-santé : http://www.who.int/goe/policies/countries/en/

78. Guide pratique sur les stratégies nationales enmatière de cybersanté, 2013

79. Innovative electronic medical record sys-tem expands in Malawi : https://www.cdc.gov/

partenariat entre le Ministère de la Santé,CDC Malawi et Baobab Health Trust. Depuissa phase pilote, l’EMRS (Electronic MedicalRecord System) couvre aujourd’hui plus d’unecinquantaine de sites de santé à travers lepays et a pu former 1500 professionnels desanté. Le projet, porté par le gouvernement,continue d’être un succès, puisque ses fonc-tions évoluent (il est, par exemple, susceptibled’être utilisé pour la surveillance de la mala-ria).

Le soutien politique et le pilotage par legouvernement du projet national de e-santépermettent de faciliter la mobilisation des par-ties prenantes (patients, prestataires de soins,administrateurs de soins de santé, chercheursdu domaine médical, etc.), d’encourager lespartenariats, de sensibiliser l’opinion publiqueet de favoriser les évolutions nécessaires. Unedynamique politique forte emportant l’adhé-sion des différents acteurs constituera notam-ment le terreau d’initiatives d’investissementsdans le secteur de l’e-santé.

4.2 Les axes à privilégier pour ré-pondre aux enjeux de la e-santé

4.2.1 Encourager la collaboration desparties prenantes aux niveaux na-tional et régional

Au niveau régional, des projets de grandeenvergure couvrant plusieurs pays ont vu lejour ces dernières années, notamment dansdes initiatives Sud-Sud : le RAFT-Network (leRéseau en Afrique Francophone pour la Té-lémédecine) 80, le programme HINARI 81 , leePORTUGUESe programme 82, le Pan-Africane-Network Project 83 , etc. Mais la plupartdes projets d’e-santé restent cependant en-

globalaids/success-stories/innovativemalawi.html

80. RAFT : Telemedicine in Africa :http://ghf.g2hp.net/2011/09/16/raft-telemedicine-in-africa-2/

81. Programme Hinari d’accès à la recherche pour lasanté : http://www.who.int/hinari/fr/

82. ePortugese network : http://www.who.int/eportuguese/en/

83. Pan-African e-Network Project : http://www.panafricanenetwork.com/Portal/ProjectDetails.jsp?projectidhide=10&projectnamehide=Tele%20Medicine

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core fragmentés.Au niveau national, l’OMS et l’UIT

encouragent la collaboration des Ministèresentre eux, notamment ceux de la Santéet des Technologies de l’Information etde la Communication. 84 D’autre part, lacollaboration entre le gouvernement etles institutions internationales et localespermet d’éviter la duplication de programmessimilaires ou l’intégration verticale deprojets incompatibles. La discussion entretous les acteurs (gouvernement, régulateur,professionnels de santé, secteur privé –opérateurs télécoms, éditeurs de logiciels,etc.) permet donc davantage d’efficacité et demeilleurs résultats. Dans son rapport sur lessolutions d’e-santé en Afrique, 85 le bureaurégional pour l’Afrique de l’OMS indiquequ’« un processus consultatif multisectoriel etmultidisciplinaire impliquant utilisateurs etbénéficiaires devrait être utilisé pour dévelop-per politiques, stratégies et cadres éthiqueset juridiques ». La RDC a ainsi constituéun groupe de travail sous la houlette duMinistère de la Santé, et le gouvernementrwandais travaille, pour sa part, en étroitecollaboration avec les opérateurs télécoms.

4.2.2 Favoriser l’investissement

Au plan national, le rapport coûts-bénéfices des investissements dans l’e-santéest intéressant, les services développés per-mettant des réductions de coûts importantesen comparaison aux systèmes de santé tra-ditionnels : les services de prévention et desuivi à distance permettent une réduction deshospitalisations, l’allocation des ressources setrouve optimisée grâce à la télémédecine ouencore la formation à distance des personnelsmédicaux est moins onéreuse qu’une forma-tion « classique ».

Le développement de stratégies et de pro-grammes nationaux nécessite la mobilisationde fonds publics. Par exemple, 98% des pays

84. Guide pratique sur les stratégies nationales enmatière de cybersanté, 2013 : Chapitre 5 (« Collaboreravec les parties prenantes »)

85. E-health solutions in the African region : currentcontext and perspectives, 2010

de l’UE déclarent avoir investi dans l’e-santéet utilisé des fonds publics pour cela.

Par ailleurs, la mise en place d’un cadrelégislatif favorisant l’innovation et l’investis-sement facilite le développement de l’e-santé.En effet, le secteur privé est de plus en plusà l’origine d’initiatives d’e-santé, mais quipeinent à percer par manque de financement.Elles restent locales et des investissementssupplémentaires importants sont nécessairespour leur passage une échelle plus importante,sur un continent où le capital-risque est peudéveloppé. Dans le but d’attirer cet investisse-ment en mettant en contact start-ups et inves-tisseurs, l’Observatoire de la E-Santé dans lesPays du Sud, créé en 2016 par la FondationPierre Fabre, recense et qualifie les projetsémergents et les cartographie selon plusieurscritères (objectifs, technologie, bénéfice ap-porté, etc.) au sein d’une base de donnéesactualisée.

Enfin, les Partenariats Public-Privé (PPP)peuvent aussi permettre le passage à l’échellede projets d’e-santé. En Tanzanie, le serviceWazazi Nipendeni, campagne d’informa-tion par SMS autour de la maternité, abénéficié de l’implication du secteur public(le gouvernement ayant la direction duprojet) et du secteur privé (les opérateurset autres acteurs privés ont pris en chargecertains coûts opérationnels). Les retombéespositives en termes de communicationont notamment permis aux opérateursd’améliorer leurs taux de rétention de leurbase client, à travers l’utilisation de ce service.

4.2.3 Améliorer le cadre réglementaire

La e-santé soulève des questions juri-diques et éthiques et nécessite le respectde normes et de standards, de la sécuritédes données et des droits du patient. Dansce cadre, l’OMS et l’UIT intègrent diversprincipes à l’environnement national del’e-santé. 86

Législation, politiques et conformitéCette composante de la stratégie consiste

86. Guide pratique sur les stratégies nationales enmatière de cybersanté, 2013

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Les usages du numérique dans le domaine de la santé en Afrique

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à « adopter des politiques et législationsnationales dans les domaines prioritaires,garantir l’alignement et l’exhaustivité despolitiques sectorielles, examiner régulière-ment les politiques » et à « mettre en placeun environnement juridique et exécutif visantà garantir la confiance des usagers et del’industrie envers les pratiques et systèmesd’e-santé, ainsi que leur protection ».

Normes et interopérabilitéCette composante consiste à « introduire

des normes permettant le recueil et l’échanged’informations médicales cohérentes etprécises entre les systèmes et services desanté. »

4.2.4 Répartir et développer les compé-tences

Enfin, la question des ressources hu-maines est un enjeu clé pour un environne-ment favorable à l’e-santé et recouvre aussibien le personnel de santé (ex. prestataires desoins) que le personnel informatique spécia-lisé dans la santé.

Il s’agira tout d’abord d’étudier le dimen-sionnement du système de santé (inventairedes effectifs et répartition des professionnelsde santé) pour identifier les déséquilibres exis-tants et envisager ainsi des possibilités de ré-équilibrage.

Par ailleurs, éducation et formationsur la e-santé permettront de renforcer lescompétences des personnels de santé. Il est icirecommandé en première étape d’identifierles organismes et les programmes adéquatsde formation.

5 Conclusions et recommanda-tions

Il ressort de cette analyse que le secteur dela santé en Afrique doit faire face à plusieursdéfis : le déficit en quantité et en qualité de sesinfrastructures, la fuite de ses compétences, lecoût élevé des soins associé à une absence decouverture sociale, une gestion lacunaire dessituations d’urgence et des épidémies, ainsiqu’une difficulté à tracer les médicaments.

Parallèlement, le continent a bénéficié cesdernières années du développement de latechnologie mobile : près de 300 millions 87

de smartphones en circulation permettentaujourd’hui aux africains d’accéder à Inter-net et d’utiliser des applications. Par ailleurs,l’Afrique est progressivement devenue un ré-servoir d’innovations technologiques et so-ciales. 88

La technologie mobile et l’innovation nu-mérique constituent ainsi une opportunitépour permettre au secteur de la santé de sur-monter ses contraintes actuelles. Le numé-rique est en mesure d’intervenir dans les do-maines :

- des soins médicaux (en répondant audéficit d’infrastructures et aux coûts éle-vés des soins),

- de la collecte des données (soutenantainsi notamment la gestion des épidé-mies et la traçabilité des médicaments)

- de l’éducation et de la formation (enpalliant la problématique des compé-tences)

- de la sensibilisation des populations.

Il est donc primordial qu’un environnementfavorable soit créé – aux niveaux régional etnational – pour que le secteur de la santépuisse tirer le meilleur parti du numérique enAfrique.

Cette note se propose de présenter desrecommandations à l’égard des différents ac-teurs de la santé en Afrique pour faciliter cetenvironnement.

87. 296 millions de smartphones, Afrique, Q4 2016(Source : GSMA Intelligence)

88. Principaux incubateurs numériques en Afrique.

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Il s’agit d’abord pour les autorités pu-bliques de s’assurer de mettre en place lesconditions indispensables à la e-santé, d’unepart en développant l’accès aux réseaux et àl’outil numérique des professionnels de santéet des citoyens et d’autre part, en se présen-tant comme les instigatrices d’un cadre régle-mentaire dans le domaine.

Sur ces bases, il serait ensuite recom-mandé :

- d’encourager la collaboration entre lesdifférentes parties prenantes, afin d’as-surer la cohérence, la pertinence et l’ef-ficacité des programmes,

- d’améliorer le cadre réglementaire pourétablir un climat de confiance et assurerla sécurité des usagers et des différentsacteurs,

- de faciliter l’investissement pour dyna-miser le secteur et favoriser l’innova-tion,

- de développer la formation aux outilsnumériques afin d’améliorer les compé-tences et leur utilisation.

Ces différentes recommandations ne pour-ront avoir d’effet que si les pouvoirs publicsdes pays concernés reconnaissent l’intérêt dunumérique pour le secteur de la santé.

RemerciementsCette publication a été supervisée par Olivia

GANDZION, Directrice des Publications, et béné-ficié de l’assistance de Kenneth HOUNGBEDJI,Reviewer Principal de L’ADI et de LouiseElisabeth FAYE, Assistante de la Direction desPublications. Les auteurs remercient tous lesmembres du bureau exécutif de L’Afrique desIdées pour leur soutien.

L’Afrique des IdéesFondé en 2011, L’Afrique des Idées est un

think tank qui promeut la réflexion et le débatd’idées sur les défis économiques, sociales etpolitiques que doit relever l’Afrique. L’Afriquedes Idées promeut le concept fort et innovantd’Afro-Responsabilité qui passe notamment parune réappropriation par les jeunes africains dudiscours sur l’Afrique et, in fine, un engagementau service d’une croissance économique plusinclusive et durable.

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Les usages du numérique dans le domaine de la santé en Afrique

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