Krishnamurti à Auckland (Nouvelle-Zélande) - 1934

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  • 8/2/2019 Krishnamurti Auckland (Nouvelle-Zlande) - 1934

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    Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses

    par

    KR1SHNAMURT1 A U C K L A N D ( N ou vel l e- Zl an d e) 19 34

    (Traduit de langlais)

    D E U X I M E D I T I O N

    1935

    D I T I O N S D E L T O I L E

    4 , S Q U A R E R A P PPA U) S (7e)

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    par

    KR1SHNAMURT1 A U C K L A N D ( N o u v el l e- Z l an d e) - 19 34

    (Traduit de langlais)

    Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses

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    par

    KR1SHNAMURTI A U C K L A N D ( N ou vel l e- Zl an d e) '9^ 4

    (Traduit de Vanglais)

    Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses

    Deuxime Edition.

    1 9 3 5

    D I T I O N S D E L T O I L E

    4 , S Q U A R E R A P P

    PA RIS (7e)

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    TOUS DROITS RSERVS

    p a r l e S t a r P u b l i s h i n g T r u s t

    Los A n g e l e s , C a l . (U . S . A . ) .

    I m p r i m a P a r i s ( F r a n c e ) .

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    PR E M I R E C A U S E R I E

    A LHOT E L DE V IL LE

    A uckland, 28 Mars 1934.

    A m i s ,

    Je crois que tout homme se trouve pris dans un problme

    religieux, une lutte sociale ou un conflit conomique. T out lemonde souffre de ne pas comprendre ces divers problmeset nous essayons de rsoudre chacun de ces problmes pris enlui- mme.

    V ous pensez pouvoir rsoudre un problme religieux enbalayant de votre esprit le problme conomique, le problme social, pour vous concentrer uniquement sur leproblme religieux, ou si vous tes en face dun problmeconomique, vous vous confinez uniquement dans cette diffi

    cult spciale. Je dis que vous ne pouvez rsoudre chaqueproblme pris en lui- mme, sans tenir compte de la relationintime qui existe entre les problmes religieux, social, conomique.

    Ce que nous appelons des problmes ne sont que dessymptmes qui sintensifient et se multiplient parce que nousne nous attaquons pas la vie totale, considre comme une,mais que nous la divisons en problmes dordre religieux,social, conomique. Si vous considrez les diverses solutions

    proposes pour remdier tous ces maux, vous verrezquelles traitent chaque problme part, isol par descloisons tanches, et non par la comprhension du tout. Jevoudrais montrer que traiter chacun des problmes sparment ne fait quaccentuer le malentendu, donc le conflit, lasouffrance, la misre; tant quon ne saisit pas le lien subtil

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    et dlicat qui les relie tous trois, au lieu de rsoudre les

    problmes, on ne fait quaccentuer la lutte. On croit avoirtrouv la solution, mais le problme renat sous une autreforme, et nous allons ainsi travers la vie, luttant, rsolvantles problmes les uns aprs les autres, sans comprendre lapleine signification de notre existence.

    Pour saisir lintime liaison entre ce que nous appelonsproblme religieux, social ou conomique, il faut une complte rorientation de la pense : lindividu ne doit plus treun rouage, un instrument dans le mcanisme social ou

    religieux. Regardez autour de vous, vous verrez que la plupart des tres humains ne sont que des esclaves, des rouagesdans une machine; ils ne sont pas rellement humains, ils nefont que ragir un ensemble de conditions extrieures, sansaction, sans pense rellement individuelle. Or, pour dcouvrir ltroite parent entre tous vos actes, religieux, politiques,sociaux, il faut que vous pensiez en tant quindividu, noncomme groupe ou collectivit. C est une des plus grandesdifficults pour un individu de se dgager du mcanisme

    social ou religieux, de lexaminer avec un sens critique et dedcouvrir ce quil y a en lui de vrai ou de faux. V ousvoyez alors que vous ne vous occupez plus seulement dessymptmes, mais que vous essayez de dcouvrir la cause duproblme lui- mme.

    Quelques- uns diront peut- tre la fin de cette causerieque je ne vous ai rien donn de positif sur lequel vous puissieztravailler dune manire dfinie, aucun systme suivre. Jenai pas de systme; je les crois pernicieux. Ils peuvent pour

    un temps faciliter la solution dun des trois problmes; maissi vous ne faites que suivre un systme, vous en devenez lesclave; vous ne faites que substituer un nouveau systme lancien, ce changement ne peut amener la comprhension.Ce qui fait natre la comprhension, ce nest pas chercherun nouveau systme, cest dcouvrir, en tant quindividus et

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    non comme mcanisme collectif, ce quil y a de vrai ou de

    faux dans le systme existant.Pouvoir critiquer, douter, distinguer le vrai du faux dansle systme actuel, est essentiel; la pense devient ainsi actionet non pure acceptation. Pendant cette causerie, si vous voulez comprendre ce que je dis, il faut critiquer, mettre endoute, mais nous navons pas t exercs douter, critiquer,nous ne savons que faire de lopposition. Si je dis des chosesqui vous dplaisent, et jespre le faire vous commencerez, naturellement, par faire de lopposition; car il est plus

    facile de sopposer que de rechercher si ce que je dis aquelque valeur : cette recherche comporte laction et voustes obligs de changer toute votre attitude devant la vie.Mais nous ne sommes pas prpars cela, nous avons unehabile technique dopposition : vous mettrez en avant vos pr

    jugs enracins, et si ce que je dis vous heurte ou vous dconcerte, vous vous retrancherez derrire ces traditions, ces prjugs, et de l vous ragirez ; cest cette raction que vous appelez le sens critique. Pour moi, ce nest quune opposition,absolument sans valeur. V ous tes, probablement, tous Chrtiens et peut- tre dirai- je des choses que vous ne comprendrezpas, au lieu dessayer de dcouvrir ce que je veux vous transmettre, vous vous abriterez aussitt derrire les traditions, lesautorits de lordre tabli, les prjugs comme derrire uneforteresse, et vous attaquerez. Selon moi, ce nest pas unemanire habile dviter laction complte, totale.

    Je voudrais vous demander si vous pouvez comprendre ceque je dis, de faire une vritable critique, non une habileopposition. Il faut pour cela une grande intelligence. Le senscritique nest pas le scepticisme. Si vous ne faisiez querpondre : Ce que vous dites me laisse sceptique , ceserait aussi stupide que de purement laccepter.

    L a vraie critique consiste discerner les valeurs vraies, non attribuer des valeurs. Nos esprits sont habitus dcerner

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    des valeurs, non chercher le mrite intrinsque des choses.

    L argent, par exemple, na aucune valeur en lui- mme; ilna que celle que vous lui donnez. Si vous voulez la puissanceque donne largent, vous vous servez de largent pour acqurir cette puissance, et vous lui attribuez une valeur inhrentequil na pas; de mme, si vous voulez comprendre ce que jedis, et cest facile si vous avez le dsir de dcouvrir vous-mme, ne dites pas : J e nai pas envie dtre attaqu; jesuis sur la dfensive; j ai tout ce que je veux; je suis parfaitement satisfait . Une telle attitude est peu prs sans

    espoir. C est que vous tes ici par simple curiosit commecest lfe cas pour la majorit dentre vous probablement ce que je dirai sera pour vous purement ngatif et nauraaucun sens constructif.

    Aussi, je vous prie, noubliez pas que nous essayerons cesoir, dexaminer et de dcouvrir ensemble ce quil y a de vraiet de faux dans les conditions sociales et religieuses existantes ;ne mettez pas sans cesse vos prjugs en avant que voussoyez Chrtiens ou dune autre Secte mais gardez une

    attitude intelligente, critique, non seulement lgard de ceque je dirai, mais en face de toute chose dans la vie; vouscesserez ainsi de chercher de nouveaux systmes, qui une foistrouvs saltrent, se corrompent, vous garderez vos esprits etvos curs libres, sans crer de fausses barrires dans lesquelles la pense semptrerait de nouveau. ,

    L a plupart dentre vous tes la recherche dun nouveausystme de pense, dconomie sociale, de philosophie religieuse. Pourquoi chercher un nouveau systme ? Parce

    que, dites- vous, si vous vous en proccupez je suismcontent de lancien .Mais, je vous le dis, ne cherchez pas un nouveau systme,

    ex aminez plutt celui- l mme dans lequel vous tes retenus;vous verrez quaucun systme ne peut faire natre lintelligence cratrice, essentielle la comprhension de la V rit,

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    ou de Dieu, quelque nom que vous lui donniez; aucun sys

    tme ne vous fera dcouvrir cette ternelle ralit; mais vous-mme, comme individu, essayez de comprendre le systmeque vous avez chafaud travers les sicles.

    Je nai pas lintention de vous proposer un nouveausystme de philosophie. Ce snt des cages pour enfermer lapense. A u lieu daider lhomme, ils lentravent, ce sont desmoyens dexploitation; mais si vous, individus, commencez remettre en doute la valeur des systmes vous ne pourrezplus en accepter un nouveau, comme un autre soporifique qui

    ne ferait que vous endormir et vous transformer de nouveauen machines.Cherchons ce qui est vrai et ce qui est faux dans le

    systme des religions et de la sociologie. Quelle est la basedes religions? Je parle de la religion sous la forme cristallise qui est devenue lidal le plus lev de la majorit,cest- - dire des religions telles quelles sont, non comme vousvoudriez quelles fussent.

    Sur quoi reposent- elles? Si vous y rflchissez sans y mler

    vos espoirs ou vos prjugs vous constaterez quelles reposentsur le rconfort, la consolation apports vos souffrances.L esprit humain cherche sans cesse une position de certitudede scurit, dans une croyance, un idal ou un concept;lhabitude de rechercher la scurit, la certitude engendre lapeur. S i vous avez peur, vous avez besoin de vous conformer.

    Je nai pas le temps dentrer dans les dtails; je le feraiau cours des diffrentes runions; je voudrais seulementexposer brivement lide et si elle vous intresse vous yrflchirez, et nous la discuterons par questions et rponses.

    Les soi- disant religions proposent un modle lesprit quicherche le rconfort, la scurit, ns de la peur; pour vousmouler suivant un modle spcial, elles emploient ce quellesappellent la foi; elles exigent la foi. Ne vous mprenez passur le sens de mes paroles, et ne bondissez pas sur moi.

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    Elles exigent la foi et vous acceptez la foi qui vous protge

    des conflits de lexistence quotidienne, des luttes, des dgots,des chagrins. De cette foi, qui doit tre dogmatique, sontns les glises, les idals, les croyances.

    Or , pour moi, et rappelez- vous, je vous prie, que je vousai demand de critiquer et non daccepter, pour moi tous lesidals, toutes les croyances sont les obstacles qui vousempchent de comprendre le prsent. V ous les jugez ncessaires comme des phares, pour vous guider travers letumulte de la vie, cest-- dire que vous vous intressez aux

    croyances, la tradition, aux idals, la foi, plutt que dechercher comprendre le tumulte lui- mme. Pour le comprendre, il ne faut ni prjug ni croyance; il faut le regarderen face, le juger avec un esprit neuf, non contamin, nidform par ce prjug particulier que nous appelons unidal. ,

    Si nous cherchons le confort, la scurit, il nous faut unmodle imiter, il nous faut un refuge; donc, nous avonsdj une ide prconue de ce que doit tre Dieu, la V rit.

    Pour moi, il existe une ralit vivante ternelle fondamentale; mais elle ne peut tre conue davance; elle nexigeaucune croyance, aucun idal qui retient lesprit attachcomme un animal un piquet; elle veut, au contraire, unesprit libre, qui va toujours se mouvant, exprimentant, nerestant jamais statique. A ppelez cette ralit vivante Dieuou la V rit, cela na pas dimportance; on ne peut la saisirau moyen du conformisme, mais avec une suprme intelligence qui remet en question tout ce qui encercle lesprit.Parmi vous, qui avez des tendances religieuses, la plupartsont en qute de la vrit; cette recherche mme indique quevous vous vadez du conflit prsent, que vous tes mcontentsdes conditions actuelles. V ous essayez de trouver ce qui estrel; vous abandonnez la lutte et vous vous enfuyez pourtrouver Die u, la V rit. Cette recherche est la ngation de

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    la vrit, car vous voulez vous chapper, trouver le confort,la scurit.

    Aussi, les religions telles quelles sont, fondes sur lebesoin de scurit, ne sont quune srie dexploitations. Ceuxque nous appelons mdiateurs entre notre conflit prsent et laralit suppose sont devenus nos exploiteurs; ce sont lesprtres, les matres, les instructeurs, les sauveurs, car cestseulement par la comprhension du conflit prsent, de toutesa signification dans les nuances les plus dlicates, que nou*

    pouvons dcouvrir ce quest le rel et personne ne peut nouy aider.

    S i le chercheur et linstructeur connaissaient ce quest lavrit, tous deux pourraient aller vers elle ; mais le disciple nepeut savoir ce quest la vrit. Donc sa qute ne peut se fairequau milieu du conflit, et non loin du conflit; tout instructeur qui dcrit ce quest la vrit, ce quest Dieu, nie la vritmme, car elle est incommensurable et ne peut se dcrire enmots. L illusion des mots ne peut la contenir, ni servir de

    pont pour aller vers elle.Mais si vous, comme individu, commencez raliserlimmense conflit, en discerner la cause et lerreur, vousdcouvrirez ce quest la vrit; cest lternel bonheur, lintelligence, mais non cette chose falsifie quon appelle spiritualit qui nest quun conformisme impos la peur, par lautorit. Pour dcouvrir cette chose exquise, infinie, lhomme nepeut tre une machine imiter et nos religions nen font pasautre chose.

    E n outre, nos religions divisent les peuples travers Jemonde. V ous, qui vous appelez Chrtiens, avec vos prjugs particuliers, et les Hindous avec leurs croyancespropres, ne vous rencontrez jamais. V os religions, voscroyances vous maintiennent spars. Mais, dites- vous, siles Hindous devenaient Chrtiens, nous obtiendrions lunit ,les Hindous disent : Q uils deviennent tous Hindous .

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    Mme alors, il y aurait division car la croyance entrane.les

    divisions, les distinctions, lexploitation, la lutte incessanteentre les catgories distinctes.Nous disons que les religions unifient : cest le contraire.

    Regardez le monde dchiquet en petites sectes troites luttant les unes contre les autres pour augmenter le nombrede leurs adhrents, leurs richesses, affermir leurs positions,leurs autorits, prtendant tre L a V rit. Il ny a quuneseule V rit; vous ne pouvez aller elle par l entremisedaucune secte, daucune religion. Pour discerner ce qui est

    juste de ce qui est faux dans une religion, il ne faut pas treune machine, accepter ce qui est et sen contenter. Si voustes satisfaits, vous ne mcouterez pas et je parlerai en vain.

    Si vous tes mcontents, je vous aiderai remettre lesquestions au point; le doute vous fera dcouvrir ce qui estla vrit et vous connatrez la plnitude, la richesse, lextasede la vie, au lieu de cette lutte constante, acharne que voussoutenez contre toute chose pour assurer votre scurit et quevous appelez vertu.

    Cette peur du besoin de scurit cherche aussi un abri dansla socit. La socit aprs tout, na rien de mystrieux; ellenest que lexpression de lindividu multiplie par milliers;elle est ce que vous tes ; elle domine, elle oppresse, elle contrle, elle dforme; elle est lexpression de lindividu. Cettesocit vous protge, par le moyen de la tradition, de lopinion publique. L opinion publique soutient que la possessiondes biens, que la proprit est parfaitement thique, morale,vous confre des distinctions et des honneurs, fait de vous unpersonnage. Cette opinion traditionnelle vous ladmettez, vouslavez cre vous- mme comme individus, car cest ce quevous cherchez, vous voulez tous tre un personnage danslEtat, Sir ou Lord, quelque chose, et dtenir tout ce qui apour base la possession, les richesses, cette opinion est devenue juste, vraie, parfaitement Chrtienne ou parfaitement

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    Hindoue, cest la mme chose. Nous lappelons la moralit

    et cette moralit consiste sajuster un modle. Je neprche pas loppos, je vous montre lerreur et si vous vouleztrouver la vrit, vous agirez, vous ne prendrez pas loppos.V ous considrez que possder vos biens, votre femme, vosenfants, est parfaitement moral. Supposez quune autresocit vienne natre o la proprit soit un mal, o lidede possession soit proscrite, et quon vous lait inculque parlducation, lopinion, les circonstances. Alors la moralitperd son sens; elle nest quune simple commodit, une habile

    adaptation aux circonstances, non la vritable perception deschoses. Supposez que vous, individu, vouliez ne pas tre possessif, considrez tout ce quil faudrait combattre. Le systmesocial nest que possession. Si vous voulez comprendre, et nepas tre pouss par des circonstances qui ne sont pas ditesmorales, vous comme individu, vous devez commencer parvous dgager volontairement de ce systme, et non pas vouslaisser mener comme des brebis accepter une moralit denon- possessivit.

    Or, que vous le vouliez on non, que vous le jugiez raisonnable ou non, vous tes pousss par les circonstances,par les conditions que vous avez cres, parce que vous testoujours avides de possder; peut- tre un autre systme viendra vous pousser vers loppos vers la non- possessivit.

    Assurment, ce nest pas cela la moralit, ce nest que de lapassivit. L a vraie moralit, cest comprendre pleinementlabsurdit du sentiment possessif, le combattre volontairement, et non se laisser pousser dans un sens ou dans un

    autre.Un autre appui de cette socit, cest la conscience declasse qui est aussi ne du besoin de scurit. De mme queles croyances se dveloppent en religions, ainsi le sens possessif sexprime en classes et en nationalits. De mme que lescroyances divisent les peuples, les conditionnent les tiennent

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    lcart les uns des autres, le sens de possession sexprimant

    en conscience de classe et se dveloppant en nationalits,maintient les peuples isols. T oute nationalit a pour baselexploitation de la majorit par un petit nombre qui dtientles moyens de production son profit. Cette nationalit,grce linstrument appel patriotisme, est une cause deguerre. Toutes les nationalits, tous les gouvernements souverains doivent se prparer la guerre; cest leur devoir. Aquoi bon tre pacifiste et parler en mme tempo de patriotisme ? Vous ne pouvez parler de fraternit et parler de

    Christianisme, parce que cest un non sens : pas plus ici quenInde, ou ailleurs. E n Inde, ils peuvent parler dHindouisme,dire nous sommes un, toute lhumanit ne fait quun. Ce nesont que des mots, cest une pure hypocrisie.

    A insi toutes les nationalits sont une cause de guerre.Lorsque je parlais en Inde, on me disait : (actuellement lesHindous traversent une crise de nationalisme)

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    sommes les barbares, non celui qui envahit votre pays. Le

    barbare, cest le patriote. Pour lui, sa patrie est plusimportante que lhumanit, que lhomme; je dis que vous nersoudrez ni le problme conomique, ni le problme desnationalits, tant que vous serez New- Zlandais, mais seulement lorsque vous serez un rel tre humain, libr de tousles prjugs de nationalits, quand vous ne serez plus possessif, et que votre esprit ne sera plus divis par descroyances. L unit humaine pourra vraiment exister, les problmes de la famine, du chmage, de la guerre disparatrontparce que vous considrerez lhumanit comme un tout etnon comme des peuples qui veulent exploiter dautrespeuples.

    V ous voyez ce qui divise les hommes, ce qui dtruit lavraie gloire de lexistence en laquelle seule vous pouveztrouver cette ralit vivante, cette extase, cette immortalit.Mais pour la trouver, il faut avant tout tre des individus;cest-- dire que vous devez commencer comprendre, donc agir; dcouvrir ce qui est faux dans le systme actuel, etcomme individus, vous formerez un noyau. V ous ne pouvezchanger la masse ? Q uest-ce que la masse ? Vous- mmesmultiplis. Nous attendons que la masse agisse, esprantquun miracle se produira quelque beau jour et amnera unchangement, parce que nous ne pensons pas, nous navons pasenvie dagir. Si vous restez dans cette attitude dattente, il

    y aura des luttes de plus en plus violentes toujours plus desouffrance, plus dincomprhension; la vie est devenue unetragdie, elle a perdu toute valeur. A u contraire, si vous,individu, agissez volontairement, parce que vous voulezcomprendre et dcouvrir, vous ne deviendrez pas un rformateur, mais vous deviendrez responsable; il se produira unchangement, vous ne prendrez plus pour base l'amour de lapossession des distinctions, mais la relle humanit et vouscrerez laffection, la pense active, lextase de vivre.

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    PR E M I R E C A U S E R I E

    D A N S LE S

    JA RDINS DE LCOLE VASANTA "

    30 Mars 1934.

    A mis ,

    Il semble que ce soit dommage, pour une belle matinecomme celle- ci, de parler des multiples contraintes, descruauts que nous endurons chaque jour; des exploitationsdiverses et plus ou moins conscientes que nous voyons autourde nous; cependant nous nous efforons den sourire, de lessupporter; nous menons une vie odieuse et laide, essayantde nous arranger tant bien que mal au milieu des malheurs et

    des souffrances qui nous assaillent journellement.Si vous considrez ce qui se passe, vous constaterez quen

    dpit de cette oppression, de cette cruaut, de cette exploita tion extraordinaire des uns par les autres, nous cherchons continuellement la satisfaction; soit en tolrant tout ce que nousvoyons, soit en voulant le changer. De temps en temps, sinous sommes atteints directement nous avons un brlant dsirde changer, de draciner le mal, de vivre dune maniredcente, humaine, complte; mais quand ce contact immdiat

    a disparu emportant les souffrances, nous retombons dans lasatisfaction.

    Auss i, si vous tes simplement satisfaits, heureux, contentsde rester tel que vous tes au milieu dun monde o toutcroule, o il y a tant de corruption, dexploitation et decruaut, o il se passe de relles horreurs, il ny a rien

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    dire et je crains que mes paroles ne restent absolument

    vaines. Mais si vous voulez un changement, si vous pensezque, comme tres humains, nous devrions crer un tat dechoses, des conditions, un milieu diffrents, non seulementpour une lite choisie, mais pour lhumanit entire, considrons le problme ensemble. Non que jaie envie de dogmatiser ou de vous influencer, dans un sens ou dans un autre, oude vous pousser agir dune manire particulire; mais enrflchissant ensemble, nous aboutirons une conclusionnaturelle de laquelle laction devra dcouler ncessairementet spontanment. A ins i deux voies sont ouvertes pour chaqueindividu : ou rapicer, rformer ou changer compltementlorientation de la pense.

    Ce que jappelle rapiage, cest cette continuelle modification du systme de pense actuel en gardant la baseintacte : cest sen tenir aux difficults superficielles, porterremde aux afflictions passagres et ne pas sen prendre auxcauses fondamentales. C est comme si vous vouliez amliorer les taudis de la cit; non quil soit mauvais damliorer les taudis, mais quil y ait des taudis, quil y ait desgens qui exploitent, quil existe ces distinctions de classe,cest l le problme, et non telle ou telle amlioration apporter. T ant que nous naurons pas compris cela, tantquil ny aura pas un changement radical, fondamental,traiter les symptmes ne produira aucun rsultat.

    Je voudrais vous montrer, ce matin, que la pense, donclaction, qui prend racine dans lide de croissance personnelle, dagrandissement personnel, dans la conscience desoi, toujours limite, ne pourra manquer de soulever des problmes issus de cette conscience limite; malgr les changements, malgr les rformes sociales, si le systme depense garde sa base la possessivit, la scurit, les droitsde proprit, vous ne traiterez que les symptmes, vous nevous attaquerez pas la racine.

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    Supposez, Messieurs, quil y ait une rforme la proprit, vous trouveriez parfaitement juste de possder votrepetit coin de terre et que chacun possde un coin de terre.

    V ous voulez vous attacher votre proprit particulire etlaisser les autres faire de mme; au lieu que, pour moi,lide mme de possessivit ne peut manquer de provoquerune lutte avec le voisin, dengendrer les distinctions, lesnobisme, les classes, les nationalits; si votre rforme portesur ce que vous devez possder, et ce que votre voisin doitpossder, vous faites encore comme le mdecin qui traiteles symptmes et ne sattaque pas la racine du mal.

    Prenons un autre exemple ; T raiter les symptmes cestencore admettre que vous pouvez vous attacher votre religion, moi la mienne, pourvu que nous soyons tolrants.J ai expliqu, lautre soir, comment la fondation dune religion suppose ladhsion un credo, un dogme spcial.

    Vous vous dites religieux, chrtien, parce que vous avezcertaines croyances, un certain idal, certains dogmes, etvous pensez que le monde sera parfait quand tous les peuples du monde croiront ce que vous croyez, adopteront votre

    forme particulire de pense; nous essayons, par cette atti-titude envers les religions, de rformer, de rapicer.

    Pour moi, la vritable rforme, le vritable changementde pense, cest de voir labsurdit des religions. Lescroyances font natre les divisions. T ant que vous resterezencag dans une forme particulire de pense, vous sereznaturellement spar de moi; il ny aura aucun contacthumain, aucune comprhension vraiment humaine, mais unchoc de prjugs.

    Donc, si vous ne faites que rformer, amener quelquesamliorations dans le systme de pense, de culture, dansles droits de proprit, vous pouvez momentanment allgerles souffrances, mais vous ne faites que diffrer, remettre plus tard la solution de la question fondamentale : Est- il

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    indispensable quune socit ou une culture se base sur1agrandissement personnel, la possessivit et lexploitation ?

    A insi, vous, en tant qu individus, vous avez dcouvrirce que vous voulez faire : Si vous appartiendrez ce systme avec toutes ses nuances, toutes ses subtilits; ou si, vousrendant compte, comme individus, que 1tat de chosesexistant ne peut amener que guerres, cruauts, exploitation,vous tes prpars changer compltement, non pas vousoccuper seulement des symptmes; devant tout individu, leproblme se pose; ne ferons- nos que rapicer ou adopterons- nous une toute autre attitude de pense non enracine

    dans la possessivit, l'importance personnelle ? Cette attitude produirait ncessairement, par degrs, un nouvel tatde choses, une nouvelle socit, une nouvelle consciencedans lesquels lexploitation, la lutte continuelle pour lexistence pour la seule existence nauraient plus deplace. Vous ne rsoudrez pas la question en vous asseyantpour la discuter intellectuellement, en comparant des thories, mais en rflchissant vraiment, en vous demandant, ence qui vous concerne, si vous souffrez rellement. C est vous

    qui avec votre raison, donc par votre action, devez dcidersi vous voulez faire natre une humanit dans laquelle il yaurait une vraie comprhension, ou maintenir cet tat de lutteincessante.

    On ma pos quelques questions auxquelles je vais rpondre; et jai lintention de le faire chaque jour.

    Q u e s t i o n . Que lques - uns de m es am is on t f a i t obse r

    ver que tout en s in tressant in tensment ce que vous d i tes,i l s p r f r en t l e se r v i ce p lu t t que l a p r occupa t ion de ces quest i ons de l a v r i t ? Q u e l l e r ponse l eu r f e r ez - vou s ?

    K r i s h n a m UKTI. Monsieur, quentendez- vous par leService ? T out le monde a envie daider. C est le cri de cesgens qui croient servir le monde, spcialement ceux qui font

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    partie dune secte, ils parlent toujours daider. C est leur

    maladie; ils croient quen faisant telle ou telle chose, peuimporte laquelle, ils vont servir, ils vont aider. Qui dira ceque cest que le service ? Un soldat prt tuer le barbarequi envahit son pays, dit quil sert la patrie. L homme quitue, le boucher, dit quil sert la communaut. L exploiteurqui a monopolis entre ses mains les moyens de production,dit quil sert la communaut; de mme le prtre qui exploitela croyance, dit quil sert le pays, la communaut. Quipourra dcider ?

    Ou bien, nous placerons- nous dun point de vue diffrent ? Pensez- vous quune fleur, une rose, se dit sans cessequ elle sert l humanit, que son existence aide le monde,parce quelle est belle ? A u contraire, parce quelle estbelle, dune suprme beaut, inconsciente de sa propre magnificence, elle aide vritablement, non pas la manire delhomme, qui va criant partout quil sert le monde. Celasignifie que chacun se sert de ses moyens, de ses ides, pourexploiter le monde, non pour le librer. Personnellement,

    vous voulez ne pas vous mprendre sur le sens' de ce que jedis ce nest pas du tout mon point de vue. Je nai pas ledsir daider, comme vous le dites. Je ne puis aider, celaarrive naturellement. C est cela le service. Je ne dsire pasfaire partager aux autres ma forme particulire de croyance,ni les faire entrer dans ma propre cage de pense, car jesoutiens que toute croyance est une limitation.

    Pour servir rellement, il faut tre suprmement libr dela conscience limite que nous appelons le J e , l ego,

    la conscience centre sur soi; tant quelle existe, vous neservez pas vritablement. S i vous ne pensez pas rellementvous ne pouvez savoir si vous aidez. Aussi, ne commenonspas par nous demander si nous servons le monde, mais sinous avons le pouvoir de penser et de sentir. Pour penserrellement, il ne faut pas que lesprit soit li une croyance.

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    C est trs simple, nest-ce-pas ? Pour penser rellement, pro

    fondment, sincrement, compltement, il faut que lespritsoit libre de prjugs, de certitude, de crainte, dides prconues; il doit partir sur nouveaux frais, vide, et nonavec un bagage de traditions. Aprs tout, la tradition nade valeur quautant quelle vous aide penser, et non si ellevous surcharge de son poids.

    E n dautres termes, nous avons tous le dsir d aider;quand vous voyez la souffrance du monde, vous avez unintense besoin de servir; mais pour aider vraiment, il faut

    aller jusqu la racine fondamentale, il faut dcouvrir lacause de la souffrance; vous ne pouvez le faire quen allantaux profondeurs de la pense, et cette pense nest pas lasimple jouissance intellectuelle; elle nexiste que dans laction.

    QUESTION. On affirme qu'il riy a quune ou deuxpersonnes dans le monde pouvant esprer saisir limportancede votre message.

    Donc, un degr infrieur, Venseignement de la Thoso- phie moderne est ncessaire comme adjuvant pour le salutdu monde ? Qu avez-vous rpondre ?

    K r i s h n a m u r t i . A vant tout, Monsieur, il faut comprendre ce que j ai dire, avant de dclarer que cestimpossible. Ce que je veux dire, cest que tout notre systme de pense, daction, de vie, repose sur le dveloppement personnel et la croissance aux dpens des autres. C estun fait, nest-ce pas ? T ant que ce fait existera dans le

    monde, il y aura souffrance, exploitation, division de classes;aucune forme de religion ne peut apporter la paix, parcequelle est la cration des intenses dsirs des hommes, elleest un moyen dexploitation. Cette ralit vivante, que jedis qui existe appelez- la Dieu, la V rit ou dun autrenom cette suprme intelligence que je dis avoir ralise,

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    ne peut se trouver que par la libration des entraves quevous avez cres en cherchant la scurit et le confort, leconfort des religions et la scurit artificielle de la possessiondes biens.

    Certainement, ce nest pas trs difficile comprendre. L adifficult, cest de le traduire en actes; ce nest pas tant lecourage, mais plutt la comprhension qui est ncessaire. L aplupart dentre nous attendent que le monde change au lieude commencer par changer nous- mmes. Nous attendons

    que le monde change cette attitude de possessivit, sans nousdemander si, comme individus, nous pouvons nous- mmesnous librer. Pour sen librer, il faut discerner intelligemment quels sont nos besoins essentiels; quand nous avonstrouv nos besoins essentiels, nous ne sommes plus avides depossessions. T out homme peut connatre ses besoins, trs simplement, trs clairement, sil sinterroge avec intelligence,mais non si son esprit est captif de lavidit, de lexploitation.Quand vous connaissez vos besoins, vous ne faites plus de

    compromis entre ces besoins essentiels et les conditions dumonde qui reposent sur la soif des possessions.

    J espre avoir ex pliqu cela clairement.Ce que je veux dire, cest quil ne peut exister entre les

    hommes de rapports vraiment humains, vitaux, cest quonne peut jouir de la plnitude de la vie dans le prsent ce qui pour moi est la seule ternit tant que lesprit etle cur sont paralyss par la peur; pour surmonter cettepeur, nous avons cr dinnombrables barrires, religions,

    croyances,, scurits, possessions, et ainsi, comme individus,nous ajoutons sans cesse aux souffrances, aux luttes, auchaos du monde. Assurment, cest trs simple, si vous yrflchissez.

    Si vous voulez vraiment comprendre ce que je dis, examinez une des ides que j avance et mettez- la en action;vous verrez quelle devient pratique, et non vague, thorique,

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    impossible saisir; alors vous navez pas besoin dun autreenseignement.

    V ous savez, cette ide que les gens ne comprennent pas,quil faut leur donner quelque autre enseignement quilspuissent comprendre est un habile moyen dexploitation.C est l attitude de la classe capitaliste, cest lattitude delhomme qui possde; il veut nourrir le monde, guider lemonde, diriger lautre homme; tandis que je veux veillerlautre homme pour quil agisse par lui- mme. Si je puislui donner le sens de sa propre force, de sa propre intelli

    gence, veiller sa propre responsabilit, sa propre activit,je dtruis la distinction de classe. Je ne le laisse pas dansla nursery, comme un enfant, pour quil soit exploit parcelui qui est cens en savoir davantage. C est lattitude detoutes les religions; elles disent qu lexception dune oudeux personnes, vous ne pouvez seuls dcouvrir la vrit;elles vous proposent de vous aider, de vous servir de mdiateur, donc elles commencent vous exploiter. C est l leprocessus de toute religion. C est une habile manire dex

    ploiter, de se montrer cruel, que de maintnir les hommesdans la sujtion, exactement comme le fait la classe capitaliste : L une emploie des moyens spirituels, l autre desmoyens matriels. Mais si vous les regardez de prs, toutesles deux sont de cruelles exploitations, ( Trs bien, Trsbien.)

    Messieurs, je vous prie, ne prenez pas la peine de crier : Trs bien ! Ce qui est important, cest dagir et non

    dtre intellectuellement daccord avec moi; cela na pasde valeur. V ous ne pouvez approuver que par l action.Quand vous manifestez ainsi votre approbation cela signifiequil vous faut vous dresser seul contre la socit, contre vosvoisins, votre famille, contre tout ce que la socit a difidepuis des gnrations; cela exige une profonde percep

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    tion, non du courage ni une attitude hroque devant la vie,mais une perception directe et profonde de ce qui est rel.

    Pour moi, la vie nest pas destine tre une cole. L avie ne sapprend pas, elle est faite pour tre vcue divinement, avec une suprme intelligence; mais si vous en faitesune bataille, une lutte, un effort continuels, elle devienthideuse; et vous lavez rendue telle par votre unique soucide croissance personnelle, de dveloppement, dagrandissement personnel; tant que cet tat durera, la vie ne seraquune lutte hideuse.

    A insi, voil ce que je veux dire. Assurment, cest trsfacile comprendre, au moins dans un sens : on peut lesaisir immdiatement. On peut voir dans quelle direction ilfaut tendre; et, pour changer son attitude, il ne faut pastre satisfait, mais passer par de grandes afflictions, desconflits brlants qui vous forcent dcouvrir; et Dieu saitque toute la journe les conflits se prsentent; mais nousavons exerc notre esprit la ruse, nous passons lgrementpar-dessus ces conflits et nous nous en chappons. Aussi,nous avons beau affronter conflits sur conflits, nous poserproblmes sur problmes, notre esprit a appris ruser et esquiver.

    QUESTION. Voulez- vous, sil vous plat, expliquer avecplus de dtails ce que vous entendez par cette affirmation : vos instructeurs sont vos destructeurs . Comment unprtre, pourvu quil soit honnte dans ses intentions, peut-iltre un destructeur ?

    K r i s h n a m u r t i . Monsieur, pourquoi avez- vous besoindun prtre ? Pour vous maintenir dans le droit chemin ?Pour vous mener la vrit ? Pour servir dinterprte entreDie u et vous- mme ? Pour accomplir un rite, une crmoniede mariage ou de mort, ou le service du dimanche matin ?Pourquoi avons- nous besoin de prtres ? Quand nous dcou

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    vrirons pourquoi nous en avons besoin, nous comprendrons

    quils sont nos destructeurs.S i vous dites quun prtre est ncessaire pour vous main

    tenir dans la stricte moralit, vous ntes dj plus moral;mme si le prtre vous y force; pour moi, la moralit nestpas la contrainte; la vraie moralit nest pas ne de la peurni conditionne par les circonstances, cest laction volontairene de la comprhension; donc, le prtre nest pas ncessaire pour conserver votre intgrit. S i vous dites quil estncessaire comme mdiateur ou interprte entre vous et la

    vrit, je rponds que vous devez savoir tous deux ce questla vrit.

    Pour demander que lon vous conduise quelque part, ilfaut savoir o vous allez, et le guide doit savoir aussi o ilva vous mener; et si vous savez ce quest la vrit, vousnavez pas besoin dun guide. Ne croyez pas, je vous prie,que cest habilet de langage, ce sont des faits.

    Or, quavons- nous fait ? Nous nous sommes forg uneide de la vrit par contraste avec ce que nous sommes.

    Nous disons que la vrit est calme, sage, illumine, et nousvoulons quon nous aide latteindre. Q uest-ce que celaveut dire ? Que vous cherchez quelquun qui vous aide vous vader du conflit et vous mne vers ce que vous supposez tre la vrit; autrement dit, le prtre vous aide fuirles ralits, les faits.

    L autre jour, je parlais avec un prtre, il me dit quilmaintenait son glise cause du chmage. V ous savez,disait- il, les chmeurs nont pas de foyer; ils nont autour

    deux ni beaut, ni musique, ni lumires, ni couleurs, rien; ilsnont pas mme une vie, sinon lhorreur dune vie odieuse;sils viennent une fois par semaine lglise, du moins, ils ytrouvent la beaut, le calme, une atmosphre parfume; ilssen vont apaiss pour le reste de la semaine, et ils reviennent...

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    N est-ce pas l, assurment, la forme la plus vidente delexploitation ? Ce prtre essayait de les apaiser au milieude leur conflit, de les faire tenir tranquilles, en dautres termes de les engluer, les empchant dessayer de dcouvrirla vritable cause du chmage.

    S i vous dites quil faut des prtres pour accomplir lesrites, les crmonies du christianisme, cherchons si ces ritessont ncessaires. Comme je ny assiste pas, je ne puis rpondre. Pour moi, ils sont sans valeur; mais pour vous, quelle

    est leur utilit ? E n quoi vous profitent- ils ? V ous allez lglise le. dimanche matin, vous vous sentez lev, remplide dvotion, tout ce que vous voudrez, et pendant le restede la semaine vous tes exploit ou vous exploitez, cestencore de la cruaut. A insi, quelle est la ncessit du prtre ?

    Si vous dites que cest un moyen de gagner de largent,nous le placerons dans une catgorie tout fait diffrente.S i vous le considrez comme une profession telle que le

    barreau, la marine, larme, cest tout diffrent, et la plupart des religions avec leurs prtres ne sont pas autre chose :une antique profession.

    Si vous considrez le prtre comme un instructeur pourvous guider, je dis quil vous exploite, quil est votre destructeur. J e nai rien contre les prtres Chrtiens ou Hindous pour moi, ils sont tous les mmes, je dis quils nesont pas ncessaires lhumanit. N acceptez pas ce que jedis comme une affirmation dogmatique, une autorit dcisive, rflchissez vous- mme.

    Si vous acceptez ce que je dis, je deviendrai aussi votreprtre et votre exploiteur; mais si vous considrez le fait engnral, si vous y rflchissez, non pendant un instant passager, mais profondment, vous verrez que ces religions et tousleurs instructeurs sectaires, maintiennent lhumanit dans untat de division. Elles intensifient les distinctions de classe,

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    les divisions de nationalits, tout ce qui mne aux horreursde la guerre, une plus grande exploitation, au lieu demener au rel amour, la vritable profondeur de la pense.

    Q u e s t i o n . Y a-t- il une vie future ?

    K r i s HNAMURTI. Je suppose que cela vous intresserellement, puisque vous posez la question ? Pourquoi demandez- vous sil y a une vie future ? Par amusement oupar curiosit ? Parce que vous avez peur du prsent et quevous cherchez savoir ce quest le futur ? Ou simplement titre de renseignement ?

    Or, vous savez que des savants modernes bien connusaffirment quil y a une vie future; quau moyen des mdiumson peut avoir par soi- mme la preuve de cette vie aprs lamort. Trs bien, admettons quil y a une vie future. Quavez-vous obtenu en dcouvrant quil y a une vie future ? Vousntes ni plus heureux, ni plus intelligent, ni plus humain, plusrflchi, plus aimant. V ous tes revenu votre point dedpart. V ous avez acquis la connaissance dun autre fait : quil y a une vie au- del. Ce peut tre une consolation;et mme alors ? J ai, dites- vous, la certitude de vivre uneautre vie. Mme avec cette certitude, navez- vous pasles mmes problmes, les mmes difficults, les mmes joieset plaisirs fugitifs ? A u lieu que, pour moi, en admettantque ce soit un fait, il a trs peu dimportance, limmortalitnest pas dans le futur; limmortalit ou lternit, commevous voudrez lappeler, est le maintenant prsent; et le prsent vous ne pouvez le comprendre que si lesprit est libr

    du temps.Je crains dtre oblig de parler un peu mtaphysique;

    j espre que vous ny voyez pas dinconvnient; dailleurs,ce nest pas rellement de la mtaphysique.

    T ant que lesprit est dans lesclavage du temps, vous avezla peur de la mort, la crainte et lespoir dune vie future,

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    vous vous posez perptuellement des questions sur ce sujet.Cette peur est dj une lente dcrpitude, une mort lente,quoique vous soyez vivant. L a recherche mme de ce questle futur prouve que vous tes dj en train de mourir. Pourvivre dune manire complte, dans la plnitude du prsent,dans lternel maintenant, lesprit doit tre libr du temps.Je nemploie pas le mot temps dans le sens o nous lemployons gnralement pour notre commodit, pour prendrele bateau ou le train, pour fixer un rendez- vous, etc. em

    ploie le mot temps dans le sens de mmoire. Si chaquematin, vous naissiez frais et neuf, dbarrass du fardeau desmmoires dhier, des incrustations du pass, chaque jour,alors, serait nouveau, frais, simple; pouvoir vivre dans cettefracheur, cette simplicit, cest tre libr du temps. Notreesprit est devenu un magasin de souvenirs, il est accabl parle pass, surcharg des innombrables expriences que nousavons traverses.

    C est avec le bagage du pass, le fardeau des exprien

    ces que nous abordons, une exprience neuve, frache, unnouveau jour, de nouvelles circonstances; avec larrire- plandu pass, nous rencontrons le prsent. N en est-il pas ainsi ?Si vous tes Chrtien, vous avez, larrire- plan de votreesprit les dogmes, les croyances, les traditions chrtiennes,et vous essayez daborder la vie avec ces ides- l.

    Ou, si vous tes socialiste, vous avez certains prjugs,certains dogmes bien dfinis et vous regardez la vie avec cesverres dformants. V ous abordez toujours le prsent aveclencombrement du pass, aussi vous ne comprenez pas leprsent. C est ce malentendu qui cre la mmoire, accumulation des souvenirs, le besoin de savoir si vous vivrez uneautre vie. Tandis que si vous pouvez vous placer devanttoute chose avec un esprit neuf, non contamin ni surchargpar les acquisitions du pass, ou la pense du futur, vousverrez que la mort nexiste pas, que la peur nexiste pas.

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    L a vie est une extase continuelle, non une horrible, uneaffreuse lutte; mais cette attitude exige une grande lucidit

    de pense, une grande agilit de lesprit et du cur dans leprsent.

    Je crains que celui qui a pos la question ne soit du.Il veut savoir sil y a ou sil ny a pas il veut unrponse catgorique, oui ou non. Je crains quil ne puisseexister de rponse catgorique. Mfiez- vous des rponsescatgoriques oui et non . N est- il pas plus important, rellement, de savoir comment vivre, que de chercherce qui se passe quand vous mourez ? Ce sont les mourants

    qui veulent savoir ce qui arrive aprs la mort non lesvivants. Cherchons plutt dcouvrir si nous pouvons vivrerichement, humainement, compltement, divinement, au lieude chercher ce qui est au- del. Quand vous saurez vivreainsi, vous trouverez ce qui est au- del; cette dcouvertenest pas une thorie, cest un fait; vous verrez que ce quevous cherchez a trs peu de sens, parce quil nexiste pas unechose telle que lau- del . L a vie est un tout complet,sans commencement ni fin; cette extase, cette sagesse amne

    la plnitude de la vie dans le prsent.

    Q u e s t i o n . L'Angleterre deviendra- t-elle fasciste,est-ce un mouvement progressiste ?

    KRISHNAMURTI. A ucun mouvement, reposant sur lapossessivit, conservant les distinctions de classes excitant lapeur, ne peut- tre un vritable mouvement ni un mouvementprogressiste. J ai lu des livres fascistes; ils parlent du droit

    divin de la proprit; ils maintiennent les distinctions declasse, les nationalits, les frontires; assurment, ce ne peuttre un mouvement humain. A u lieu quun mouvement quidtruit toutes ces barrires, qui aide les peuples comprendreet penser est vritablement spirituel et humain. Ces mou-

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    vements sont encourags ou dcourags par des individustels que vous- mmes.

    S ils vous procurent ce que vous rclamez, sils maintiennent la forteresse o vous vous retranchez, sils garantissentla sret de vos capitaux spirituels ou matriels, vous lesencouragez; vous dcouragez ceux qui sefforcent de lesrduire et vous aidez dtruire ceux qui prouvent lerreurde la proprit. Pour moi, linstinct de la possession nestpas inn chez lhomme; cest la cration artificielle dunesocit fausse, artificielle. Les tres humains ont t entrans la possession par les conditions quils ont cres. Quele fascisme soit ou non un mouvement progressiste, cest depeu dimportance. L important cest que vous, comme individus, compreniez que tant que le monde, avec ses gouvernements, poursuit subtilement lagrandissement personnel consciemment ou non limportance personnelle, spirituelleou terrestre, il y aura des souffrances, des cris de misre, desguerres, des exploitations. Donc, cest vous, comme individus, de changer lorientation de votre pense, de cherchersi la base de votre pense, de votre action, cest la conscience de soi avec ses limitations.

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    S E C O N D E C A U S E R I E

    DANS LES

    JA RDINS DE LCOLE VASANTA "

    31 Mars 1934.

    m is ,

    Un grand nombre de personnes qui rflchissent ont ledsir de savoir sil existe une ralit plus durable, danslaquelle la vie soit plus complte, plus totale, elles dcriventcette ralit, dans les termes de Dieu, la V rit, la V ieelle- mme. P our moi, une telle ralit existe; une ralitcomplte, persistante, ternelle; mais comme je Fai ditdans les deux dernires causeries, la recherche de la vrit

    en est la ngation mme, car cette ralit doit tre une dcouverte, non un modle suivre. J espre que vous saisissez ladiffrence. S i vous partez la recherche de la V rit, dela ralit, il faut que vous sachiez ce quelle est, que vousen ayez une ide prconue; mais si vous commencez ladcouvrir, cette dcouverte est recl^, mais non la recherchede la vrit; je voudrais ce matin dans ce bref entretien,vous aider dcouvrir, et non suivre.

    A vant tout, la vrit, ou cette ralit, ne se trouve pas

    en courant aprs elle; car si nous recherchons quelque chose,cela prouve que notre esprit, notre tre entier, essaye desvader du conflit dans lequel lesprit et le cur sont retenusprisonniers. T andis que si nous devenons clairement conscients des nombreuses barrires que la peur nous fait lever

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    et que nous librons notre esprit de cette peur et de ces

    limites, nous dcouvrirons ce quest cette vie ternelle. A ulieu de nous demander ce quest la vrit, cherchons dcouvrir quelles sont les entraves cres par la peur; etcest en comprenant la cause de la peur et de tout ce quellecre que nous trouverons cette ralit indescriptible.

    Il est inutile de parler de la libert un prisonnier, ilsaura ce quest la libert, quand il sera sorti de prison. Maisla plupart dentre nous voulons savoir ce quest la vritavant davoir conscience de ce quest la prison; tant que

    nous ne faisons que chercher la libert, la ralit, la richessede la vie, nous ne pouvons comprendre, nous ne pouvonsnous en faire quune image, irrelle, trace par un espritlimit, conscient de soi. T andis que si nous pouvons connatre quelles sont les murailles de la prison qui enfermelesprit et le cur, et si nous les faisons tomber pour librerlesprit, assurment, nous pourrons dcouvrir cette ralitqui est.

    Quelles sont les barrires que nous avons leves? N est-ce

    pas dabord l autorit, ne de la peur ? L esprit est saisi,puis dirig, moul par quelque autorit extrieure, religieuseou sociale, ou par une autorit intrieure que nous avonscre. Car vous le savez, nous acceptons dabord une autorit extrieure, parce que nous sommes incapables dagir, depenser, de sentir par nous- mmes; nous rigeons une autoriten dehors de nous, celle de la religion, dun instructeur, oudun systme social; puis nous croyons rejeter cette autoritextrieure et nous crons une autorit, une loi intrieure qui

    nest quune raction contre lextrieure.A u lieu de chercher connatre cette autorit extrieureque nous avons prise pour guide, nous la rejetons; nouscroyons avoir trouv une loi pour nous- mme individuellement, et nous vivons conformment cette loi. C est ce quefont la plupart des gens. Il y a une autorit extrieure

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    objective quils rejettent, et ils se crent une autorit intrieure, subjective.

    Pour moi, toute autorit objective ou subjective est demme nature; parce que lautorit implique modle, imitation, contrle, conditionnement imposs de lextrieur ou parun effort, une tension intrieure. Selon moi, cest la premireentrave. L homme qui comprend na pas besoin dautorit;la vritable perception nest pas limitation que rclamelautorit. J espre que vous comprenez cela. D abord, onest esclave dune autorit sociale, religieuse, puis graduellement travers les conflits et les difficults vous dveloppez

    ce que vous appelez une autorit subjective. C est macomprhension, dites- vous, je dois obir la loi que j aitrouve pour moi- mme . L esprit qui nest quun instrument prt obir ne peut comprendre. L a comprhensionest perception, et non pression extrieure ou intrieure.

    Pour le dire en dautres termes, nous avons des idalsextrieurs imposs par lducation, les influences sociales,la politique, tout ce qui nous entoure. Nous sentons quilsnous contraignent, nous limitent, nous dominent, usurpent le

    contrle sur notre pense individuelle et nous nous cronsnos propres croyances, notre propre idal, auquel nousessayons de nous conformer; nous pensons avoir ralis unnorme progrs; nous navons fait que rejeter lautorit extrieure et nous modeler sur une loi cre par nous- mme.Cette ide de suivre, dimiter, dtre guid, contrl, dominest, pour moi, la premire entrave la perception de touteexprience, nous empche dagir avec une parfaite comprhension, nous sommes domins par l ide de gain. Tous

    nous reprsentons la sagesse, la comprhension, lactionparfaite, en termes daccumulation, non comme une plasticit infinie, donc ternelle. Cette ralit flexible est permanente, mais le poids dune multitude daccumulations produit une rsistance, et soppose la comprhension. Je vois

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    sur vos visages que vous ne saisissez peut- tre pas trs bien

    ce que je veux dire; je crains quen coutant une ou deuxcauseries, vous ne puissiez le comprendre. Ce qui fait natrela comprhension, ce nest pas couter seulement, maisessayer de raliser en action.

    Pour parler en dautres termes, lesprit et le cur sontconditionns par lextrieur, votre manire de sentir, ou depenser est contrle par votre entourage. Ne dites pas : L intelligence nest- elle que cela ? Il doit y avoir autrechose, quelque chose de plus durable ? Je dis que pourle dcouvrir, il faut commencer par ce que nous connaissonset partir de l non dune chose mystrieuse que nous neconnaissons pas, autour de laquelle notre imagination ne faitque broder. Donc lesprit et le cur, la pense et le sentiment sont conditionns par le milieu social, religieux, etc.;tant que vous tes dpendant de ce milieu, vous ne pouvezle dominer, il ne peut y avoir comprhension; mais serendre matre de lentourage, cest le comprendre.

    Le systme social, le systme religieux constitus par desprjugs innombrables, des dogmes, des croyances, maintiennent lesprit en esclavage. Si, par exemple, vous comptezsur vos connaissances intellectuelles pour gagner votre vie,comme beaucoup de personnes sont obliges de le faire, voustes en grande partie sous le contrle des croyances. Supposez qutant catholique romain, vous cherchiez une situation dans un milieu protestant, ou que protestant vous- mmevous vouliez entrer dans une institution ou un bureau catholique romain; si lon connat vos croyances, vous pouvezavoir une grande difficult trouver un emploi; alors vousmettez vos croyances de ct, ou vous acceptez momentanment ce que les autres disent, parce que vous voulezgagner de largent, parce quil vous faut absolument gagnervotre vie. V ous tes, mentalement, contrl par le milieu etvos croyances sont conditionnes par les circonstances; tant

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    que vous ne renversez pas ces barrires leves par la

    socit et la religion, vos croyances, votre idal nont aucunevaleur; ce sont des produits des conditions extrieures nesde la peur.

    Pour comprendre ce qui est durable, permanent, il fautamener un conflit entre lindividu et lentourage et ce conflitseul vous fera percer les murailles de votre prison. Nousacceptons tourdiment, inconsciemment, une foule de conditions imposes par la religion ou la socit, nous les admettons comme vraies; notre esprit a t traditionnellement

    coul dans un moule, et nous sommes devenus esclavesde ces conditions; cest en remettant en doute constamment,en tenant lesprit en alerte, que nous pouvons librer lespritet laffranchir du milieu.

    Q u e s t i o n . La vertu ne semble pas tre le traitdominant de votre enseignement? Pourquoi cela? Une vievertueuse a- t-elle vraiment un si maigre rle jouer dans laralisation de la vrit ?

    KRISHNAMURTI. - Q uentendez- vous par vertu? Est- celoppos du vice ? Appelez- vous courage, bravoure, loppos de la peur? D abord, on a peur : vous pensez quil estbon de dvelopper le courage, et vous voulez acqurir lecourage; cest- - dire, vous fuyez la peur, ce processus defuite, vous lappelez courage, bravoure, et il devient unevertu. Pour moi, lhomme qui poursuit lacquisition dunevertu nest plus vertueux; mais si au lieu de recouvrir la

    peur par lide de bravoure, vous commencez vousdemander ce qui cause la peur, chercher la cause fondamentale de la peur; cette dcouverte de la cause fait quevous ntes ni courageux, ni poltron, vous tes affranchi desdeux opposs. Aprs tout, la vertu nest que le rsultat dunconditionnement faux; pour sen rendre matre, il vous faut

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    actuellement beaucoup de caractre du moins ce quon

    appelle caractre nous avons aid crer une socit,dans laquelle le dtachement des richesses est considrcomme une grande vertu, nest-ce pas ? Nous avons difiune socit o l'acquisition des richesses suppose consciemment ou non, la lutte constante avec le voisin, laffirmationde soi- mme, lexclusion des autres; et lhomme qui na pasenvie dagir ainsi, vous lappelez noble et vertueux. Pourmoi, cela na rien voir avec la noblesse ou la vertu. Si lesconditions sociales, si lentourage est chang, tre avide ou

    dtach devient une mme chose; vous ne lappelez nivertu, ni vice. T elle que la socit est constitue, se dgagerde ces faux critres est considr comme une vertu ou unpch. Si nous commenons changer le conditionnementdans lequel lesprit et le cur sont emprisonns, lide devertu et de pch prend un sens tout diffrent; pour moi, lavertu, il ne faut pas chercher lacqurir, la possder; nile pch, labhorrer, le fuir quoi que ce soit quon appelle pch.

    Pour moi, vivre naturellement exige une grande intelligence; en employant le mot naturellement )), je nentendspas une vie brutale, sauvage, primitive, inconsidre. V ivreune vie spontane, complte, une vie intelligente et cratrice,vous ne pouvez le faire avant davoir discern le vrai et lefaux des critres sociaux, et de vous en tre dgag parceque vous comprenez leur sens; alors vous ne serez pluslimit par la poursuite de loppos que nous appelons vertu.

    Pour rsumer, quand vous avez peur, vous cherchez le

    courage, et ce courage nous lappelons vertu; mais quefaites- vous en ralit ? V ous fuyez la peur. V ous essayezde recouvrir la peur dune autre ide que vous appelez courage; vous pouvez le faire momentanment, mais la peurcontinue dexister et se manifestera sous d autres formes ;tandis que si vous essayez de comprendre la cause fonda

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    mentale de la peur, lesprit nest plus captif du conflit entre

    les opposs.

    QUESTION. Croyez- vous que la mthode de psychanalyse, le fait d'amener dans le conscient la connaissancedes mobiles de l'inconscient, puisse aider lindividu librerson esprit des complexes primitifs et gostes, des insatiablesdsirs et permettre sa pense de tendre vers ce bonheur dont vous parlez ?

    KRISHNAMURTI. C est- - dire lesprit est encombr de

    complexes, et la question est de savoir si vous pouvez lenaffranchir par lintrospection ? N est-ce pas cela ? L espritet le cur sont entravs par de multiples obstacles, inconscients, cachs que nous appelons complexes. Pouvons- nous,par le processus de psychanalyse, affranchir lesprit de sonpoint de vue goste et compliqu ?

    Pour moi, lesprit peut tre libr de ces obstacles quandvous tes pleinement conscient, quand votre tre entier estactif, sur le qui- vive. Dans le processus dintrospection, votre

    tre entier nest pas en activit; cest seulement cette partiede vous- mme, que vous appelez esprit, pense, intellect,qui fonctionne et avec laquelle vous essayez de dcouvrirles complexes cachs; je dis que pour amener ces rsistancescaches en pleine action consciente, il faut tre totalementen veil au moment prsent.

    Supposez que vous ayez le complexe du snobisme; cestle cas pour la plupart des gens. Comment allez- vous procder pour le reconnatre ? Pour moi, ce nest pas par lin

    trospection ; cest-- dire par la recherche intellectuelle detout ce que vous avez fait, et la constatation de ce snobisme.T out dabord, vous voulez dcouvrir si vous tes snob ounon ; vous navez pas envie de changer, mais de savoir ; quandvous laurez dcouvert, vous agirez dune faon ou duntautre. Comment pouvez- vous le dcouvrir? Seulement quand

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    vous serez pleinement conscient de ce que vous dites et de ce

    que vous sentez, absolument lucide au moment o vous ledites ou le ressentez et non aprs que vous l avez ditou ressenti. A vec cette parfaite lucidit, vous dcouvrirezpar vous- mme si vous tes snob ou non; non en vousasseyant pour vous livrer lanalyse intellectuelle dun fait.Je sais quon peut soulever une infinit de questions cesujet: je ne puis rpondre toutes. Mais si vous y rflchissez, vous verrez que dtre continuellement en alerte,pleinement conscient de ce que vous faites, amnera l in

    conscient, le cach en pleine conscience; vous crerez ainsila perturbation qui est ncessaire et affranchirez lesprit decette entrave, de ce complexe.

    QUESTION. V o u s s e m h l e z c o n s i d r e r l a p o u r s u i t e d ' u n i d a l c om m e un m o y en d e s' v a d er d e l a v i e ? N ' y a -t - i l a u c u n f o n d d e v r i t d a n s l i d a l l e p l u s l e v ?

    K r i s HNAMURTI. Pourquoi avons- nous besoin didals?Je ne dis pas que ce ne sont pas des vrits; mais pour

    quoi en avons- nous besoin? Nous disons que sans uncritre, une mesure, un idal, nous sommes incapables denous diriger travers les batailles, les luttes de la vie. Ainsinous voulons un talon, une mesure qui nous permette de

    juger continuellement nos actions quotidiennes. Q uest-ceque cela prouve ? Que nous nous intressons davantage la mesure, l idal quaux conflits, aux luttes, aux afflictions qui nous assaillent ; ces luttes sont si vives, si contraires,si immenses que nous dressons un idal comme moyen de

    les fuir. T andis que, mon point de vue, pour comprendreces luttes, ces souffrances, lesprit doit pouvoir les envisagertelles quelles sont, non au moyen dune mesure, dun critre. Assurment, au milieu dun violent conflit, dunegrande souffrance, vous ne pensez pas lidal, vous nevous demandez pas ce que vous devriez faire ou ne pas faire.

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    Vous tes consum par la douleur, vous voulez comprendre.

    V ous ne cherchez pas un idal pour vous en faire sortir.C est seulement lorsque la douleur sapaise, diminue dintensit, que vous vous tournez vers un idal pour vous aider sortir de cette affliction. ,

    Pour moi, tout idal est un moyen dallger une souffrance et ne peut donc vous expliquer la raison de lasouffrance. Une personne moyenne a en gnral une quantit didals, de croyances, et toute la journe elle sefforcede vivre en conformit avec ces idals, si elle y pense; elle

    fait de la vie une bataille continuelle entre les faits tels quilssont et ce quelle veut tre. Or, si elle distingue quels sont lesfaits, lesquels sont rels, et reconnat leur signification, elletrouvera la racine mme du confort; elle se librera de cesfaux modles, de ces fausses mesures auxquels elle essaieperptuellement de conformer son esprit.

    QUESTION. Croyez- vous au communisme, tel quilest compris par les masses ?

    K r i s h n a m u r t i . Je ne sais pas comment il est comprispar les masses, aussi, ne puis- je lexpliquer ? Q uest-ce,actuellement ? Considrons- le, non du point de vue dun(( isme quelconque, mais du point de ltat humainordinaire. Comment peut- il exister une relle comprhensionentre les peuples, si vous vous considrez vous- mme commeNew- Zlandais, et si je me considre moi- mme commeHindou ? Comment pouvons- nous entrer en contact les unsavec les autres ? Comment peut- il y avoir entre nous un

    rapport vraiment vital ? une comprhension humaine ?Nous nous distinguons par certaines tiquettes, vous appelant vous Chrtiens, mappelant moi- mme Hindou, parcertains prjugs, dogmes ou credos, comment peut- il yavoir relle fraternit ? Nous avons beau parler de tolrance,ce nest quune invention intellectuelle pour vous maintenir

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    o vous tes et me laisser o je suis en tchant de nousentendre. Cela ne signifie pas que je veuille prconiser luniformit : cest maintenant quil y a uniformit. V ous testous prisonniers dune croyance, dun idal, d'un dogme; lesbarreaux de votre prison sont peints de couleurs diffrentes,mais cest une prison; vous voulez garder les dcorations devotre prison, comme lHindou veut garder les siennes et cettefraternit se nomme tolrance. T andis que pour moi, lideelle- mme est la ngation de la comprhension, de lanithumaine.

    A vec le temps, il se peut que vous soyez pousss, commeautant desclaves accepter le communisme, comme vousacceptez actuellement le capitalisme; mais dans le faitde se laisser ainsi pousser, il ny a pas daction volontaire;si vous acceptez et vivez lun ou ! autre, srement vous ntespas un tre qui cre individuellement. V ous tes commeautant de moutons; troupeau capitaliste ou troupeau communiste, dirigs par le milieu, le conditionnement, forcsdaccepter. Ce nest srement pas l une chose morale, nispirituelle, ni vraie, ni riche. Je dis que le vritable tathumain ne pourra natre que lorsque vous, comme individu,ferez ces choses volontairement parce que vous en verrez lancessit, l immense profondeur non par pure ex citationsuperficielle; il y aura alors possibilit pour les individusdune vie complte, cratrice, et non si vous vous laissezconduire.

    QUESTION. Q u e l l e est v o t r e p o i n t d e v u e l a c au s e

    d u c h m a g e ?

    K r i s h n a m u r t i . V ous savez que pendant des sicles,des gnrations, nous avons difi une structure sociale reposant sur la concurrence, sur lide barbare de scuritpersonnelle, o le plus habile, le plus rus atteint le sommetet retient dans ses mains tous les moyens de direction. N est-

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    ce pas vident ? Nous voyons cela partout; et naturellement

    le monde tant divis en nationalits qui sont la culminationde la soif de possession, de lavidit des individus, il seproduit une distribution ingale qui amne le chmage. Je levois dune faon trs simple. Pour vous, cest trs compliqu, bien que vous soyez peut- tre plus instruits que moi,que vous ayez beaucoup lu. L a cause, pour moi, est simple,mais quallons- nous faire ? E t vous me direz : Pourquoine parlez- vous pas de la rglementation gnrale du travail,ne tentez- vous pas de changer les conditions conomiques ?

    A lors tout ira trs bien, pourquoi ne pas vous spcialiserdans ce sujet particulier et changer le systme actuel ? Comment puis- je changer la socit dont vous et moifaisons partie ? Comment pouvons- nous la modifier ?D abord, en adoptant une attitude intelligente, donc actionintelligente lgard de la vie tout entire. C est- - dire, vousne pouvez prendre part le problme conomique, letraiter en lui- mme et dire : Rsolvons celui- l, et toutsera rsolu . Le problme conomique nest que le symp

    tme du problme humain dans son ensemble, or, si nouspouvons crer une opinion intelligente, une action intelligente, visant dans lensemble tous les tres humains, nousagirons dune manire dfinie, sur les conditions conomiques. A ussi, je sens que ce que j ai faire, cest de crerune opinion, non pas seulement une opinion intellectuelle,mais une opinion ne de laction; cette opinion cre, vousemploierez judicieusement nimporte quel systme intelligentcapable damener un changement radical dans les condi

    tions conomiques actuelles.QUESTION. Vous n'admettez pas Vide de possession,

    ni l'ex ploitation; autrement comment pourriez- vous voyager,faire des confrences travers le monde ?

    K r i s h n a m u r t i . Je vais vous le dire trs simplement.

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    Pour vivre dans le monde sans exploitation, il faut vousretirer dans une le dserte. Dans le systme actuel, pourvivre seulement si vous faites partie du systme vous tes oblig dexploiter.

    Comprenons ce que j entends par exploitation. Pour moi,si vous ne cherchez dcouvrir intelligemment quels sont vosbesoins, vous devenez un exploiteur; mais si vous dcouvrezquels sont vos besoins, vous ntes plus exploiteur; cela exigeune grande intelligence. Nous possdons un grand nombre

    de choses parce que nous pensons que les possder nousrendra heureux. Pour les possder, nous sommes obligsdexploiter; mais si rellement, vous vous mettiez rflchir, dcouvrir quels sont vos besoins essentiels, il ny auraitpas dexploitation. Pour moi- mme, j ai trouv quels sontmes besoins essentiels. Pour ce qui concerne mes voyages,des amis me demandent daller en diffrents pays, j y vais.S ils ne me le demandent pas, je ne voyage pas; si je neparle ou nenseigne, je puis faire autre chose. Si je cherchais vous convertir une forme particulire de pense, si j usaisde contrainte, si je runissais des fonds pour cela cestce que j appellerais exploitation. Il y a l invitable; unhomme intelligent accepte intelligemment linvitable, quecela lui plaise ou non. Aussi, je nai pas la sensationdex ploiter, et je sais que je ne le fais pas, ni nai- je lebesoin de possder.

    Encore une fois, pour tre vraiment affranchi du besoinde possder, il faut tre toujours en veil, toujours sur lequi- vive, ne pas se duper soi- mme, parce que dans lidequon est libre de toute possessivit peut se cacher une grandeerreur sur soi- mme; on pense souvent quon est libre, maison vit rellement sous le couvert de lauto- dception. Dsque votre besoin est satisfait, vous ne vous y accrochez pas;vous ne sentez pas que vous avez sur les choses des droitsde propritaire.

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    Q u e s t i o n . Ser a i t - ce pou r vou s une g r an de su r p r i se si l e

    Chr is t des vang i les appara issa i t souda in e t que tou t le m o n d e p t l e v o i r ?

    K r i s h n a m u r t i . V ous savez que l esprit rclame desmiracles, des ides romanesques, des phnomnes supra-naturels. Non quil ny ait pas des miracles, des phnomnessupranaturels ; mais nous les recherchons parce que nosesprits et nos curs sont si vides, si pauvres, si laids, si misrables; nous pensons triompher de cette pauvret desprit etde cur en courant aprs les miracles, en faisant la chasse

    aux phnomnes. Plus vous poursuivez les phnomnes et lesmiracles, moins vous avez de richesse, daffection, de plnitude desprit et de cur. Dans la plnitude de l'esprit etdu cur, qt 1 y ait ou non des miracles ou des phnomnes superphysiques, cela na pas beaucoup de sens. Nouscrons la distinction entre le physique et le superphysique,parce que le physique est laid, intolrable. Nous voulons lefuir et vous suivez quiconque peut vous mener vers le superphysique, que vous appelez spirituel : mais ce nest quune

    autre forme dun grossier matrialisme. 1 andis que la vraiespiritualit consiste vivre harmonieusement dans la parfaiteunit de votre cur et de votre esprit; dans cette harmonie,il y a comprhension et dans cette comprhension, le dlicede la vie.

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    A UX T H O S O P H E S

    DE NOUV ELL E- ZELA NDE

    A m is ,

    Je dirai seulement quelques mots avant dessayer derpondre aux questions. A vant tout, je voudrais que ce que

    je vais vous dire ne soit pas pris dans un esprit de parti :vous tes probablement Thosophes pour la plupart, et vousavez un certain idal, certaines ides, certains enseignementsdfinis; vous pensez que je soutiens des vues contraires etconcluez que j appartiens un autre camp avec un autreidal et dautres croyances. Abordons la question dans lebut de dcouvrir et non pour dire : Nous croyons cela etvous ne le croyez pas; nous sommes les dfenseurs de certaines ides que vous cherchez dtruire. )> Cette attitudedesprit indique plutt opposition que la comprhension;cest que vous avez quelque chose protger et si quelquunmet en doute ce que vous possdez, vous dites immdiatementquil attaque ou que j'attaque. Mon intention nest pas dutout dattaquer, mais de vous aider dcouvrir si ce quevous soutenez est vrai. Si cest vrai, personne ne peut lattaquer; peu importe que quelqu'un lattaque, si ce que voussoutenez est rel; vous ne pouvez dcouvrir ce qui est relquen l'approfondissant, non en le couvrant, en vous mettantsur la dfensive.

    V ous savez que partout o je vais, les Thosophes,comme le font dautres organisations, me demandent de leurparler; et les Thosophes, avec qui jai vcu si longtemps,

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    ont adopt cette malheureuse attitude de dire que je lesattaque, que je dtruis leurs chres croyances quils doivent

    protger tout prix, et autres absurdits.Je sens, au contraire, que si nous pouvons vraiment rfl

    chir ensemble, raisonner ensemble, considrer ce que nousavons entre les mains et que nous voulons protger, au lieudappartenir un camp ou une section particulire depense, nous comprendrons naturellement ce qui est vrai,et ce qui est vrai na pas de parti. Ce nest ni le vtre, ni lemien.

    V oil mon attitude en madressant vous, en parlant

    nimporte o : vous aider trouver et je lentends honntement si ce que vous soutenez est rellement ternel ousi cest un produit de votre imagination, ou de votre soucide conservation personnelle, de scurit personnelle : touteschoses qui nont pas de valeur bien quelles soient revtuesde scurit, de certitude ou de sagesse.

    Or, Mssieurs, je voudrais dire que pour moi, la vrit .na pas daspects. Nous avons lhabitude spcialement jecrois, les Thosophes, et dautres dailleurs, de dire que la

    vrit a diffrents aspects. Le Christianisme en est unaspect, le Bouddhisme un autre, lHindouisme un autre, etc.Ce qui veut seulement dire que nous voulons nous en tenir notre temprament, nos prjugs particuliers et nousmontrer tolrants pour les prjugs des autres. T andis que,pour moi, la vrit est sans aspects, elle est une, tant une,complte, totale, elle na pas daspects.

    Ce nest pas un clairage obtenu par des lampes dediverses couleurs; mais vous placez des lampes colores sur

    un courant de lumire et vous essayez dtre tolrant pourune lumire rouge si vous tes une lumire verte, et vousinventez ce dplorable mot de tolrance, si artificiel, reprsentant une chose sche sans aucune valeur. A coup sr,vous ntes pas tolrant envers votre frre, vos enfants. L

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    o il existe une relle affection, il ny a pas de tolrance;

    seulement quand le cur sest dessch, parlons- nous detolrance. Personnellement, je ne me demande pas ce quevous croyez ou ne croyez pas; car mon affection nest pasfonde sur la croyance. L a croyance est artificielle; au lieuque laffection est linnit des choses, et quand cette affection se dessche, nous essayons de rpandre la fraternit travers le monde, nous parlons de tolrance, de lunit desreligions, mais la vraie comprhension ne parle pas detolrance.

    L a comprhension nest pas enferme dans les livres. V ouspouvez tudier des livres pendant des annes, si vous nesavez pas comment vivre, tout votre savoir se fltrit; il naaucune substance, aucune valeur. A u lieu quun seul momentde pleine lucidit, de pleine comprhension consciente amneune paix relle et durable, non pas une paix statique, maisune paix illimite, toujours en mouvement.

    Je me demande maintenant comment je vais rpondre toutes les questions qui sont poses.

    QUESTION. Une crmonie peut- elle tre un secourssam tre une limitation ?

    K r i s h n a m u r t i . Avez- vous rellement le dsir aepntrer la question ou voulez- vous seulement la traitersuperficiellement ?

    Combien parmi vous accomplissent rellement des crmonies? C est un sujet autour duquel vous avez malheureusement pris l'habitude de disputer dans la S . T .

    Q uest-ce quune crmonie ? Ce nest pas mettre unecravate ? Faire votre toilette ? Prendre un repos ? A pprcier la beaut ? J ai discut avec un grand nombre depersonnes et elles ont fait courir leur imagination traversces arguments. Elles disent aussi : Nous allons lgliseparce que nous y trouvons tant de beaut. C est notre

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    manire de nous exprimer. Est- ce que mettre un vtement,laver ses dents, nest pas une crmonie ? )) Assurment

    ce nest pas une crmonie. V ous nallez pas lglise, vousnassistez pas une crmonie en vue de vous exprimervous- mme. Une crmonie, autant que je puis comprendrele sens que vous donnez ce mot, est soit lespoir davancerspirituellement grce son efficacit, soit un moyen derpandre dans le monde des forces spirituelles. Pouvons- nousnous borner ce sens sans introduire des arguments trangers ? Le mot crmonie, nest- il pas vrai, est seulementapplicable lorsque vous rpandez une force spirituelle ou

    que vous esprez obtenir un avancement spirituel. Examinonsces deux aspects.

    D abord, quand vous dites que vous rpandez une forcespirituelle dans le monde, comment savez- vous que vous lefaites ? Ou bien vous vous fondez sur une autorit, vousacceptez les ordres, les prceptes dun utre, ou bien voussentez que vous rpandez cette force. Laissons de ct lepoint de vue de lautorit, parce quil est enfantin. Si onvous dit seulement (( faites cela et que vous le fassiez,

    cela na aucune valeur, peu importe qui le dit, nous nousrduisons en enfants, nous devenons des instruments delautorit, il ny a dans notre action aucune vitalit; noussommes de simples machines rptition.

    Nous pouvons penser aussi quen frquentant une glisenous nous sentons exalts, pleins de vitalit, nous prouvons un sentiment de bien- tre. Je puis dire, sans insulte, quevous avez la mme impression en vous livrant la boisson,en coutant un discours entranant; pourquoi donnez- vous

    une crmonie une place plus importante, plus vitale, plusessentielle qu tout ce qui vous stimule rellement ? Si vousexaminez de plus prs, cest beaucoup plus que lapprciationde la beaut qui vous stimule. V ous esprez, en prenantpart une crmonie que votre tre entier, par quelque

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    miraculeux processus, se trouvera purifi. Or, pour moi,cette ide est, si je puis dire, rellement absurde, cest

    un instrument d'exploitation. Absolument intgral, completen vous- mme, vous ne pouvez avoir recours personnepour purifier votre esprit et votre cur. Il faut dcouvrir parsoi- mme. Pour moi, la croyance au pouvoir dune crmonie pour vous donner la comprhension, la richesse spirituelle est prcisment celle du soi- disant matrialiste. Il veuttre quelquun dans le monde, tre riche, il commence entasser, exploiter, il devient cruel. L homme qui veuttre quelquun dans le monde spirituel fait exactement la

    mme chose, seulement il lappelle spirituelle. Derrire toutcela il y a une ide de gain et pour moi le dsir dacquisitionest en lui- mme une limitation; si vous accomplissez unecrmonie comme moyen de profit, elle est une limitation.Si vous accomplissez ou considrez une crmonie commeessentielle, ncessaire, vous ne faites quaccepter une autorit ou une tradition; dans cet esprit, vous ne pouvez comprendre ce quest la vie, le processus total de lexistence.

    Je suis tonn que cette question me soit pose partout o

    je vais, spcialement parmi ceux qui passent pour un peuplus avancs, quel que soit le sens de ce mot qui onttudi la philosophie pendant des annes et passent pourrflchis. Cela prouve quils nont fait que substituer unechose une autre. V ous tes rassasis de vos vieilles gliseset institutions, vous avez besoin dun nouveau jouet pour vousamuser, et vous acceptez ce nouveau jouet sans vous demander sil a quelque valeur; on ne peut trouver si une chose a dela valeur quand on ne fait que chercher la substituer

    dautres.Ai- je trait cette question ompltement ? Me suis- je fait

    comprendre ? Je voudrais discuter rellement cette ide descrmonies avec quelquun; j ai discut avec ceux qui sontrcemment devenus prtres, il ne me donnent aucune raison

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    solide, ils en appellent lautorit On nous a dit oucherchent une sorte dexcuse leurs actes. Or, il y a unautre aspect compltement diffrent. C est lide quunecrmonie contient une magie (non une magie blancheou noire, ce nest pas de cela que je parle) qui rvlele mystre de la vie. J ai parl avec des CatholiquesRomains et ils vous diront que cest la raison pour laquelleils vont lglise. Cet argument nest invoqu par aucun descrmonialistes tendance thosophique, ainsi ne vous enservez pas contre moi.

    L a vie est un mystre : il y a quelque chose dimmense,de magique dans la vie, mais crer des choses falsifies, artificielles, ce nest pas percer le voile, et pour moi, ces crmonies sacerdotales sont anti- naturelles : ce sont des modesdexploitation.

    QUESTION. On a suggr que le pouvoir qui s'exprimepar votre entremise appartient aux plans suprieurs et nepeut descendre au- dessous du plan intuitionnel, qu'il nousfaut donc couter plutt avec noire intuition si nous voulons

    comprendre votre message. Est- ce juste ?

    K r i s h n a m u r t i . Q uentendez- vous par lintuition ?Que signifie lintuition pour vous tous ? V ous dites, cestla facult de percevoir instinctivement sans passer par leprocessus de la raison logique : une bosse commediraient les Amricains. Or, je me demande si votre intuition est relle ou si elle nest que la magnification despoirsinconscients, daspirations subtiles, trompeuses.

    Lorsque vous entendez parler de rincarnation ou que

    vous coutez une confrence sur la rincarnation, ou quevous lisez un livre qui en traite, vous sautez sur lide etvous dites : Je sens que cest vrai, ce doit tre vrai , etvous appelez cela intuition. Est- ce rellement lintuition ouest-ce lespoir dune possibilit de revivre une prochaine

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    vie ? V ous vous cramponnez cet espoir et lappelezintuition. Atte ndez : je ne nie pas que lintuition existe; maisce quune personne moyenne appelle intuition nest pas lavritable intuition, cest une intuition sans la raison, sansla comprhension, sans valeur au fond.

    L a question dit que le pouvoir qui sexprime par monentremise appartient aux plans suprieurs et ne peut treenvoy au dessous du plan intuitionnel. Assurment vouscomprenez ce que je dis, nest-ce pas ? C est assez vident.Ce que je dis est facile comprendre, mais si vous nallezpas jusquau bout, si vous ne le mettez pas en pratique, ilny a pas comprhension, et comme vous nallez pas jusqulacte, vous prfrez transfrer ce que je dis dans le mondeintuitionnel, rpter que je parle dun plan suprieur, quevous devez atteindre votre plan le plus lev pour essayer decomprendre. E n dautres termes, quoique vous compreniezassez bien ce que jessaie de dire, cest difficile de passer laction et vous dites : Reportons- le sur le plan suprieur,et de l nous pourrons discuter . N en est-il pas ainsi ? Si

    vous disiez : (( Je ne comprends pas ce que vous voulezdire . il y aurait possibilit de pousser plus loin la discussion,

    j essaierais de lexpliquer diffremment, nous pourrions pntrer plus avant, examiner ensemble; mais partir en supposantque vous deviez vous lever un plan suprieur pour mecomprendre, est une attitude radicalement fausse. Quel estle plan suprieur, sinon la pense ? Pourquoi aller plus loin ?Mais ne voyez- vous pas que nous voulons commencer parquelque chose de mystrieux, de lointain et de l trouver

    lvidence, les ralits, aussi nous sommes vous de grandesdceptions, des hypocrisies, lerreur; tandis que si nouspartons des choses que nous connaissons, simples tudier,alors vous pouvez rellement aller trs loin, linfini. Ilest absurde de partir du mystrieux, dessayer de relguer lavie dans ce mystre qui peut tre romanesque, faux, illu

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    soire. Dire : Pour vous comprendre, il nous faut couter

    avec notre intuition , peut tre une attitude fausse, cestpourquoi jai dit que vos intuitions peuvent tre entirementfausses. Comment pouvez- vous couter avec ce qui nestpeut- tre que vos espoirs, vos prfrences, vos aspirations ouvos rves ? Pourquoi ne pas couter avec vos oreilles, aVecvotre raison ? E n partant de l, quand vous connatrez, leslimites de la raison, vous pouvez aller plus loin, cest- - direpour grimper sur la hauteur, il faut partir du bas; mais voustes dj monts haut, et vous ne pouvez aller plus loin. C est

    la difficult pour vous tous. V ous avez gravi les hauteursintellectuellement; mais vos tres sont naturellement vides,arrogants; tandis que si vous commencez tout en bas, voussaurez comment grimper, comment aller linfini.

    T out cela, vous savez, ce sont des modes dexploitationrelle. C est la manire des prtres, compliquer les choses,alors quelles sont infiniment simples. Je ne puis entrer dansplus de dtails, jai expliqu cela maintes et maintes fois;mais compliquer les choses, les revtir de toutes sortes de

    traditions et de prjugs et ne pas reconnatre ces prjugs,cest ce qui fait le caractre hideux de lexploitation.

    QUESTION. S i une personne juge que la Socit Tho-sophique est un canal travers lequel elle peut sexprimer elle-mme et servir, pourquoi quitterait- elle la Socit ?

    K r i s h n a m u RTI. A vant tout, cherchons si cest exact.Ne dites pas :

  • 8/2/2019 Krishnamurti Auckland (Nouvelle-Zlande) - 1934

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    est- il pas ainsi ? J espre que je ne mle tout cela aucun

    sens subtil. V ous dites : Comme je ne mexprime pasmoi- mme dans le monde de laction, dans le monde de tousles jours, je me sers de la Socit pour mexprimer . C estcela ? Pour autant du moins que je comprenne la question.Comment vous exprimez- vous vous- mme ? Dans le mondeactuel, aux dpens des autres ; quand vous parlez dexpressionpersonnelle, ce doit tre aux dpens des autres. Il y a unevritable expression dont nous parlerons tout lheure; maiscette ide dexpression de soi- mme indique que vous avez

    quelque chose donner, et que la Socit doit tre cre pourvotre usage. T out dabord, avez- vous quelque chose donner ? Un peintre, n musicien, ou un ingnieur, touthomme vraiment crateur ne parle pas dexpression de soi-mme ; il sexprime chaque instant ; dans le monde extrieur, la maison, au elub. Il na pas besoin quune Socit spciale lui permette de sexprimer. A insi quand vous parlez dexpression de soi-mme vous ne voulez pas dire quevous vous servez de la Socit pour rpandre dans le monde

    une connaissance s