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L'ESFACNE
L'E s PAGN E
Presented to the
LIBRARY ofthe
UNTVERSITY OF TORONTOfrom
the Library of
Beverly A. Parker,
Art Historian
(1927 - 1998)
L'ESPAGNELES MONUMENTS LES PAYSAGES
LES HABITANTS
PAR
KURT HIELSCHER
LIBRAIRIE DES ARTS DECORATIFSA. CALAVAS, DITEUR, PARIS
^BRaI^
,^ XT ^ 3 2002 ^,
A SA MAJESTE
ALPHONSE XIII ROI D'ESPAGNE
HOMMAGE DE PROFOND RESPECT
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding fromUniversity of Ottawa
http://www.archive.org/details/lespagnelesmonumOOhiel
L'Espagne est un vaste muse sous le grand ciel, une terre unique en son genre, o sontaccumuls les trsors des civilisations les plus lointaines, les souvenirs de tous les peuples et detous les temps. Les murs de la grotte d'Altamira nous montrent encore l'image du taureau,vieille de plusieurs centaines de sicles, puisqu'elle date de la priode glaciaire, o les hommesvnraient cet animal symbolique, et, Barcelone, nous pouvons admirer les monumentstranges dans l'architecture desquels la fantaisie catalane moderne s'est donn libre cours.
Le sol de l'Espagne fut souvent disput: les Celtes, les Ibres, les Romains, les Carthaginois,les Maures et les Goths se succdrent dans la possession de ce magnifique pays. Aussi sonhistoire est-elle tout entire crite sur ses difices, dont les pierres peuvent tre considres commeune chronique vivante, qui retrace les luttes acharnes d'aman et rappelle l'existence d'unecivihsation jamais disparue, l'clat brillant d'un merveilleux pass artistique. Mme au milieude la poussire des sicles et des ruines, ce qui reste forme aujourd'hui encore un pont gigan-tesque, par lequel, en revenant sur nos pas, il nous est donn de revivre des poques perduesdans la nuit des temps, et comme subitement ressuscites sous nos yeux.
Ma bonne toile m'a conduit sous le beau ciel de l'Espagne, o j'ai pass cinq ans. J'aiemploy ce temps parcourir la pninsule ibrique jusque dans ses recoins les plus ignors,des pics aigus des Pyrnes la pointe de Tarifa, de la fort de palmiers d'Elche aux villagesperdus de l'Estrmadure. J'avais dans mes prgrinations solitaires un fidle et insparablecompagnon: mon appareil photographique Ica. Tous deux ensemble, nous avons parcouru45 000 kilomtres en Espagne, tous deux observateurs attentifs auxquels rien ne pouvaitchapper. Car ce que mon il humain ne distinguait pas toujours, l'il de verre de moncompagnon de voyage, plus sr et plus subtil, ne le laissait pas inaperu. Puis, alors que monil ne conservait du spectacle ou des objets entrevus qu'un souvenir fugitif, l'il de mon com-pagnon les fixait en une image ineffaable. Ces images, nous en avons ainsi recueilli plus de2000, au cours de nos excursions. Le prsent album n'en reproduit qu'un petit nombre,choisies parmi les meilleures.
En parcourant l'Espagne, j'ai agi de mon propre gr, sans mission officielle, en touristeamateur la recherche des beauts du pays. Magnificences artistiques, singularits gogra-phiques, paysages enchanteurs, murs et coutumes particulirement intressantes, j'ai tout fixsur mes plaques photographiques. Je me suis inspir du mme principe dans la publicationde cet ouvrage.
Mes clichs ont leur loquence propre. Ils en diront trs long quiconque saura lesinterroger. C'est pourquoi je me borne cette courte introduction, quelques indications,rapides, fil servant relier le connu l'inconnu, lueurs jetes sur le sentier parfois obscur quej'ai suivi moi-mme en parcourant l'Espagne.
VII
Grenade! Ce nom seul rsonne comme un chant mlodieux! Granadal Que de beautsenfermes dans ces trois syllabes!
Eternel printemps! Joie suprme de la vie!La ville semble noye dans un panouissement multicolore, une riante muraille de fleurs
entoure l'Alhambra. Pendant combien de sicles dj le splendide difice a-t-il vu se renou-
veler chaque anne cet hommage de la saison printanire? L sont venues jadis les femmes desMaures, aux yeux de feu, afin d'orner leur chevelure d'bne des fleurs roses de l'amandier.
poque de splendeur disparue! Et pourtant, les murs du vieux palais mauresque rayonnentaujourd'hui encore de la magnificence d'une vgtation toujours aussi luxuriante qu'en cestemps lointains.
mergeant de cet ocan fleuri, les tours de l'Alhambra dressent leur silhouette altire,semblables aux piliers d'un gigantesque autel de pourpre s'levant dans l'azur du ciel.*
Quelles feriques merveilles peuvent bien cacher ces murs, vritable ouvrage de Cyclopes
Le touriste, impatient et curieux, gravit la hauteur. A une antique porte de pierre, dcoredes fruits du grenadier, les bruits de la ville cessent tout coup. Un bocage d'ormes, de vieuxarbres sculaires qu'enlace une ceinture de lierre, des myrtes aux fleurs blanches, des flots dors
de lumire travers les branches que secoue le frisson d'une brise lgre, des rossignols attendant
la nuit, des hirondelles au vol rapide, la chute tapageuse d'une cascade, tels sont les spectacles
qui saisissent maintenant la vue.Tant de splendeurs runies sous le ciel bleu de l'Espagne! Ds son entre, le visiteur se
trouve subitement transport dans un autre monde.L'imposante porte de la Justice est franchie . . . une autre, invisible jusque l, s'ouvre
pour donner accs la cour des Myrtes. Ici c'est l'atmosphre et comme le souffle de l'Orient.
Des colonnes de jaspe et d'albtre, aux mille dcors, supportent les arceaux, suspendus commeune guirlande de dentelle, et courant d'une arcade l'autre.
t'est un rve, une ferie, un blouissement! L'eau vert meraude de la fontaine jaillit
soudain vers le ciel: spectacle grandiose et rjouissant la fois.Mais voici la cour des Lions, aux merveilles si souvent chantes, avec son pourtour de
galeries dont les fines ciselures ralisent un idal inconnu de grce et de hardiesse. On nageen pleine fantaisie. Ici les pierres ont leur posie, car elles font retentir comme une mlodie
rythme, une suave musique, qui ravit l'oreille. Et la musique n'est-elle pas en effet le seul
art capable de rendre convenablement les impressions nes de ce dcor unique?
Quelle richesse d'ornements! Les murs, aux couleurs blouissantes, rappellent les plusadmirables tapisseries de la Perse, les tissus les plus bizarrement bariols de Cachemire. Des
inscriptions arabes parsment le labyrinthe des couloirs et des piliers, et clbrent en termes
d'une loquence surabondante la ferique splendeur de ces lieux: Dieu m'a combl d'unetelle plnitude de beaut, que les constellations du ciel elles-mmes, merveilles, s'arrtent dansleur course pour me contempler.
Du haut du "Sjour de l'admiration >\ nom donn par les Arabes au Mirador de Daraxa,le joyau de l'Alhambra, les jolies sultanes pouvaient admirer leurs pieds les beaux et riantsjardins, d'o montait vers elles, en les enveloppant, le parfum capiteux des roses, des jasmins etdes lauriers-roses, alternant dans un gracieux fouiUis avec les cyprs et les orangers. Au milieu,une fontaine au bassin admirable, dont les bords semblent couverts de brillants forms par les
gouttes d'eau retombantes. Elle chante, la fontaine, elle chante elle aussi les jours pleins degloire des sicles passs!
On sort de ce palais comme d'un songe des Mille et une nuits. Involontairement, leslvres murmurent ce vu d'un pome arabe, inscrit au-dessus d'une petite niche: Puisse la
* Voir les gravures i 22 et 25. Les chiffres entre parenthse, figurant plus loin dans le texte, indiquent les gravures
correspondantes auxq ucUcs on devra se reporter.
VIII
bndiction du Ciel s'tendre sur ce palais, Aussi longtemps que les caravanes de plerinsiront visiter la sainte Caaba de la Mecque.
Non: aussi longtemps qu'il existera des nuages au ciel, et sur la terre, des admirateurs dela beaut!
C'est sous l'empire de ces impressions que le touriste monte maintenant vers le Gnralife,palais d't des rois maures.
Une double range de cyprs lancs, d'un vert sombre, emblmes de recueillement etdu silence conduit au palais et nous en montre le chemin.
Le Gnralife, au-dessus de jardins en terrasses, semble dominer un abme.Les jardins! La nature s'est plue y prodiguer ses richesses, y rpandre une profusion
de couleurs chatoyantes. Le long des murs, la rose grimpante, la glycine, la vigne sauvage et
le lierre; puis le magnolia, le laurier-rose, l'amandier, le laurier, le cyprs, l'araucaria, l'olivier,
l'agave, le palmier et le mimosa; et encore des grenades rouges comme le feu, des roses, desmauves, des lis, des jasmins, des narcisses, des oranges: toute cette vgtation forme un vasteassemblage de tons qui rivalisent d'clat. Autour d'une petite fontaine, des arbustes aux ttes
penches paraissent couter silencieusement le murmure argentin de la source qu'accompagne
le joyeux ramage des oiseaux, seul orchestre digne de cet indescriptible chef d'uvre de la nature.Et au-dessus de toutes ces merveilles plane la paix, une paix profonde, une paix que lien
ne saurait troubler!
A travers les arbres, les galeries et les arcades, la vue s'tend sur l'Alhambra et sur lepanorama bigarr des maisons de la ville, sur le pittoresque Albaicin et sur le Sacromonte
couvert de cactus, au milieu desquels apparaissent les habitations des Tziganes, puis, plus loin
encore, sur la Sierra Nevada, au diadme dor, et enfin jusqu' la Vega, la plaine fertile en-toure d'une ceinture dentele de montagnes, et sillonne par le Genil qui y droule le rubanargent de ses eaux. Mais si pendant le jour, le spectacle de tant de splendeurs offre une imagevivante de la cration dans son imposante majest, il est encore surpass par la magnificence
du soleil couchant, lorsque celui-ci tend son rseau d'or sur le pays. Alors les murs del'Alhambra, jadis tmoins de combats acharnes, revtent une coukur d'un rouge de sang. Al'horizon, le sommet des montagnes scintille, et les pentes neigeuses de la Sierra Nevada brillentde mille feux. Puis, peu peu, tout s'teint; l'tincellement des cimes succde l'obscunt
qui envahit l'horizon et tombe comme une douche glace; au ciel, une une, apparaissentles toiles. Inoubliable tableau!
L'Espagnol a rsum ces im.pressions dans ce fier dicton populaire: Quien no ha vistoGranada, no ha visto nada! . Qui n'a pas vu Grenade, n'a rien vu. Et moi j'ajouterai: Quia vu Grenade et son Alhambra la lumire d'une journe ensoleille de printemps, celui-lporte avec lui un talisman contre les amertumes des jours mme les plus tristes de sa vie, caril a got du moins une fois un bonheur dont le souvenir console de tout.
La Mosque de Coroue. Un peuple s'lana un jour pour soumettre le monde sa croyance;son cri de ralliement dans cette guerre sainte tait: Allah akbar! Dieu est le plus grand!Il marcha de victoire en victoire, jusqu'au jour o son fanatisme religieux vint se briser contrele rempart de la foi de son adversaire. Le flot envahisseur recula, et la croix de Jsus-Christ
triompha du croissant de Mahomet.Mais cette lutte gigantesque d'une croyance contre l'autre, d'un continent contre l'autre,
a laiss des traces ineffaables sur le sol qui en fut jadis le thtre.La guerre avait eu Dieu lui^'mme pour cause. Le vainqueur s'empressa donc d'en con-
sacrer le caractre par des monuments religieux. Sur les ruines des mosques s'levrent lesmagnifiques cathdrales que le monde admire aujourd'hui.
Ces combats acharns pour la foi ont imprim l'Espagne un cachet que jamais ellen'aurait eu sans cela.
IX
Le joyau des cits maures de l'Occident tait Cordoue, dont la splendeur rejetait dansl'ombre celle des villes surs de l'Orient, Damas et Bagdad. L se dployaient touce la richesse,toute la magnificence de la domination des Maures. Cordoue, ville d'un million d'habitants,tait le sige de l'art et de la science arabes, et le centre de la vie religieuse. Du haut de3000 minarets, la voix du muezzin appelait les fidles croyants la prire. Rivale de laMecque, Cordoue dtournait vers l'Occident le flot press des plerins.
Qu'est devenue aujourd'hui cette cit jadis universelle? Un fantme!Toutefois, en parcourant les rues de la ville, on pourrait se croire encore dans la Cordoue
d'il y a mille ans. Le pav de grs, ingal, est peut-tre le mme qu'alors, et les maisons auxfentres grilles ont bien pu abriter les beauts de quelque harem. C'est un croisement in-extricable de petites ruelles, troites, tortueuses, irrgulires. et l, au-dessus des murs baset d'une blancheur blouissante, un palmier passe la tte; les portes ouvertes laissent voir des
cours ensoleilles.
Au milieu de ce fouillis enchevtr et scintillant de maisons blanches, apparat laMesquita, la mosque, tel un rocher battu par les vagues au milieu de l'Ocan.
Un portail admirable donne accs la cour des Orangers, dont les fruits et les fleursrpandent dans l'air leur enivrant parfum. De grands palmiers dressent vers le ciel leurs cimesaltires. Des fontaines coulent . . . Que de plerins couverts de la poussire du voyage, harassssous leurs burnous, venus de pays lointains, pour rendre hommage leur Dieu, y tanchrentjadis leur soif brlante! Dans ces bassins, ils firent leurs ablutions, pour laver leur corps avantde purifier leur me dans la maison d'Allah! Aujourd'hui, autour des mmes fontaines, lesjeunes filles de la ville, accourues pour puiser de l'eau, caquettent joyeusement avant de remplirla cruche d'argile qu'elles emporteront ensuite la maison.
L'impression ressentie en pntrant dans la mosque, au milieu d'une vritable fort decolonnes et de piliers, est saisissante, en raison de l'imprvu du spectacle. On se croirait trans-port soudainement au cur d'une plantation de palmiers ptrifis. Serait-ce une allgorie, uneimage symbolique de l'infini de Dieu? Entre toutes ces colonnes rgne un demi-jour pleinde mystre. On se sent effectivement comme en prsence de l'infini, de l'ternit, la voixdevient muette, fige dans le gosier par la stupeur et l'admiration.
Ce sera l'immortel titre de gloire des Chrtiens victorieux de ne pas s'tre laiss entranerpar la fureur de la destruction, et d'avoir su respecter cet admirable sanctuaire de l'Islam.
Il est profondment regrettable que leurs descendants aient si mal suivi leur exemple.La mosque fut transforme en glise. Sous les votes o avait retenti pendant des sicles
le cri de: Allah illah Allah! pouss par des milliers de voix musulmanes, clata dsormais lejoyeux Allluia chrtien.
Au dbut, on se contenta d'lever des autels. Mais il fallut ensuite abattre environ 70 co-lonnes, afin d'installer le chur et le matre-autel. Charles-Quint ne donna pas de bon grson consentement cette nouvelle transformation. Lors de son sjour Cordoue, il s'cria,indign la vue de la dvastation accomplie: Vous allez difier quelque chose que l'on peut
voir partout dans le monde, et vous avez dtruit ce qui n'existait nulle part ailleurs! *
Non loin du tabernacle du matre-autel de l'glise chrtienne, dans la demi-obscurit dujour, demeur intact dans sa splendeur primitive, se trouve le Mihrab, niche o se conservaitle Coran. C'est une des merveilles de l'art mauresque. Alors que les autres colonnes de la
mosque sont surmontes d'arcs en fer cheval, rays de rouge et de blanc, ici des denteluresfinement ciseles s'lancent en une coupole dont la beaut le dispute la hardiesse. Le socle
* Cordoue fut conquise aprs la bataille de Xrs (711). Abd-ur-Rahman 1", fondateur de la dynastie des Ommiades,commena la construction de la mosque en 785. Les colonnes (dont le nombre oscillait primitivement entre 1400 et 1500)proviennent de monuments de tous les autres pays: de Byzance, de Rome, de Cartilage, de Nimcs, de Narbonnc, etc. De
l la diversit de leurs formes et la varit de leur matire (marbre, porphyre, jaspe, albtre). Les chrtiens s'emparrent de Cordoue
en 1235; la construction du choeur fut entreprise en 1523.
X
mural de la niche est une merveilleuse dentelle de marbre blanc, au-dessus de laquelle les cou-leurs les plus diverses se mlent en un magnifique concert: le rouge vif, le brun rougetre, leviolet-bleu fonc, alternent avec l'clat cleste de l'or. Quel effet ferique devait produire sur lamosaque des murs orns d'inscriptions, la lumire des milliers de lampes en argent, jamaisteintes, suspendues au-dessus de l'enceinte un peu sombre? Durant six sicles, ce lieu demeuracach aux regards, le Saint des samts islamique ayant t mur avant que les Chrtiens nes'emparassent de Cordoue. Il fut dcouvert seulement en 1815.
Le touriste errant travers le labyrinthe des innombrables colonnes, se sent attir malgrlui toujours plus en avant, saisi, transport, par le langage impressionnant et potique la foisde cette puissante merveille de pierre.
En se retrouvant dans les rues de la paisible cit, jadis un des plus prcieux joyaux de laterre, ombre aujourd'hui de sa gloire passe, on croit sortir d'un rve, rve fantastique, maispourtant rel et vcu! (50 60.)
Vestiges de temps lointains. Une chaude journe du mois d'aot. L'air scintille et paratembras sous les rayons d'un soleil tornde, dans une rgion dserte et sans ombre. Depuis delongues heures, je marche en laissant le vide derrire moi. Un mirage frappe soudain mesregards. Un mirage? Sans doute quelque reflet de la cte marocaine. Mais non! c'est bienune ralit, car l'illusion, loin de s'effacer mesure que j'approche, prend corps au contraire.Sur la pente de la montagne, des maisons s'grnent comme autant de ds jets et l par unemain inconnue.
Quel est le nom de cette trange localit? Le garon auquel je m'adresse passe son cheminsans rpondre, comme effray. Je consulte ma carte; elle est muette sur le nom cherch. Finale-ment, j'arrive savoir que je me trouve dans la muy noble y leal ciudad Mochagar, Uave yamparo del reino de Granada. Est-ce possible! Comment! cet affreux nid perch flanc demontagne, se proclamerait: la cl et la protection du royaume de Grenade ? Je hoche la tteen signe de doute. Mais oui, me rpte-t-on, seulement ce royaume-l a disparu il y a mainte-nant 500 ans, lorsque les Maures furent chasss de Grenade.
Le miraculeux ici est que le temps est demeur fig. On se croirait en pleine priodemauresque. La plupart des maisons, sans fentres, aux toits plats, dont la superposition tageindique la sparation des rues, offrent partout la mme terrasse. Et dans la rue, les femmes, surla tte desquelles a pourtant coul l'eau du baptme, marchent le visage voil selon la coutumemauresque. Serres dans leur ceinture, les jambes nues, une amphore pleine d'eau sur l'paule,elles reviennent de la fontaine, et gravissent d'un pied lger la pente escarpe des ruelles. J'aviseune de ces femmes voiles, et je la prie de se laisser photographier. Elle me regarde sans com-prendre. Un appareil photographique est un objet inconnu en cet endroit recul. Je montreune photographie en expliquant mon dsir d'obtenir une reproduction analogue. J'essuie unrefus catgorique. Enfin, une petite fille semble dispose se soumettre l'opration; mais unevieille femme survient, qui roue de coups l'enfant assez dvergonde pour avoir voulu se prosti-tuer de la sorte! Ainsi, dans ce pays, chrtien pourtant, le visage de la femme ne doit tre vude personne, et la dfense de Mahomet, interdisant tout mortel de se faire reprsenter en image,est encore observe dans toute sa rigueur.
J'en exprime mon tonnement un vieillard, qui me fournit l'explication suivante: Cheznous, si une jeune fille ne se voile plus le visage, mais par contre cache ses jambes, elle n'a plusrien perdre!
Ma rsolution tait fermement prise de ne pas quitter l'endroit sans photographier unefemme voile. Je russis enfin m'entendre avec la mre d'une jeune fille et mettre monprojet excution. Mon appareil Ica fil trs consciencieusement son devoir, et j'immortalisaiainsi la jeune indigne de Mochagar. Pour la remercier, je voulus lui prendre la main en signed'adieu, mais elle parut choque, se recula vivement et mit ses mains derrire son dos. Vous
XI
pouvez bien me donner la main, lui dis-je pour l'encourager, je ne suis pas un mchant homme. La mre intervint alors pour excuser sa fille: Ce n'est pas qu'elle vous croie mchant, seule-ment ici, jamais une jeune fille ne donne la main un homme avant le mariage.
Ce fut pour moi une rvlation, et je comprends maintenant l'origine de la formule dontse servent les prtendants: J'ai l'honneur de vous demander la main de Mademoiselle votrefille. (90.)
La fort de palmiers d'Elcbe (ici 103) est la seule fort de ce genre existant en Europe:elle comprend plus de 115 000 palmiers. Encore un hritage des Maures, qui la plantrent.Ils dtournrent l'eau 5 kilomtres de l, afin de crer dans ce dsert une vritable oasis, avecsa s^tiia. Les environs d'Elche sont d'ailleurs rests tels qu'ils taient alors, un Sahara en
miniature. Le palmier, pour vivre, demande avoir la tte dans le feu et les pieds dans l'eau.Des annes se passent ici sans qu'une seule goutte d'eau tombe du ciel.
Au-dessus des toits de la ville, couronns comme d'un baldaquin par les ttes retombantesdes palmiers, se dresse le clocher de l'glise. Coup d'il trange. Cet lot de paix est entourpar le sable gris jauntre de la plaine dserte, tandis qu'au loin la mer aux flots d'azur tendsa majestueuse immensit. La vie et la mort semblent cohabiter sur cet troit espace.
Ftes de Pques Sville. Notre train se dirige vers le sud en traversant le haut plateau
dsert de la Cas tille, dnud en t comme un crne chauve. La Manche, au froid aspect,sans arbres, revt timidement sa modeste parure printanire. Une verdure tendre scintille dansle lointain. Joie de courte dure! Dans quelques semaines, un linceul gristre recouvrira denouveau le sol grill par le soleil.
Des cimes de la Sierra de Guadarrama, couronnes de neige, une bise glaciale souffleencore. Mais peine le train a-t-il franchi les gorges sauvages de la Sierra Morena, que le prin-temps semble ouvrir sa porte. C'est comme si, par la fentre d'une serre bien chaude, un airbienfaisant se manifestait tout coup.
Peu aprs, autour de nous, les prairies s'panouissent en un vaste jardin fleuri, o le rougepavot dispute la primevre la suprmatie de la couleur. et l, une localit, enfouie dansune floraison luxuriante, apparat comme une Belle au Bois dormant. Les agaves et les cactusbordent la voie ferre sur tout le parcours. Enfin nous pressentons l'approche de Sville: jardinsde roses, parterres d'orangers, dont les feuilles laissent apercevoir les magnifiques fruits d'or.Un vieil amandier noueux, qui ne peut se dcider mourir au milieu de cette vie quil'entoure nous tend une branche couverte de fleurs roses. Des palmiers lancs, la tte aliire,
semblent s'incliner vers nous comme en un salut amical de bienvenue; sans cesse de nouveaux
enfants de Flore se pressent de plus en plus sur notre route. Sville et son dlicieux printempsse sont mis en fte pour nous recevoir.
Le train, peu soucieux de cette magnificence, passe devant l'amas serr des maisons blanchesde la ville, domines par la Giralda, qui donne Sville son cachet tout particulier (31).Puis nous entrons enfin en gare.
Mais qu'est-ce donc? Pourquoi ce silence impressionnant devant le btiment d'arrive?Pas un portier d'htel pour accueillir les voyageurs, pas une voiture pour les emmener; les
tramways lectriques ne font point entendre leur sifflet strident, les cornes d'appel des autos
restent muettes. A cette heure peu avance de l'aprs-midi, la vaste place semble morte. La Semana santa , la Semaine sainte, a opr cette transformation, en tendant sur la cit un voilede recueillement et de silence. La voix d'airain des cloches s'est tue galement en signe dedeuil, et le son mat, enrou, trs sec, d'une crcelle de bois, les remplace pour annoncer l'heure
des offices religieux.
XII
En pntrant cependant dans rintrieur de la ville, le silence perd sa troublante solennit.Tout Sville, caquetant et riant, se dirige vers la cathdrale pour voir la procession. Impossibled'avancer plus loin: la foule serre forme un mur impntrable. Devant elle dfile un singuliercortge, qui voque les souvenirs lointains de l'poque mdivale. Des pnitents revtus de lacagoule passent lentement. Apparition saisissante. J'en avais bien vu souvent en images,mais jamais en chair et en os. Tout le corps disparat sous le noir vtement qui l'enveloppe,et la tte est surmonte d'une immense bonnet conique, de presque un mtre de hauteur.De l, couvrant le visage et tombant trs bas sur la poitrine, descend un drap galementnoir, dans lequel sont seulement percs deux trous pour les yeux. Une corde noeudsserre les hanches des pnitents. Ils tiennent dans leurs mains de grossires croix de boisde la hauteur d'un homme, ou des btons de mtal. D'autres portent un brancard sur lequeltrne une statue de la Vierge Marie, de grandeur naturelle, tout tincelante sous son vtementd'or et de pierreries.
Le cortge s'arrte un nistant. Le brancard est dpos terre. Une jeune femme sort dela foule, lve les yeux vers la reine du Ciel et entonne un cantique en son honneur.
Mais les 20 ou 30 porteurs du brancard, cachs sous le long voile qui l'entoure et tombejusqu' terre, se sont, sans doute, suffisamment reposs. A un signal donn, un lan cadencreplace le brancard sur leurs paules, et le cortge se remet en marche. Les confrries se suc-cdent sans interruption, chacune avec ses insignes spciaux et son costume, dont les couleursprsentent les bigarrures les plus varies: cape bleue et habit blanc, ou violet, ou bien encore
blanc et brun, etc. Souvent, prs du pre, marche le fils, g de dix ans, mais portant le mmecostume. On remarque mme dans le cortge des pnitents encore plus jeunes.
Les confrries rivalisent entre elles pour la somptuosit des pasos (brancards) et mettentleur amour-propre se surpasser mutuellement. Les brancards font dfiler sous nos yeux toutel'histoire de la Passion du Sauveur, depuis sa lutte intrieure et sa prire dans le jardin deGethsman, jusqu' sa mise au tombeau.
Naturellement, tout le clerg figure en grande pompe, ainsi que les autorits municipaleset les fonctionnaires du gouvernement. De temps autre, apparaissent dans le cortge deslgionnaires romains du temps de Jsus-Christ, puis des anges, et aussi Sainte Vronique, por-teuse du voile o s'est imprime la Sainte Face. Des musiques jouent sans discontinuer lamme marche.
Les diverses confrries de la procession sont salues solennellement par l'alcade sur la placede la Constitution. La place a revtu l'aspect d'une salle de thtre. Les chaises installesl en ranges sont loues jusqu' la dernire, et aux balcons des maisons qui entourent la place,les occupants se pressent l'un contre l'autre.
Mais l'heure avance. La nuit tombe peu peu; sur les brancards s'allument maintenantdes centaines de bougies, et chaque pnitent porte la main un gigantesque cierge allum.Ce flot de lumires sans fin, trs beau, avec quelque chose de mystique, gagne la cathdrale,en traverse les nefs magnifiques, et ressort dans la rue par un autre portail.
A l'occasion de la Semaine sainte, la cathdrale a ouvert ses trsors et dploie tout son luxe,toute sa magnificence. Le matre-autel est clair par le clbre Tenebrario (gigantesque can-dlabre en airain) et par des cierges normes, du poids de sept quintaux. Dans la nef princi-pale, s'lve un imposant tombeau du Christ, qui sert de tabernacle au Saint-Sacrement pen-dant les jours de la Semaine sainte. Des centaines de lampes et de cierges rayonnent tout autourde ce tombeau, blanc et or, quatre tages, haut de plus de 30 mtres, et surmont d'une aurolelumineuse d'une rare splendeur.
Pendant la nuit du Vendredi saint, la cathdrale, on chante le clbre Miserere d'Eslava.Malheureusement, il est assez difficile de goiiter comme il convient la beaut de cette musique, cause du bavardage continuel des assistants. Les plus fatigus s'assoient sur les marches deschapelles latrales ou autour du tombeau de Christophe Colomb. Une mre allaite son
XIII
enfant qui crie, plus loin un mendiant en haillons est tendu et dort profondment; le remousde la foule, les pousses, les bousculades ne cessent pas.
Pourtant, il ne faudrait pas juger ces crmonies religieuses, un peu frivoles au premieraspect, sur le caractre plus grave qu'elles revtent dans les pays du nord. On risquerait fortde tomber dans un excs de svrit injuste. En effet on se trouve ici en prsence d'une formede pit en quelque sorte rituelle. N'oublions pas une chose: l'Espagne a conserv jusqu'au-jourd'hui, inconsciemment sans doute, beaucoup de la mentalit des Maures sous certains rap-ports. La mosque n'tait-elle pas souvent, en dehors de sa destination religieuse, un lieu derunion profane et mme une Universit; Quoi qu'il en soit, le culte de Dieu et de la ViergeMarie est pour les Espagnols une joie de la vie, leurs penses aiment s'lever vers les chosesdu Ciel, et le manifestent, soit la procession de la Fte-Dieu, soit aux jours qui nous rap-pellent la Passion et la mort du Rdempteur.
Jamais de ma vie je n'oublierai l'mouvante impression ressentie pendant les ftes dePques, une heure matinale du jour de la grande solennit chrtienne. Je me trouvais surla Giralda, la tour de la cathdrale, chef d'uvre d'architecture mauresque et le plus beau desminarets. Mes regards s'tendaient sur l'ocan des maisons de la ville, claire par un magnifiqueet radieux soleil. La vote du ciel, d'un bleu d'azur superbe, semblait protger de son dmeimmense toute la rgion en fte. Au-dessous de moi, je percevais les sons touffs de l'orgueaccompagnant la messe, lorsque soudain l'air fut branl et sembla tressaillir. Toutes lescloches de la tour, depuis trois jours muettes, envoyaient au loin leur chant sonore, le cri de laRsurrection et du triomphe. Et les cloches des autres glises, faisant immdiatement chorus,allaient porter dans tout le pays la joyeuse nouvelle, l'unisson comme en un admirable etcleste concert.
Le Patio (40, 42 49). Sville jouit de la rputation d'tre la ville des cours intrieures,de ces cours qui donnent la maison son cachet particulier de gaiet. La maison svillane,ou pour mieux dire, la maison andalouse, n'est pas comme la ntre un difice tourn vers ledehors, mais vers l'intrieur. La faade sur la rue ne dit et ne signifie rien: toutes les picesdonnent sur la cour intrieure. Extrieurement, les maisons dnues de tout ornement, souventpresque sans fentres, demeurent un mystre pour le passant. Toute la beaut de la constructionest rserve pour la cour: le riche y tale son luxe, le pauvre la dcore de son mieux. Une grilleferme la cour du ct de l'troit passage, le za^tiari, donnant accs la rue. Des colonnes sup-portent la galerie dans laquelle dbouche l'escalier qui conduit aux appartements, situs l'tage suprieur. Au milieu de la cour, une fontaine entoure de palmiers, d'araucarias, delauriers, d'orangers, de lauriers-roses et de pots de fleurs, est destine procurer de la fracheur.Les murs sont lambrisss de carreaux de faence aux couleurs barioles. Des meubles rem-bourrs, des chaises, quelquefois un piano, dans un coin, une guitare. Souvent tout le pour-tour de la cour est tapiss de plantes.
L se passe presque toute la vie de famille: rception d'amis, joyeuses causeries, musique,chants, et mme Sevillanas, danses gracieuses par excellence.
Est-on seul; On se plat alors couter le gai murmure de la fontaine ou pier les jeuxde lumire que le caprice du soleil produit sur les murs tout blancs, moins qu'on ne prfrerver d'hier, d'aujourd'hui, de demain, les yeux fixs sur l'azur immacul du ciel! La cour, Sville, c'est l'me de la demeure!
Les villes espagnoles manquent de cet aspect de vie active qui caractrise les ntres; la plupartont conserv leur cachet particulier, que ni l'ge, ni le temps n'ont effac. Beaucoup ont suc-comb sous le poids des ans; d'autres sont mortes, mais d'une mort qui Ic^ laisse dans touteleur beaut , Leurs difices religieux, les faades somptueuses de leurs palais aujourd'huiabandonns, parlent encore de leur gloire passe, avec le langage loquent des sicles.
XIV
Tolde est la ville espagnole par excellence. L battait jadis le cur du pays, l se droulaen rythmes grandioses toute une poque de l'histoire du monde. Le cur ne bat plus, l'histoiredroule ailleurs son ternelle tragdie.
L'amas gris-jauntre des maisons, qui semble surgir d'un rocher, couvre la pente granitiqueabrupte dominant la valle profondment encaisse du Tage. Deux ponts gigantesques donnentpassage d'une rive l'autre; partout des rues pic, tortueuses, sombres; ascension et des-cente continuelles. La ville entire semble comme prte soutenir un combat: portes impo-santes, tours puissantes, maisons donnant l'impression de petites forteresses, des clous normesaux portes. De fait, peu de villes offrent un pass aussi riche en luttes piques. L'histoire del'Espagne a longtemps march de pair avec le sort de Tolde. Qu'en reste-t-il aujourd'hui;Des murs crevs, des vestiges pars, le silence! Des sicles ont pass, ne laissant derrire euxque le souvenir! (139 148.)
Sgovie, la ville sur de Tolde, offre le mme aspect. Btie sur un roc escarp, commeplante au milieu de la plaine, Sgovie s'lve, domine par la tour majestueuse de la cath-drale, l'ombre de l'Alcazar, gracieux difice voquant le souvenir romanesque d'un chteaudes contes de fes. Au-dessus de la valle, le magnifique aqueduc romain dresse sa silhouettemajestueuse. Merveille de construction, monument imprissable du temps o l'EmpereurAuguste publia un dit qui ordonnait de faire le dnombrement des habitants de toute laterre . Mais Sgovie est par ailleurs l'antipode de Tolde: cit riante, entoure de verdure un Nuremberg espagnol (157 164).
Puis c'est toute une srie de villes rappelant les luttes sculaires d'antan: Avila, ceinte demurailles (165 169), Cuenca et Albarracin, aux maisons suspendues au-dessus de l'abmecomme des nids d'hirondelle (120, 121, 192 194), Daroca, protge par deux montagnes,au-dessus desquelles serpente le mur de dfense (195 197), Alquezar, dans les Pyrnes, autre-fois point d'appui le plus septentrional des Maures d'Espagne (210 212), puis Siguenza,Jerica, Trujillo, Caceres, Niebla, Carmona, Martos, Antequera et combien encore d'innom-brables castillos (chteaux-forts).
Une des villes les plus trangement situes d'Espagne est Ronde, assise sur un plateauqu'environne une vaste ceinture de montagnes (62, 63). Au miUeu du plateau lui-mme,s'ouvre un gouffre bant, une gorge profonde, comme si quelque Titan, d'un formidable coupde taille, avait fendu le roc en deux tronons.
Avec un bruit de tonnerre, les eaux tombent sur les blocs de rocher, les frappent furieuse-ment et font jaillir des milliers de perles en une poussire liquide tincelante, pour reprendreensuite le tourbillon de leur course imptueuse. Par un contraste trange avec le fracas assour-dissant de la masse des eaux tombantes, les parois du rocher dressent leur inbranlable rempart,tmoin silencieux et muet, mais tmoin ternel, du spectacle qui se droule ses pieds.
Mais en prsence de toute cette grandiose nature, uvre de la main de Dieu, les hommesont voulu aussi taler leur gnie. Ils ont bti un pont, une hauteur prodigieuse, hardimentsuspendu au-dessus de l'abme grondant. Ainsi sont relis les deux tronons du rocher et com-muniquent les deux parties de la ville.
Laissons maintenant ces villes, o respire encore comme une belliqueuse atmosphre,pour jouir d'un tableau plus riant, en visitant une cit au bord de la mer, dans un site d'unebeaut incomparable, et d'ailleurs clbre dans le monde entier: j'ai nomm Saint-Sbastien(286 290).
Rien de magnifique comme le coup d'il qu'offre la ville du haut du Mont Ulia, sortede gardien plac l'entre de cet Eden pyrnen.
Ici la nature semble avoir pris plaisir rpandre profusion ses trsors et ses charmes.Par deux baies admirablement dcoupes, la mer se marie la terre. Ses flots d'un bleu sombreviennent mourir sur la plage en une cume blanche et cadence. Tout le pays s'tend en unvaste jardin dont la luxuriante parure en fait un vritable paradis terrestre. Involontairement,
XV
les regards se portent au loin, sur l'infini de la mer, vers cet horizon lointain o le ciel et l'eause confondent, o notre monde semble en quelque sorte ferm par un voile lger de brumeet d'ther.
Hahitations tro^lodytiques existence modeste .'f sans besoins. Ce jour-ln, j'avais dcid d'errer l'aventure >\ Le hasard seul devait me servir de guide, et, comme il arrive souvent en pareilcas, je m'en suis parfaitement trouv.
Je m'tais mis en route avant l'aurore. Un lger frisson agitait les branches des palmiers,lorsqu' la lueur du demi-jour naissant, je me trouvai en prsence d'un singulier tableau: unpaysage de rochers, au milieu desquels de larges crevasses ressemblaient autant d'yeux im-mobiles, dirigs vers l'est.
Mais, loin d'offrir le vide et le dsert, ces rochers cachaient la vie. De leurs flancs sortaientdes tres humains, heureux de saluer l'aurore du nouveau jour.
Je dcouvris une srie tonnante d'habitations troglodyiiques: elles se succdaient l'une l'autre, et mme se superposaient, car j'en comptai jusqu' cinq tages, tous accessibles dudehors. (92.) Le roc tant trop escarp, on va se nicher plus haut, et ainsi s'lvent des maisonstages avec des judas sur l'extrieur, et mme des balcons suspendus dans le vide.
Des tunnels percs travers les parois plus tendres font communiquer facilement entreelles les sries d'habitations voisines.
Des enfants sautent, courent et jouent, n'ayant d'autre costume que celui dont Dieu lesa pars. Pourtant, voyageur gar dans ces rgions, ne va pas te croire au milieu de sauvagesrebelles toute culture, d'hommes primitifs tels que nos anctres de l'ge de pierre. Lve lesyeux sur la paroi du rocher, lis et sois tonn; car en normes lettres visibles de trs loin se d-tachent ces deux mots sur le fond blanc: EL RETIRO.
Chaque Espagnol connat, au moins de nom., le clbre parc du mme nom, qui fait lagloire de Madrid. L'inscription subitement reproduite ici une telle hauteur, sur le roc mena-ant le ciel, a quelque chose de plaisant. L'explication est pourtant simple. Le propritaired'une des habitations troglodytiques, homme entreprenant sans doute, a eu l'ide d'aplanir sonrocher et d'en faire ainsi une terrasse, o l'on peut venir converser comme au club, jouer auxboules, et mme se livrer au plaisir joyeux de la danse. De l l'appel de cette htellerie im-provise tous ceux que leur toile amne en ces lieux. Sur un autre rocher, se lisent encoretrois mots suffisamment loquents dans leur laconisme: DIOS, PAN Y CULTURA (Dieu,pain et culture). (92 95.)
Mais je n'tais pas au bout de mes surprises. Au cours d'une seconde excursion, j'aperusdevant moi, dans le lointain, des fumes s'chappant du sol sur la pente d'un terrain mon-tagneux.
Vulcain aurait-il tabli quelque part ici ses forges? C'est peu probable. En approchantplus prs, je vois des formes humaines se mouvoir entre les colonnes de fume. Quelle n'estpas ma surprise, lorsque je constate que ce sont l autant de chemines, ressemblant quant la forme des bouchons de Champagne, et surgissant de terre! Encore des habitations dans lerocher! On se croirait transport au sicle d'Homre. Les valles servent ici de rues, les paroisdu rocher forment la faade des maisons, et leurs cimes abritent des familles entires; de gigan-tesques cactus noueux et des agaves figurent et l une sorte de jardin l'extrieur.
Je sjourne longtemps dans cet trange endroit, grimpant et descendant tour tour lespentes abruptes, seules voies d'accs de ce coin perdu, enfoui dans un isolement digne des toutpremiers ges du monde. (96 99.)
Mon salut est accueilli par une rponse amicale; on m'invite pntrer dans une de cesfraches cavernes, on m'offre de l'eau pour tancher ma soif, on me montre les seuls objets mo-biliers du mnage: un lit sur la terre, un fourneau sur lequel chauffe une bouilloire en cuivre,une cruche de grs, un escabeau, une lampe huile et une image sainte.
XVI
Si nous travaillons; Oui, mais pas beaucoup. Tout ce dont nous avons besoin, nousle trouvons l en bas dans le lit de la rivire. Nous fabriquons des briques pour les gens de laville, ces gens qui habitent dans des maisons.
Est-il possible de rver une plus admirable simplicit de vie? L'esprit de Diogne n'estpas mort, et les natures comme celles du clbre citoyen de Sinope se retrouvent en Espagne etn'y constituent nullement une raret. Devant la gare d'une petite station, un jeune garon faitla sieste et dort profondment. L'endroit est dsert; personne pour porter mon bagage jusqu'la localit. J'veille le dormeur en le priant de me rendre ce service. Nonchalamment, ils'tire, fouille dans sa poche, me montre quelques menues pices de monnaie, et, d'un airparfaitement heureux, se contente de rpondre: J'ai dj gagn 25 centimes aujourd'hui; jen'en demande pas plus. Ceci dit, il se tourne de l'autre ct, et reprend son voyage inter-rompu au pays des songes.
Pensif, je continue mon chemin, en me remmorant la sentence d'un philosophe hindoudont le sens est peu prs celui-ci: N'avoir pas de besoins, c'est tre l'gal de Dieu!
Qu'on ne se hte pas trop de hausser les paules. L'activit laborieuse et le bonheur sontdes conceptions relatives. Les plus pauvres des Espagnols comprennent justement d'une magis-trale faon l'art difficile pour d'autres de se sentir heureux en vivant de rien. En t, un peud'ombre, en hiver, un bain de soleil; puis un morceau de pain, une tomate, et une gorge de
vin. Comme chambre coucher, le grand air, et pour baldaquin, l'azur du ciel; la rue pourchamp de travail. Cette existence, ils ne la changeraient aucun prix: ils sont leur proprematre, libres de leur temps, libres de leurs actes. Qu'on rflchisse bien ce que cela signifie.
Celui que Dieu protge va plus loin que s'il s'tait lev de grand matin , dit un proverbeespagnol.
Et l'Evangile: Considrez les oiseaux du ciel: ils ne sment point, ils ne moissonnentpoint . . . cependant votre Pre cleste les nourrit.
Fte Sepiiheda une course de taureaux. Seplveda (172, 173), petite ville antique, loindu bruit du monde, loin de tout chemin de fer, car celui-ci passe prs de 100 kilomtres del, Seplveda est en fte: c'est la feria, le jour de l'anne solennel par excellence.
Des alentours, c'est un afflux de gens, hommes et femmes, accourus les uns cheval, lesautres sur un bourriquet: tous friands de participer aux rjouissances, mais plus friands encorede l'attraction principale qui les attend: la course de taureaux.
La course de taureaux! Depuis des semaines dj, elle fait l'unique sujet des conversations,non seulement dans Seplveda mme, mais aussi plusieurs lieues la ronde.
La modeste cit ne possdant pas d'arne, la place du march sera transforme de manire en tenir lieu. Du matin au soir, les coups de marteau retentissent sans interruption. Lesfentres de l'htel de ville, vieil et pittoresque difice, semblent s'clairer d'un rayon de clartnouveau: enfin, elles vont voir quelque chose d'inou, elles seront enfin rveilles de leur longsommeil qui dure depuis l'anne prcdente!
Devant la ville, sont gards les taureaux destins la course; chacun se presse pour lesadmirer, tandis qu'ils circulent sur la lande o des gardiens les surveillent.
Le grand jour venu, tout le monde est sur pied ds l'aube, pour assister l'arrive destaureaux: l'motion est son comble. Les plus hardis, dsireux d'afficher leur courage, seportent la rencontre du cortge.
Un nuage de poussire grise, soulev sur la route poudreuse, annonce l'approche des ani-maux. D'abord un cavalier arm d'une lance prcde le groupe des taureaux de combat, en-cadrs eux-mmes par d'autres taureaux apprivoiss, puis derrire, un second cavalier, gale-ment porteur d'une lance, ferme la marche. Ce bizarre cortge traverse les rues troites de lapetite ville pour arriver la place du March.
XVII
Dj pendant la route, j'eus le pressentiment de m' tre embarqu dans une entreprise assezdifficile, car immdiatement derrire Panes, la route franchit une valle profondment encaisse,le Desfiladero de la Hermida.
L'accueil tait peu engageant. De chaque ct du dfil, les rochers servant de gardiensau passage semblaient me jeter de fixes et sombres regards, et le ciel m'envoyait de temps entemps sur la tte une douche froide.
A Potes, le manteau de nuages, s'abaissant encore, enveloppa compltement la montagneavec laquelle je devais me mesurer le lendemain. Mais le charme grandiose des lieux me retintcaptif sur place, et je me consolai autrement de ne pas voir le panorama espr.
Potes est une petite ville dont l'antiquit remonte sans doute aux sicles de la chevalerie,comme il appert des nombreuses armoiries de la noblesse espagnole graves sur les maisons.Autres temps, autres moeurs! Aux grands d'Espagne en escarpins boucle, l'pe au ct,a succd le paysan misrable. La gnration actuelle se soucie certainement fort peu du cadrepittoresque qui l'entoure. Des ponts hardiment jets franchissent le ravin. Sur le bord piccourt un sentier formant berceau, sjour favori des hirondelles, qui y suspendent leurs nids;les arceaux y succdent aux arceaux, chacun offrant l'il merveill une dcouverte nouvelle,et tout cela autour d'une sorte de donjon qu'on dirait tre le protecteur de ces endroits peufrquentes.
Le lendemain, j'tais en route dj avant le lever du soleil. Un ciel charg de sombresnuages s'tendait sur tout le pays; mais soudain, autour des pointes des Picos, le voile se dchira,et les sommets apparurent inonds des fiots clatants de la lumire de l'astre du jour. Derriremoi, la nuit sombre et pesante, devant moi, la clart triomphante; plus d'hsitation possiblequant la rsolution de marcher de l'avant.
A Espinama, m'attendait le guide que j'avais demand: tte grisonnante; aux pieds dessandales de cuir, sous le bras un parapluie antdiluvien, un bon sourire dans les yeux, un visageo la rigueur de la vie au grand air a laiss des traces profondes. Nous convenons rapidementdu plan de campagne. Aprs nous tre munis de provisions, nous nous mettons en routepour Puerto de Aliva. Le cur plein d'allgresse, je chante intrieurement un hymne labeaut du site qui m'environne, au soleil qui chasse les soucis, la joie de vivre!
Les petites maisons du village deviennent de plus en plus minuscules. Les derniers arbresdisparaissent derrire nous; le pied gravit la pente o l'herbe crot encore, verte et parfume,jusqu'au moment o celle-ci est recouverte par les dbris rocailleux amoncels.
Juste au bas de la pente de la Pena t/ieja, se trouve une maison de chasse, o le roi d'Espagnevient presque chaque anne passer quelques jours pour chasser le chamois.
Le jour touche son dclin. Autour de la Peiia vieja flottent de gros nuages; de plesfantmes semblent parcourir le ciel par instants, puis le spectacle change: on dirait une vastetoile d'araigne tendue d'un bout l'autre de l'horizon, et finalement une sorte de bouillonne-ment, d'un blanc gristre, monte et descend tour tour. Le rideau des nuages, comme unmanteau sinistre, nous enveloppe de plus en plus, lorsque nous arrivons l'auberge de Lloroza,qui sert de cabaret aux ouvriers mineurs. Un surveillant nous invite passer la nuit dans sacabane. Nous acceptons l'offre avec reconnaissance. Certes l'intrieur du logis et le mobiliersemblaient plutt appartenir l'poque intermdiaire entre l'homme primitif et ses premiersessais encore timides des civilisation. Mais n'importe: nous avions un gte et nous tions satis-faits. Sur le sol dur de la cabane, la nuit fut ncessairement quelque peu agite. Aussi le journaissant, en nous arrachant notre lit improvis, fut-il salu avec joie.
Nous marchions. Soudain, un spectacle surprenant s'offrit nous: les nuages qui la veilleau soir nous voilaient la vue, se trouvaient maintenant nos pieds dans la valle. Les sommetsde montagne, mergeant de la masse nuageuse, apparaissaient comme des lots au milieu dela mer. La lutte mystrieuse entre la nuit et le jour approchait. Dans le bleu sombre du ciel, l'ouest, la pleine lune montrait encore son disque brillant et l'est l'toile du matin luttait
XIX
aussi contre la lumire du jour peu peu victorieuse. La victoire est complte lorsque l'astresolaire, en paraissant enfin dans tout son clat, chasse du ciel ses ples mules. L'horizons'embrase d'une aurole rouge sang, les fentres clestes s'ouvrent l'une aprs l'autre pour laisserchapper des torrents de lumire, et le soleil dore prsent les crtes, entoure de ses feux lespics lancs, et inonde la paroi de rocher laquelle s'appuie notre cabane.
Le silence, un silence profond, impressionnant, ajoute la majest du tableau.Plus loin, toujours plus loin! semble crier le nouveau jour naissant.Nous suivons pendant quelque temps encore le sentier fray conduisant l'endroit o le
roi se poste l'afft des chamois. Puis tout chemin cesse, et l'ascension continue travers lesrochers, les boulcments du roc, les champs de neige, au milieu du fouillis de pierres et d'obstaclesinnombrables, toujours renouvels.
Un troupeau de chamois, sans se laisser troubler dans sa quitude, nous regarde avec desyeux de surprise. Quels sont , semblent se demander les gracieux htes de la montagne, cesintrus parvenus jusqu' nous?
La solitude s'accentue de plus en plus autour de nous, une sorte de mlancolie sauvageplane et nous accable, plus troublante d'instant en instant. D'normes rochers, qu'on diraitforgs par quelque Titan, sont les tmoins immuables, sous un ciel embras, de cette gigantesquedsolation.
Malheur au touriste assez tmraire pour affronter seul ces rgions de la mort: car celle-ciest partout, guettant sa proie, qu'elle laisse bien rarement chapper.
Finalement, nous nous arrtons en prsence du dominateur qui rgne en matre absoludans cette immense Empire. Son trne est fait de neige ternelle, sur sa tte blonde, superbe-ment alticre, brille un diadme d'or et de soleil. Tous, depuis la valle la plus ignore desmontagnes jusqu'aux rivages o mugit le ressac de la mer, tous connaissent son image, tousadmirent sa beaut, tous prononcent son nom avec un sentiment de crainte et de respect:haranjo de Bulnes.
Ce rocher colossal, formant une pyramide quadrangulaire de 600 mtres de hauteur, dpassetout son entourage. Ses parois verticales ne montrent pour ainsi dire aucune fissure. Et pour-
tant, chose peine croyable, mais vraie, un hardi ascensioniste, le marquis de Villaviciosa deAsturia, a dompt la fiert du gant.
Nous faisons le tour du fameux rocher. On se sent si loin des bruits de la terre et del'agitation des hommes, dans cette solitude o rien ne pntre des affaires du monde!
Nous montons maintenant vers la tour Ceredo. Les rochers deviennent tranchants commedes couteaux, et de mme les masses boules.
Des profondeurs au-dessous de nous, les nuages semblables des fantmes commencent s'lever, et excutent autour de nous de sinistres sarabandes. Il est 5 heures, et l'on n'aperoitencore rien du Carestal avec Gain, but de notre ascension.
Je demande mon guide : Est-ce encore bien loin, Severo Encore deux heures. > C'est toute la rponse.Le brouillard se fait toujours plus pais, et ce terrible ennemi du touriste, le plus dangereux
peut-tre, nous enveloppe tel point que bientt nous ne pouvons plus gure distinguer 20 pas. Sentiment d'inscurit effrayant! Grimper devant soi avec ce gigantesque bandeausur les yeux!
Severo, trouverons-nous en chemin un gte quelconque? Je ne crois pas.
Nous continuons notre marche sans changer un mot, toujours ttonnant dans le brouillard.Nous sommes du moins sortis de la rgion pierreuse. Voici une saillie de rocher, mais o
aboutit-elle ? Impossible de rien voir, absolument impossible. Il est dj 7 heures moins un quart.A l'abri d'une paroi de rocher, quelques huttes en pierres, trs basses, destines abriter
les moutons qui viennent patre l, s'offrent nos regards. Je respire.
XX
L'excellent indigne ne connat qu'une seule forme de la conversation, le tutoiement, carpour lui tous les hommes sont frres et il les considre bien comme tels.
De suite nous devenons de vieux amis. Mon nouveau compagnon me propose de m'ac-compagner jusqu'au prochain village.
Impossible d'exprimer le charme que je ressentais rpondre aux mille questions de cevrai fils de la nature. Lire, crire et compter taient pour lui autant de conceptions inconnues;il n'avait encore jamais vu un chemin de fer, n'tait jamais soni du cercle de son village natal.Et pourtant, il m'interrogeait sur tant de choses; il voulait tout savoir!
Un second ptre apparat tout coup au loin sur la pente de la hauteur. Mon compagnonde route lui crie: Miguel, viens ici, descends!
Pour quoi faire; Je veux te montrer quelque chose.L'autre dgringole rapidement en bas, et nous lions connaissance, aprs que le premier
ptre lui a exliqu qui je suis, d'o je viens et combien je sais raconter de choses. Nous nousdirigeons tous les trois vers le village, rejoints en route par de nouveaux arrivants, car c'estaujourd'hui dimanche, et l'on vient fter ce jour de repos.
Je suis maintenant accompagn d'un vritable cortge, avec lequel je fais dans le villageune entre triomphale. Aprs ma longue course, un verre de vin pour me rconforter me sembletout fait de circonstance. Nous entrons dans un cabaret.
Au dpart, je veux acquitter mon cot. Le cabaretier me fait signe: C'est pay.Vous vous trompez , lui dis-je, je n'ai pas encore rgl. Non, non, vous ne me devez rien; Pepa a tout pay.
Je cours mon nouvel ami, et d'un ton de reproche:
Je ne souffrirai pas que tu paies pour moi; tu sais, ce n'est pas juste. Mais si, mais si; d'ailleurs tu es l'hte de notre pays, tu es aussi mon hte moi.Et l'on parle de notre civilisation!!Tout mu de cette cordiale, franche et simple courtoisie, je tends la main mon mier-
locuteur, en ajoutant: Non, mon cher, je n'accepte pas; toi et tes camarades, vous avez toustrinqu ma sant les premiers; alors c'est moi de vous traiter comme mes htes; j'en ai le droit.
Enfin, aprs bien des objections et des pourparlers, on se rend mes arguments, mais une condition toutefois: c'est qu' mon retour je leur ferai l'honneur d'accepter leur hospitalit.
Nous changeons de vigoureuses poignes de main et les vux de tous m'accompagnentpour le reste de mon voyage. Je me remets en route d'un cur lger et joyeux.
Je me trouvais devant la porte du monastre, qui venait de s'ouvrir pour livrer passage l'abb, vieillard barbe blanche, mont sur un petit ne, et tenant en main une ombrelle verte.
J'adressai mes salutations au vnrable abb en lui demandant la permission de passerla nuit au monastre.
Impossible. Mais o aller, mon Rvrend Pre? Je viens de Navalmoral, et j'ai fait 50 kilomtres. A pied i Mais oui. J'ai tenu venir ici pour visiter les lieux o Charles-Quint, aprs avoir
dpos ses couronnes, se retira du monde et o il ferma les yeux. Oh! alors, naturellement, vous ne pouvez pas aller plus loin.'J'ai reu au monastre des soins touchants.Le monastre a beaucoup souffert des injures des sicles, mais sur les ruines encore visibles,
la nature triomphe quand mme, et son ternel renouveau attnue les malheurs du pass.Pourtant, on ne saurait imaginer un sjour plus propice au renoncement toute flicit
terrestre.
Sous les arceaux de ce clotre, erra jadis le grand Empereur, volontairement retranch dece monde dont il avait t jadis le matre tout puissant.
XXII
Au souper, je m'assis la table des moines, dont je n'oublierai jamais la fraternelle solli-citude mon gard.
Le lendemain, je fus veill longtemps, bien longtemps avant le lever du soleil.La sparation fut empreinte de la plus franche cordialit. Un frre lai, muni d'une lan-
terne, me conduisit travers le parc aux arbres sculaires. La porte du monastre grina surses gonds. Je me trouvai de nouveau seul, sous les rayons argents d'un magnifique clair delune. Je m'arrtai un instant pour couter le tintement de la cloche du monastre qui, en cemoment mme, appelait les religieux l'office du matin.
Heureux sont-ils, l'abri du fracas et des temptes du monde!
Le Dpart. J'ai got en Espagne les joies les plus douces de ma vie. L'Espagne taitdevenue pour moi une seconde patrie. Aussi mon cur se serra-t-il en la quittant. Sous lesoleil plus froid de mon pays, sous la pleur des toiles des nuits du Nord, mon souvenir s'en-vole vers les jours passs au pays du soleil d'or et des nuits de diamant. Et je crois revivre unrve ferique!
Le dpart! Par une de ces soires splendides o la lune brille en tout son merveilleuxclat, le petit vapeur espagnol sur lequel je m'tais embarqu, quitta lentement le port de Ferrol.
Sur la mer, les reflets de l'astre des nuits jetaient une nappe argente; et je repassais dansma mmoire les nombreuses nuits o ce mme astre m'avait servi de guide dans les sentiersde l'Espagne inconnue.
Les feux du phare de la cte m'accompagnrent encore longtemps d'un salut d'adieu toutpaternel, jusqu'au moment o leurs yeux se fermrent. Puis le petit navire, entre l'infini deseaux et l'infini du ciel, balanc par lchant des vagues, au rythme ternel, poursuivit tranquille-ment sa route tandis que, rveur, je laissais errer ma pense vers le pays que j'allais revoir.
L, pendant des jours, des semaines, le ciel reste couvert d'un voile uniformment gris denuages, le soleil ne se montre pas, ou n'apparat que par intervalles et comme regret. Alorsla nostalgie de l'Espagne s'empare de moi. C'est en mme temps la nostalgie du soleil.
Dans ces moments-l, je prends l'album o sont recueillis mes souvenirs de voyage, et,tout en le feuilletant, je revis les jours passs, les longues courses du touriste sous le ciel toutensoleill de l'Espagne.
Ces souvenirs, j'ai voulu y faire participer galement tout ceux qui feuillteront cetouvrage. Puissent ces vivantes images faire rayonner aussi le soleil dans leurs coeurs! Puissent-elles veiller chez eux cet amour que j'prouve moi-mme pour l'Espagne, dont le peuplechevaleresque et l'hopitalit grandiose m'ont inspir ce modeste, mais profondment sincretribut de reconnaissance.
XXIII
TABLE DES NOMS CITESAlbarracin 19^ 194
Albufera 116
Alcala de Guadaira 71
Aldeanueva de la Vera 154
Algatocin 76
Alhambra i 16, 11
Almazan 227
Alquezar 210 212
Andjar 44, 115Antequera 64 66
Aranjuez 136 138
Arcos de la Frontera 48, 49, 7^
Arranda de Duero 240
Autol 224, 225
Avila 165 169
Barcelona 200
Batuecas 260, 261, 263
Bielsa 213
Bilbao 284
Burgo de Osma 226
Burgos 234 238
Butron 277
Caceres 83, 84
Cadix 100
Candelario 252, 253
Cangas de Onis 274
Carmona 43, 70
Castellb 208
Castellfullit 204
Cenaruza 282
Cepeda 155
Chorro 73
Ciudad Rodrigo 250, 251
Coca 184 187
Cordoba 50 60
Cuenca 120, 121
Daroca 195 197
Durango 279, 283
Elorrio 285
Escurial 129 135
Fontarabia 29S
Gerona 202, 203
Grenade i 25
Cuadalajara 178 181
Guadalest n8Gejar-Sierra 77
Habitations troglodytiques 92 99
Hermida 266
Hurdes 259
Jativa III 113
Javea 108
Jerez de la Frontera 67
Jerica 191
La Alberca 254, 256, 257
Lac Brachimana 216
Lagartera 150, 151
Madrid 126 128
Maladeta 219
Manaria 278
Manzanera 42
Martos 74, 75
Medinaceli 176, 177
Mochagar 91
Mogarraz 258
Mombeltran 183
Monte Agudo 119
Montserrat 201
Niebla 80, 81
Nuria 206
Ondarroa 276
Orihuela 104 107
Ovicdo 264, 265
Pcnafiel 182
Pena Montanesa 214
Pic de Aneto 217, 218
Pic du midi 216
Picos de Europa 266 274
Pontevedra 301
Potes 270 273
Pyrnes 205 219
Ronda 62, 65
Sagonte 109, 1 10
S' Jacques de Compostelle 300
Saint-Sbastien 286 290
Salamanque 246 249
San Esteban de Gormaz 229, 230
San Juan de Plan 209
Santander 275
Sarragosse 220, 221
Sgovie 157 164
Seplveda 172 175
Sville 28 41
Sierra Nevada 79
Sigenza 188 190
Soria 228
Tarifa 45, 46
Tarazona 223
Tarragone 198, 199
Tolde 139 148
Toro 244
Trujillo 85 87
Turrgano 170, 171
Valence 114, 117
Valladolid 241 243
Valle de Debotes 207
Valle de la Sgre 205
Vigo 303
Yuste 153
Ecija 68, 69
Elche ICI 103
Pancorbo 231 233
Pasages 291 296, 304
Zafra 82
Zamora 245
XXIV
Vues de villes: i, 4, 16, 21, 28, 62 64, 72, 74, 80, 91 99, 120, 128, 139, 157, 166, 172,
191, 192, 195, 202, 204, 210, 223, 226, 227, 232, 246, 276, 286, 287, 290, 293.
Portes, tours, murs de dfense: 5, 29, 75, 80, 81, 85 87, 143, 167 169, 186 188, 193, I9.
Rues, places: 24, 2$, 31, 60, 65, 66, 75 77, 83, 85, 86, 147, 148, 154, 155, 163, 170, 173,
174, 175, 176, 189, 190, 193. 197. 198, 203, 208, 209, 211 213, 231 233, 247,
251, 253, 270 273, 278, 295, 296.
Eglises, monastres, chapelles, cimetires, etc.: 23, 31, 41, 50 59, 66, 67, 86, 108,
146, 147, 152, 153, 158, 164, 165, 169, 177, 199, 220, 221, 228, 229, 234 241,
244 246, 260 262, 264, 265, 282 285, 300.
Palais, difices publics, maisons remarquables: 6 15, 17321, 30, 32, 33, 36^40, 68,
69, 114, 116, 117, 126, 127, 129, 130, 132, 134 137, 144, 162, 178 181, 250,
279, 280, 298.
Cours (Patios) et jardins: 6 8, 12 15, 17, 34, 35, 37, 40, 42 49 58, 69, 82, 90, 131,
138, 145, 179 181, 200, 238, 242, 243, 249, 298.
Escaliers et grilles de fentres: 39, 68, 115, 144, 200, 203, 248.
Fontaines: 9, 12 15, 20, 37, 49, 60, 197, 232.
Ponts: 63, 140 143, 268, 270, 274, 276.
Chateaux'forts (Castillos): l 5, 22, 70, 71, iio 112, 118, 119, 141, 161, 170, 171,182 186, 277.
Paysages: 2 4, 21, 62, 63, 72, 73, 79, 88, 92 99, loi 107, 113, 116, 194, 2or, 204 207,
214 219, 224, 225, 230, 260, 263, 266 269, 274, 275, 286 289, 291, 292,
294. 299, 301 304.
Costumes nationaux, types du pays, scnes populaires : 26,27,61,78,84,90, 122 a 125,
149, 150, 151, 155, 156, 160, 174, 175, 222, 252, 254 259, 2.62, 281, 296, 297-
XXV
IMPRIMERIE ERNST WASMUTH. BERLIN
G ranaJa-AJhawhra
1* Spanien
Oc ^
-c -^
C
^
c
5 2
a 0^
Granada-A \h amh r a
Torrcs de la Alhumbru
I lorrioni dell Ataruhra
G r an a d a
Alhambratrmi;The lhambra Towers
Les lours de l Alhambra
Paiio Je los Arraywies
La corlc dei mirii
CranaJu-Alhambru
Myrtenhof
The Myrtie Court
La cour des myrles
6
Palio de los Arrayanes
La corte dei mirli
G T a n a d a - A l h a mh r a
Myrlenhoj
The Myrlie Court
La COUT dei, myrtei
Patio de los Leones
La corte dei leoni
Granada-Alhamhra
LwenhofThe Court oj ihc Lions
La cour des Lions
La fuenle en el patio de los Leones
La fonlana dei leoni nella Corteomonima
Granada-Alhambra
Der Lwenbrunnen im LwenhoJThe Ltoij Fountain in the Court of Lions
La fontaine avec le bassindans la cour des Liom
Sala de la Justicia
La sala dlia Giusiizia
Cranada-Alhambra
Gericlitshalle
Courl 0/ Juslke
La salle de Justice
^0
Mirador de Daraxa
Il padiglione di Daraxa
Granada-Alhambra
Erker der Daraxa
Bay Windows oj the Daraxa
Le pavillon de la Daraxa
Palio de Daraxa
Il giardino di Daraxa
Granada-Alhambra
Garlenlwf dcr Daraxa
The Daraxa Court
Un coin du jardin de la Daraxa
12
Patio de Daraxa
Il girjino di Daraxa
Granada-Alhambra
Gartenhof der Daraxa
The Daraxa Court
Un coin du jardin de la Daraxa
13
Palio de Daraxa
fl ^iarJino i Darax
GronaJa-Alhamhra
Im Gorlen ilei Dnraxa
In ihc Dnraxa Garien
Dan^ le jardin de la Daraxa
M
Palio de lo^ ciprcses^
Il CQriilr dei riprcssi
G r a n a a - :\ l h il jn h 1 1
ZvprcKScnhnf
The Cyprcss Cour'.
La cour des cyprs
15
Granada-A l h a m h r a
Vista desde el Peinador de la Reina sobre el Alhaicin View of the Albaicin from the Queens Boudoir
Blick, aus dem Putzzimmer der Konigin nach dem Albaicin
Veiuia di Albaicin presa dalla spogliatois dlia regina Vue sur l Albaicin, prise du boudoir de la reine
16
Palacio del Generatije
Palazzo del Generalije
G T an a d a
GeneraUfepalast
Palace oj the Generalife
Palais de Gnralife
2' Spanien
Entrada del Gmeralife
Ingrcsso nel Generalije
G r an a d a
Eintrittshalle im Generalife
EntTance-Hall of the Generalife
Entre du Generalife
ie
En el Generalife
Colonnato nel Generalife
G r an a d a
Sulenhalle im GeneralifeColonnade in the Generalife
Colonnade dans le Generalife
19
En el jardin del Generalife
Giardino del Generalife
G r an a d a
Generalifegarlen
In ihe Garden of ihe Generalife
Un jardin du Generalife
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C-3
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I
21
G r a n a d al'ista desde el Mirador del Generalije View oj Alhambra from the Outlooh
sohre la Alhambra Tower oj ihe Generalife
Blkk ans dem Aussichislurm des Generalije auj die AlhambraVedula dell'Alhambra dalla terre Vue iur l'Alhambra. prise du
del Generalife belvdre du Generalije
22
G r an a da
La Catedral-Capilla real-En la reja la The Calhejral-The Royal Chapcl-in thePasin de Jesucristo Raing the Passion
Kathedrale-Capilla real-im Gitter die Leidensgeschichie Christi
Cattedrale-Capella Reale-Nel cancello rafjigurata la A la Cathdrale -La Chapelle royale. Au haut de la grillepassione di Cristo sont reprsentes les scnes de la Passion de Jsus-Christ
23
Calle del Darro
Calle del Darro
G r a n a d a
Strajie arri Darro
Sireet on the Darro
Rue longeant le Darro
24
'#^^^^^;^> '*
En el Albaicin
Nell 'Albaicin
G r an a d a
Im Albaicin
In the Albaicin
L Albaicin
25
Gitana hailando
Zin^ara damante
Tamende ZigeunerinGypsy dancing
Danseuse Gitane
26
:^'-:.'>~_^ >'
Con la guilarra
Con la chitarraMit der Guilarre
Playing ihe Guilar
Une joueuse de guitare
27
Vista gnerai, tomada desde la Giralda
S e V i II a
General View of the Town jrom ihe GiraldaTowtr of the Cathedral
Blick vom Turm der Kalhedrale (der Giralda) her die StadlVeduta dalla cilla dalla torre (la Giralda) J/ue anmU nr/c. A ] r- ]}
dlia Catiedrale ^"' nZ Jl ,1 J 9^^^"(tour de la cathdrale)
28
s ev ill a
La torre de Oro y la Catedral
Der Goldturm und die Kathedrale
La torre dell'ora e la Cattedrale La tour d'or et la cathdrale
The Golden Tower and the Cathedral
29
Dtails de la jachada del Ayuntamiento
Dettaglio dlia facciata del Municipio
S e vil la
Teilstiick der Ralhausfassade
Dtails of the City-Hall Faade
Dtail de la faade de l'htel de ville
30
s ev i 1 1 a
La Giralda The Giralda (Cathedral Tower)Die Giralda (Turm der Koihedrale)
La Giralda (la iorre dlia Cattedrale) La Giralda (Tour de la cathdrale)
Sala de Emhajadores
La Sala degli Ambasciatori
S evilla-Alc zar
Gesandtensaal
The AmbassadoTS Hall
Salle des ambassadeurs
32
Palio Je las Mufiecas
L
En el jardin del Alczar
Nel giardino deU'Alcdzar
S c li 1 1 a
Jm AlczargarlenIn the Alcdzar Garden
Au jardin de l'Alcdzar
34
En el jardin del Alcdzar
Nel giardino deU'Akzar
S e r i 1 1 a
Im AknzargartenIn the Alcdzar Garden
Au jardin de l'Alczar
35
Casa de Pilato
La Casa di Pilalo
S e c i l la
Pilatushaus
Pilale's House
La maison de Pilote
36
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37
Portada de la Casa de Pilato
Parla di accesso alla Corle dlia Casa di Pilalo
S ev i l la
Tiir zum Hof des PilalushausesCourt Gates. Pdate's House
Entre de la cour de la maison de Pilote
38
Casa de Pilato-Reja
Casa di Pilato. Fineslra con grata
S ev il la
Pilatushaus-Fenstergiiter
Pilale's House-Grille
Fentre grille de la maison de Pilate
39
Patio en d palacio del duquc de Alhn
La corle nel Corlile del Duca d'Alba
S ev i 1 1 a
Hof im Palasl des Heizosis AlhaCourt in Duke Alba's Palace
Cour intrieure du palais du duc d'Albe
40
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41
En Manzanera
A ManzaneraIn Manzanera
la Manzanera
Dans la Manzanera
42
Patio en Carmona
Il corlile in una casa di CarmonaHof in Carmona
Court in Carmona
Une cour de maison Carmona
43
Patio en Andjar
Il cortile in una casa di AndjarHo} in Andjar
Court in Andjar
Une cour de maison Andjar
AA
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aMiT^/^^^ 4
Pa/i'o en Tarifa
Il cortile in una ca^a di Tarifa
Hof in TarifaCourt in Tarifa
Une cour de maison Tarifa
45
Palio en Tarija
H cortile in iina casa di TarifaHof in Tarifa
Court in Tarifa
Une cour de maison Tarifa
46
Palio en Vejer
Il corlile in una ca'.a di Vejer
Hoj in VejerCourt in Vejer
Une cour de maison l ejer
47
Patio en Arcos de la Fronlera
Il corlile in una casa di Arco!. de la Fronlera
Hoj in Arcos de la FronleraCourt in Arcos de la Fronlera
Une cour de maison Arcos de la Fronlera
48
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4* Spnin
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51
Mezquila Mihrah
La Moschea : Mihrah (santuatio)
C r ob a
Mouche Mihrah (Allerheiligsles)
Mihtah Masque (Holy oj Holies)
La Mnsque : le Mihrah (sanctuaire)
52
En la Mtzqiiita
L'interno dlia Moschea
C r dob a
Moschee-Inneres
Interior 0/ ihe Masque
Intrieur de la mosque
53
Mezquila Vista iel aliar mayor
La Moxhea : veduta dell'altar maggiore
C T dob a
Moschee Blicli zum Hochaliar
Masque View of the High Altar
La Mosque : vue du mailre-autel
54
Mezquita Vista desde el Coro
La Moschea : veduta del Coro
C or do b a
Moschee Blick aus dem Choreinbau
Masque View from ihe Choir
La Mosque vue de choeur
55
Mezquita Capilla de S. Fernando
La Moschea : Cappella di S. Ferdinando
C or d oh a
Moschee Kapelle S. Fernando
Masque Capilla de Si. Fernando
La Mosque : chapelle de Saint Ferdinand
56
Mequita Capilla de S. Fernando
La Moschea : Cappella di S. Ferdinando
C r do b a :
Moschee Kapelle S. FernandoMasque Capilla de St. Fernando
La Mosque : chapelle de Saint Ferdinand
57
Mezquita Palio de las Naranjas
La Moschea : La corte degli aranci
C r do h a
Moscbee Orangenhof
Masque The Court oj Oranges
La Mosque : cour des orangers
58
Ermita
Eremo
C r d b a
Einsiedelei
Hermitage
L'Ermitage
59
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Rond a
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a5* Spanie
65
Capilla de la Virgen del Socorro
Cappella dlia Madonna del Buon soccorso
Anlequera
Kapelle der hilfespendenden Jungfrau
Chapel of the Virgin oj Succout
Chapelle de Notre-Dame de Bon Secours.
66
Cartuja Patio de los cipreses
Cartuja : Il cortile dei cipressi
Jerez de la Fronlera
Cartuja-ZypressenhofCartuja Cypress Court
Cartuja : la cour des cyprs
67
Ecij aEscalera en el palacio del Marqus de Penajlor Siaircase in the Marquis of Penaflor's Palace
Treppenaujgang im Palast des Marqus de Penajlor
Scala nel palazzo del Marchese de Penajlor Cage d'escalier au palais du marquis de Penajlor
69
C a T mo n a C a s t i 1 1 c
70
A l cala de G uadai r a Castillo
71
A rcoi de la F r ont sr a
72
El C hoT T
73
M ar t os
74
Ma T l os
75
A Ig at oci n
76
G ii ej a r Sierra (Sierra Nevada)
77
En una posada (Sierra Nevada)
In una Iralleria. Sierra Nevada
In einer Wegschenke (Sierra Nevada)
In a Wayside inn (Sierra Nevada)
Intrieur d'une posada (auberge)de la Sierra Nevada
78
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79
Niebla
80
Niebla
6- Spa,
81
Patio en el hospilal de S. Miguel
Ospedale di S. Michle. Il cortile
Z af T a
Ho} im Hospilal S. Miguel
Court in St. Miguel's Hospilal
Cour de l'hpital Saint-Michel
82
C cer e 5
83
Mujeres con jarros de agua
PoTlalrici d'acqua
C oc e r e s
Wasserlrgerinnen
Water-Carriers
Porteuses d'eau
84
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2
a-J
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85
Puerla de Santiago
La porta di Santiago
Sonliago Gte
La porte Saint-Jacques
86
Puerto antigua
Un'antica porta dlia citt
TtujIIo
Altei Sladttor
OU Town-Gaie
Vieille porte d'entre
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69
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Cuevas en las rocas. fProv. de Almeria) Cave Dwellings (Province o{ Almeria). None oj ihe caves shownin this book are prehisloric. They are slill escavaled and inhahiled
Hhlenjels (Prov. Almeria). .Aile in diesem Werk wiedereegebenen Hohlensind nichl vorgeschichtlich ; sie irerden noch jelzt gegraben und heii'ohnt
Caverne nella roccia (Provincia d'.Almeria). Tutte le Cavernes dans le roc. (Province d'Almeria). Toutes
caverne riprodolle in ques^opra non sono di jormazione ces cavernes ne sont pas des formations prhistoriques ;preistorica. ma si contina a scavarle anche al giorno d'oggi "n en creuse maintenant encore pour les
habiter
92
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E
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U
93
Cuevas en las rocas (Prov. de Aimeria)
Caverne nella roccia (Provincia d'Almeria)
Hhlenjeh (Prov. Almeria)Cave Dwellings (Province of Almeria)
Cavernes dans le roc (Province d Almeria
J
94
Cuevas en lus rocas (Prov. de Almeria)
Caverne nella roccia (Provincia d'Almeria)
Hhlenfeh (Prov. Almeria)
Cave Dwellings (Prooinceoj Alrrterio)
Cavernes dans le roc (Province d'Almeria)
95
PoUocion de cuevas (Sierra de Guadix). Se ver: Cave Town (Sierra de Guadix). The chimrteys
las chimeneas de las cuevas. saliendo de Uerra of ihe dwellinos are seen projectmil oui of Ihe rocks
Hhlenstadl (Sierra de Guadix). Aus der Erde ragen die Schornsteine der IVohnhdaser hervor
Una citt di Caverne (Sierra de Guadix). Si Une ville souterraine (Sierra de Guadix). On nevedono sorgere dal suolo I camini delk caverne voit surgir de terre que les chemines des habitations
6
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Las palmeras de Elche
Nel palmizio di Elche
Im Palmtmoald von Elche
In the Palm Forest oj Elche
Elche : aux milieu des palmiers
101
Las palmeras de Elche
Nel palmizh Ji Elche (Sullapalma un uomo che coglie dalleri)
, p, ,, ,,, '"'^'P^'"f''"">fElchc(AdatepichrinlhetTee.top)Im Palmenwald von Elche (im Baumwipfel ein Dallelpjliicker
)
Elche: la rcolte des dattes. (Lhomme grimp ausommet du palmier en dtachera les rgimes de fruits)
102
Elche
Cai'a la tarde Evening in the Palm Forest
Abend im Palmenhain
Il tramonio nel palmizio Effet de soir
103
r ihaela
104
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106
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107
Iglaia del calvaria
La chieselta del Calvario
Javea (Dnia)
Kalvarienbergkirche
Church of Calvary
L'glise du calvaire
108
Puerto del calvario de Sagunlo
La porta del Calvario presso Sagunto
Galticay to ihe Mount oj Caliory. Sagunt
Tor zum Kaliarienherg hei Sagunt
Environ de Sagunlo: Accs et entre du Calvaire
109
Sagunto, CastiUo romano
Sagunio, Casiello romanoSagunl. Rmische Burg
Sagunto. Rnman Casile
Sagunio, la citadelle romaine
110
Castillo
Castello
J at i V a
Burg
Castle
Le Chteau-fort
111
-^. .'^^'A^lUnk
Visio Je/ Castillo
I eJula del Castfllo
J a t i V a
Blick ^T Burg
View nf ihe Castle
I de uir le Chteau-forl
112
El Calvario
Il Calvario
8* Spnien
Am KalvarienbergOn Mount Calvanf
Le Calvaire
113
V a l e ne i a
PoTtaia M Palacio del Marqus de Dos A^uas Gateway oj ihe Marquh de Dos Aguas PalacePortai des Palastes des Marges de Dos Aguas
Portale del Palazzo del Marchese de Dos Aguas Portail dupalais du marquis de Dos Aguas
114
Rcja
Una jinesira con grata
A n d j ar
Fenstcrgiller
Grille
Fentre grille
115
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117
C asi i llo G uada l e s I (Pioc. Alicanie)
118
Monte Aguio (Prov. MurciaJ
119
C uenc a
120
C uen c a
121
Ccn la wanlilla jerezana The Jerez mantilla
Im Schmuck " Manlilla von Jerez
Mantiglia Jerezana Sous la irxantille(Femme de Jerez)
122
,^y^^%>^'Mk:^^^'^im^:^?^mi^ r^'^^^mg^ea
Con la mantilla
Mantiglia a merlclti
Im Schmuck der Spitzenmantilla lais Hiniergrund der Manton)IVith the mantilla
En mantille de dentelle
123
lLa Argentinita La Argentinita, Spain's most ceUhrateddancer wearing the Manlon (shaml)
Argentinita. Spaniens heruhmteste Tanzerinim Schmuck des Manton (Schullerluch)
Argentinita, la pi il clbre hallerina La Argentinita la plus clbredlia Spagna, con sulle spolie danseuse de l'Espagne avec la
il caraiteristico Manton spagnole mante espagnole sur les paules
124
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'25
Sala del Trono en el Palacio Real
La Sala del Trono nel Palazzo Reale
Madrid
Thronsaal des Koniglichen Schlosses
The Throne-Room in the Roi/al Caslle
La salle du trne au Chteau royal
126
En el Pardo In ihe Rnyal Casile El Pardo near Madrid
Im Koniglichen Schlofl El Pardo hei Madrid
Nel Palazzo Reale El Pardo, presso Madrid Une salle du chteau r.oyal d'el Pardo prs de Madrid
127
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9' Spanien
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E s c r i al
130
Palio de los Evangelistas
La corle degli eranaelisli
Escortai
Evangeh'stenhof
Court of the Ecangelisis
Cour des evangelistes
Sala del Trono
La Sala del Trono
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Thronsaal
Throne-Room
La salle du trne
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La hiblioleca
La Bibliofeca
Escortai
Die Bibliothek
The Lihrary
La Bibliothque
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Sala de Plalino
Sala del plalino
Aranjuez Casa de Labrador
Platinsaal
The platinum Hall
La salle de plalme
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A r an j ue z Casa de Labrador
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Jardin Jul Pulacio
Giardino del Palazzo
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Schlofigarlcn
The Palace Gnrden
Le jardin du palais
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Puenle Alcantara en A jondo el AIrazar Alcanlur,, BriJac uilh ihc l.'ru.'ur ir, lh
T o e d o
Visia tomaJa de$Je la puerta dd puent^ Alawlara View ihrough ihi gateway of ihe Alcantara BndgeBlich duTch das Briickcntor der Akantarabrcke
leduta del Ponle d'Alcanlara dal porlone del Ponte stesso Vue de la pnrie d'entre du pont d'Akantara
143
Escalera Jel hospilal Je Sta. Ctuz
Scala deU'ospedak Ji Santa Cruz
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Treppe des Hospilah Sta. Cruz
Staircase in Si. Cruz Hospital
Escalier de l'hpital Santa-Cruz
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En el patio de la Casa dd Creco
Cortile dlia Casa del Greco
lu' Spanien
Toledo
Im Hof des Grecohauses
In the court oj ihe Casa Greco
Cour de la maison du Grec
145
Claustro de S. Juan de los reyes
Loggiatto del Chicstro di S. Juan de los reyes
T oledo
S. Juan de los reyes, Kreuzgang
Cloister of St. Juan de los reyes
Clotre de St. Jean de los reyes
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Torre de la Catedral
Il campanile dlia Catiedrale
Toledo
Turm der Kathedrale
Cathedral Spire
Tour de la Cathdrale
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Traje de Lagariera (Prov. de Toledo) ' Lagartera Costume (Prov. of Toleio)
Tracht von Lagariera (Prov. Toledo)
Costume di Lagartera (Prov. di Toledo I ]eur\e femme de Lagartera (Province de Tolde)
150
Traje de hoda de Lagarlera (Prov. de ToledoJ Lagarlera Wedding Dress (Prov. ol Toledo)
Hochzeitstracht vcn Lagarlera iProv. Toledo)
l'esle nuziale di Lagarlera I Prov. de Toledo) Costume de noce de Lagarlera (Prov. de Tolde)
151
Capillc en el hosque
Capella silveslre
^VoUkapellc
Chapelle champtre
152
Ruinas del Claustra de Yiiste
Rovine nel Chiostro di Yusk
Riiinen des Kreuzganges im Kloster Yuste
Ruins oj ihe Ooister in Yuste ConvenI
Ruines du monastre de Yuste
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Aldeanueva de la Ver a
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Pasior segoviann
Paslnre ^egoviano
Segovianifchcr Hirl
Segovianian shepherd
Un herger sgovien
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La Caledral
La Cattedrale
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Kathedrale
The Calhedral
La Cathdrale
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Aldeano segoviano, en el JondoAlczar de Segovia
Segoi'ianiiin peasont, in Ihe hackgroundihe Segovia Alczar
Segoi'ianischer Bauer. im Hintergrund dcr Alczar von Segovia
Conladino segoviano e, in fondaVAlczar di Segovia
Un paysan sgovien, A l'arrire-planrAlczar de Segovia
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Segovia-Alcdzar
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3Segovia, Casa de lo s P icos
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Puerta de S. Vicenle
La ftorla di S. Vicente
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SlaJilor 5 Vicente
Si. Vicenf Gaie
La Porte Saini-Viceni
Apside Je la Caledral como torre mas juerteJe Jefensa con drcunvalacion
de
The Cathedra! apse. The strongest fortifieJ tower o/ ihetown with sheltered passages and mnchlcolations
Apsis Jer KatheJrale ah slrksler VerteiJigimgslurm Jer Sladimauer mit Wehrg'ang und PechnasenL AhsiJe dlia Cnttejrale serve Ji patente torre Ji AbsiJe Je la cathJrale servant de principale tour Je
difesn. mimiia J, cammino di ranJa dfense, avec chemin Je ronje et mchicoulis
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Palacio del Injanlado
Polazzo deli Injanlado
Guadalaja r a
Palast del Injanlado
Palace oj ihe Injanlado
Palais de injante
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Eilrada y visla del patio
Irwresso e VeJula dlia corte
Guadalajara-Palacio del I n fa n I a do
Eintrittshalle und Blick in den HojEnirance-Hall and view of ihe Court
Vcilihule d'entre et vue dans la cour
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En el palio Jel palacio dtl Infanlado
Nella corle del palazzo deW Infantado
Guadalajara
Im Hoj des Palastes del InfanladoIn the court of the palace of the Infanlado
Cour du palais de l'infante
ISO
En el palio del palacio del Infanlado
Nella corle del palazzo de Injaniado
Cuadalajara
Im Hoj des Palastcs del InjaniadoIn ihe court 0} ihe Palace 0} the Injaniado
Cour du palais de l'injanle
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C asl i llo F enaj iel
182
C a s t i llo Mombeltran
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Pucrla M lorrc Jcl homenajc
Purla d'inarcsso c lorrc
C aslillo Coca
Eingangslor imd Wariturm
Gale and IValch ToWer
Porte d'entre el donjon
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Puerla aniigua de la ciud