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CAS CLINIQUE Kyste rétroprostatique drainant les canaux éjaculateurs avec azoospermie obstructive secondaire Retroprostatic cyst draining ejaculatory ducts with secondary obstructive azoospermia P. Sarkis a, * , G. Nawfal b , L. Salloum b , G. Kamel a , M. Zanati a , E. Saad a , R. Karam a , A. Chemaly a a Service d’urologie, hôpital Saint-Joseph, Hôtel-Dieu de France, Beyrouth, Liban b Service de radiologie, hôpital Saint-Joseph, Beyrouth, Liban Reçu le 8 septembre 2012 ; accepté le 21 février 2013 Disponible sur Internet le 1 novembre 2013 Résumé Les azoospermies obstructives constituent 35 à 40 % des azoospermies. L’obstruction peut siéger au niveau des épididymes, déférents et canaux éjaculateurs. Les étiologies peuvent être acquises ou plus rarement congénitales. Les kystes congénitaux de l’utricule et des canaux de Muller sont médians rétroprostatiques et peuvent comprimer les canaux éjaculateurs. Ils sont à différencier d’autres malformations kystiques exceptionnelles des canaux de Wolff et du sinus urogénital qui peuvent siéger au même endroit et dans lesquels peuvent s’aboucher les canaux éjaculateurs. Nous rapportons un cas de kyste émanant probablement du sinus urogénital découvert lors d’un bilan d’infertilité primaire. L’imagerie par résonance magnétique a mis en évidence l’abouchement des canaux éjaculateurs dans le kyste et la présence d’un canal fin borgne se terminant dans la paroi de l’urètre prostatique au-dessus du veru montanum. Une résection endoscopique ciblée a été réalisée avec ouverture du kyste, disparition de l’obstruction et normalisation du spermogramme. ß 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. Abstract Obstructive azoospermia constitutes 35 to 40% of azoospermia. Etiologies may be acquired or rarely congenital. Congenital utricular or Mullerian duct cyst may result in compression of ejaculatory ducts. However, they must be differentiated from exceptional wolffian or urogenital cysts, which are located at the same site but in which ejaculatory ducts may drain inside. We report a case of retroprostatic duct cyst diagnosed during work up of male infertility where magnetic resonance imaging (MRI) showed the drainage of both ejaculatory ducts inside and the presence of a thin canal ended blindly in the wall of prostatic urethra. Transurethral resection guided by MRI has been performed resulting in urethral drainage of the cyst, relieving of obstruction and normalization of spermogramm. ß 2013 Published by Elsevier Masson SAS. Mots clés : Kyste rétroprostatique ; Sténose des canaux éjaculateurs ; Azoospermie Keywords: Retroprostatic cyst; Ejaculatory duct obstruction; Azoospermia Gynécologie Obstétrique & Fertilité 41 (2013) 735–737 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Sarkis). 1297-9589/$ see front matter ß 2013 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2013.08.009

Kyste rétroprostatique drainant les canaux éjaculateurs avec azoospermie obstructive secondaire

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Page 1: Kyste rétroprostatique drainant les canaux éjaculateurs avec azoospermie obstructive secondaire

CAS CLINIQUE

Kyste rétroprostatique drainant les canaux éjaculateursavec azoospermie obstructive secondaire

Retroprostatic cyst draining ejaculatory ducts withsecondary obstructive azoospermiaP. Sarkis a,*, G. Nawfal b, L. Salloum b, G. Kamel a, M. Zanati a, E. Saad a,R. Karam a, A. Chemaly a

a Service d’urologie, hôpital Saint-Joseph, Hôtel-Dieu de France, Beyrouth, Libanb Service de radiologie, hôpital Saint-Joseph, Beyrouth, Liban

Reçu le 8 septembre 2012 ; accepté le 21 février 2013Disponible sur Internet le 1 novembre 2013

Résumé

Les azoospermies obstructives constituent 35 à 40 % des azoospermies. L’obstruction peut siéger au niveau des épididymes,déférents et canaux éjaculateurs. Les étiologies peuvent être acquises ou plus rarement congénitales. Les kystes congénitauxde l’utricule et des canaux de Muller sont médians rétroprostatiques et peuvent comprimer les canaux éjaculateurs. Ils sont àdifférencier d’autres malformations kystiques exceptionnelles des canaux de Wolff et du sinus urogénital qui peuvent siéger aumême endroit et dans lesquels peuvent s’aboucher les canaux éjaculateurs. Nous rapportons un cas de kyste émanantprobablement du sinus urogénital découvert lors d’un bilan d’infertilité primaire. L’imagerie par résonance magnétique a misen évidence l’abouchement des canaux éjaculateurs dans le kyste et la présence d’un canal fin borgne se terminant dans la paroide l’urètre prostatique au-dessus du veru montanum. Une résection endoscopique ciblée a été réalisée avec ouverture dukyste, disparition de l’obstruction et normalisation du spermogramme.� 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.

Abstract

Obstructive azoospermia constitutes 35 to 40% of azoospermia. Etiologies may be acquired or rarely congenital.Congenital utricular or Mullerian duct cyst may result in compression of ejaculatory ducts. However, they must bedifferentiated from exceptional wolffian or urogenital cysts, which are located at the same site but in which ejaculatoryducts may drain inside. We report a case of retroprostatic duct cyst diagnosed during work up of male infertility wheremagnetic resonance imaging (MRI) showed the drainage of both ejaculatory ducts inside and the presence of a thin canalended blindly in the wall of prostatic urethra. Transurethral resection guided by MRI has been performed resulting inurethral drainage of the cyst, relieving of obstruction and normalization of spermogramm.� 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

Mots clés : Kyste rétroprostatique ; Sténose des canaux éjaculateurs ; Azoospermie

Keywords: Retroprostatic cyst; Ejaculatory duct obstruction; Azoospermia

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 41 (2013) 735–737

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Sarkis).

1297-9589/$ see front matter � 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.

http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2013.08.009

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1. INTRODUCTION

Les azoospermies obstructives constituent 35 à 40 % desazoospermies [1–5]. Si les causes acquises sont les plusfréquentes, les étiologies congénitales sont à rechercher enl’absence d’une histoire d’infections urinaires, de maladiessexuellement transmissibles ou d’antécédent d’interventionchirurgicale inguinale ou scrotale. Les sténoses des canauxéjaculateurs secondaires aux kystes de l’utricule et des canauxde Muller et l’absence congénitale des canaux déférents sont lescauses souvent évoquées et le mécanisme de l’azoospermiediffère d’une pathologie à une autre [2,3]. Nous rapportons uncas exceptionnel de kyste rétroprostatique découvert lors d’unbilan d’infertilité primaire dans lequel s’abouche les canauxéjaculateurs et qui se termine par un pertuis fin et borgne dansla paroi de l’urètre prostatique.

2. CAS CLINIQUE

Un homme de 24 ans s’est présenté pour infertilité primaire.Dans ses antécédents, il n’existait pas d’histoire d’infectiongénitourinaire. Il n’a jamais réalisé de spermogramme avant sonmariage. Marié depuis deux ans, trois spermogrammes analysés ontmis en évidence une azoospermie avec un volume d’éjaculat moinsque 0,5 cm3. À l’examen clinique, le volume et la consistancetesticulaires étaient normaux et symétriques et les deux canauxdéférents étaient palpables. Il existait au toucher rectal une masserénitente empêchant la palpation de la prostate. Le taux du fructoseséminal était nul. Une échographie endorectale a mis en évidenceune formation kystique volumineuse médiane rétroprostatiquerefoulant latéralement les vésicules séminales (Fig. 1). À l’imageriepar résonnance magnétique (IRM) pelvienne, les deux canaux

Fig. 1. L’échographie endorectale (en haut) et l’IRM (en bas) ont mis enévidence un kyste rétroprostatique avec un pertuis fin dans la paroi del’urètre prostatique.

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éjaculateurs s’abouchaient dans le kyste qui avait un contenu denseet se terminait en un pertuis fin venant au contact de l’urètreprostatique au-dessus du veru montanum (Fig. 1). Une cystoscopie amis en évidence l’empreinte médiane de la masse partant de l’urètreprostatique et remontant au trigone. Il n’existait pas d’orificecorrespondant au kyste dans l’urètre. En s’aidant des données del’IRM, deux copeaux de résection endoscopique du plancher del’urètre prostatique immédiatement au-dessus du veru ont étésuffisants pour atteindre le pertuis puis le kyste, entraînant l’issued’un liquide de couleur brunâtre. L’analyse peropératoire du liquide arévélé l’existence de spermatozoïdes (SZ) immobiles. Un élargisse-ment du pertuis du kyste a été réalisé permettant l’introduction d’unesonde urétérale 7Charriere. Une sonde urinaire a été gardée pour24 heures et les suites postopératoires étaient simples. Auspermogramme réalisé trois mois après l’intervention endoscopique,le volume était de 2,5 cm3 et il existait 40 millions de SZ/mL avecune mobilité de 60 % à la 6e heure et une vitalité de 60 % a lapremière heure. Une IRM pratiquée deux mois après la procédure amis en évidence une régression significative du volume du kyste avecune meilleure visualisation de l’abouchement des canaux éjacula-teurs dans le kyste (Fig. 2). Cinq mois après la procédure, unnouveau spermogramme réalisé a montré un volume de 3 cm3 avec30 millions de SZ/mL et une mobilité et vitalité conservées. À septmois de l’intervention, sa femme est tombée enceinte. Elle estactuellement à 8 semaines de grossesse.

3. DISCUSSION

L’azoospermie obstructive peut provenir d’une obstructiondes canaux épididymaires, déférentiels ou éjaculateurs. Lescauses acquises sont souvent infectieuses ou iatrogéniques. Lescauses congénitales sont rares et comprennent les sténosescongénitales des canaux éjaculateurs, l’absence des canauxdéférents, les kystes de l’utricule et des canaux de Muller et lesrares kystes des canaux de Wolff et du sinus urogénital [3–5].Ces kystes sont médians ou latéraux, siégeant derrière laprostate. Les kystes médians de l’utricule et des canaux deMuller entraînent une compression des canaux éjaculateurs etne contiennent pas de spermatozoïdes. Les kystes wolffiens quinaissent principalement des vésicules séminales sont très rares,peuvent comprimer les canaux éjaculateurs et contiennent desspermatozoïdes [4]. Dans notre cas exceptionnel, le kysteprovient probablement du sinus urogénital en raison de sesrapports étroits aussi bien avec l’urètre prostatique que lescanaux éjaculateurs qui s’y abouchent. Dans la littérature,quelques cas presque similaires ont été rapportés [3–5].Cependant, la caractéristique unique dans notre cas estl’existence d’un pertuis très fin et borgne qui se termine lui-même au-dessus du veru montanum qui était visible à l’IRM etl’échographie. Des SZ sont trouvés dans ces kystes ce qui est

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Fig. 2. IRM après l’intervention endoscopique mettant en évidencel’abouchement net des canaux éjaculateurs dans le kyste.

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contre son origine mullérienne. Le traitement n’est pas codifiéen raison de la rareté de la pathologie mais une résection de cepertuis parait être la solution. Les données de l’IRM ont permisde situer anatomiquement l’endroit idéal de résection au-dessus du veru montanum et l’épaisseur du tissu à réséquer

pour atteindre le kyste. Nous nous sommes contentés deréaliser une ouverture centimétrique dans le kyste afin dediminuer le risque d’épididymite tout en sachant que le risquede sténose itérative n’est pas négligeable. L’IRM de contrôle amontré une régression significative de la taille du kyste. Sadisparition totale n’est pas possible car les canaux éjaculateurss’y abouchent. Le succès de l’intervention a été démontré par lespermogramme qui est redevenu normal après deux mois del’intervention.

4. CONCLUSION

Les canaux éjaculateurs peuvent exceptionnellements’aboucher dans un kyste rétroprostatique dont l’origineembryologique n’est pas claire mais qui peut provenir du sinusurogénital, d’autant plus qu’il existe un pertuis borgne issu dukyste se terminant dans la paroi de l’urètre prostatique.L’azoospermie obstructive qui en résulte peut être la seulemanifestation clinique. L’imagerie par IRM permet de l’identifierclairement en mettant en évidence ses rapports avec lesvésicules séminales, les canaux déférents, les canaux éjacula-teurs et l’urètre prostatique et permet de planifier letraitement endoscopique.

DÉCLARATION D’INTÉRÊTS

Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflitsd’intérêts.

RÉFÉRENCES

[1] Coat C, Perrin A, Talagas M, et al. Azoospermie : prise en charge etrésultats. À propos de 90 cas. Prog Urol 2011;21(13):946–54.

[2] Fontaine E, Jardin A. Anomalies des organes génitaux internes masculins etretentissement sur la fertilité. Prog Urol 2001;11(4):729–32.

[3] Sabanegh E Jr., Agarwal A. Male infertility in Campbell-Walsh Urology, 10thed., By Alan J. Wein, vol 21.

[4] Mayersak JS. Urogenital sinus-ejaculatory duct cyst: a case report with aproposed clinical classification and review of the literature. J Urol1989;142(5):1330–2.

[5] Elder JS, Mostwin JL. Cyst of the ejaculatory duct/urogenital sinus. J Urol1984;132(4):768–71.