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« L’Europe du vase antique : collectionneurs, savants, restaurateurs aux XVIII e et XIX e siècles » Collectionner, étudier, restaurer : trop souvent dissociées dans les travaux consacrés au devenir moderne de l’antique, ces trois pratiques étroitement liées au cours du temps n’ont cessé de s’influencer et de se féconder mutuellement, dans le cadre de réseaux européens particulièrement actifs autour de l’objet de fascination qu’a représenté le vase peint – qu’il soit d’origine grecque ou étrusque – durant les XVIII e et XIX e siècles. Promouvant une approche globale et interdisciplinaire de la problématique, l’INHA propose de faire le point sur les recherches menées depuis plusieurs années au sein de l’institution et du C2RMF, comme sur celles développées par des chercheurs étrangers. Le colloque international qui se tiendra à l’INHA les 31 mai et 1 er juin 2011 rassemblera ainsi plus d’une vingtaine de participants, spécialistes de la céramologie antique, de l’histoire de l’art moderne, de l’étude scientifique des œuvres d’art et de la conservation-restauration du patrimoine. Parmi les thèmes abordés figurera l’étude de personnalités marquantes qui ont animé les réseaux du collectionnisme et de la restauration en Europe, aux XVIII e et XIX e siècles ; on s’attachera aussi à éclairer la diversité des approches déployées face à la matérialité des objets. En analysant les stratégies et les contextes dans lesquels ces différents acteurs ont opéré – avec un intérêt particulier porté aux collections de vases formées en Italie et parvenues en Europe centrale et en Russie – on espère aussi bien contribuer à définir les nécessités méthodologiques de ce champ d’études qu’à projeter de nouveaux éclairages sur l’histoire des œuvres.

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« L’Europe du vase antique : collectionneurs, savants, restaurateurs aux XVIIIe et XIXe siècles »

Collectionner, étudier, restaurer : trop souvent dissociées dans les travaux consacrés au devenir moderne de l’antique, ces trois pratiques étroitement liées au cours du temps n’ont cessé de s’influencer et de se féconder mutuellement, dans le

cadre de réseaux européens particulièrement actifs autour de l’objet de fascination qu’a représenté le vase peint – qu’il soit d’origine grecque ou étrusque – durant les XVIIIe et XIXe siècles.

Promouvant une approche globale et interdisciplinaire de la problématique, l’INHA propose de faire le point sur les recherches menées depuis plusieurs années au sein de l’institution et du C2RMF, comme sur celles développées par des

chercheurs étrangers. Le colloque international qui se tiendra à l’INHA les 31 mai et 1er juin 2011 rassemblera ainsi plus d’une vingtaine de participants, spécialistes de la céramologie antique, de l’histoire de l’art moderne, de l’étude scientifique des œuvres d’art et de la conservation-restauration du patrimoine. Parmi les thèmes abordés figurera l’étude de personnalités

marquantes qui ont animé les réseaux du collectionnisme et de la restauration en Europe, aux XVIIIe et XIXe siècles ;on s’attachera aussi à éclairer la diversité des approches déployées face à la matérialité des objets. En analysant les stratégies

et les contextes dans lesquels ces différents acteurs ont opéré – avec un intérêt particulier porté aux collections de vases formées en Italie et parvenues en Europe centrale et en Russie – on espère aussi bien contribuer à définir les nécessités

méthodologiques de ce champ d’études qu’à projeter de nouveaux éclairages sur l’histoire des œuvres.

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Session 1 - Le collectionnisme des vases antiques : stratégies et contextes

9h accueil des participants

9h30 Ouverture du colloque : Antoinette Le Normand-Romain, directeur général, INHA Introduction : Martine Denoyelle, Brigitte Bourgeois, INHA

Président de séance : Alain Schnapp, Université Paris I Panthéon-Sorbonne

9h45 Marcella De Paoli, Museo Archeologico Nazionale, Venise : « Vero o falso ? Restauro, erudizione, mercato nel collezionismo veneziano di vasi antichi tra XVIII e XIX secolo ».

10h15 Salvatore Napolitano, California Institute of Technology, Pasadena : « Pietro Vivenzio: Natural Philosophy, Collecting, and Strategies of Self-promotion in Naples between the Eighteenth and Nineteenth Centuries ».

10h45 Susanna Sarti, Soprintendenza per i Beni Archeologici della Toscana, Florence : « Vase Collecting in Florence before the Unification of Italy (1861): from the Gallerie to the Archaeological Museum ».

11h15 pause

11h45 Paulette Pelletier-Hornby, Musée du Petit Palais, Paris : « Les vases de la collection Dutuit : anticomanie et politique au XIXe siècle ».

12h15 Hildegard Wiegel, Berlin : « Pour l’amour de l’antique : le cas de Guillaume Tischbein (1751-1829) ».

Présidente de séance : Anne Coulié, département des Antiquités Grecques, Étrusques et Romaines, Musée du Louvre

14h Andrea Milanese, Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei, Naples : « Affaires de vases, affaires d’État.L’histoire des achats de Friedrich Maler à Naples pour le musée du Grand-duc de Bade ».

14h30 Alfred Bernhard-Walcher, Antikensammlung, Ephesos Museum, Kunsthistorisches Museum, Vienne : « Diplomat, Art Collector,and Archaeologist: Count Anton Franz de Paula Lamberg-Sprinzenstein and the Beginnings of the Viennese Collection of Greek Vases ».

15h Laureen Bardou, INHA, École du Louvre : « Collection des vases grecs de M. le Comte de Lamberg, d’Alexandre de Laborde,1813-1824 : le regard d’un Français sur une collection autrichienne ».

15h30 pause

16h Maria Dufkova, Narodni Muzeum, Prague : « La collection de vases du musée de Prague ».

Session 2 - Le « vase de Lasimos » : de l’histoire à l’interrogation de l’œuvre, pour un parcours méthodologique

Table ronde

17h Martine Denoyelle ; Maria Emilia Masci, Scuola Normale Superiore, Pise ; Paolo Poccetti, Università di Roma Tor Vergata ; Brigitte Bourgeois

18h discussion

Mardi 31 mai 2011 : histoire des collections

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Session 3 – La diversité des approches matérielles : analyser, reproduire, restaurer, falsifier

Présidente de séance : Marie Lavandier, directeur, C2RMF, UMR-CNRS 171

9h15 Maurizio Sannibale, Ulderico Santamaria, Musei Vaticani, Cité du Vatican : « I vasi del Vaticano già nel Musée Napoléon e i loro restauri ».

9h45 Nathalie Balcar, Yannick Vandenberghe, C2RMF : « Lagrenée restaurateur et ses contemporains : autopsie d’un savoir-faire ».

10h15 Brigitte Bourgeois : « “Un prodige de la conservation”. Chimie et restauration du vase au temps de Lagrenée (1780-1820) ».

10h45 pause

11h15 Anne Bouquillon, C2RMF, Cécile Colonna, département des Monnaies, médailles et antiques, Bibliothèque Nationale de France : « Le duc de Luynes et sa démarche de reproduction des vases grecs ».

11h45 Gianpaolo Nadalini, Institut national du patrimoine : « Enrico Pennelli : la trajectoire d’un restaurateur de vases étrusques du XIXe siècle. ».

12h15 discussion

Session 4 - Matière et Histoire : des anciens réseaux du collectionnisme et de la restauration aux choix patrimoniaux actuels

Présidente de séance : Gabriella Prisco, Istituto Superiore per la Conservazione ed il Restauro, Rome

14h30 Marie-Amélie Bernard, INHA, Université Paris I Panthéon-Sorbonne : « Francesco Depoletti (1779-1854), un homme de réseaux entre collectionnisme et restauration ».

15h Anastasia Bukina, Ksenia Chugunova, The State Hermitage Museum, Saint Pétersbourg : « Vases of Antonio Pizzati in the State Hermitage Museum: scientific studies and perspectives ».

15h30 pause

16h Bodil Bundgaard-Rasmussen, Nationalmuseet, Copenhague : « Ancient Vases in the Christian VIII’s Vase Cabinet - of the Least Restored and yet the Best Restored Category ».

16h30 Anna Petrakova, Olga Shuvalova, The State Hermitage Museum, Saint Pétersbourg : « Attic vases from the Campana collection in the State Hermitage Museum: Old Restorations and Present Attitude Regarding their Display, Study and Conservation ».

17h discussion finale

Mercredi 1er juin 2011 : histoire de la restauration

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Vrai ou faux ? Restauration, érudition, commerce et collectionnisme de vases vénitiens aux xviiie et xixe sièclesMarcella De Paoli, Museo Archeologico Nazionale, Venise

Cette contribution s’appuie sur l’histoire d’une ancienne restauration faite sur un vase du Musée archéologique national de Venise provenant d’une intéressante collection de la seconde moitié du xviiie siècle, la collection Zulian. Peu après 1860, ce petit vase, une tasse apulienne à vernis noir recomposée à partir de plusieurs fragments, subit une intervention qui le priva d’une déco-ration en peinture superposée rouge, consistant en une chouette entre deux rameaux de laurier.

La collection d’antiquités de l’ambassadeur Girolamo Zulian – l’une des seules préservées, avec celle de G. A. Molin, parmi les nombreuses collections vénitiennes qui avaient illustré la cité et furent rapidement dispersées à sa chute – intégra par legs testamentaire le fonds du Pubblico Statuario en 1795. Elle apportait à l’État un ensemble considérable de sculptures de diverses provenances (Rome, Tivoli, Constantinople et Alexandrie), des gemmes, des bronzes et une sélection de céramiques antiques, acquis en grande partie sur le marché antiquaire romain.

Le vase Zulian permettra d’examiner la frontière, souvent incertaine, entre contrefaçon et interprétation savante en matière de restauration de la céramique antique, en abordant la question des relations entre la restauration et les exigences du marché, dans le cadre du collectionnisme des antiquités à Venise entre le xviiie et le xixe siècle. Ce sera en outre l’occasion d’étudier d’autres cas curieux, comme celui d’un vase Molin à l’iconographie douteuse et à la provenance inconnue, donné à la cité de Venise avec la collection d’antiquités de Girolamo Ascanio en 1813 et au-jourd’hui conservé au Musée archéologique national de Venise, ou comme les cas d’ « impostures antiquaires » présents dans les collections Querini et Sanquirico.

Les outils utilisés pour définir cet univers de collectionneurs tels qu’An-gelo Querini et Girolamo Ascanio Molin, et de marchands comme Antonio Sanquirico, tous intéressés à des titres variés à acquérir ou à vendre des vases antiques, seront de vieilles photos d’archives, des gravures, des inventaires et quelques informations fragmentaires extraites d’échanges épistolaires.

Vero o falso? Restauro, erudizione, mercato nel collezionismo veneziano di vasi antichi tra XVIII e XIX secolo

Il contributo che si vuol presentare prende avvio dalla vicenda di un vecchio restauro a una ceramica del Museo Archeologico Nazionale di Venezia, già parte della collezione Zulian, interessante raccolta della seconda metà del XVIII secolo. Nei primi anni Sessanta del Novecento il piccolo vaso, un boccale apulo a vernice nera ricomposto da più frammenti, fu oggetto di un intervento conservativo che lo privò di una decorazione sovra-dipinta in rosso, costituita da una civetta tra due rami di alloro, ritenuta spuria nella documentazione moderna del museo.

La raccolta di antichità dell’ambasciatore Girolamo Zulian – una delle due sole collezioni veneziane settecentesche superstiti, con quella di Girolamo Ascanio Molin, delle molte che avevano dato lustro alla città lagunare e che rapidamente vennero disperse alla caduta della Serenissima – entrò nel fondo del Pubblico Statuario nel 1795 con un legato testamentario, assicurando allo Stato una considerevole raccolta di sculture dalle diverse provenienze (Roma, Tivoli, Costantinopoli e Alessandria d’Egitto), gemme, bronzi e una selezione di ceramiche antiche, tra cui esemplari databili tra il IX-VIII secolo a.C. e il IV-V d.C., in gran parte acquistate sul mercato antiquario romano.

Il vaso Zulian sarà però il pretesto per indagare il confine, talvolta piuttosto incerto, tra contraffazione e interpretazione colta nel restauro della ceramica antica e per occuparsi dell’intreccio esistente tra il restauro e le esigenze di mercato, tenendo sullo sfondo il panorama del collezionismo di antichità a Venezia tra XVIII e XIX secolo. Sarà, inoltre, l’occasione per far emergere altri casi curiosi, come quello di un vaso Molin dall’iconografia sospetta e la provenienza sconosciuta, donato alla città di Venezia con l’intera raccolta di antichità di Girolamo Ascanio nel legato testamentario del 1813 e oggi al Museo Archeologico Nazionale in virtù di un deposito dei Civici Musei Veneziani, o ancora come i casi delle “imposture antiquarie” presenti nelle raccolte Querini e Sanquirico, menzionate in alcuni carteggi dell’epoca.

Gli strumenti, a dire il vero scarni indizi, utilizzati per delineare questo mon-do, popolato tra gli altri da collezionisti come Angelo Querini e Girolamo Ascanio Molin nonché da mercanti come Antonio Sanquirico, tutti a vario titolo interessati all’acquisto o alla vendita di vasi antichi, saranno vecchie foto d’archivio, incisioni, inventari e qualche notizia frammentaria strappata alla corrispondenza epistolare dei personaggi in questione.

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Pietro Vivenzio : philosophie naturelle, collecte et stratégies d’autopromotion à Naples entre le xviiie et le xixe siècleSalvatore Napolitano, département des Sciences humaines et sociales, California Institute of Technology, Pasadena

Au cours des xviiie et xixe siècles, le sud de l’Italie connaît l’une des périodes les plus dynamiques de son histoire. Les bouleversements politiques incessants provoquent des changements culturels, particulièrement à Naples. S’appuyant sur une approche culturelle globale, cette communication examine les multiples aspects de ce moment spécifique : les mouvements culturels, les orientations artistiques, le collectionnisme, et les hypothèses esthétiques et philosophiques de cette époque.

Parallèlement à ces approches, il s’agira de démontrer que l’expérience du collectionneur napolitain Pietro Vivenzio fournit un important paradigme pour l’analyse de ce moment particulier de l’histoire culturelle de l’Italie du sud. De fait, Pietro, avec son frère Nicola, réussit à réunir l’une des plus célèbres collections de vases antiques en Europe, dont l’un et l’autre se servaient pour être reconnus dans la République des Lettres de l’époque.

C’est notamment dans un texte non publié, Sepolcri Nolani (commencé d’abord pour Sir William Hamilton, mais corrigé après un long exil à Rome consécutif à la domination française sur la province de Naples), que Pietro Vivenzio porte son attention sur le travail archéologique et les techniques de fouilles, profondément influencé par la nouvelle mode de la philosophie naturelle. Cette passionnante collecte d’antiquités témoigne de l’intérêt profond que porte Vivenzio au monde antique, un intérêt qui le conduit, par l’étude des objets, à définir une nouvelle histoire de l’art antique, accordée aux théories de Winckelmann et de Lanzi sur le connoisseurship, ainsi qu’à la vision historique de Vico et à la nouvelle historiographie proposée par Heyne.

Natural Philosophy, Collecting, and Strategies of Self-promotion in Naples between the Eighteenth and Nineteenth Centuries

During the eighteenth and nineteenth centuries, the South of Italy experi-enced one of the most dynamic periods of its history. The continuous po-litical upheavals produced constant cultural changes as well, particularly in

the capital of Naples. Grounded in a global cultural history approach, this paper investigates this particular moment in its multiple aspects: the cultural movements, the artistic orientations, the preferences in collecting, and the aesthetic and philosophical speculations of the time.

Concurrent with this multifaceted approach, we hope to demonstrate that the Neapolitan collector Pietro Vivenzio’s experience provides an important paradigm for the interpretation of this peculiar moment of Southern Italian cultural history. In fact, Pietro, along with his brother Nicola, was able to as-semble one of the most celebrated collections of ancient vases in Europe, which they used to promote themselves – both culturally and socially – in the contemporary République des Lettres.

Particularly in the unpublished Sepolcri Nolani, originally commissioned by Sir William Hamilton but revised after a long exile in Rome following French domination of the Kingdom of Naples, Pietro garnered new attention for archaeological evidence and techniques of excavation, profoundly influenced by new trends in Natural Philosophy. Through his ardent collecting of antiquities, Pietro Vivenzio exhibited a profound personal engagement with the ancient world, which led him finally, through the study of these objects, to define a new history of ancient art, perfectly aligned with Winckelmann’s and Lanzi’s theories on connoisseurship in ancient and modern art, Vico’s historical vision, and the new German historiography proposed by Heyne.

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La collecte de vases à Florence avant l’unification de l’Italie (1861) : de la Galerie au Musée archéologiqueSusanna Sarti, Soprintendenza per i Beni Archeologici della Toscana, Florence

La majeure partie du Musée archéologique de Florence provient des collec-tions des familles de Médicis et de Lorraine, avec d’importants transferts, jusqu’en 1890, provenant de la Galerie des Offices.

À partir du xve siècle, les Médicis collectent des objets antiques, beaucoup de pierres précieuses, des monnaies, des bronzes et des marbres. En 1532, le Grand Duc de Toscane, Côme Ier, qui porte le titre de Magnus Etruriae dux, commence à associer l’histoire biblique et antique (plus particulièrement étrusque), dans une propagande visant à démontrer la supériorité toscane. Des chefs-d’œuvre comme la Chimère, l’Arringatore et la Minerve ainsi que d’extraordinaires collections de marbres furent réunis. Ces derniers sont aujourd’hui répartis entre les Offices et la Villa Corsini. Si les pierres précieuses, les camées et le Médaillier ont été rassemblés, les vases ont généralement été négligés, ou bien acquis seulement parce que découverts parmi d’autres objets précieux.

Le Grand Duc de Toscane a toujours soutenu l’intérêt croissant pour l’art étrusque. À partir de 1616, Thomas Dempster trouve refuge et soutien auprès de Côme II, qui lui commande un travail sur les Étrusques, De Etruria Regali Libri Septem, publié en 1723. Un autre ouvrage important, le Museum Florentinum d’Anton Francesco Gori, publié entre 1731 et 1762, était initialement dédicacé à Gian Gastone de Médicis et peut-être à Francesco Stefano Lorraine.

En 1737, le Grand Duché de Toscane passe aux mains de la Maison de Lorraine, qui met en place une législation sévère afin de contrôler la découverte des antiquités. Conçue par Leopold et organisée par Luigi Lanzi à partir de 1775, la nouvelle exposition aux Galeries Royales présente aussi bien un Gabinetto delle figuline que des terres cuites et des vases. Lanzi publie également Dei vasi antichi dipinti volgarmente chiamati Etruschi qui témoigne d’un intérêt grandissant pour la poterie antique, qui devient manifeste dans le Catalogo generale della R. Galleria di Firenze datant de 1825. La description faite par le voyageur anglais Dennis en 1848 propose une vision contrastée de l’état de la collection :

« Les vases sont tous regroupés dans une petite chambre. Le gou-vernement toscan n’a pas pris conscience de l’opportunité qu’il avait de former la plus belle collection d’antiquités étrusques au monde. La majorité des objets trouvés dans le Duché partent vers d’autres pays – peu d’entre eux trouvent leur place à Florence. Face à cette indifférence de la part du gouvernement, on ne peut pas s’attendre à ce que la collection de vases soit complétée ou mise en valeur. Jusqu’ici, cette tendance est caractéristique. La plupart des sites étrusques de la Toscane sont représentés par leurs poteries, et il y a même de beaux vases provenant d’autres régions de l’Italie, en partie collectés, je crois, par ces mécènes princiers : les Médicis. »

En 1855, Michele Arcangelo Migliarini, conservateur des Antiquités aux Galeries Royales, est chargé d’organiser le nouveau musée égyptien dans un immeuble de la rue Faenza. Quelques années plus tard, en 1871, le Musée étrusque est ouvert sur le même emplacement, alors que les Savoia, la famille royale du nouveau royaume d’Italie, quitte Florence (capitale de l’Italie de 1865 à 1870) pour rejoindre Rome. En dépit des difficultés financières qui s’ensuivent pour Florence, le Musée d’archéologie s’ouvre dans un nouveau grand bâtiment en 1881, le palais Crocetta, où la collection de vases est exposée selon de nouveaux critères.

Vase Collecting in Florence before the Unification of Italy (1861): from the Gallerie to the Archaeological Museum

The nucleus of the Archaeological Museum of Florence derives from the family collections of the Medici and Lorraine, with several transfers from the Uffizi Gallery up to 1890.

Beginning in the 15th century, the Medici family collected antiquities, mainly gems, coins, bronzes and marbles. In 1532 the Grand Duke of Tuscany Cosimo I,who assumed the title of Magnus Etruriae dux, began to combine biblical and classical (more specifically Etruscan) history into a propagandistic display of Tuscan superiority. Masterpieces such as the Chimera, the Arringatore and the Minerva were acquired, and extraordinary collections of marble – today shared between the Uffizi and Villa Corsini –, gems and cameos, as well as the Medagliere, were formed, while vases were generally neglected or acquired only because discovered together with other precious objects.

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The Grand Dukes of Tuscany always supported the growing interest in Etruscan Art. Beginning in 1616 Thomas Dempster found refuge and patronage under Cosimo II, who commissioned a work on the Etruscans, De Etruria Regali Libri Septem, published in 1723 by Thomas Coke. Another influential work, the Museum Florentinum by Anton Francesco Gori, pub-lished in 12 volumes between 1731 and 1762, was originally dedicated to Gian Gastone de’ Medici, and eventually to Francesco Stefano Lorraine.

In 1737, the Grand Duchy of Tuscany passed to the French House of Lorraine, which promoted severe legislation aimed at controlling the dis-covery of antiquities. The new exhibition in the Royal Galleries promoted by Leopold and organized by Luigi Lanzi – from 1775 aiuto antiquario – also included a Gabinetto delle figuline, containing terracottas and vases, as we read in the Guida della Real Galleria di Firenze of 1782. Lanzi also published Dei vasi antichi dipinti volgarmente chiamati Etruschi, showing the increasing interest in ancient pottery, which becomes obvious in the Catalogo Generale della R. Galleria di Firenze dating from 1825. However, the description made by the English traveler Dennis in 1848 provides us with a contrasting image of the state of the collection: ‘The Vases are all contained in one small chamber. The Tuscan Government has not availed itself of the opportunity it possesses of forming the finest collection of Etruscan antiquities in the world. Most of the articles discovered in the Duchy pass into foreign countries,— little or nothing finds its way to Florence. With this apathy on the part of the Government, the collection of vases cannot be expected to be extensive or remarkably choice. Yet it is characteristic. Most of the Etruscan sites within the limits of Tuscany are here represented by their pottery; and there are even some good vases from other districts of Italy; partly, I believe, collected, of old, by those princely patrons of art, the Medici’.

In 1855 Michele Arcangelo Migliarini, keeper of antiquities in the Royal Galleries, was charged of the organization of the new Egyptian Museum in a building in via Faenza. A few years later, the Etruscan Museum was opened at the same location on the 12th of March 1871, while the Savoia, the Royal family of the new Kingdom of Italy, was about to leave Florence (capital of Italy from 1865 to 1870) in order to reach Rome. Despite the difficult financial situation that followed for the city of Florence, in 1881 the Archaeological Museum was opened in a new larger building, the Crocetta Palace, where the vase collection was exhibited according to new criteria.

Les vases de la collection Dutuit : anticomanie et politique au xixe sièclePaulette Pelletier-Hornby, Musée du Petit Palais, Paris

Les frères Dutuit occupent une place éminente dans le cercle étroit des grands collectionneurs du xixe siècle. Ils se partagent entre l’Italie et la France. Les relations privilégiées qu’ils entretiennent avec les grands marchands des États italiens – Sambon ou Barone à Naples, Martinetti à Rome –, les Castellani en Italie et en France, Feuardent à Paris, et leurs contemporains collectionneurs et experts, servent leur dessein : réunir des pièces d’exception qui ne se trouvent ni à Londres ni au Louvre. Leur rôle actif dans les expositions nationales et uni-verselles, les publications qu’ils commanditent, les lettres enfin se rapportant à leurs achats, nous éclairent sur leurs buts. Dans leur cabinet d’Antiques, les vases tiennent une place de choix. Dans le droit fil des collections humanistes du xviiie siècle, les Dutuit retiennent des pièces d’une conservation parfaite et selon des critères esthétiques.

Leur vision évolue avec les temps forts de leur siècle, la révolution industrielle suivie d’une révolution scientifique, et leurs critères sont cumulatifs. Actifs dans la reconnaissance des arts appliqués à l’industrie, ils sont attentifs à la variété et à la rareté des techniques décoratives : chaque vase, choisi pour sa rareté, est retenu pour sa valeur exemplaire. L’importance dévolue aux vases plastiques, attiques et italiotes, découle de leur complexité technique. Ils ont vocation à susciter la création dans les métiers d’art. À la singularité des œuvres, s’ajoute l’intérêt qu’elles offrent pour l’étude d’une société, d’une civilisation.

Musée privé destiné à devenir public, la collection s’adresse avant tout aux artisans et l’Union centrale des arts décoratifs, devenue ensuite musée des Arts décoratifs, doit en être bénéficiaire et recevoir la dotation permettant de poursuivre les acquisitions. À partir de 1898, Dutuit lui substitue la Ville de Paris.

Auguste Dutuit a passé la plus grande partie de sa vie à Rome. Il a vécu l’unifi-cation de l’Italie, dans laquelle nombre de ses proches, avec qui il partageait la passion de l’Antiquité et une vision progressiste de la société, ont joué un rôle actif – les Castellani notamment. Il n’est donc pas surprenant qu’Auguste Dutuit ait prévu, en cas de refus français, de confier l’avenir de sa collection, d’abord au Museo artistico e industriale de Rome, qu’Augusto Castellani avait contribué à fonder pour assurer la formation des artisans d’art, puis à l’Accademia dei Lincei.

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Auguste Dutuit est mort en 1902. Selon ses vœux, la collection s’est accrue et quelques vases se sont ajoutés, toujours dans l’esprit de la collection, à ceux publiés par Nicolas Plaoutine en 1941.

Vases from the Dutuit Collection: Anticomania and Politics in the 19th century

The Dutuit brothers feature prominently in the narrow circle of great 19th century art collectors. Dividing their time between Italy and France, they cultivated privileged relationships with major dealers in the Italian States (the Castellani, Sambon and Barone in Naples, Martinetti in Rome) and France (Feuardent in Paris), together with their fellow collectors and contemporary experts, to further their ultimate aim: the amassing of a collection of exceptional pieces found neither in London, nor in the Louvre. Their active role in the great national and international exhibitions of the day, the publications they commissioned, and the correspondence relat-ing to their many acquisitions, tell us a great deal about their aims and intentions. Vases were a choice feature of their cabinet of Antiquities. In the best tradition of the great humanist collections of the 18th century, the Dutuit brothers selected perfectly preserved pieces, according to strict aesthetic criteria.

Their approach evolved – and their criteria accumulated – over time, reflecting the major changes afoot during the 19th century: the industrial revolution, and the scientific revolution. Active in the movement to promote wider recog-nition of the industrial and applied arts, they paid close attention to the variety and rarity of decorative techniques: each vase in the collection was selected for its rarity and representative, exemplary value. Technically complex plastic, Attic and South Italian vases form an important group, serving the Dutuits’ vocation to inspire creativity in the applied arts of their day. In addition to their rarity and aesthetic distinction, the vases are highly interesting as objects through which to study the society and civilization that created them.

Aimed above all at artisans working in the applied arts, the collection was a private museum destined to become public. The Union centrale des arts décoratifs (later the musée des Arts décoratifs) was named as its ultimate beneficiary. The Union was also to receive funds enabling it to make further acquisitions. After 1898, Dutuit substituted the City of Paris, however, and

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the collection entered the musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris at the Petit Palais, in 1902.

Auguste Dutuit spent most of his life in Rome. He witnessed the unification of Italy, in which many of his close associates played an active role, notably the Castellani – passionate lovers of Antiquity, like him, and proponents of a progressive social vision. It comes as no surprise, then, that in the event of the collection’s refusal in France, Auguste Dutuit had plans to entrust it first to the Museo artistico e industriale in Rome (co-founded by Augusto Castellani to provide training for artisans in the applied arts) and later to the Accademia dei Lincei. Auguste Dutuit died in 1902. In accordance with his wishes the collection has continued to grow, and a number of vases – selected in strict accordance with the Dutuits’ original criteria – have been added to those published by Nicolas Plaoutine in 1941.

Pour l’amour de l’antique : le cas de Johann Heinrich Tischbein (1751-1829)Hildegard Wiegel, Berlin

Né dans une grande famille d’artistes allemands, Johann Heinrich Tischbein (1751-1829) est peut-être plus connu aujourd’hui pour son portrait de Johann Wolfgang Goethe (musée Städel, Francfort). Les deux hommes furent colocataires à Rome, mais leur amitié subit un accroc sévère quand Tischbein décida d’accepter de prendre la direction de la nouvelle Académie des Beaux-Arts, à Naples. Dans cette capitale du royaume de Naples, à cette époque le centre de la recherche antiquaire grâce aux découvertes récentes des villes vésuviennes de Pompéi et d’Herculanum, Tischbein put accroître son intérêt pour les vestiges de l’Antiquité. Les deux riches publications antiquaires de Tischbein, Collection of Engravings from Ancient Vases (1795-1803) et Homer nach Antiken gezeichnet (1801-1805 et 1821-1823), ainsi que Figures d’Homère dessinées d’après l’antique (1801-1802), témoignent de manière éloquente de son appropriation de l’Antiquité. Cette intervention présente plusieurs exemples du rôle important que Tischbein a eu comme fouilleur, conservateur et collectionneur, ainsi que de son utilisation des œuvres d’art de l’Antiquité comme sources d’inspiration pour sa propre production artistique.

A Passion for the Antique: the Case of Johann Heinrich Tischbein (1751-1829)

Descendant of a well-known German family of artists, Johann Heinrich Tischbein (1751-1829) is today perhaps best known for his emblematic portrait of the German poet Johann Wolfgang Goethe (Städel Museum, Frankfurt), with whom he shared his lodgings in Rome. Their close relation-ship suffered a severe rift when Tischbein decided to accept an offer as head of the newly-founded Academy of Fine Arts in Naples. In the capital of the Kingdom of Naples, which offered him above all access to the recently excavated remains of the Vesuvian cities such as Pompeii and Herculaneum, Tischbein continued to expand his deep interest in the excavated artefacts from antiquity. His two major antiquarian publications, the ‘Collection of Engravings from Ancient Vases’ (1795-1803) and ‘Homer nach Antiken gezeichnet’ (1801-05 and 1821-23) as well as ‘Figures d’Homère dessinées d’après l’antique’ (1801-02), testify in particular to Tischbein’s appropria-tion of antiquity. This paper presents various examples of Tischbein’s role as excavator, curator, and collector as well as his ample use of ancient works as sources of inspiration for his own artistic production.

Affaires de vases, affaires d’État. L’histoire des achats de Friedrich Maler à Naples pour le musée du Grand-duc de BadeAndrea Milanese, Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei, Naples

Le capitaine Friedrich Maler, chargé d’affaires du Grand-duc de Bade auprès du Saint-Siège, effectua dans le Royaume de Naples, entre 1837 et 1838, une importante campagne d’acquisitions non seulement de vases antiques, mais aussi de bronzes et de terres cuites, pour les collections du Grand Duché (Badisches Landesmuseum Karlsruhe). La mission de Maler est encore aujourd’hui considérée comme une grande réussite et comme une des étapes principales dans l’histoire de la formation du musée de Karlsruhe qui, à cette occasion, s’enrichit de quelques chefs-d’œuvre, comme le célèbre cratère apulien des Enfers. Derrière ces heureuses ac-quisitions, cependant, se cache l’histoire complexe et peu connue d’un affrontement politico-diplomatique pour la possession d’un groupe de

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vases importants provenant des Pouilles, « la terre des vases » comme la définit Maler, et plus précisément de Ruvo. Une histoire qui, outre Maler, eut comme protagonistes des ministres et des responsables de musées, des souverains et des collectionneurs, des marchands et d’illustres archéo-logues. Et qui vit s’opposer les lois du marché, les lois de la diplomatie, et celles de la tutelle qui, dans le Royaume de Naples, réglaient l’exportation des œuvres d’art. Une histoire qui démontre comment, dans l’Europe de la première moitié du xixe siècle, la mode des vases pouvait facilement se transformer en une affaire d’état.

Vase Collecting and the Affairs of State: the Story of Friedrich Maler’s Acquisitions in Naples, for the Museum of the Grand Duke of Baden

In 1837 and 1838 Captain Friedrich Maler – the Grand Duke of Baden’s Chargé d’affaires to the Holy See – undertook an important campaign of acquisitions in Naples, buying Antique vases, bronzes and terracottas for the collections of the Grand Duchy (the Badisches Landesmuseum, in Karlsruhe). Maler’s mission is still widely acknowledged today as a remark- Maler’s mission is still widely acknowledged today as a remark-Maler’s mission is still widely acknowledged today as a remark-able success, and an important episode in the history of the collections of the museum in Karlsruhe, which subsequently received a number of masterpieces, including the celebrated Apulian Underworld krater. But beyond these splendid acquisitions lies the complex, little-known story of a political and diplomatic confrontation over the possession of an important group of vases from Apulia (the ‘land of vases’ as Maler described it), and from Ruvo in particular. A story involving not only Maler but a cast of ministers and museums, sovereigns and collectors, dealers and eminent archaeologists. A story that saw the laws of the market clash with the laws of diplomacy and tutelage (which regulated the export of works of art in the Kingdom of Naples). A story that shows how, in the Europe of the first half of the 19th century, the affairs of vase collectors could very easily become affairs of State.

Diplomate, collectionneur et archéologue : le comte Anton Franz de Paula Lamberg-Sprinzenstein et les débuts de la collection viennoise de vases grecsAlfred Bernhard-Walcher, Antikensammlung, Ephesos Museum, Kunsthisto-risches Museum, Vienne

Aujourd’hui, les collections de vases grecs et d’antiquités romaines du Kunsthistorisches Museum regroupent deux importantes collections publiques de vases grecs assemblées au cours du xixe siècle : le K.K. Münz- und Antikenkabinett (collection impériale et royale des Monnaies et Antiquités) fondé au début du xixe siècle, et le K.K. Oesterreichisches Museum für Kunst und Industrie (musée impé-rial et royal autrichien d’Art et d’Industrie). La plus ancienne des deux collections date du début du xixe siècle, période où les principes de base de la collection de vases grecs furent posés en l’espace de quelques années. Plusieurs collections privées furent alors achetées, et d’abord, en 1803, celle rassemblée par le peintre Michael Wutky, connu pour ses paysages italiens. Il avait séjourné à Rome et à Naples de 1771 à 1801, où il fut l’ami du comte de Lamberg-Sprinzenstein. La collection d’objets acquis principalement à Rome et à Naples coûta environ 9000 florins ; elle se composait de pâtes de verre, de bijoux, d’objets en terre cuite, de bronzes, de sculptures romaines et, surtout, de plus de cent vingt vases. La même année, une collection de soixante vases peints (rassemblés initialement par le peintre J.H.W. Tischbein, à Naples) et de soixante-et-un panneaux peints d’après des gravures de Tischbein, est acquise pour 1400 florins.

La collection Rainer présente également d’importants vases. Elle a été rassem-blée dans le royaume de Naples et de Sicile par Vincenz von Rainer Maria zu Harbach, le secrétaire privé de la reine Maria Karolina, une fille de l’impératrice Marie-Thérèse, qui avait épousé le roi Ferdinand IV. Son secrétaire particulier acquit une impressionnante collection d’environ « 250 antiquités grecques, appelées également vases en terre cuite étrusques ». Ils furent achetés pour la collection impériale en 1804 pour la somme de 2500 florins.

La plus importante acquisition est toutefois celle de la collection de vases du célèbre comte Lamberg acquise par l’empereur François Ier en 1815. Cette col-lection comprenait 712 vases que le comte Anton von Lamberg-Sprinzenstein, ambassadeur d’Autriche à la cour de Naples (depuis 1784), avait découverts lui-même ou qu’il avait achetés ou reçus comme présents ; 670 furent acquis par la collection impériale pour 125 000 florins.

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L’inventaire le plus ancien du K .K. Münz- und Antikenkabinett date de 1821 et présente un inventaire sommaire des poteries antiques : « Vases étrusques…1299 pièces, parmi eux 99 antiques grecs, 884 peints, 189 noirs, 27 romains, 52 ro-mains du type le plus commun, 29 soi-disant buccari, 3 faux, 16 amphores ».

Diplomat, Art Collector, and Archaeologist: Count Anton Franz de Paula Lamberg-Sprinzenstein and the Beginnings of the Viennese Collection of Greek Vases

Today the Kunsthistorisches Museum’s Collection of Greek and Roman Antiquities conflates two large public collections of Greek vases assembled over the course of the 19th century: the ‘K.K. Münz- und Antikenkabinett’ (Imperial and Royal Collection of Coins and Antiquities) founded in the early 19th century and the ‘K.K. Oesterreichisches Museum für Kunst und Industrie’ (Imperial and Royal Austrian Museum of Art and Industry). The elder of the two collections dates back to the early 19th century, when the foundation of the collection of Greek vases was laid in the course of only a few years with the acquisition of a number of important private collections: in 1803, an ex-tensive collection of antiquities assembled by the painter Michael Wutky was acquired. A member of the Vienna Academy, he was a well-known painter

of mainly Italian landscapes. He spent the years between 1771 to 1801 in Rome and Naples, where he became a close acquaintance of Count Lamberg-Sprinzenstein. The collection of objects acquired mainly in Rome and Naples cost over 9000 Guilders and comprised glass pastes, jewellery, terracotta objects, bronzes, Roman sculpture and, most importantly, over 120 vases. In the same year, a collection of 60 painted vessels (allegedly formerly in the possession of the painter J.H.W. Tischbein, in Naples) and 61 panels painted in opaque colours after engravings by Tischbein was acquired for 1400 Guilders.

The Rainer Collection also included important vases. It was amassed in the Kingdom of Naples and Sicily by Vincenz Maria von Rainer zu Harbach, the private secretary of Queen Maria Karolina, herself daughter of Empress Maria Theresia, who had married King Ferdinand IV. Her private secretary amassed an impressive collection, among them 250 ‘ancient Greek, so-called Etruscan terracotta vessels’ that were included among the antiquities sold to the imperial collection in 1804 for an annuity of 2500 Guilders.

The most important acquisition in the history of the collection, however, was that of Count Lamberg’s celebrated collection of vases, to which Emperor Francis I agreed on January 21, 1815. It comprised a total of 712 vases that Count Anton von Lamberg-Sprinzenstein, the Austrian Ambassador to the court at Naples (until 1784), had either excavated himself, bought, or received as gifts. Of these, around 670 were received into the imperial collection in return for 125,000 Guilders.

The oldest inventory of the K.K. Münz- und Antiquitätenkabinett dates from 1821 and contains a summary inventory of ancient pottery: ‘Etruscan vessels … 1299 pieces, among them 99 ancient Greek, 884 painted, l89 black, 27 Roman, 52 Roman of the more common kind, 29 so-called buccari, 3 fakes, 16 amphorae’.

Collection des vases grecs de M. le Comte de Lamberg, d’Alexandre de Laborde, 1813-1824 : le regard d’un Français sur une collection autrichienneLaureen Bardou, INHA, École du Louvre

Collection des vases grecs de M. le Comte de Lamberg est le titre donné par Alexandre de Laborde à son « musée de papier ». Cet ouvrage, du premier

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quart du XIXe siècle, constitue l’œuvre d’un Français, d’esprit encyclopédique, et rassemble, sous la forme d’une « collection gravée », une sélection des vases antiques du comte de Lamberg, diplomate autrichien. Quel regard porte Alexandre de Laborde sur cette éminente collection autrichienne ? Comment l’auteur français et le collectionneur autrichien décident-ils de la publication d’un tel ouvrage ? Dans quel contexte ce recueil voit-il le jour ? Multiples sont les interrogations qui planent autour de cet ouvrage original et que cette communication tente de résoudre.

Les deux hommes, voyageurs invétérés, allient carrière politique et amour de l’art. Mais rien ne les amenait à se rencontrer. Cependant, le contexte politico-culturel contemporain opposant la France et l’Autriche en décida autrement.

Alexandre Louis Joseph de Laborde (1773-1842) endossa de multiples identités sociales et assuma avec conviction la pluralité de ses carrières. Homme public, homme de lettres et homme d’esprit, ce personnage est animé d’une curiosité permanente. Au regard de sa production littéraire, il se passionne pour les « monumens » de l’art tels que les vases antiques du Comte de Lamberg.Anton Franz de Paula Lamberg-Sprinzenstein (1740-1822), lui, entreprit une brillante carrière diplomatique et fait figure d’éminent collectionneur à Vienne à la fin du xviiie siècle. Il réunit l’une des plus importantes collections de vases grecs de l’époque.

L’ouvrage d’Alexandre de Laborde mérite une considération particulière parmi les grands recueils gravés. « Souvent il faut expliquer les peintres par les poëtes comme on explique quelque fois les poëtes par les peintres » : ainsi s’exprime Alexandre de Laborde à propos de sa méthode d’analyse des vases.

Alexandre de Laborde’s Collection des vases grecs de M. le Comte de Lamberg, 1813-1824: a French View of an Austrian Collection

Collection des vases grecs de M. le Comte de Lamberg is the title given by Alexandre de Laborde to his ‘musée de papier’. The book, dating from the first quarter of the 19th century, is the work of a Frenchman with an encyclopedic cast of mind, presenting a selection of antique vases owned by the Austrian diplomat Count Lamberg, in the form of an ‘engraved collection’. What view did Alexandre de Laborde take of this eminent Austrian collection? Why and how did the French author and Austrian collector decide to publish a work of this kind? What was the context surrounding its publication? This highly origi-This highly origi-nal work raises numerous questions which the present study aims to answer.

Both men were inveterate travellers who combined their political careers with their love of art. Nothing predisposed them to meet – but the contemporary background of political and cultural rivalry between France and Austria decid-ed otherwise. Alexandre Louis Joseph de Laborde (1773-1842) took on many public roles and embraced a wide range of careers with ability and integrity. Laborde was a public figure, man of letters and thinker, who possessed of an endlessly inquiring mind. As a writer, he was fascinated by what he called ‘monumens’ of art, including Count Lamberg’s collection of ancient vases. Anton Franz de Paula Lamberg-Sprinzenstein (1740-1822) pursued a brilliant diplomatic career, and was a leading collector in Vienna, towards the end of

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the 18th century, amassing one of the period’s largest and most important collections of Greek vases.

Among the most famous engraved albums of the period, Alexandre de Laborde’s work deserves particular attention. ‘Often’, he wrote, describing his methodological approach to the analysis of vases, ‘we must explain painters through the work of poets, as we sometimes explain poets through the work of painters’.

La collection de vases du Musée de PragueMarie Dufková, département des Antiquités classiques, Narodni Muzeum, Prague

Le Musée national de Prague possède la plus grande collection de vases antiques de la République tchèque : il conserve des vases géométriques, corin-thiens, béotiens et de Grèce orientale. La plus grande partie de cet ensemble est composée de céramique attique à figures noires et à figures rouges, de vases italiotes et étrusques ; les vases à vernis noir d’écoles diverses sont tout aussi nombreux.

La formation de la collection d’antiquités classiques du Musée national de Prague remonte au xixe siècle. La plupart des anciens fonds, entrés au musée par donation, n’ont pas été accompagnés d’indications de provenance. Après la première guerre mondiale, le musée a pu acquérir les antiquités classiques du château Brandys, sur l’Elbe. Il s’agit d’une collection habsbourgeoise for-mée par un amateur d’archéologie, Ludwig Salvator. Avant et après la seconde guerre mondiale, quelques vases ont été achetés à un antiquaire d’origine morave, Mehudi ben Zapletal. La plupart de ces vases proviennent de Turquie et de Grèce. Après la seconde guerre mondiale, la collecte de petites collec-tions de province a considérablement accru la collection du musée. Durant cette période ont également été transférées quelques collections plus ou moins importantes provenant de divers châteaux tchèques situés à Prague (musée Metternich, château de Kynžvart, château Libochovice). Il faut men-tionner aussi les vases de H. Palme, propriétaire d’une cristallerie à Kamenický Šenov. Beaucoup d’acquisitions ont pu être faites grâce aux ex–fonctionnaires en mission à l’étranger qui avaient constitué des collections privées entre les deux guerres. La collection de vases antiques du Musée national de Prague a également été enrichie d’acquisitions récentes.

Vases in the Collection of the Narodni Muzeum, Prague

The National Museum in Prague owns the largest collection of ancient vases in the Czech Republic, including representative Geometric, Corinthian, Boeotian, and eastern Greek vases. The greater part of the collection consists of black-figure and red-figure Attic ceramics, South Italian and Etruscan vases. Black-glazed vases from various schools are also well represented.

The National Museum’s collection of vases from classical Antiquity dates back to the 19th century. Most items in the heritage collection were presented to the museum as gifts, and do not include indications of provenance from their donors. After the First World War, the museum acquired a collection of classical Antiquities from Brandys castle, on the river Elbe, formed under the Habsburgs by Ludwig Salvator, an amateur archaeologist. Before and after the Second World War, a number of vases were bought from a Moravian antiques dealer, Mehudi ben Zapletal. Most of these vases come from Turkey or Greece. After the Second World War, small provincial collections entered the museum, considerably extend-ing its holdings. Throughout this period, significant and smaller private collections from Czech castles in Prague also entered the museum (the Metternich museum, Kynžvart castle, Libochovice castle). Other acquisi-tions included vases belonging to H. Palme, the owner of a crystalware factory in Kamenický Šenov, and numerous works owned by retired public servants posted abroad during their careers, who had amassed private collections in the inter-war years. The museum’s collection of ancient vases has also been extended by a number of recent acquisitions.

Les vases du Vatican passés par le musée Napoléon et leurs restaurationsMaurizio Sannibale et Ulderico Santamaria, Musei Vaticani, Cité du Vatican

À la suite du traité de Tolentino, signé à Rome le 19 février 1797, di-verses œuvres d’art antique des musées du Capitole et des musées du Vatican furent emportées à Paris ; parmi elles se trouvaient seize vases figurés de la Bibliothèque Vaticane, qui parvinrent au musée Napoléon entre 1799 et 1801. À la fin du Premier Empire, neuf vases seulement

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retournèrent à Rome, en 1815 et 1816, pour être réintégrés dans les col-lections de la Bibliothèque Vaticane, où ils demeurèrent jusqu’en 1900. À cette date, ils sont transférés avec le reste des vases qui y étaient conservés dans la section “collection de vases” du Museo Gregoriano Etrusco, où ils fi-rent l’objet durant le xxe siècle de nombreuses études qui les firent connaître universellement.

Tous les vases restitués, que l’on considérait génériquement à l’époque comme “étrusques”, couvrent chronologiquement l’ensemble du ive siècle avant J.-C. et sont en réalité d’origine apulienne, illustrant la production des peintres suivants : Peintre de Tarporley (400-380), Peintre de l’Ilioupersis (370-350), Peintre de Varrese (360-340), manière du Peintre de Darius (340-320), Peintre de Perrone (330-310), école des Peintres de la Patère et de Baltimore (330-310), Groupe de Tarente 7013 (320-300).

À Paris restèrent sept vases : quatre vases attiques à figures rouges et trois vases apuliens, parmi lesquels le cratère de Lasimos (K 66). Les vases passés par le musée Napoléon à Paris entre 1799 et 1816, qui se trouvent aujourd’hui au Museo Gregoriano Etrusco, ont été soumis à une campagne de prélèvements destinée à caractériser les matériaux employés durant les opérations de restauration éventuellement menées pendant leur séjour en France. Les recherches ont été effectuées au Laboratoire de Diagnostic pour la Conservation et la Restauration des musées du Vatican, dirigé par Ulderico Santamaria, avec l’assistance de Fabio Morresi et la collaboration de Francesca Romana Cibin, Krystyna Mlynarska et Andrea Pernella.

I vasi del Vaticano già nel Musée Napoléon e i loro restauri

A seguito del trattato di Tolentino, siglato a Roma il 19 febbraio 1797, vennero inviate a Parigi diverse opere d’arte antica dei Musei Capitolini e dei Musei Vaticani, tra cui sedici vasi figurati della Biblioteca Vaticana, che giunsero al Musée Napoléon tra il 1799 e il 1801. Al termine del periodo napoleonico, solamente nove vasi faranno ritorno a Roma tra il 1815 e il 1816, per essere ricollocati nei Musei della Biblioteca in Vaticano, dove resteranno sino all’anno 1900. Da allora infatti, insieme a tutti i vasi originariamente presenti nella Biblioteca Vaticana, essi sono stati trasferiti nel settore della “Collezione dei Vasi” del Museo Gregoriano Etrusco (Musei Vaticani), divenendo universal-mente noti secondo questa nuova collocazione, grazie agli studi che si sono succeduti nel corso del XX secolo.

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Tutti i vasi restituiti, ritenuti all’epoca genericamente “etruschi”, sono in realtà di produzione apula e coprono l’intero l’arco del IV sec. a.C., attraverso i seguenti ceramografi: Pittore di Tarporley (400-380), Pittore dell’Ilioupersis (370-350), Pittore di Varrese (360-340), maniera del Pittore di Dario (340-320), Pittore di Perrone (330-310), scuola dei Pittori della Patera e di Baltimora (330-310), Gruppo di Taranto 7013 (320-300).

A Parigi restarono sette vasi: quattro attici a figure rosse e tre apuli, tra i quali spicca il vaso di Lasimos (K 66). I vasi transitati nel Musée Napoleon di Parigi (1799-1816), e oggi nel Museo Gregoriano Etrusco, sono stati sot-toposti a una campagna di campionamenti mirata alla caratterizzazione dei materiali impiegati durante le operazioni di restauro effettuate presumibil-mente durante la loro permanenza in Francia. La scelta dei punti di prelievo si è basata sui risultati delle indagini preliminari di tipo non distruttivo - XRF, fluorescenza in luce UV - condotte in situ sull’intero gruppo: MGE 17163 (X 6), 17200 (AA 1), 17948 (T 9), 18071 (V 38), 18105 (X 5), 18106 (X 7), 18275 (AC 1), 37000. Come termine di paragone, è stato analizzato il cratere a volute del Pittore dell’Ilioupersis MGE 18255 (AA 2), che non fu inviato a Parigi ma che costituisce uno dei vasi con la più antica storia collezionistica, essendo tra quelli già presenti nella raccolta del giureconsulto napoletano Giuseppe Valletta nel XVII secolo, poi confluita in quella del Cardinale Filippo Antonio Gualtieri nel 1688. La stessa storia collezionistica è condivisa dai vasi MGE 17200 e MGE 18106, ex Musée Napoléon. In to-tale sono stati analizzati 23 campioni prelevati da quattro dei nove vasi. La caratterizzazione morfologica ed elementale dei materiali è stata realizzata mediante l’allestimento di sezioni lucide, osservate in microscopia ottica ed analizzate mediante microscopia SEM-EDS. Data la complessità stratigrafica dei campioni, l’integrazione dei dati analitici si è avvalsa dell’ausilio delle tec-niche di Microscopia Infrarossa. L’analisi della componente organica è stata ulteriormente approfondite mediante il ricorso ad indagini cromatografiche Py-GC-MS e GC-MS.

Le indagini sono state effettuate dal Laboratorio di Diagnostica per la Conservazione ed il Restauro, Musei Vaticani, diretto da Ulderico Santamaria, con l’assistenza di Fabio Morresi e l’operato di Francesca Romana Cibin, Krystyna Mlynarska, Andrea Pernella.

Lagrenée restaurateur et ses contemporains : autopsie d’un savoir-faireNathalie Balcar et Yannick Vandenberghe, C2RMF

Depuis une dizaine d’années, des recherches historiques conduites au C2RMF et à l’INHA sur la restauration du vase grec ont été accompagnées de l’étude scientifique des anciennes interventions. En travaillant sur un corpus d’une centaine d’objets, on a pu retracer certaines pratiques ou-bliées, liées à de grands foyers italiens (Naples, Rome) et français (Paris), à la fin du xviiie siècle et durant la première moitié du xixe siècle.

Dernièrement, les recherches se sont concentrées sur trois acteurs par-ticulièrement importants : Jean-Jacques Lagrenée (1739-1821), Johann Wilhelm Tischbein (1751-1829) et Luigi Brocchi (1770-1839). Tischbein, directeur de l’Académie des Beaux-Arts de Naples, et certains de ses élèves ont collaboré à la fin du xviiie siècle à la publication des vases de la seconde collection Hamilton ; c’est dans ce contexte que des restau-rations et des copies de vases antiques ont aussi été réalisées. Lagrenée et Brocchi ont, pour leur part, restauré des vases saisis en Italie et entrés au Louvre. De ce fait, l’enquête a été étendue, en collaboration avec les musées du Vatican, à certains vases restitués par le musée Napoléon en 1815.

L’exposé montrera comment les analyses scientifiques éclairent, par l’étude de la matière, les manières de faire de ces protagonistes. Quoique diffé-rentes les unes des autres, elles mettent en œuvre des techniques picturales élaborées – et d’une remarquable résistance aux altérations – au service de restaurations plus ou moins illusionnistes.

Par contraste avec cette sorte d’« âge d’or », des interventions plus an-ciennes, réalisées vraisemblablement dans la première moitié du xviiie siècle, paraissent constituées d’une matière plus grossière, maintenant dégradée, tandis que d’autres, plus proches de nous (fin du xixe et xxe siècle), s’avèrent dépourvues de soin et de qualités d’intégration. Ce nouveau volet d’études en cours, dont on présentera les premiers résultats, permettra de préciser si Lagrenée et ses contemporains ont perfectionné un travail entamé par leurs prédécesseurs, ou bien s’ils sont les instigateurs de nouvelles tech-niques dont leurs successeurs ont ensuite fait table rase.

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The Restorer Lagrenée and his Contemporaries: Autopsy of a Body of Expertise

For the past ten years, historical research into Greek vase restoration, car-ried out by the C2RMF and the INHA, has complemented the scientific study of early repairs. Working on a corpus of one hundred objects, the team has retraced a number of forgotten techniques connected with the major Italian and French restoration centres (Naples, Rome, Paris) in the late 18th century and the first half of the 19th century.

Recent research has concentrated on three particularly important figures: Jean-Jacques Lagrenée (1739-1821), Johann Wilhelm Tischbein (1751-1829) and Luigi Brocchi (1770-1839). Tischbein (director of the Naples Academy of Fine Arts) collaborated with some of his pupils on a project to publish vases in the second Hamilton collection, at the end of the 18th century; in this context, restoration work and copies of ancient vases were also undertaken. In Paris, Lagrenée and Brocchi restored vases seized during the Napoleonic campaigns in Italy and placed in the collections of the Louvre. From here, the investigation was extended – with the collaboration of the Vatican Museums – to a number of vases returned there from the Musée Napoléon in 1815.

The presentation will show how scientific analysis can shed new light on the early restorers’ various materials and methods, and their collective use of remarkably resilient painterly techniques, developed in support of more or less ‘illusionistic’ restoration practices.

In contrast to this ‘golden age’, earlier restorations – apparently dating from the first half of the 18th century – seem to use coarser materials which have deteriorated subsequently, while other more recent work (in the late 19th and early 20th centuries) seems careless and unconcerned with the need for seamless invisibility. We present the first findings from this new, ongoing field of investigation, enabling us to determine whether Lagrenée and his contemporaries were perfecting approaches initiated by their predecessors, or instigating new techniques which their own successors later disregarded.

“Un prodige de la conservation”. Chimie et restauration du vase au temps de Lagrenée (1780-1820 environ)Brigitte Bourgeois, INHA

La matérialité du vase grec a longtemps recélé une part de mystère, en raison de l’oubli total dans lequel sont tombées les techniques de fabrication an-tiques ; ce n’est que par étapes successives, jalonnées d’erreurs, que la science moderne a réussi, au xxe siècle, à vraiment résoudre l’énigme.

Au tournant des xviiie et xixe siècles, la rencontre sensible des amateurs et des savants avec cette nouvelle classe d’antiques suscite des réactions variées, mêlées d’étonnement, devant un objet d’une austérité chromatique frap-pante, porteur d’inscriptions souvent incompréhensibles et dont la nature physique demeure controversée. De quoi est donc fait ce vase qui a si bien résisté à l’ensevelissement, ce « prodige de la conservation » comme le dira plus tard Alexandre de Laborde ? N’offre-t-il pas un curieux paradoxe ? Un produit céramique, dont le corps s’apparente à une vulgaire poterie com-mune, présente une couverte à la brillance, semble-t-il, inaltérable, sous la forme de ce « vernis noir » dont la composition et les propriétés défient le savoir des premiers chimistes.

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Dès la seconde moitié du xviiie siècle, en effet, des hommes de science soumet-tent les vases aux méthodes de la chimie et de la minéralogie naissantes. Parmi ces pères fondateurs d’une archéométrie des vases, moins connus qu’Alexandre Brongniart, figurent Jean d’Arcet, Jean-Antoine Chaptal et Nicolas Vauquelin. Des figures importantes, liées aux mouvements des arts et de l’industrie, de la science et de la politique. Quels étaient leurs objectifs, quelles interprétations ont-ils proposé, et quel a pu être l’impact de leurs théories sur le devenir, maté-riel et savant, du vase grec ? Dans quelle mesure enfin la démarche de restaura-tion alors pratiquée est-elle en rapport ou non avec cette culture scientifique ?

L’exposé présentera quelques pistes de réflexion sur ce thème, en privilégiant la période 1780-1820, moment fondateur durant lequel des protagonistes majeurs tels que Jean-Jacques Lagrenée, dit le Jeune (1739-1821), et Luigi Brocchi (1770-1837), implantent la restauration des vases peints antiques, à Sèvres et au Louvre.

‘A Miracle of Conservation’: Chemistry and Vase Restoration in the Time of Lagrenée (c. 1780-1820)

The material composition of ancient Greek vases was, for many centuries, something of a mystery, due to our complete ignorance of ancient manufac-turing techniques. Only recently and gradually have the successive discoveries – and errors – of modern science truly enabled us to solve the riddle during the 20th century.

At the turn of the 18th and 19th centuries, this new class of antiquities – with their striking, austere color, often incomprehensible inscriptions and much-disputed physical nature – provoked wide-ranging reactions and astonishment, in amateurs and experts alike. What were these vases made of, to survive centuries of burial unscathed – this ‘miracle of conservation’ as Alexandre de Laborde was later to describe it? Was it not, indeed, a curious paradox? While its body looked like a plain ware, the Greek vase presented a coating (the so-called ‘black glaze’) whose shine seemed virtu-ally indestructible, and whose composition defied the expertise of the first modern chemists.

Beginning in the second half of the 18th century, scientists subjected the vases to methodical investigation in light of the new sciences of chemistry

and mineralogy. Among the founding fathers of the archaeometry of ancient vases (and less well-known than Alexandre Brongniart) were Jean d’Arcet, Jean-Antoine Chaptal and Nicolas Vauquelin: important figures involved in industrial and applied arts, science and politics. What were their aims, what interpretations did they suggest, and what was the impact of their theories? Finally, to what extent were current restoration practices related to this early scientific culture?

The presentation will explore these various avenues, focusing on the period from 1780 to 1820, during which key protagonists such as Jean-Jacques Lagrenée (known as ‘le Jeune’) (1739-1821) and Luigi Brocchi (1770-1837) restored vases at the Sèvres porcelain factory and the Louvre.

Le duc de Luynes et sa démarche de reproduction des vases grecsAnne Bouquillon, C2RMF, et Cécile Colonna, département des Monnaies, médailles et antiques, Bibliothèque nationale de France

Le duc de Luynes (1802-1867), riche aristocrate et grand mécène, s’est intéressé très tôt à l’archéologie grecque, publiant études et monographies, et rassemblant une belle collection de monnaies et d’archéologie. Son in-térêt pour les œuvres du passé s’est d’emblée accompagné d’un désir de comprendre et de retrouver les techniques de création des œuvres antiques, en métal ou en terre cuite. La question de la nature du fameux « vernis noir » a tôt attiré son attention, et il s’est attaché à percer le mystère de sa composition dans le laboratoire qu’il avait fait installer dans le château de Dampierre. De ces essais nous restent quelques archives, un article publié en 1832, et deux vases à figures rouges fabriqués par ses soins : l’amphore qu’il a donnée au musée de Céramique, à Sèvres, en 1834, et une coupe conservée au Cabinet des médailles de la BnF (donnée avec le reste de sa collection en 1862). L’étude de ces indices permet d’approcher la démarche pragmatique et novatrice mise à l’œuvre par ce grand chercheur pour appro-cher au plus près la matérialité du vase grec.

En complément des recherches historiques, l’étude scientifique des deux vases a été réalisée au C2RMF, selon des techniques entièrement non destructives (diffraction des rayons X et techniques par faisceaux d’ions (PIXE/PIGE) mises en œuvre sur AGLAE, l’accélérateur de particules du C2RMF).

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Si la pâte céramique rentre dans les compositions traditionnelles des terres cuites (terre argileuse, modérément calcique et ferrifère), le « vernis » noir correspond ici à une glaçure siliceuse, alcaline ou alcalino-plombifère selon l’objet considéré, dont la coloration noire est obtenue par la présence de très fortes quantités de cuivre (près de 20% CuO) sous forme de ténorite (CuO) cristallisée.

De manière paradoxale, ces compositions ne correspondent en rien aux résultats des analyses menées par le duc de Luynes comme par le laboratoire de Sèvres sous la direction d’Alexandre Brongniart ; celles-ci montraient déjà que le vernis noir contenait de la silice, de l’alumine, du potassium et que le noir était dû à la présence d’oxyde de fer sous forme réduite. Comment concilier ce que nous apprennent les sources écrites et l’étude matérielle des vases ? Les divergences observées traduisent-elles une impossibilité technique de réalisation, ou bien éclairent-elles différentes facettes d’une démarche archéologique ?

The Duke of Luynes and his Approach to the Reproduction of Greek Vases

The Duke of Luynes (1802-1867) – a wealthy aristocrat and noted patron of the arts – took an early interest in Greek archaeology, publishing studies and monographs, and amassing a fine collection of coins and archaeological ar-tefacts. His interest in ancient artworks and objects went hand-in-hand with a desire to understand and rediscover their creative techniques, in metal and terracotta alike. His attention was quickly drawn to the question of the precise nature of the celebrated ‘black glaze’; in his private laboratory at the Château de Dampierre, the Duke set about penetrating the mystery of its chemical com-position. His trials produced a handful of archives, an article published in 1832, and two red-figure vases made by the Duke himself: an amphora presented to the Sèvres ceramics museum in 1834, and a cup preserved in the Cabinet des Médailles (presented to the French national library with the rest of his collection in 1862). Studying these clues enables us to reconstruct the pragmatic, innova-tive approach of this important investigative scholar and scientist, and to arrive at a closer definition of the material composition of Greek vases.

Complementing this historical research, the C2RMF has carried out a scientific study of the Duke’s two self-made vases using non-destructive techniques

(x-ray diffraction, and ion-beam analysis techniques (PIXE/PIGE) available on the particle accelerator AGLAE).

The clay body used for both vases corresponds to the composition of tradi-tional terracotta wares (a moderately calcic and ferruginous clay). However, the Duke’s black ‘gloss’ is a siliceous (respectively) alkaline or lead-alkaline glaze, whose black colour is obtained thanks to the presence of high quanti-ties of copper (almost 20 per cent CuO) in the form of crystallized tenorite or black copper oxide.

Paradoxically, these compositions in no way correspond to the analyses of ancient vases carried out and recorded by the Duke of Luynes, or the labo-ratories at Sèvres under the direction of Alexandre Brongniart. These early investigations identified the presence of silica in the ancient glaze, but also aluminium and potassium, while the black coloration was attributed to the presence of ferrous oxide. How can we reconcile what we have learned from the written sources, and the material study of the Duke’s vases? Do the dif-fering results reflect the impossibility of reproducing ancient techniques, or shed new light on different facets of a particular archaeological approach?

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Enrico Pennelli : la trajectoire d’un restaurateur de vases étrusques du xixe siècleGianpaolo Nadalini, Institut national du patrimoine

ΠΕΝΝΕΛΛΙΟΣ ΕΠΟΙΕΣΕΝ, c’est la signature que l’on peut lire sur un vase de forme attique conservé au musée Hébert, à Paris. Cadeau amusant d’Enrico Pennelli au peintre Ernest Hébert ? Des investigations sont menées au C2RMF. Elles révèleront la technologie de fabrication.

Au delà de cette falsification assumée, c’est le contexte, la vie, la carrière et les activités d’Enrico Pennelli (1832-1890) qui seront reconstitués. Celui qui est considéré, à tort ou à raison, comme une figure emblématique de la restaura-tion de vases grecs du xixe siècle, a en effet vécu pendant quarante quatre ans à l’ombre du musée Campana où il s’est formé et qu’il suivra de Rome à Paris.

Enrico Pennelli: the Career of a 19th-Century Etruscan Vase Restorer

ΠΕΝΝΕΛΛΙΟΣ ΕΠΟΙΕΣΕΝ: the signa-the signa-ture appears on a vase of Attic shape preserved at the musée Hébert in Paris. A witty gift, perhaps, from Enrico Pennelli to the painter Ernest Hébert?

Investigations carried out by the C2RMF have revealed the technology used in the vase’s manufacture. The presentation examines the story behind this deliberate, avowed forgery, and the historical context, life, career and activities of Enrico Pennelli (1832-1890). Hailed – rightly or wrongly – as an iconic figure in the history of Greek vase resto-ration in the 19th century, Pennelli spent forty-four years working in the shadow of Rome’s Campana museum, where he was trained, and whose collections he followed from Rome to Paris.

Francesco Depoletti (1779-1854), un homme de réseaux entre collectionnisme et restaurationMarie-Amélie Bernard, INHA, Université de Paris - I Panthéon-Sorbonne

Francesco Depoletti, peintre et micromosaïste, fut formé à la restauration des vases grecs à Naples vers 1825. Il rentra à Rome à la fin des années 1820, au moment où la découverte des nécropoles étrusques allait entraîner le déplacement du centre du commerce des vases peints de Naples à Rome : le quartier de la Trinité des Monts devint le cœur européen de ce marché, entre les mains de personnages cumulant les activités de marchand, de restaurateur, d’archéologue, d’expert et d’érudit. Depoletti, marchand et restaurateur de vases, fut l’une de ces figures polymorphes. Par son an-crage dans ce quartier et par ses déplacements en Italie et à l’étranger, il noua des relations avec des collectionneurs de toute l’Europe et s’inscrivit au cœur d’un réseau international où activités savantes et commerçantes se nourrissaient mutuellement et où les mêmes acteurs conjuguaient des savoirs et savoir-faire aujourd’hui académiquement distincts. Il collaborait de manière régulière avec l’Institut de Correspondance Archéologique, le Musée grégorien étrusque, et comptait parmi ses clients des collectionneurs italiens, français, britanniques, mais aussi russes et hongrois.

La communication montrera comment Francesco Depoletti servit de rouage entre le marché, l’érudition et la restauration. Les cas de Ferenc Pulszky, collectionneur et homme politique hongrois, et du comte Gouriev, ambas-sadeur de Russie à Rome et Naples, illustreront la fascination de la haute société européenne pour les vases peints. Les liens de Depoletti avec le prince de Canino, qu’on examinera ensuite, sont révélateurs d’une autre conception de l’antique, considéré comme objet d’étude et de négoce. Les activités d’archéologue, de collectionneur et d’écrivain de Lucien Bonaparte sont désormais bien connues ; ce sont donc ses rapports avec les marchands et restaurateurs, ce qu’ils révélent de sa manière de conjuguer collection, étude et restauration, qu’on cherchera à mettre en lumière.

Francesco Depoletti (1779-1854) and the Networks of Vase Collecting and RestoringThe painter and micro-mosaicist Francesco Depoletti was trained in the restoration of Greek vases in Naples, c. 1825. He returned to Rome at the

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end of the 1820s, just as the dis-covery of the Etruscan necropoles shifted the focus of contemporary dealership in painted vases from Naples to Rome. The city’s Trinità dei Monti district became the centre of the European market in painted vases, steered by polymor-phous characters who were at once dealers, restorers, archaeologists, experts and scholars. The vase dealer and restorer Depoletti was one such: based in Trinità dei Monti, but travelling widely throughout Italy and abroad, he forged close links with collectors from all over Europe and established himself as a pivotal figure at the heart of an international network in which scholarly research and commerce functioned as mutually enriching sources of knowledge and new discoveries, and where key individuals pursued spheres of expertise which have become academically distinct today. Depoletti collaborated regularly with the Istituto di corrispondenza archeologica and the Gregorian Etruscan museum in Rome; his clients in-cluded mostly Italian, French and British collectors, together with a handful of Russians and Hungarians.

The presentation will show how Francesco Depoletti played a key role in between the art market, scholarship and restoration. Two case studies, deal-ing with the Hungarian collector and politician Ferenc Pulszky, and Count Gouriev (Russia’s ambassador to Rome and Naples), will illustrate European high society’s fascination with painted vases. Depoletti’s links to the Prince of Canino reveal another concept of Antiquity, as an object of scholarly study and commercial transactions. Lucien Bonaparte’s activities as an ar-chaeologist, collector and writer are well known to modern scholars: the presentation will look at his less-documented links with dealers and restor-ers, and what they can tell us about the way he too combined collecting, scholarship and restoration.

Les vases d’Antonio Pizzati au musée de l’Ermitage : études scientifiques et perspectivesAnastasia Bukina et Ksenia Chugunova, département des Antiquités classiques, The State Hermitage Museum, Saint Pétersbourg

En 1834, le Cabinet de l’Empereur de Russie acquit pour l’Académie impériale des Arts la collection d’antiquités réunie par le Cavaliere Dottore Antonio Pizzati. Il s’agit du premier ensemble de ce genre importé en Russie. Dans le catalogue de la collection Pizzati, qui a été conservé, l’auteur, Raffaele Gargiulo, décrit avec force détails environ 1400 objets, dont 700 vases grecs et italiotes. Il indique l’état de conservation des pièces, les restaurations exis-tantes, et donne des informations sur leur provenance. La plupart des vases ont été trouvés dans le Royaume des Deux-Siciles ; au moins quatre-vingts d’entre eux proviennent de Corneto et Canino, et une pièce a fait partie de la collection du prince de Canino.

Depuis 1851, la collection Pizzati appartient au musée de l’Ermitage, et un grand nombre de ces vases ont été conservés dans leur état initial. Nous sommes donc confrontés à la question suivante : faut-il restaurer à nouveau les objets ou bien les conserver dans cet état historique ? À cela s’ajoutent des problèmes liés à la publication des vases comportant des restaurations anciennes dans le Corpus Vasorum Antiquorum (CVA). Les scientifiques et les conservateurs établissent ensemble les descriptions techniques dé-taillées des objets exposés, ils sondent leur état matériel afin de mettre en évidence les cassures, les comblements en terre cuite ou en plâtre ainsi que les repeints modernes. En pratique, la priorité est donnée à des méthodes d’investigation non destructives telles que la radiographie, l’examen sous lumière UV ou l’analyse par fluorescence de rayons X. Selon les résultats ob-tenus, la décision est prise de conserver ou non les anciennes restaurations. Le plus souvent, les petits éléments repeints ainsi que les vernis modernes sont conservés, à moins que le vase ne nécessite d’être lavé, en raison de l’imprégnation des sels. En revanche, le problème posé par les zones large-ment repeintes mène à la recherche d’un compromis entre l’intérêt que pré-sente l’histoire de la muséologie et les objectifs muséologiques modernes. L’exposé analysera cette problématique à l’aide de plusieurs études de cas (vases attiques et corinthiens).

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Vases of Antonio Pizzati in the State Hermitage Museum: Scientific Studies and Perspectives

In 1834, the Russian Emperor’s Cabinet pur-chased, for the Imperial Academy of Arts, the collection of classical antiquities assembled by Cavaliere Dottore Antonio Pizzati. It rep-resented the first important ensemble of this kind to be imported into Russia. The catalogue of Pizzati’s collection has been preserved: the author Raffaele Gargiulo described about 1400 objects, among which 700 Greek and South Italian vases are considered in the most detailed manner. Gargiulo described their condition and existing restorations, as well as the provenance data. Most vases had been found in the Regno delle Due Sicilie: at least 80 of them came from Corneto and Canino, and one piece was earlier possessed by the Principio di Canino.

Since 1851, the Pizzati’s collection belongs to the Hermitage Museum, and a considerable part of these vases have been kept in their initial condition. We therefore have to face the issue of whether to re-treat or preserve this historical state. There are also specific problems concerning publication requirements in the CVA of vases with old restorations. Thus our scientists and keepers are working together on the detailed technical descriptions of displayed objects, investigating their physical integrity in order to reveal break lines, terracotta or plaster fills, as well as modern overpaint. Priority is given to nondestructive methods such as radiogra-phy, examination under ultraviolet light, and X-ray fluorescence analysis. According to what we find, we elaborate an approach on whether or not to keep the old restorations. Most often we preserve small overpainted elements as well as varnishes, unless the vase needs to be washed because of salt impregnation. The problem of large overpainted elements leads us to seek a compromise between the interests of the history of museology and modern museological goals.

As an example, considerable losses in the original painting have been observed on a Pizzati’s Tyrrhenian amphora that exhibits a heavily repainted surface. Areas with a well-preserved ancient décor were cleaned, while the overall aspect of the object was maintained. A Corinthian globular red-grounded oinochoe bears only limited overpaint on the figured part, but its black-glazed parts are covered with plaster and solid paint. In that case, we chose to clean the figures and one area below the handle (to demonstrate preserved added red).

A special case is an Athenian black-figure amphora assembled from shards, presumably burnt in Antiquity, and from modern terracotta fills, tinted with gray inclusions in order to imitate the color of the original fragments. Gargiulo reported that the vase is “un poco ristaurato” and guessed that it was used during an ancient burial ceremony. The examination under ultraviolet light gave us an idea of joins, additions and modern painted elements, but due to the heavy overpaint, attribution to an ancient vase painter was impossible. We decided to clean all the ancient fragments, without disassembling the vase, and to investigate the micro-sampling by FTIR spectroscopy. Some of the Pizzati’s vases should be thoroughly investigated, using all methods including thermoluminescence analysis. A case-study is a Corinthian atticizing lekythos with comasts (a type of iconography unique for this class). We have found out that the vase is assembled from parts of an ancient vessel. It seems that some of the original decor is kept on the body but covered with a solid plaster layer and repainted. The quality of the modern overpaint is so high that it looks exactly like the ancient one. In addition, the limits between modern elements (figures and background) and ancient ones (such as a rosette) are indistinguishable. The Italian restorer’s work of the 19th century seems to have more value this time than what has been observed so far on Late Corinthian vases that have been already cleaned and published.

Les vases antiques du cabinet des vases du roi Christian VIII de Danemark : de la catégorie la moins et cependant la mieux restauréeBodil Bundgaard-Rasmussen, Nationalmuseet, Copenhague

C’est par cette appréciation que le diplomate et archéologue danois P. O. Broendsted appuya auprès du prince Christian Frederick de Danemark

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l’acquisition d’une amphore attique, en 1820. Lors de son séjour de quelques mois à Naples, le prince avait fait la connaissance de l’ancien archevêque Giuseppe Capece Latro. Ce dernier conservait dans sa villa de Portici Capece une collection assez considérable d’antiquités composée de bronzes, de sculptures, de terre cuites et plus particulièrement de vases provenant d’Italie du sud et de Grèce, parmi lesquels l’amphore préci-tée, « très peu et très bien restaurée ». Il était désireux de tout vendre et Christian Frederick, collectionnant déjà les monnaies et les minéraux, acquit la collection, créant ainsi ce qui fut ensuite appelé « le Cabinet royal des vases ».

La plupart de ces vases forment actuellement le cœur de la collection de céramiques du département des Antiquités classiques du musée national du Danemark. La communication retracera les grandes lignes de l’histoire de cette acquisition en prêtant une attention particulière à l’amphore et à sa restauration ainsi qu’à des questions analogues posées par d’autres pièces de la collection.

Ancient Vases in the Christian VIII’s Vase Cabinet - of the Least Restored and yet the Best Restored Category

Using this evaluation, the Danish diplomat and archaeologist P.O. Broendsted recommended the acquisition of an Attic amphora to Prince Christian Frederik of Denmark in 1820. The Prince had been in Naples for several months and had made the acquaintance of the former archbishop, Guiseppe Capece Latro. In his country house at Portici Capece, Capece Latro had a fairly large collection of antiquities, including bronzes, sculptures and terracottas, and especially vases – mostly South Italian and a few Greek, among them the ‘least restored yet best restored’ amphora. He was eager to sell everything, and the Prince, who was already a collector of coins and minerals, acquired the collection and thus created what was later termed ‘The Royal Vase Cabinet’.

The many vases now form the core of the pottery collection in the Collection of Classical Antiquities at the National Museum of Denmark. The paper will outline the story of the acquisition with special regard to the amphora and its restoration as well as to other similar aspects of the collection.

Les vases attiques de la collection Campana du musée de l’Ermitage : restaurations anciennes et choix actuels concernant leur exposition, leur étude et leur conservationAnna Petrakova et Olga Shuvalova, département des Antiquités classiques, The State Hermitage Museum, Saint Pétersbourg

Acquis par le musée de l’Ermitage en 1861-62, les vases de la collection Campana sont mieux connus et estimés que ceux provenant d’autres collections. Très solli-cités tout au long du xxe siècle, beaucoup d’entre eux n’ont pu bénéficier d’une restauration appropriée, d’une part parce qu’il était impossible de les remplacer dans les salles d’exposition, d’autre part par crainte de « détruire » un objet qui était à première vue présentable. L’exposition actuelle est donc réduite à un faible nombre d’œuvres, en raison du mauvais état d’une majeure partie de la collection. La publication des collections de l’Ermitage dans le Corpus Vasorum Antiquorum (CVA) et l’ouverture prochaine de nouvelles salles d’exposition rendent donc particulièrement aigu le problème de la restauration.

De nombreux vases de la collection Campana avaient déjà été restaurés au moment de la vente. Ils avaient été assemblés à partir de fragments, les

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parties manquantes avaient été comblées et un repeint moderne, imitant la peinture ancienne, avait été ajouté. Au début du xxe siècle certains d’entre eux ont commencé à se détériorer. Or, selon la conception dominante de l’époque, seuls les éléments antiques devaient être préservés. De la sorte, on ne garda que deux fragments du cratère B.1843, pourtant acquis à l’état de vase entier. À la suite de telles expériences de démantèlement produisant des fragments d’objets impossibles à présenter, le principe « conserver plutôt que restaurer » a désormais prévalu. Au cours du xxe siècle, les vases ont donc été consolidés à l’intérieur à l’aide de gaze et de mastic, tandis que de la colophane était appliquée à l’extérieur. Cependant, comme aucune élimination des sels n’avait été pratiquée avant le travail d’assemblage du xixe siècle puis lors des mesures conservatoires du xxe siècle, le processus de destruction a perduré sous le « maquillage » de la restauration.

Aujourd’hui, on privilégie une approche spécifique pour chaque vase de la collection Campana. Alors que certains d’entre eux peuvent être superficiellement nettoyés ou conservés en l’état, d’autres, dans un état critique, nécessitent une restauration complète avec démontage. Ce travail doit être effectué après qu’ont été menées toutes les études physiques et chimiques sur les matériaux des restaurations antérieures, et pris en considération tous les éléments connus sur celles-ci. Plusieurs dossiers (cratère B.1525, olpè B.1395, amphore B.1389) seront présentés pour éclairer les choix actuels.

Attic Vases from the Campana Collection in the State Hermitage Museum: Old Restorations and Present Attitude Regarding their Display, Study and Conservation

Vases from the Campana collection, purchased by the Hermitage in 1861-62, became better-known and more valuable than vases bought from other collections. Sought after throughout the whole 20th century, many of them could not be properly restored because it was impossible to replace them in exhibition galleries and because of the fear of ‘destroying’ an item that was good-looking at first glance. The present exhibition is therefore reduced to a rather small number of objects, due to the bad condition of the major part of the collection. Under these circumstances, the current publication of the Hermitage CVAs and the upcoming opening of new exhibition halls make the problem of restoration especially relevant.

Many vases from the Campana collection had been already restored by the time of the sale: they had been reassembled from fragments, missing parts had been filled in, and modern overpaint, imitating the ancient painting, had been added. At the beginning of the 20th century, some of them started to fall apart. According to the prevailing attitude of the time, only original ancient parts used to be saved. Thus, only two fragments of krater B.1843, bought as a whole shape, have been preserved. After some unsuccessful experiments, which lead to the destruction of the object and the loss of a full museum exhibit, the attitude throughout the 20th century was: conservation instead of restoration. Vases used to be consolidated from inside with gauze and mastic, while colophony was applied on the outside. Both the 19th century assembly work and the 20th century conservation effort were performed without pre-liminary removal of salts, and the process of destruction thus continued under the ‘cosmetic’ restoration.

Today’s attitude towards the Campana vases is to treat each according to an individual approach. While some can be just cosmetically cleaned or con-served, vases in critical condition require full restoration with disassembling. The work has to be done after carrying out all possible physical and chemical studies of materials used in previous restorations, after documenting all the stages in the process and keeping all the elements left from previous restora-tions. Such was the case in 2009 with the restored krater B.1525. The body of olpe B.1395 complete but much worn, was repainted in the 19th century. After physical and chemical studies, it was decided to wash away all the overpaints, as they obscured the overall understanding of the object, while the original painting was preserved enough to ensure that the olpe after de-restoration would still be an object of museum value. There are also cases when it is dif-ficult to disassemble or to clean the object, because it will lead to irreversible losses. The amphora B.1389 was not cleaned and received a 20th century con-servation treatment over a 19th century repainted surface. There is a danger that salts may destroy the object from inside, but there is also a danger that cleaning the object may damage it, because a painting consolidation treat-ment performed in the 20th century cannot be cleaned now without harm to the original surface. Physical and chemical studies allow us to understand the condition of the object and to precisely identify what is ancient and what is not, but the object, sparingly cleaned and conserved, should not be disas-sembled until new methods are found.