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Lu t i l i s a t i on de l a mé t apho r e dans l e p r oc e ssus de c onc ep t i on a r c hi t e c t u r a l e Mémoi r e Séminai r e AMC Cheva l i e r Aga t he - Pr emi è r e Année de Mast e r – ENSA Toul ouse Enseignan ts : D. Bonna l , D. Est eve z , P. Lamy, J. Pouz enc - Enseignan t invi t é : U. Sehe r Juin 2008

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L’ut ilisat ion de la métaphore dans le processus de concept ion architecturale

Mémoire Séminaire AMCChevalier Agathe - Première Année de Master – ENSA Toulouse

Enseignants : D. Bonnal, D. Estevez, P. Lamy, J. Pouzenc - Enseignant invité : U. SeherJuin 2008

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Sommaire

Introduct ion

Part ie 1 : La métaphore

A. En linguist ique1. Déf init ion2. De la comparaison à la métaphore3. En linguist ique structurale4. Degré d’originalité des métaphores

a. La catachrèseb. La métaphore f igéec. La métaphore vive d. La métaphore f ilée

B. La concept ion architecturale1. « Filer une métaphore »2. Not ion de traits sémant iques

C. Les architectes et la métaphore : trois exemples1. Le Corbusier, le mur de lumière2. Bibliothèque d’Alexandrie, le pilier-papyrus3. Toyo Ito, la métaphore du jardin

Part ie 2 : Du projet à la métaphore

A. Dans le projet urbain 1. Une î le2. Trois icebergs3. Un archipel de quatre î les

a. L’ident ité propreb. L’isolementc. L’accèsd. Les limites

B. Dans le projet architectural 1. L’enveloppe2. Le creusement3. Le parcours4. Le rapport au sol

Part ie 3 : De la métaphore au projet : réponses architecturales et urbaines

A. Dans le projet urbain 1. L’ident ité propre2. L’isolement3. L’accès4. Les limites

B. Dans le projet architectural1. L’enveloppe2. Le creusement3. Le parcours4. Le rapport au sol

Conclusion

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Introduct ion

Le système ordinaire qui nous sert à penser et à agir quot idiennement est de nature fondamentalement métaphorique. Même si nous ne sommes pas toujours conscients des métaphores auxquelles nous nous référons, ce procédéconceptuel joue un rôle central dans la déf init ion de notre réalité quot idienne.

Le séminaire AMC permet de met tre en place des quest ionnements sur la concept ion en architecture et pour cela l’accent est mis, entre autre, sur le raisonnement par métaphore. Après avoir exploré le rôle de la métaphore et du potent iel de la pensée métaphorique pendant les deux semaines intensives AMC puis en projet , il m’a paru intéressant de revenir, à travers ce mémoire, sur mon expérience face à cet te méthode de concept ion.

La première part ie propose de déf inir le terme de « métaphore » de façon théorique. Il s’agit d’abord d’explorer cet te f igure d’un point de vue linguist ique avant de voir en quoi elle peut devenir un objet opérant dans une démarche de concept ion en architecture. Cet te quest ion est ensuite illustrée par trois exemples d’architectes qui ut ilisent la métaphore dans le processus de concept ion

Nous verrons ensuite, à part ir de mon expérience de projet ce semestre, comment l’ut ilisat ion de la métaphore a guidé ma démarche de concept ion dès le départ . En ef fet , la deuxième part ie montre comment et à quel moment elle appara î t . Nous verrons qu’à travers son réseau sémant ique d’autres interrogat ions apparaissent et viennent enrichir le projet .

Dans une troisième part ie, il sera quest ion du retour obligatoire de la métaphore vers le projet . Il s’agit , à part ir des mots engendrés par la métaphore, de proposer de réelles réponses architecturales et urbaines (quest ion de limite, d’accès, de forme par exemple).

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Part ie 1 : La métaphore

Avant d’entamer le récit de ma propre expérience, il me parait important de me proposer une déf init ion de la métaphore. Une vingtaine de disciplines scient if iques ont pris le part i de la « théoriser » : psychanalyse, linguist ique, rhétorique, philosophie, poét ique, sémant ique, sémiologie, stylist ique, épistémologie, etc... Il s’agit donc ici, de faire ressort ir de cet te profusion de théories et d’approches des not ions de base qui appuieront par la suite mon propos.

Après cet te déf init ion, je me suis at tachée à comprendre le lien étroit qui existe entre la métaphore et l’acte de concept ion en architecture. En quoi la métaphore serait -elle une source de créat ion ?

Une série d’exemples permet de comprendre, de façon chronologique, comment l’architecte-concepteur peut prendre au sérieux une image qui produit un récit , une métaphore, et quelles en sont les transformat ions au cours du projet .

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A. En linguist ique

1. Déf init ion

En rhétorique, la métaphore est un trope puisque cet te f igure a pour ef fet de détourner un mot de son sens habituel.

En ef fet , le mot trope veut dire changement de sens. En termes savants, cet te opérat ion s’appelle métasémème, c’est -à-dire remplacement d’un schème par un autre. Concrètement le sémème est le signif ié d’un mot . Autrement dit , le trope est le remplacement d’un mot par un autre1.

Il y a métaphore lorsque, au lieu de désigner une chose par son nom propre, on la désigne par le nom d’une chose dif férente mais dont on af f irme la ressemblance, et à laquelle on l’ident if ie.

Elle est considérée comme une f igure de type microstructural, c’est à dire dont l’existence dans un énoncé est soumise d’emblée à interprétat ion et matériellement isolable. La déf init ion restrict ive de la métaphore est « Dire l’abstrait avec un mot concret 2».

On appelle comparé (ou thème) l’élément du texte qui fait l’objet de la comparaison et comparant (ou phore) celui qui ef fectue la comparaison. Par exemple, dans les vers de Verlaine :

Votre âme est un paysage choisi

Que vont charmant masques et bergamasques.

(Paul Verlaine)

Votre âme const itue le comparé (ou thème)

Et paysage choisi le comparant (ou phore)

1. Klein-Lataud C, Précis des f igures de style (Toronto, GREF, 1991), p 712. Molinié G, Dict ionnaire de rhétorique (Le livre de poche, 1992), p 213

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2. De la comparaison à la métaphore

Métaphore et comparaison ont souvent été opposées, la première étant perçue comme une vision opérant la synthèse de deux réalités, et la seconde comme un rapprochement logique maintenant l’écart entre les deux réalités comparées. La métaphore induit une correspondance inédite impossible dans la réalité.

Or, en réalité, la structure de base de la métaphore est lacomparaison. Plutôt de les opposer, il semble donc plus juste de voir une gradat ion. Pour passer de la comparaison à la métaphore, il faut supporter plusieurs transformat ions successives que l’on appelle « états » : comparaison, métaphore in praesent ia, métaphore in absent ia 1.

- Comparaison : x est comme y (« La terre est comme une orange »)

- Métaphore in praesent ia : x est y (« La terre est une orange »)

- Métaphore in absent ia : y renvoie à un x implicite (« Nous vivons sur une orange »)

Etat 1 : la comparaison

Cet homme est rusé comme un renard.

Le terme homme est le comparé, rusé est la qualité at tribuée, comme est l’out il comparat if (nommé copule) et renard est le comparant . La « copule comparat ive » maint ient l’existence indépendante des deux éléments correspondants à x et y.

C’est cet te dif férence, ce glissement , ce transfert , cet te modif icat ion sémant ique là qui déf inissent exactement la comparaison- f igure. On traduira donc : « cet homme est vraiment très rusé. »

1. Klein-Lataud C, op. cit , p. 73

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Etat 2 : métaphore in praesent ia

Cet homme est un renard rusé.

L’out il comparat if a disparu. Par un moyen grammat ical approprié (at tribut ou complément d’objet direct), il y a assimilat ion du comparé au comparant . Les deux termes comparant et comparé sont encore nommés (« présents ») ainsi que la qualité, superlat ivement at tribuée, par transfert , au comparé. On parle du comparé en l’assimilant au comparant , grâce à un prédicat dans lequel les termes on perdu leur sens propre habituel : il para î t évidant que l’homme ne s’est pas transformé en renard.

Etat 3 : métaphore in praesent ia

Cet homme est un renard.

La métaphore est encore in praesent ia puisqu’on a toujours la présence du comparé et du comparant . Mais la qualité at tribuée n’appara î t plus. C’est au récepteur d’interpréter la signif icat ion en faisant appel à ses connaissances propres ainsi qu’à la tradit ion lit téraire qui at tribue au renard l’idée de ruse.

Etat 4 : métaphore in absent ia

Nous avons à faire à un renard rusé.

On retrouve l’indicat ion de la qualité at tribuée. Mais la ment ion explicite du comparé a disparu, seul reste le comparant avec son sens métaphorique. Il doit donc à lui seul faire comprendre un nouveau sens par rapport au sien propre. Le récepteur doit fournir ici un ef fort d’interprétat ion plus important . La phrase ne doit en aucun cas être prise « au pied de la let tre ».

Etat 5 : métaphore in absent ia

Le renard nous a tous bernés.

Il s’agit là d’une métaphore in absent ia absolue car la qualité at tribuée n’est même plus présente. Un seul mot , le comparant , doit faire l’objet de tout un travail interprétat if , compliqué et méthodique. Elle exige donc, pour être compréhensible, un

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contexte linguist ique très clair puisque le comparé est à déduire du comparant .

Dans les textes suivants, seuls les t itres éclairent les métaphores en formes de déf init ion énigmat iques :

Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de f leur.

(Le papillon, Jules Renard)

Une pet ite main noire et poilue crispée sur des cheveux

Toute la nuit , au nom de la lune, appose ses scellés.

(L’araignée, Jules Renard)

3. En linguist ique structurale

La métaphore se situe fonct ionnellement sur l’axe paradigmat ique (de subst itut ion) s’opposant à cela à la métonymie qui fonct ionne pour sa part selon l’axe syntagmat ique (de cont igüité)1. Par un phénomène de sélect ions de quelques traits sémiques communs, elle rapproche deux termes qui par ailleurs, sont sémant iquement disjoints. La métaphore a donc pu être considérée comme une véritable anomalie : au niveau syntaxique, elle associe des unités lexicales normalement incompat ibles :

Cet homme a un cœur de pierre.

Une propriété non animée est at tribuée à un nom animé.

Cet homme est un lion.

Une propriété non humaine est at tribuée à un homme.

1. Pougeoise M, Dict ionnaire de rhétorique (Paris, Armand Colin, 2001) p. 164

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4. Degré d’originalité des métaphores

a. La Catachrèse :

Il existe dans la langue des métaphores obligatoires, des mots dont on se sert , en détournant leur sens ordinaire pour désigner une réalité pour laquelle il n’existe pas de terme approprié. Cet te f igure obligatoire s’appelle catachrèse. Fontanier en dit la chose suivante : « Le mot aile ne désignait d’abord, sans doute, que cet te part ie du corps de l’oiseau qui lui sert à voler ; le mot bras, que cet te part ie du corps de l’homme qui t ient à l’épaule et se termine par la main ; et le mot tête, que cet te part ie du corps de l’animal, qui est le siège de la cervelle et des organes de sens. Mais combien d’objets naturels ou art if iciels ont des part ies qui se présentent comme les ailes d’un oiseau, comme les bras d’un homme, ou comme la tête d’un animal ! Au lieu de s’occuper à créer de nouveaux noms, on a consacré à de nouveaux usages les noms d’ailes, de bras, de tête, et l’on a décidé de dire, par extension du premier : Les ailes d’un bât iment ; les ailes d’une armée ; les ailes d’un moulin à vent , etc.… ; un bras de mer, les bras de la rivière, les bras d’un fauteuil, etc.… ; la tête d’un arbre, la tête d’un clou, d’une épingle. Autant de métaphores forcées, quoique juste et naturelles ; par conséquent autant de Catachrèses1. »

b. La métaphore f igée :

Au degré de liberté suivant , on rencontre des métaphores qui sont complètement entrées dans la langue, les métaphores f igées. Du type : déclarer sa f lamme, cœur de pierre, santé de fer, elles ont perdu leur pouvoir f igurat if . Mais ces métaphores que const ituent beaucoup de proverbes se prêtentpart iculièrement bien au jeu de la re-sémant isat ion : en les réact ivant , on montre qu’elles étaient mortes. Prévert a fait du réveil des métaphores un de ses jeux favoris :

On a beau avoir une santé de fer, on f init toujours par rouiller.

(Jacques Prévert)

1. Fontanier P, Manuel classique pour l’étude des tropes ou éléments de la science du sens des mots, Les Figures du discours (Paris, Flammarion, 1977), p. 216

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Quand quelqu’un dit : Je me tue à vous le dire ! Laissez- le mourir.

(Jacques Prévert)

Le temps

mène la vie dure

à ceux qui veulent le tuer.

(Jacques Prévert)

En fait , la métaphore about it ici à une syllepse, ef fet rhétorique qui permet à Prévert de redonner du sens à ces métaphores f igées. En ef fet , une syllepse est une f igure, un trope consistant à employer un mot à la fois au sens propre et au sens f iguré. Dans la première métaphore par exemple, le mot fer est ut ilisé dans deux sens dif férents, de même que le mot rouiller.

c. La métaphore vive :

Cet te expression a été forgée par le philosophe Paul Ricœur pour souligner le pouvoir créateur de cet te f igure. Pour lui, « la métaphore est le processus rhétorique par lequel le discours libère le pouvoir que certaines f ict ions comportent de redécrire la réalité1. » La métaphore exprime l’énigmat ique : ce qu’elle dit ne doit pas être pris au pied de la let tre. Elle négocie l’intelligible des situat ions et des émot ions nouvelles par rapport aux anciennes, dont elle modif ie les sens tout en le préservant . La métaphore poét ique permet d’aller encore plus loin en ce sens qu’elle est créatrice d’un sens nouveau. Elle permet de dépasser l’analogie pour réaliser une ident if icat ion qui crée une autre réalité. Elle est donc une source permanente de créat ion et elle contribue largement à l’enrichissement d’une langue. Gilbert Durand déf init le processus métaphorique comme « l’ant i-dest in », puisqu’il permet d’interpréter le réel, le réinventer.

1. Paul Ricœur, La Métaphore vive (Paris, Ed. du seuil, 1975), p. 11

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« La métaphore est capable d’étendre son vocabulaire, soit en fournissant un guide pour dénommer de nouveaux objets, soit en of frant pour les termes abstraits des similitudes concrètes. Par la vertu de la ressemblance, nous pouvons opérer avec de nouvelles situat ions ; si la métaphore, n’ajoute rien à la descript ion du monde, du moins, elle ajoute à nos manières de sent ir ; c’est la fonct ion poét ique de la métaphore ; celle-ci repose encore sur la ressemblance, mais au niveau des sent iments : en symbolisant une situat ion par le moyen d’une autre, la métaphore « infuse » au cœur de la situat ion symbolisée les sent iments at tachés à la situat ion qui symbolise1. »

d. La métaphore f ilée :

Selon les anciens professeurs de rhétorique, la métaphore porte sur un seul mot . En réalité, elle s’étend le plus souvent à plusieurs mots et peut même se développer tout au long d’une même phrase ou d’une même structure narrat ive ou descript ive. Il s’agit d’une séquence verbale qui « se forme par le déroulement parallèle de deux systèmes associat ifs, l’un composé de mots apparentés au comparant primaire […] l’autre composé de mots semblablement apparentés au comparéprimaire2. » En quelque sorte, le comparant se démult iplie. « La métaphore f ilée donne donc au lecteur qui la décode une impression grandissante de propriété3.»

Certains auteurs comme J. Renard se sont amusés à rédiger de brèves périphrases métaphoriques :

Canard : le pingouin de la famille.

Taupinières, la chair de poule des près.

Le soleil, roi des chrysanthèmes

1. Ricœur P, op. cit , p. 241

2. Rif faterre M, La métaphore f ilée dans la poésie surréaliste, Langue française, n°3, (sept 1969), p. 48

3. Rif faterre M, op. cit , p. 50

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B. La métaphore dans la concept ion en architecture

1. « Filer une métaphore »

La métaphore n'est pas un phénomène essent iellement linguist ique. C’est un processus de product ion de sens qui peut appara î tre indépendamment du média ut ilisé. « Dans cet te opt ique, la métaphore en langue ne fait que ref léter un processus cognit if générique1 ».

« En mat ière de concept ion architecturale, le travail métaphorique peut donner lieu à cet te explorat ion en profondeur, sorte de prise au sérieux de l'image, qui produit alors du récit , de la narrat ion, du scénario possible, tout un travail d'ant icipat ion qui est le propre du projet d'architecture. On peut ainsi considérer le travail de concept ion comme une act ivité consistant à faire progresser un récit , à " f iler une métaphore " , à faire évoluer une f ict ion2». La métaphore est donc une source permanente de créat ion et elle contribue largement à l’enrichissement d’un projet architectural.

On peut assimiler la métaphore de départ à une représentat ion-source. L’architecte doit convert ir la représentat ion-source d’origine en une représentat ion-but sat isfaisant à toutes les exigences architecturales. Le travail de concept ion est donc de procéder à la transformat ion d’une représentat ion (mé taphore) jusqu’à ce qu’elle sat isfasse aux exigences fonct ionnelles, économiques, techniques… Dès que l’architecte inscrit cet te représentat ion de départ dans un processus de concept ion, elle se développe sous une forme métrique et géométrique. « Un édif ice se prête d’autant mieux à des inférences conformes à la pensée du concepteur que la représentat ion-source est stable tout au long du projet3».

1. Ferrari S. (1997, 14)2. Estevez D. La métaphore (AMC /MPPA 17 mars 2005)3. Raynaud D, Cinq essais sur l’architecture, Etude sur la concept ion de projets de l’atelier Zô, Scarpa, Le Corbusier, Pei (L’Harmat tan,2002) p. 142

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2. Not ion de trait sémant ique

La représentat ion-source ne s’altère jamais au point d’être totalement méconnaissable après transformat ion. Il existe donc des mécanismes de stabilisat ion de la représentat ion.

Le terme de « traits sémant iques f igurat ifs » (Denis, 1989) peut être employé pour expliquer la stabilisat ion des représentat ions. L’auteur les déf init sur l’exemple de l’aigle : « Ces traits, comme [a un bec], [a des serres], [est brun], sont caractérisés comme des traits sémant iques f igurat ifs, dans la mesure où ils se réfèrent à tel ou tel aspect de l’apparence physique de l’objet ment ionné ».

L’architecte en train de concevoir sélect ionne des traits sémant iques qui lui paraissent pert inents pour le projet . Des traits apparaissent comme plus fondamentaux que les autres et résistent à la transformat ion de la représentat ion-source. Il faut admet tre à la fois que certains traits seront préservés et que d’autres seront modif iés. En ef fet , doit répondre à des pert inences fonct ionnelles, économiques, techniques, etc. « Si l’on veut expliquer la stabilité d’un modèle architectural, le problème qui se pose est de savoir dist inguer les traits sémant iques qui restent de ceux qui disparaissent1». Raynaud parle de « trait pert inent » pour les traits f igurat ifs qui résistent le mieux à la transformat ion de la représentat ion-source.

Dans la mesure où une représentat ion-source est sujet te à un à un phénomène de stabilisat ion, on peut l’assimiler à un modèle. Le modèle n’est pas donné ; pour le concepteur, il est const itué de traits sémant iques qui sont le plus souvent en architecture des schèmes.

1. Raynaud D, op cit , p. 14

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C. Les architectes et la métaphore, trois exemples

1. Le Corbusier, le mur de lumière

La chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp, conçue et construite par Le Corbusier entre 1950 et 1956 fournit un cas d’étude exemplaire en ce qui concerne l’ut ilisat ion de la métaphore. De nombreux discours ont été tenus sur cet te chapelle et des interprétat ions mult iples sont possibles. Charles Jencks en 1977 la compare d’abord à un fromage suisse, en raison des pet its percements irréguliers du mur de lumière. Selon une autre interprétat ion, l’édif ice f igurerait des « mains jointes en forme de prière ». Une autre image, appartenant au même champ sémant ique, parle de Ronchamp comme « d’une religieuse, coif fée d’une cornet te ».

Mais c’est le chapelain de Notre-Dame-du-Haut , l’abbé Bolle-Reddat , qui of fre un témoignage de première main. En ef fet , il a eu le privilège de suivre la construct ion et la concept ion de Ronchamp. Avec son témoignage, d’autres représentat ions métaphoriques apparaissent à l’endroit du mur percé de pet ites ouvertures : « La lueur embrasse la fenêtre de la Vierge et les pet ites fenêtres qui font autour d’elle une constellat ion » (1987 : 203). Le Corbusier envisageait donc avec Ronchamp une transcript ion architecturale de la « Voie lactée ». Une des premières esquisses montre que les pet its percements furent pensés au départ sous forme d’ouvertures circulaires ponctuelles, constellant la totalité du mur du mur Sud (photo a). C’est donc une preuve que la Voie Lactée est une représentat ion-source du mur de lumière qui va se transformer au cours du projet .

Dans l’ordre chronologique, Le Corbusier a successivement dessiné :

- des jours circulaires répart is aléatoirement , de manière à f igurer les étoiles de la Voie Lactée ;

- des trous polygonaux disposés selon le même modèle ;- des baies rectangulaires à embrasure variable et dont la

répart it ion a été régularisée.

Première esquisse pour le mur de lumière

Première maquet te en plâtre de Ronchamp

Elévat ion intérieure et coupe sur le mur de lumière

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Ce long mouvement de transformat ion (trois ans) obéit , en fait ,à des pert inences architecturales. Une échelle technique inf lue par exemple sur la posit ion des ouvertures qui sont calées dans les compart iments d’une structure sous- jacente poteau-poutre. Une échelle géométrique joue dans l’adopt ion de percements réguliers et orthogonaux. Ils obéissent aux mesures déf inies par les séries rouge et bleue du Modulor. Enf in, le dessin de l’embrasure, qui altère la forme des ouvertures, obéit à une échelle opt ique. En ef fet , le choix de l’angle détermine une zone plus ou moins intensément éclairée. Ces trois échelles expliquent très bien les transformat ions af fectant le mur Sud de la chapelle de Ronchamp, de 1951 à 1954.

Vues extérieur et intérieure le mur de lumière construit

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2. Bibliothèque d’Alexandrie, le pilier-papyrus

Le projet de Jean Ciccariello pour le concours de la Bibliotheca Alexandrina permet , grâce à une série d’esquisses complète, de comprendre comment les représentat ions-sources sont transformées au cours du projet .

L’intent ion init iale était de retranscrire certaines représentat ions issues de la Haute-Egypte, de manière à contextualiser la proposit ion architecturale. Ici, nous nous intéresserons au système de couvrement de la salle d’étude de la bibliothèque (Hall Callimaque). L’idée déf init ive adoptée en juin 1989 (J+52, les documents étant comptés à part ir du 16 avril 1989 : J=0) sous le nom de « piliers-papyrus » renvoie à une longue série d’esquisses.

Dès le premier jour, on note la présence de deux brouillons révélant le démarrage de l’incubat ion sur une thémat ique végétale (photo a). À J+11, c’est un croquis du papyrus comme symbole égypt ien qui appara î t (photo b).

La transformat ion du pavillon à base circulaire (les feuilles d’un papyrus se déploient en cercle) en pavillon à base carrée (J+11), obéit à une échelle de voisinage. La cont inuité du plancher supérieur imposait en ef fet que le dessin du pilier-papyrus soit compat ible avec une solut ion de pavage du plan.

La nervurat ion des fûts (J+12, photo c) et le croisement à cru des nervures au t iers supérieur du pavillon (J+39) altèrent la représentat ion-source en fonct ion d’une échelle économique. En ef fet , la nervurat ion du fût et du pavillon a pour conséquence qu’à résistance comparable, il y a moins de mat ière à couler donc moins d’argent à dépenser.

L’af f inement de cet te solut ion (J+42, photo d, e, f) par l’étude d’une forme de cof frage dont la surface serait développable et régulière provient , quant à elle, d’une applicat ion de l’échelle géométrique.

Il est bon de noter que l’altérat ion de la représentat ion-source en fonct ion de ces dif férentes échelles conserve plusieurs traits de lisibilité du modèle. On cont inue de percevoir une cont inuité entre le papyrus, comme végétal, et le papyrus, comme type de recouvrement d’un espace.

a. réf lexion sur un système automat isé de transport

b. croquis du pilier-papyrus comme symbole égypt ien

d. développement et pliage du pavillon du pilier-papyrus

e. dimensionnement des modules générateurs du cof fragef . perspect ive d’ensemble

c. modulat ion de l’ouverture du pilier-papyrus

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3. Toyo Ito : la métaphore du jardin

L'ut ilisat ion de la métaphore est une caractérist ique récurrente chez Toyo Ito. Elle sert d'out il à l'imaginat ion mentale. Pour Ito, " l'architecture qui ref lète seulement la réalité n'est pas ce que j'appelle architecture " . Mais il est conscient qu'un bât iment ne peut "qu'être un modèle imparfait , c'est -à-dire une approximat ion des idées qui l'ont engendré " .

Par exemple, déf inissant le rapport entre l'architecture et la ville, il ut ilise la métaphore de la rivière et dit : "Lorsque l'on regarde un f leuve, on s'aperçoit qu'il est traversé par des courants contraires, qui n'ont pas la force de s'opposer à lui, mais qui sont là. Cela génère des tourbillons, c'est -à-dire des zones à la fois dist inctes et mobiles qui se déplacent dans le sens du f leuve sans cesser d'être elles-mêmes. La ville est la mat ière même de la rivière. L'architecture consiste alors peut -être à créer des tourbillons, éphémères, qui n'ont de forme que par leur mouvement " .

L'œuvre de Toyo Ito peut se diviser en trois périodes. La première période concerne l'architecture domest ique dans laquelle Toyo Ito développe la métaphore du "Jardin de Lumière " , illustrée par la White U ; la seconde, int itulée le "Jardin des Vents" sera marquée par la Silver Hut ; la troisième, qu'Ito nomme le "Jardin des Puces Electroniques" , trouvera sa source dans la Tour des Vents de Yokohama. Dans "L'architecture en quest ions" , il explique sa concept ion de la métaphore du jardin : "Au lieu de scènes clairement art iculées comme les espaces d'un bât iment , j'essaie de créer des scènes qui glissent l'une vers l'autre. Cet espace est proche d'un environnement de sons" .

Cet te façon d’aborder les problèmes architecturaux nous aide à percevoir une certaine dimension de l’architecture qui peut guider une démarche de concept ion mais aussi l’étof fer et la complexif ier pour l’amener f inalement à trouver les réponsesles plus appropriées.

White U – Jardin de lumière

Silver Hut – Jardin des vents

Tour des vents – Jardin des puces électroniques

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Part ie 2 : Du projet à la métaphore

Après avoir établi une déf init ion de la métaphore et donné des exemples concrets de son ut ilisat ion par les architectes, je vais à présent faire le récit de ma propre expérience de concept ion dans l’enseignement de projet ce semestre.

Le séminaire AMC permet de met tre en place des quest ionnements sur la concept ion en architecture et pour cela l’accent est mis, entre autre, sur le raisonnement par analogie et métaphore. Cet out il a été part iculièrement mis en valeur durant les deux semaines intensives. Tout est mis en place pour favoriser le développement de f ict ions percept ives propres à interroger l’étrangeté de l’expression « Utopie pour des réserves limites » : thème de travail énigmat ique, pas d’indicat ion sur le site, le contexte d’étude (c’est seulement lors de la deuxième semaine intensive que nous avons travaillé sur un site existant), et pas de déterminat ions programmat iques. Nous avons appris à faire comme si, nous nous sommes prêtés à des interprétat ions analogiques et les résultats ont été très intéressants.

Ayant Uli Seher pour enseignant de projet ce semestre (également enseignant invité du séminaire AMC), il m’a paru intéressant d’expérimenter les découvertes réalisées en AMC dans le cadre du projet . L’object if de cet enseignement était de réaliser un équipement culturel : une Salle de Musique Actuelle (SMAC) en bord du réseau ferré de la gare de marchandises Raynal à Toulouse. Un des enjeu était d’aborder la problémat ique de l’art iculat ion du projet architectural avec l’échelle urbaine. Le projet de SMAC a été réalisé individuellement alors que le projet urbain c’est fait à cinq.

Dans cet te part ie, nous allons voir comment l’ut ilisat ion de la métaphore a guidé ma démarche de concept ion dès le départ et en quoi elle permet de faire surgir des faits non-conscients, elle sélect ionne, elle focalise, elle schémat ise. « La f igurat ion vise à faire voir, la métaphore donne pour sa part à voir comme1».

1. Estevez D. op. cit

Site d’étude : la gare Raynal

Le quart ier des Minimes

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A. Dans le projet urbain

1. Une î le

Le premier travail d’analyse a consisté pour nous en unparcours longitudinal du site à pied. A travers notre marche, nous délimit ions deux zones. A l’est , le traf ic ferroviaire était très important et le site dégageait une certaine poésie industrielle qu’il était indispensable de garder. À l’ouest , sur notre gauche, un territoire dif férent se dessinait . Composé de bât iment comme la SERNAM ou la halle Calberson, ce site paraissait moins occupé et propice à une appropriat ion. C’est ainsi que la métaphore de l’ î le, comme un espace d’une autre nature que nous venions de découvrir comme des explorateurs, est venue guider notre démarche de concept ion. Nous allions faire de cet te part ie du site une « î le culturelle ».

ÎLE, subst . fém.

A. • Étendue de terre ent ièrement entourée d'eau, émergeant dans un océan, une mer, un lac ou un cours d'eau.

- Milieu social et géographique organisé économiquement et administrat ivement sur le territoire d'une î le; vie, habitudes sociales et culturelles d'une communauté vivant dans une î le.

B. P. anal. - Lieu, espace délimité permet tant l'isolement , et pouvant servir de refuge.

- Mat ière, objet , élément délimité dans un espace, un ensemble d'une autre nature.

- Lieu favorable dans un milieu host ile

C. Au f ig. ou p. métaph. - Lieu abstrait où s'exerce l'inf luence d'une pensée, d'un sent iment .

- Lieu imaginaire, paradisiaque

Réseau sémant ique :

Limites, bord, rivage, plage, côte, contour, falaise, lagon, atoll, récif

Accéder, aborder, accoster, ancrer, accrocher, échouer, pont , passerelle, jetée, port , embarcadère

Sable, eau, mer, f leuve, nappe

Découverte du site à pied

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Mystère, conquête, explorat ion, naufrage, découverte, voyage

Refuge, isolement , ent ité, unité, ident ité

Epave, débris, ruine, décombres, vest iges

2. Trois icebergs

Une deuxième analyse, moins sensible que la première, nous a permis de déterminer trois nœuds, trois part icularitésident if iables dans ce vaste territoire d’étude. Notre volonté a donc été de les faire évoluer, les valoriser pour qu’ils deviennent trois pôles at tract ifs. Il fallait donner du sens à des espaces résiduels, f lot tant au milieu des rails. La métaphore de l’iceberg nous a alors paru intéressante à développer.

ICEBERG, subst . masc.

bloc de glace d'eau douce dérivant sur la mer ; de tels blocs, souvent de masse considérable, se détachent du front des glaciers polaires ou d'une barrière de glace f lot tante.

La masse volumique de la glace d'eau pure étant d'environ de 920 kg/m³ et celle de l'eau de mer d'environ 1 025 kg/m³, 90 % du volume d'un iceberg est situé sous la surface de l'eau, et il est dif f icile de déterminer la forme qu'adopte cet te part ie à part ir de celle qui f lot te au-dessus de la mer. Généralement la part ie émergée d'un iceberg représente environ 1 /8 de sa hauteur totale. Par exemple un iceberg dont la part ie s'élève à 70 mètres de hauteur aura une hauteur totale d'environ 500-600 mètres.

Réseau sémant ique :

Dessous, invisible, sous-marin, immergé, caché

Dessus, visible, apparent , émergence

Flot ter, dériver, fondre

Strate, ile, bloc, isolé

Banquise, glace, eau, mer

croquis d’analyse

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3. Connexion sémant ique : un archipel de quatre î les

La métaphore est lue à travers le f iltre du projet . C’est pourquoi nous avons du abandonner l’image de l’iceberg, qui, en terme de programme, ne correspondait pas du tout à ce qui nous était demandé. En ef fet , développer une vie souterraine si importante n’était pas compat ible avec les usages d’une SMAC. Il paraissait également malvenu de creuser et vivre sous terre alors que le territoire disponible sur terre était très vaste.

Nous avons donc décidé de relier la métaphore de l’ î le avec celle des icebergs. C’est par leurs caractérist iques communes qu’une connexion sémant ique a pu s’opérer. Par déf init ion, « un iceberg est une î le de glace ». Nos trois icebergs allaient devenir trois î les pour former un archipel au milieu des rails.C’est ensuite par division de l’une d’entre elle que nous avons obtenu quatre î les. Les rails sont maintenant vus comme un f lux, un liquide dans lequel viendraient baigner ces î les. Le rapport au « dessous », induit par la f igure des icebergs, est maintenu de façon ponctuelle sur certaines î les.

Certains traits sémant iques de la métaphore choisie sont alors sélect ionnés car ils paraissent pert inents pour le projet .D’autres mots sont eux laissés de côté, on passe sous silence certains aspects du thème. Les traits sémant iques pert inents vont être ceux qui résistent le mieux à la transformat ion de la représentat ion-source qui va s’opérer au regard des exigences fonct ionnelles, techniques, f inancières du projet . Voici les quatre principaux traits qui ont été retenus pour ce projet .

a. L’ident ité propre

Comme le dit la déf init ion, une î le est « un ensemble d'une autre nature ».

IDENTITÉ, subst . fém

Caractère de ce qui, sous des dénominat ions ou des aspects divers, ne fait qu'un ou ne représente qu'une seule et même réalité (ident ité numérique, concrète).

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’ î le a déjà une ident ité qui lui est propre puisque c’est un territoire délimité entouré d’eau. Mais on peut dist inguer au sein même de cet te grande famille « des î les » des catégories dif férentes. On peut déjà dif férencier trois types d’ î les en fonct ion de leur format ion : l’ î le volcanique (photo a) (ce sont les laves accumulées d’un ou plusieurs volcans qui émergent , formant l' î le) ; l’ î le cont inentale (sont ainsi appelées les î les situées sur le même plateau cont inental que le cont inent qui leur est proche) ; et l’ î le f luviale (qui apparait dans les deltas de f leuve et dans les larges cours d'eau. Elle se forme par le dépôt de sédiments à des points où le courant perd une part ie de son intensité).

On peut également parler d’ident ité en fonct ion de la manière dont elle est occupée. On trouve par exemple l’ î le habitée (photo

b), comme à Paris, l’Ile de la Cité sur laquelle sont implantés des logements mais aussi de nombreux monuments qui viennent renforcer son ident ité (Notre-Dame-de-Paris, la Sainte-Chapelle…). L’ î le privée de Caye dans les Cara ïbes (photo c) n’est habité que de façon ponctuelle par son propriétaire. L’ î le déserte (photo d) existe aussi et garde un côté très mystérieux.

b. L’isolement

L'isolement est un terme dont l'étymologie est rat tachée à « î le » par l'intermédiaire de l'italien isola (qui signif ie î le en italien). De plus, par déf init ion, une î le est « une mat ière, un objet , un élément délimité dans un espace ».

Une î le est au milieu de l’eau, que cet te eau soit celle d’un cours d’eau, d’un lac ou d’une mer. Ce qui entoure l’ î le est donc aussi important que le territoire lui-même car c’est lui qui garant i l’isolement .

L’isolement et la solitude sont souvent recherchés dans les î les, que ce soit volontaire ou non : l’isolement volontaire (Paul Gauguin, aux î les Marquises), l’isolement forcé (Robinson Crusoé), des établissements pénitenciers ont été installés dans des î les pour limiter les possibilités d’évasion (le bagne de Guyane dans les î les du Salut , photo b).

Dif férents types d’ î les

a b

c d

Le f luide qui entoure les î les

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c. L’accès

Une î le est un lieu sur lequel il est dif f icile de pénétrerpuisque nous venons de voir qu’elle est isolée, qu’elle est « au milieu de ». Les façons d’accéder à une î le sont donc liées à ce f luide qui l’entoure. En ef fet , il s’agit soit de « passer dessus » en ut ilisant un pont , une passerelle, soit de le « traverser » à la nage, ou en bateau. Dans ce cas, la présence d’un port est indispensable. C’est là que l’on accoste, en un point donné sur le territoire de l’ î le. Mais on peut également venir s’échouer sur le sable de la plage dans le cas d’une nage ou d’un pet it bateau.

Sur certaines î les, les accès sont mult iples, notamment pour les î les habitées des villes. L’exemple de l’ î le de Nantes (photo 1)

avec ces nombreux ponts le montre bien, pour que ce territoire soit relié au reste de la ville, il est indispensable de créer des liaisons par des ponts ou des passerelles. Par contre, des î les très isolées, en pleine mer par exemple comporte peu de point d’entrée. Un seul ponton peut être présent pour accoster sur l’ î le (photo 2). L’arrivée peut également se faire par un unique pont (photo 3).

d. Les limites

LIMITE, subst . fém.

A. • Ligne qui détermine une étendue, une chose ayant un développement spat ial ; ligne qui sépare deux étendues.

Puisqu’une î le est un « lieu, espace délimité permet tant l'isolement , et pouvant servir de refuge », la thémat ique des limites est très importante.

Cet entre-deux peut prendre des formes très dif férentes et détermine souvent les accès. Une î le peut être bordée de plage de sable, facilitant l’accès puisqu’elle crée un lien entre la terre et l’eau. De plus, cet te limite peut être variable dans le cas ou le rythme des marées crée un recouvrement de la terre par le f luide plus ou moins important . Mais une î le peut aussi être bordée de falaises, ce qui réduit la possibilité d’accès. Un récif corallien peut également venir crée une limite tout autour de l’ î le.

1

2

3

1 2

3

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B. Dans le projet architectural

Les trois î les ayant trouvées déf init ivement leur place dans cet te nappe de rails, le temps est venu pour chacun d’entre nous d’implanter une SMAC (Salle de Musiques Actuelles) sur « l’ î le de la culture ». Là encore, l’ut ilisat ion de la métaphore a été un élément déterminant dans le processus de concept ion.De mon côté, j’ai décidé de f iler la métaphore de l’ î le, de la cont inuer et de l’étendre jusque dans mon projet architectural. J’ai donc fait le choix de voir mon bât iment comme un cof fre aux trésors échoué sur l’ î le.

Un nouveau réseau sémant ique appara î t alors :

Cof fre, bo î te, écrin, étui, monolithe

Protéger, retenir, cacher

Bijou, trésor, argenterie, précieux

Miroiter, briller, ref léter

Dépasser, appara î tre, ouvrir, découvrir, chercher, grat ter, deviner

Arrachement , creusement , scarif icat ion, incision, entaille

Là aussi, des traits sémant iques pert inents caractérisant la représentat ion-source (le cof fre aux trésors) ont été retenus pour ce projet au regard des exigences liées aux usages, à l’acoust ique, à la technique, à la sécurité incendie etc.…

1. L’enveloppe

COFFRE, subst . masc.A.• 1. Meuble ayant la forme d'une caisse munie d'un couvercle ou, plus rarement , d'une porte et dans lequel on enferme toute sorte d'objets que l'on veut dérober aux regards. 2. Spécialementa) Bo î te où l'on range de l'argent , des bijoux... Cof fre à bijoux

ÉCRIN, subst . masc.

A.• Cof fret dest iné à contenir un ou plusieurs objets précieux, en part iculier des bijoux ou de l'argenterie.

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2. Le creusement

Nous venons donc de voir que le cof fre est là pour protéger ce qu’il cont ient . La métaphore du cof fre aux trésors entraine immédiatement l’idée, de l’explorat ion, de la fouille, du pillage. C’est d’abord le cof fre lui-même qui peut être l’objet de la recherche. Il faut creuser à l’aide d’out ils dans la terre, dans le sol af in de découvrir le cof fre si précieux. L’idée de creusement peut se lire également à l’intérieur du cof fre lui-même. En ef fet , une fois le cof fre trouvé, c’est la recherche des trésors qui commence. Il peut s’agir de creuser et met tre de côté au fur et à mesure des élements moins interressants (des pièces de monnaie par exemple) pour arriver f inalement , après avoir fait de la place, au plus beau des trésors, un bijou, une pierre précieuse.

3. Le parcours

C’est durant tout le processus de creusement vers le but ult ime : la découverte du trésor, qu’un parcours se crée. Cet te recherche est rythmée par des découvertes successives, qui conduisent f inalement aux bijoux précieux. De scarif icat ions en scarif icat ions, l’excitat ion se fait plus grande. La découverte d’indices, de preuves de la présence de l’objet recherché rend le parcours et permet

4. Le rapport au sol

Le cof fre au trésor peut entretenir deux relat ions dif férentes avec le sol. La première idée permet de penser que le cof fre lui-même se trouve dans le sol, qu’il est totalement enfoui dans la terre. Dans ce cas, c’est le sol qu’il faut creuser pour trouver le trésor. Dans un deuxième temps, on peut imaginer le cof fre sur le sol mais toutes les iconographies le montre : cet te bo î te parait toujours « tombée du ciel » ou échouée sur le sable ; elle garde une part ie sous la terre.

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Part ie 3 : De la métaphore au projet :réponses architecturales et urbaines

Les traits sémant iques pert inents retenus doivent maintenant subir une transformat ion af in de répondre au projet . Dans cet te part ie, il s’agit donc de reprendre de façon symétrique ces mots « of ferts » par la métaphore de départ et développés au chapitre précédent . Dans le cadre du projet urbain, nous verrons qu’elles ont été nos réponses à la problémat ique de l’ident ité, de l’isolement , de l’accès et des limites. Concernant la SMAC, il était quest ion de travailler l’enveloppe, les trésors, la not ion de creusement et le rapport au sol. Pour chacun de ces thèmes, les réponses architecturales et urbaines d’autres architectes sont présentées en préambule. En ef fet , il s’agit aussi de se construire un réseau de références et de t irer prof it de ce qui a déjà été fait .

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A. Dans le projet urbain

C’est donc sur un archipel de quatre î les que notre travail a porté. Ce projet répondait totalement à nos at tentes car il nous permet tait de minimiser nos act ions sur ce site dont le fonct ionnement nous paraissait très important . En ef fet , le choix de favoriser la conservat ion des trains, et de la valoriser que nous avions eu dès le départ est devenu possible. Notre act ion est ponctuelle, s’insère sans détruire et donne à voir une certaine poésie du lieu.

1. L’ident ité

Sur chacune des î les se développe un programme propre et une ident ité propre. Elle porte chacune un nom : l’ î le de la nature,l’ î le commerciale, l’ î le du souvenir, et l’ î le de la SMAC. Pour renforcer cet te idée d’ident ité propre, un bât iment phare vient s’implanter sur chacune d’entre elles et les caractériser.

Sur l’ î le de la nature, c’est une grande serre pédagogique qui vient prendre place. Dans cet écrin de nature, se trouve également de pet its collect ifs associés à des jardins familiaux.

L’ î le du souvenir accueille un crématorium ainsi qu’un grand jardin du souvenir.

Sur l’ î le du marché, la Halle SERNAM a été réhabilitée pour devenir un grand marché, alimenté en majorité par des trains de marchandises. Une part ie est ainsi dédiée au stockage, l’autre à la vente. Une extension de la halle nous a permit de lier à ce marché un projet de logements étudiants. En ef fet , la trame de la structure existante de ce bât iment était très propice à cetype de programme.

L’ î le de la SMAC est const ituée uniquement de l’équipement culturel dont elle porte le nom. En ef fet , sur cet te pet ite î le vient s’implanter la Salle de Musiques Actuelles.

2. L’isolement

C’est par un traitement d’une frange bât ie et d’un belvédère que l’on maitrise la progression et l’étalement de la ville et s’assurer qu’elle s’arrête avant nos î les. En ef fet , pour qu’elles demeurent « î les », il est nécessaire qu’elles restent entourées de rails et que le fonct ionnement de la gare soit garant i.

Plan urbain

Quatre î les, quatre bât iments phares

Travail sur la frange

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3. L’accès

L’agence RCR arquitectes ef fectue un travail très intéressant sur le thème du souterrain. Le projet pour le paillon d’entrée de l’ensemble monumental d’Ullastret en est un bon exemple. Les bât iments sont enterrés dans le sous-sol et la lumière descend par des vides et des puits de lumière. Même la pluie tombe dans ces espaces. Pour eux, ce souterrain doit être un sas qui doit permet tre de mieux conna î tre et sent ir les mondes que l’on trouvera plus haut .

Notre projet urbain propose également un travail du souterrain très important . En ef fet , la majorité des accès à nos î les se fait sous la terre. Que se soit pour l’ î le du souvenir, l’ î le de la SMAC et l’ î le du marché, les accès piétons et voitures se font par de grands souterrains qui viennent chercher la lumière entre les rails, par de grands puits de lumière. Ces deux accès se font en parallèle mais les piétons remontent à la surface par des grandes rampes alors que les véhicules restent en souterrain pour se garer dans de grands parkings.

Le principe général a été de limiter les accès à ses î les le plus possibles, pour qu’elle grade leur caractère insulaire sans laisser de côté le rôle important des liaisons avec le t issu existant autour. Ce paradoxe a été un des enjeux de ce projet .

Une de nos volonté à été de valoriser le transport ferroviaire. Ces î les, situées entre les rails devaient prof iter du passage du train pour leur fonct ionnement propre. Chacune d’entre elle ut ilise donc cet te proximité à des f ins dif férentes et met en jeu des échelles territoriales dif férentes :

- Le train qui dessert la gare du « jardin du souvenir » intervient à une échelle plus locale.

- Pour l’ î le la nature, un arrêt de train, lié à la serre pédagogique, permet ici de met tre en place un « train pédagogique » qui peut se déplacer dans les villes de la région.

- L’ î le de la SMAC est également desservie par le train. C’est de toute la France que l’on pourra venir assister aux concerts. En ef fet , cet arrêt sera relié au réseau TGV et TER de la SNCF. La créat ion d’un train fest if et musical au départ de la SMAC est aussi envisageable.

- Pour l’ î le du marché, ce sont des trains de l’Europe ent ière qui peuvent venir décharger leurs marchandises.

Projet à Ullastret , RCR

Schémas accès piétons, voitures, trains et technique

Schéma impact du train pour les quatre î les

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4. Les limites

Comme pour les accès, le traitement de la limite est spécif ique à chaque î le. Il a fallu s’adapter à la topographie du site et aux part icularités de chaque î le.

- Pour l’ î le verte, les limites étaient déjà clairement déf inies puisque ce territoire est naturelle encaissé. Il est entouré des voies de chemin de fer et se trouve en contrebas de celle-ci (environ trois mètres de dif férence).

- Nous avons fait le choix d’encaisser également l’ î le du souvenir. De grands écrans en acier corten viennent doublés d’une masse végétale créent un f iltre entre les rails et le jardin qui se veut être un lieu de recueillement , de méditat ion.

- L’ î le du marché est surélevée de quelques mètres par rapport au niveau du sol. Un garde corps en verre permet de limiter l’accès aux voies mais garant i une vue sur l’ensemble du site.

- C’est d’abord une surélévat ion du sol de 1,70 mètre par rapport au niveau des rails qui permet à l’ î le de la SMAC d’acquérir ce statut d’ î le. Une promenade périphérique a également été mise en place tout autour de l’ î le. D’abord pour met tre en place un disposit if qui permet de ne pas avoir un simple garde-corps. En ef fet , un système d’emmarchement et de piste cyclable permet , lorsqu’on se trouve au niveau zéro de l’ î le d’avoir une vue complètement dégagée sur le site. Le garde-corps se situe en contrebas et est const itué de verre af in de garant ir une réelle transparence.

Cet te promenade donne la possibilité de faire un tour complet de l’ î le. Elle const itue comme d’un rivage, une plage.

Vue sur l’ilot vert montrant la dif férence de niveau

Coupe sur la promenade périphérique

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B. Dans le projet architectural

Dès le départ , il semblait clair que par analogie, le bât iment que j’étais en train de concevoir serait composé de deux ent ités dist inctes, le « cof fre », le contenant , l’enveloppe et les « trésors », le contenu, les salles de spectacles.

1. L’enveloppe

Bot ta nous a rendu le plein. C'est peut - être un de ses apports essent iels que d'avoir domest iqué les baies, portes et fenêtres, qui s'alignaient comme à la parade sur la surface des bât isses, y dessinant des mot ifs ident iques et dispersés dans une répét it ion régulière qui détruisait en part ie la forme. Il nous a rendu le volume (...) C'est une voie nouvelle pour l'architecture. La façade cesse de n'être qu'une maigre enveloppe toute percée. La peau de l'édif ice se plie, se retourne ; l'intérieur et l'extérieur sont en cont inuité et le parpaing, matériau unique, assure leur cohésion. Dehors il est gris, un peu rêche, dedans il est blanc et plus doux; il est à la fois coquille et écrin. L'insert ion de l'int imité se fait harmonieusement dans une carcasse pourtant dure : ainsi la nacre à l'intérieur de l'hu î tre ou la membrane moelleuse dans la noix1 » Chaslin François.

La quest ion de l’enveloppe a été posée dès le départ car il fallait déterminer quel allait être ce « cof fret » dest iné à contenir ces objets précieux, les salles de concert .

La première esquisse proposait un enroulement pour mieux cacher. Les salles de spectacles se seraient trouvées en bout , au centre de cet te f igure.

Mais pour des raisons d’usages et de technique, cet te opt ion n’a pas été retenue. Il est devenu quest ion de créer une réelle bo î te, un parallélépipède de base carrée qui viendrait renfermer tous les trésors. Le choix de l'ut ilisat ion du béton blanc pour toutes les parois qui composent ce cof fre permet de concentrer structure et aspect f inal, about issant à un objet d'une grande puissance et cohérence formelle.

1. Chaslin F, Mario Bot ta 1978-1982 Laboratoire d'architecture (Milan, Electa Moniteur, 1984)

Plan RDC de la SMAC

Maquet tes d’étude sur l’enroulement

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2. Le creusement (les trésors)

Les architectes Aires Mateus travaillent beaucoup sur le principe de creusement , d’évidement d’un volume de base. Leur architecture est orchestrée par des vides creusés dans un volume plein. La f igure géométrique de base du plan est le plus souvent un carré ou une de ces déformat ions. C’est ensuite par enlèvement de mat ière que les vides se créent et deviennent des pat ios, des cours, des entrée : les limites intérieur / extérieur disparaissent et un parcours intérieur est rendu possible.

Pour ma part , les premières esquisses ne montraient pas ces trésors comme des creux dans une masse mais plutôt comme des bo î tes dépassant du volume de base. Comme les bijoux, les pièces, l’or déborde du cof fre, les deux salles les plus importantes étaient des ent ités à la peau miroitante,

La conf igurat ion du bât iment résulte de la soustract ion des espaces de représentat ion demandés par le programme (salle de concert , salle de spectacle et café-concert) de la masse première. Tous les trésors sont donc ret irés de la masse et le vide marqué en façade. Ces vides const ituent des bo î tes.

3. Le parcours

De mon côté, le principe de creusement allait également devenir prétexte au parcours. La première esquisse proposait comme principe de départ de part ir de l’extérieur, à la recherche des trésors aperçus, dépassant du volume de base. Comme un explorateur à la recherche de d’un trésor, il s’agissait ensuite d’ef fectuer un parcours intérieur, à la recherche des salles qui se révélaient peu à peu. Le volume était donc creusé par les circulat ions non par les salles de spectacles comme dans le projet f inalement retenu.

Dans le projet déf init if , l'espace restant entre les bo î tes et l'enveloppe est ut ilisé pour établir les dif férentes connect ions et abriter les services. C’est dans cet espace qu’un parcours est mis en place. Comme dans une médina, une promenade entre les bo î tes est rendue possible, on a la possibilité de monter sur les ces volumes, de les parcourir. De nombreux percements permet tent de donner à voir l’intérieur des salles, des trésors.

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4. Le rapport au sol

Avec la Casa da Musica à Porto, Rem Koolhaas met en place un diamant ciselé posé dans un écrin, faisant le vide autour de lui, pour mieux briller de tous ses feux. La place extérieure fonct ionne comme un tapis, qui délimite la place, et qui, se soulevant en plusieurs endroits, abrite un café, l'entrée du parc de stat ionnement etc... Taillé à facet tes, le volume décolle du sol.

Mon cof fre au trésor devait être caractérisé par un fort rapport au sol. Pour cela, le creusement des volumes dans la masse de départ s’ef fectue également en coupe, dans le sol. L’entrée de la SMAC se fait par un souterrain, ce qui permet de réaliser un vrai travail sur le creusement et de modelage du sol. A l’intérieur de ce bât iment , un jeu de rampe vient accentuer l’ef fet de parcours mais aussi l’idée de cof fre que l’on vient creuser pour venir deviner les trésors.

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Conclusion

Il est donc clair que la métaphore n’est pas étrangère au langage architectural. Comme tous les transferts, les transferts analogiques transportent quelque chose d’un lieu à un autre ou d’un sujet à un autre. Le rôle de la métaphore n’est donc pas d’apporter une informat ion supplémentaire, il est de redéf inir les règles de ce jeu. C’est en cela que son ut ilisat ion s’est avérée être très porteur pour moi, dans le cadre du projet . Sept ique au départ , notamment lors de la première semaine intensive, j’ai f ini par comprendre quels étaient les qualités d’une telle démarche. La métaphore est une source permanente de créat ion et a contribué largement à l’enrichissement de mon projet .

Mais il me semble aussi qu’il réside quelques dif f icultés dans l’usage des métaphores. Le danger du débordement en fait part ie. Si la métaphore n’est pas prise comme mat ière première, elle doit absolument être dépassée pour s’en servir comme moyen ef f icace de concept ion mais cependant à usage temporaire. J’ai ressent i à un moment du projet que je devais me détacher de cet te représentat ion-source qui allait « produire l’ef fet désastreux d’une pseudo-poésie1 ». Je pense qu’un projet seulement fondé sur une métaphore n’est pas un bon projet , il aura un charme part iculier mais rétrospect ivement sans valeur. L’architecte Christ ian Hauvet te cherche par exemple « à proposer un objet juste en lequel se sont ef facés la totalité des raisonnements et des métaphores qui l’ont créé2». L’architecture ne doit pas représenter quelque chose mais être quelque chose. Peter Zumthor en parle de la façon suivante : « Une bonne architecture doit accueillir l’être humain, le laisse vivre et habiter et ne pas lui faire de barat in3 ».La quest ion n’est donc pas celle de l’ut ilisat ion de la métaphore dans le processus de concept ion mais de sa lisibilité ou non dans le bât iment construit . Une stabilité de la représentat ion-source est -elle alors l’unique principe à suivre

1. Hauvet te C, Habitat ions, Palais, Machines/ Vérité, Métaphore, Récit (Ed. Jean-Michel Place, 2000) p. 152,153

2. Hauvet te C, op.cit p. 152,153

3. Zumthor P, Penser l’architecture. (Birkhauser, 2006) p. 33

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Bibliographie :

- Chaslin F, Mario Bot ta 1978-1982 Laboratoire d'architecture(Milan, Electa Moniteur, 1984)

- Estevez D, La métaphore (AMC /MPPA, 17 mars 2005

- Hauvet te C, Habitat ions, Palais, Machines/ Vérité, Métaphore, Récit (Ed. Jean-Michel Place, 2000)

- Klein-Lataud C, Précis des f igures de style (Toronto, GREF, 1991)

- Molinié G, Dict ionnaire de rhétorique (Le livre de poche, 1992)

- Pougeoise M, Dict ionnaire de rhétorique (Paris, Armand Colin, 2001)

- Raynaud D, Cinq essais sur l’architecture, Etude sur la concept ion de projets de l’atelier Zô, Scarpa, Le Corbusier, Pei(L’Harmat tan, 2002)

- Ricoeur P, La métaphore vive (Paris, Edit ions du Seuil, 1975)

- Zumthor P, Penser l’architecture. (Birkhauser, 2006)

Sites internet :

ht tp: / /coursgabrielle.free.fr /metalangage /metalangage.htm

ht tp: / /www.cnrt l.fr /def init ion/

ht tp: / /www.etudes- lit teraires.com/

ht tp: / /www.info-metaphore.com/ index.html

ht tp: / /www.lexilogos.com/ francais_ langue_dict ionnaires.htm

ht tp: / /www.rcrarquitectes.es/

ht tp: / /www.vg-architecture.be /