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L’Union des Marchés de Capitaux en 5 questions L’initiative de la Commission Européenne va-t-elle dans le bon sens pour relancer la croissance et réduire le risque de crises futures et les coûts associés pour les citoyens ?

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  • LUnion des Marchs de Capitaux en 5 questions

    Linitiative de la Commission Europenne va-t-elle dans le bon sens pour relancer la croissance et rduire le risque de crises futures et les cots associs pour les citoyens ?

  • Un problme ne peut tre rsolu en rflchissant de la mme manire qu'il a t cr.

    Albert Einstein

    Auteur : Frdric HacheTraduction : Caroline Metz

    Finance Watch 2015

    Tous droits rservs. Le contenu de ce rapport peut tre utilis et reproduit sans autorisation condition que la signification initiale et le contexte ne soient pas altrs. Lorsquun tiers est titulaire dun copyright, lautorisation doit tre recherche directement auprs de ce tiers. Pour toute demande concernant ce rapport, merci denvoyer un email [email protected]

    Finance Watch a reu des fonds de l'Union Europenne pour raliser un programme de travail. Ce financement ne constitue toutefois en rien une approbation implicite des travaux de Finance Watch, qui est seul responsable de ses opinions et prises de positions.

  • Plus de sept ans aprs la crise financire, la Commission Europenne est dtermine relancer

    la croissance en Europe. En mars 2013, elle a publi ce sujet un rapport prliminaire portant

    sur le financement long terme de l'conomie europenne.

    Ce rapport fait partie dun ensemble dinitiatives dont lobjectif est de renouer avec une

    croissance durable et de crer des emplois en Europe. Des projets tels que Europe 2020 ,

    Connecter l'Europe et le Plan Energie Climat 2030 ont identifi un certain nombre de

    priorits pour atteindre cet objectif : encourager lducation, la recherche et le dveloppement,

    financer la transition nergtique, dvelopper les infrastructures de transports et des rseaux et

    doper la croissance des petites et moyennes entreprises (PME).

    Alors que ces projets sont axs sur les investissements ncessaires, linitiative sur le

    financement long terme se focalise sur la faon dont ces projets seront financs, que ce soit

    par les banques, les marchs de capitaux, le financement participatif, des fonds publics ou

    privs, etc. Deux secteurs sont mis en avant : le financement des infrastructures et des PME.

    Linitiative sur le financement long terme a rcemment t renomme Union des Marchs

    de Capitaux et la Commission Europenne a publi en fvrier 2015 un rapport prliminaire

    indiquant ses priorits. Elle a en outre ouvert des consultations auxquelles tous les citoyens

    peuvent rpondre pour commenter ces priorits.

    Sommaire

    1. Quest-ce que lUnion des Marchs de Capitaux ? 4

    2. Pourquoi est-ce ncessaire ? 6

    3. Pourquoi suis-je concern en tant que citoyen et contribuable ? 10

    4. Quelles sont les recommandations de Finance Watch ? 11

    5. Quelle est la suite ? 11

  • Finance Watch, avril 2015

    LUnion des Marchs de Capitaux en 5 questions

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    1. Quest-ce que lUnion des Marchs de Capitaux ?

    LUnion des Marchs de Capitaux est un patchwork dinitiatives qui a pour but de

    dvelopper les prts non bancaires1 (le shadow banking ) et le financement par les

    marchs de capitaux2 en Europe, en particulier pour l'infrastructure et les PME.

    Lobjectif est d'impliquer davantage les investisseurs institutionnels tels que les fonds de

    pension et les assurances ainsi que les mnages dans le financement de lconomie relle,

    et de rduire le rle des banques traditionnelles.

    L'Union des Marchs de Capitaux est aussi un moyen de poursuivre le processus

    dintgration europenne en harmonisant le cadre rglementaire des marchs financiers au

    niveau europen. La crise a montr que les banques trangres se retiraient rapidement

    l'intrieur de leurs frontires nationales en priode de crise, rendant ainsi difficile le

    renouvellement des prts des entreprises et des mnages qui les avaient contracts auprs

    de ces banques. Une harmonisation des marchs de capitaux amliorerait et uniformiserait

    lobtention de crdits pour les mnages et les entreprises, en leur offrant accs un plus

    large ventail dinvestisseurs quel que soit lEtat membre dans lequel ils se trouvent.

    La Commission a identifi cinq priorits :

    1. Simplifier la documentation que les entreprises doivent publier avant de

    lever des fonds sur les marchs de capitaux : runir les informations ncessaires

    peut savrer trs fastidieux et coteux; lobjectif est donc de simplifier ces exigences

    dinformation, afin de faciliter et de rduire le cot daccs aux marchs de capitaux

    pour les entreprises.

    2. Dvelopper des mthodes quantitatives et des notes pour valuer la

    solvabilit des PME : lobjectif est de permettre aux investisseurs non-experts

    comme les compagnies dassurance et les grants de fonds dobtenir facilement les

    informations dont ils ont besoin pour prter aux PME.

    3. Relancer une titrisation de haute qualit : la titrisation est le processus par lequel

    une banque reconditionne et vend un certain nombre de prts qu'elle a octroys des

    investisseurs. Les investisseurs qui achtent ces prts rcuprent leur investissement

    au fur et mesure que les crdits sous-jacents sont rembourss (voir schma ci-

    dessous).

    Cette technique a t au cur de la crise financire, car elle a permis aux banques

    de transformer des prts risqus tels que les crdits immobiliers subprime en titres

    financiers nots AAA (la meilleure notation possible).3

    La Commission Europenne est actuellement en train de dfinir, via un certain

    nombre de critres une titrisation de qualit, simple et transparente. Cette bonne

    titrisation pourrait alors bnficier dun traitement rglementaire beaucoup plus

    1 Les prts non-bancaires sont des prts octroys par des investisseurs ou des institutions financires autres que des banques, tels que les hedge funds (fonds spculatifs), les fonds de pension, les compagnies dassurance, etc.

    2 Le financement par les marchs de capitaux consiste emprunter ou lever des fonds auprs dinvestisseurs par le biais de lmission dobligations, dactions ou dautres titres financiers qui sont ngociables sur ces marchs.

    3 Cela peut tre effectu grce certains mcanismes comme lachat dassurance ou lmission dun nombre de titres infrieur la valeur des prts sous-jacents afin de rduire les risques de non-remboursement et d'obtenir une meilleure notation.

    Les cinq priorits de la Commission Europenne

    LUnion des marchs de capitaux vise dvelopper le financement par les marchs de capitaux en Europe

  • Finance Watch, avril 2015

    LUnion des Marchs de Capitaux en 5 questions

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    favorable les investisseurs seraient autoriss dtenir moins de capital pour absorber

    leurs pertes potentielles de manire la rendre plus attractive.

    Comme les banques dinvestissement effectuent la plupart des tches dans le

    processus de titrisation (slection des prts, structuration et mission des titres,

    provisions des garanties), relancer la titrisation revient implicitement

    promouvoir les activits de banque dinvestissement en Europe, au dtriment

    des activits de banque traditionnelle bases sur la proximit et le long terme.

    4. Promouvoir le dveloppement de fonds europens d'investissement

    long terme : ce nouveau type de fonds a pour but dencourager les compagnies

    dassurance et les fonds de pension investir pendant une longue dure dans des

    projets dinfrastructures ou dans des entreprises non cotes.

    5. Dvelopper le march europen des placements privs : le placement priv

    consiste pour une entreprise lever des fonds non pas en bourse mais directement

    auprs dun petit groupe dinvestisseurs institutionnels. Lobjectif de la Commission est

    dharmoniser le cadre lgislatif afin de rduire les diffrences nationales qui freinent le

    dveloppement de ce type de financement.

    Lun des objectifs est dharmoniser la rglementation et de diversifier les sources de financement de lconomie relle

    INVESTISSEUR A

    INVESTISSEUR B

    INVESTISSEUR C

    INVESTISSEUR D

    BANQUE

    ENTITE AD-HOC

    Panier de prts immobiliers

    La banque vend les prts une entit ad-hoc...

    et reoit du cash

    Lentit ad-hoc met des titres, garantis par les prts, qui sont

    vendus aux investisseurs

    qui rcuprent leur investissement au fur et mesure que les emprunteurs remboursent

    leurs emprunts immobiliers

    cash

  • Finance Watch, avril 2015

    LUnion des Marchs de Capitaux en 5 questions

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    2. Pourquoi est-ce ncessaire ?

    Linitiative de la Commission Europenne est base sur un certain nombre d'hypothses,

    dont certaines peuvent soulever une discussion. Il est important de les passer en revue, car

    ces hypothses peuvent conduire des mesures politiques inadaptes.

    Postulat n1 : Le manque de croissance et de cration demplois est d un

    manque doffre de crdit, donc il faut augmenter l'offre de crdit en dveloppant

    les marchs de capitaux.

    Lanalyse de FW : Beaucoup saccordent dire que le manque de croissance provient en

    grande partie d'une faible demande des consommateurs,4 elle-mme lie des facteurs

    structurels, comme la hausse des ingalits au cours des dernires dcennies qui a rduit

    le pouvoir d'achat de la classe moyenne. Les mesures politiques se concentrent pourtant

    uniquement sur loffre de crdit et ne sattaquent pas au problme de la demande. Alors

    que les mnages europens sont dj fortement endetts et inquiets pour leur avenir,

    il semble peu probable quune baisse supplmentaire des taux dintrt les poussera

    s'endetter plus pour consommer davantage. Certains affirment par contre quun rgime

    fiscal plus progressif diminuant l'impt sur le revenu et augmentant l'impt sur le patrimoine

    et lhritage augmenterait le pouvoir dachat des classes moyennes et les plus dfavorises,

    ce qui stimulerait vritablement la consommation et la croissance.5

    Postulat n2 : Lconomie europenne dpend trop des banques compare

    l'conomie amricaine, et les nouvelles rglementations entraneront une baisse

    des prts bancaires.

    Lanalyse de FW : Il y a une forte volont politique de transformer le modle europen

    en un modle de financement de type amricain o les marchs de capitaux jouent un

    rle plus important. Il a cependant t amplement dmontr6 que la structure du systme

    financier quil soit bas sur le financement bancaire ou sur les marchs de capitaux na

    pas d'influence significative sur la croissance. La diffrence de croissance entre les Etats-

    Unis et lUE n'est donc pas directement lie aux niveaux de dveloppement respectifs de

    leurs marchs de capitaux.

    Nous ne sommes donc pas convaincus de la ncessit de changer le modle europen.

    Il est galement important de noter que la proportion des prts aux mnages et entreprises

    non financires (cest--dire lconomie relle) ne reprsente que 30% des activits

    des banques europennes.7 Dans ce contexte, les banques peuvent choisir d'allouer

    leur capital des activits plus rmunratrices, mais les nouvelles rglementations et la

    ncessit de se dsendetter n'entraineront pas en tant que telles une baisse automatique

    des prts bancaires, puisque les banques peuvent galement se dsendetter en rduisant

    dautres activits ou en augmentant leur capital.

    4 Le forum de Davos et lOCDE entre autres sont de cet avis.

    5 Voir Joseph Stiglitz : "The Price of Inequality" (2013), Thomas Piketty : "Capital in the Twenty-First Century" (2014) et larticle de la Foundation for European Progressive Studies "The recovery needs wage growth" (URL : http://www.queries-feps.eu/the-recovery-needs-wage-growth/).

    6 IMF : "Market Phoenixes and Banking Ducks Are Recoveries Faster in Market-Based Financial Systems?" (2011) et Ross Levine : "Bank-Based or Market-Based Financial Systems: Which is Better?" (2002)

    7 Commission Europenne, "Rapport final du Groupe dexperts de haut niveau charg dtudier les rformes structurelles du secteur bancaire europen" (Rapport Liikanen), 2 octobre 2012

    Sattaquer au problme des ingalits devrait faire partie intgrante des politiques de croissance

    Les banques peuvent aujourd'hui prter plus, et non moins aux entreprises et aux mnages

  • Finance Watch, avril 2015

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    Finance Watch noppose pas financement bancaire et financement par les marchs

    financiers, et reconnait que ces deux types de financement ont un rle jouer. Cependant,

    il est important de promouvoir en priorit les canaux de financement les plus utiles et les

    plus robustes. A cet gard, la crise a montr que le modle de banque traditionnelle

    fonde sur la relation long-terme et la proximit tait bien plus robuste et

    plus centr sur le financement de lconomie relle que les grandes banques

    dinvestissement et universelles. En encourageant une relance de la titrisation, la

    Commission europenne favorise cependant implicitement le second modle, qui a

    ncessit dans certains cas des sauvetages qui ont cot trs cher aux contribuables.

    Nous pensons au contraire que ce sont les banques traditionnelles et locales qui devraient

    tre encourages.

    Postulat n3 : Il y a une pnurie doffre de crdit aux PME en Europe et la titrisation

    peut y remdier.

    Lanalyse de FW : Les donnes de la Banque Centrale Europenne montrent que les

    difficults daccs au financement des PME ne sont pas les mmes dans tous les Etat

    membres: les PME ont du mal trouver des financements dans des pays du sud comme

    lItalie, le Portugal, lEspagne ou la Grce, alors que ce nest pas le cas en Allemagne. Le

    manque d'accs au crdit n'est donc pas un problme gnral mais est li des contextes

    locaux spcifiques.

    Evaluer la solvabilit d'une PME ncessite par ailleurs non seulement d'analyser ses

    comptes mais aussi d'intgrer des lments qualitatifs, comme le fait de connaitre la

    concurrence locale, de rencontrer lquipe de direction, etc. Une banque implante

    localement est mieux place pour obtenir ce type dinformation qu'un investisseur tranger

    qui devra faire confiance des notes attribues par d'autres. Dans la mesure o aucune

    mthodologie ne peut inclure correctement ces lments qualitatifs dans une note, on peut

    se demander si les investisseurs seront capables d'valuer correctement le risque pour

    prter des PME de faon responsable.

    La relation long terme entre une banque et une PME permet en outre au financement

    bancaire d'tre plus stable dans le temps: une banque sera plus dispose qu'un

    investisseur soutenir son client pendant une priode difficile si l'historique de la relation lui

    laisse penser que son client saura se sortir de cette mauvaise passe.

    Enfin, Finance Watch estime que la titrisation des prts aux PME sera trop complexe et

    trop chre pour fonctionner sans subventions. En effet, la titrisation implique de rmunrer

    de nombreux intermdiaires et doffrir un rendement intressant aux investisseurs, ce qui

    conduit souvent un taux d'emprunt plus lev pour l'emprunteur. On peut donc de se

    demander si la titrisation pourra tre une alternative de financement viable pour les PME.

    Pour toutes ces raisons, Finance Watch estime que la banque traditionnelle devrait

    continuer tre la source de financement principale des PME et devrait tre encourage,

    contrairement ce qui est propos actuellement.

    Dans ce contexte, il est aussi important de rappeler que des banques comme Northern

    Rock ou comme les caisses d'pargne espagnoles qui ont connu des difficults durant la

    crise ntaient pas de pures banques traditionnelles.

    Le modle de banque traditionnelle et locale sest avr plus robuste et plus centr sur le financement de lconomie relle

    La titrisation des prts aux PME sera trop complexe et trop chre pour tre viable sans subventions publiques

  • Finance Watch, avril 2015

    LUnion des Marchs de Capitaux en 5 questions

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    Postulat n4 : Il y a un manque significatif dinvestissement dans les infrastructures

    en Europe. Comme les gouvernements ne peuvent pas augmenter leurs dficits,

    linvestissement public nest pas une option et il faut donc augmenter les

    investissements privs via des partenariats public-priv.

    Lanalyse de FW : Il y a actuellement d'normes capitaux privs qui pourraient tre

    redirigs pour mieux financer lconomie, et il est vrai que les niveaux d'endettement public

    limitent la marge de manuvre des gouvernements.

    Un partenariat public-priv (PPP) est un contrat de longue dure entre une entit du

    secteur public et une entit du secteur priv, dans lequel lentreprise prive construit

    et gre un projet tel quune autoroute, un viaduc ou une ligne de chemins de fer, et est

    rmunre soit par un loyer annuel vers par lentit publique, soit par un page pay par

    les utilisateurs.

    La privatisation de biens quasi-publics comme les infrastructures peut tre proccupante

    pour plusieurs raisons. Ce type de contrat est trs attractif pour les lus car il peut leur

    permettre d'investir sans dgrader leur budget : Par exemple, au lieu de montrer le cot

    total, disons 1 milliard deuros d'investissement pour un pont, la comptabilit publique va

    dans de nombreux cas ne faire figurer dans les comptes que le loyer annuel que lentit

    publique verse, disons 80 millions deuros. Les partenariats public-priv transfrent ainsi

    le cot de linvestissement sur les gnrations futures.8 Les PPP ont par ailleurs un

    bilan mitig voire mdiocre en termes de rapport cot/bnfices, car leur cot total pour

    les contribuables est souvent plus lev que celui d'un investissement public

    comparable.

    Enfin, privatiser les infrastructures pourrait entrainer une exclusion des citoyens qui n'ont

    pas les moyens de payer le cot du page.

    Postulat n5 : Il faut augmenter le taux d'pargne des mnages en Europe et diriger

    cette pargne vers les marchs de capitaux plutt que vers les dpts bancaires.

    Lanalyse de FW : Non seulement le taux d'pargne des mnages europens est dj

    lev, mais le volume de capitaux privs la recherche d'investissements est colossal,

    atteignant 16.000 milliards deuros d'actifs grs en Europe en 2014. Il ne nous semble

    donc pas ncessaire d'encourager plus d'pargne, mais simplement de mieux diriger les

    capitaux existants.

    Crer de la croissance et de l'emploi ncessite en outre plus de consommation et non

    plus d'pargne. L'ide d'encourager une pargne supplmentaire semble donc plus lie la

    privatisation progressive des retraites qu' la relance de la croissance.

    Nous sommes galement dubitatifs concernant la suggestion de la Commission de

    rediriger l'pargne des mnages vers les marchs de capitaux : les dpts bancaires

    des mnages financent dj lconomie relle en contribuant un financement

    stable des banques. Inciter d'avantage d'investissements sur les marchs

    pourrait en outre crer des risques supplmentaires d'achat de produits

    inadapts par les pargnants.

    Enfin, encourager le transfert de l'activit de prt des banques vers les fonds de pension

    comme c'est le cas actuellement pourrait renforcer l'ala moral : si demain un grand fonds

    8 Voir le Rapport d'information de MM. Jean-Pierre SUEUR et Hugues PORTELLI, fait au nom de la commission des lois n 733 (2013-2014) - 16 juillet 2014 : "Les contrats de partenariats : des bombes retardement ?" (URL : http://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-733-notice.html)

    Les partenariats public-priv napportent pas de fonds supplmentaires et transfrent les cots vers les gnrations futures

    Relancer la croissance et lemploi implique dencourager la consommation, et non pas lpargne

  • Finance Watch, avril 2015

    LUnion des Marchs de Capitaux en 5 questions

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    Mettre en place une union fiscale plutt quune union des marchs de capitaux rendrait lUnion Europenne plus solide

    de pension subissait de grosses pertes, il y a de fortes chances pour que lEtat intervienne

    avec l'argent des contribuables pour le sauver.

    Postulat n6 : Dvelopper les marchs de capitaux europens renforcera

    lintgration europenne

    Lanalyse de FW : Mettre en place une union fiscale (le mme systme dimpts dans tous

    les Etats membres) serait beaucoup plus efficace pour complter l'union europenne que

    promouvoir une harmonisation des marchs de capitaux.

    Harmoniser les rglementations nationales pour unifier les marchs de capitaux faciliterait

    les investissements transfrontaliers. Cependant harmoniser ces rgles prendra des annes.

    D'ici l, du fait des diffrences de lgislations en matire de faillite, les titrisations des prts

    aux PME se limiteront des regroupements de prts d'un mme pays. Il est donc probable

    qu'en priode de crise, les investisseurs feront rapidement la diffrence entre les titrisations

    de prts aux PME d'un pays en difficult et les titrisations de prts aux PME allemandes par

    exemple, comme ils l'ont fait pendant la crise entre la dette souveraine de la Grce et de

    lAllemagne. Une intgration par les marchs de capitaux pourrait donc se rvler instable.

    Mettre en place une union fiscale ncessiterait une forte volont politique pour convaincre

    les Etats de renoncer dterminer seuls leur fiscalit. Il est cependant intressant de

    noter qu'un certain nombre d'Etats europens sont d'accord pour abandonner de la

    souverainet nationale dans le cadre du futur Partenariat de commerce et dinvestissement

    transatlantique9 (connu sous le nom de TTIP) ). La privatisation partielle de biens quasi-

    publics comme l'infrastructure est une autre forme d'abandon de souverainet.

    Enfin, laffirmation selon laquelle nous devons augmenter la liquidit des marchs (cest-

    -dire la facilit et la vitesse avec lesquelles largent est chang) est discutable : la

    liquidit fluctue normment en fonction de l'optimisme ou du stress des marchs. Elle

    a donc tendance diminuer trs vite en priode de crise, alors que c'est prcisment

    dans ces moments que les entreprises ont besoin qu'on les soutienne. Promouvoir au

    contraire l'investissement long terme dans des actifs pas ncessairement liquides par

    des investisseurs patients tels que des compagnies d'assurance nous semble donc une

    meilleure alternative.

    Les investisseurs tels que les compagnies d'assurance-vie et les fonds de pension

    collectent en effet des primes pendant de nombreuses annes avant de devoir les

    dbourser et peuvent donc se permettre d'investir sur des horizons trs longs. Une plus

    grande implication de ce type d'investisseurs est donc souhaitable, condition qu'ils

    investissent rellement long terme, ce qui est loin d'tre toujours le cas.

    Postulat n7 : Un grand nombre de rglementations prudentielles ont t mises en

    place depuis la crise ; nous avons rgl tous les problmes et devons maintenant

    nous concentrer sur la croissance.

    Lanalyse de FW : Bien que de nombreuses rglementations aient t mises en place

    aprs la crise, elles visent avant tout rendre les banques plus robustes individuellement,

    et ne visent pas rellement rendre le systme financier plus robuste et plus stable dans

    9 Voir Finance Watch: "Comprendre la finance #2 - Exclure les services financiers du TTIP ?" (2014) (URL : http://www.finance-watch.org/informer/comprendre-la-finance/927-comprendre-la-finance-2?lang=fr)

  • Finance Watch, avril 2015

    LUnion des Marchs de Capitaux en 5 questions

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    son ensemble. Il sagit en effet de deux choses diffrentes : rendre le systme plus robuste

    ncessite par exemple de sassurer que les institutions financires ne fassent pas faillite

    toutes en mme temps. Si une banque de taille moyenne fait faillite, ce nest pas une

    menace pour le systme financier dans son ensemble puisque les autres banques peuvent

    racheter ladite banque et assurer la continuit de ses engagements. Par contre, si la plupart

    des banques connaissent des difficults au mme moment comme cela a t le cas

    pendant la crise, les gouvernements sont obligs dintervenir pour les renflouer laide de

    largent des contribuables.

    Pour viter que cela ne se reproduise, il faudrait, par exemple, sassurer que les banques

    ninvestissent pas toutes dans les mmes produits et limiter le maillage de

    contrats entre institutions financires pour rduire le risque deffet domino. Tant

    que cela ne sera pas fait, nous naurons pas rellement rduit le risque de crises

    futures, ce qui est un pralable indispensable une croissance durable.

    3. Pourquoi suis-je concern en tant que citoyen et contribuable ?

    Encourager le dveloppement des marchs de capitaux en Europe pourrait rendre le

    systme financier plus vulnrable des effets domino.

    Il serait dangereux de croire que la rglementation financire actuelle est

    suffisante et que la Commission Europenne doit maintenant se concentrer sur la relance

    de la croissance : Tant que nous n'aurons pas rendu le systme financier plus robuste dans

    son ensemble, nous n'aurons pas rduit significativement le risque de crise future, ni les

    cots associs pour lconomie et les citoyens.10

    Transfrer les risques des banques vers des institutions financires non-bancaires comme

    les fonds de pension ne rend pas le systme moins risqu et pourrait mme augmenter

    l'ala moral si ces fonds de pension rencontraient de srieuses difficults et devaient tre

    renflous avec largent des contribuables.

    Une rponse politique centre sur l'augmentation de loffre de crdit sans sattaquer au

    problme du manque de demande des consommateurs (li entre autres laugmentation

    des ingalits) a peu de chance de gnrer une croissance et des crations

    d'emplois durables. Un rapport de l'OCDE11 a rcemment conclu que les politiques qui

    aident limiter ou rduire les ingalits pourraient non seulement rendre nos socits moins

    injustes mais aussi plus riches .

    Pour finir, privatiser le financement des infrastructures pourrait amener dans certains cas

    exclure les citoyens les plus dfavoriss de laccs des services essentiels. Cela pourrait

    galement augmenter le cot final des investissements pour les contribuables,

    tout en dplaant ce fardeau sur les gnrations futures.

    10 Voir Finance Watch: "Le problme du too-big-to-fail (tbtf) dans l'UE" (2014) (URL : http://www.finance-watch.org/notre-travail/publications/913-tbtf-note-fw-fr?lang=fr)

    11 OCDE : "Trends in Income Inequality and its Impact on Economic Growth" (2014).

    Promouvoir les marchs de capitaux pourrait rendre le systme financier plus vulnrable aux effets domino

  • Finance Watch, avril 2015

    LUnion des Marchs de Capitaux en 5 questions

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    4. Quelles sont les recommandations de Finance Watch ?

    1. La promotion de partenariats public-priv ncessite au minimum une

    transparence complte sur les contrats ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et une

    valuation rgulire de leur rapport cots/bnfices par les autorits comptentes, afin

    dviter de crer des situations de rente conomique .

    2. La future dfinition de la bonne titrisation devra montrer que les leons du

    pass ont t retenues : entre autres, les banques devraient tre encourages titriser

    seulement les prts de bonne qualit et non les plus risqus, les investisseurs devraient

    avoir plus dinformation propos des prts, et seuls les mcanismes les plus simples

    devraient tre promus pour permettre aux investisseurs de comprendre ce dans quoi

    ils investissent. A cet gard les rcentes propositions de dfinition vont dans le bon

    sens mais ne sont pas assez strictes pour promouvoir une titrisation rellement simple.

    3. En encourageant une relance de la titrisation, le risque deffet domino augmentera

    dans notre systme financier : Les instruments financiers mis sont souvent utiliss

    comme garanties par les institutions financires pour obtenir des prts court-terme,

    crant des chanes de contrats entre institutions financires.

    Par exemple imaginons quune banque A octroie 100 prts hypothcaires. Elle

    met ensuite des titres garantis par ces 100 prts et vend les titres un investisseur B.

    Linvestisseur B qui a achet ces titres va ensuite les prter une banque C pendant

    deux semaines afin de financer une partie de son achat. La banque C va ensuite

    prter ces mmes titres un investisseur D pendant une semaine en garantie de

    financements, etc. Cette chane de contrats augmente le risque de contagion si une

    entit dans la chane fait faillite. Des mesures telles que limiter le nombre de fois quun

    mme titre peut tre prt ou encourager les banques obtenir des financements

    plus long terme permettraient de rduire ces risques.

    4. Nous devrions enfin promouvoir le modle de banque traditionnelle et

    locale, tant donn que ce modle sest rvl plus robuste et plus focalis sur le

    financement de lconomie relle. Entre autres mesures, cela impliquerait de changer

    la rglementation qui favorise actuellement les trs grandes banques au dtriment des

    petites en exigeant plus de capital de ces dernires.

    5. Quelle est la suite ?

    La Commission Europenne a lanc plusieurs consultations sur lUnion des Marchs

    de Capitaux et sur certaines propositions spcifiques telles que la future dfinition de la

    bonne titrisation.

    Lobjectif de la Commission est de mettre en place un march unique des capitaux

    europens dici 2019. Mme si cela peut sembler loin, les dcisions importantes sont

    prises actuellement. Etant donn limpact de ces changements sur la vie des citoyens

    europens pour les dcennies venir, ce projet mrite un vritable dbat dmocratique.

    Pour plus dinformation ou pour vous engager aux cts de Finance Watch, rendez-vous

    sur notre site internet : http://www.finance-watch.org/fr

    Bande-dessine de Finance Watch: "Le financement long terme de lconomie"

    Rapport de Finance Watch : "A missed opportunity to revive "boring" finance?"

  • Finance Watch, avril 2015

    LUnion des Marchs de Capitaux en 5 questions

    12

    A propos de Finance WatchFinance Watch est une association indpendante et non partisane sans butlucratif qui a t cre en 2011 pour tablir un contrepoids au puissant lobbyde lindustrie financire. Notre mission est de renforcer la voix de la socit etde la faire peser dans les rformes de la rglementation financire. Il sagit decommuniquer les arguments dcoulant de lintrt gnral auprs des politiqueset des citoyens et de les mobiliser. Nos membres incluent des groupes de lasocit civile ainsi que des membres individuels, aids dans cette mission parune quipe dexperts financiers.

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