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Revue du Rhumatisme 78 (2011) S48-S51 * Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (F. Rannou). © 2011 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. La biologie du disque intervertébral aide-t-elle à comprendre les lombalgies communes ? François Rannou Service de rééducation, Institut de rhumatologie, Pôle ostéo-articulaire, Hôpital Cochin (AP-HP), INSERM UMR-747, Université Paris Descartes, 27 rue du Faubourg Saint-Jacques 75014 Paris, France Supplément Revue du rhumatisme Le kaléidoscope des lombalgies 21es Entretiens du Carla Sorèze (Tarn) – 16 et 17 décembre 2010 À l’initiative de l’Observatoire du Mouvement Vol. 78 Supplément n°2 ISSN 1169-8330 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des Laboratoires Pierre Fabre RÉSUMÉ Le disque a longtemps été considéré comme un simple ligament dépourvu de cellules avec un comportement uniquement biomécanique à l’échelle macroscopique. L’arrivée de la biologie cellulaire et moléculaire a permis de montrer que le disque a une véritable activité métabolique avec la présence de cellules qui produisent une matrice extracellulaire très spécialisée. Au cours du vieillissement s’installe une dégénérescence qui dans certains cas devient pathologique. Ce processus tissulaire est du principalement à l’apoptose des cellules discales et à la production d’une inflammation locale. Il existe aujourd’hui des tableaux cliniques pouvant être expliqués par les résultats de la biologie discale. Ces tableaux cliniques sont encore trop peu nombreux. Gageons que les années à venir permettront de dégager des phénotypes de patients relatifs à des évènements cellulaires et moléculaires très précis permettant alors d’envisager des traitements ciblés. Ceci nécessite un travail conjoint des cliniciens et des chercheurs en biologie humaine. © 2011 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Disque intervertébral Annulus fibrosus Nucleus pulposus Dégénérescence discale Le disque intervertébral lombaire a été longtemps considéré comme étant une structure acellulaire de type ligamentaire permettant aux segments vertébraux rachidiens une mobilité dans tous les plans de l’espace, par analogie au rôle des ligaments dans les articulations périphériques. Ce concept était tellement ancré dans le raisonnement physiopathologique qu’on utilisait même des termes comme « entorse du nucleus pulposus » par analogie à la pathologie articulaire périphérique. Ces vingt dernières années, un certain nombre d’équipes s’est intéressé plus précisément au disque intervertébral à l’échelle cellulaire et moléculaire, permettant de mettre clairement en évidence, la présence de cellules au sein du disque intervertébral aboutissant à une caractérisation phénotypique assez précise de ces cellules. Trois questions semblent actuellement intéresser le clinicien et le biologiste : quelle est la biologie du disque intervertébral ? existe-t-il des tableaux cliniques spécifiques pouvant être expli- qués par les résultats de la biologie du disque intervertébral ? • les résultats décrivant la biologie du disque intervertébral pourraient-ils aboutir dans les années à venir à des traitements spécifiques ? 1. Quelle est la biologie du disque intervertébral ? Le disque intervertébral est enchâssé entre deux vertèbres. Il en existe 23 chez l’homme. Dans la suite de cet exposé, nous nous intéresserons uniquement à la biologie du disque intervertébral lombaire. La coupe macroscopique d’un disque intervertébral permet de distinguer 3 structures essentielles. On retrouve en périphérie l’annulus fibrosus ou anneau fibreux (AF), au centre le

La biologie du disque intervertébral aide-t-elle à comprendre les lombalgies communes ?

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Revue du Rhumatisme 78 (2011) S48-S51

* Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (F. Rannou). © 2011 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

La biologie du disque intervertébral aide-t-elle à comprendre les lombalgies communes ?François Rannou

Service de rééducation, Institut de rhumatologie, Pôle ostéo-articulaire, Hôpital Cochin (AP-HP), INSERM UMR-747, Université Paris Descartes, 27 rue du Faubourg Saint-Jacques 75014 Paris, France

Sup

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Le kaléidoscope des lombalgies21es Entretiens du Carla

Sorèze (Tarn) – 16 et 17 décembre 2010 À l’initiative de l’Observatoire du Mouvement

Vol. 78Supplément n°2ISSN 1169-8330

Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des Laboratoires Pierre Fabre

R É S U M É

Le disque a longtemps été considéré comme un simple ligament dépourvu de cellules avec un comportement uniquement biomécanique à l’échelle macroscopique. L’arrivée de la biologie cellulaire et moléculaire a permis de montrer que le disque a une véritable activité métabolique avec la présence de cellules qui produisent une matrice extracellulaire très spécialisée. Au cours du vieillissement s’installe une dégénérescence qui dans certains cas devient pathologique. Ce processus tissulaire est du principalement à l’apoptose des cellules discales et à la production d’une infl ammation locale. Il existe aujourd’hui des tableaux cliniques pouvant être expliqués par les résultats de la biologie discale. Ces tableaux cliniques sont encore trop peu nombreux. Gageons que les années à venir permettront de dégager des phénotypes de patients relatifs à des évènements cellulaires et moléculaires très précis permettant alors d’envisager des traitements ciblés. Ceci nécessite un travail conjoint des cliniciens et des chercheurs en biologie humaine.

© 2011 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés :Disque intervertébralAnnulus fi brosusNucleus pulposusDégénérescence discale

Le disque intervertébral lombaire a été longtemps considéré comme étant une structure acellulaire de type ligamentaire permettant aux segments vertébraux rachidiens une mobilité dans tous les plans de l’espace, par analogie au rôle des ligaments dans les articulations périphériques. Ce concept était tellement ancré dans le raisonnement physiopathologique qu’on utilisait même des termes comme « entorse du nucleus pulposus » par analogie à la pathologie articulaire périphérique.

Ces vingt dernières années, un certain nombre d’équipes s’est intéressé plus précisément au disque intervertébral à l’échelle cellulaire et moléculaire, permettant de mettre clairement en évidence, la présence de cellules au sein du disque intervertébral aboutissant à une caractérisation phénotypique assez précise de ces cellules.

Trois questions semblent actuellement intéresser le clinicien et le biologiste :

• quelle est la biologie du disque intervertébral ?• existe-t-il des tableaux cliniques spécifi ques pouvant être expli-

qués par les résultats de la biologie du disque intervertébral ?• les résultats décrivant la biologie du disque intervertébral

pourraient-ils aboutir dans les années à venir à des traitements spécifi ques ?

1. Quelle est la biologie du disque intervertébral ?

Le disque intervertébral est enchâssé entre deux vertèbres. Il en existe 23 chez l’homme. Dans la suite de cet exposé, nous nous intéresserons uniquement à la biologie du disque intervertébral lombaire. La coupe macroscopique d’un disque intervertébral permet de distinguer 3 structures essentielles. On retrouve en périphérie l’annulus fi brosus ou anneau fi breux (AF), au centre le

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nucleus pulposus ou noyau pulpeux (NP), et une zone d’interface avec les vertèbres que l’on appelle les plateaux vertébraux.

L’AF possède une matrice extra-cellulaire constituée de fi bres de collagène, essentiellement de type 1 et de type 2. Les fi bres de collagène de type 1 sont organisées en lamelles concentriques structurées en oignon. Entre ces lamelles sont enchâssées les cellules de l’AF qui sont au sein d’une matrice extra-cellulaire riche en collagène de type 2. Il y a environ 80 % de collagène de type 1 et 20 % de collagène de type 2. Il existe également d’autres types de collagène mais en proportion infi me. Il existe un gradient de la partie la plus périphérique vers la partie interne de l’anneau fi breux, avec une diminution progressive du contenu en collagène de type 1 et une augmentation pro-gressive du contenu en type 2. La densité cellulaire de l’AF est d’environ 9000 cellules/mm3 à comparer au cartilage articulaire (15 000 cellules/mm3). Le phénotype des cellules de l’AF est encore débattu. Il y a actuellement deux hypothèses : soit les cellules AF ont un phénotype intermédiaire entre des fi broblastes et des chondrocytes articulaires expliquant donc l’expression à la fois de collagène de type 1 et de collagène de type 2, ou alors il existe un gradient phénotypique de l’extérieur vers la partie interne de l’AF avec dans la partie interne des cellules très proches de chondrocytes articulaires, et dans la partie la plus externe des cellules ayant un phénotype proche de celui des fi broblastes.

Au cours de la dégénérescence discale, la structure lamellaire se distingue de moins en moins de la structure du NP avec une véritable dédifférenciation nucléo-annulaire. Au niveau de l’AF, il peut exister également de véritables arrachements des lamelles de collagène de type 1 qui sont intimement enchâssées au niveau des plateaux vertébraux et en périphérie intimement accolés aux ligaments vertébraux.

Le NP a une structure très différente puisqu’on ne retrouve pas de lamelles concentriques de collagène de type 1. C’est un tissu qui est hautement hydraté, que l’on compare souvent à un gel et qui est composé essentiellement de protéoglycanes, notamment d’agrécanes qui sont également les éléments essentiels de la matrice extra-cellulaire des chondrocytes arti-culaires. On retrouve également du collagène de type 2 et des collagènes minoritaires notamment le collagène de type 1, de type 3, de type 6 et de type 9. La densité cellulaire est d’environ 3000 cellules/mm3 et il existe deux types de cellules : des cel-lules morphologiquement comparables aux cellules de la partie interne de l’AF et des cellules beaucoup plus volumineuses qui pourraient être des cellules résiduelles de la notochorde.

Pour ce qui est des plateaux vertébraux, on retrouve des chondrocytes ayant un phénotype comparable aux chondrocytes articulaires.

En culture primaire, il est à noter que les cellules de l’AF ont un pouvoir de prolifération comparable aux chondrocytes articulaires. En revanche, pour ce qui est des grosses cellules vacuolaires du NP, elles n’ont quasiment aucun pouvoir de prolifération. Le modèle le plus utilisé en biologie cellulaire et moléculaire est le lapin, mais des travaux sur gros animaux sont également disponibles, notamment sur le mouton.

Le disque intervertébral n’est ni vascularisé, ni innervé. Au cours du vieillissement, on observe une dégénérescence du disque intervertébral. Dans certains cas, cette dégénérescence peut devenir pathologique et symptomatique. Actuellement, il est

très diffi cile de faire la part entre un processus de vieillissement normal et un processus pathologique. Cette dégénérescence peut être caractérisée par des approches technologiques différentes : imagerie, histologie, biologie cellulaire et moléculaire ; plusieurs échelles d’évaluation radiologique de la dégénérescence discale ont été développées avec actuellement deux échelles qui ont une validation permettant de les recommander dans les travaux de recherche clinique [1]. Le système de gradation de Lane qui permet d’évaluer sur un cliché de profi l l’existence d’un pince-ment discal, la présence d’ostéophyte antérieur et postérieur ou la présence d’une sclérose de l’os sous-chondral, avec une échelle qui varie selon la sévérité de l’atteinte [2]. L’autre échelle développée par Wilke est utilisée à partir de clichés de face et de profi l et évalue sur une échelle de 0 à 3 la hauteur du disque, la formation ostéophytique et la sclérose de l’os sous-chondral [3]. La dégénérescence discale peut également être évaluée en IRM avec comme critère principal l’évaluation de l’hydratation du disque intervertébral (classifi cation de Pfi rrmann) [4]. Cette échelle est basée sur l’intensité et l’homogénéité du signal discal, l’état de différenciation entre le nucleus et l’anneau fi breux et la hauteur discale. Des travaux plus récents ont également intégré la description par IRM de la dégénérescence discale par la description des anomalies de signal des plateaux vertébraux. C’est la classifi cation de Modic qui permet de différencier une anomalie de signal infl ammatoire des plateaux d’une anomalie graisseuse [5]. La dégénérescence discale peut également être appréciée en histologie, à la fois par des mesures qualitatives appréciant l’existence ou non d’une différenciation entre NP et AF, et l’existence ou non de lésion radiaire de l’AF. L’histologie permet également une appréciation quantitative par des colorations plus ou moins spécifi ques permettant d’apprécier le contenu en protéo-glycanes et en collagène ainsi que le niveau d’hydratation. Enfi n, la dégénérescence discale peut être évaluée à l’échelle cellulaire et moléculaire. Elle correspond à une diminution signifi cative du nombre de cellules discales dans un tissu où la prolifération cellulaire n’existe quasiment pas. La principale cause de disparitions des cellules discales est un processus apoptotique [6]. D’un point de vue molécu-laire, la dégénérescence discale se traduit par une diminution signifi cative du contenu en collagène de type 2 au profi t du collagène de type 1, d’une diminution également du contenu en protéoglycanes, avec une déshydratation secondaire, aussi bien au niveau de l’AF que du NP [7]. À coté de ce phénomène apoptotique, un autre phénomène majeur est impliqué dans la dégénérescence discale : l’infl ammation et la dégradation locales. Comme pour le cartilage, il a été montré dans les disques intervertébraux dégénérés, la présence d’interleukine-1 (IL-1), de TNF-α, d’IL-6, de metalloprotéinases (MMPs), d’ADAMTS, de PGE2 et de NO. Actuellement, il semble que la MMP3 soit la MMP la plus importante dans l’apparition de la rupture de la balance homéostatique du disque intervertébral. À noter qu’au cours de la dégénérescence discale apparaît également du NGF qui permet de stimuler la neurogenèse tissulaire.

Ces deux phénomènes (apoptose et infl ammation locale), deviennent dans un certain nombre de cas, un phénomène pathologique. L’une des hypothèses principales est que le stress mécanique pourrait participer à la régulation de ces deux phénomènes [6]. En effet, il a été montré que les cellules de disques intervertébraux étaient capables de répondre à

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des stress mécaniques extrêmes entraînant une apoptose des cellules de l’AF et également la production de médiateurs de l’infl ammation [6,8].

En conclusion, les outils de biologie cellulaire et moléculaire ont permis de caractériser fi nement la dégénérescence discale et de mettre en lumière l’importance de l’apoptose et de l’infl amma-tion locale au cours de ce phénomène qui dans certains cas devient pathologique. Le stress mécanique semble être un des éléments régulateurs de cette rupture de l’équilibre homéostatique du disque intervertébral. Il serait donc logique de pouvoir proposer des traitements spécifi ques, axés sur l’inhibition ou la prévention des phénomènes apoptotique et d’infl ammation locale.

2. Existe-t-il des tableaux cliniques spécifi ques pouvant être expliqués par les résultats de la biologie du disque intervertébral ?

2.1. La discopathie active

La discographie provocatrice est une technique utilisée depuis de nombreuses années. Malheureusement, les résul-tats prédictifs d’un test positif ont été très décevants et cette technique est de plus en plus abandonnée d’autant plus qu’il existe une évolution beaucoup plus récente qui nous amène à être plus optimistes sur l’imputabilité des lésions discales à un tableau clinique précis de lombalgie chronique qui est la discopathie active par modifi cation de signaux IRM des plateaux vertébraux. La description précise par Modic de ces modifi cations a permis d’isoler une sous population de patients lombalgiques chroniques chez lesquels on peut considérer que la dégénérescence discale détectée à l’IRM avec des critères de Modic est responsable de la symptomatologie [9]. Modic a donc décrit trois types de signaux :• des signaux des plateaux vertébraux de type Modic 1 qui

correspondent à des lésions infl ammatoires et se caracté-risant par un hyposignal en T1 et un hypersignal en T2 des plateaux ;

• des signaux des plateaux vertébraux de type Modic 2 qui correspondent à une involution graisseuse des lésions infl am-matoires avec un hypersignal en T1 et T2 ;

• des signaux des plateaux vertébraux de type Modic 3 qui correspondent à un hyposignal en T1 et T2.

Il est intéressant de souligner que les lésions Modic 1 sont associées à un tableau clinique relativement précis, associant des douleurs d’horaire infl ammatoire et également une augmenta-tion de la CRP ultrasensible [9].

L’hypothèse actuellement retenue est que le tableau de lom-balgies chroniques par discopathie active Modic 1 correspond en fait à une infl ammation discale de bas grade. À noter que ce type d’anomalie de signal est exceptionnel dans une population de patients asymptomatiques, ce qui différencie ces lésions des autres lésions communément décrites dans la lombalgie chro-nique (discopathie et arthrose interapophysaire postérieure). Il est probable que cette sous-population de patients pourra, dans les années à venir, bénéfi cier de traitements intradiscaux spécifi ques luttant contre la dégénérescence discale.

À noter qu’une autre sous-population de patients actuelle-ment non caractérisée à l’IRM mais probablement très proche des discopathies actives Modic 1 sont les discopathies destructrices rapides qui pourraient être un modèle de thérapeutique intra-discale intéressant.

2.2. La lombosciatique par hernie discale

Le tableau clinique de lombosciatique par hernie discale à l’échelle cellulaire et moléculaire est très étudié depuis une trentaine d’années et les résultats les plus aboutis ont permis de montrer que la hernie discale est capable d’entraîner un véritable confl it chimique qui est TNF-α dépendant. À noter que cette composante chimique TNF-α dépendante est probablement délétère dans la sciatique car elle aboutit à la formation d’un granulome infl ammatoire au niveau radiculaire. Néanmoins, dans les hernies exclues de gros volume, elle est probablement bénéfi que car elle permet la résorption naturelle du tissu discal permettant une abstention chirurgicale. Même si ce tableau ne fait pas parti à proprement parler du cadre des lombalgies chroniques, il est malgré tout intéressant de souligner que des travaux de biologie cellulaire et moléculaire ont permis de mieux comprendre les phénomènes de radiculite chimique.

3. Les résultats décrivant la biologie du disque intervertébral pourraient-ils aboutir dans les années à venir à des traitements spécifi ques ?

À la lumière de ce que nous venons d’exposer, il est clair que pour ce qui est des lombalgies chroniques de type Modic 1 par discopathie active, on pourrait imaginer dans les années à venir des thérapeutiques intradiscales spécifi ques. En effet, il a été montré que les disques intervertébraux chez des patients lombalgiques chroniques ayant une discopathie active de type Modic 1 sont riches en TNF-α et également en IL-6, en PGE2, en NO et en IL-1. On pourrait donc imaginer dans les années à venir sur une sous-population de patients lombalgiques chroniques, des traitements de type biothérapie à visée structurale en intradiscale. Une première étude utilisant des anti-apoptotiques chez le rat a montré des résultats intéressants [10]. On peut également imaginer, avec l’apparition au cours de la dégénérescence discale de facteur de croissance nerveux (NGF), un traitement intradiscal cette fois-ci de type biothérapie symptomatique avec injection intradiscale d’anti-NGF. Pour ce qui est des sciatiques par hernie discale, on a donc évoqué le rôle primordial du TNF-α. Les anti-TNF-α ont donc été testés dans deux études contrôlées. Une pre-mière étude contrôlée ne montrait pas de différence signifi cative entre le groupe contrôle et le groupe traité par anti-TNF-α [11]. Par contre, une étude récente a montré une différence signifi ca-tive principalement sur la douleur lombaire et sur le moindre recours à l’intervention chirurgicale dans le groupe traité par anti-TNF-α [12]. Pour ce qui est des hernies discales exclues, on pourrait imaginer un traitement cette-fois ci pro-TNF-α, visant à dégrader plus rapidement la hernie discale exclue.

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4. Conclusion

Actuellement, par rapport à une vingtaine d’années, on a pu avancer dans la compréhension des mécanismes cellulaires et moléculaires intimes de la dégénérescence discale en individua-lisant des tableaux mais qui correspondent uniquement à des sous-populations de patients.

Actuellement, la balle est surtout dans les mains des clini-ciens qui doivent être capables de décrire des phénotypes précis de patients ayant des tableaux biologiques discaux précis pour permettre d’envisager des traitements spécifi ques.

Déclaration d’intérêts

Aucun confl it d’intérêts.

Références

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