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La Culture de l'égoïsme...sibles, en termes de survie pure et simple, de survie quotidienne. Comme si la vie de tous les jours était si problématique et le monde si menaçant qu’on

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La Culturede l’égoïsme

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Dans la même collection

Christopher Lasch, Culture de masse ouculture populaire ?

Claude-Edmond Magny, Lettre sur le pouvoird’écrire.

Jean-Claude Michéa, Les Intellectuels, le peupleet le ballon rond.

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Cornelius CastoriadisChristopher Lasch

La Culturede l’égoïsme

Traduit de l’anglais par Myrto GondicasPostface de Jean-Claude Michéa

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© Climats, un département des éditionsFlammarion, 2012.

ISBN : 978-2-0812-8463-0

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NOTE SUR CETTE ÉDITION

Ce dialogue entre Cornelius Castoriadiset Christopher Lasch, animé par MichaelIgnatieff, est la retranscription d’une émis-sion de télévision diffusée sur la chaînebritannique Channel 4, le 27 mars 1986.

Jamais rediffusé, moins encore publié,il était jusque-là inconnu du public.

L’éditeur remercie Jean-Claude Michéade lui en avoir signalé l’existence, ainsique Jeremy O’Sullivan pour son aideprécieuse.

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Michael IGNATIEFF —

Bonsoir. Dans cette série d’émissions,nous parlons des divers aspects du prix àpayer pour la modernité. La perte des liensde communauté et de voisinage est peut-être le plus douloureux. Dans un mondefait d’étrangers, nous avons tendance ànous replier de plus en plus sur la familleet le foyer, ce havre qui nous protège d’unmonde impitoyable. Pourtant, nos tradi-tions politiques nous disent qu’un certainsens de la communauté est nécessaire àl’homme, que nous ne pouvons devenirpleinement humains qu’à travers notreappartenance commune, comme procheset comme citoyens. En l’absence d’unetelle vie publique, les individus que nous

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sommes en viennent à se réduire au noyauvide de leur être privé. Comment nos iden-tités sont-elles affectées par la modernité ?Est-ce que nous devenons plus égoïstes,moins capables d’engagement politique,plus enclins à nous murer face à nos voi-sins et à nos proches ?

Pour discuter de ces questions, Christo-pher Lasch, historien américain, auteurde La Culture du narcissisme 1 et plusrécemment du Moi assiégé 2, le plus connude ceux qui critiquent le vide au cœur del’identité moderne ; et Cornelius Castoria-dis, psychanalyste français et théoriciende la société, et depuis près de quarante

1. La Culture du narcissisme. La vie américaine àun âge de déclin des espérances, Castelnau-le-Lez,Climats, 2000 ; Champs-Flammarion, 2008 (TheCulture of Narcissism. American Life in an Age ofDiminishing Expectations, New York, Norton, 1979).Toutes les notes sont de la traductrice.

2. Le Moi assiégé, Climats, 2008 (The Minimal Self.Psychic Survival in Troubled Times, New York,Norton, 1984).

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ans en première ligne dans le débat fran-çais sur l’individu et la société.

Cornelius Castoriadis, comment décririez-vous le changement qui est intervenu dansnotre vie publique ?

Cornelius CASTORIADIS —

Le problème, selon moi, s’est posé pourla première fois à la fin des années cin-quante, avec ce que je voyais déjà àl’époque comme la désagrégation dumouvement ouvrier et du projet révolu-tionnaire qui lui était lié. J’ai été forcé dedécrire un changement de la société capi-taliste qui affectait en même temps, deplus en plus, le type d’individus que cettesociété produisait. Pour le changementdans la société, je crois que nous y revien-drons ; le changement dans les individustenait – pour aller très vite – à la faillitedes organisations ouvrières, des syn-dicats, des partis, etc., traditionnels, au

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dégoût provoqué par ce qui était en trainde se passer, et aussi à la capacité du capi-talisme d’assurer aux gens un niveau devie croissant, leur permettant d’entrerdans la fameuse société de consomma-tion. Les gens tournaient le dos, pourainsi dire, aux intérêts communs, auxactivités communes, publiques, ils refu-saient de prendre des responsabilités et seretranchaient en eux-mêmes dans unesorte de « monde privé » formé par lafamille et un très petit nombre d’amis. Jemets « monde privé » entre guillemetspour éviter les malentendus. En réalité,rien n’est jamais totalement privé. Mêmequand vous rêvez, vous vous servez demots, que vous empruntez à la langueanglaise. Ce que nous appelons individuest, en un sens, une construction sociale.

Michael IGNATIEFF —

Un sceptique dirait que la critique del’égoïsme et de l’individualisme dans la

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société capitaliste est aussi vieille quecette société elle-même, qu’elle remonte àtrois cents ans. Que diriez-vous à ce scep-tique ? Comment le convaincre que l’indi-vidu moderne, celui qui va avec la sociétéde consommation capitaliste de l’après-guerre, a quelque chose de différent, qu’ily a là une nouvelle espèce d’individua-lisme, peut-être même d’égoïsme ?

Christopher LASCH —

Ce à quoi nous avons affaire, ce n’est pastant un individualisme à l’ancienne, avecson exaltation de l’individu, qui, commevous le remarquez, a fait l’objet de cri-tiques dès l’émergence de ce type nouveaude personnalité, aux XVIIe et XVIIIe siècles :cet individualisme-là semble céder le pasau repli sur soi que Cornelius vient d’évo-quer. Ce qui est, selon moi, une bonneapproche. J’ai décrit le « moi minimal »ou le « moi narcissique » comme un moide plus en plus vidé de tout contenu, qui

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en est venu à définir ses buts dans la viedans les termes les plus restrictifs pos-sibles, en termes de survie pure et simple,de survie quotidienne. Comme si la viede tous les jours était si problématique etle monde si menaçant qu’on ne pouvaitespérer, au mieux, que de s’en sortir, devivre au jour le jour. De fait, c’est leconseil thérapeutique au pire sens dumot. C’est ce qu’on donne aux gens dansle monde qui est le nôtre.

Michael IGNATIEFF —

Quand vous parlez de survie, est-ceque vous n’allez pas un peu trop loin ?Certains ne se reconnaîtraient pas là-dedans. Ils pourraient penser que ceterme convient aux victimes d’une hor-rible tragédie, mais là, vous parlez de lavie de tous les jours dans la société la plusriche du monde. Pourquoi « survie » ?

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Christopher LASCH —

Je crois que c’est une façon de définir cequ’il y a de nouveau. La survie est unepréoccupation depuis toujours, une préoc-cupation première pour la plupart desgens. Mais c’est seulement à notre époquequ’elle semble avoir acquis un statutpresque moral, comme si la survie était,non pas la condition de possibilité d’une viemorale, mais tout ce qui existe. Si l’on vou-lait retourner aux Grecs, je crois qu’on ver-rait très clairement la différence. Pour eux,pour Aristote en particulier, la conditiond’une vie morale, d’une vie pleinementvécue, c’est d’être libéré des besoins maté-riels, que d’ailleurs les Grecs associaient audomaine privé de la maison, soumis auxcontraintes biologiques et matérielles. Cen’est qu’à partir du moment où l’on sort dece domaine qu’on peut vraiment parlerd’un sentiment du moi, d’une identité per-sonnelle, d’une vie civique. Une vie morale,c’est une vie vécue en public.

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Michael IGNATIEFF —

Donc nous n’avons plus une vie vécuedans le domaine public, mais une vieréduite à son essence la plus nue, à lasurvie. Cornelius, vous pratiquez la psy-chanalyse. Est-ce que cette image del’individu moderne sonne juste à vosoreilles, vous qui avez affaire à l’individumoderne tous les jours sur le divan, dulundi au vendredi ?

Cornelius CASTORIADIS —

Pour moi, ce qui a été dit a une implica-tion très claire. « Au jour le jour », pourreprendre cette expression très juste, c’estce que j’appelle l’absence de projet. Et celas’applique à la société comme à l’indi-vidu : il y a trente ou soixante ans, lesgens de gauche vous parlaient du GrandSoir, les gens de droite du progrès indé-fini, etc. Aujourd’hui, personne n’ose plusexprimer un projet ambitieux, ni même àpeu près raisonnable, qui aille au-delà du

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budget ou des prochaines élections. Il y adonc un horizon de temps. De ce point devue, on peut dire que le terme de« survie » est critiquable parce que, évi-demment, chacun pense à sa retraite, etaussi à ses enfants, à leur éducation,comment leur faire avoir un diplôme uni-versitaire ou professionnel, etc. ; mais cethorizon de temps est privé. Personne n’estpartie prenante d’un horizon de tempspublic. De même, personne – là encore,avec toutes les nuances requises – n’estpartie prenante d’un espace public. Biensûr, nous le sommes tous, mais prenez laplace de la Concorde ou Piccadilly Circus,ou encore, je ne sais pas, New York auxheures d’embouteillage : vous avez un mil-lion d’individus noyés dans un océan dechoses sociales, ce sont des êtres sociaux,dans un lieu social, et ils sont complète-ment isolés, ils se détestent les uns lesautres, et s’ils avaient le pouvoir de désin-tégrer les autos qui sont devant eux, ils leferaient ! C’est de cela que nous parlons :

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aujourd’hui, l’espace public, c’est quoi ? Ilest plus que jamais présent. Pour êtreprécis, il est dans chaque foyer avec la télé-vision, mais de quoi s’agit-il au juste ?

Michael IGNATIEFF —

C’est un espace vide.

Cornelius CASTORIADIS —

Il est vide, ou en un sens c’est encorepire. C’est un espace public pratiquementréservé à la publicité, à la pornographie –et je ne parle pas que de pornographie ausens strict, il y a des philosophes qui sontdes pornographes…

Michael IGNATIEFF —

Alors se pose une question intéressante :est-ce une cause ou une conséquence del’effondrement du domaine public ? (àC. Lasch) Quel est ici le lien entre l’indi-vidu et le domaine public en crise ?

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TABLE

Note sur cette édition .............................. 7

La culture de l’égoïsme ............ 9

L’âme de l’homme sous le capitalisme,par Jean-Claude Michéa .................... 61

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No d’édition : L.01EHBN000558.N001Dépôt légal : octobre 2012