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51 L L a a d d é é c c o o u u v v e e r r t t e e d d e e s s s s i i t t e e s s à à s s e e l l g g a a u u l l o o i i s s e e n n C C h h a a r r e e n n t t e e - - M M a a r r i i t t i i m m e e « Différentes techniques ont été développées par les sauniers de l’Âge du Fer afin d’obtenir du sel. Les établissements salicoles des rivages océaniques de la Gaule […] ont mis en oeuvre une méthode indirecte par chauffage pour produire des pains solides à partir du sel contenu dans l’eau de mer. Une saumure saturée, fruit d’une première évaporation de l’eau de mer ou d’un lessivage des vases marines, est versée dans des récipients en terre cuite, les moules à sel. Ces récipients sont disposés sur une structure de chauffe, four ou foyer, qui accélère l’évaporation de l’eau et favorise la cristallisation du sel. Le pain de sel, ou salignon, est ensuite récupéré en brisant le moule. Sur le terrain, les vestiges d’une activité salicole se manifestent donc avant tout par la découverte d’innombrables fragments de terre cuite provenant des moules brisés ou des supports constituant les fours. » Extrait de Guilhem Landreau, « Du godet à l’auget : les établissements salicoles gaulois entre Loire et Gironde », De pierre et de terre. Les Gaulois entre Loire et Gironde, sous la direction d’Isabelle Bertrand et Patrick Maguer, Chauvigny, 2007. « Site à sel » est une expression récente, faisant référence à la destination du lieu et non à sa nature. Avant 1950, les termes « couches de cendre », « briquetage » ou « dépôt de cendre », désignaient les vestiges de cet ancien artisanat du sel. Les découvertes furent d’abord fortuites, puis la prospection systématique permit de révéler l’existence d’un très grand nombre de sites. ARCHÉOLOGIE Michel Favre Hypothèse de reconstitution d’un four sur plancher 1- Parois du four en argile, 2- Piliers en T, 3- Plancher en terre cuite, 4- Augets remplis de saumure, 5- Foyer (charbon de bois) Musée archéologique de la Vieille Paroisse de Rochefort ROCCAFORTIS n° 48, septembre 2011

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LLaa ddééccoouuvveerrttee ddeess ssii tteess àà sseell ggaauullooiiss eenn CChhaarreennttee--MMaarr ii tt iimmee

« Différentes techniques ont été développées par les sauniers de l’Âge du Fer afin d’obtenir du sel. Les établissements salicoles des rivages océaniques de la Gaule […] ont mis en œuvre une méthode indirecte par chauffage pour produire des pains solides à partir du sel contenu dans l’eau de mer. Une saumure saturée, fruit d’une première évaporation de l’eau de mer ou d’un lessivage des vases marines, est versée dans des récipients en terre cuite, les moules à sel. Ces récipients sont disposés sur une structure de chauffe, four ou foyer, qui accélère l’évaporation de l’eau et favorise la cristallisation du sel. Le pain de sel, ou salignon, est ensuite récupéré en brisant le moule. Sur le terrain, les vestiges d’une activité salicole se manifestent donc avant tout par la découverte d’innombrables fragments de terre cuite provenant des moules brisés ou des supports constituant les fours. » Extrait de Guilhem Landreau, « Du godet à l’auget : les établissements salicoles gaulois entre Loire et Gironde », De pierre et de terre. Les Gaulois entre Loire et Gironde, sous la direction d’Isabelle Bertrand et Patrick Maguer, Chauvigny, 2007.

« Site à sel » est une expression récente, faisant référence à la destination du lieu et non à sa nature. Avant 1950, les termes « couches de cendre », « briquetage » ou « dépôt de cendre », désignaient les vestiges de cet ancien artisanat du sel. Les découvertes furent d’abord fortuites, puis la prospection systématique permit de révéler l’existence d’un très grand nombre de sites.

ARCHÉOLOGIE

► Michel Favre

Hypothèse de reconstitution d’un four sur plancher

1- Parois du four en argile, 2- Piliers en T, 3- Plancher en terre cuite, 4- Augets remplis de saumure, 5- Foyer (charbon de bois) Musée archéologique de la Vieille Paroisse de Rochefort

ROCCAFORTIS n° 48, septembre 2011

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Sites à sel

ans notre département, la couche de cendre ayant fait l’objet de la première publication, se situe au lieu-dit Les Justices, sur la

commune de Marans ; elle fut découverte par M. Cappon en 1868, lors des travaux effectués près d’un lavoir nouvellement construit, à peu de distance d’un moulin à vent, appelé le Moulin de Jupiter1. Une fouille, effectuée en 1885 par l’inventeur du site, permit de recueillir des vestiges de terre cuite, semblables à ceux que l’on découvre aujourd’hui sur les sites à sel. L’auteur signale aussi une autre couche de cendre située à l’ouest du bourg de Marans, près du lieu-dit Cabane de Boiron.

Le site de Port Coutard (La Vallée)

Dans leur monographie de la commune de La Vallée, P. et P. Burgaud font l’inventaire de l’atelier de potier néolithique qu’ils ont découvert au lieu-dit Port Coutard, aux alentours de 19302. Ce gisement est implanté sur la rive droite de la Borie, petit ruisseau qui sépare la commune de la Vallée de celle de Saint-Hippolyte. Le site consiste en une épaisse couche de cendre, contenant des tessons de poteries, mais aussi des « supports de cuisson en forme de chandelier tripode ». Au début du printemps 1964, des membres de la Société de Géographie effec-tuaient une fouille sur le site néolithique de La Garenne, à Saint-Hippolyte, mais situé à proximité de Port Coutard, lieu qui était alors touché par les travaux de creusement du canal de l’UNIMA, qui longe la rive gauche de la Charente. Mme David quitta quelques instants le chantier de La Garenne, pour se diriger vers les travaux du canal ; elle revint rapidement, tenant dans sa main un bouquet de cardamine, et de l’autre de curieux cylindres de terre cuite et des tessons de récipients aux parois très minces. Camille Gabet identifia aussitôt ces vestiges, en ayant vu de semblables sur des sites à sel de Bretagne. Le site à sel de Port Coutard était identifié.

Les découvertes des années 1960 : les marais du nord de Rochefort

L’année suivante, le premier des trois sites de La Bossette fut découvert sur la commune de Muron ; rapidement d’autres trouvailles suivirent et cette commune compte aujourd’hui dix-huit sites connus3.

1 La couche de cendre de Marans. M. Cappon, ingénieur. Marans. H. Prax ; MDCCCLXXXVI. 2 P. et P. Burgaud, La Vallée, monographie d’une commune de Saintonge.1935. 3 Lorsque le nom de l’inventeur n’est pas indiqué, il s’agit de l’auteur de l’article.

En 1966, Camille Gabet se rendit à Chaillevette,

pour une découverte de souterrain. M. Patarin lui montra alors des sites archéologiques implantés sur une ancienne île du marais de Saint-Augustin, au lieu dit Brèze ; il s’agissait de sites à sel. Ensuite, des recherches effectuées par Mme et M. Goulevent, ainsi que par M. Patarin, sur toute la presqu’île d’Arvert, permirent la découverte de nombreux sites. L’année suivante l’abbé Métayer découvrait un site à sel sur la commune d’Andilly, près du lieu-dit Sérigny, à cinq kilomètres au sud de Marans.

Au cours de l’année 1968, deux sites furent iden-tifiés sur la commune de Landrais, au lieu-dit La Petite Bourgne, ainsi que trois autres sur la commune d’Ardillères, aux lieux-dits L’Ormeau du Cou, Chalons et Béchée ; la même année, Mme Sigogneau, trouvait le site de Villeneuve, à Tonnay-Charente. L’année suivante, elle signalait, sur la même commune, le site des Bosses à Guillon et celui du Regain du Pont des Groies. Toujours la même année, Camille Gabet fut appelé par le propriétaire de la ferme du Passage (Thairé d’Aunis), pour dater une sépulture qui venait d’être mise à jour ; celle-ci étant ancienne, il questionna le fermier afin de savoir si des vestiges d’habitat ancien pouvaient se voir aux alentours. Il existait effectivement des indices bizarres sur le sol, à 700 m de la ferme du Passage, au lieu-dit la Petite Aiguille ; tous les deux se rendirent sur les lieux et l’un des plus vastes sites à sel du département fut ainsi découvert4.

Les années 1970 : le golfe de Brouage

Durant les années 1970 et 1971, on identifia sur la commune de Ballon les sites de Mouillepied et des Grandes Varennes ; tandis qu’à Genouillé, les sites de Porcheresse, Lillard et L’île Jaulin sont vus pour la première fois. En 1972, Raymond Regrain5 découvre en Aunis le site du Terrier Chevrier et celui de La Petite Grève, commune de Ciré d’Aunis, ainsi que le site de Haute Roche, à Saint-Laurent de la Prée ; les deux sites de La Platière, à Yves, implantés sur un ancien cordon littoral, sont observés pour la première fois.

Plus au sud, on commence à s’intéresser à la périphérie des marais de Brouage : R. Regrain découvre le site du Pont de Collant, à Moëze, et celui de Pied Mullet, à la Gripperie.

4 C. Gabet : « Le site à sel de la Petite Aiguille à Thairé-d’Aunis », Roccafortis, 2e série, t. 3, n° 2, 1973, p. 39-72. 5 Auteur d’une thèse, Géographie physique et télédétection des marais charentais, 1980.

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CARTE DE LOCALISATION DES SITES A SEL

EN CHARENTE-MARITIME

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Sites à sel En 1973, le site de Ludène6 et celui de Chiron sont

observés à la base d’une falaise, sur la commune de Loire-les-Marais. La même année, sur la commune de Breuil-Magné, le site du Péré des Ouailles est vu pour la première fois, et en 1974, Mr Bruneteau signale le site de Piedemont. En 1975, les recherches se limitent à la rive gauche de la Charente. Sur la commune de Saint-Agnant, le site du Bois Brûlé est identifié, ainsi que ceux du Bois-Souchot7, de Fagnard et des Guilbaudières. La vallée de l’Arnoult est aussi visitée, mais un seul indice de site fut observé près de Bouil-de-Chambon : il s’agit d’un morceau de pilier de site à sel. À proximité de l’Arnaise, petit affluent de l’Arnoult, sur la rive gauche, deux sites furent identifiés aux lieux-dits Chieloup et L’Éguille. En 1978, le site des Chaumes de Varaize (Échillais) est vu pour la première fois, en bordure d’un bras de marais8. L’année suivante, Mme Martin découvre le site des Merlauderies, à Saint-Thomas de Conac, sur la rive droite de la Gironde.

Des années 1980 à nos jours

En 1980, le site des Terres Rouges et les deux sites de Champon, sont découverts sur la commune de Saint-Laurent de la Prée, ainsi que le site du Lombraud, à Saint-Agnant, et celui du Bois des Brandes, à Échillais ; sur la commune de Beaugeay, le site du Grand Barreau est observé pour la première fois, ainsi que le gisement du Ruisson ( R ou P ?) de Bernigouet situé à la limite de la commune de Moëze. De 1981 à 1983, le site de la Cabane de l’Ileau est identifié, au cœur du marais de Ciré d’Aunis, ainsi que les sites du Roquet et du Pont de Lagord. Plus au sud, à Saint-Just-Luzac, le site des Auneaux est ajouté à la longue liste des sites à sel. En 1984, des membres d’Archéaunis découvrent le site du Trépied du Plomb, au nord de La Rochelle : il s’agit là du début d’une fructueuse recherche dans la partie N-O du département. En 1985, M. Ménégère signale à Camille Gabet le site du Verger du sud, commune de Ciré d’Aunis.

Ensuite les recherches diminuent dans les environs de Rochefort9.

6 C. Perrichet-Thomas, C. Gabet et M. Favre : « Le site à sel de Ludène (Loire-les-Marais) », Roccafortis, 2e série, t. 3, n° 7, 1975, p. 226-242. 7 M. Favre : « Le site à sel du Bois-Souchot à Saint-Agnant », Roccafortis, 3e série, t. 1, n° 6, p. 9-16. 8 M. Favre : « Un gisement protohistorique aux Chaumes de Varaize (Échillais), Roccafortis, 3e série, t. 1, n° 7, p. 11-13. 9 M. Favre : « Les sites à sel de la région de Rochefort », Roccafortis, 3e série, t. 1, n° 5, 1990, p. 17-26.

En 1987, le site de l’Ile Madame est observé pour

la première fois, et en 1990 le gisement de La Prise de Breneaux s’ajoute à la liste des trouvailles faites sur la commune de La Gripperie. Mais en 1994, le site de La Vergnaie de la Châtaigneraie est vu pour la première fois. La même année, le gisement de L’Ile de Liron, au Breuil-Magné, est localisé, tandis que l’année suivante, des travaux de remembrement permettent d’observer le site de Champservé-le-Bas, à Tonnay-Charente10. Au cours des années 1999 et 2000, des recherches effectuées en compagnie de Jean Guénégan, permirent de localiser le site des Serpents, sur la commune de Beaugeay, celui de La Tublerie, à Ballon, et le site du Bois de Marcou, à Ardillières. Entre 2001 et 2005, le petit site du Moulin à Girouin, à Cabariot, fut observé pour la première fois, ainsi que celui de Chez Coutant, commune de Saint-Savinien ; sur cette commune, Mr Libeau découvrait un site dans le bourg. En 2006 et 2007, des prospections effectuées le long de la Gironde, permirent de trouver le site des Franges, commune de Saint-Sorlin-de-Conac, ainsi que le site des Bouteilles, celui des Moulineaux et le site du Petit Marais, à Saint-Bonnet-sur-Gironde. En 2009, le site des Forges à Moragne, fut entrevu pour la première fois, malgré les colluvions qui le recou-vrent. Aucun site à sel n’était connu à Rochefort, mais depuis l’année dernière, un site à été découvert au lieu-dit Chartres ; il est toutefois encore très mal connu.

Signalons enfin les deux sites à sel ayant fait l’objet d’une fouille archéologique approfondie : le site de la Challonnière à Tonnay-Charente, avec son important atelier de sauniers, fouillé en 1993 par Hélène Dartevelle11, et le site à sel d’Esnandes, fouillé par Bruno Texier en 1987-1988 et Maurice Lavergne en 1990 et 199212 ■

10 M. Favre : « un site à sel à Champservé-le-Bas (Tonnay-Charente), Roccafortis, 3e série, t. 3, n° 18, 1996, p. 59-63. 11 H. Dartevelle : « Un exemple d’implantation littorale (Protohistoire-Moyen Âge). Le site de La Challonnière à Tonnay-Charente », L’estuaire de la Charente de la Protohistoire au Moyen Âge, sous la coordination de Luc Laporte, DAF 72, 1998. 12 M. Lavergne : « Esnandes, le site à sel gaulois de l’église », Les nouvelles d’Archéaunis, mars 2003.

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