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338 BIOCHIMICA ET BIOPHYSICA ACTA BBA 26172 LA DEGRADATION DE LA L-LYSINE CHEZ LE RAT "GERM-FREE" PAUL BOULANGER a, ROGER OSTEUX a, EDMOND SACQUETb ET HECTOR CHARLIER ~ ~Laboratoire de Chimie Biologique, Facultd de Mddecine et Pharmacie, Lille (France) et bService des Anirnaux sans germes, Groupe des Laboratoires du C.N.R.S., Gif-sur-Yvette (France) (Re~u le 7 Mars, 1969) SUMMARY L-Lysine degradation in the 'germ-free' rat The fate of uniformly 14C-labelled L-lysine (I), 21-piperideine-2-carboxylic acid (II) and uniformly 14C-labelled L-pipecolic acid (III) in intact 'germ-free' rats has been explored. The fraction of initial radioactivity recovered in respiratory CO2 within the first 6 h amounts to IO % for I, 0.6 % for II and less than o.I % for III. Pipecolic acid is excreted unchanged in the urine, and it was impossible to detect the presence of a-aminoadipic or piperidone-carboxylic acid. These results are compared with those of other authors and discussed. It seems to be well established that pipecolic acid is, in fact, not metabolized by the germ- free rat; it is not on the major a-aminoadipic acid pathway of lysine degradation, but on a side path. INTRODUCTION Dans le sch6ma de la d6gradation de la lysine chez les mammif~res, propos~ par ROTHSTEIN ET MILLER 1, il est admis que le passage ~t l'acide a-aminoadipique se fait par enl~vement du groupe NH 2 en a (par transamination ou d6samination), cyclisation de l'a-c~to acide form6 et transamination intramol6culaire selon le sch6ma de la page 343. Cette conception implique soit l'isom6risation directe des acides pip6ri- d~ine-2-carboxyliques (z~i~ -/]6), qui n'a pu 8tre 6tablie exp~rimentalement et qui est consid6r~e comme tr6s peu probable (voir r6f. 2), soit le passage par le stade d'acide pip6colique, celui-ci dtant transform6 rapidement en acide a-aminoadipique, lui-mSme activement m6tabolis~ chez le rat in vivo. Or, nous avons d~s 196o (r~f. 2) fair des r6serves sur la "rdactivit6" de l'acide pip6colique dans l'organisme : en effet A la suite de l'injection intra-p6riton~ale d'acide DL-I14C~pip6colique (uniform. marqu6) chez le rat, le seul compos6 marqu6 identifi6 darts l'urine est l'acide pip6colique; mSme dans les exp6riences avec surcharge, il n'est pas possible de d6celer la moindre trace d'acide a-aminoadipique radioactif. Les exp6riences in vitro en presence d'homog6nat de foie de rat conduisent ~ des observations analogues. Ces constatations pouvant s'expliquer par une d6gradation tr~s rapide de l'acide a-aminoadipique et des compos~s interm6diaires, nous avons entrepris une s6rie d'essais permettant de lever les doutes ~t cet 6gard. Nous rapportons ici nos r6sultats, qui ont fait l'objet de deux notes pr~liminaires 3,4; ils ont ~t~ obtenus avec des rats "germ-free": c'est en effet le seul Biochim. Biophys. Acta, 184 (1969) 338-344

La degradation de la L-lysine chez le ra “germ-free”

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Page 1: La degradation de la L-lysine chez le ra “germ-free”

338 BIOCHIMICA ET BIOPHYSICA ACTA

BBA 26172

LA DEGRADATION DE LA L-LYSINE CHEZ LE RAT " G E R M - F R E E "

P A U L B O U L A N G E R a, R O G E R O S T E U X a, E D M O N D SACQUETb ET H E C T O R C H A R L I E R ~

~Laboratoire de Chimie Biologique, Facultd de Mddecine et Pharmacie, Lille (France) et bService des Anirnaux sans germes, Groupe des Laboratoires du C.N.R.S., Gif-sur-Yvette (France)

(Re~u le 7 Mars, 1969)

SUMMARY

L-Lysine degradation in the 'germ-free' rat The fate of uniformly 14C-labelled L-lysine (I), 21-piperideine-2-carboxylic acid

(II) and uniformly 14C-labelled L-pipecolic acid (III) in intact 'germ-free' rats has been explored. The fraction of initial radioactivity recovered in respiratory CO2 within the first 6 h amounts to IO % for I, 0.6 % for I I and less than o.I % for I I I . Pipecolic acid is excreted unchanged in the urine, and it was impossible to detect the presence of a-aminoadipic or piperidone-carboxylic acid.

These results are compared with those of other authors and discussed. I t seems to be well established that pipecolic acid is, in fact, not metabolized by the germ- free rat ; it is not on the major a-aminoadipic acid pathway of lysine degradation, but on a side path.

INTRODUCTION

Dans le sch6ma de la d6gradation de la lysine chez les mammif~res, propos~ par ROTHSTEIN ET MILLER 1, il est admis que le passage ~t l'acide a-aminoadipique se fait par enl~vement du groupe NH 2 en a (par transamination ou d6samination), cyclisation de l'a-c~to acide form6 et transamination intramol6culaire selon le sch6ma de la page 343. Cette conception implique soit l 'isom6risation directe des acides pip6ri- d~ine-2-carboxyliques (z~i~ -/]6), qui n 'a pu 8tre 6tablie exp~rimentalement et qui est consid6r~e comme tr6s peu probable (voir r6f. 2), soit le passage par le stade d'acide pip6colique, celui-ci dtant transform6 rapidement en acide a-aminoadipique, lui-mSme activement m6tabolis~ chez le rat in vivo. Or, nous avons d~s 196o (r~f. 2) fair des r6serves sur la "rdactivit6" de l'acide pip6colique dans l 'organisme : en effet A la suite de l'injection intra-p6riton~ale d'acide DL-I14C~pip6colique (uniform. marqu6) chez le rat, le seul compos6 marqu6 identifi6 darts l 'urine est l'acide pip6colique; mSme dans les exp6riences avec surcharge, il n 'est pas possible de d6celer la moindre trace d'acide a-aminoadipique radioactif. Les exp6riences in vitro en presence d'homog6nat de foie de rat conduisent ~ des observations analogues. Ces constatations pouvant s 'expliquer par une d6gradation tr~s rapide de l'acide a-aminoadipique et des compos~s interm6diaires, nous avons entrepris une s6rie d'essais permettant de lever les doutes ~t cet 6gard. Nous rapportons ici nos r6sultats, qui ont fait l 'objet de deux notes pr~liminaires 3,4; ils ont ~t~ obtenus avec des rats "germ-free": c'est en effet le seul

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DEGRADATION DE LA L-LYSINE 339

proc6d6 permettant de pr6venir avec certitude, chez l'animal lui-m~me et pendant le recueil des urines, l'interf~rence du m~tabolisme microbien et par suite toute erreur d'interpr6tation.

MATERIEL ET M]~THODES

Rats "germ-free". Les animaux utilis6s sont des rats "st6riles" Lobund. Les in- jections intra-p6riton~ales sont faites st6rilement dans l'isolateur et les animaux sont plac6s dans des cages A m*tabolisme permettant le recueil des urines; un "t6moin" est effectu6 en pla~ant directement le produit 6tudi6 dans le r*cipient ~t urine d'un rat qui ne re~oit pas d'injection.

Urines. Les urines sont recueillies g6n6ralement au bout de 6 ou 8 h, 24 h, 48 h et parfois 72 ou 96 h. Elles sont soumises A un fractionnement sur 6changeurs de cations (Permutite 50 ou Amberlite IR 12o) puis d'anions (Amberlite IR 4 B), afin de s6parer les acides amin6s des substances acides et neutres; les fractions sont ensuite soumises ~ une 61ectrophor~se sur papier ~ pH 3-9, en tampon volatil acide ac6tique- pyridine, sur feuille de 28 cm × 4o cm. Les bandes radioactives sont localis6es par autoradiographie (film Kodirex monocouche), d6coup6es et 61u6es; la radioactivit6 est mesur~e en couche mince au moyen d'un compteur A fenStre et ~ flux continu (Tracerlab-Saphymo) ou par scintillation en milieu liquide (appareil Packard Tricarb). Les constituants sont identifi6s par chromatographie sur papier en 2 dimensions (ph6nol-NH3 3 % et butanol-acide ac6tique-eau, 4: i :5, v/v/v) et 6ventuellement par 61ectrochromatographie sur papier (61ectrophor~se ~ pH 3.9, suivie d'une chro- matographie ascendante dans le butanol ac6tique); l'identification est facilit6e par l'emploi de t6moins externes et internes.

CO 2. Le CO 2 exhal6 est recueilli par un dispositif classique de pi~ges ~ soude situ6 en dehors de l'isolateur et reli6 aux cages ~ m6tabolisme sp~ciales plac6es l ' interieur de celui-ci; la radioactivit6 a 6t6 mesur6e directement sur la solution par scintillation en milieu liquide.

Produits marqu&. Nous avons utilis6 de la L-t14C~lysine (uniform. marqu6e) en provenance du Centre d'Amersham et du Service des Mol6cules marqu6es du C.E.N. de Saclay. Le produit es.t purifi6 imm6diatement avant l'emploi par 61ectrophor~se sur papier ~t pH 3.9 (on r6cup~re exclusivement la bande correspondant ~t la lysine). L'acide A1-E14Clpip6rid6ine-2-carboxylique (uniform. marqu6) est obtenu par d6s- amination de la L-[14Cllysine (uniform. marqu6e) in vitro par la L-amino-acide-oxydase du foie de DindonS; l'acide DL-~14C~pip6colique (uniform. marqu6) est pr6par~ par r6duction catalytique (PtO2, H2) du produit pr6c6dent; Faction de la D-amino-acide- oxydase du rein de Mouton ou de Porc sur l'acide DL-t14Clpip6colique (uniform. marqu6e) conduit ~ l'acide L-~C~pip6colique (uniform. marqu6) qui n'est pas com- pl~tement priv6 d'isom&re D. Nous avons aussi pr6par6 l'acide L-[~aC~pip6colique (uniform. marqu6) par r6duction de l'acide A~-pip6rid6ine-2-carboxylique par un homog6nat de foie ou de rein de Dindon.

RESULTATS

Une premiere s6rie d'exp6riences, sans recueil du CO~, a donn6 les r6sultats suivants.

(a) Produit injectd: Acide 21-~14C~pipdriddine-2-carboxylique (Essai 179). Dur6e

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34 ° P. BOULANGER et al.

de l'exp6rience : 96 h; radioactivit6 totale de l'urine: 3645oo coups/min; radioactivit6 de la fraction "amino-acides" : 283 ooo coups/rain. Electrophor~se A pH 3.9 : une bande principale "neutre" correspondant A 95 % de la radioactivit6, identifi~e ~ l'acide pip~colique; quelques bandes cathodiques et anodiques tr~s discr~tes, non identifi- ables, parmi lesquelles il est impossible de d6celer la pr6sence d'acide e-aminoadipique (ou de sa lactame). Radioactivit6 de la fraction "acide": 62ooo coups/min; cette fraction se retrouve dans l 'urine t~moin; elle correspond ~ des produits de d6gradation spontan6e et on n 'y retrouve notamment pas d'acide pip~ridone-carboxylique.

(b) Produit injectd: Acide L-[14c~pipdcolique (Essais 165 et 17o ). Dur~e des ex- p4riences: 48 et 72 h; radioactivit4 totale de l'urine: 43800 et 358000 coups/rain, soit dans le premier essai 31% et dans le second essai 60 % de la radioactivit4 iniect4e; radioactivit4 de la fraction "amino-acide": 42600 et 342600 coups/min, soit 96 To de la radioactivit4 totale. Electrophor~se ~ pH 3.9: une bande principale d'acide pip4colique correspondant ~ 97 To de la radioactivit4 ; une tr&s faible bande anodique, plus rapide que l'acide e-aminoadipique, n'a pu ~tre identifi4e.

Une deuxi~me s4rie d'exp~riences comporte le recueil et l'analyse du CO 2 respiratoire; elle est r4sum4e dans le Tableau I.

T A B L E A U I

RI~PARTITION DE LA RADIOACTIVIT]~ DANS LE C O S RESPIRATOIRE ET L'URINE APRILS INJECTION DE L-LYSINE, D'ACIDE A1-pIP]~RIDI~INE-2-CARBOXYLIQUE ET D'ACIDE DL-PIPI~COLIQUE

Radioactivitd (coups/min)

A c i d e A c i d e DL- P r o d u i t i n j e c t 6 L - L y s i n e (I) A l - p i p ~ r i d ~ i n e - p i p 6 c o l i q u e ( I I I )

2 - c a r b o x y l i q u e (II) Q u a n t i t 6 i n j e c t 6 e 4 0 2 8 i o o 4 3 8 6 o o o 2 443 95 ° C O S e x h a l 4 395 9 7 6 25 008 1 464

U r i n e d e 6 h : T o t a l e 3 2 o o o o 2 o65 5 o o I 3 9 6 4 o o F r a c t i o n " a m i n o - a c i d e s " 219 6 o o i 4 6 o o o o i 365 3oo F r a c t i o n " n e u t r e s " + " a c i d e s " I o o 3 o 0 605 5 ° o 31 i oo

U r i n e d e 48 h 143 5 o 0 427 o o o - - U r i n e d e 72 h - - 4 8 500 - -

La L-lysine est oxyd~e dans la proportion de lO % en 6 h; dans le mSme temps, la quantit6 de 1'CO2 form6e ~ partir de l'acide I~L-pip6colique n'atteint pas o.i %. L'acide A 1-pip~rid6ine-2-carboxylique occupe une position interm6diaire, avec un taux d'oxydation d'environ 0.6 %. Corr~lativement, la radioactivit6 urinaire est d 'autant plus 6lev6e que la d6gradation est plus faible: 57 % dans les six premifires heures pour l'acide DL-pip~colique, 47 % pour l'acide Al-pip6rid6ine-carboxylique (57 % en 72 h), 8 % pour la L-lysine (11.5 % en 48 h).

Les substances radioactives 6limin~es ont 6t~ identifi6es : il s'agit essentiellement d'acide pip~colique (99 % de la radioactivit6 de la fraction "amino-acides" de III, 60 % environ de I et II : dans ce dernier cas, l'acide pip~colique est souill6 d'acide Al-pip6riddine-2-carboxylique 41imin6 tel quel). Dans l'Essai I (L-lysine), l'urine contient aussi de la lysine intacte (23 % de la radioactivit6 de la fraction "amino-

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DEGRADATION DE LA L-LYSINE 341

acides", voir aussi la note *). Ni l'acide x-aminoadipique, ni sa lactame n'ont pu 8tre caract6ris6s dans aucun des cas.

Un troisi~me essai a 6t6 effectu6 avec de l'acide L-[14C]pip6colique (pr6par6 par r6duction enzymatique de l'acide Al-pip6rid6ine-2-carboxylique). Les r6sultats sont reproduits dans le Tableau II : on voit que l'acide L-pip6colique n'est pratiquement pas oxyd6.

T A B L E A U I I

RI~PARTITION DE LA RADIOACTIVIT]~ DANS LE CO 2 RESPlRATOIRE ET L'IJRINE APR~S INJECTION D'ACIDE L- [14C] PIP]~COLIQUE

Radioactivitd % de la radio- (coups/rain) activitd injectde

Acide L-pip~colique inject6 4 973 ooo - - CO 2 exhal6 7 560 o.15 Urine de 6 h I 395 ooo 28 Urine des 3 ° h suivantes I o54 ooo 21 Urine totale de 36 h 2 439 ooo 49

DISCUSSION

Les r6sultats que nous rapportons confirment ceux que nous avons publi6s antdrieurement : l'acide pip~colique n'est pratiquement pas oxyd6 chez le rat "germ- free" et sa position d'interm~diaire dans la d6gradation de la lysine par la voie ~-aminoadipique ne paralt donc pas ~tablie.

Les arguments invoqu~s en faveur du sch6ma classique par ROTHSTEIN ET GREENBERG et al?,6, 7 6taient les suivants: (I) l 'injection de [eASN]lysine est suivie chez le rat de l'61imination urinaire d'acide a-aminoadipique contenant un ldger exc~s d'azote lourdl; (2) lorsqu'on introduit dans l'organisme de l'acide pip~colique radio- actif, on trouve du 14CO~ dans Fair expir6 et l'urine contient de l'acide glutarique radioactif provenant lui-mSme de la d~gradation de l'acide a-aminoadipique6; (3) les

* A ti tre de comparaison, nous r6sumons ci-dessous les r6sultats d 'une experience effectu6e dans des condit ions identiques chez un ra t "germ-free" et compor tan t l ' injeetion intrap6riton6ale de L-Ei4C]lysine et d 'une surcharge d'acide L-~-aminoadipique non marqu6 (75 mg pour un ra t de 350 g).

Radioactivitd % de la quantitd (coups/rain) injectde

L-Lysine inject6e 4 325 ooo CO 2 exhaM (6 h) 511 450 i i . o Urine de 48 h 361 765 8.3 Fract ion "amino-ac ides" 171 IX5 3.9 Frac t ion "acide" 19o 64o 4-4

La fraction acide est pass6e sur Dowex I -X8 et l'41ution est faite par de l 'acide formique 6 M ; le pic radioactif unique est soumis pour identification k une 61eetrochromatographie sur papier: le compor tement est tr~s voisin de celui de l 'acide glutarique. La fraction aminoacide comprend essentieUement de l 'acide pip6colique (6o%), de l 'acide At-pip6rid~ine-2-carboxylique (environ 3o%) et de la lysine (moins de lO%); on ne d6e61e pas d'acide 0¢-aminoadipique.

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342 P. BOULANGER et al.

mitochondries de foie de rat, en pr6sence d'acide DL-pip~colique marqu6, produisent du 14CO2 (jusqu'/~ lO. 5 % de la radioactivit6), ainsi qu'une faible quantit~ d'acide e-aminoadipique radioactifs; (4) les mitochondries de foie de boeuf d6gradent l'acide Dr-pip6colique marqu6 en donnant soit du 14CO~, soit de l'acide a-aminoadipique radioactif (en pr6sence d 'un exc+s de m6tabolite non marqu6)L

I1 faut remarquer que l'exc+s d'azote lourd trouv6 dans l'acide a-aminoadipique lors de la premiere experience 6tait tr~s faible (o.35 %); d 'autre part, les animaux intacts utilis6s ~taient des rats conventionnels (Wistar ou Sprague-Dawley), chez lesquels l ' intervention du m6tabolisme des microorganismes n'~tait pas exclue; enfin, dans tousles essais in vivo, la radioactivit6 de l'acide ~-aminoadipique form6 A part ir de racide pip6colique marqu6 6tait tr+s faible et le pourcentage par rapport A la radio- activit~ initiale inf6rieur A 1%. I1 reste que la formation de 14CO2 par les mito- chondries de foie de rat et de boeuf A part ir d'acide DL-[6-t4Clpip6colique est ap- pr6ciable (de l'ordre de IO % de la radioactivit6 initiale) et qu'en presence d'une sur- charge d'acide c~-aminoadipique, le m6me pourcentage de radioactivit6 est "pi6g~" dans ce compos6 (et dans sa lactame). D'autre part, il faut ajouter que l'~ventualit6 du passage r6versible de l'acide pip6colique A l'acide Al-pip6rid6ine-2-carboxylique et A l'acide Al-pip~rid6ine-6-carboxylique est 6tay6e par la caract~risation d'hydro- g6nases catalysant sp6cifiquement la r6duction de chacun des d6riv6s non satur~s 8.

I1 est difficile d'expliquer les divergences entre nos r6sultats et ceux de ROTtt- STEIN ET MILLER 1 et de ROTHSTEIN et al. 7. On peut 6videmment invoquer une s6pa- ration des pools de m6tabolites endog+ne et exog+ne: l'acide pipdcolique injectd par voie p6riton6ale ne parviendrait pas au niveau des sites cellulaires o/1 racide pip6co- lique endog+ne serait normalement d6grad6; la barri~re serait lev6e par risolement des mitochondries.

Cependant, plusieurs notes et m6moires r6cents rapportent des observations fa- vorables A notre conclusion.Tout d'abord, HIGASI-IINO et al. °, ao ont d6montr6 la formation de saccharopine ou e-N(L-glutaryl-2)-L-lysine par les mitochondries de foie de rat en pr6sence de L-lysine et d'~-c6toglutarate, en ana6robiose; la saccharopine est oxyd~e et scindde en 8-semi-ald6hyde c~-aminoadipique par un extrait de mitochondries (obtenu par cong61ation-d6cong61ation et surtout par sonication) en pr6sence de NAD. Ces constatations permettent d'envisager chez les mammif+res un catabolisme de la lysine par une voie inverse de la s6quence r6actionnelle de la biosynth+se de la lysine chez les levuresn-~: cette seconde voie implique l 'enl~vement du gronpe NH 2 en s (par transamination) et le passage A l'acide a-aminoadipique par l 'interm6diaire du semi-ald6hyde (en 6quilibre avec sa forme cyclisde, l 'acide Al-pip6rid6ine-6-carboxy- lique). I1 est assez probable, dans ce cas, que la formation de saccharopine (observ6e seulement en ana6robiose) est due A une r6action secondaire de r6duction de la base de Schiff, interm6diaire de la transamination.

Les observations de HIGASHINO eta/ .° , 1° ont 6t6 confirm6es par HUTZLER ET DANCIS 14 avec des tissus humains (en ana6robiose); ces auteurs ont en outre isol6 du foie humain et partiellement purifi6 renzyme responsable (saccharopine-synth6tase ou lysine: x-c6toglutarate:NADPH oxydorgductase). Un argument suppl6mentaire a 6t6 fourni par l 'identification de la saccharopine dans l'urine d'une malade atteinte de dfficience intellectuelle, qui excr~tait aussi des quantit6s 61ev6es de lysine, de citrulline et d'homocitrullinO s.

Plus r6cemment, GROVE ET HENDERSON 16 ont compl6t6 les donn~es pr6c6dentes

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DI~GRADATION DE LA L-LYSINE 343

en ttdmontrant le passage de la saccharopine A l'acide ~-aminoadipique et ~ l'acide glutamique en pr6sence de mitochondries de foie et de rein de rat en adrobiose. Ces auteurs ont aussi observ6 que, chez le rat intact, rinjection intrap6riton6ale de L-lysine marqufe et d'une surcharge en saccharopine non marqu6e 6tait suivie de l'61imination, dans l'urine, de saccharopine non radioactive : autrement dit, l'existence de cet interm6diaire in vivo n'est pas prouv6e. Ce r6sultat n6gatif est en faveur de l'hypoth~se formul6e plus haut de la formation de la saccharopine par une r6action secondaire de r6duction; normalement, en a6robiose, la base de Schiff s'isom6riserait et se scinderait directement en acide glutamique et semi-ald6hyde ~-aminoadipique.

Des essais analogues in vivo avec surcharge r6v~lent une oxydation importante de la lysine marqu6e (14CO2 = 29.3I To de la radioactivit6 initiale) et la formation d'acide pip6colique et d'acide ~-aminoadipique, celui-ci en tr~s faible quantit6 (0.2 %). D'autre part, GROVE ET HENDERSON is constatent aussi que la D-lysine marqu6e ne donne pratiquement pas de 14CO2 en pr6sence de mitochondries de foie et de rein; in vivo, on obtient tr~s peu de 14CO2 (o.6 %) et l'urine contient de la D-lysine (26 et 40 %) et de l'acide pip6colique (21 et 31%), avec une petite quantit6 d'acide ~-amino- adipique (0.2 %). L'acide pip6colique isol6 de l'urine est de la forme L, apr~s injection aussi bien de D-lysine que de L-lysine*; la comparaison entre les essais montre en outre que la D-lysine donne relativement beaucoup plus d'acide pip6colique que la L-lysine. Enfin, selon les m~mes auteurs, n i l e foie de rat en perfusion, ni les mito- chondries ne d6gradent l'acide L-pip6colique.

Les observations de GROVE ET HENDERSON is ne sont 6videmment pas favorables l'hypoth~se d'un comportement diff6rent des m6tabolites endog~nes et exog~nes.

H2 N-CH2-CH2-C H2-CH2-CH- C OOH

kysin e NH2

" \ ®

Serfli- ald6hyde Ac[de ~-aminoadiplque ~ ~-pip~rid6[ne-6-_carl~×yl[que

HOOC ICI-I-COOh

/ 4 Acide "xx~x~ (~3 ///~-PiP6r6icfine- 2- / / / -carboxylique

~ C O O b t

Acide o~-c~to-

NH 2 Acide ~.-am[noadipique Acide plp6colique

- ~'-aminocaproi'que

(~:Voie "pip6colique" (r6f.1)

(~):Voie ¢~-aminoadipique "dlrecte"

* Dans une note rdcente, YAGI et al. 17 montrent la possibilit6 de formation d'acide pip6colique 5, partir de la Ddysine en prdsence de D-amino-acide-oxydase en a~robiose, l 'acide Al-pipdriddine - 2-carboxylique servant d'accepteur pour l'hydrog~ne enlevd ~ la lysine. Dans ce cas, on peut penser qu'il s'agit d'acide D-pipdeolique.

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344 p. BOULANGER et al.

I1 apparait donc bien, conform6ment A notre conclusion ant6rieure, que l'a~ide pip6colique est relativement "inerte" chez le rat et se trouve sur une voie de d6ri- vation, en "cul-de-sac", du m6tabolisme normal de la lysine.

REMERCIEMENTS

Nous remercions Mademoiselle Th. Ernout, collaboratrice-technique du C.N.R.S., d'avoir aid6/~ la r6alisation mat6rielle de ce travail.

Rt~SUM]~

La destin6e de la L-[l*Cjlysine (uniform. marqu6e) (I), de l'acide Al-[14C]- pip6rid6ine-2-carboxylique (uniform. marqu6e) (II) et de l'acide L-[14C]pip6colique (uniform. marqu6e) (III) a 6t6 6tudi6e chez le rat "germ-free". La radioactivit6 retrouv6e au cours des 6 premi+res heures dans le CO 2 exhal6 est de io % pour I, 0.6 % pour II , moins de o.I % pour I II . L'acide pip6colique est 61imin6 tel quel dans l'urine et dans aucun cas on ne d6c+le la pr6sence d'acide a-aminoadipique ou de sa lactame.

Ces r6sultats sont compards/t ceux de la litt~rature et discut6s. I1 apparait que l'acide pip~colique est un m6tabolite relativement "inerte" chez le rat, et se trouve sur une voie de d6rivation, en "cul-de-sac", du m6tabolisme normal de la lysine.

B I B L I O G R A P H I E

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