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EHESS La fascination du bolchevisme: Enver pacha et le parti des soviets populaires, 1919-1922 Author(s): Paul Dumont Source: Cahiers du Monde russe et soviétique, Vol. 16, No. 2 (Apr. - Jun., 1975), pp. 141-166 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/20169721 . Accessed: 12/06/2014 11:28 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers du Monde russe et soviétique. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.20 on Thu, 12 Jun 2014 11:28:29 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

La fascination du bolchevisme: Enver pacha et le parti des soviets populaires, 1919-1922

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La fascination du bolchevisme: Enver pacha et le parti des soviets populaires, 1919-1922Author(s): Paul DumontSource: Cahiers du Monde russe et soviétique, Vol. 16, No. 2 (Apr. - Jun., 1975), pp. 141-166Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/20169721 .

Accessed: 12/06/2014 11:28

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ARTICLES

PAUL DUMONT

LA FASCINATION DU BOLCHEVISME :

ENVER PACHA

ET LE PARTI DES SOVIETS POPULAIRES

1919-1922

Le 30 octobre 1918, les pl?nipotentiaires ottomans signent l'armistice de Moudros. Devant l'ampleur du d?sastre1, les dirigeants du comit? Union et Progr?s, qui portent la responsabilit? de la politique suivie

par l'Empire ottoman depuis 1908 et qui redoutent d'avoir ? r?pondre de leur incomp?tence, d?cident de fuir ? l'?tranger : dans la nuit du Ier au 2 novembre, l'ex-Grand Vizir Tal'at pacha2, l'ex-ministre de la Marine D jemal pacha3 et l'ex-ministre de la Guerre En ver pacha4

montent, en compagnie de quelques Unionistes de choc5, ? bord d'un navire allemand qui les conduit ? Odessa. De l?, ils se rendront ?

Berlin6, o? ils passeront l'hiver de 1918-1919 dans une semi-clandesti

nit?, en attendant que l'Allemagne se prononce sur la demande d'extra dition formul?e ? leur ?gard par le gouvernement de Constantinople7.

Condamn?s ? mort par contumace, le 5 juillet 1919, les fuyards ne remettront plus les pieds en Turquie. Mais cela ne les emp?chera pas, durant les quelques ann?es qu'il leur reste ? vivre8, de continuer ? jouer un certain r?le politique. Du loin de leur exil, ils multiplieront les initiatives pour tenter de desserrer l'?tau imp?rialiste qui vient de se refermer sur la Turquie : Tal'at, ? Berlin, prendra contact avec des agents anglais dans l'espoir d'aboutir ? une r?vision partielle des exigences occidentales ; D jemal, au contraire, mettra au net un programme de soul?vements populaires dans les possessions britanniques d'Orient et entrera au service de l'?mir Amanullah d'Afghanistan ; Enver, enfin, se tournera vers les Bolcheviks, s'effor?ant de promouvoir, sous le

patronage des autorit?s sovi?tiques, une Union des soci?t?s r?volution naires islamiques et le ?

parti des soviets populaires ? dont il sera

question dans cet article. Partisan d'une politique de rapprochement avec l'Angleterre, Tal'at

se verra tr?s vite r?duit, en son s?jour berlinois, ? une situation de

comparse. D?s 1920, au contraire, Enver s'imposera comme le v?ritable chef des Unionistes en exil. Ceux-ci, sous son impulsion, se d?clareront

pour la lutte ? outrance contre l'imp?rialisme occidental. Dans le contexte de l'?poque, cette lutte devait obligatoirement passer par l'alliance avec les Bolcheviks. Mais alors que les K?malistes, contraints

Cahiers du Monde russe et sovi?tique, XVI (2), avril-juin 1975, pp. 141-166.

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142 PAUL DUMONT

de choisir la m?me voie9, sauront faire preuve d'une prudence exemplaire dans leurs accords avec Moscou, Enver ne pourra, lui, que se livrer pieds et poings li?s ? la merci des communistes.

De la part d'un pacha ottoman, cela a ?videmment de quoi sur

prendre. Un certain nombre de facteurs, toutefois, permettent d'expliquer son attitude.

Tout d'abord, il est possible qu'Enver ait ?t? en quelque sorte ? fascin? ? par l'essor du bolchevisme. Les Jeunes-Turcs, on le sait, se disaient volontiers progressistes, et on peut fort bien postuler, au

moins pour quelques-uns d'entre eux, dans le d?sarroi des ann?es vingt, une certaine sympathie envers les Soviets. Mais bien entendu, il faut tenir compte ? cet ?gard de leur ?vidente candeur en mati?re id?ologique.

Derri?re une phras?ologie inspir?e du jargon du Komintern, Enver

d?veloppera en r?alit? ? comme nous aurons l'occasion de le constater en ?tudiant les programmes de son ? parti des soviets populaires ? ?

une doctrine sui generis, faite d'emprunts h?t?roclites ? divers courants de pens?e, et notamment au corporatisme.

Ensuite, et ? titre d'hypoth?se, on peut estimer qu'une certaine confusion a pu se cr?er dans l'esprit d'Enver entre ? r?volution socia liste ? et ? r?volution islamique ?. Chez les r?volutionnaires d'Orient10, l'id?e ?tait courante, ? cette ?poque, d'une concordance partielle entre les enseignements respectifs de l'Islam et du socialisme. Comme la

plupart d'entre eux, Enver pensait sans doute (certains textes sont l? pour confirmer notre hypoth?se) que le socialisme pouvait aider le

monde musulman ? sortir de l'impasse. Enfin, et par-dessus tout, on doit envisager les calculs personnels

de l'ex-commandant en chef de l'arm?e ottomane. En se ralliant aux

communistes, Enver esp?rait ind?niablement que ces derniers l'aideraient ? revenir en Turquie en triomphateur. Un pacha bolchevik en Anatolie :

voil? ce qu'Enver semblera offrir aux Russes tout au long de l'ann?e

1921, en ?change d'un soutien financier et militaire susceptible de l'aider ? reconqu?rir le pouvoir, face ? Mustafa Kemal. Une telle ?ventualit?, il faut le souligner, ?tait prise tr?s au s?rieux par les chancelleries de l'Entente. De 1919 ? 1921, la sovi?tisation de l'Anatolie au moyen des

dirigeants unionistes fut consid?r?e, au Quai d'Orsay et au Foreign Office, comme un danger imminent.

*

En d?pit de l'abondante litt?rature consacr?e ? Enver pacha, ses

initiatives d'apr?s Moudros constituent, aujourd'hui encore, un dossier

passablement neuf. Pendant longtemps on s'est content?, l? o? l'on

?tait le mieux plac? pour s'occuper du personnage ? en Turquie et en

Union Sovi?tique ?, d'une vision expurg?e des ?v?nements. Prudence

politique sans doute. De part et d'autre, l'enverisme devait sentir le

fagot. Mais depuis quelques ann?es les choses ont chang?. D'importants mat?riaux nouveaux ? lots d'archives et m?moires ? exhum?s en

Turquie permettent d?sormais de se faire une opinion relativement

pr?cise et circonstanci?e sur ce que furent les derni?res ann?es de la

vie du leader unioniste.

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME 143

On doit mentionner en premier lieu les m?moires du g?n?ral Kazim Karabekir11 qui fut pendant quatre ans, d'avril 1919 ? octobre 1922, commandant de l'arm?e turque sur le front oriental. De par ses fonctions, Karabekir ?tait charg? de surveiller les activit?s des Unionistes en Russie. Il semble l'avoir fait avec beaucoup de z?le, par le biais, notamment, de ses agents ? Tr?bizonde, Batoum et Bakou. Nous nous trouvons ici, de toute ?vidence, en pr?sence d'un t?moin fort bien inform? et qui n'h?site pas ? citer in extenso, dans ses m?moires, les

lettres, rapports et documents divers dont il a eu ? conna?tre. Ali Fuad Cebesoy12, ambassadeur des K?malistes ? Moscou en

1921-22, appara?t lui aussi fort bien plac? pour nous renseigner sur

les man uvres d'Enver pacha et de ses partisans. Ses Souvenirs de

Moscou13, qui rassemblent un grand nombre de lettres ?manant des Unionistes en exil, constituent une mine documentaire de tout premier plan. On doit regretter, cependant, la d?sinvolture du m?morialiste ? l'?gard des mat?riaux cit?s. Ici, le texte est tronqu?, l? modernis?, ailleurs modifi? ; ces alt?rations ne semblent jamais bien graves, mais elles suffisent ? jeter un s?rieux discr?dit sur l'ensemble de l'ouvrage.

Fort heureusement, la plupart des documents cit?s par Cebesoy ont

d?j? ?t? publi?s en 1944-45 par le journaliste H?seyin Cahit Yalcm dans le quotidien Taninu. Il nous est donc possible de confronter les deux s?ries de textes et de d?terminer avec s?ret? les suppressions et ? rectifications ? dues ? l'ancien ambassadeur15.

En retrait de ces t?moignages essentiels, on dispose encore des m?moires de l'oncle d'Enver, Halil pacha16, qui fut, semble-t-il, l'un des principaux animateurs du ?

parti des soviets populaires ?. Dans ce r?cit tr?s romanc?, les approximations fourmillent ; les rep?res chrono

logiques, en particulier, font totalement d?faut. Mais les quelques donn?es s?res que l'on rencontre ici et l? permettent tout au moins de v?rifier l'exactitude des assertions de Karabekir et de Cebesoy.

Il faut citer enfin, parmi les ? tr?sors ? documentaires les plus importants (et ? c?t? de nombreuses contributions d'une port?e plus limit?e), la volumineuse biographie d'Enver pacha par ?evket S?reyya

Aydemir et l'?tude de Mete Tun?ay consacr?e au programme du ?

parti des soviets populaires ?17. Gr?ce ? ces deux ouvrages, nous

disposons aujourd'hui de plusieurs ?l?ments nouveaux concernant notre h?ros. Aydemir, qui a eu acc?s aux archives de D jemal pacha conserv?es par la Soci?t? turque d'histoire, et sans doute aussi ? certaines archives priv?es, nous propose, ? travers les trois tomes de son

livre, une passionnante incursion dans les papiers intimes d'Enver pacha. Mete Tun?ay nous r?v?le, quant ? lui, un document in?dit et divers textes peu connus qui nous renseignent avec pr?cision sur les objectifs politiques des Unionistes ? ralli?s au bolchevisme ?.

C'est ? l'aide de ces divers mat?riaux, et aussi de quelques sondages pratiqu?s dans les archives diplomatiques fran?aises et anglaises18, que nous avons tent?, dans cet article, de cerner les agissements d'Enver entre 1919 et 1922. Pour notre expos?, nous avons adopt? un

plan chronologique distinguant, ? l'int?rieur de l'espace de temps envisag?, cinq phases principales. D'abord une phase pr?liminaire, de janvier 1919

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? ao?t 1920. Au cours de cette p?riode, les Unionistes en exil entrent en contact avec les Bolcheviks et font, l'un apr?s l'autre, leur p?lerinage de Moscou : l'oncle d'Enver, Halil pacha, d?barque dans le capitale sovi?tique en mai 1920 ; Djemal le rejoint peu apr?s ; Enver, retard?, n'arrivera que le 14 ao?t. La phase suivante (ao?t-septembre 1920) est celle des premi?res n?gociations directes entre Enver et les dirigeants bolcheviks. Le Congr?s des peuples de l'Orient, qui tient ses assises ? Bakou d?but septembre, repr?sente le point culminant de cette p?riode. Au cours de la troisi?me phase (octobre 1920-f?vrier 1921), Enver s'occupe de mettre sur pied, ? l'occasion d'un voyage en Italie et en Allemagne, une Union des soci?t?s r?volutionnaires islamiques. Parall?lement, il demande avec insistance aux Bolcheviks des troupes pour ? aller ? la rescousse ? du mouvement de r?sistance anatolien. Dans les mois qui suivent (mars-septembre 1921), il organise sa reconqu?te de l'Anatolie.

Fin juillet, croyant son heure venue (les troupes k?malistes se sont

repli?es au-del? de la Sakarya ; l'arm?e grecque gagne du terrain), il se rend ? Batoum, d'o? il compte rentrer en Turquie. Mais la victoire des Anatoliens dans la premi?re quinzaine de septembre ruine tous ses

projets. La derni?re phase (d'octobre 1921 ? la mort d'Enver en ao?t 1922) est marqu?e par la volte-face d'Enver ? l'?gard des Bolcheviks.

Abandonn? par les dirigeants sovi?tiques, qui ?vitent d?sormais de se

compromettre avec ce rival malchanceux de Mustafa Kemal, le leader unioniste change radicalement de jeu. On assiste ? partir d'octobre 1921 au reniement de l'alliance avec les communistes, et, par contrecoup, ? l'adh?sion ? la cause des Basmadji de Bukhara en lutte contre le

pouvoir sovi?tique.

*

Les premiers contacts entre les Unionistes et les Bolcheviks datent

probablement du d?but de 191919. Mais nous manquons d'informations sur ces premi?res tentatives de rapprochement. Par contre, nous

disposons de quelques indices sur les n?gociations engag?es dans les derniers mois de l'ann?e, d'ao?t 1919 ? janvier 1920. Durant cette

p?riode, Enver pacha fait ? Berlin la connaissance de Karl Radek, qui se trouve alors en prison20 ; ? Istanbul, les membres de la soci?t? secr?te Karakol rencontrent l'envoy? des Bolcheviks, Shal'va Eliava21 ; ? Bakou, enfin, les militants unionistes cr?ent un parti communiste turc et entrent en relation avec les repr?sentants locaux de la Russie

sovi?tique. Les entretiens Enver-Radek constituent tr?s certainement le point

de d?part de ces diverses n?gociations. On sait, par une lettre de Tal'at pacha22, que Radek proposait un important soutien sovi?tique ? la r?sistance anatolienne, en ?change de quoi les dirigeants unionistes devaient s'engager ? servir la propagande bolchevique ? travers le monde

musulman. Enver, qui r?vait de jouer un grand r?le ? la t?te de ses

coreligionnaires, fut sans doute imm?diatement s?duit par cette offre. En tout ?tat de cause, il appara?t, ? la fin de l'ann?e 1919, totalement

gagn? ? l'id?e d'une collaboration ?troite avec les communistes. Il faut

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME 145

citer ? cet ?gard une lettre de d?cembre 1919 adress?e ? Djemal pacha et qui r?sume fort bien sa position du moment :

?... Notre ami bolchevik est sorti de prison. Nous devions prendre l'avion ensemble. Mais ayant re?u l'autorisation de passer par la

Pologne, il a finalement opt? pour cette route. Moi, je prendrai l'avion en compagnie du docteur23. Ici, nos amis bolcheviks

acceptent de nous aider dans le cadre des id?es d?battues au cours de nos entretiens. Pour l'instant, voici ma position dans ses grandes lignes :

1 - Lib?rer les nations musulmanes. 2 - ?tant donn? que le capitalisme imp?rialiste constitue

notre ennemi commun, collaborer avec les socialistes.

3 - Adh?rer au socialisme, ? condition de l'adapter aux

doctrines religieuses qui r?gissent le fonctionnement interne des

pays musulmans.

4 - Pour la lib?ration de l'Islam, employer tous les moyens

possibles de pression, y compris la r?volution.

5 - En cette mati?re, collaborer aussi avec les nations asservies

non musulmanes.

6 - Permettre, ? l'int?rieur de la communaut? islamique,

l'essor de toutes les couches sociales. C'est tout pour l'instant. Par la suite, il faudra agir en fonction

de l'?volution de la situation...?24

Ce texte appelle, bien entendu, quelques remarques. Nous sommes tout d'abord frapp? par l'islamisme d'Enver. C'est de toute ?vidence au nom de l'Islam qu'il compte conduire la lutte contre l'imp?rialisme europ?en. Mais il faut souligner, par ailleurs, l'importance du troisi?me

point, qui pr?voit l'adh?sion ? au socialisme, ? condition de l'adapter aux doctrines religieuses qui r?gissent le fonctionnement interne des

pays musulmans ?. Par cette clause, Enver envisage plus qu'une simple alliance tactique avec les communistes ; il va jusqu'? concevoir une sorte de ? socialisme islamique ? dont il serait le champion. Cela peut ?tre interpr?t? comme un premier pas en direction des Bolcheviks.

Un second pas sera franchi ? Istanbul, en octobre ou novembre

1919, au cours des n?gociations entre Shal'va Eliava et les membres de

l'organisation unioniste Karakol. On est mal renseign? sur ces tractations, mais certains indices25 nous laissent supposer que Shal'va Eliava r?ussit ? convaincre les dirigeants de Karakol de signer un accord d'assistance

mutuelle avec les Sovi?tiques. C'est en tout cas pour mettre au point le texte d'un tel accord que Baha Sait26 se rendra ? Bakou ? la fin de l'ann?e 1919. De la part des Unionistes de Karakol, cet empressement ? saisir la perche tendue par les Russes n'avait, au demeurant, rien d'?tonnant : en effet, le projet d'une entente avec ? les socialistes et la classe ouvri?re internationale ? constituait, d?s la fin de 1918, une des clauses essentielles de leur programme27.

Le document ?labor? ? Bakou et sign? par Baha Sait le 11 janvier 192028 pr?voyait, entre les parties contractantes29, une alliance offensive et d?fensive visant non seulement ? renforcer la lutte contre l'imp?ria lisme europ?en mais aussi ? soutenir l'effort r?volutionnaire ? l'int?rieur

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des pays concern?s par l'accord. Les Unionistes s'engageaient ? soulever le monde musulman contre les puissances occidentales et ? promouvoir le communisme dans leur zone d'influence. En ?change, les Russes

proposaient des armes, des munitions et de l'argent. Ils garantissaient, par ailleurs, l'ind?pendance politique et id?ologique des nations islamiques ralli?es au combat anti-imp?rialiste, mais r?clamaient la reconnaissance des soviets ?tablis au Turkestan et au Daghestan ; les Unionistes

r?fugi?s ? Bakou devaient promettre, en outre, d'aider ? l'instauration du pouvoir sovi?tique en G?orgie, en Azerba?djan et en Arm?nie.

Par rapport ? la lettre d'Enver cit?e plus haut, cet accord de Bakou

repr?sente ? c'est ?vident ? une nette radicalisation de la position

unioniste. D?sormais, en effet, il ne s'agit plus seulement de socialiser l'Islam ; il s'agit tout bonnement d'adh?rer au bolchevisme. Les Unio nistes sont charg?s de promouvoir le r?gime des Soviets ? travers les

pays musulmans ; ils doivent consentir ? la mainmise des communistes sur le Turkestan et l'ensemble du Caucase et de la Transcaucasie ; certains articles (notamment les deux premiers) semblent m?me envisager la sovi?tisation de l'Anatolie. Nous sommes loin, on le voit, des formules volontairement floues de la lettre ? D jemal pacha. Mais cela ne signifie pas que les dirigeants de Karakol aient outrepass? la pens?e d'Enver ; nous pensons, au contraire, que les propositions ?nonc?es ? Berlin conte naient d?j?, virtuellement, les choix extr?mes de l'accord de Bakou.

Troisi?me pas en direction des Bolcheviks : la cr?ation, ? Bakou, du parti communiste turc, au d?but de 192030. Les principaux animateurs de cette formation sont des Unionistes notoires, r?fugi?s en Azerba?djan : l'oncle d'Enver, Halil pacha ; Kutchuk Tal'at, Tal'at le petit, que les

Unionistes surnommaient ainsi pour les distinguer de Tal'at pacha31 ; Baha Sait ; Fuad Sabit32 ; et quelques autres, officiers dans l'arm?e ottomane

pour la plupart. L'objectif de ces hommes est de mettre en ex?cution les

dispositions de l'accord sign? le 11 janvier par Baha Sait. Dans l'imm?diat, il s'agit d'assurer la victoire des communistes en Azerba?djan33. A plus long terme, ils veulent obtenir la sovi?tisation de la G?orgie et de l'Arm?

nie, en vue de faciliter le contact entre l'Arm?e Rouge et les troupes anatoliennes34. A cette fin, Halil pacha et ses compagnons multiplient, au cours des premiers mois de l'ann?e, les tractations avec les comit?s bolcheviks locaux. Ils posent d'autre part, au nom de la Turquie k?maliste, les premiers jalons pour des n?gociations directes avec Moscou.

Sur le plan id?ologique, le parti cr?? ? Bakou semble ?tre assez favorable au communisme. Nous ne croyons pas qu'il s'agisse l? d'une institution de fa?ade destin?e ? tromper les Russes. Nous pensons plut?t que, dans leur na?vet? doctrinale, les Unionistes de Bakou ?taient sinc?rement persuad?s de la possibilit? d'importer le bolchevisme en

Turquie35. Il est du reste r?v?lateur que le leader bolchevik turc, Mustafa Suphi36, au lieu de dissoudre le parti ? son arriv?e ? Bakou

(fin mai 1920), se soit content? d'une simple purge37 : si le parti de Halil pacha avait ?t? consid?r? par les Russes comme une imposture, il est certain qu'il y aurait eu, carr?ment, destruction de l'ancienne

organisation et reconstruction sur des bases toutes neuves. Au lieu de

cela, seuls les plus h?r?tiques furent mis ? l'?cart, tandis que des ? anciens ?

comme Fuad Sabit et F ex-gouverneur de Zor, Salih Zeki, conservaient

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME I47

une place importante dans la nouvelle direction. Il est int?ressant de noter que m?me Kutchuk Tal'at ? Unioniste endurci pourtant

?

r?ussit ? garder sa fonction de responsable des publications, ? bien que

ne partageant pas les convictions de Mustafa Suphi en ce qui concerne

la r?volution sociale ?38. Cette mansu?tude de Mustafa Suphi ? l'?gard des Unionistes d?mon

tre donc que ceux-ci se situaient, en 1920, passablement ? gauche. Aussi, leur parti peut-il ?tre consid?r? comme l'?bauche du ? parti des soviets populaires ? qu'Enver lancera quelques mois plus tard. Nous

pensons m?me, pour notre part, qu'il y a eu, d'une institution ? l'autre, filiation directe. C'est en effet, selon toute vraisemblance, en compagnie des Unionistes r?fugi?s en Azerba?djan qu'En ver r?digera ? Bakou, en septembre 1920, le texte connu sous le nom de Mesa? (Travail), premi?re esquisse du programme du ? parti des soviets populaires ?.

Nous sommes, par cons?quent, tout ? fait en droit de pr?sumer que les

exp?riences accumul?es au sein du parti communiste turc d'avant Mustafa Suphi ont jou? un r?le d?terminant dans la mise en route de la nouvelle formation.

*

A la suite des contacts dont il vient d'?tre question, les Unionistes

entreprennent, ? partir de mai 1920, une nouvelle s?rie de n?gociations avec les Bolcheviks. Celles-ci se d?roulent cette fois ? au sommet ?, ? Moscou m?me. Partent successivement pour la capitale sovi?tique

Halil pacha, D jemal pacha, et enfin Enver. Ce dernier, retenu ? Berlin

par d'ultimes tractations avec les Anglais39 ? et aussi par l'absence

de bonnes communications entre l'Allemagne et la Russie ?, n'arrivera

qu'? la mi-ao?t, juste ? temps pour assister au Congr?s des peuples de l'Orient qui doit se tenir ? Bakou du Ier au 8 septembre. Ses compagnons,

venus avant lui, ont d?j? engag? d'importants pourparlers avec les

dirigeants sovi?tiques : Halil, agissant au nom de la r?sistance k?maliste, a obtenu pour celle-ci une aide substantielle en armes, munitions et

pi?ces d'or40 ; D jemal, pour sa part, a re?u des assurances de sympathie et de soutien quant ? sa mission de modernisation de l'arm?e afghane41. Enver poursuivra ces pourparlers dans une perspective plus vaste : il

proposera aux Bolcheviks la cr?ation d'une Union des soci?t?s r?volu tionnaires islamiques charg?e d'appuyer ? travers le monde musulman les th?ses anti-imp?rialistes des communistes, et demandera en contre

partie un apport militaire et financier capable d'assurer non seulement la victoire des Anatoliens sur l'envahisseur ?tranger mais encore la ? r?volution interne ? dont la Turquie a besoin.

Pour ?clairer quelque peu les projets d'Enver en cette seconde quin zaine d'ao?t 1920, nous disposons de deux lettres importantes : l'une, du 20 ao?t, est adress?e ? Djemal pacha ; l'autre, du 26, ? Mustafa Kemal. A Djemal pacha, Enver ?crit en substance :

? ... Je vais mettre sur pied l'organisation des soci?t?s r?volution naires islamiques. Je vais faire venir les repr?sentants de

l'organisation qui se trouvent actuellement ? Berlin. Je compte donner ? la chose une tournure militaire. C'est-?-dire que je

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148 PAUL DUM0NT

voudrais constituer des bataillons musulmans qui pourraient, au printemps, venir ? notre secours sur les fronts anatoliens... ?42

On retrouve le m?me propos dans la lettre ? Mustafa Kemal, mais il n'est plus question, cette fois, de bataillons musulmans destin?s ? voler au secours de l'Anatolie. S'adressant ? un rival, Enver estime sans doute qu'il vaut mieux ne pas ?veiller en lui des inqui?tudes quant ? une ?ventuelle reprise en main des affaires par les Unionistes :

? ... Je suis venu ici [? Moscou] en vue de cr?er une organisation islamique susceptible de venir en aide ? notre pays. Les diri

geants sovi?tiques que j'ai rencontr?s approuvent mes projets. En principe, les Russes acceptent de soutenir les mouve ments r?volutionnaires dirig?s contre l'Angleterre, m?me si ces mouvements se situent en dehors du communisme. [...] Alors

que nous nous trouvions ? Berlin, nous avions remarqu? parmi les musulmans certains mouvements hostiles ? l'Entente. Ces

mouvements ?tant inorganis?s et manquant de soutien financier, nous avons d?cid?, apr?s en avoir parl? entre amis, de les rassembler. Nous sommes entr?s en contact avec les repr?sentants de divers pays musulmans, et notamment avec le repr?sentant de l'Inde, Mehmed Ali. A la suite de ces entretiens, il a ?t? admis

que la direction du mouvement se ferait ? partir d'un centre

unique, et nous avons cr?? une association compos?e de d?l?gu?s de tous les pays. Par la suite, j'ai pens? que le travail serait

plus fructueux s'il ?tait conduit depuis la Russie. A mon arriv?e ? Moscou j'en ai donc parl? au commissaire aux Affaires ?tran

g?res, qui a accept? ma proposition. En cons?quence, j'ai ?crit aux membres de l'association de se transporter ici... ?43

Cette lettre fournit de nombreux d?tails sur l'organisation de Berlin. On peut se demander toutefois si Enver n'a pas cherch? ? enjoliver les

choses, dans le but de se faire valoir aupr?s de Mustafa Kemal. En

effet, les t?moignages44 dont on dispose par ailleurs sur cette organisation donnent de celle-ci une image passablement diff?rente : il s'agissait, semble-t-il, plus d'un ? cercle d'Orient ?, avec palabres et caf?, que d'une v?ritable association r?volutionnaire ; en outre, les membres actifs du mouvement ?

baptis?s ? d?l?gu?s ? par Enver ? ne

d?passaient sans doute pas la demi-douzaine45. Dans un autre ordre d'id?es, remarquons l'allusion ? l'acceptation

des Russes de ? soutenir les mouvements r?volutionnaires dirig?s contre

l'Angleterre, m?me si ces mouvements se situent en dehors du communisme ?.

Replac?e dans son contexte, cette phrase veut, sans nul doute, accr?diter l'id?e que l'entreprise d'Enver fait pr?cis?ment partie de ces mouvements ? en dehors du communisme ?. Elle constitue, en quelque sorte, un

reniement des d?marches engag?es aupr?s des Bolcheviks depuis le milieu de l'ann?e 1919 (par le biais notamment du parti ? communiste ? de

Bakou). Mais l? encore, l'astuce est ?vidente : il s'agit tout bonnement de rassurer Kemal, de gagner sa confiance, ou tout au moins de le

persuader qu'avec les Unionistes il ne court pas le risque d'?tre emport? ? gauche.

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME I49

Mais dans la r?alit?, les choses se pr?sentent tout autrement. Loin de prendre ses distances par rapport aux Bolcheviks, Enver multiplie au contraire les gestes d'all?geance ? leur ?gard. Sur ce point, sa d?claration ? la quatri?me s?ance du Congr?s des peuples de l'Orient46

appara?t particuli?rement significative. Apr?s avoir assign? ? la IIIe Inter nationale le premier r?le dans la lutte contre l'imp?rialisme et le capi talisme mondiaux, il affirmera, en effet, s'aventurant ? traiter des

questions doctrinales :

? ... Ce n'est pas seulement le d?sir de trouver un appui qui nous entra?ne vers la IIIe Internationale, mais aussi les liens ?troits

qui unissent ses principes aux n?tres. C'est dans le peuple, chez les ?l?ments opprim?s du peuple, c'est-?-dire dans la classe

paysanne que nous avons puis? de tout temps notre force r?volu tionnaire. Si nos ouvriers des fabriques repr?sentaient une force,

j'en aurais fait mention en premier lieu, car ils ?taient, eux aussi, avec nous. Ils ont collabor? ? notre action avec abn?gation et d?vouement [...] Camarades, nous insistons, au nom du peuple, sur le droit de ce dernier ? disposer lui-m?me de son avenir

politique. Nous nous croyons li?s ?troitement, pour toute la vie, ? tous ceux qui veulent vivre avec nous ; et nous voulons laisser s'organiser eux-m?mes tous ceux qui ne veulent pas vivre avec nous. Tel est notre point de vue sur la question nationale.

Camarades, nous sommes contre la guerre [...] Et pour ?tablir enfin le r?gne de la paix sur la terre, nous nous rangeons du c?t? de la IIIe Internationale [...] Camarades, nous voulons le bonheur des travailleurs. Nous voulons que nul homme, indig?ne ou

?tranger, ne jouisse des fruits du travail d'autrui. A cet ?gard, il convient d'agir sans m?nagements. Nous voulons que notre

pays jouisse des fruits du travail commun, en d?veloppant largement son agriculture et son industrie. Telle est notre opinion sur la question ?conomique. Camarades, nous sommes persuad?s que seul un peuple conscient peut conqu?rir la libert? et le bonheur. Nous voulons qu'un savoir v?ritable, uni au travail, pour nous assurer une vraie libert?, ?claire et instruise notre pays... ?47

Pr?pond?rance des ? ?l?ments opprim?s du peuple ?, droit des nations soumises ? disposer de leur propre sort politique48, pacifisme, distribution

?quitable du bien-?tre ?conomique, large diffusion de l'instruction :

Enver, on le voit, imite fort bien le ton de la propagande bolchevique. Bien entendu, tout n'est pas parfaitement clair dans sa d?claration, et les opinions qu'il avance restent assez vagues. La r?f?rence au ? peuple opprim? ?, notamment, est bien ambigu?, de m?me que les propositions relatives ? la question ?conomique. Ici, on a le sentiment d'?tre passa blement loin du socialisme, et tr?s pr?s au contraire du populisme cher aux nationalistes turcs. Dans l'ensemble, toutefois, le glissement ?

gauche se manifeste avec ?vidence. En fait, comme nous l'avons dit plus haut, Enver n'h?sitera gu?re,

? Bakou, ? franchir le pas. Se d?p: ssant de la relative prudence dont il avait su faire preuve jusque-?', n s'orientera ? sous l'influence des

Unionistes du parti communiste turc de Mustafa Suphi et peut-?tre

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150 PAUL DUM0NT

aussi de Sultan Galiev qu'il avait eu l'occasion de rencontrer durant le

Congr?s des peuples de l'Orient49 ? vers la cr?ation d'un nouveau

parti dont le programme s'inspirera largement des doctrines commu

nistes50.

Il n'est malheureusement pas certain que le texte intitul? Mesa?

(Travail) et publi? par Mete Tun?ay51 soit ce programme mis au point par Enver ? Bakou. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est que Mesa? fut r?dig? dans les derniers mois de l'ann?e 1920 et qu'il ?manait tr?s

certainement des milieux unionistes52. Mais cela dit, nous pensons pour notre part que c'est bien ? Enver et aux Unionistes de Bakou

qu'il faut attribuer la paternit? de ce texte. Il existe, en effet, entre

celui-ci et le programme du ? parti des soviets populaires

? r?dig? en

1921 par Enver trop de similitudes pour que celles-ci soient dues ? une

simple co?ncidence. Il convient de noter, au demeurant, que le proc?s verbal du ? congr?s ? unioniste r?uni ? Batoum en septembre 192153 ?tablit entre les deux programmes une relation qui ne laisse aucun

doute, nous semble-t-il, quant au r?le jou? par Enver dans la r?daction de Mesa? .

Cette premi?re plate-forme enveriste comprend, dans le texte publi? par Mete Tun?ay, deux grandes parties. La premi?re, intitul?e ? Meslek ve gaye ? (Doctrine et objectifs), traite des questions doctrinales. La seconde propose, ? l'usage de la Turquie, un projet de constitution et un programme complet de gouvernement, regroupant diverses rubriques

(organisation administrative du pays, ordre public, ?conomie, finances,

politique sociale, instruction, justice, sant?, arm?e, r?gime des vakf, mesures relatives ? l'?migration). De ce texte assez long, il nous faut retenir surtout la premi?re partie, qui d'embl?e met les points sur les i. Les auteurs du programme55 se r?f?rent au bolchevisme d?s la seconde

page ; le socialisme est exalt? tout au long des pages qui suivent. Certes, du point de vue de la th?orie socialiste, certaines appr?ciations sont discutables. Par exemple, la division de la soci?t? ottomane en deux

classes, l'une englobant tout le ?peuple? et l'autre la ? bureaucratie ?56,

para?trait sans doute peu orthodoxe ? un marxiste de bon aloi. De

m?me, la conception d'une soci?t? prol?tarienne fond?e sur les corps de m?tier : le corporatisme de Mesa? ?voque davantage une organisation d'ancien r?gime qu'un mod?le social-r?volutionnaire57. Mais ces na?vet?s doctrinales ne changent rien ? l'orientation g?n?rale d'un texte qui demeure, en tout ?tat de cause, un ?vident appel du pied en direction

des communistes. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que les th?ses communistes y

soient accept?es globalement et sans discussion. Les auteurs de Mesa?

semblent, au contraire, vouloir d?finir une ligne sp?cifiquement turque, tenant compte du fait national comme du fait religieux. L'ind?pendance nationale est pr?sent?e comme une ?tape indispensable dans la voie de

l'internationalisme58. L'enseignement de l'Islam est assimil? au socia lisme59 : partant, le khalifat est maintenu, ainsi que la souverainet? du sultan60. Toutefois, ces bizarreries mises ? part, le mod?le communiste

n'appara?t jamais s?rieusement co^ st?. A cet ?gard, il suffit de noter,

par exemple, l'importance qui est a. ord?e dans Mesa? ? l'institution

des Soviets. Le mot turc sura, employ? depuis la r?volution d'Octobre

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME 151

pour traduire la notion de soviet, est un des vocables qui reviennent le

plus souvent dans le texte61. Avec Mesa?, Enver et ses partisans poursuivent, croyons-nous, deux

objectifs distincts. Tout d'abord, ils cherchent ? marquer, moyennant quelques r?serves

et certaines approximations id?ologiques, leur ralliement ? la cause

bolchevique. ?videmment, r?p?tons-le, ils ne pr?tendent pas embrasser le communisme dans toutes ses implications ; ils insistent, au contraire, sur la n?cessit? de constituer une doctrine adapt?e ? la r?alit? turque et islamique. Ils esp?rent, en somme, pouvoir m?nager et la ch?vre et le chou : ils voudraient gagner la confiance des Bolcheviks, certes, mais aussi conserver celle des courants nationalistes.

Leur second objectif est de constituer une plate-forme d'opposition ? Mustafa Kemal. A cet ?gard, aucun doute n'est permis. On retrouve, en effet, dans Mesa? les principaux th?mes d?velopp?s, au sein de l'assembl?e d'Ankara, par le groupe d'opposition Halk z?mresi (Groupe du peuple). On sait que ce groupe ?tait constitu? d'ex-membres du comit? Union et Progr?s, et qu'il entretenait des relations suivies avec les Unionistes r?fugi?s ? l'?tranger62. La r?daction de Mesa? en septem bre 1920 (selon notre hypoth?se) co?ncide pr?cis?ment avec une p?riode d'intense activit? parlementaire ? Ankara, durant laquelle d'importantes r?formes constitutionnelles furent adopt?es63. On peut supposer que

Mesa? ?tait destin? ? fournir un soutien doctrinal aux th?ses d?fendues

par le Halk z?mresi, dans le cadre des d?bats suscit?s par l'imminence de ces r?formes. Mais au-del? de cet objectif imm?diat, le texte ?labor?

par Enver et/ou ses partisans envisage incontestablement un dessein

beaucoup plus ambitieux : l'?tablissement, ? gauche, d'une alternative au pouvoir k?maliste.

En d?pit de ses nombreuses d?clarations en faveur du bolchevisme, Enver ne semble pas avoir r?ussi, ? Bakou, ? dissiper la m?fiance des Russes. Bien au contraire : Zinov'ev, qui pr?sidait la s?ance du

4 septembre 1920, fera voter une motion de censure tr?s s?v?re ? l'?gard des dirigeants unionistes :

? ... Le Congr?s estime qu'une tr?s grande circonspection est n?cessaire ? l'?gard des chefs de ce mouvement qui ont nagu?re conduit ? la tuerie les paysans et les ouvriers turcs dans l'int?r?t d'un groupe de puissances imp?rialistes et ont ainsi amen? les

masses laborieuses de Turquie ? un double p?ril, au nom des int?r?ts d'une oligarchie de ploutocrates et d'officiers sup?rieurs.

Le Congr?s leur propose de prouver par leurs actes qu'ils sont

pr?ts ? servir le peuple et ? effacer leurs anciennes fautes... ?64

Mais Enver ne se laissera pas d?monter. Dans les mois qui suivent le Congr?s des peuples de l'Orient, il poursuivra ses tractations avec les Bolcheviks par le biais de Halil pacha65 et se consacrera, avec leur accord et leur soutien financier66, ? la mise en place de l'Union des

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152 PAUL DUM0NT

soci?t?s r?volutionnaires islamiques et de sa branche turque, le ? parti des soviets populaires ?.

La p?riode qui va d'octobre 1920 ? f?vrier 1921 est marqu?e par un

long s?jour en Allemagne, entrecoup? de brefs d?placements en Italie et en Suisse. C'est ? l'occasion de cette tourn?e europ?enne

? entreprise

en vue d'?tablir des contacts avec d'?ventuels fournisseurs d'armes, en Italie et en Allemagne notamment67 ?

qu'il r?unira, ? Rome et ?

Berlin, en compagnie de quelques fid?les, le premier ? congr?s ? de

l'Union des soci?t?s r?volutionnaires islamiques. Les choix arr?t?s au cours de ces retrouvailles recoupent des

pr?occupations que nous avons d?j? rencontr?es. Le protocole final du ? congr?s ?68 mettra l'accent sur la n?cessit? de continuer la lutte contre l'imp?rialisme et pr?conisera, dans cette perspective, l'alliance avec d'autres organisations poursuivant le m?me but, quelle que soit leur appartenance politique et religieuse. Le soutien ? la r?sistance anatolienne demeure, bien entendu, l'objectif primordial ; mais le ? congr?s ? s'engagera aussi ? appuyer les mouvements r?volutionnaires

des autres pays musulmans. Sous ce rapport, l'Union des soci?t?s r?volutionnaires islamiques proclamera du reste le leadership du Gou vernement sovi?tique et de la IIIe Internationale et d?cidera, en cons?

quence, de transf?rer le si?ge de l'association ? Moscou. Ce qu'il faut surtout retenir de ce ? congr?s ?, c'est la timidit? de son

argumentation panislamique. Certes, il est bien envisag? de promouvoir des soul?vements ? travers le monde musulman, mais ceux-ci sont

pr?sent?s d'un point de vue exclusivement anti-imp?rialiste ; les aspira tions proprement islamiques sont pass?es sous silence. La raison d'un tel silence est ?vidente : il s'agit de ne pas aiguillonner la suspicion des

Bolcheviks, dont les th?ses, depuis le IIe Congr?s de l'Internationale communiste69, apparaissent fondamentalement hostiles au

panislamisme70. Au demeurant, il n'est pas impossible qu'Enver se soit effectivement

d?sint?ress?, dans les premiers mois de 1921, de la question panisla mique. A cette ?poque, en effet, son regard semble tout entier tourn? vers la Turquie. L'Union des soci?t?s r?volutionnaires islamiques ne lui

importe que dans la mesure o? elle peut l'aider ? ressaisir le pouvoir ?usurp?? par Mustafa Kemal. Sa correspondance, fin 1920-d?but 1921, revient sans cesse sur la m?me id?e : retourner en Turquie. A cette

fin, il harc?le les Sovi?tiques de demandes : argent, armes, troupes. Il uvre par ailleurs ? la consolidation de l'organisation unioniste ? l'int?rieur du pays, de mani?re ? prot?ger ses arri?res sur le plan

politique. En ce qui concerne ses projets militaires, citons par exemple cette

lettre du 4 novembre 1920, adress?e ? Halil pacha. Elle est particuli?re ment explicite :

?... L'ancien Empire ottoman doit ?tre maintenu sous la forme d'une conf?d?ration [...] Pour obtenir la r?alisation de ce d?sir, il sera n?cessaire, au printemps, de passer en Anatolie avec des

troupes. Les Russes voudront-ils placer sous mon commandement exclusif quelques divisions de cavalerie, pr?tes pour le printemps ? Ou bien accepteront-ils que nous les formions nous-m?mes ?

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME I53

Bien entendu, ces divisions doivent ?tre constitu?es de musulmans. Si je suis autoris? ? passer en Anatolie avec de telles troupes,

je me rendrai ? Moscou en personne, et c'est de l? que je prendrai mon d?part. Mais si cela s'av?re impossible comme par le pass?, ou s'ils sont d'avis d'envoyer des forces sous commandement

russe, je me rendrai en Anatolie ? partir d'ici [Berlin] et je me

m?lerai aux compagnons qui seraient pr?ts ? travailler sous mes

ordres... ?71

Notons que pour justifier son projet d'intervention, Enver met en

avant la n?cessit? de d?fendre les anciennes limites de l'Empire ottoman

(au prix, il est vrai, d'une s?rieuse concession aux courants autonomistes). C'est l? une critique non d?guis?e de la politique poursuivie par Mustafa

Kemal, visant ? constituer un ?tat turc anatolien. Mais dans la conjonc ture de l'?poque, les revendications territoriales d'Enver ? telles qu'elles apparaissent dans ce texte ?

sont, bien entendu, totalement imprati cables. Par la suite, il se contentera du reste d'invoquer ? titre justificatif les ?nombreux appels venus de l'int?rieur?72; la conf?d?ration ottomane,

quant ? elle, ira aux oubliettes. En tout ?tat de cause, du c?t? russe, l'id?e de confier des forces ?

Enver est loin de recueillir l'enthousiasme. Les dirigeants sovi?tiques craignent sans doute de porter atteinte aux n?gociations en cours avec

l'Angleterre. Par ailleurs, ils h?sitent ? mettre en p?ril leurs relations avec Mustafa Kemal. Halil pacha se fait pourtant insistant :

?... Je lui ai dit [? Karakhan, adjoint au commissaire aux

Affaires ?trang?res], ? ?crit-il ? Enver ?, que la confiance

dont [les Sovi?tiques] feraient preuve ? votre ?gard serait, en

raison de votre loyaut?, d'une grande importance pour l'avenir.

Je lui ai dit aussi que, dans la mesure o? votre prestige demeurait

intact, le pouvoir vous serait probablement transf?r? m?me si vous rentriez en Turquie sans troupes. En conclusion, j'ai estim? utile d'ajouter que Mustafa Kemal ne pouvait gu?re se mon trer favorable ? la discorde, et qu'il ?tait accoutum? ? vous

ob?ir... ?73

Mais de d?marche en d?marche, les tractations entre Enver et les

Sovi?tiques tra?neront jusqu'en septembre 1921. Diverses solutions seront envisag?es, puis abandonn?es. Un moment, il sera question, semble-t-il, de remettre ? Enver l'arm?e de Wrangel, r?fugi?e ? Istanbul, et que les Bolcheviks esp?raient pouvoir gagner ? leur cause74 ; mais le d?sarmement de ces troupes par les forces alli?es, dans les premiers

mois de 1921, r?duira ce projet ? n?ant. Apr?s la victoire des K?malistes sur la Sakarya (premi?re quinzaine de septembre 1921), les Russes abandonneront d?finitivement (? supposer qu'ils y aient jamais souscrit) l'id?e d'une incursion arm?e en Anatolie.

Dans ces conditions, on comprend qu'Enver ait recherch?, d?s septem bre 1920, une issue ? politique

? ? ses ambitions. Le projet d'un parti d'opposition ? Mustafa Kemal avait germ?, nous l'avons vu, ? Bakou, sous la forme d'un programme r?solument ? gauche. Apr?s Bakou, l'id?e poursuit son chemin. Entretenant des relations constantes avec

2

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154 PAUL DUM0NT

ses partisans de l'int?rieur, Enver multiplie les directives et s'emploie, par tous les moyens, ? mettre en place son nouveau parti. Cette lettre du 28 janvier 1921 donne le ton :

? ... J'ai ?crit ? Chukru75 qu'il fallait organiser ? l'int?rieur du pays, un parti regroupant tous ceux qui nous sont directement

attach?s, et que cette organisation devait ?tre con?ue de fa?on qu'elle puisse, le cas ?ch?ant, dominer la situation. M?me si je continue ? travailler avec Tal'at pacha, je ne suis pas de ceux

qui re?oivent des ordres de leur entourage. Mon avis est qu'il faut nous pr?parer ? prendre ?ventuellement la direction des affaires. C'est pour cela que je garde en personne le contr?le de l'Union des soci?t?s r?volutionnaires islamiques. Nous avons cr?? une organisation ? Istanbul ?galement. Dans tous les cas, je pr?f?rerais encore travailler avec Mustafa Kemal, plut?t que d'avoir affaire ? notre pantouflard [Tal'at pacha !]. Mais nous n'en sommes qu'? la p?riode des pr?paratifs. Pour l'instant je n'ai l'intention de d?clarer la guerre ni ? l'un ni ? l'autre... ?76

Il ne s'agit pas de prendre ? la l?g?re ces machinations d'Enver. Celles-ci ? on doit le souligner

? repr?sentaient, dans la conjoncture

de l'?poque, une menace s?rieuse pour le r?gime k?maliste. En effet, les cadres du parti unioniste77 et de nombreux officiers de l'arm?e78 demeuraient fid?les ? l'ex-commandant en chef adjoint (sous l'autorit? nominale du sultan) de l'arm?e ottomane ; malgr? les d?sastres de la

guerre, celui-ci jouissait par ailleurs d'un prestige incontestable aupr?s du peuple. Face ? lui, Mustafa Kemal faisait, en d?pit de ses succ?s

militaires et politiques, figure de subalterne ; en outre, les parlementaires rassembl?s ? Ankara avaient du mal ? supporter ses mani?res dicta toriales. Il se trouvait, par cons?quent, dans une position ?minemment vuln?rable.

D?s le mois de mai 1920, Kazim Karabekir signalait le danger, dans un long rapport adress? ? la pr?sidence de la Grande Assembl?e nationale79. Dans une telle conjoncture, l'allergie ? l'unionisme devient, ? partir de l'automne de cette m?me ann?e, un des facteurs d?terminants de la politique int?rieure de Kemal : les bastions unionistes (la ville de Trabzon notamment) et les groupements politiques d'opposition sont progressivement investis80, tandis que les dirigeants en exil se voient d?finitivement interdire l'acc?s de la Turquie. Ces derniers sont par ailleurs surveill?s de pr?s par les membres des missions diplomatiques turques ? l'?tranger, qui envoient ? Ankara de copieux rapports o? sont

consign?s leurs moindres faits et gestes81. En d?pit de ces mesures rigoureuses, le plan d'Enver conna?tra

tout de m?me un d?but d'ex?cution. Fin f?vrier 1921, en effet, Halil pacha se rendra ? Trabzon, avec des papiers subversifs plein les poches. Aus sit?t arriv?, il se met au travail82 : il r?organise la milice cr??e par

Kutchuk Tal'at et Yahya83 ? le syndic des bateliers de Trabzon ?,

?tablit le contact avec des notables de la r?gion, entreprend de regrouper les partisans d'Enver au sein d'une organisation politique clandestine.

Mais, bien entendu, la riposte d'Ankara ne se fera pas attendre. A la

mi-avril, un certain nombre d'Unionistes ind?sirables seront expuls?s

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME 155

du pays84. Apr?s avoir tent? de temporiser, Halil pacha devra, lui aussi, s'en aller (il quittera Trabzon en mai, mais demeurera post? ? Batoum). Le p?ril semble temporairement ?cart?.

*

Enver a regagn? Moscou en f?vrier 1921. Dans l'attente d'une

conjoncture favorable, il accumule les d?marches aupr?s des dirigeants sovi?tiques, entame des pourparlers85 avec le repr?sentant du gouver nement k?maliste en URSS, Ali Fuad Cebesoy, envoie des agents sur les c?tes turques (mais ceux-ci seront intercept?s par la police de

Mustafa Kemal), met, en un mot, tout en uvre pour reconqu?rir l'Anatolie.

L'essentiel de ses soins va ? l'organisation du ? parti des soviets

populaires ?. En effet, les d?robades sovi?tiques rendent, ainsi que nous l'avons dit, bien improbable l'?ventualit? d'une exp?dition militaire en territoire turc ; dans ces conditions, le recours ? l'action politique appara?t comme la seule arme s?rieuse face ? Kemal. D?s le d?but

d'avril, et peut-?tre m?me bien avant86, le programme du parti est mis d?finitivement au point. Les quatre-vingt-cinq articles du texte repren nent, en substance, l'argumentation du Mesa? ; toutefois, la plupart des r?f?rences directes au bolchevisme sont soigneusement gomm?es.

Aux yeux d'Enver, ces modifications ont pour objet de ? donner au programme d'esprit communiste improvis? ? Bakou une apparence populiste, mieux adapt?e aux circonstances ?87. Mais en r?alit?, le nouveau programme ne fait de concessions que sur les mots. Dans les d?tails de mesures envisag?es, il est encore plus radical que Mesa?SB. Faisant le proc?s du capitalisme, il condamne formellement les ? parasites sociaux ? ?

usuriers, accapareurs, fain?ants fortun?s ? et les exclut de la vie civique. Dans le domaine administratif et politique, il exalte le syst?me des soviets et charge les sura de r?former la bureau cratie (par le biais de l'?lection et du contr?le des agents publics). En ce

qui concerne l'?conomie, il accorde, comme Mesa?, une place importante aux corps de m?tiers, mais insiste aussi sur la collectivisation des

moyens de production. Les relations avec l'?tranger sont, elles aussi, nettement ? orient?es ? : les pays ayant adopt? le r?gime des soviets doivent maintenir entre eux des relations particuli?res, et s'?pauler chaque fois que les circonstances le permettent. Enfin, une des clauses les plus radicales du programme concerne la collectivisation de l'agri culture. Celle-ci, d?j? conseill?e par Mesa?, est d?sormais institution nalis?e sous la forme de ? domaines sovi?tiques ? g?r?s par les sura

villageois. En somme, loin de tourner le dos aux Bolcheviks, Enver s'enlise

dans la surench?re r?volutionnaire. C'est qu'il compte encore sur l'appui sovi?tique. C'est aussi qu'il tient ? marquer la diff?rence entre ses options et celles de Mustafa Kemal. En agissant ainsi, il esp?re pouvoir rallier non seulement ses partisans unionistes, mais encore tous ceux qui professent, en Turquie, des ? id?es de gauche ?. A cet ?gard il convient de noter que la plupart des organisations communisantes d'Anatolie sont d?j? noyaut?es, ? cette ?poque, par d'anciens membres du parti

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156 PAUL DUM0NT

Union et Progr?s89. C'est l?, pour le mouvement enveriste, un atout

appr?ciable. Vers la mi-juillet, le moment propice, tant attendu par Enver, semble

enfin se pr?senter. Le gouvernement k?maliste conna?t en effet de s?rieuses difficult?s sur le plan militaire. L'arm?e grecque est pass?e ?

l'attaque le 10 juillet ; des combats violents se d?roulent dans la r?gion de K?tahya-Eskichehir ; le 25, les troupes turques sont d?faites et doivent se retirer au-del? de la Sakarya. La victoire d?finitive des Grecs

appara?t in?luctable. Enver, dont les tentatives d'infiltration ont jusqu'ici ?chou?, peut donc profiter de cette d?faite du gouvernement anatolien

pour se pr?senter en sauveur.

En cons?quence, d?s le 16 juillet ? avant m?me que la d?b?cle des

Turcs ne soit confirm?e ?, il ?crit ? Mustafa Kemal une longue lettre o? se m?lent les justifications, les reproches et les menaces non d?guis?es. Il y annonce son intention de r?unir prochainement un congr?s unioniste et conclut sur sa d?cision de revenir en Turquie d?s que la situation

l'exigera90. Le 28 juillet, trois jours apr?s la retraite des K?malistes, Enver sollicite un entretien de Cicerin, commissaire sovi?tique aux Affaires ?trang?res. Le 30, il quitte Moscou ? destination de Batoum91.

D'ici, tout au long du mois d'ao?t, il guettera l'?volution de la crise, attendant, pour passer la fronti?re, que la d?faite des K?malistes soit totale. Autour de lui, un v?ritable ?tat-major. Halil pacha, le docteur

Nazim, Kutchuk Tal'at, Hadji Sami92 et quelques autres se sont retrouv?s ? Batoum. Le bruit court que les Russes, reconsid?rant leur

position, viennent d'exp?dier au Caucase une force musulmane de dix ? quinze mille hommes, dont le commandement serait confi? ? Enver. A Batoum, c'est l'effervescence : on dresse des plans, on multiplie les contacts avec Trabzon, on envisage de passer en Anatolie sans d?lai.

Mais les affaires ne prennent pas tout ? fait la tournure escompt?e. Au cours du mois d'ao?t, en effet, on assiste au redressement de l'arm?e anatolienne. Nomm? commandant en chef le 5 ao?t, et pourvu de pou voirs dictatoriaux par la Grande Assembl?e nationale, Mustafa Kemal, dans l'espace de quelques semaines, r?organise l'intendance, prend les

mesures n?cessaires pour reconstituer les stocks de mat?riel militaire, remonte le moral des troupes et modifie de fond en comble la

strat?gie93. Les hostilit?s reprendront le 23 ao?t dans des conditions tr?s dures. Grecs et Turcs se battent avec acharnement. Mais les chances

sont d?sormais ?quitablement partag?es entre les deux camps : la

d?faite des K?malistes appara?t encore probable, mais elle n'est plus certaine. Les comploteurs de Batoum doivent donc se munir de patience et attendre que la situation se clarifie. Leur destin politique d?pend de l'issue de la bataille de la Sakarya (c'est du moins ce qu'ils croient). Kemal vaincu, ils sont l? pour assurer la rel?ve ; s'il r?ussit au contraire

? repousser l'ennemi, ils n'auront plus qu'? s'accommoder de leur sort

d'?migr?s. C'est dans ce climat d'incertitude que se r?unira ? Batoum, du

5 au 8 septembre, le congr?s du ? parti des soviets populaires ?94. Pour

la circonstance, Enver a exhum? l'?tiquette Union et Progr?s. C'est au nom de cette illustre formation qu'il rameute les Unionistes pr?sents ? Batoum et ses fid?les des provinces turques avoisinantes.

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME 157

Les documents du congr?s95 soulignent, une fois de plus, le relatif extr?misme des positions enveristes. On y trouve en particulier une

virulente autocritique de la politique unioniste d'avant-guerre, assortie de d?clarations favorables aux doctrines de la IIIe Internationale. Le

programme du ? parti des soviets populaires ? est adopt? sans amende ment. La r?volution socialiste (temp?r?e de nationalisme et d'Islam) est donn?e ? aux cris de ? vive la Turquie des Soviets ! ? ? comme

l'unique issue ? la mis?re du pays. Parall?lement, bien entendu, le

gouvernement k?maliste est assailli de reproches : les congressistes l'accusent d'entretenir la d?sunion parmi les citoyens, de poursuivre les dirigeants de leur mouvement d'une vindicte arbitraire et injuste, de multiplier les mesures ill?gales vis-?-vis de l'opposition. Ils somment donc Mustafa Kemal d'ouvrir les fronti?res de la Turquie aux Unio nistes en exil et de les r?int?grer dans leurs droits politiques, afin de restaurer l'unanimit? nationale.

Objurgations et revendications bien inutiles. Le 13 septembre, en

effet, la bataille de la Sakarya s'ach?vera, apr?s vingt-deux jours de

combats, par la victoire de l'arm?e turque, et ce succ?s de Kemal marquera la premi?re ?tape du reflux des Grecs ? travers l'Anatolie. Dans ces

conditions, le projet d'intervention ?labor? par Enver n'a plus aucune chance d'aboutir. Par ailleurs, l'attribution par la Grande Assembl?e nationale de pouvoirs dictatoriaux ? Mustafa Kemal96 r?duit ? n?ant la possibilit? d'implanter le ? parti des soviets populaires ? en Turquie.

De leur c?t?, les Sovi?tiques, craignant sans doute de compromettre leurs relations avec le gouvernement k?maliste ?

qui repr?sente depuis la victoire de la Sakarya une force avec laquelle il faut incontestablement

compter ?, ne semblent plus dispos?s ? soutenir les Unionistes. L'enverisme fait donc eau de toutes parts. Mi-septembre, ? Batoum, personne ne s'en cache : c'est un fiasco irr?m?diable.

*

On conna?t la suite des ?v?nements97. Au lieu de se r?soudre ? une

paisible existence d'?migr? quelque part en Europe, Enver quittera secr?tement Batoum, en compagnie de Hadji Sami, et se rendra ? Bukhara o? il arrivera vers la mi-octobre. Ici, il rencontrera notamment le leader bachkir Zeki Velidi Togan98, qui tentera de le persuader de passer en

Afghanistan. Mais sa d?cision est d?j? prise. Pr?textant une chasse en

montagne, il rejoindra le 8 novembre 1921 les Basmadji turkestanais", en pleine r?volte contre l'ordre sovi?tique, et prendra la direction du

mouvement, sommant les Russes de retirer leurs troupes de la r?gion. L'ancien animateur du ? parti des soviets populaires ? verse ? pr?sent

dans le pant our anisme. Le combat qu'il m?ne contre les Bolcheviks transcende largement les pr?occupations locales des Basmadji. Il se voit

d?j? ? la t?te d'un vaste empire asiatique et musulman, et signe ses ordres du titre de ? commandant en chef des arm?es r?volutionnaires du Grand Touran ?, tandis que ses fid?les l'encensent d'une kyrielle d'?pith?tes qui d?passent en splendeur celles m?me accord?es au sultan.

Mais ce mirage touranien ne r?sistera gu?re, on le sait, ? la pression des ?v?nements. Apr?s quelques succ?s dus ? l'effet de surprise, Enver,

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158 PAUL DUM0NT

trahi par certaines tribus rest?es fid?les ? l'ancien ?mir de Bukhara, ne conna?tra que des d?faites. L'Arm?e Rouge, de son c?t?, r?ussira ? dresser la population contre les Basmadji, et entreprendra, en juin 1922, une man uvre d'encerclement qui ne tardera pas ? porter ses fruits : retranch? dans la r?gion de Beldjuwan avec une poign?e d'hommes,

Enver sera tu? le 4 ao?t, au cours d'une charge de cavalerie men?e sabre au clair contre un d?tachement de mitrailleurs sovi?tiques.

Ce dernier ?pisode de la vie d'Enver reste bien entendu difficile ?

interpr?ter. D'embl?e, on pense ? des facteurs d'ordre psychologique :

d?ception d'Enver au lendemain de l'?chec de Batoum, besoin de revan

che, m?galomanie. Mais il est possible ?galement qu'Enver ait ?t? la victime de quelque agent provocateur. A cet ?gard, il conviendrait de d?terminer le r?le exact jou? par Hadji Sami, dont on sait qu'il fut le

principal instigateur de l'exp?dition au Turkestan100. Par ailleurs, on ne peut pas totalement exclure l'hypoth?se d'un Enver apparaissant enfin sous son vrai jour, apr?s deux ann?es de flirt infructueux avec les

Sovi?tiques. L'ambigu?t? de certaines de ses d?clarations pourrait accr? diter une telle ?ventualit?.

Mais ces diverses conjectures pr?supposent une nette rupture dans l'attitude du leader unioniste ? partir d'octobre 1921. Or, nous ne sommes pas persuad?, pour notre part, qu'il y ait eu ? aux yeux d'Enver tout au moins ?

incompatibilit? radicale entre l'aventure des ? soviets

populaires ? et celle des Basmadji. De l'une ? l'autre, au contraire, on entrevoit une sorte de continuit?. Celle-ci tient ? la place essentielle

qui est accord?e, dans les deux cas, ? la sp?cificit? turque et islamique. C'est incontestablement le m?me activisme r?volutionnaire et le m?me sentiment d'appartenance raciale et religieuse qui impr?gnent et

l'exp?rience ? socialiste ? de 1920-21 et l'exp?dition au Turkestan. Seul diff?re, en somme, le contexte ? affectif ?. Jusqu'au complot de

Batoum, le bolchevisme, alli? naturel des nations asservies, est pr?sent? comme ?tant porteur d'espoir ; apr?s la ? trahison ? des Sovi?tiques, en septembre 1921, il est au contraire assimil? ? l'ancien imp?rialisme russe et redevient, en cons?quence, l'ennemi h?r?ditaire num?ro un des

Turcs.

Cela dit, cette continuit? turco-islamique, dont on peut, au-del? de la rupture de Batoum, faire ?tat, ne doit pas nous induire ? minimiser les incoh?rences de l'entreprise enveriste. Tout au long de cet article, nous avons au contraire soulign? le caract?re ?minemment opportuniste des initiatives prises depuis Moudros. Mettons les points sur les i : il ne

s'agit ni de grandir Enver, ni d'en faire un leader perspicace et scrupu leux. Jouant avec les Bolcheviks au jeu du chat et de la souris, il en fut tr?s certainement la souris, dans un jeu qui le d?passait. Mais est-ce ? dire pour autant que les id?es d?velopp?es jusqu'? Batoum ne furent

que simple roublardise ? Qu'on nous permette d'en douter. Nous pensons, pour notre part, qu'elles recouvraient, dans la descendance des id?es

progressistes ?labor?es par le mouvement Jeune-Turc ?

quoique sous une formulation totalement inad?quate ?, une volont? r?elle de chan

gement. Mais bien entendu, nous ne sommes pas en mesure de savoir, ? supposer que le complot de Batoum ait r?ussi, si les Unionistes auraient effectivement cherch? ? les appliquer. Il est probable, en fait, que la

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME 159

question ne se serait pas pos?e. Car l'intervention d'Enver, entra?nant dans son sillage l'irruption des troupes bolcheviques en Anatolie, aurait sans doute provoqu?, chez les Alli?s, une contre-offensive imm?diate,

qui n'aurait gu?re laiss? au r?gime enveriste l'occasion de faire ses

preuves.

Meudon, 1975.

i. La convention d'armistice stipulait la d?mobilisation imm?diate de l'arm?e

turque, l'internement de tous les navires de guerre, la reddition des garnisons ottomanes en Syrie, en Tripolitaine et en M?sopotamie ; par ailleurs, elle autorisait les Alli?s ? prendre le contr?le des voies ferr?es et ? occuper les Dardanelles et le

Bosphore, ainsi qu'un certain nombre de points strat?giques, dont Batoum et

Bakou. 2. Tal'at pacha (i874-1921), un des principaux animateurs du comit? Union

et Progr?s, fut, apr?s la r?volution de 1908, plusieurs fois ministre de l'Int?rieur et devint Grand Vizir en 1917. Il d?missionna avec son cabinet unioniste le 14 octo bre 1918, afin de faciliter les n?gociations d'armistice. Ce personnage a suscit? une importante bibliographie, r?sum?e dans l'Encyclop?die de l'Islam (cit?e infra :

El), Cf. ?galement M. K. Inal, Son Sadriazamlar (Les derniers Grands Vizirs), Istanbul, 4e ?d., s.d., pp. 1933 sq.

3. Djemal pacha (1872-1922) faisait partie, avec Enver et Tal'at pacha, du triumvirat officieux qui, depuis 1913, gouvernait l'Empire ottoman. Membre du comit? ex?cutif du comit? Union et Progr?s, il avait ?t? nomm? en 1911 gouverneur de Bagdad, puis, en 1913, gouverneur militaire et vali d'Istanbul. Peu apr?s, il

entrait au cabinet comme ministre des Travaux publics et, ? partir de f?vrier 1914, ministre de la Marine. Cumulant cette fonction avec le commandement de la

IVe arm?e ? Damas, il tenta en 1915 et 1916 de soulever l'Egypte contre les

Britanniques ; mais sa politique dans cette partie du monde arabe s'av?ra totale ment irr?aliste. Cf. la notice biographique que lui a consacr?e D. A. Rustow dans El.

4. H?ros de la r?volution de 1908, Enver pacha (1881-1922) avait ?t? promu au grade de g?n?ral de brigade et nomm? ministre de la Guerre dans le cabinet

de Sa'id Halim pacha en janvier 1914. En mars de la m?me ann?e, il ?pousait Nadjiye Sultan, une ni?ce du sultan, ce qui lui vaudra, dans les mois et les ann?es ? venir, un avancement rapide. On sait qu'il fut, du c?t? turc, le v?ritable artisan de l'alliance germano-ottomane, et qu'il plaida avec insistance en faveur de l'entr?e en guerre de l'Empire ottoman. Cela eut pour cons?quence qu'il fut consid?r?, au lendemain de l'armistice de Moudros, comme le principal responsable du nau

frage ottoman. On trouvera une biographie circonstanci?e d'Enver, due ? D. A. Rustow, dans El. Cf. aussi, pour la p?riode ant?rieure ? 1914, F. Ahmad, The Young Turks. The Committee of Union and Progress in Turkish politics. 1908-1914, Londres, 1969. D. A. Rustow donne les principaux titres en langue turque parus avant i960. Parmi les ouvrages post?rieurs ? cette date, il faut surtout retenir YEnver pasa de ?. S. Aydemir, Istanbul, 1970-1972, 3 vols.

5. S. S. Aydemir (ibid., Ill, p. 497) mentionne, ? c?t? des trois pachas, le Dr Nazim, le Dr Bahaeddin Chakir, l'ancien gouverneur de Konya Mehmed Djemal Azmi, et le pr?fet de police de Constantinople, Bedri. D'autres Unionistes partiront peu apr?s, formant des noyaux d'?migr?s en Italie, en Suisse, en Allemagne, et, dans une direction oppos?e, en Azerba?djan.

6. Enver pacha s'attardera quelque peu en Crim?e, cherchant ? s'embarquer pour le Caucase. Mais les temp?tes en mer Noire lui feront rebrousser chemin.

Cependant, la rumeur de sa pr?sence au Caucase sera, fin 1918, largement r?pandue dans les milieux ? bien inform?s ?.

7. L'Allemagne refusera l'extradition, le 30 avril 1919. A ce sujet, cf. Y. H. Bayur, Turk inkil?bi tarihi (Histoire de la r?volution turque), Ankara, 1967, III (4), pp. 781-783.

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l6o PAUL DUMONT

8. Tal'at pacha sera assassin? le 15 mars 1921 ? Berlin ; Djemal conna?tra

le m?me sort ? Tiflis en juillet 1922 ; Enver sera tu? par une balle de mitrailleuse

sovi?tique, le 4 ao?t de la m?me ann?e.

9. La premi?re mission officielle des K?malistes partira pour Moscou en

mai 1920, mais le pacte d'amiti? turco-sovi?tique ne sera sign? que le 16 mars 1921, donnant ? la Turquie toutes les garanties souhaitables en vue de son ind?pendance. Ces longues tractations provoqueront bien ?videmment de s?rieuses inqui?tudes dans le camp des Alli?s. Voir ? ce sujet les Archives du minist?re fran?ais des

Affaires ?trang?res (cit? infra : AMAEF), s?rie E, Levant 1918-1929, Turquie, dossier 278.

10. Le cas le plus typique est celui de Sultan Galiev, qui, bien qu'ath?e,

soulignait les aspects ? d?mocratiques

? et ? progressistes

? de l'Islam, et envisageait une coop?ration durable entre les socialistes et les musulmans. A son propos, cf. A. Bennigsen et Ch. Quelquejay, Les mouvements nationaux chez les Musulmans

de Russie, Paris-La Haye, Mouton, i960. 11. K. Karabekir, Istikl?l harbimiz (Notre guerre d'ind?pendance), Istanbul,

T?rkiye Yay., 2e ?d., 1962, et aussi Istikl?l harbimizde Enver pasa ve Ittihat

Terakki Erk?m (Enver pacha et les dirigeants d'Union et Progr?s dans notre guerre

d'ind?pendance), Istanbul, Mentes, 1967. 12. Militaire de carri?re, Ali Fuad (Cebesoy) devait jouer un r?le important

au cours de la lutte pour l'ind?pendance en tant que commandant des forces

anatoliennes du front occidental. On lui doit notamment la prise d'Eskich?hir

en mars 1920. C'est, semble-t-il, ? la demande du gouvernement de Constantinople

qu'il fut, en novembre 1920, ?loign? du front et charg? des n?gociations avec les

Bolcheviks. C'est durant son ambassade ? Moscou (f?vrier 1921-mai 1922) que fut sign? le pacte d'amiti? turco-sovi?tique du 16 mars 1921.

13. A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, Istanbul, Vatan n?s., 1955.

14. ? Tarihi mektuplar ?

(Lettres historiques), Tanin, 15.10.1944-1.4.1945.

15. Cela dit, il convient de noter que les ? Lettres historiques ?

publi?es dans

Tanin sont, elles aussi, sujettes ? caution. H. C. Yal?m avoue en effet quelques coupures, effectu?es en vue de m?nager la susceptibilit? de certaines personnalit?s encore en vie en 1944. En dernier ressort, on peut se reporter aux m?moires de

S. S. Karaman, Istikl?l m?cadelesi ve Enver pasa (La lutte pour l'ind?pendance et Enver pacha, Izmit, 1949) qui font ?tat de textes comparables.

16. Bitmeyen savas. Kut?lamare kahramani Halil Pasa'nm a?ilan (Le combat

ininterrompu. Les m?moires du h?ros de Kut al'amara, Halil pasa), r?daction de

M. T. Sorgun, Istanbul, Yedi G?n Yay., 1972. Halil pacha (1881-1957) ?tait un

bon officier, passablement h?bleur cependant, qui eut son heure de gloire en 1916,

lorsqu'il captura ? Kut al'amara, en Irak, le g?n?ral Townshend avec une arm?e

de 13 000 hommes. Par la suite, il devait commander l'arm?e de l'Est qui occupa Bakou en septembre 1918. Intern? ? Batoum, puis ? Istanbul, au lendemain de

l'armistice de Moudros, il r?ussit ? s'?vader (ao?t 1919) et, passant en Anatolie,

proposa ses services ? Mustafa Kemal. Celui-ci, soucieux d'?loigner cet Unioniste

compromettant, l'enverra au-del? du Caucase, en mission aupr?s des Bolcheviks.

Au cours de ses ann?es d'exil, Halil servira, ainsi que nous aurons l'occasion de le

voir, plus la politique d'Enver pacha que celle de Mustafa Kemal. Cela lui vaudra, ? son retour en Turquie en 1923, d'?tre d?finitivement exclu des affaires militaires

et politiques, par l'artifice d'une mise ? la retraite anticip?e.

17. ?. S. Aydemir, op. cit. ; M. Tun?ay, Mesa?. Halk suralar firkasi programi.

1920 (Travail. Le programme du parti des soviets populaires. 1920), Ankara, 1972, Publication de la Facult? des Sciences politiques.

18. Du c?t? fran?ais, nous avons utilis? les dossiers de la s?rie E, Levant

1918-1929, Turquie. En ce qui concerne les Archives britanniques, Foreign Office

Archives (cit? infra : FO), nous renvoyons ? la s?rie 371, dos. 4141 sq. En raison

de l'absence de relations diplomatiques directes, pour la p?riode qui nous int?resse, entre les capitales de l'Entente et les deux capitales principalement concern?es

par notre ?tude, Moscou et Ankara, ces Archives pr?sentent bien entendu de nom

breuses lacunes ; mais elles comportent par ailleurs des donn?es tr?s utiles, qu'il faut cependant bien distinguer des racontars des informateurs trop z?l?s.

19. D?s le 25 mars 1919, en effet, un diplomate fran?ais en poste ? Berne

?crivait au minist?re des Affaires ?trang?res : ? Il me revient d'une tr?s bonne

source qu'Enver pacha et son parti auraient actuellement ? leur disposition une

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME l6l

somme de trente-six millions de livres sterling [! ?] qu'ils ont l'intention d'employer ? la propagande bolchevique

? (AMAEF, s?r. E, Levant 1918-1929, Turquie,

dos. 278, f. 35). On sait par ailleurs que d?s avril 1919, Enver cherchait ? gagner Moscou par avion. Cf. S. S. Aydemir, op. cit., III, p. 521.

20. Cf. l'autobiographie de K. Radek, dans G. Haupt et J.-J. Marie, Les

Bolcheviks par eux-m?mes, Paris, Maspero, 1969, p. 338 ; voir ?galement O. E. Sch?d

dekopf, ? Karl Radek in Berlin ?, Archiv f?r Sozialgeschichte, II, 1962, pp. 87-166.

Le nom de Radek revient fr?quemment, par ailleurs, dans la correspondance unioniste de cette p?riode : cf. les ? Lettres historiques

? publi?es dans Tanin.

21. La soci?t? secr?te Karakol fut cr??e peu de temps apr?s l'armistice de Moudros

et repr?sente une des premi?res manifestations de la r?sistance nationale vis-?-vis

de l'ennemi. Anciens Unionistes, les membres de Karakol restaient en contact

permanent avec les pachas en exil, et notamment avec Enver. Au sujet de cette

soci?t?, cf. T. Z. Tunaya, T?rkiyede siyasi partiler. 1859-1952 (Les partis poli

tiques en Turquie. 1859-1952), Istanbul, 1952, pp. 520-523. La pr?sence des Bolche

viks ? Istanbul est attest?e, d'apr?s un document du Foreign Office, d?s

septembre 1919 (voir ? ce sujet Dr S. R. Sonyel, ?

Orgeneral K?zim ?zalp'm a?ilan ile ilgili bir a?iklama

? /Note au sujet des m?moires du g?n?ral K?zim ?zalp,

Belleten, XXXVII, 146, avr. 1973, pp. 231-234). Le chef de cette mission, Shal'va Eliava (1885-1937), ?tait un militant de vieille date du parti bolchevik, ?crivant dans la Pravda et s'occupant d'agitation dans les milieux estudiantins

de Saint-P?tersbourg. Ces activit?s lui avaient valu, sous le r?gime tsariste, de

multiples peines de prison et d'exil. Apr?s la r?volution d'Octobre, il pr?sida le

soviet de Vologda et fut ?lu d?l?gu? au IIe Congr?s des Soviets de Russie. De 1919 ? 1921, il fit partie des Conseils r?volutionnaires de l'Arm?e Rouge sur le front oriental

et au Turkestan. Par la suite, il occupera divers postes, dans les rangs sup?rieurs du parti. Victime des purges staliniennes, il mourra en prison en 1937. En ce

qui concerne ses relations avec la soci?t? Karakol, cf. A. F. Cebesoy, op. cit., p. 60. 22. A. F. Cebesoy, MUH m?cadele hatiralari (Souvenirs de la lutte nationale),

Istanbul, Vatan n?s., 1953, p. 42. 23. U s'agit du Dr Nazim (1870-1926), ancien membre du comit? central du

parti Union et Progr?s et ministre de l'Instruction publique en 1918. Apr?s Moudros, il avait accompagn? les pachas dans leur fuite. Il sera pendu en 1926,

pour avoir ? complot?

? contre Mustafa Kemal.

24. Tanin, 16.10.1944 ; le m?me texte, avec des variantes n?gligeables, dans

?. S. Aydemir, op. cit., III, p. 520.

25. Cf. K. Karabekir, Istikl?l harbimiz, op. cit., pp. 581-582, lettres de Karabekir

? Mustafa Kemal des 13 et 14.4.1920. Toutefois, il convient de noter que les

premiers contacts turco-sovi?tiques apparaissent encore entour?s d'un certain

myst?re. Cf. ? ce propos M. Tun?ay, T?rkiyede sol akimlar. 1908-1925 (Les courants de gauche en Turquie. 1908-1925), Ankara, Bilgi, 2e ?d., 1967, p. 68, n. 6.

26. Officier en retraite, Baha Sait (mort en 1936) ?tait un des principaux animateurs de Karakol. Au cours de son s?jour ? Bakou, il participa ? l'organisation du parti communiste turc dont il sera question plus loin, et pr?para le terrain

pour des n?gociations directes entre Ankara et Moscou. Cf. K. Karabekir, Istikl?l harbimiz, op. cit., pp. 579-581.

27. Cf. T. Z. Tunaya, op. cit., pp. 522-523. 28. K. Karabekir, Istikl?l harbimiz, op. cit., pp. 591-592, donne le texte int?gral

de cet accord.

29. Les parties contractantes pr?vues par l'accord ?taient d'une part le

repr?sentant du Comit? central du parti communiste caucasien (agissant au nom

de Moscou) et, d'autre part, Baha Sait, mandataire de la soci?t? Karakol et du

comit? ex?cutif du Congr?s d'Uchak (? !!!). Le gouvernement anatolien d?mentira

cat?goriquement avoir eu l'intention de signer un tel accord, signifiant sans ambages sa d?sapprobation ? Kara Vassif, pr?sident de Karakol. Voir ? ce propos les lettres

de Mustafa Kemal ? Rauf (Orbay) et ? Kara Vassif, dans K. Karabekir, ibid.,

PP- 593-594

30. Ibid., pp. 573-578. Cf. d'autre part G. J?schke, ? Le r?le du communisme

dans les relations russo-turques de 1919 ? 1922 ?, Orient, 26, 1963, pp. 31-44.

31. Ancien membre du comit? ex?cutif du comit? Union et Progr?s, Kutchuk

Tal'at s'?tait ?vad? d'Istanbul en m?me temps que Halil pacha. Il jouera un

r?le de premier plan au sein du parti communiste turc de Bakou, animant notam

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I?2 PAUL DUMONT

ment les activit?s de propagande de cette organisation (traduction de brochures

bolcheviques et publication de Yeni Yol/La Voie nouvelle, un des journaux du

parti). Durant les ann?es 1920-1921, il sera l'un des collaborateurs les plus actifs d'Enver pacha, et uvrera, tant ? Bakou qu'? Trabzon et ? Batoum, ? la r?alisation d'une ? r?volution sanglante

? en Turquie (cf. sa lettre du 16.5.1921 adress?e ? Halil pacha, cit?e par ?. S. Aydemir, op. cit., III, p. 603).

32. Le Dr Fuad Sabit ?tait un ancien panturquiste des Foyers turcs. Exp?di? au Caucase au lendemain du Congr?s d'Erzurum (juillet 1919) par Mustafa Kemal, il r?ussit ? rentrer en contact avec les Bolcheviks et participa ? la mise en place

du parti communiste turc de Bakou. On le retrouve ? Moscou en mai 1920, en

compagnie de Halil pacha (K. Karabekir, Istikl?l harbimiz, op. cit., p. 739). A

partir de cette date, s?duit par le bolchevisme, il s'?loignera des nationalistes turcs et finira par se rallier au leader bolchevik Mustafa Suphi.

33. La mainmise anglaise sur le gouvernement nationaliste de Bakou consti

tuait une menace ?vidente pour l'Anatolie k?maliste. D'autre part, il paraissait de toute fa?on difficile d'?viter la prise de Bakou par l'Arm?e Rouge qui, victo

rieuse des troupes du g?n?ral Denikin, avan?ait vers le Caucase. Il ne restait

donc plus aux Unionistes qu'? essayer d'exploiter la situation au profit de la

Turquie. La sovi?tisation de l'Azerba?djan ne repr?senterait pas seulement un

coup port? ? la politique anglaise dans cette partie du monde ; elle pouvait ?tre encore la premi?re ?tape d'un rapprochement entre Mustafa Kemal et les Bolcheviks.

Les dirigeants unionistes, qui jouissaient d'un ind?niable prestige en Azerba?djan, s'?taient donc assign? pour t?che de gagner les notables az?ris ? la cause sovi?tique (vaine entreprise, bien entendu !) et, par ailleurs, de n?gocier les modalit?s de

l'occupation de Bakou, dans l'espoir que ces ? services ? vaudraient ? la Turquie, dans ses futures tractations avec Moscou, des conditions d'alliance avantageuses. Les m?moires de K. Karabekir (ibid.) et ceux de Halil pacha (op. cit., pp. 318 sq.) fournissent d'int?ressantes donn?es sur ce chapitre. Voir ?galement S. A. Zenkov

sky, Pan-Turkism and Islam in Russia, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1967, pp. 264-267, et le Rapport du 15.7.1920 sur la situation en Trans

caucasie, FO 3716/4944, f. 137.

34. Pour l'Anatolie, la sovi?tisation de la G?orgie et de l'Arm?nie pr?sentait, comme celle de l'Azerba?djan, l'avantage de contrecarrer les men?es anglaises en Transcaucasie. En outre, assurant aux Bolcheviks le contr?le de la voie de

chemin de fer Bakou-Batoum, elle pouvait faciliter l'acheminement d'une ?ven

tuelle aide militaire ? travers le Caucase. Notons que sur ce point les Unionistes de Bakou appliquaient les consignes du gouvernement anatolien : l'?tablissement

d'une fronti?re commune aux Bolcheviks et ? la Turquie constituait, en effet, une des id?es ma?tresses de la strat?gie k?maliste dans cette r?gion. Rappelons ? cet ?gard que lorsque Karabekir lancera ses troupes contre Kars, en

octobre 1920, il le fera non seulement pour r?cup?rer le territoire des ? trois sand

jak ? (Kars, Ardahan, Artvin), mais aussi pour acc?l?rer l'accession des Bolcheviks

au pouvoir en G?orgie et en Arm?nie. Cf. K. Karabekir, Istikl?l harbimiz,

op. cit., p. 762 et passim ; les historiens sovi?tiques, cependant, ne partagent pas cette interpr?tation des faits : cf. par exemple S. L Kuznecova, ? Krah tureckoj intervencii v Zakavkaz'e v 1920-1921 godah

? (L'?chec de l'intervention turque

en Transcaucasie en 1920-1921), Voprosy istorii, 9, 1951, pp. 143-156.

35. Ils n'?taient pas les seuls ? envisager une telle ?ventualit?. Les dirigeants nationalistes ? Mustafa Kemal et K?zim Karabekir en t?te ? semblaient eux

aussi pr?ts, en 1920, ? se convertir au bolchevisme en cas de n?cessit?. Voir ? ce

propos les textes rassembl?s par R. N. Ileri, Atat?rk ve kom?nizm (Atat?rk et

le communisme), Istanbul, May Yay., 1970. Mais bien entendu, pour les K?malistes, il ne s'agissait essentiellement que d'effrayer les Alli?s ; ce qui, du reste, ne manqua

pas de se produire (cf. AMAEF, s?r. E, Levant 1918-1929, Turquie, dos. 162 et

278, les rapports ?pouvant?s de Defranee, haut-commissaire de la R?publique fran?aise ? Constantinople, mettant Paris en garde contre la sovi?tisation imminente de l'Anatolie).

36. Mustafa Suphi (1883-1921) avait, comme beaucoup d'id?ologues orientaux,

suivi la fili?re parisienne (universit?, contacts divers), avant de se lancer, ? son

retour en Turquie, dans la vie politique. Pour opposition au r?gime instaur? par le comit? Union et Progr?s, il avait ?t?, en 1913, intern? ? Sinop, mais s'?tait

?vad? et avait trouv? refuge en Russie. Ici, il subit un second internement, apr?s

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME 163

la d?claration de la guerre, en tant que sujet ottoman. C'est sans doute ? cette

occasion qu'il entra en contact avec les Bolcheviks. Apr?s la r?volution d'Octobre, on le retrouve ? Moscou, r?dacteur en chef du Yeni D?nya (Le Monde nouveau), organe des communistes turcs de Russie, et ? la t?te de la section turque du Bureau central des peuples de l'Orient, d?pendant du commissariat aux Nationalit?s de

Staline. En mars 1919, il repr?sente la Turquie au Ier Congr?s de la IIIe Interna

tionale. Au cours des ann?es 1919 et 1920, il sillonne la Crim?e et le Turkestan

dans le but d'?tablir le contr?le de Moscou sur les sections musulmanes du parti. Arriv? ? Bakou le 27 mai 1920, il s'empare de la formation cr??e ici par les

Unionistes et la r?organise en lui adjoignant ? ? en croire certains t?moins

? une

section para-militaire. A la fin de l'ann?e 1920, il se rendra en Turquie. Son projet est d'aller ? Ankara et de n?gocier avec Mustafa Kemal l'installation de son

parti en Anatolie. Mais les nationalistes des provinces orientales, Karabekir

notamment, accueilleront fort mal cette initiative et provoqueront sur sa route

des ? manifestations populaires ? anticommunistes qui aboutiront, fin janvier,

? son assassinat (en m?me temps que celui de quatorze de ses compagnons), au

large de Trabzon, dans des circonstances mal ?claircies. Ce ? martyr ? du commu

nisme a bien entendu retenu l'attention de nombreux chercheurs. Cf. par exemple G. S. Harris, The origins of communism in Turkey, Stanford, Hoover Institute,

1967. Voir encore H. Bayur, ? Mustafa Suphi ve milli m?cadeleye el koymaya

?ahsan bazi disarda akimlar ? (Mustafa Suphi et certains courants ext?rieurs

cherchant ? mettre la main sur la lutte pour l'ind?pendance), Belleten, 140, oct. 1971, pp. 587-654

37. G. S. Harris, op. cit., pp. 58-59. Mustafa Suphi, pour sa part, devait pr?senter la chose comme une dissolution (cf. H. Bayur, art. cit., p. 610), mais ? suivre le

t?moignage de Kutchuk Tal'at (lettre du 8.9.1920 ? Djemal pacha, dans Tanin,

22.2.1945), le terme de ? purge ? nous semble beaucoup plus ad?quat. 38. Lettre ? Djemal pacha, loc. cit.

39. Les Anglais promettaient de rendre Constantinople aux Turcs. Ils se

d?claraient pr?ts, en outre, ? ?manciper les R?publiques caucasiennes. Mais ils

refusaient de s'engager par ?crit. Voir ? ce propos ?. S. Aydemir, op. cit., III,

pp. 527-529, qui cite une lettre d'Enver ? Djemal pacha sur ce sujet, en date

du 25.1.1920 (le m?me texte dans Tanin, 16.10.1944). 40. A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, op. cit., pp. 136-137; K. Karabekir, Istikl?l

harbimiz, op. cit., pp. 749-750. Malgr? la r?ussite de sa mission, Halil pacha, consid?r? comme douteux, sera ? remerci? ? par Mustafa Kemal et remplac? dans

les pourparlers avec les dirigeants bolcheviks par deux ministres du gouvernement d'Ankara, Bekir Sami et Yusuf Kemal.

41. Ibid, pp. 798-799 ; A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, op. cit., p. 49. 42. Tanin, 18.10.1944. 43. A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, op. cit., pp. 50-52. 44. Cf. notamment Arif Cemil Bey, ? Ittihad ve terakki ruesasmm diyar-i

gurbet maceralan ? (Les aventures des dirigeants unionistes en exil), Tevhid-i

Efk?r, 22.5.1922.

45. Il s'agissait, pour l'essentiel, d'anciens membres de l'Organisation sp?ciale (Techkilat-i Mahsousa), service secret cr?? par Enver en 1914.

46. Nous renvoyons, en ce qui concerne ce Congr?s (organis? sous les auspices de la III? Internationale), aux tr?s nombreux ouvrages qui en traitent. Cf. no

tamment (mais il s'agit l? d'une vision tr?s partiale des choses) I. Spector, The Soviet Union and the Muslim world. 1917-1958, Seattle, University of Washington Press, 2e ?d., 1967, chap. m. A. Rosmer, qui participa au rassemblement de

Bakou, l'?voque rapidement dans ses m?moires (Moscou sous L?nine, Paris,

Maspero, 1970, I, chap. 16).

47. Le premier congr?s des peuples de l'Orient, compte rendu st?nographique,

Petrograd, ?d. de l'Internationale communiste, 1921 (r??d. en fac-simil?, Paris,

Maspero, 1971), p. 108.

48. Cette promesse concernait essentiellement les Arm?niens, pour lesquels les Russes revendiquaient d'importants territoires en Anatolie. Notons cependant

que dans la mesure o? les Bolcheviks n'accordaient, dans leurs propres affaires, aucune sympathie aux ? survivances du sentiment national ?

(en d?pit de certaines

d?clarations ambigu?s destin?es ? servir leur propagande), il ?tait quelque peu

incongru de parler devant eux, ? Bakou, du droit des peuples ? disposer d'eux-m?mes.

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164 PAUL DUMONT

49- Cf. la correspondance d'Enver, Tanin, 19.10.1944. 50. Dans une lettre du 27.5.1921 adress?e ? Djavid Bey (Tanin, 1.11.1944),

Enver n'h?sitera pas ? qualifier ce programme de ? communiste ?. Le Dr Nazim,

pour sa part, en fera ? une copie mod?r?e du programme bolchevik ? (lettre ?

Djavid Bey, 26.4.1921, dans Tanin, 15.11.1944). 51. Mesa?..., op. cit., pp. 41-82. 52. Nous renvoyons ? ce propos ? la d?monstration de M. Tun?ay, ibid., p. 2.

53. En ce qui concerne ce ? congr?s

? cf. supra, pp. 156-157. 54. Le texte publi? par K. Karabekir dans Istikl?l harbimizde Enver psaa...

(op. cit., pp. 153-154) pr?cise en effet que ? [Les congressistes] ont examin? le

programme ?labor? lors du rassemblement de 1920 [? !] sous le titre provisoire de

' Travail

' avec une introduction intitul?e

* Doctrine et objectifs ', et, l'ayant

compar? au programme du ' parti des soviets populaires

' r?dig? et adopt?

post?rieurement, ont constat? que les deux textes d?fendaient ? peu de chose

pr?s les m?mes id?es... ? Ce passage ne laisse, on le voit, aucun doute quant ?

l'origine enveriste de Mesa?.

55. Si Mesa? fut, comme nous le pensons, r?dig? ? Bakou, il est probable que la plupart des Unionistes pr?sents dans cette ville mirent la main ? la p?te, et

notamment Kutchuk Tal'at, dont on sait par ailleurs qu'il collabora ici ? la r?dac tion d'un programme qui fut imprim? ? Trabzon (cf. la lettre du Dr Nazim ?

Djavid Bey, mentionn?e supra, n. 50), et qu'il faut sans doute identifier ? Mesa?.

56. M. Tun?ay, Mesa?, op. cit., p. 43. Notons ? ce propos que les th?oriciens

actuels du ? mode de production asiatique ?

esquissent depuis une dizaine d'ann?es, dans les Universit?s turques, une description de la soci?t? ottomane assez proche de celle de Mesa?. Cf. par exemple S. Divit?ioglu, Asya ?retim tarzi ve osmanh

toplumu (Le mode de production asiatique et la soci?t? ottomane), Istanbul, 1967. 57. M. Tun?ay, Mesa?, op. cit., p. 68 et passim. 58. Ibid., p. 46. 59. Ibid., p. 47-48. 60. Ibid., pp. 47 et 55. 61. On rencontre les sura ? tous les niveaux de l'organisation sociale et poli

tique du pays : ils nommeront les fonctionnaires, dirigeront les banques, organise ront les milices populaires, participeront au choix des ministres, etc. Cf. ibid.,

pp. 57 sq. 62. Cf. S. Selek, Anadolu ihtil?li (La r?volution anatolienne), Istanbul, Bur?ak

Yay., 4e ?d., 1968, pp. 575-579. Le Halk z?mresi disposait d'un programme poli tique en vingt-huit articles, rendu public le 8.9.1920, et o? l'on retrouve la

plupart des id?es d?velopp?es dans Mesa? (cf. M. Tun?ay, op. cit., pp. 107-110). 63. Un premier projet de constitution fut soumis ? la Grande Assembl?e

nationale le 18.9.1920 ; mais le texte d?finitif, qui officialisait les principaux acquis du k?malisme, ne fut adopt? que le 20.1.1921, apr?s que la victoire d'In?n? eut renforc? les positions du gouvernement d'Ankara.

64. Le premier congr?s des peuples de l'Orient, op. cit., p. 112.

65. Cf. les m?moires de Halil pacha, op. cit., pp. 350 sq. Voir aussi la correspon dance entre Enver et Halil pacha, dans A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, op. cit., pp. 163-172, et S. S. Karaman, op. cit., pp. 100 sq.

66. Les Russes enverront ? Enver, pour couvrir ses diverses d?penses, 500 000 Marks (vraisemblablement en papier-monnaie). Cf. la lettre de Halil pacha du 16.1.1921, dans A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, op. cit., p. 169 ; et

H. Bayur, art. cit., pp. 636-637.

67. Cf. sa lettre du 28.9.1920 ? K. Karabekir, cit?e par ce dernier, op. cit.,

p. 48. Voir aussi A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, op. cit., p. 164. 68. Ibid., pp. 224-225. Les renseignements dont on dispose concernant ce

? congr?s

? semblent assez confus. On peut se demander notamment si la r?union

de Rome eut vraiment lieu. On sait en effet que le Congr?s nationaliste turc qui se

tint ici en janvier 1921 (AMAEF, s?r. E, Levant 1918-1929, Turquie, dos. 162, f?. 51-123) ?tait pr?sid? par un francophile av?r?, Ahmed Riza, et que celui-ci

fit tout ce qui ?tait en son pouvoir pour exclure de la r?union les Unionistes par

trop compromettants. Il est possible cependant qu'Enver soit venu ? Rome

incognito, et qu'il ait profit? de la pr?sence dans cette ville des d?l?gu?s du

gouvernement d'Ankara et d'un certain nombre de Turcs r?fugi?s en Europe pour tenir son propre ?

congr?s ?, avant ou apr?s celui d'Ahmed Riza.

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LA FASCINATION DU BOLCHEVISME 165

69. Cf. les ? Th?ses et additions sur les questions nationale et coloniale ? du IIe Congr?s de ITC, dans Les quatre premiers congr?s mondiaux de l'Internationale communiste. 1919-1923, Biblioth?que communiste, 1934 (r?impr. en fac-simil?,

Paris, Maspero, 1971), p. 58. 70. Remarquons ? ce propos que Mustafa Kemal avait, par une lettre du

4.10.1920 (A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, op. cit., pp. 55-57), mis en garde Enver contre le panislamisme, arguant de la m?fiance des Russes vis-?-vis de ce courant. Bien que venant d'un adversaire, cet avertissement a pu, dans une certaine mesure, contribuer ? modeler la strat?gie adopt?e par les Unionistes en cette mati?re lors de leur congr?s.

71. S. S. Karaman, op. cit., pp. 100-101 ; A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari,

op. cit., p. 163. 72. Lettre du 8.2.1921, ? Halil pacha, cit?e par S. S. Karaman, op. cit., p. 106.

73. Lettre du 4.1.1921, A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, op. cit., p. 165. 74. Ibid., pp. 185-187. Les Alli?s surveillaient de pr?s les soldats de cette

arm?e, qui constituaient, ? leurs yeux, ? un terrain merveilleux pr?par? pour devenir des ?missaires de la propagande bolcheviste ?

(AMAEF, s?r. E, Levant 1918-1929, Turquie, dos. 279, f. 75). Un rapport du 2.6.1922 (ibid.) explique en effet que ? d?moralis?s par les vicissitudes inou?es auxquelles ils ont ?t? en butte, d?sesp?r?s de jamais revoir et leur patrie et leurs familles, ils sacrifient avec joie le peu de conscience qui leur reste pour jouir de la vie dor?e

que leur offrent les ?missaires de Moscou [!] ?. Mais en r?alit? ces conversions au bolchevisme furent peu nombreuses, et les soldats de Wrangel, relog?s dans les Balkans par leur g?n?ral, n'eurent pour la plupart aucune difficult? ? s'int?grer dans la vie active de leurs pays d'accueil.

75. Ancien aide de camp d'Enver pacha. 76. S. S. Karaman, op. cit., p. 26 ; A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, op. cit.,

pp. 171-172 ; ?. S. Aydemir, op. cit., III, pp. 556-557. 77. Dispers?s ? travers la Turquie, les Unionistes contr?laient de nombreuses

organisations patriotiques. Ils disposaient en outre, ? Ankara, d'un important groupe parlementaire (cf. supra) rassemblant pr?s de quarante personnalit?s. Ce groupe pratiquait une politique d'obstruction qui constituait une g?ne consi d?rable pour le gouvernement k?maliste. Voir ? ce propos R. N. Ileri, op. cit.,

p. 193 et passim ; S. Selek, loc. cit. ; S. S. Karaman, op. cit., pp. 38 sq.

78. Cf. K. Karabekir, Istikl?l harbimiz, op. cit., passim, et S. S. Karaman,

op. cit., p. 26.

79. K. Karabekir, Istikl?l harbimiz, op. cit., pp. 659-661. 80. En ce qui concerne la difficile mainmise des K?malistes sur Trabzon,

cf. les rapports du consul fran?ais de cette ville, AMAEF, s?r. E, Levant 1918-1929, Turquie, dos. 23. Pour ce qui est de l'action entreprise vis-?-vis des groupements d'opposition, cf. ? Yesil Ordu Cemiyeti

? (L'association de l'Arm?e Verte), Yakm

Tarihimiz, 3.10.1962. Cette organisation clandestine constituait un des principaux centres de ralliement des m?contents. Elle fut dissoute dans les derniers mois de

1920, et les Unionistes compromis dans l'affaire furent tra?n?s devant les tribunaux et condamn?s ? de lourdes peines de prison.

81. Parmi les informateurs d'Ankara, il y avait ?galement un certain nombre d'Unionistes. On conna?t notamment le cas du propre neveu de Tal'at pacha,

Hayret? Bey, qui fut un mouchard remarquable. 82. A propos du s?jour de Halil pacha ? Trabzon, cf. S. S. Karaman,

op. cit., ainsi que les m?moires de A. F. Cebesoy et de K. Karabekir. Pour un

autre son de cloche, on peut se reporter aux m?moires de Halil pacha (op. cit.,

pp. 351 sq.) qui tentent d'accr?diter la version d'un simple s?jour de convalescence

qui aurait ?t? m?sinterpr?t? par les autorit?s k?malistes.

83. Yahya ?tait un des notables les plus en vue de Trabzon. Il disposait, gr?ce ? sa corporation de bateliers, d'un pouvoir consid?rable, et il ?tait notamment en mesure d'interdire l'acc?s du port de Trabzon ? certains navires (cf. les rapports du consul de France de Tr?bizonde, AMAEF, s?r. E, Levant 1918-1929, Turquie, dos. 23, f. .116). En janvier 1921, ses hommes se vanteront d'avoir massacr? la

d?l?gation communiste conduite par Mustafa Suphi (cf. supra, n. 36). Unioniste

convaincu, il avait organis? une milice qui ?tait destin?e non seulement ? faire obstacle ? un ?ventuel d?barquement alli? sur les c?tes de la mer Noire, mais aussi ? appuyer le retour d'Enver en Anatolie. Ce projet ayant ?chou?, il sera,

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l66 PAUL DUMONT

d?but 1922, arr?t? par les K?malistes et traduit en justice. Le tribunal conclura ? un non-lieu. Mais Yahya ?tait, dit-on, d?termin? ? ? causer ?. C'est sans doute

pour cela qu'il fut assassin?, quelque temps apr?s son ?largissement. On accusa

du crime des soldats de la caserne de Trabzon ; mais il y a tout lieu de croire que les tueurs avaient agi ? l'instigation de personnalit?s compromises dans le complot

unioniste de 1921.

84. K. Karabekir, Istikl?l harbimiz, op. cit., p. 893 ; A. F. Cebesoy (Moskova hatiralari, op. cit., p. 187) situe pour sa part cette expulsion vers la mi-mai.

85. Cf. ibid, pp. 173-185 et passim. 86. C'est dans une lettre du 12.4.1921 adress?e ? Halil pacha qu'Enver men

tionne pour la premi?re fois le programme du ? parti des soviets populaires

?

(S. S. Karaman, op. cit., pp. 139-141). Mais il est possible que ce document ait ?t? r?dig? au cours de l'hiver 1921, alors qu'Enver se trouvait ? Berlin. En tout

?tat de cause, il semble qu'il ne fut diffus? en Anatolie qu'? partir du mois de mai

(K. Karabekir, Istikl?l harbimiz, op. cit., p. 894).

87. Lettre d'Enver ? Djavid Bey, 27.5.1921 (Tanin, 1.11.1944 ; S. S. Aydemir, op. cit., III, p. 592).

88. Le texte int?gral de ce programme figure dans M. Tun?ay, Mesa?,

op. cit., pp. 85-104. 89. Cf. ? ce propos les interrogatoires des membres de l'Arm?e Verte et du

parti socialiste populaire de Turquie arr?t?s en 1921, publi?s dans la revue Yakm

Tarihimiz, 3.10.1962. 90. A. F. Cebesoy, Moskova hatiralari, op. cit., pp. 231-235. 91. F. Kesim, qui ?tait ? l'?poque consul de Turquie ? Batoum, pr?tend

qu'Enver fut log? ici dans une maison appartenant ? Zinov'ev (Yakin Tarihimiz,

18, 28.6.1962, p. 117), ce qui laisserait supposer qu'il disposait, ? cette ?poque, du plein appui des Bolcheviks. Mais il semble que l'ancien consul fasse erreur

et qu'Enver v?cut en r?alit? dans un wagon d?saffect?, pour ?viter d'?tre d?pist? par quelque komitadji arm?nien (?. S. Aydemir, op. cit., III, pp. 604-606).

92. Ce personnage assez louche ?tait un des meilleurs ?l?ments du Techkilat-i

Mahsousa (cf. supra, n. 45). Pendant la guerre, il fut envoy? en Asie Centrale

et en Extr?me-Orient, et y v?cut toutes sortes d'aventures. Il n'en revint qu'? la fin des hostilit?s, rejoignant le groupe unioniste de Moscou. Au lendemain du

fiasco de Batoum, c'est lui qui persuadera Enver de se rendre au Turkestan ; mais

il l'abandonnera d?s que les choses tourneront ? l'aigre. 93. Cf. son grand discours d'octobre 1927, Nutuk, Istanbul, MEB, 12e ?d.,

1972, pp. 609-618. 94. Au sujet de ce congr?s, cf. K. Karabekir, Istikl?l harbimizde Enver pasa...,

op. cit., pp. 151 sq. et A. F. Cebesoy, op. cit., pp. 237-238 ; mais Halil pacha nie

cat?goriquement dans ses m?moires (op. cit., p. 361) qu'un tel congr?s ait jamais eu lieu.

95. K. Karabekir, loc. cit., donne les sections A et C du document ; A. F. Cebesoy, loc. cit., la section B.

96. La loi vot?e le 4 ao?t 1921, accordant des pouvoirs sp?ciaux au Pr?sident

de la Grande Assembl?e nationale pour une dur?e de trois mois, fut reconduite

? plusieurs reprises (31.10.1921, 4.2.1922, 6.5.1922) et finit par ?tre prorog?e sans fixation d'?ch?ance, le 20.7.1922.

97. Nous renvoyons aux travaux de J. Castagne publi?s dans les ann?es vingt, et ? l'ouvrage de H. Carr?re d'Encausse, R?forme et r?volution chez les musulmans

de l'Empire russe, Paris, A. Colin, 1966, pp. 263-266 ; cf. par ailleurs les articles

touchant cette question dans la revue sovi?tique Novyj Vostok, et notamment

l'article de D. Solovejcik, ?

Revoljucionnaja Buhara ?, Novyj Vostok, 2, 1922,

pp. 272-289.

98. Celui-ci a ?voqu? cette rencontre dans son ouvrage sur l'histoire du

Turkestan, Bug?nk? T?rkili (T?rkistan) ve yakin tarihi (Le Turkestan d'aujour d'hui et son histoire r?cente), Istanbul, 1942-1947, pp. 434 sq.

99. En ce qui concerne l'histoire du mouvement des Basmadji, cf. par exemple

J. Castagne, Les Basmatchis. Le mouvement national des indig?nes d'Asie Cen

trale, Paris, 1925, ou encore la r?cente synth?se de H. Carr?re d'Encausse, op. cit.,

pp. 261 sq. 100. Cf. ? ce propos la correspondance d'Enver avec son ?pouse, et en particu

lier les lettres d'cctobre 1921 (S. S. Karaman, op. cit., pp. 97-98).

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