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La FORET ACTUELLE *************** Qu'on aborde le Morvan, venant du nord ou de l a dépression d'Autan, il apparaît essentiellement comme un pays boisé. Les grandes forêts des marges septentrionales isolent les centres agricoles morvandiaux des dépressions du pourtour ; les bois du Haut-Morvan couvrent ses monts, enserrent ses cu- vettes ils s'insinuent de plus en plus ; sur les paliers orientaux, les grandes étendues boisées sont à peu près vides d'hommes. REPARTITION ********* Alors qu'en France il y a 25 ares de bois par habitant, il y en a 75 en Morvan. On peut estimer à environ 100 000 ha l'ensemble de l a superficie boisée. Les cultures semblent toujours dérobées à l'espace agricole, dans ce pays tard défriché. Près des marges, le voisinage des témoins du lias, à proximité des grandes céréales, fait notablement baisser la proportion forestière. C'est en approchant du Haut-Morvan, surtout à l'intérieur de la courbe altimétri- que de 500 m, que l a sylve médiévale a conservé toute son extension. Les bois sont plus étendus au nord et au sud qu'au centre, à l'est qu'à l'ouest ; dans l a quasi-totalité du Morvan, le taux de boisement dépas- se 30 % ; il atteint fréquemment 30 à 49 % dans les cantons de Montsauche, de Lormes et de Château-Chinon ; il est supérieur à 50 $ dans huit commu- nes : Anost, Arleuf, Domecy-sur-Cure, Glux, Gouloux, Molphey, Roussi lion, Saint-Didier ; il dépasse même 60 $ dans quelques villages : Chalaux, Lavault-de-Frétoy, Marigny-1'Eglise, Ménessaire, Saint-Brisson, Saint- Germain-Modéon, Saint-Prix, ^a Petite-Verrière. La forêt morvandelle ne s'étend pas uniformément. 3a densité est fonc- tion de l'altitude et du substratum géologique. Au nord, sur les bandes gneissiques, le manteau continu des forêts s'égrène en maigres taillis, lais sant à découvert de vastes bandes de genêts ou de bruyères. Les produits d'altération superficielle sont plus argileux, c'est la glenne. Au centre,

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La F O R E T A C T U E L L E * * * * * * * * * * * * * * *

Qu'on aborde l e Morvan, venant du nord ou de l a dépression d'Autan, i l apparaît essentiellement comme un pays boisé. Les grandes forêts des marges septentrionales i s o l e n t l e s centres agricoles morvandiaux des dépressions du pourtour ; l e s bois du Haut-Morvan couvrent ses monts, enserrent ses cu­vettes où i l s s'insinuent de plus en plus ; sur l e s p a l i e r s orientaux, l e s grandes étendues boisées sont à peu près vides d'hommes.

REPARTITION *********

Alors qu'en France i l y a 25 ares de bois par habitant, i l y en a 75 en Morvan. On peut estimer à environ 100 000 ha l'ensemble de l a s u p e r f i c i e boisée. Les cultures semblent toujours dérobées à l'espace a g r i c o l e , dans ce pays tard défriché.

Près des marges, l e voisinage des témoins du l i a s , à proximité des grandes céréales, f a i t notablement bai s s e r l a proportion forestière. C'est en approchant du Haut-Morvan, surtout à l'intérieur de l a courbe altimétri-que de 500 m, que l a sylve médiévale a conservé toute son extension.

Les bois sont plus étendus au nord et au sud qu'au centre, à l ' e s t qu'à l'ouest ; dans l a quasi-totalité du Morvan, l e taux de boisement dépas­se 30 % ; i l a t t e i n t fréquemment 30 à 49 % dans l e s cantons de Montsauche, de Lormes et de Château-Chinon ; i l est supérieur à 50 $ dans h u i t commu­nes : Anost, Arleuf, Domecy-sur-Cure, Glux, Gouloux, Molphey, Roussi l i o n , Saint-Didier ; i l dépasse même 60 $ dans quelques v i l l a g e s : Chalaux, Lavault-de-Frétoy, Marigny-1'Eglise, Ménessaire, Saint-Brisson, S a i n t -Germain-Modéon, S a i n t - P r i x , ^a Petite-Verrière.

La forêt morvandelle ne s'étend pas uniformément. 3a densité est fonc­t i o n de l ' a l t i t u d e et du substratum géologique. Au nord, sur l e s bandes gneissiques, l e manteau continu des forêts s'égrène en maigres t a i l l i s , l a i s sant à découvert de vastes bandes de genêts ou de bruyères. Les produits d'altération s u p e r f i c i e l l e sont plus a r g i l e u x , c'est l a glenne. Au centre,

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l e développement continu des forêts, sur l e s t e r r e s granitiques, démontre l e peu d'épaisseur de l a couche arable. Les granulites e t microgranulites sup­portent l e s plus f o r t e s masses. Les orthophyres, l e s t u f s porphyritiques mé­r i t e n t l e u r nom de "noir pays". I c i , l a désagrégation de l a roche sous-jacente f o u r n i t un s o l très riche en potasse e t en apathite. La couche végé­ta l e e s t formée d'un mélange de sable s i l i c e u x e t d'a r g i l e . Le sous-sol im­perméable donne naissance à un grand nombre de sources, qui augmentent enco­re l a fertilité de cet humus, excessivement propre à l a végétation forestiè­re . C'est l a région des plus b e l l e s forêts du Morvan, s i ce n'est des peu­plements l e s plus touffus.

La forêt du Morvan, plutôt morcelée, n'est l e plus souvent qu'un t a i l ­l i s , l e s arbres étant coupés tous l e s vingt ans pour l a charbonnette e t tous l e s trente ans pour l a moulée. Les f u t a i e s sont r a r e s , on rencontre vers l e sud d'importants domaines de l ' E t a t . La forêt morvandelle ne s'épa­nouit que sur l e s hauteurs, l e s bois évitent l e s tourbières des pentes et l'humidité gélive des fonds. En général, l e s forêts de l ' E t a t sont à des a l ­titudes plus f o r t e s que c e l l e s des p a r t i c u l i e r s . i"lais l e s forêts appartenant à des p a r t i c u l i e r s , plus nombreuses dans l e sud, sont plus étendues :

FORETS de l'ETAT Forêt au Luc (de Bourgogne) près de Quarré-les-ïorabes env. 1 200 ha Forêt de Breuil-Chenue 1 100 ha Forêt de Glenne 400 ha Forêt de S a i n t - P r i x 1 075 ha Forêt d» Anost 1 000 ha

FORETS appartenant à des PARTICULIERS Forêt d» Anost 700 ha Forêt de F o l i n 700 ha Forêt de Jacob et des Grands Bois 2 400 ha Forêt des Montarnu • 1 500 ha Forêt de l a Gravelle (Saint-Léger-de-Fougeret, Villapourçon,

Onlay) 2 400 ha

Les autres p r i n c i p a l e s forêts sont l a forêt de Saint-Léger-Vauban, l a forêt de Châtillon. Parmi l e s bois l e s plus importants, citons ceux de Montsauche, de Houssière, de B r e n i l (830 h a ) , de l a C e l l e , de Bazoches, de Saint-Martin, de Patuet, de C^evannes.

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Les plus f o r t e s pentes, l e s sols squelettiques sur g r a n u l i t e ou s c h i s ­tes tournaisiens, l e s régions plus élevées, forment autant de domaines où l e s bois se sont maintenus. Leur répartition dépend plus des conditions de l a mise en valeur que de l a vocation réelle des s o l s . On se plaît à répéter en Morvan que l e s bois y occupent l e s meilleures t e r r e s c u l t i v a b l e s , l e s cultures l e s s o l s j u s t e bons pour l a forêt. La boutade n'est pas sans véri­té.

Les ESSENCES **********

En Morvan, l a forêt a été bien dégradée par l'homme ; son paysage n'a r i e n conservé de son aspect p r i m i t i f ; i l change fréquemment même dans l e s forêts domaniales qui se présentent souvent comme un puzzle de sections où l e s forêts d'épicéas côtoient d'anciennes hêtraies abandonnées. La marquet-t e r i e des s o l s qu'on y observe permet pourtant d'affirmer l'importance des lessivages et l e danger toujours présent de l a podzolisation.

1 - Les ESSENCES Malgré l a f a i b l e a l t i t u d e du massif, l e s essences ne sont pas mélan­

gées. Les unes sont restées sur l e s marges, l e s autres ont pénétré en se ré-pa r t i s s a n t suivant l e s différentes zones géologiques, jusqu'à l'intérieur du massif ancien.

Les peupliers sont presque inconnus en Morvan, c'est l'arbre des mar­ges. Les trembles ne sont guère plus nombreux. I l s chevauchent l e s placages l i a s i q u e s de l a zone bordière, poussant devant eux l e s bouleaux, l e s seuls bois blancs qui réussissent sur l a pénéplaine, plus ou moins r a r e s et l o c a ­lisés ( B l a n o t ) . Le bouleau a essayé de pénétrer au centre, autour d'Anost, mais, sur l e s hauteurs, i l se heurte au chêne qui l'absorbe à l a longue. Dans l e s bas-fonds, dont l'humidité ne l u i convient pas, i l e s t remplacé par l e s aulnes et l e s saules» Par s u i t e des vents v i o l e n t s et des f o r t e s précipita­tions qui dominent toute l'année, l e faux-acacia est presque totalement i n ­connu.

I l y a a u s s i des charmes, des frênes ( l e s f r a g n e s ) , des marronniers d'Inde (Lormes), des érables, des t i l l e u l s , des c e r i s i e r s sauvages (meri­s i e r s ) , des sorbiers des o i s e l e u r s . Le châtaignier se trouve à l'extrémité méridionale du massif, exposé au sud, dans l e s élargissements des vallées et à des a l t i t u d e s qui ne dépassent a s 560 m. Au sud du Morvan, i l e s t abon­dant, i l e s t même l'objet de soins spéciaux. Saint—'-'éger-soœ-iieuvray est l e centre d'un commerce a c t i f : une f o i r e ainuelle se t i e n t l e dernier d i ­manche d'octobre. Cependant l e châtaignier demeure en Morvan une exploita­t i o n accessoire. Les v r a i s richesses de l a forêt sont l e s résineux, l e s chênes et l e s hêtres.

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a) Les résineux Les pins, sapins, épicéas, mélèzes, ont toujours existé, dans l e sud

du massif ancien, aux a l t i t u d e s trop rigoureuses pour l e s autres essences, et surtout où l e furetage n'était pas l e mode unique d'exploitation. En gé­néral, i l s occupent l a zone supérieure à c e l l e des châtaigniers. L'Etat a, l e premier, donné l'exemple des repeuplements en résineux, s u i v i par l e s p a r t i c u l i e r s . Leur a i r e géographique tend à remonter vers l e nord (Ouroux, l e s Settons).

Les sapins, préférés pour l e s charpentes, ont une grosse majorité sur l e s épicéas qui résistent mieux au climat. I l s sont d'introduction récente. Les premiers plantés en i!,iorvan l e furent par l e Comte de Montalembert, dans sa propriété de l a Roche-en-3renil e t par E. de Ohambure à l a Chaux, commune d'Alligny-en-Morvan. La plus b e l l e f u t a i e de sapins est c e l l e du 3 0 i s - d u -Roi, obtenue par un semis f a i t en 1852 sur 317 ha.

b) Le chêne Les chênes, rouvre e t pédoncule, couvrent l e s granulites e t l e s gneiss

du nord. Le chêne trouve, dans ces régions, un climat plus doux, des a l t i t u ­des moins élevées et surtout un s o l qui permet mieux l e développement de leu r s racines pivotantes. Sur l e sous-bois où l e genêt, l a bruyère, l a d i g i ­t a l e , l a gentiane, l a petit e centaurée, l a véronique des bois et l e silène rouge tiennent l e s premières places, l e chêne a quelque peine à élever des fûts assez d r o i t s pour pouvoir f o u r n i r des bois de charpente. Le plus sou­vent, comme l e hêtre, i l ne peut être utilisé que pour l a moulée.

Toute l a zone médiane du Morvan est presque dépourvue de chênes. Pour retrouver l e géant des forêts, i l f a u t descendre plus au sud, sur l e s t u f s porphyritiques et l e s s c h i s t e s pourris du dévonien. E n f i n , i l tend à gagner l e centre du massif ancien, depuis que l'importance du hêtre baisse de plus en plus dans l a b a t a i l l e économique.

c) Le hêtre Le fagus des gallo-romains, l e "fou" ou l e "fouel" des Morvandiaux,

c o n s t i t u a i t , encore au siècle dernier, à l u i s e u l 60 % du peuplement. C'est par excellence l'arbre du granit» I l y a b r i t e un sous-bois touffu et serré, f a i t l e plus souvent d ' a i r e l l e s , de genévriers, de houx, de fougères commu­nes et de fougères royales (osmonde de Lormes), de renoncules, de balsami­nes, de framboisiers, de gentianes, de qu a t r e f e u i l l o s , de valériane, de p r i ­mevères, de mousses, de bryones, de belladones, de reines des prés et de l i ­seron. Le houx surtout y a t t e i n t de f o r t e s t a i l l e s . AJ. nord au sud, dès qu'on quitte l a bande des gneiss, l a densité des peuplements de hêtres ne f a i t qu'augmenter.

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L'aspect des bois de hêtres est très caractéristique : des t a i l l i s qui supportent des r e j e t s d'âges différents, des troncs épais et noueux courbés dans tous l e s sens, l a maîtresse branche horizontale l e plus souvent, une frondaison touffue et étendue- L'arbre étale toujours son manteau protec­teur au-dessus d'un sous-bois très dru. Le hêtre constitue un exc e l l e n t bois de chauffage. Le hêtre e s t de plus en plus remplacé dans l e nord par l e chêne et dans l e sud par l e sapin.

Dans l a forêt, e t en dehors d ' e l l e , quelques arbres se distinguent de l a foule et ont une personnalité. On ne l e u r rend plus un véritable culte comme a u t r e f o i s , mais i l s sont respectés et vénérés. Certains ont été en quelque sorte christianisés, et portent, dans l e u r tronc, une statuette de l a Vierge : i l en était a i n s i du t i l l e u l gigantesque qui a v a i t remplacé l e chêne druidique de l a "chapelle du Chêne" près de Château-^hinon. Le "Pou" de Verdun, commune de Lavault-de-Frétoy, est célèbre. Les arbres qui ombra­gent l e s fontaines de Faubouloin ne l e sont pas moins. Quant aux charmes, et aux hêtres, peut-être millénaires de l a terrasse du Beuvray, r i e n ne peut égaler l a puissance évocatrice de l e u r s branches tordues e t fantastiques.

2- Une ANCIENNE HEJTRAIE DEVASTEE e t GAGNEE par l e s RESINEUX La forêt pr i m i t i v e semble a v o i r été une hêtraie mêlée à d'autres f e u i l ­

l u s où l e chêne, essence de lumière, a p r i s place au hasard des éclaireies. Jusqu'à ces derniers temps, l e hêtre a v a i t régné en maître. I l e s t l'arbre du Morvan. "Sur l e s o l morvandiau, non point dans l e s fonds trop humides, n i sur l e s côtes parf o i s tourbeuses, mais sur l e s hauts, exposé aux vents, résistant à toutes l e s maladies, aux insectes des bois qui dévorent l e s f e u i l l e s des arbres, l e hêtre pousse l e chevelu de ses racines au milieu des d i a c l a s e s des roches, là où l e pivot du chêne s e r a i t brisé". La décompo­s i t i o n de l a couverture morte du hêtre est particulièrement l e n t e , ̂ ans l e s forêts aux essences mélangées, l e s f e u i l l e s de hêtre sont l e s dernières à pour r i r .

En f a i t , " l e hêtre donne naissance à des types d'humus très différents suivant que l e s conditions du climat e t de l a roche mère sont plus ou moins favorables à l'activité bactérienne". En Morvan, l e s t e r r e s pauvres en ba­ses échangeables, très lessivées par l a percolation des eaux quand l'épais­seur de l'arène e s t s u f f i s a n t e , auraient dû permettre l ' a c i d i f i c a t i o n de l'humus du hêtre, mais d'un point à l'autre l e s v a r i a t i o n s climatiques sont assez marquées pour qu'elles se soient t r a d u i t e s par des évolutions d i v e r ­gentes et c'est sans doute d'une marquetterie de so l s variés que l e s s o l s dégradés actuels ont hérité.

De l'ancienne f u t a i e de f e u i l l u s où l e hêtre régnait en maître, i l ne reste que des lambeaux. °haque époque a connu de nouvelles raisons de sacca-

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ge. Après l e s défrichements contemporains de l'extension du peuplement, l e s espaces laissés en forêt ont toujours semblé en Morvan des domaines de p i l ­lage autorisé. Malgré l a réglementation, l e s parcours des animaux et l a nour­r i t u r e des porcs en forêt ont représenté une des premières formes de massa­cre ; i l était s i redouté que tous l e s baux i n s i s t a i e n t avec un luxe de dé­t a i l sur l ' i n t e r d i c t i o n , que des haies cernaient l e s espaces boisés situés au contact des pièces de lanières cultivées.

Les coupes à blanc des l6e et 17e siècles furent s i importantes que Vauban constate dans son élection q u ' i l n'y a pas huit arpents en f u t a i e sur 37 000 en bois ; l e s intendants du 18e siècle préconisent l e s reboise­ments. La coupe à blanc a pu s'accompagner d'érosion intense, peu d'années s u f f i s e n t pour entraîner un s o l arénitique dénudé ; on conçoit que tant de sols actuels soient installés sur l e s dépôts lités.

Parallèlement à ces coupes systématiques exigées par l e s besoins de l'armée, se poursuivaient l e s ravages des "escorcheurs", l e s prélèvements clandestins pour l e s bouchures, l e s chaussures de charrettes ; i l f a u t sou­l i g n e r l e naturel avec lequel l e s indigènes évoquent ces rapines quasi-légitimes, naguère encore très fréquentes ; e l l e s ont contribué à dégrader l a forêt ; l e s arbres mutilés viennent mal ; dans l e s clairières ouvertes, l e chêne, essence de lumière, prend l a place du hêtre e t l a l u t t e des essen­ces transforme l e s associations p r i m i t i v e s .

E n f i n , l ' e x p l o i t a t i o n en t a i l l i s sous f u t a i e et en t a i l l i s a f a i t l e reste ; l a révolution des t a i l l i s sous f u t a i e n'excédait pas une vingtaine d'années ; l e furetage entraînait une coupe tous l e s t r o i s ou neuf ans se­lon l e s cas ; dans une forêt constituée d'une multitude de propriétés appar­tenant à des p a r t i c u l i e r s , l'envoi annuel de 800 000 stères de bois qui ga­gnaient l a cap i t a l e par f l o t t a g e , a transformé de vastes s u p e r f i c i e s de bois qui se sont peu à peu dégradées ; l e s essences rej e t a n t bien comme l e charme ont été favorisées ; l e hêtre a été abandonné au p r o f i t du chêne ; l e mélan­ge des essences de f e u i l l u s a été accentué et on ne trouve aujourd'hui de bell e s hêtraies que dans l e sud-est du massif. P e t i t à p e t i t , l a forêt s'est dégradée, car dans l e s conditions climatiques morvandelles, bien des t a i l l i s r e j e t t e n t mal ; i l n'est pas r a r e d'attendre cinq armées pour v o i r apparaî­tr e l e s nouvelles pousses ; l e s fougères e t l e s genêts gagnent plus sponta­nément, l e s éricacées apparaissent sur l e parterre de l a coupe.

L'enrésinement actuel risque de précipiter une évolution parallèle : une forêt dégradée remplace l a forêt dense p r i m i t i v e ; en même temps, l a podzolisation progresse. Les conifères semblent avoir été i n t r o d u i t s dans l e Morvan seulement au siècle dernier. On ne t r o u v a i t en Morvan, à l a v e i l l e de 1914, que 500 ha de conifères dans l a forêt de S a i n t - P r i x où l e s sapins l'emportaient, quelques e s s a i s de pins maritimes, des plantations éparses dans l a vallée du Ternin ; c e l l e - c i , appartenant au bassin de l a L o i r e , n'a jamais été utilisée par l e flottage. "Le vert sombre de leurs a i g u i l l e s au-dessus d'un sous-bois où dominent l e s fougères tranche au m i l i e u des t e i n -

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tes plus c l a i r e s des forêts de hêtres autour de Chastellux, de Sommée, de Montsauche, de Corancy, autour de Château-de-3aulières, dans l a forêt de Gravelle, dans c e l l e de Glenne".

Aujourd'hui, l e s carrés sombres et géométriques des résineux s'encas­trent partout dans l e moutonnement des frondaisons de f e u i l l u s . Les versants nus sont striés par l e s lig n e s des jeunes p l a n t s .

5- SOLS des FORETS de FEUILLUS On peut trouver en îûorvan quelques r a r e s f u t a i e s de chênes (Forêt-au-

I)uc), des sections où l e s troncs mêlés des charmes, des frênes, des bou­leaux, des chênes, des hêtres s'élancent à une quinzaine de mètres au-dessus d'un sous-bois pauvre où poussent l e s fougères, mais l'emportent l e s forêts c l a i r e s aux arbres peu denses.

Des s o l s bruns acides s'observent souvent lorsque l a dégradation n'est pas trop poussée. L'ancien s o l lessivé, formé à p a r t i r du matériau o r i g i n e l complexe (grèzas litées fauchées par des coulées de s o l i f l u x i o n ) formé sous l a forêt pr i m i t i v e de f e u i l l u s , e s t en t r a i n de connaître un début de podzo­l i s a t i o n sous l'influence de l'humus acide de l a forêt dégradée gagnée par une lande. Des débuts de podzolisation sont facilement observables dans toute l a région du Haut-Folin où e x i s t e n t des f u t a i e s d'épicéas datant des années 1900... Chaque f o i s que l e s résineux prennent l a place des hêtres, l a podzo­l i s a t i o n se déclenche rapidement, e l l e e s t évidemment irréversible.

On trouve des s o l s bruns acides ou lessivés sous forêt de f e u i l l u s quand c e l l e - c i est assez dense, ou que l a pente ne permet pas -un lessivage trop rapide ; des s o l s à tendance podzolique chaque f o i s que l a lande l'em­porte sur l a forêt, que l e s résineux remplacent l e s f e u i l l u s .

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