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Presses Universitaires du Mirail L'Autre, le même et le bestiaire. Les représentations stratégiques du nationalisme argentin. Ruptures et continuités dans le désordre global by Edgardo A. MANERO Review by: Pierre VAYSSIÈRE Caravelle (1988-), No. 83, La France et les cinémas d'Amérique latine (Décembre 2004), pp. 281- 284 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40854178 . Accessed: 14/06/2014 11:22 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Caravelle (1988-). http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.111 on Sat, 14 Jun 2014 11:22:11 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

La France et les cinémas d'Amérique latine || L'Autre, le même et le bestiaire. Les représentations stratégiques du nationalisme argentin. Ruptures et continuités dans le désordre

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Presses Universitaires du Mirail

L'Autre, le même et le bestiaire. Les représentations stratégiques du nationalisme argentin.Ruptures et continuités dans le désordre global by Edgardo A. MANEROReview by: Pierre VAYSSIÈRECaravelle (1988-), No. 83, La France et les cinémas d'Amérique latine (Décembre 2004), pp. 281-284Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40854178 .

Accessed: 14/06/2014 11:22

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Comptes rendus 28 1

Edgardo A. MAÑERO.- L'Autre, le même et le bestiaire. Les représentations stratégiques du nationalisme argentin. Ruptures et continuités dans le désordre global- Paris, L'Harmattan, 2003.- 600 p.

A la charnière de la politologie, de la sociologie et de l'étude des représentations, ce volumineux ouvrage au titre surprenant aborde les thèmes du nationalisme et de la violence dans l'histoire contemporaine de l'Argentine. Fruit d'une thèse soutenue à l'EHESS sous la direction d'Alain Joxe, il s'ordonne classiquement en trois grandes parties, dans lesquelles l'approche théorique se fonde sur des études de situations historiques concrètes : d'abord, l'analyse de la « temporalité » du nationalisme argentin (p. 41-176) ; puis « l'archéologie » du concept d'ennemi dans le cadre du nationalisme (p. 177-394) ; et enfin l'approche sociologique de la notion de sécurité. L'auteur s'emploie à définir des tendances, voire des constantes plus que des lois dans ces approches stratégiques. Ainsi, à propos de la notion de conflit, qui lui apparaît comme une catégorie majeure pour comprendre les changements sociaux : les hommes sont en interaction dans une compétition permanente pour les ressources, et le conflit social figure alors comme la résultante de l'antagonisme des intérêts. Le conflit n'est pas toujours violent, car les sociétés canalisent les frustrations par la loi, et la violence légitime est au fondement de l'ordre social, que seuls les insatisfaits menacent de détruire. En Argentine, la violence est toujours sous-jacente, consubstantielle au système politique, arme favorite de la résolution des conflits - l'état de siège a duré 27 ans au XXe siècle et les diverses formes de guerres civiles ont fait 30.000 morts entre 1976 et 1983.

Catégories, instruments théoriques, conceptualisation, outils analytiques, systèmes conceptuels explicatifs : d'emblée, l'auteur nous laisse comprendre qu'il ne saurait s'en tenir à une approche «empirique » et descriptive de cette violence... D'où un premier chapitre sur la « reconceptualisation du nationalisme », un terme « polysémique » galvaudé en Argentine, qui reste un outil de mobilisation politique, emprunté au concept français d'Etat-nation, pour désigner une « communauté de destin ». La « nation » argentine serait tiers- mondiste, hispanique, occidentale mais aussi... indienne ; elle s'est construite « à la française », à partir du droit du sol, en récusant les minorités et l'ethnicité : tout citoyen possède les mêmes droits, et la loi est la même pour tous. Tout cela avait donné l'image d'une nation blanche, « supérieure », mais sans racisme fort ni explicite.

Edgardo Mañero propose une typologie politique du nationalisme argentin, depuis l'intégrisme, qui combine la critique de la modernité et la nostalgie de l'ordre « féodal » ; le populisme, qui associe un dirigeant charismatique aux classes populaires, et dont le péronisme est l'illustration, et enfin, le jacobinisme, qui renvoie aux groupuscules intransigeants et égalitaristes, héritiers de la révolution française, de la culture de la rébellion et de la tradition anarcho-syndicaliste, dont les Montoneros, les prêtres du tiers monde et la Jeunesse péroniste figurent comme autant d'illustrations - le tableau de la p. 80 donne une synthèse éclairante des ideal-typus correspondant à chaque tendance. . .

Pour l'auteur, la société se fonde sur le besoin de protection face à l'angoisse sociale et à la menace de mort - Hobbes définissait le contrat social sur la trilogie « souveraineté, protection, autorité ». La prise de décision face à la menace reste l'élément central de la culture stratégique, qui consiste à définir les facteurs objectifs de la menace, que ce soit contre l'Etat ou contre les personnes. Une

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autre dichotomie fondamentale oppose le Nous à l'Autre, parfois assimilé à « vous », « eux », « ils ». La délimitation du « Nous » peut renvoyer à la communauté nationale de destin, mais aussi à un groupe social en lutte pour l'hégémonie, avec des argumentaires variées : « ils veulent la sécession, ils sont prolifiques, ils ont toujours été contre nous, ce sont des subversifs, ils dominent l'économie, ils tuent notre culture, ils coûtent cher à l'Etat, ce sont des délinquants...». La nation en armes cherche à se défendre au nom du droit naturel et de la souveraineté nationale, que ce soit dans le cadre de la Défense nationale ou dans celui de la Sécurité nationale et de la guerre interne. La globalisation, définie par Alain Joxe comme « l'empire du désordre », fait resurgir un nouveau nationalisme de l'après-guerre froide, dans un monde global interconnecté par le marché ; on assiste ainsi à une dissolution de la représentation de la communauté nationale, avec repli sur la religion, sur l'ethnie, le folklore, le tango et l'histoire...

La deuxième partie propose, sous un titre foucauldien, une « archéologie du principe de construction de l'ennemi dans le nationalisme argentin». Depuis le début du XXe siècle, l'armée imprégnait la culture politique et stratégique argentine, au nom de l'identité occidentale et chrétienne. Pour les « intégristes », l'armée était perçue comme étant la seule à pouvoir défendre l'intérêt national, et les discours de Perón étaient truffés d'aphorismes guerriers. Après Perón, l'armée va encore lutter contre le communisme, au nom de la sécurité continentale. Dans les années 60/70, les nationalistes jacobins, Montoneros et ERP, s'emploieront, à leur tour, à éliminer l'Autre, et cela débouchera sur le « génocide » des subversifs, l'armée institutionnalisant la terreur pour discipliner la société. La « logique de guerre » (p. 218), qui n'a jamais cessé d'articuler le politique et le militaire, a dominé l'Argentine des années 40 aux années 80, selon la logique de Clausewitz : « contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté ». C'est une logique à but absolu, à guerre totale, « simple continuation de la politique par d'autres moyens ». Parmi les neuf critères de la guerre totale en temps de guerre froide recensés par l'auteur, on n'est guère surpris de retrouver la vieille notion de « guerre juste », qui implique le principe de proportionnalité des moyens par rapport aux fins recherchées : la guerre n'est plus juste quand le dommage causé dépasse le tort qu'il s'agit de réparer. . .

Avec un réel bonheur, l'auteur s'emploie à décrire « l'intrus », Y Inimicus> qu'il soit indien, immigrant, juif, anglo-saxon, chilien, brésilien, soviétique, voire un Autre indéfini, « différent en raison de ce qu'il fait » (p. 277). Un Autre souvent imperceptible, et pourtant proche, comme l'hérétique ou le traître. L'Autre est nécessairement méprisé, méchant, trompeur, barbare, sauvage, souvent décrit (au temps du péronisme) comme un « aventurier dégénéré, une pute ». La métaphore zoologique est volontiers utilisée pour désigner les « gorilles » militaires, le serpent communiste, le vautour juif, le faucon américain. L'image de l'étranger a toujours été perçue comme un danger potentiel, une menace contre l'Etat - mais si l'Indien de la conquête était nécessairement sauvage, féroce, barbare, en marge du peuple, sous Perón et pour les jacobins, il était devenu - avec le gaucho - un marqueur positif d'identité.

Le nationaliste s'identifie, enfin, à un territoire, dans la logique de l'Etat- nation : depuis l'indépendance, les Argentins ont eu tendance à souffrir d'une

phobie de replis territoriaux successifs, surtout face au Chili (en Patagonie et en

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Antarctique) et au Brésil, déclaré « l'ennemi territorial ». Depuis 1980, ce sont les barrages et l'eau qui sont au cœur des litiges frontaliers. . .

La dernière partie de cet ouvrage dense, vers laquelle tendaient les deux premières, est sans doute la plus originale, et aussi la plus désenchantée. Elle se propose de nous brosser un tableau précis de la « sociologie de la sécurité » à partir des années 1995, et plus particulièrement au temps du « ménémisme », perçu par l'auteur comme un moment fondateur d'une nouvelle doctrine stratégique. Plaçons-nous, un moment, en observateur de la nouvelle société argentine de la post-guerre froide, qui succède au terrorisme d'Etat du Proceso : le péronisme classique s'est dissous dans le justicialisme ; son « colbertisme anachronique » a été balayé par le marché » (p. 397), et le ménémisme apparaît comme la négation des mythes fondamentaux. L'Etat providence a cédé la place à la démocratie libérale, à l'économie de marché et à la globalisation. L'appareil étatique a été privatisé et les droits sociaux ont à peu près disparu. L'indivi- dualisme va grandissant, la pauvreté s'est élargie, mais les conflits sociaux se sont atténués. L'Argentine est entrée dans le désenchantement post-moderne de la globalisation, condamnant toutes les formes de nationalisme, des intégristes aux jacobins.

Menem renonce à un affrontement avec les Etats-Unis, et même à toute politique conflictuelle contre l'impérialisme, au profit d'une résolution pacifique des conflits. Désormais, les forces armées doivent participer à la guerre contre le terrorisme, qui reste l'une des menaces globales les plus présentes. Chez les nationalistes, les menaces sont devenues diffuses : on peut craindre la poussée du néolibéralisme, la drogue mise au service de la politique, le terrorisme international, la délinquance, les immigrés concurrents sur le marché de l'emploi, l'expansion économique du Brésil, et tout cela dans un climat de décomposition de l'Etat. D'où la relance du discours sécuritaire dans les médias. Un climat de peur pousse à demander plus d'effectifs policiers, à exiger la tolérance zéro, à réclamer la mano dura. Les riches s'isolent, la ville se ghettoïse - on dénombrerait plus de 45.000 gardes privés à Buenos Aires. ...

A partir de 1998, l'Argentine entre dans un cycle de récession qui va durer 44 mois, marqué par la hausse de la pauvreté et du chômage. La classe moyenne est atteinte : protestations multiples, saccages de supermarchés, organisation de piqueteras imprégnées d'un climat d'insurrection marxisante (de carnaval, selon Menem), action des gangs et des organisations criminelles. Nouvelle subversion internationale de ceux qu'on appelle parfois les Indiens. L'armée elle-même semble avoir changé de comportement en ne voulant pas intervenir dans la répression et en jouant un rôle d'aide sociale auprès des secteurs défavorisées. Aujourd'hui, la violence sociale ne recherche aucune issue politique ; la société affiche un mépris réel pour les politiciens, qui semblent de plus en plus dépendre des organismes internationaux. L'auteur s'interroge : va-t-on à nouveau vers des formes autoritaires, toujours en puissance ? Comme chez Borges, il existerait une esthétique du meurtre dans le nationalisme argentin...

De ce livre foisonnant, on ressort avec une impression partagée. D'un côté, on ne peut qu'apprécier l'originalité de la démarche : évaluer le rôle de la violence dans la politique de l'Etat-nation permet, en effet, de mieux comprendre l'histoire largement chaotique de l'Argentine au XXe siècle dans ses grandes phases : l'autoritarisme militaire des années 30, le populisme péroniste

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des années 40 et 50, le jacobinisme des années soixante et la contre-révolution des années 70 et 80.

Mais d'un autre côté, on est en droit de se demander pourquoi l'auteur récuse ce qu'il appelle la thèse culturaliste et l'héritage hispanique à l'origine de cette violence contemporaine : il nous paraît, en effet, bien difficile de nier le poids du caudillisme « barbare », omniprésent dans l'histoire de l'Argentine depuis Rosas et Quiroga, qu'Edgardo Mañero lui-même rapproche de la figure de... Carlos Menem. Quant aux Montoneros, leur nom même renvoie à une représentation mythique de l'histoire argentine !

Par ailleurs, sans le dire formellement, l'auteur a bien du mal à reconnaître que la globalisation, dont Carlos Menem s'est fait l'instrument « historique », a

placé sous l'éteignoir les dernières velléités nationalitaires, sans que rien ni personne puisse s'y opposer... Défendre, comme le fait l'auteur (p. 597), la seule valeur morale du langage... patriotique ne relève-t-il pas d'une posture incantatoire ? Refonder la nation comme une communauté de destin ; affirmer la Patrie comme un contrat civique librement choisi en l'associant à la question sociale de l'égalité reste pour Edgardo Mañero le seul combat digne de ce nom, face au rouleau compresseur de la mondialisation. Mais l'auteur devrait savoir qu'on ne remonte pas le cours de l'Histoire !

Pour terminer, quelques remarques sur la forme : si les notes sont copieuses et très éclairantes, la bibliographie brille par son absence. Par ailleurs, on ne comprend pas pourquoi l'éditeur a choisi pour illustrer l'ouvrage un dessin emprunté au « cosmographe » André Thévet sur les indiens Tupi anthropophages du Brésil au XVIe siècle, qui restent bien éloignés de l'Argentine des migrants... Soulignons enfin la forme déroutante de cette pensée rigoureuse. La thèse est construite autour de problématiques spécifiques, mais dont la démonstration est loin d'être linéaire et progressive ; redondances, répétitions de thèmes et d'idées, retours en arrières : nous avançons de manière elliptique, par accélérations et par rappels, dans une tension permanente entre une idée générale et des illustrations historiques concrètes parfois bien plus riches que le thème abordé. D'où cette impression d'une pensée forte associée à un style peu académique, qui nous conduit, à son rythme inégal et par degrés, ce qui implique une soumission totale du lecteur à la volonté de l'auteur, qui reste maître, de bout en bout, de sa démonstration. . .

Pierre VAYSSIÈRE Université de Toulouse-Le Mirail

Eduardo MILÁN, Andrés SÁNCHEZ ROBAYNA, José Ángel VALENTE y Blanca VARELA (sel.).- Las ínsulas extrañas. Antología de poesía en lengua española (1950-2000).- Barcelona, Galaxia Gutemberg y Círculo de Lectores, 2002.- 989 p.

Podría afirmarse que el surgimiento de Las ínsulas extrañas se remonta hasta 1941, año en que la editorial Séneca publica en México Laurel. Antología de la

poesía moderna en lengua española, gracias a dos poetas mexicanos -Octavio Paz y Xavier Villaurrutia- y dos españoles -Emilio Prados y Juan Gilbert-Albert. Los

guiaba el deseo de «mostrar la unidad y la continuidad de la poesía en nuestra

lengua» -como lo señaló Paz- a partir de la rigurosa selección de 38 poetas españoles y latinoamericanos nacidos entre 1860 y 1910. Ese mismo deseo

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