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Sommaire octobre - novembre 2013 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours Bureau de la SOFOP Président : J. LECHEVALLIER - 1 er Vice-Président : C. KARGER - 2 e Vice Président : P. LASCOMBES - Futur 2 e Vice Président : C. GLORION Ancienne Présidente : C. ROMANA - Secrétaire Général : P. WICART - Trésorier : F. ACCADBLED - Représentant SOFCOT : J. COTTALORDA Membres du Bureau : T. HAUMONT, F. CHOTEL, R. GOURON, F. LAUNAY, PL. DOCQUIER la Gazette est dorénavant publié en format A4, afin d’être directement imprimée à partir de votre ordinateur via notre adresse www.livres-medicaux.com Fondateur J.C. POULIQUEN † Editorialiste H. CARLIOZ (Paris) Rédacteur en chef C. MORIN (Berck) Membres J CATON (Lyon) P CHRESTIAN (Marseille G FINIDORI (Paris) J L JOUVE (Marseille R KOHLER (Lyon) P LASCOMBES (Nancy) G F PENNEÇOT (Paris) M RONGIERES (Toulouse) J SALES DE GAUZY (Toulouse) R VIALLE (Paris) et le GROUPE OMBREDANNE” Correspondants étrangers M BEN GHACHEM (Tunis) R JAWISH (Beyrouth) I. GHANEM (Beyrouth) Editeur SAURAMPS MEDICAL S.a.r.l. D. TORREILLES 11, boulevard Henri IV CS 79525 34960 MONTPELLIER Cedex 2 Tél. : 04 67 63 68 80 Fax : 04 67 52 59 05 La Gazette de la SO ciété F rançaise d’ O rthopédie P édiatrique N°40 Editorial SO.F.O.P. La rhumatologie pédiatrique, une sur-spécialité qui a pris ses marquess au fil du temps... par A-M. Prieur.......................................................................................2 Quelques pionniers de la rhumatologie pédiatrique de JC. Léonard et C. Morin ................................................................5 Arthrites Juvéniles Idiopathiques : les avancées dans la prise en charge par B. Bader-Meunier et P. Quartier ...............................................8 Réunion à venir ................................................................................... 12 Le chirurgien orthopédiste pédiatre et les Arthrites Juvéniles Idiopathiques par S. Pannier, Z. Péjin, T. Odent D. Médevielle, M. Bercovy et C. Glorion..................................... 11 Aspect technique particulier : la prothèse totale de genou dans l’Arthrite Juvénile Idiopathique par M. Bercovy et C. Glorion .......................................................... 16 Rééducation et Arthrite Juvénile Idiopathique par H. Descamps et M. Baticle....................................................... 18 La rédaction de la Gazette s’est naturellement tournée vers les médecins et les chirurgiens de l’hô- pital des Enfants Malades pour parler de la Rhuma- tologie pédiatrique. C’est une sur-spécialité un peu neuve, même si les premières descriptions de ces pathologies inflammatoires remontent au XVI ème siècle, comme nous le raconte si bien Anne–Marie Prieur, elle qui a consacré sa carrière à s’occuper de ces pathologies inflammatoires qui abiment les articulations des enfants. La maladie de Still, dont vous allez faire la connaissance, a été absorbée par la classification établie en 1970 pour ces maladies si particulières dont la connaissance et les amélio- rations thérapeutiques ne cessent d’avancer. Nous allons profiter de cet exercice pour insister auprès des chirurgiens orthopédistes sur l’impor- tance de la connaissance de la pédiatrie et de la multidisciplinarité. Le regretté Jean Puget, brillant chirurgien toulou- sain, ancien président de la Société d’Orthopédie, qui nous a quitté trop tôt pendant cet été 2013, aimait à dire que les chirurgiens sont avant tout des médecins qui font des opérations. Et bien je pense que nous pouvons dire que les Orthopédistes qui s’occupent des enfants, sont des pédiatres qui font des opérations. Pierre Rigault qui a dirigé longtemps le service de chirurgie orthopédique et traumatologique de l’hôpital des Enfants Malades, un des fondateurs du GEOP, avait compris cela depuis longtemps. Il a ainsi appliqué cette vision des choses en travaillant avec Pierre Maroteaux et en lui associant Jean- Paul Padovani et Georges Finidori pour soigner les enfants atteints de maladies osseuses consti- tutionnelles. Et il a procédé de façon identique en associant le regretté Philippe Touzet à Anne-Marie Prieur. C’est ainsi que beaucoup des fondements de la prise en charge de ces enfants ont vu le jour. La période était difficile, car si les maladies com- mençaient à être mieux connues, la thérapeutique restait d’une efficacité insuffisante. Les corticoïdes étaient largement utilisés par voie générale ou lo- cale, mais leurs effets secondaires étaient impor- tants pour avoir une efficacité sur la maladie in- flammatoire. Beaucoup d’opérations ont été faites et Philippe Touzet a eu l’audace de se lancer dans les années 80 dans les arthroplasties de hanche et de genou chez l’enfant et l’adolescent. Et il a vite compris l’intérêt des prothèses sans ciment deve- nues maintenant d’utilisation majoritaire quelque soient les indications. La rééducation a gardé une importance considéra- ble et Marc Baticle au Château de Brolles a beau- coup travaillé pour l’amélioration de la prise en charge de ces enfants, définissant la notion de dé- charge active, car il faut garder le mouvement sans surcharger ces articulations qui s’abiment parfois bien vite. Hauviette Descamps a pris sa suite. Mais revenons à la pédiatrie pour souligner les progrès considérables de la thérapeutique avec l’apparition des biothérapies qui ont transformé le profil évolutif de ces maladies et surtout l’am- biance des consultations pluridisciplinaires. L’am- biance était triste avant, les enfants souffraient, ils étaient fatigués par leur maladie et leur famille avec. Aujourd’hui, les patients ne sont plus les mê- mes. Le chapitre écrit par Pierre Quartier dit Maire et Brigitte Bader-Meunier doit retenir toute votre at- tention, car nous sommes au cœur des progrès de la médecine. Ils coordonnent tous les deux le centre national de référence des maladies rhumatologi- ques et inflammatoires de l’enfant. La technique chirurgicale a progressé pour les arthroplasties grâce à la collaboration importante et naturelle avec Michel Bercovy. Il est difficile d’en- visager le traitement de ces enfants sans une col- laboration étroite avec nos collègues qui font la chirurgie des adultes. Il est impossible de conclure sur ce sujet sans une pensée particulière pour Philippe Touzet dont l’in- telligence et les qualités chirurgicales restent dans nos mémoires. Christophe Glorion

La Gazette N°40...pean Society qu’il organisa à Utrecht en 2003. Un très jeune enfant, visiblement bien fatigué, a une posture antalgique, un coude et un poignet tuméfiés,

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Page 1: La Gazette N°40...pean Society qu’il organisa à Utrecht en 2003. Un très jeune enfant, visiblement bien fatigué, a une posture antalgique, un coude et un poignet tuméfiés,

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octobre - novembre 2013 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours

Bureau de la SOFOPPrésident : J. LechevaLLier - 1er Vice-Président : c. Karger - 2e Vice Président : P. Lascombes - Futur 2e Vice Président : c. gLorion

Ancienne Présidente : c. romana - Secrétaire Général : P. Wicart - Trésorier : F. accadbLed - Représentant SOFCOT : J. cottaLorda

Membres du Bureau : t. haumont, F. choteL, r. gouron, F. Launay, PL. docquier

la Gazette est dorénavant publié en format A4, afin d’être directement imprimée à partir de votre ordinateur via notre adresse www.livres-medicaux.com

FondateurJ.C. POULIQUEN †

EditorialisteH. CArLIOz (Paris)Rédacteur en chef C. MOrIN (Berck)

Membres J CATON (Lyon)

P CHrESTIAN (MarseilleG FINIDOrI (Paris)

J L JOUVE (Marseille

r KOHLEr (Lyon)P LASCOMBES (Nancy)G F PENNEÇOT (Paris)

M rONGIErES (Toulouse)J SALES DE GAUzY (Toulouse)

r VIALLE (Paris)et le GrOUPE OMBrEDANNE”

Correspondants étrangersM BEN GHACHEM (Tunis)

r JAWISH (Beyrouth)I. GHANEM (Beyrouth)

EditeurSAUrAMPS MEDICALS.a.r.l. D. TOrrEILLES

11, boulevard Henri IVCS 79525 34960 MONTPELLIEr Cedex 2 Tél. : 04 67 63 68 80Fax : 04 67 52 59 05

La Gazette de la SOciété Française d’Orthopédie Pédiatrique

N°40

Editorial SO.F.O.P.

La rhumatologie pédiatrique,une sur-spécialité qui a pris ses marquess au fil du temps...par A-M. Prieur .......................................................................................2

Quelques pionniers de la rhumatologie pédiatrique

de JC. Léonard et C. Morin ................................................................5

Arthrites Juvéniles Idiopathiques :les avancées dans la prise en chargepar B. Bader-Meunier et P. Quartier ...............................................8

réunion à venir ...................................................................................12

Le chirurgien orthopédiste pédiatreet les Arthrites Juvéniles Idiopathiquespar S. Pannier, z. Péjin, T. Odent

D. Médevielle, M. Bercovy et C. Glorion ..................................... 11

Aspect technique particulier :la prothèse totale de genoudans l’Arthrite Juvénile Idiopathiquepar M. Bercovy et C. Glorion .......................................................... 16

rééducation et Arthrite Juvénile Idiopathiquepar H. Descamps et M. Baticle ....................................................... 18

La rédaction de la Gazette s’est naturellement tournée vers les médecins et les chirurgiens de l’hô-pital des Enfants Malades pour parler de la Rhuma-tologie pédiatrique. C’est une sur-spécialité un peu neuve, même si les premières descriptions de ces pathologies inflammatoires remontent au XVIème siècle, comme nous le raconte si bien Anne–Marie Prieur, elle qui a consacré sa carrière à s’occuper de ces pathologies inflammatoires qui abiment les articulations des enfants. La maladie de Still, dont vous allez faire la connaissance, a été absorbée par la classification établie en 1970 pour ces maladies si particulières dont la connaissance et les amélio-rations thérapeutiques ne cessent d’avancer.Nous allons profiter de cet exercice pour insister auprès des chirurgiens orthopédistes sur l’impor-tance de la connaissance de la pédiatrie et de la multidisciplinarité.

Le regretté Jean Puget, brillant chirurgien toulou-sain, ancien président de la Société d’Orthopédie, qui nous a quitté trop tôt pendant cet été 2013, aimait à dire que les chirurgiens sont avant tout des médecins qui font des opérations. Et bien je pense que nous pouvons dire que les Orthopédistes qui s’occupent des enfants, sont des pédiatres qui font des opérations.

Pierre Rigault qui a dirigé longtemps le service de chirurgie orthopédique et traumatologique de

l’hôpital des Enfants Malades, un des fondateurs du GEOP, avait compris cela depuis longtemps. Il a ainsi appliqué cette vision des choses en travaillant avec Pierre Maroteaux et en lui associant Jean-Paul Padovani et Georges Finidori pour soigner les enfants atteints de maladies osseuses consti-tutionnelles. Et il a procédé de façon identique en associant le regretté Philippe Touzet à Anne-Marie Prieur. C’est ainsi que beaucoup des fondements de la prise en charge de ces enfants ont vu le jour. La période était difficile, car si les maladies com-mençaient à être mieux connues, la thérapeutique restait d’une efficacité insuffisante. Les corticoïdes étaient largement utilisés par voie générale ou lo-cale, mais leurs effets secondaires étaient impor-tants pour avoir une efficacité sur la maladie in-flammatoire. Beaucoup d’opérations ont été faites et Philippe Touzet a eu l’audace de se lancer dans les années 80 dans les arthroplasties de hanche et de genou chez l’enfant et l’adolescent. Et il a vite compris l’intérêt des prothèses sans ciment deve-nues maintenant d’utilisation majoritaire quelque soient les indications.

La rééducation a gardé une importance considéra-ble et Marc Baticle au Château de Brolles a beau-coup travaillé pour l’amélioration de la prise en charge de ces enfants, définissant la notion de dé-charge active, car il faut garder le mouvement sans

surcharger ces articulations qui s’abiment parfois bien vite. Hauviette Descamps a pris sa suite.Mais revenons à la pédiatrie pour souligner les progrès considérables de la thérapeutique avec l’apparition des biothérapies qui ont transformé le profil évolutif de ces maladies et surtout l’am-biance des consultations pluridisciplinaires. L’am-biance était triste avant, les enfants souffraient, ils étaient fatigués par leur maladie et leur famille avec. Aujourd’hui, les patients ne sont plus les mê-mes. Le chapitre écrit par Pierre Quartier dit Maire et Brigitte Bader-Meunier doit retenir toute votre at-tention, car nous sommes au cœur des progrès de la médecine. Ils coordonnent tous les deux le centre national de référence des maladies rhumatologi-ques et inflammatoires de l’enfant.

La technique chirurgicale a progressé pour les arthroplasties grâce à la collaboration importante et naturelle avec Michel Bercovy. Il est difficile d’en-visager le traitement de ces enfants sans une col-laboration étroite avec nos collègues qui font la chirurgie des adultes.

Il est impossible de conclure sur ce sujet sans une pensée particulière pour Philippe Touzet dont l’in-telligence et les qualités chirurgicales restent dans nos mémoires.

Christophe Glorion

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La rhumatologie pédiatrique,une sur-spécialité qui a pris ses marques au fil du temps...

par A-M. Prieur

Le passé lointain…Les sources évoquant les pathologies articulaires au

cours de l’histoire sont issues soit de textes anciens, soit de la peinture. Thomas Phaer dans « The boke of chyldren » en 1545 parla de « styffness of the lymmes » qu’il attribua au froid. Guillaume de Baillou, médecin français ayant vécu à la fin de la renaissance, évoqua le « rhumatisme articulaire aigu » en 1591 dans son ouvrage « Le livret du rhumatisme et de la pleurésie dorsale »… Les représentations picturales permettent aussi de fixer sur image des pathologies diver-ses de façon très objective. Ainsi le premier enfant souffrant de maladie rhumatismale nous vient peut-être du Caravage en 1608. Witze Kuis, un pédiatre rhumatologue néerlandais, grand amateur d’art, a repéré cette œuvre et en a d’ailleurs fait l’emprise du congrès de la Pediatric rheumatology euro-pean Society qu’il organisa à Utrecht en 2003. Un très jeune enfant, visiblement bien fatigué, a une posture antalgique, un coude et un poignet tuméfiés, un cou de pied oedématié, un abdomen ballonné (Fig. 1)…

Puis vinrent les écrits, aux XVIIe et surtout XIXe siècles. Les maladies rhumatismales à début précoce sont souvent retrouvées dans des descriptions générales lorsque l’âge de début est mentionné. Dans sa thèse soutenue en 1853, Jean-Martin Charcot décrit ainsi 4 patients dont la maladie rhumatismale a débuté avant l’âge de 20 ans. Cornil, un de ses élèves, en 1861, rapporte dans son « Mémoire sur les coïncidences pathologiques du rhumatisme articulaire chro-nique » le cas d’une femme décédée à 29 ans dont les pre-miers signes articulaires étaient apparus à l’âge de 12 ans. A l’époque, la médecine était descriptive, et contemplative, pourrait-on dire, et les maladies chroniques aboutissaient à la mort, conduisant presque toujours à une autopsie. Cornil décrit ainsi de façon précise l’état anatomique des articula-tions de cette femme qui montre des lésions sévères avec disparition du cartilage, rendant compte de l’ancienneté de l’atteinte.

Entre 1870 et 1890, apparaissent des publications mention-nant plus précisément des observations pédiatriques. Parmi les auteurs français, Bouchut en 1875 décrit 6 cas, Moncorvo, un auteur brésilien, décrit en 1880 un cas observé person-nellement à Paris et 8 cas de la littérature et Marfan évoque les rhumatismes infantiles dans son « Traité sur les maladies des enfants » en 1896. La littérature anglo-saxonne, citons Garrod en 1876 qui, en ayant sans doute eu connaissance des travaux de Charcot, a décrit dans la 3ème édition de son « Treatise on gout and and rheumatic gout (rheumatoid arthri-tis) », deux cas personnels. Surtout, il a fait figurer une illus-tration d’atteinte des extrémités tout à fait caractéristique d’une forme systémique (Fig. 2).

Mais 6 ans avant Georges-Frédéric Still, un médecin français, Meyer-Saul Diamantberger (1864-1944), soutint sa thèse « Du rhumatisme noueux (polyarthrite déformante) chez les enfants » le 5 novembre 1890 devant un jury présidé par le professeur Grancher.

Fig. 1 : première observation illustrée de maladie rhumatismale de l’enfant ?

Fig. 2 : illustration d’un traité d’Alfred B Garrod (1859)

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La rhumatologie pédiatrique,une sur-spécialité qui a pris ses marques au fil du temps...

par A-M. PrieurCe premier document exhaustif, d’une pertinence extraordi-naire, est tombé dans l’oubli, victime sans doute de la barriè-re de la langue, les auteurs anglo-saxons privilégiant surtout la langue anglaise... Il s’agit d’une analyse détaillée de 35 cas, trouvés dans la littérature, plus trois cas personnels. Cette thèse, écrite dans un français littéraire qui n’a rien à voir avec la prose impersonnelle et technique actuelle, aborde toutes les facettes de ces maladies. Diamantberger décrit trois for-mes, « rapide, lente et partielle » l’existence de fièvre chez le tout petit. Il analyse précisément les articulations, insère des schémas dans son texte pour proposer une classification. Le jour de la soutenance de sa thèse, il illustra son propos par des moulages en plâtre, transportés à l’Ecole de Médecine sur une charrette à bras (témoignage de son fils Lucien ren-contré dans les années 80…). Il parle de troubles de crois-sance localisés, de rétrognatisme : «… rétrécissement nota-ble que présente le menton… car le voisinage de l’articulation temporo-mandibulaire y est peut-être pour quelque chose… », d’atteinte oculaire tenace, de traitement par l’aspirine, de rééducation… Il est intéressant de mentionner deux de ses remarques tout-à fait à propos : « Il a suffit dans beaucoup de cas, de donner un petit coup de main… le petit être se relève aussi facilement qu’il tombe… », « … la différenciation des trois formes principales que peut revêtir le rhumatisme chronique est assez nette au point de vue objectif, bien que l’importance de cette classification ne soit pas très grande quand on envisa-ge le malade et non la maladie… ». Cet ouvrage représente à notre sens le véritable acte de naissance de la rhumatologie pédiatrique [1]. Mais c’est Georges Frédéric Still, un pédiatre anglais, qui a la reconnaissance internationale (1868-1941) pour une maladie qui a longtemps porté son nom.

Le passé récent…Plusieurs auteurs ont « repéré » les rhumatismes infantiles

au début du XXe siècle. Les pédiatres français, en particu-lier ceux de l’école de robert Debré en ont fait d’excellen-tes descriptions, très détaillées. Après la deuxième guerre mondiale, jusque dans les années 80, les soins prodigués aux enfants souffrant de pathologies rhumatismales l’ont été essentiellement dans des centres spécialisés. Ainsi, en Grande-Bretagne, un hôpital militaire établi par le gouver-nement canadien près de Londres, fut transformé en centre de rhumatologie pédiatrique en 1947. Ce centre, connu sous le nom de « Taplow », nom du petit village où il fut construit, attira et forma pendant des années des spécialistes du mon-de entier, y compris ceux d’Amérique du Nord. Ce fut le pre-mier centre regroupant tous les professionnels concernés par cette spécialité : pédiatres, rhumatologues, chirurgiens, ophtalmologistes, rééducateurs, services sociaux, école, la-boratoires de recherche… Il fut d’abord dirigé par Eric Bywa-ters, l’homme du « crush syndrome », dont les publications en rhumatologie pédiatrique ont fait référence, puis par Bar-bara Ansell qui fut pendant des années « la papesse » de la spécialité. Femme d’exception, elle a su diffuser toutes les mises au point des soins spécifiques aux enfants souffrant de ces pathologies. De même, en 1952, Elisabeth Stoeber en Allemagne, et ses collègues transformèrent le centre de Garmish-Partenkirchen dédié à la tuberculose, en centre de

rhumatologie pédiatrique. D’autres centres ont vu le jour en Europe, notamment dans les pays scandinaves.

En France, la rhumatologie pédiatrique dut ses lettres de noblesse à cette époque à deux pédiatres français, Pierre Mo-zziconacci et François Hayem. Ils ont, les premiers, décrit de façon précise dès 1967, les trois entités cliniques, les formes systémiques, polyarticulaires et oligoarticulaires, jusqu’alors désignées sans aucune distinction sous le terme « Maladie de Still » par les auteurs anglo-saxons. Ils ont distingué la for-me systémique, authentique maladie de Still si l’on se réfère à la description faite par George Frédéric Still en 1897. Ils ont décrit un groupe polyarticulaire, se rapprochant le plus de la polyarthrite de l’adulte avec parfois la présence de facteur rhumatoïde, et surtout les formes oligoarticulaires [2].

Fin des années 70, la rhumatologie pédiatrique donna lieu à la création de forums de discussion, d’abord au sein de so-ciétés savantes comme l’American rheumatism Association (ArA devenu ACr), l’American Academy of Pediatrics (AAP), la EUropean League Against rheumatism (EULAr) avec la mise en place de sections pédiatriques spécifiques. Au plan international aussi furent organisés des colloques dédiés à la rhumatologie pédiatrique. En 1976, une première conféren-ce internationale s’est tenue à Park City, Utah, aboutissant à un compte rendu exhaustif sur l’état des connaissances de cette époque sur le sujet, mentionnant essentiellement des travaux de pays anglophones [3]. L’année suivante, en 1977 s’est tenue à Oslo une conférence organisée sous les auspi-ces de l’EUropean League Against rheumatism (EULAr) et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) où des spé-cialistes du monde entier ont échangé leur expérience. Un compte-rendu fut publié par le Bulletin de l’EULAr [4].

Les temps modernes…Le besoin de travailler plus étroitement et plus scientifi-

quement entre les différents pays a conduit à la création de groupes structurés pour évaluer les thérapeutiques et leur tolérance chez les enfants. En effet, les maladies rhumatis-males chez les enfants étaient dans le passé un peu consi-dérées comme étant des maladies de l’adulte « en petit », et l’utilisation des drogues administrées chez les adultes pou-vaient avoir de graves conséquences chez le sujet jeune. Le premier groupe d’études fut créé en 1975 aux USA, le Pe-diatric rheumatology Collaborative Study Group (PrCSG), qui apporta beaucoup sur la connaissance des AINS et des traitements de fond chez les enfants. Dans les années 90, le Pediatric rheumatology INternational Trial Organisation (PrINTO), fut créé par Alberto Martini de Gênes en Italie. Le PrINTO offre un support logistique de premier plan pour conduire toute sorte d’études en rhumatologie pédiatri-que : efficacité et tolérance des nouveaux traitements, éva-luation d’outils diagnostiques et de suivi, recherche physio pathogénique… Beaucoup de projets sont soutenus par la communauté européenne. La force de cette structure est de pouvoir rassembler un grand nombre de participants dans le monde entier, et d’obtenir des réponses plus rapides aux innombrables questions soulevées par ces pathologies (www.printo.it/).

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La rhumatologie pédiatrique,une sur-spécialité qui a pris ses marques au fil du temps...

par A-M. PrieurLa Pediatric rheumatogogy european Society (PreS) fut

aussi créée dans les années 90. Il s’agit de la seule société sa-vante internationale dédiée exclusivement à la rhumatologie pédiatrique, traitant de toutes pathologies s’exprimant par une atteinte de l’appareil locomoteur. La première réunion à Paris rassembla près de 150 participants, la plus récente à Ljubljana, plus de 900 provenant de plus de 60 pays…

Structuration de la spécialité en France…Pierre Mozziconacci (1911-1999) fut le pédiatre au nom

duquel se rattache la rhumatologie pédiatrique française des années 70. Il fut l’auteur de nombreux travaux, et forma un grand nombre d’élèves en France. Les aspects cliniques, thé-rapeutiques, évolutifs, épidémiologiques, psychologiques, éducatifs ont donné lieu à cette époque à de nombreuses thèses et publications ainsi qu’à la réalisation d’un numéro spécial dans les Annales de Pédiatrie résultant d’un travail remarquable effectué avec son équipe [5]. Ses successeurs aux Enfants-Malades perpétuèrent son œuvre, et poursuivi-rent la prise en charge de ces patients avec les compétences nécessaires à leur suivi.

La partie thérapeutique à proprement parler, implique tout autant l’utilisation des drogues que les interventions locales et le traitement des séquelles. Dans cette optique, la collaboration avec les équipes de chirurgie orthopédique pédiatrique est indispensable. Une consultation commune avec Philippe Touzet, jeune chirurgien de l’équipe de Pierre rigault, fut instaurée dès les années 80 aux Enfants-Mala-des. Outre son intérêt pour les pathologies constitution-nelles vertébrales et les tumeurs osseuses, Philippe Touzet s’est investi totalement dans la prise en charge des maladies rhumatismales. Dans ce domaine, il fut réellement novateur. Il fut l’un des premiers à avoir adapté à l’enfant l’utilisation de l’arthroscopie aux petites articulations et à réaliser des synovectomies. Il appliqua toutes les techniques de cor-rection des séquelles, ostéotomies, éventuellement arthro-

dèse, réparation tendineuse… et surtout les arthroplasties de hanche « customisées » chez les patients jeunes, et de pe-tite taille. Il fut l’un des premiers à appliquer une technique d’arthroplastie non cimentée, le plus jeune patient étant âgé de 12 ans. Les résultats évalués après une moyenne de 6 ans de recul furent très bons [6]. Philippe Touzet insistait particulièrement sur le dialogue avec l’enfant et ses parents, en particulier lorsqu’il s’agissait d’interventions complexes. Il avait coutume de dire, lorsque plusieurs étapes devaient être envisagées, qu’il fallait commencer par « l’opération qui gagne ! ». Il insistait aussi beaucoup sur l’importance de la période postopératoire et de la nécessité d’une rééducation parfois longue… Le départ subit de Philippe Touzet le 2 dé-cembre 1997, le soir d’une consultation commune, à l’âge de 50 ans, fut cruellement ressenti par ses amis et ses pa-tients (Fig. 3).

Dans les années 2000, l’instauration d’un diplôme inter-universitaire de rhumatologie Pédiatrique en France permet à une vingtaine de médecins français et francophones de se former chaque année d’une façon théorique à la spécialité. Chaque participant à cet enseignement est tenu de produire un mémoire, aboutissant généralement à une publication. La SOciété Francophone de rhumatologie Et de Médecine Interne en Pédiatrie (SOFrEMIP) qui se réunit chaque année représente un forum de discussion utile à tout médecin pou-vant être amené à suivre ces enfants. La création de centres de référence et de compétence aboutissant à l’élaboration de directives communes est un progrès important pour améliorer le suivi de ces enfants.

Enfin, les parents font partie intégrante du mouvement permettant d’améliorer la prise en charge de ces patients. La création d’une association, « Kourir » il y a une vingtaine d’années, apporte beaucoup sur de nombreux plans : un dialogue entre les parents et les enfants, des échanges avec les spécialistes, les enseignants et toute personne impliquée dans l’environnement de leurs enfants. Les parents s’intéres-sent vivement à la recherche, et décernent chaque année un prix lors du Congrès de la PreS à un chercheur présentant ses travaux lors de ce congrès.

Références1. PrIEUr AM. M. S. Diamantberger (1864-1944) : un précurseur. Annales de Pédiatrie 1988, 35, 535-82. MOzzICONACCI P, HAYEM F. Formes cliniques des polyarthrites chroniques de l’enfant. Société médicale des Hôpitaux de Paris, 1967, 118, 763-71.3. SCHALLErJ G, HANSON V (EDS). Proceedings of the first ArA Conference on the rheumatic Diaseases of Childhood Park City, Utah, Arthritis and Rheu-matism 1976, 20, 145-638.4. WOOD PH. Special meeting on nomenclature and classification of arthritis in children : proposed criteria for controlled clinical studies. Scand J Rheuma-tology 1978, 11, 187-925. P MOzzICONACCI et coll. Annales de Pédiatrie, 1977, 24 (numéro spécial)6. ODENT T, JOUrNEAU P, PrIEUr AM, TOUzET P, POULIQUEN JC, GLO-rION C. Cementless hip arthroplasty in juvenile idiopathic arthritis. Pediatr Orthop 2005, 25,465-70

Fig. 3 : Philippe Touzet

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Quelques pionniers de la rhumatologie pédiatriquepar J-C. Léonard et C. Morin

« Un médecin assoupi en 1930 est tiré de sa léthargie en 1960. Il ne reconnaît plus rien : les méningites aiguës, la méningite tuberculeuse, les tuberculoses aiguës évoluent vers la guéri-son. La maladie d’Addison peut être équilibrée, les chirurgiens ouvrent les coeurs et les cerveaux, les hématologistes sauvent les nouveau-nés en changeant tout leur sang, les psychiatres devenus chimistes, corrigent les graves désordres de l’esprit. On trouvera en 1990, un médecin au bois dormant... Quelle in-fluence ces progrès et ces changements si importants auront-ils sur l’exercice même de la médecine et sur la responsabilité du médecin ? » (Jean BErNArD, Grandeurs et tentations de la médecine. Édition J’ai Lu 1973)

George Frederic STILL (1868-1941)Né le 27 février 1868 à Highbury, dans la banlieue de Lon-

dres, il est le fils d’un couple modeste : un père contrôleur portuaire à Dublin (où il rencontre son épouse) avant de re-venir au port de Londres ; une mère de douze enfants dont cinq meurent de pathologies infectieuses. G.F. Still perd son père à 17 ans. Malgré une situation financière familiale dif-ficile, il réussit un parcours scolaire de bon niveau à Cam-bridge (Fig. 1).Il fait ses études médicales au Guy’s Hospital, sous la férule de J. Goodhart. Avant son doctorat, il rejoint l’hôpital des Enfants Malades à Great Ormond Street de Londres. C’est là qu’il écrit son fameux article en 1896 : « On a form of chronic joint disease in children », lu en séance plénière par A.Garrod. Sa thèse de médecine est consacrée à ce sujet à propos de 22 cas dont 19 personnels : il divise sa cohorte en 3 groupes avec en particulier l’âge d’apparition des premiers signes. Voici les points capitaux de sa description toujours d’actua-lité : le bas âge des enfants, l’atteinte des organes lymphoï-

des, la fièvre avec ses pics vespéraux, l’atteinte viscérale pé-ricardique en particulier, les élargissements articulaires non osseux aux dépends de la synoviale et des capsules. Il n’y a pas de déformations des mains décrites par Jean Martin Charcot, le neurologue et spécialiste de l’hystérie !!!, dans sa thèse ; les douleurs articulaires sont modérées, par contre les rétractions sont invalidantes, la fonte musculaire est ra-pide, le retard de croissance également. Ce qui le différencie d’A.Chauffard, c’est le refus de Still d’imaginer le rôle des ma-ladies de l’époque : syphilis, tuberculose...Il fera également la distinction avec la forme de l’adulte : chez l’enfant, constance de l’hypertrophie des organes lym-phoïdes, pas de lésions osseuses initiales, atteinte prédomi-nante des membres inférieurs.Plus tard E.G.L. Bywaters publiera dans Ann Rheum Dis 1971 ; 30 :121-133 : « Still’s disease in the adult. »

Que sait-on de sa vie ?E.D.B. Hamilton nous a très bien détaillé cet homme ap-

paremment effacé, peut-être timide. Il faut évoquer les diffi-cultés financières de ses débuts : il nous est décrit le froid de sa chambre au début de son cursus médical, ses chaussures rapiécées. Son sort s’améliore en 1899 quand il va exercer au King’s College Hospital, premier hôpital avec un secteur enfants.Il ne fut jamais marié, accompagnant sa mère le dimanche à l’office. réservé, courtois, il ne conduisait pas et fermait les rideaux de son véhicule par peur de la vitesse. Il a longtemps hésité pour des études littéraires car il s’intéressait aux écrits en hébreu, arabe, latin et grec.Laissons là les commentaires de la presse people : il faut re-lever sa grande empathie pour les enfants malades et lors de la lecture de sa biographie on peut appliquer à Still cette remarque tirée du livre d’Emile Ajar « La vie devant soi » : « Quand la porte du cabinet s’ouvrait et le Dr Katz (Still) entrait, tout de blanc vêtu, et venait me caresser les cheveux, je me sen-tais mieux et c’est pour ça qu’il y a la médecine. »Fig. 1 : Sir George F Still, « the father of British pediatrics »

Fig. 2 : Sir George F Still penchant la truite sur le pont de la rivière Test

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Quelques pionniers de la rhumatologie pédiatriquepar J-C. Léonard et C. Morin

Les écrits confirment cette impression d’humanité : il n’hé-sitait pas à prolonger son temps à l’hôpital pour soulager les enfants ou tout du moins les réconforter. Il préférait les petites filles blondes et d’ailleurs à son départ en retraite le personnel lui offrit une grande poupée blonde. S’il aimait les enfants, il n’aimait pas leur mère... Il n’aimait que sa mère et la reine.Il aimait la poésie et la pêche. Il rédige d’ailleurs des articles dans une revue spécialisée sur ce hobby (Fig. 2).

Son œuvreEn dehors de son travail quotidien, G.F. Still a écrit 113

livres et articles dont en 1909 « Common disorders and di-seases of childhood » et en 1931 « History of paediatrics at the end of eighteen century ».Il est nommé professeur de pédiatrie en 1906 au King’s Col-lege, participe à de nombreux colloques et préside plusieurs sociétés savantes anglaises et américaines. Il prendra sa re-traite à 65 ans dans cet hôpital.En 1937, il est anobli par la reine et sera le pédiatre des en-fants royaux, en l’occurrence la reine actuelle.On rappelle également qu’il a décrit le premier les symptô-mes liés aux troubles de l’attention et de l’hyperactivité, ap-pelé maintenant TADHA. On retrouve son éponyme dans le murmure de Still, l’éruption de Still...A l’image de sa vie, G.F. Still est mort à Salisbury, calmement, sans faire de bruit, en 1941. Son nom est désormais célèbre, fruit d’une observation aigüe.

Anatole CHAUFFARD (1855-1932)Anatole Emile Chauffard est né le 22 aout 1855 à Avi-

gnon. Il est issu d’une famille de médecin : un père profes-seur de médecine, un grand-père médecin réputé à Avignon (Fig. 3).

Après un internat à Broussais, il devient médecin en 1882 et médecin des hôpitaux. En 1907 il devient professeur de médecine interne, travaille dans les hôpitaux Cochin et Saint Antoine où il obtient la chaire de médecine clinique en 1911. Il fut aussi élu à l’Académie de Médecine ultérieurement.

Pourquoi le retrouve-t-on dans cette rubrique de rhumato-logie pédiatrique ? En effet on le connait mieux dans le ca-dre de la sphérocytose, appelée plus couramment maladie de Minkowski-Chauffard, publication en 1907 et 1914 dans le cadre général des anémies hémolytiques congénitales. On le connait un peu moins dans le syndrome de Troisier-Hanot-Chauffard, appelé également hémochromatose, dia-bète bronzé, ou maladie de surcharge hépatique en fer, ou cirrhose hypertrophique pigmentaire dans le diabète sucré, comme il l’a publié en 1882.revenons à notre sujet : en 1896, il publie dans la revue de Médecine de Paris « Des adénopathies dans le rhumatisme chronique » et c’est à ce moment qu’il s’égare en étant per-suadé que « les ganglions prélevés au-dessus des articulations malades,[ ]malgré[ ] des recherches bactériologiques[ ]qui ne nous ont pas donnés de résultats évidents » doivent être se-condaires à une infection bactérienne non encore décou-verte. Chauffard évoque le nom de Still en Angleterre, de Cazal en France qui ont noté cette hypertrophie des organes lymphoïdes sans l’associer à une cause infectieuse. L’histoire de la médecine en tout cas en France ne lui en tiendra pas rigueur, puisqu’il est associé souvent à Still.Esprit éclectique comme de nombreux contemporains, il décède à Paris en 1932.

Jean-Baptiste BOUILLAUD (1796-1881)« Jeune homme ambitieux et travailleur, né en province dans

un milieu modeste, venu à Paris pour prouver sa valeur, bona-partiste, anticlérical, opposant convaincu à la monarchie, mé-decin de talent qui va gravir toutes les marches de la réussite et de la reconnaissance sociale. »

Fig. 3 : Chauffard père à gauche ( Paul Emile 1823-1879)et Chauffard fils à droite ( Anatole 1855-1932) Collection BIU Santé Médecine

Fig. 4 : Bouillaud, Jean-Baptiste (1796-1881)Collection BIU Santé Médecine

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C’est Balzac qui a écrit dans Le Père Goriot cette phrase en assimilant Bouillaud à Horace Bianchon, ou plutôt après avoir rencontré Bouillaud dans une pension de famille plus que modeste, s’est servi de l’étudiant aux petits moyens pour dépeindre son personnage. Bouillaud était en effet tel qu’il a été décrit dans cette Comédie Humaine.Nous allons donc tracer cette vie médicale et politique dans une période de grands bouleversements politiques (Fig. 4).Il nait le 16 septembre 1796 à Braguette prés d’Angoulême, en plein Directoire avec un Bonaparte brillant stratège mili-taire, qui va préparer son coup d’état du 18 -Brumaire 1799. Ceci a une certaine importance car « piloté » par son oncle Jean Bouillaud, chirurgien des armées napoléoniennes, dé-coré à Austerlitz, il aura grand mal à accepter le bannisse-ment de Napoléon à l’arrivée de Louis XVIII, puis de Charles X en 1824 et de Louis-Philippe en 1830.Après des études secondaires à Angoulême, il monte à Paris pour étudier la médecine en 1814 : Paris est encerclé par les armées de la coalition et il y règne une certaine misère. En 1814 c’est le retour de Napoléon de l’île d’Elbe et Bouillaud s’engage dans l’armée à Dole, alors qu’il est tout jeune étu-diant. Nous sommes dans la période des Cent Jours. Puis vinrent Waterloo et le traité de Vienne (1815) et la disgrâce définitive de l’empereur. Il rejoint sa famille à Braguette, puis en 1816 retourne à Paris avec son oncle médecin. En 1818 il est externe à Cochin avec pour patron le Pr. Bertin. Il est rapporté que Bouillaud rencontrera son épouse par son in-termédiaire.Politiquement il met de la sagesse dans ses choix politi-ques : il restera persuadé cependant que ses antécédents lui ont souvent été défavorables dans son avancement. Pas sûr du tout ! En 1823, il est docteur en médecine, est recalé au concours de l’agrégation, mais à 30 ans il est membre de l’Académie royale de médecine puis obtient la chaire de physiologie où a siégé Corvisart, à la Charité. Le célèbre chirurgien Dupuytren fut un de ses patients et lui demanda de faire son autopsie.Il est ensuite vice-président de l’Académie de médecine en 1847 puis président en 1862 (Fig. 5). En 1848 il est nommé doyen de la Faculté de médecine de Paris, il quitta ce poste après avoir contesté les comptes de son prédécesseur Ma-thieu Orfila. En 1868 il est élu membre de l’Académie des sciences et la même année Commandeur de la Légion d’Honneur.

Il fut député dans le groupe des républicains pour la Cha-rente entre 1842 et 1846.En 1870, son épouse décède et en 1875 il démissionne de sa chaire de Clinique Médicale. Il se retire totalement de la vie médicale en 1881 près d’Angoulême, décède en octobre de la même année à Paris. La maison de Braguette a failli deve-nir un couvent de par la volonté de sa fille, chanoinesse : le projet n’aboutit pas, suite à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905.Il existe une plaque souvenir à Angoulême sur une des tours du château de Marguerite de Valois.

Et si nous parlions de l’oeuvre médicale de ce membre de la Société Secrète de la Charbonnerie ! Deux sujets vont lui faire connaitre l’éternité. Il publie en 1824 avec le Pr. Bertin « Traité des maladies du coeur et des gros vaisseaux », puis en 1840 « Traité clinique du rhumatisme articulaire et de la loi de coïncidence des inflammations du coeur avec cette maladie ». (Fig. 6)

Il évoque « les bruits de galop » que nous continuons à re-chercher dans notre pratique. Il propose alors les saignées et les sangsues !!! Il était le pre-mier médecin à faire le rapprochement entre les arthralgies et les atteintes des tuniques cardiaques. Par contre le trai-tement n’était pas à la hauteur du personnage ! Il critique avec véhémence la proposition de See de traiter le rAA avec du salicylate de soude préférant la médecine « antiphlogis-tique » de Broussais... Il critique également ouvertement « Monsieur Pasteur lorsqu’il prétend que la vieille médecine doit faire place à la nouvelle. »Comme la plupart de ses confrères contemporains, Bouillaud était éclectique dans ses recherches avec un sens clinique fondé sur l’observation et la confirmation secondaire par l’autopsie. On pourrait peut-être s’en inspirer parfois ! En effet, il va émettre l’idée que « les mouvements des organes de la parole sont régis par un centre cérébral spécial indépen-dant, occupant les lobes antérieurs » du cerveau. Il publie en 1825 un Traité clinique et physiologique de l’encéphalite ou inflammation du cerveau. Son gendre E. Auburtin poursui-vant ce travail et ses hypothèses rencontre Paul Broca en 1861, et les aires du langage de Broca et de Wernicke vont

Fig. 5 : le bureau de l’Académie de médecine en 1862. De gauche à droite Dubois d’Amiens, Secrétaire perpétuel, Baron H Larrey, vice

Président, Bouillaud, Président et J Béclard Secrétaire annuelCollection BIU Santé Médecine

Fig. 6 : Traité pratique du rhumatisme articulaire, et de la loi de coïncidence des inflammations du coeur avec cette maladie

Collection BIU Santé Médecine

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Quelques pionniers de la rhumatologie pédiatriquepar J-C. Léonard et C. Morin

Arthrites Juvéniles Idiopathiques : les avancées dans la prise en charge

par B. Bader-Meunier* et P. Quartier*

être officialisées secondairement au niveau de la troisième circonvolution cérébrale gauche avec pour corollaire l’apha-sie et ses variantes.

Ces deux publications lui apportent une renommée mon-diale : la clientèle augmente venant de l’Europe entière, la gloire professionnelle obéit aux prémonitions de Balzac, rencontre que Bouillaud ne démentira jamais. Esprit ouvert, éclectique, mais aussi rétrograde parfois, JB Bouillaud nous a enthousiasmés, comme son frère balzacien.

Si Montaigne avait vécu à la même époque que nos trois pionniers de la rhumatologie il n’aurait pas pu écrire ce cha-pitre polémique sur les gens de médecine : « de ce que j’ai de connaissance, je ne vois nulle race de gens si tôt malade, et si tard guérie, que celle qui est sous la juridiction de la méde-cine. »(Les Essais II, 37). Il avait toutefois la dent moins dure pour les chirurgiens...Nous avons aimé parcourir la vie parfois trépidante de ces trois célèbres médecins, curieux, éclectiques dans leur re-cherche, parfois polémiques à tort, cliniciens méticuleux dans leurs observations sans nos moyens diagnostiques ac-tuels.

Les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI) sont un groupe hétérogène de pathologies n’ayant en commun que l’exis-tence d’une arthrite avant l’âge de 16 ans, durant au moins 6 semaines, sans étiologie [1]. Leur prise en charge est pluridis-ciplinaire et a été transformée depuis une dizaine d’années grâce à l’introduction des biothérapies, dont la tolérance à long terme reste cependant à évaluer.

Les AJI : un groupe hétérogène de pathologiesIl existe 7 types d’AJI selon la classification de l’ILAr (Inter-

national League of Associations for rheumatology) [1]. Les oligoarthrites (moins de 5 articulations atteintes au cours des 6 premiers mois) et les polyarthrites (plus de 4 articula-tions atteintes) sans facteur rhumatoïde représentent plus des deux tiers des AJI ; chez ces patients, existe un risque d’uvéite antérieure chronique sans rougeur oculaire dont la détection précoce, grâce à un examen ophtalmologique à la lampe à fente systématique tous les 3 mois pendant 5 ans, est essentielle pour éviter des complications irréversibles. 2% des AJI sont des polyarthrites rhumatoïdes à début juvé-nile et environ 8% des spondylarthropathies ou « enthésites avec AJI ». La forme systémique d’AJI (FS-AJI) ou maladie de Still à début pédiatrique (5 à 15% des AJI) est caractérisée par l’association d’une arthrite à des signes généraux ; c’est une forme d’AJI dont certaines complications peuvent met-tre en jeu le pronostic vital, notamment la survenue d’un syndrome d’activation macrophagique, et dont l’atteinte ar-ticulaire peut être particulièrement agressive. L’arthrite pso-riasique et l’AJI indifférenciée représentent deux dernières catégories.

Les progrès thérapeutiquesLe traitement des AJI a particulièrement bénéficié de

l’essor des biothérapies au cours des dernières années [1]. De nombreux essais de phase II ou II ainsi que des phases IV, registres et suivis de cohortes continuent à être mis en place, mené avec le soutien de groupes collaboratifs inter-nationaux dont le Pediatric rheumatology International Trial Organisation (PrINTO) (www.printo.it) pour l’Europe et l’essentiel du monde hors Amérique de nord. Le choix d’une biothérapie dans les AJI dépend en partie du type d’AJI. Les agents anti-Tumor-Necrosis-Factor (TNF) sont utilisés depuis bientôt 15 ans dans les AJI avec atteinte polyarticulaire, le CTLA-4Ig (Abatacept) depuis 10 ans ; les principaux progrès thérapeutiques récents sont liés à l’utilisation des anti-TNF

dans de nouvelles formes d’AJI ou de nouvelles classes d’âge, ainsi qu’à l’utilisation d’antagonistes de l’interleukine (IL)-1 et de l’IL-6.

Les anti- Tumor Necrosis Factor (TNF) alphaIl existe principalement deux agents anti-TNF alpha utilisés en rhumatologie pédiatrique :1) l’étanercept, récepteur soluble du TNF, (Enbrelr) 2) l’adalimumab, anticorps monoclonal anti-TNF, (Humirar). L’anticorps chimérique infliximab (rémicader) est moins uti-lisé car l’étude menée avec ce médicament n’a pas permis de monter un dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’AJI.Les anti-TNF alpha sont utilisés principalement pour la prise en charge de certaines formes d’arthrite juvénile idiopathi-que : 1) les AJI polyarticulaires (ou oligoarticulaires étendues) avec ou sans facteur rhumatoïde en échec ou intolérance au méthotrexate [2-3] (AMM dès l’âge de 4 ans pour l’etaner-cept et l’adalimumab, études en cours chez l’enfant de 2 à 4 ans)2) les enthésites avec AJI /spondylarthopathies pédiatriques (etanercept et adalimumab à l’étude) 3) les AJI associées au psoriasis (etanercept à l’étude). Des essais avec l’adalimumab sont en cours en France (essai ADJUVITE) et au royaume Uni (essai SYCAMOrE) pour les uvéites associées à l’AJI.Les anti-interleukine-1 (IL1)Ils comportent en France l’anticorps anti-récepteur de l’IL-1 anakinra (Kineretr) et l’anticorps monoclonal anti-IL-1 beta canakinumab (Ilarisr). Dans la forme systémique d’AJI (FS-AJI) ou maladie de Still à début pédiatrique, les principaux progrès thérapeutiques récents sont liés à l’utilisation d’an-tagonistes de l’interleukine (IL)-1 et de l’IL-6. Des résultats encourageants ont été obtenus dans des essais de phase II et III dans la forme systémique d’AJI pour l’anakinra [4] et le canakinumab [5]. Le canakinumab a obtenu un accord en 2013 des agences américaine (FDA) et européenne (EMA) pour une AMM dans la FS-AJI après échec des AINS et des corticoïdes, les conditions de sa prise en charge dans le ca-dre d’une AMM dans cette indication en France devraient permettre sa prescription hors essai thérapeutique courant 2014.

*Centre de référence national maladies rares rhumatologiqueset inflammatoires de l’enfant

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Arthrites Juvéniles Idiopathiques : les avancées dans la prise en charge

par B. Bader-Meunier et P. QuartierL’anticorps monoclonal anti-récepteur de l’IL-6L’interleukine 6 (IL-6) est une cytokine pro-inflammatoire qui intervient à la fois dans l’immunité innée et dans l’immunité adaptative et humorale médiée par les lymphocytes. Le toci-lizumab (roactemrar), anticorps monoclonal humanisé dirigé contre la chaîne alpha des récepteurs membranaires et solu-bles de l’IL-6, est le seul anti-IL-6 utilisé chez l’enfant. Le tocili-zumab a une AMM dès l’âge de 2 ans dans la FS-AJI en échec des AINS et des corticoïdes après une étude de phase 3 in-ternationale concluante [6] et également depuis peu dans les AJI polyarticulaires en échec ou intolérance du méthotrexate. Le tocilizumab est administré en perfusions intraveineuses à l’hôpital, cependant un essai thérapeutique avec la forme sous-cutanée vient de débuter dans la FS-AJI et l’AJI d’évolu-tion polyarticulaire.Le CTLA-4IGLe CTLA-4IG (abatacept, Orenciar) est une molécule interagis-sant avec le second signal permettant à la cellule présentatrice de l’antigène d’activer le lymphocyte T. L’abatacept en perfu-sion intraveineuse a une AMM en Europe dès l’âge de 6 ans pour les AJI polyarticulaires (ou oligoarticulaires étendues) avec ou sans facteur rhumatoïde en échec ou intolérance à un anti-TNF alpha après un essai international de phase III [7]. Un essai débute dans la même indication avec la forme sous-cu-tanée.

Tolérance des biothérapiesLa tolérance des biothérapies est en général bonne chez

l’enfant, mais le recul est encore faible (10 à 15 ans pour les anti-TNF, les plus anciennement utilisés) pour évaluer la tolé-rance à long terme. Le risque principal est la survenue d’infec-tions banales sévères ou d’infections opportunistes. Le risque de survenue de tuberculose observé chez l’adulte semble être faible chez l’enfant. Il est à souligner que les anti-IL-6 sont de puissants inhibiteurs de la synthèse des protéines de l’inflam-mation. La température corporelle et la protéine C réactive peuvent donc être normales ou modérément élevées en cas d’infection bactérienne sévère. La survenue d’une fièvre ou de symptômes anormaux chez un patient sous biothérapie doit donc toujours conduire à une évaluation clinique attentive avec une recherche « facile » d’infection. La principale interro-gation concerne l’éventuel sur-risque de néoplasie après trai-tement par anti-TNF. Dans les limites du nombre de patients qui n’est que de quelques milliers par cohorte et de la durée du suivi qui ne dépasse pas une dizaine d’années chez la plu-part des patients, ce risque n’a pas été mis en évidence à ce jour dans les cohortes disponibles.

Selon la biothérapie utilisée, il y a de plus un risque de ma-nifestations allergiques et d’anaphylaxie (notamment avec le tocilizumab), d’hépatite sévère et de syndrome d’activation macrophagique (anti-IL-6 ou IL-1 au cours de la Fs-AJI). Il existe un risque, très faible, d’atteinte cérébrale démyélinisante, d’at-teinte inflammatoire du tube digestif, de psoriasis et de lupus induit avec les biothérapies.

Une prise en charge pluridisciplinaireLa prise en charge est pluridisciplinaire [8-10], faisant interve-nir :• Pédiatres spécialisés en rhumatologie pédiatri-

que (centres de référence et de compétence, liste sur www.cerhumip.fr)

• Orthopédistes : la collaboration s’effectue idéalement au cours de consultations conjointes entre le pédiatre et l’orthopédiste : suivi des atteintes articulaires sévères, indication de chirurgie correctrice, de pose de prothèse, d’infiltration.

• radiologues : une bonne connaissance de la radiologie articulaire pédiatrique est souhaitable pour poser l’indica-tion et les modalités et interpréter échographie et IrM ar-ticulaire, en tenant compte des spécificités pédiatriques.

• Ophtalmologues : la détection pluriannuelle d’une uvéite est indispensable au cours des oligoarthrites et polyarth-rites associées à des FAN.

• rééducateurs, kinésithérapeutes et ergothérapeutes. • rhumatologues : l’organisation de la transition avec les

rhumatologues d’adultes est indispensable à l’adolescen-ce pour éviter une rupture de suivi

• Plus rarement les généticiens peuvent être sollicités de-vant des formes atypiques, posant le problème d’un dia-gnostic différentiel avec une maladie osseuse constitu-tionnelle.

La prise en charge des AJI a donc bénéficié de nombreuses avancées thérapeutiques. Une évaluation prospective à long terme de celles-ci est nécessaire. Dans ce contexte, il est in-téressant de noter que se met en place un projet européen Pharmachild permettant d’assurer une pharmacovigilance au long cours des patients avec AJI sous biothérapie.Par ailleurs, un effort est fait pour mieux comprendre l’évolu-tion structurale de l’AJI à l’âge adulte, avec des particularités mises en évidence récemment en comparant les radiogra-phies de patients AJI à celles de patients avec polyarthrites rhumatoïdes ayant une durée d’évolution similaire [11-12]. De plus, l’échographie et l’IrM articulaire sont des outils en cours d’évaluation non seulement pour l’atteinte articulaire mais également pour l’atteinte des enthèses dans l’AJI [13].

Références1. PETTY rE, SOUTHWOOD Tr, MANNErS P, et al. International League of As-sociations for rheumatology classification of juvenile idiopathic arthritis: sec-ond revision, Edmonton, 2001. J Rheumatol, 2004, 31 : 390-2.2. LOVELL DJ, GIANNINI EH, rEIFF A et al. Etanercept in children with polyar-ticular juvenile rheumatoid arthritis. N Engl J Med. 2000;342:763-9.3. LOVELL DJ, rUPErTO N, GOODMAN S, et al. Adalimumab with or without methotrexate in juvenile rheumatoid arthritis. N Engl J Med. 2008;359:810-20.4. QUArTIEr P, ALLANTAz F, CIMAz r, et al. A multicentre, randomised, dou-ble-blind, placebo-controlled trial with the interleukin-1 receptor antagonist anakinra in patients with systemic-onset juvenile idiopathic arthritis (ANAJIS trial). Ann Rheum Dis. 2011;70;747-54.5. rUPErTO N, BrUNNEr HI, QUArTIEr P, CONSTANTIN T, WULFFrAAT N, HOrNEFF G, et al. Two randomized trials of canakinumab in systemic juvenile idiopathic arthritis. N Engl J Med. 2012;367;2396-406.6. DE BENEDETTI F, BrUNNEr HI, rUPErTO N, KENWrIGHT A, WrIGHT S, CALVO I, et al. randomized trial of tocilizumab in systemic juvenile idiopathic arthritis. N Engl J Med. 2012;367;2385-95.7. rUPErTO N, LOVELL DJ, QUArTIEr P, et al. Abatacept in children with ju-venile idiopathic arthritis: a randomised, double-blind, placebo-controlled withdrawal trial. Lancet. 2008;372:383-91.8. QUArTIEr P. Arthrites Juvéniles Idiopathiques. In Maladies inflammatoires de l’enfant. B. Bader-Meunier, C. Bodemered. Doin 2013.9. BADEr-MEUNIEr B, WOUTErS C, JOB-DESLANDrE C, et al. recommanda-tions pour le diagnostic et le traitement de la forme systémique d’arthrite ju-vénile idiopathique. Arch Pediatr. 2010 Jun 1. [Epub ahead of print]10. BADEr-MEUNIEr B, WOUTErS C, JOB-DESLANDrE C, et al. recomman-dations pour le diagnostic et le traitement des formes oligoarticulaires et po-lyarticulaires d’arthrite juvenile idiopathique. Arch Pediatr. 2010, 17 : 1085-9. review.11. ELHAI M, BAzELI r, FrEIrE V, et al. radiological peripheral involvement in a cohort of patients with polyarticular juvenile idiopathic arthritis at adult-hood. J Rheumatol. 2013;40:520-7. 12. ELHAI M, WIPFF J, BAzELI r, et al. radiological cervical spine involvement in young adults with polyarticular juvenile idiopathic arthritis. Rheumatology (Oxford). 2013;52:267-75.13. LAMBOT K, BOAVIDA P, DAMASIO MB, et al. MrI assessment of tenosyno-vitis in children with juvenile idiopathic arthritis: inter- and intra-observer vari-ability. Pediatr Radiol. 2013;43:796-802.

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et aussi : 22, 23 et 24 janvier 2014 - 13èmes Journées de la SOFAMEA - Saint Fargeau Ponthierry (77) 11-15 mars 2014 - Congrès de l’AAOS - New Orleans 21-22 mars 2014 - Réunion du GES - Nice (Fondation Lenval)

Réunions à venir

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Le Chirurgien orthopédiste pédiatreet les Arthrites Juvéniles Idiopathiques (AJI)

par S. Pannier, Z. Péjin, T. Odent, D. Médevielle, M. Bercovy et C. Glorion

La place de la chirurgie dans le traitement des arthrites inflammatoires de l’enfant était autrefois réduite à quelques opérations aux ambitions limitées que l’on « reportait après la fin de la croissance ». La chirurgie était alors proposée à de pauvres adolescents grabataires dont les fonctions locomo-trices étaient irrémédiablement perdues. La situation s’est considérablement transformée au cours des trente dernières années, Philippe Touzet en a été le pionnier. Le Chirurgien Orthopédiste Pédiatre fait parti de l’équipe de « 1ère ligne ». Ce statut a évolué de façon significative depuis l’avènement des biothérapies qui ont objectivement transformé beau-coup d’évolution.

Le Chirurgien Orthopédiste Pédiatre intervient actuelle-ment au cours de la maladie au stade de pleine évolution ou il s‘agit d’éviter ou de freiner la dégradation articulaire et de conserver l’autonomie des fonctions locomotrices, et au stade des séquelles ou il s’agit de restaurer les fonctions qui ont été perdues (déambulation aux membres inférieurs (Fig. 1a et b), relation/autonomie aux membres supérieurs, stabilisation du rachis).Les progrès enregistrés ces dernières années sont dûs aux progrès techniques de l’anesthésie et de la chirurgie mais plus encore à la constitution d‘équipes médico-chirurgicales pluridisciplinaires. Mais il s’agit d’une chirurgie - et d’une anesthésie - difficiles, qui ne peut s’improviser. Cette chirurgie ne peut être réali-sée sans une longue préparation médicale psychologique, physique et orthopédique. La négligence de ces contrain-tes expose à l’échec. Cet échec a des conséquences drama-tiques car il compromet le résultat immédiat attendu et il engage l’enfant et sa famille dans un processus de refus et de rejet des autres traitements chirurgicaux, des traitements médicaux et des mesures orthopédiques indispensables au contrôle de la maladie.

Préparation de l’enfantLa préparation comporte un 1er volet psychologique car

ces enfants sont fragilisés par la chronicité de la maladie, la douleur et l’absence de perspectives claires de guérison. L’opération ne doit pas être imposée sauf urgence (comme une compression médullaire) mais acceptée ou au mieux réclamée par l’enfant. En cas de programmes opératoires multiples, il faut commencer par l’opération la plus simple et dont les résultats seront les plus immédiatement percepti-bles : la première opération doit être « l’opération gagnante ». Dans ce cas l’acceptation des autres interventions dont le résultat peut être plus irrégulier sera grandement facilitée. Une préparation nutritionnelle est indispensable avant une intervention majeure. En effet, l’état nutritionnel est souvent médiocre en raison de facteurs multiples : la maladie, des problèmes mécaniques car il existe souvent une atteinte des articulations temporo-mandibulaires avec micro-rétrognas-tisme et une médiocre ouverture de la bouche qui peut en-traver la nutrition normale, enfin à l’inactivité. Ces carences doivent être impérativement corrigées avant l’intervention, ce qui nécessite une supplémentation diététique éventuel-lement même réalisée par une nutrition parentérale noc-turne.Enfin une physiothérapie pré-opératoire est souvent indis-pensable pour préparer l’intervention.

Difficulté de l’anesthésie Il est important que l’enfant et sa famille puissent rencon-

trer l’Anesthésiste qui endormira l’enfant lors de la consul-tation pré-anesthésique prévue suffisamment longtemps à l’avance pour les interventions majeures.Les intubations souvent difficiles requièrent l’utilisation du fibroscope parfois avec nos collègues OrL.L’analgésie doit être particulièrement discutée avec le pa-tient et il faut y apporter un grand soin.

Fig. 1a et b : Morgane a 14 ans, elle a une forme polyarticulaire sévère et a perdu la marche depuis 4 ans. Après une traction de 15 jours pour améliorer les flessum de hanche et de genou (a), deux prothèses de hanche ont été implantées à 1 mois d’intervalle, puis deux prothèses de genou ont été posées en un temps 2 mois après. Ses premiers pas avec un déambulateurs (b) Avec un recul de 15 ans, elle a une bonne autonomie de marche d’intérieur et elle a fait des études supérieures

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par S. Pannier, Z. Péjin, T. Odent, D. Médevielle, M. Bercovy et C. GlorionLes techniques d’anesthésie loco-régionale prolongée par cathéter implanté à demeure sont de ce point de vue d’un apport important.

Les risques liés au terrainLe risque infectieux, théoriquement important, est très

faible, alors que le caractère chronique de cette maladie in-flammatoire, l’administration fréquente d’immuno-modula-teur ou d’immuno-suppresseur dont les corticoïdes le plus fréquemment, l’hypo-protidémie sont autant de facteurs augmentant ce risque infectieux.Une prophylaxie antibiotique est systématique pour la plu-part des interventions majeures notamment les interven-tions intra-articulaires ou les interventions comportant une section osseuse.En revanche nous n’avons jamais observé chez l’enfant ou l’adolescent de complications liées à l’imprégnation cortiso-nique et il ne nous parait pas nécessaire d’augmenter la dose de corticostéroïdes dans les suites opératoires immédiates. L’ostéoporose est un problème majeur dans l’AJI sévère.Ceci impose une grande minutie et l’absence de toute ma-noeuvre forcée lors de cette chirurgie sous peine de voir sur-venir des fractures métaphysaires, des écrasements épiphy-saires ou des tassements métaphysaires. Les interventions de libération des parties molles ou d’implantation prothéti-que sont de ce point de vue les plus dangereuses.

La chirurgie Interventions à visée diagnostiqueLe premier contact de l’enfant porteur d’AJI avec la chirur-gie est souvent la biopsie surtout dans les formes oligo-ou mono-articulaires. La biopsie classique chirurgicale est ce-pendant une intervention dangereuse car elle peut être à l’origine de raideurs intra-articulaires définitives. Il faut donc, dans la mesure du possible, essayer de l’éviter et la réserver aux cas ou les analyses clinique, biologique et radiologique ne permettent pas de conclure de manière satisfaisante. Le risque d’une biopsie arthroscopique est moindre, mais il n’est pas nul et il faut utiliser cette intervention judicieuse-ment et parcimonieusement.Il faut de toute façon considérer cette intervention comme une synovectomie partielle, c’est à dire immobiliser dans les suites opératoires l’enfant en attelle et veiller à mettre en route une physiothérapie post-opératoire très précise afin d’éviter ces enraidissements articulaires. Dans certains cas, lorsqu’une articulation reste douloureuse, hydarthrosique, malgré un traitement médical bien conduit, une explora-tion arthroscopique peut être nécessaire pour rechercher la cause de ces troubles. On est souvent amené à découvrir des corps étrangers intra-articulaires (grains de riz) parfois extrê-mement nombreux qui expliquent la persistance de la gène articulaire. Un lavage articulaire permet alors de nettoyer l’articulation et habituellement fait régresser l’arthrite.Traitement local de l’inflammation articulaireLes traitements locaux de la maladie articulaire peuvent pa-raître illogiques dans une maladie générale mais du point de vue de la fonction, la dégradation est liée à la somme de différentes maladies locales.

Le traitement local consiste à détruire la synoviale soit par méthode chimique (synoviorthèse), soit par méthode mé-canique (synovectomie).La synoviorthèse consiste à détruire la synoviale en injectant dans l’articulation un produit caustique. Nous avons l’habi-tude d’utiliser chez l’enfant l’héxacétonide de triamcinolone (Héxatrioner)L’acide osmique a fait la preuve chez l’animal d’une certaine toxicité vis à vis des cartilages de croissance et nous avons observé des évolutions destructrices graves chez l’enfant. Le produit doit être injecté strictement en intra-articulaire ce qui nécessite souvent chez le jeune enfant, en cas d’injec-tions multiples, ou pour atteindre des articulations difficiles (comme les articulations sous astragaliennes postérieures ou l’articulation de la hanche) une anesthésie générale et une arthrographie (Fig. 2). En effet l’injection extra articulaire du produit peut entraîner des nécroses sous cutanées qui donnent des atrophies, ou des calcifications.

Chez les enfants plus âgés et pour les articulations d’accès facile une anesthésie locale complétée par le Méopa est fa-cile en hospitalisation de jour.Nous avons l’habitude d’immobiliser 3 jours l’articulation par des attelles plâtrées après l’injection. Une physiothéra-pie est ensuite reprise de façon à récupérer des éventuelles raideurs qui existaient avant injection.L’injection peut être répétée, mais lorsque l’intervalle entre deux infiltrations est inférieur à 4 mois, il nous parait sou-haitable d’utiliser une autre méthode. De même, il ne parait pas raisonnable d’infiltrer plus de 4 ou 5 fois une même ar-ticulation.Nous avons utilisé cette technique dans la plupart des arti-culations des membres. Lorsqu’il existe une atteinte des gai-nes tendineuses, nous n’injectons pas d’Hexatrione dans les gaines en raison d’une possible nécrose tendineuse. Nous utilisons dans ces cas l’hydrocortisone qui a un effet plus transitoire mais qui présente moins de risque de nécrose tendineuse du moins si les infiltrations restent limitées en nombre.Synovectomie et ténosynovectomieLa synovectomie consiste à détruire la synoviale mécanique-ment, soit par fragmentation et aspiration en arthroscopie, soit par excision en bloc par méthode chirurgicale conven-tionnelle. Ces interventions sont proposées lorsqu’une ar-

Fig. 2 : pour faire une infiltration d’Hexatrione dans une articulation, il faut être certain d’être intra-articulaire. A la hanche, l’arthrographie est un préala-

ble indispensable à l’injection.

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ticulation reste fonctionnellement gênante malgré un trai-tement complet bien conduit pendant plusieurs mois (et après échecs des synoviorthèses). Dans certains cas (pannus synovial très épais ou corps étrangers intra-articulaires), la synovectomie peut être proposée en 1ère intention. La qua-lité du résultat fonctionnel dépend en grande partie de la qualité de la rééducation post-opératoire qui bénéficie de toutes les techniques de facilitations (analgésie continue, mobilisation passive continue motorisée...) La physiothéra-pie est beaucoup plus facile après une synovectomie arth-roscopique, mais cette technique n’est facilement réalisable qu’aux genoux et aux épaules.

Traitements des séquelles Attitudes vicieusesLa perte d’un secteur utile de mobilité d’une articula-

tion doit être prévenue par physiothérapie (attelle, kinési-thérapie, traction...). En cas d’échec ou si la physiothérapie a été négligée on peut récupérer un bon alignement par des interventions chirurgicales de libération des parties molles (ténocapsulotomie) ou de réaxation osseuse (ostéotomie) qui ont l’avantage de ne pas imposer un traumatisme sup-plémentaire à l’articulation.

Troubles de croissanceLa persistance d’une inflammation au voisinage des

zones de croissance peut entraîner des troubles par hyper-croissance asymétrique : inégalité de longueur des mem-bres inférieurs, genu valgum, coxa valga avec subluxation de hanche.Ces déformations ajoutent une cause d’usure prématurée des cartilages articulaires d’origine mécaniques aux destruc-tions liées à la maladie inflammatoire. Elles doivent donc être corrigées par ostéotomie directionnelle. Le plus souvent, il s’agit de varisation à la hanche et au genou.Les épiphysiodèses permettent de corriger progressivement une inégalité de longueur ou une désaxation, si elles sont faites précocement.

Luxation et subluxationDeux mécanismes concourent à disloquer les articula-

tions. La synovite entraine une distension capsulo-ligamen-taire puis une destruction de ces structures, ce qui provoque une instabilité. La destruction des appuis osseux entraîne également une luxation dans les articulations très mobiles (poignets, rachis cervical, épaule ...). Ces luxations doivent être prévenues par physiothérapie (orthèse, traction...) mais dès qu’elles sont installées, il faut les réduire par traction, parfois facilitée par des ténotomies, puis les stabiliser par divers procédés chirurgicaux comme des transferts musculaires (exemple luxation de rotule), des arthrodèses (rachis cervical, poignet...) (Fig. 3), des arthro-plasties prothétiques (épaule, hanche...). Parfois sera réali-sée une simple résection épiphysaire (tête radiale ou à la tête cubitale).

AnkyloseL’ankylose est un mode de guérison locale de la mala-

die, et on cherche parfois à accélérer le processus en immo-bilisant en bonne position l’articulation (arrière-pied). Mais si l’ankylose se fait en mauvaise position (par exemple en varus équin) ou si l’ankylose atteint une articulation dont la mobilité est primordiale, il faut intervenir, soit pour corriger la position vicieuse, soit pour remobiliser l’articulation par une arthroplastie prothétique (épaule, coude, hanche, ge-nou) (Fig. 4).

Fig. 3 : la destruction articulaire aboutit à une subluxation comme ici au ni-veau du carpe. Le traitement en est une arthrodèse du poignet

Fig. 4 : l’évolution de la destruction articulaire peut aboutir à la fusion, ici le coude ou la sous-astragalienne.Si la position est mauvaise, il faut la corriger

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Le Chirurgien orthopédiste pédiatreet les Arthrites Juvéniles Idiopathiques (AJI)

par S. Pannier, Z. Péjin, T. Odent, D. Médevielle, M. Bercovy et C. GlorionDestruction articulaireCe terme ultime de la maladie articulaire entraîne la

perte fonctionnelle du ou des membres. La récupération des fonctions de déambulation (membre inférieur) ou de relation et d’autonomie (membre supérieur) nécessite une suite d’interventions complexes pour lesquelles une straté-gie doit être élaborée avec la participation de l’adolescent et de sa famille (Fig. 5). Les arthroplasties totales peuvent être alors utilisées. Pour ces dernières, l’évolution s’est faite vers l’utilisation d’implants sans ciment car les taux de des-cellement sont très élevés. Les problèmes de miniaturisation prothétique se posent surtout dans ces cas qui ont les plus sévères déformations et les plus importants retards de crois-sance.

Pour la hanche, sous l’impulsion de Ph. Touzet, nous som-mes restés fidèles aux prothèses de zweimuller (cotyle vissé, tige droite). Cette prothèse existe dans des tailles très rédui-tes dites japonaises (Fig. 6). Pour le genou, si les coupes res-pectent les plans latéraux, nous utilisons des prothèses de resurfaçage souvent postérostabilisées. Si l’enfant est très petit, nous avons recours aux implants sur mesure.

Pour les membres inférieurs, des programmes de recons-truction et de reverticalisation à quatre prothèses sont par-fois nécessaires (Fig. 7). A ce jour ce programme a été mené a terme à vingt reprises avec des résultats très intéressants à condition d’entretenir la fonction par de la rééducation. Un problème reste important, la jonction entre les tiges pro-thétiques. La solution que nous avons choisi et qui donne des résultats très satisfaisants est le renfort de principe du fémur par plaque, allogreffe avec des baguettes de tibia et cerclage. L’incorporation est surprenante de qualité et re-donne un stock osseux solide.

Le rachisCette structure particulière nécessite une analyse spé-

cifique car trois sortes de problèmes se posent : les insta-bilités et compressions cervicales menaçant la moëlle, les tassements vertébraux multiples liés à l’ostéoporose et les scolioses.• rachis cervicalL’atteinte des articulations postérieures du rachis cervical entraine souvent une fusion mais parfois une instabilité par destruction des appuis osseux et des ligaments. En outre, lorsqu’il existe un bloc vertébral étendu les contraintes sont reportées aux limites du bloc entrainant une hypersollicita-tion qui accentue l’instabilité.

Fig. 5 : coxite bilatérale avec destruction des 2 hanches. Protrusion iliaque des moignons de tête

Fig. 6 : arthroplastie totale de hanche bilatérale avec des prothèses sans ci-ment de type Zweimuller qui ont notre préférence. Le cotyle est vissé, la tige

fémorale est droite

Fig. 7 : compression médullaire chez un enfant de 8 ans atteint d’une AJI dans une forme systémique depuis l’âge de 4 ans. Il se plaignait de cervicalgies, et de craquements avec sensations de décharges électriques dans les membres inférieurs. Un tableau de déficit tétraparétique moteur s’est installé.Les radiographies dynamiques du rachis cervical de profil montrent une mobi-lité assez importante en C4-C5 entre deux blocs C2-C4 et C5-C7 (a et b).L’examen en IRM montre une compression médullaire postérieure à l’étage C4-C5 (c). A l’intervention on a trouvé un volumineux kyste synovial avec débris fibrineux qui faisaient hernie dans le canal médullaire.Au recul de 16 ans, disparition de tous les troubles après laminectomie et arthrodèse par greffon tibial C2 C7 (d)

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Le Chirurgien orthopédiste pédiatreet les Arthrites Juvéniles Idiopathiques (AJI)

par S. Pannier, Z. Péjin, T. Odent, D. Médevielle, M. Bercovy et C. GlorionOn voit donc des luxations ou des instabilités qui peuvent entrainer des lésions médullaires, soit par compression, soit par contusion répétée (Fig. 7). Ces instabilités doivent être recherchées systématiquement avant toute anesthésie gé-nérale par des radiographies dynamiques.Le traitement est chirurgical, par arthrodèse, éventuelle-ment après décompression par laminectomie.• Les tassements vertébrauxLes tassements vertébraux étagés entraînent une cyphose mais rarement une compression médullaire. Les quelques cas qui avaient présenté des signes neurologiques ont été rapidement soulagés après une immobilisation immédiate en décubitus et coquille plâtrée. Le traitement comporte ensuite une reverticalisation progressive en corset aussi pré-coce que possible, dès l’indolence obtenue, car l’immobilisa-tion prolongée aggrave l’ostéoporose et la fragilité osseuse. Le corset est supprimé progressivement après 3 à 4 mois. La reconstruction vertébrale chez l’enfant jeune est spectacu-laire surtout si le traitement a pu être adapté.

• Les scoliosesLa fréquence des scolioses dans la population des ACJ semble plus importante que dans la population générale. Lorsqu’elles sont évolutives, le traitement orthopédique est nécessaire mais pas toujours réalisable. Il faut donc parfois intervenir pour réaliser des redressements arthrodèses avec greffe et fixation métallique comme dans les scolioses idio-pathiques graves.

Conclusions Les résultats de la chirurgie de l’AJI sont encourageants, mais ne sont acquis qu’au prix de séquences thérapeutiques lourdes et longues.Il faut donc absolument développer la prévention des des-tructions articulaires par la physiothérapie précoce et par des traitements locaux précoces et répétés. C’est redire la nécessité d’associer le Chirurgien Orthopédis-te Pédiatre et ses Collaborateurs au suivi pluri-disciplinaire

des patients et aux décisions thérapeutiques.La conservation des fonctions primordiales de la vie cou-rante et la scolarisation sont des objectifs raisonnables et accessibles à tous les enfants porteurs d’AJI.Références1. TOUzET PH, PrIEUr AM, MErCKX J. La chirurgie de l’Arthrite. Chronique Juvénile. Pédiatrie, 1991:173-872. KONTTINEN YT, BErGrOTH V, LUNNAMO I, HAAPAASArI J. The value of biopsy in patients with monoarticular juvenile rheumatoid arthritis of re-cent onset. Arthritis Rheum 1986;29:47-533. PrIEUr AM, FOUSSET L, TOUzET PH. Les synoviorthèses à l’hexacétonide de triamcinolone. A propos de 107 articulations traitées chez 50 enfants. Acquisitions Rhumatologiques. Simon L, ed. MASSON. PArIS 1986, p.47-514. JACOBSEN ST, LEVINSON JE, CrAWFOrD AH. Late results of synovec-tomy in juvenile rheumatoid arthritis. J Bone Joint Surg, 1985;67-A:8-155. rYDHOLM U, ELBOrGH r, rANSTAM J et al. Synovectomy of the knee in juvenile chronic arthritis, a retrospective, consecutive follow-up study. J Bone Joint Surg, 1986;68-B:223-286. KVIEN TK, PAHLE JA, HOYErAAL HM, SANDSTAD B. Comparison of syn-ovectomy and no synovectomy in patients with Juvenile rheumatoid Ar-thritis. Scand J Rheumatology 1987;16:81-917. BATICLE M, COMMArE MC, GLOrION CH, HUEL F, PrIEUr AM, TOUzET PH. rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique ; Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Kinésithérapie-Médecine physique-réadaptation, 26-290-A-20, 2000, 14p.8. TOUzET PH. Le pied rhumatismal de l’enfant. Chirurgie Orthopédique du pied (enfant-adolescent) monographie du G.E.O.P. (Moulies D, Tanguy A, Eds) Sauramps Medical 1988, Montpellier, 391-4029. JOUrNEAU P, TOUzET PH, PrIEUr AM, rIGAULT P. Les prothèses to-tales de hanche dans les arthrites inflammatoires chroniques chez l’en-fant et l’adolescent. revue d’une série de 34 prothèses. Rev Chir Orthop 1996;82:508-510. ODENT T, JOUrNEAU P, PrIEUr AM, TOUzET P, POULIQUEN JC, GLO-rION C. Cementless hip arthroplasty in juvenile idiopathic arthritis. Pediatr Orthop 2005, 25,465-7011. SVANTESSON H, MArHAUG G, HAEFFNEr F. Scoliosis in children with juvénile rheumatoid arthritis. Scand Rheumatol 1981;10:65-68

Disponible sur : www.livres-medicaux.comhttp://www.livres-medicaux.com/lecon-d-histoire-et-d-epistemo-logie-medicales-sciences-humaines-en-medecine.html

Cet ouvrage présente les différentes approches que l’on peut faire de l’épistémologie mé-dicale.Dans la première partie, les bases philosophiques et épistémologiques de la pensée scientifique sont exposées et éclairent les fondements de nos connaissances médicales.Les rapports entre histoire de la médecine et construction du savoir constituent la deuxième partie.religion, culture populaire, développement de l’anatomie et de la chirurgie, qui sont à l’ori-gine de la médecine moderne, sont mis en relation avec l’évolution de la pensée médicale.Enfin, la troisième partie montre comment le médecin et le chirurgien sont directement acteurs de l’évolution épistémologique de leur discipline.Certains paradigmes médicaux changent et des théories non fondées peuvent persister.

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Aspect technique particulier :la prothèse totale de genou dans l’Arthrite Juvénile Idiopathique

par M. Bercovy et C. Glorion

Lorsqu’elle arrive au stade de l’indication prothétique, l’atteinte articulaire de l’arthrite chronique juvénile va re-grouper toutes les difficultés qu’un chirurgien puissent ren-contrer dans la réalisation d’une prothèse de genou.En effet, la destruction du genou de l’arthrite chronique ju-vénile, associe une destruction articulaire à des anomalies morphologiques des épiphyses et notamment des condy-les, liée au fait que la maladie intervient tôt au cours de la croissance de l’enfant et déforme les épiphyses articulaires en particulier les condyles et par conséquent les glènes ti-biales en regard. Ceci entraîne des malpositions très inha-bituelles de la rotule mais également de grandes déviations angulaires, le plus souvent en valgus pouvant atteindre des angles supérieurs à 20°, valgus associé à des flexums impor-tants liés aux rétractions tendineuses (Fig. 1, 2a et 2b).

A ces déformations de l’articulation du genou s’ajoutent les déformations associées d’autres articulations en particulier, l’atteinte de la hanche avec des flexums qui retentissent sur le flexum du genou et l’entretiennent.

Outre ces aspects morphologiques, la trophicité des tissus est altérée par la corticothérapie : la qualité mécanique de l’os est très faible, il existe une fragilité cutanée au moindre contact avec des risques de nécrose cutanée liés aux posi-tions et aux maintiens per-opératoires. Les articulations sus et sous jacentes sont le plus souvent atteintes, notamment au niveau du pied avec des troubles rotationnels et un en-raidissement.

Une fois que tous ces paramètres sont étudiés, que les pré-ventions de ces complications ont été planifiées, que l’indi-cation opératoire est posée, se discute le choix de la prothè-se. Il s’agit de prothèse totale du type les plus simples, pos-téro-stabilisées, ou parfois contraintes avec une charnière. Cependant, il est fréquent que les prothèses doivent être fabriquées sur-mesure pour ces patients dont la dimension articulaire est inférieure aux plus petites tailles de prothèses disponibles. Ces mensurations doivent être prévues long-temps à l’avance compte tenu des délais de réalisation de ces implants. Cependant, il n’est pas nécessaire de choisir des implants sophistiqués et une diminution de taille ho-mothétique est le plus souvent suffisante.

Fig. 1 : la fragilité de l’os, les pertes de substances (a) obligent à utiliser des implants de taille réduite (b) parfois sur mesure et si possible non contraints si les coupes respectent les éléments latéraux (c)

Fig. 2a : ce garçon de 16 ans a une forme polyarticulaire sévère. Il a perdu la marche depuis 4 ans et a constitué des attitudes vicieuses sévères

des genoux avec des hanches abimées mais mobiles et indolores.

Fig. 2b : une arthroplastie bilatérale des genoux a permis de corriger l’attitude vicieuse et redonner une verticalisation avec une autonomie d’intérieur qui per-siste avec un recul de 10 ans. Les prothèses étaient sur mesure et contraintes en raison de l’importance des coupes nécessaires à la correction de l’attitude vicieuse. Le nerf sciatique a été contrôlé des 2 côtés en raison de l’importance du valgus.

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Aspect technique particulier :la prothèse totale de genou dans l’Arthrite Juvénile Idiopathique

par M. Bercovy et C. GlorionLorsqu’il existe une atteinte de la hanche homolatérale et no-tamment un flexum, cette dernière sera opérée en premier. Lorsqu’il existe une atteinte des 2 genoux avec un flexum des 2 genoux, les 2 genoux devront être opérés soit dans le même temps opératoire, ce que nous faisons parfois, soit dans 2 temps très rapprochés, afin que le flexum persistant d’un côté ne retentisse pas sur le genou opéré. Les interventions se font généralement sans garrot. L’ins-tallation des jeunes patients sur la table doit être particu-lièrement précautionneuse afin d’éviter les risques de com-pression aux points d’appui. De même, les assistants doivent être prévenus que le maintien du segment jambier et le po-sitionnement des écarteurs cutanés doivent être faits d’une main légère.L’abord articulaire est classique, et nous le faisons générale-ment par voie para-patellaire interne. L’exposition de l’articu-lation est difficile car il existe des adhérences souvent com-plètes des surfaces articulaires entre elles, adhérences dont la dureté est supérieure à la résistance de l’os sous jacent. Toute manœuvre incontrôlée ou violente pour mobiliser le genou risque d’arracher un fragment osseux important, tant que les adhérences ne sont pas supprimées. Ces dernières devront être donc libérées progressivement sur toutes les surfaces articulaires jusqu’à la face postérieure des condy-les et dans les gouttières. La libération devra être poursuivie loin en arrière, mais par chance le périoste garde une consis-tance assez solide et une continuité avec la capsule peut être conservée, ce qui rend cette dissection moins risquée. De même lorsqu’il existe des déviations dans le plan frontal, le décollement des insertions ligamentaires avec le périoste est souvent possible et sans les mêmes conséquences que pour la chirurgie de l’adulte. Lorsque les corrections importantes de valgus et de flexum sont associées, un abord premier du nerf SPE doit être envi-sagé afin de contrôler sa tension et sa libération. La création des espaces en extension et en flexion devra évi-ter de faire de trop importantes résections osseuses, car on risquerait de couper les plans distaux en zone métaphysaire. Il faut donc libérer très progressivement et soigneusement le périoste et la capsule articulaire afin d’avoir l’espace arti-culaire suffisant pour placer le matériel prothétique. L’implantation du matériel prothétique en elle-même ne pose pas de problème particulier, si l’on a pris la précaution de prévoir un matériel aux dimensions du patient, ce qui est assez facile actuellement avec les instrumentations sur-me-sure.

Le cimentage des implants est utilisé, mais il est parfois pos-sible d’utiliser des implants non cimentés qui auront une bonne fixation à l’os s’ils sont mis en charge progressive-ment.Le resurfaçage rotulien est de mise dans la mesure où il est techniquement possible. Cependant, il arrive fréquemment que les rotules soient très basses, incluses dans l’interligne articulaire, ou que la mise en place d’un médaillon rotulien entraîne une surépaisseur de l’espace fémoro-patellaire an-térieur. Dans ces cas, il vaut mieux éviter le resurfaçage et chez ces patients peu actifs, nous n’en n’avons pas eu d’in-convénients secondaires. La fermeture et la protection cuta-nées devront être particulièrement soigneuses.Enfin, et c’est une des difficultés principales de cette chirur-gie, il arrive fréquemment que coexistent sur le même seg-ment fémoral, une tige de prothèse de hanche et une tige de prothèse de genou arrivant à quelques centimètres l’une de l’autre. Le segment libre est de qualité mécanique rédui-te, et l’on risque de rencontrer des fractures entre les deux tiges prothétiques (Fig. 3a). C’est pourquoi notre préférence est de faire une chirurgie préventive par plaque + greffe, ou greffe en sandwich pontant les deux extrémités osseuses (Fig.3b). Ce geste est réalisé en fin d’intervention et nous la recommandons vivement afin d’éviter les difficultés parfois insolubles d’une fracture entre les deux tiges.

Fig. 3 : le fémur est fragile entre 2 tiges prothétiques et cette adolescente a frac-turé sa diaphyse dans son lit (a). Pour prévenir cet incident, nous faisons un renforcement du fémur par une plaque latérale, des baguettes d’allogreffe de tibia et des cerclages (b). L’incorporation des greffons est spectaculaire. Cette méthode a fait ses preuves sur huit fémurs.

L’essentiel de la librairie médicale et paramédicale en ligne

www.livres-médicaux.com

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Rééducation et Arthrite Juvénile Idiopathiquepar H. Descamps et M. Baticle

Le volet rééducation s’intègre dans le projet thérapeuti-que de l’enfant atteint d’AJI à tous les stades de la prise en charge pour récupérer ou préserver la fonction. Sa mise en œuvre s’appuie sur la connaissance du mécanisme physio-pathologique et sur une bonne appréciation de l’état local articulaire, de l’état général de l’enfant et de son environ-nement. Pour une meilleure efficacité, il est souhaitable de proposer à l’enfant et sa famille un programme d’éducation thérapeutique spécifique initié par une équipe pluridiscipli-naire.

Mécanisme physiopathologiqueL’atteinte articulaire débute par une synovite qui peut

évoluer vers une destruction du cartilage articulaire et s’ac-compagner d’une rétraction des parties molles. Clinique-ment cela se traduit par une douleur de type inflammatoire responsable d’attitude antalgique avec raideur et risque d’évolution vers une attitude vicieuse irréductible. La réédu-cation intervient à titre préventif pour éviter cet enraidisse-ment de l’articulation en mauvaise position et à titre curatif pour réduire une attitude vicieuse.

Projet ThérapeutiqueLes indications reposent sur un bilan précis et utilisent

des techniques adaptées à chaque cas.

• Le bilanIl débute par un interrogatoire sur le début des symptômes et leur évolution afin d’apprécier le type d’atteinte, le stade évolutif de la maladie, le retentissement fonctionnel dans la vie quotidienne, les thérapeutiques médicamenteuses en cours.Le bilan articulaire et musculaire évalue la douleur, les limi-tations, les déformations et attitudes vicieuses, l’instabilité, l’importance de l’amyotrophie. Il faut tenir compte du fait que les mesures ne sont pas toujours reproductibles, diffé-rentes au cours de la journée, en particuliers en raison des problèmes de dérouillage matinal.

Le bilan fonctionnel apprécie le degré d’autonomie, les inca-pacités éventuelles, les troubles de la marche, des activités ludiques, scolaires et sportives.

• Les techniquesLa priorité est d’apprécier et traiter la douleur par médica-ment, massage, drainage lymphatique. Et aussi par le repos, la décharge éventuelle et par des applications d’envelop-pement chaud ou bain chaud en particulier le matin pour un meilleur « dérouillage ». Les mobilisations articulaires doivent rester infra douloureuses et s’accompagner d’entre-tient musculaire isométrique ou actif aidé (en phase chaude, aigue) ou de renforcement et récupération (en phase froide). Les mouvements sont effectués à vitesse lente de manière analytique en permettant une décompression des articu-lations pour limiter la douleur. Après repos en décharge, la marche est reprise progressivement avec des aides techni-ques de déambulation, parfois sur table de verticalisation, balnéothérapie, draisienne (Fig. 1 et 2). Les orthèses interviennent pour la mise en repos ou pour récupérer une déformation (orthèses correctives progres-sive à secteurs, parfois plâtres successifs) Elle peuvent être à visée fonctionnelle ou dynamique (mains). Les rééduca-teurs sont sollicités pour la kinésithérapie, l’ergothérapie, la psychomotricité, la balnéothérapie, la relaxation…Des aides techniques sont proposés, les activités scolaires, ludiques et sportives sont encadrées au cas par cas.

• Les indicationsdépendent de l’état général, de la phase d’activité (aigue, chaude ou chronique, froide) du type d’atteinte et bien sûr du siège.

La hancheL’attitude vicieuse à prévenir est le plus souvent la flexion, adduction et rotation interne. En phase aigue, il faut mettre l’enfant en décharge au mieux avec traction et faire un entretien musculaire régulier.

Fig. 1 : la rééducation de ces enfants demandent des structures adaptéeset du matériel comme cette draisienne (trottinette à siège), plan incliné et ta-ble de posture

Fig. 2 : la balnéothérapie dans une piscine chaude est importante pour apporter le dérouillage

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En phase froide, l’enfant reprend l’appui progressivement sur table de verticalisation et par décharge partielle en uti-lisant une draisienne qui facilite le bon alignement muscu-laire ainsi qu’un renforcement musculaire. Les muscles à ren-forcer sont les fessiers, les quadriceps et les ischio-jambiers.

Le genouIl se déforme en flexion du fait des déséquilibres tensionnels des plans capsulaires et musculo-aponévrotiques posté-rieurs avec amyotrophie secondaire du quadriceps. En phase aigue, il faut mettre l’articulation au repos par dé-charge et orthèse cruro-jambière d’extension de port per-manent ou nocturne. Il faut entretenir le quadriceps de fa-çon isométrique, puis actif aidé.En phase froide, la déformation la plus fréquente est le fles-sum de genou avec subluxation postérieure du tibia sous le fémur qu’il faut réduire en décomprimant par manœuvres réalisées en prises courtes, en glissant d’arrière en avant le tibia sous le fémur (Fig. 3). Il est parfois utile de mettre des tractions intermittentes ou continues, ou faire une correc-tion progressive par orthèse à secteur ou plâtre successif. La marche est reprise sous couvert d’une genouillère jusqu’à l’obtention d’un renforcement du quadriceps permettant un verrouillage suffisant.

La cheville et le piedLa déformation est le plus souvent en équin avec varus du calcanéum. Se surajoute une inversion au niveau de la mé-diotarsienne (pied en hélice) ayant pour effet de creuser l’ar-che interne tout en reportant l’appui sur le rayon externe. Les orteils sont en griffe. Parfois, le pied se déforme en pied plat valgus avec limitation de la flexion plantaire.En phase aigue, la mise au repos et la décharge sont obliga-toires. La cheville est installée dans une botte à 90° en es-sayant de bien contrôler la position de l’arrière pied..En phase froide, l’appui est repris parfois avec une semelle orthopédique répartissant bien l’appui ou des coques talon-nières. Une orthèse anti équin de repos peut être maintenue la nuit. La marche avec déroulement du pas et un travail à visée proprioceptive sont entrepris.

Le membre supérieurL’épaule se déforme en adduction, rotation interne et flexion ; le coude en flexion et limitation de la pro supina-tion; le poignet et la main en flexion, déviation cubitale ou radiale, parfois luxation radio- cubitale en touche de piano. S’y associent selon les cas un remaniement osseux, une amyotrophie et des rétractions musculaires avec déficit des muscles antagonistes. Au niveau des mains, ces déséquili-bres sont responsables de déformations des doigts en « bou-tonnière », « col de cygne », « pouce en Z ». Ces atteintes sont particulièrement gênantes dans les for-mes généralisées car elles compromettent l’utilisation des cannes pour la reprise de la marche et perturbent les actes quotidiens (habillage, toilette…).En phase aigue, l’épaule est installée en abduction à 90° et en rotation externe ; le coude en extension et en pronation ou supination en fonction de la limitation ; le poignet et la main sont maintenus le plus proche possible de la position de fonction. On utilise pour cela des coussins de positionne-ment ou des orthèses de repos.En phase froide, il faut récupérer les amplitudes, renforcer les muscles avec des techniques de mobilisations qui doi-vent être analytiques avant d’être globales.L’ergothérapie tient une place importante, il faut rechercher les adaptations les plus rentables en termes d’économie ar-ticulaire. Dans la journée, on peut mettre en place des orthè-ses de correction ou de fonction spécialisée (Fig. 4), la nuit des attelles de repos.

Le rachisAu niveau du rachis cervical, se développe une inversion de courbure avec projection de la tête en avant et limitation des rotations. Au niveau du rachis dorsolombaire, l’attitude en cyphose totale est la plus fréquente avec surmenage de la charnière cervico-dorsale pour rattraper l’horizontalité du regard.En phase aigue, il faut installer l’enfant en décubitus dor-sal avec un oreiller peu épais et décubitus ventral, alternés. Au niveau cervical, on peut être amené à mettre un collier

Fig. 3 : pour lutter contre les attitudes vicieuses, il faut agir passivement et acti-vement et conserver les résultats par des postures nocturnes avec des attelles

Fig. 4 : les poignets sont efficacement maintenus par des attelles permettant que les doigts utilisent de façon optimum les nouveaux « outils » de rééduca-tion

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cervical plus ou moins rigide, une minerve à plastron, une traction par halo ou plâtre halo-cast en post opératoire. Au niveau dorsolombaire, un corset de maintien.En phase froide, il faut lutter contre l’attitude préférentielle en cyphose globale par un entretient musculaire régulier, une bonne installation diurne (scolaire) et nocturne, dans des cas exceptionnels mettre en place un corset anti cypho-se. Parfois, en cas de rétraction des fléchisseurs de hanche, le bassin se place en antéversion provoquant une hyperlor-dose lombaire.

Prescription de rééducation motriceDouleur, raideur, attitude vicieuse et amyotrophie peu-

vent se conjuguer pour aboutir à une perte de l’autonomie. Lors d’une poussée inflammatoire, la rééducation motrice doit être régulière et poursuivie jusqu’à récupération d’une fonction normale. Elle est réalisée à long terme en cas d’at-teinte séquellaire ou chronique. Elle doit être entreprise au mieux par un kinésithérapeute compétent, apte à adapter son protocole de rééducation en fonction de la phase évolu-tive. Un modèle d’ordonnance type peut l’aider :

A L’ATTENTION DU KINESITHERAPEUTE

Séances de rééducation motriceBalnéothérapie si possibleEn phase chaude (articulation inflammatoire, douloureuse) :

Support antalgique, glace ou enveloppement chaud•Mobilisation infra-douloureuse des articulations dans le maximum des amplitudes sans forcer en traction, dé coap-•tation et prises courtesTravail en passif puis actif aidé•Entretien isométrique des muscles.•Placer l’articulation en position de repos le plus près possible de la position de correction ou de fonction•

En phase froide (absence de poussée en cours) :Mobilisation active des articulations, récupération des amplitudes, postures•renforcement musculaire•récupération fonctionnelle (marche) et reprise de confiance•Auto postures et auto étirements•

Dans tous les cas : Favoriser le mouvement de façon ludique (tapis, coussin, ballon…)•Apprentissage d’autoexercices, de dérouillage matinal•Education de l’enfant et sa famille•

Orthèses et aides techniques : il faut préciser les conditions d’utilisation, la durée de port et les surveiller régulière-ment.

Education ThérapeutiqueActuellement, pour aider l’enfant et sa famille à être par-

tie prenante dans la prise en charge de la maladie, il est sou-haitable de leur proposer d’intégrer un programme d’éduca-tion thérapeutique. Ce programme comporte un diagnostic thérapeutique, un contrat et une évaluation régulière. Des outils sont proposés : explications orales, supports écrits, apprentissage de manœuvres d’assouplissement, d’autoéti-rement, d’autoposture, d’utilisation d’orthèses et aides tech-niques. Ces supports sont fournis en consultation ou sous forme d’ateliers animés par des médecins et des paramédi-caux.

ConclusionL’Arthrite Juvénile Idiopathique est une maladie chronique qui peut détériorer profondément la qualité de vie de l’en-fant. Une rééducation bien conduite doit permettre d’éviter ou limiter les séquelles. Pour chaque enfant, il est important de définir un projet précis, au mieux décidé en équipe plu-ridisciplinaire, adapté à chaque cas pour mettre en place des aides techniques, une éducation gestuelle et pour aider l’enfant à gagner en autonomie et, en fonction de ses mo-tivations, à choisir une orientation scolaire, professionnelle, sportive…