LA GESTION DES PARTENARIATS D'EXPLORATION : SPÉCIFICITÉS, CRISES ET FORMES DE RATIONALISATION - THESE SEGRESTIN

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    ECOLE DES MINES

    DE PARIS

    Collge doctoral

    N attribu par la bibliothque

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    T H E S E

    pour obtenir le grade deDocteur de lEcole des Mines de Paris

    Spcialit Sciences de Gestion

    prsente et soutenue publiquement parBlanche SEGRESTIN

    le 12 Mai 2003

    LA GESTION DES PARTENARIATS D'EXPLORATION :SPCIFICITS, CRISES ET FORMES DE RATIONALISATION

    Directeur de thse : Armand HATCHUEL

    Jury

    Philippe Doublet Directeur adjoint des avant-projetschez Renault

    Yves Doz Professeur l'INSEAD

    Armand Hatchuel Directeur de thse Professeur l'Ecole des Mines deParis

    Alain-Charles Martinet Rapporteur Professeur l'Universit deLyon III

    Christophe Midler Rapporteur Directeur de recherche au CNRS

    Evelyne Serverin Directeur de recherche au CNRS

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    Avertissement

    L'Ecole des Mines de Paris n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions mises dans cette thse. Ces

    opinions doivent tre considres comme propres l'auteur.

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    Remerciements

    Cette thse rsulte de travaux que j'ai eu l'opportunit de mener avec diffrents collgues du CGS.

    Armand Hatchuel l'a dirige et je tiens lui tmoigner toute ma reconnaissance pour avoir accompagn ce

    travail pendant plusieurs annes. J'ai considrablement appris ses cts, et les rsultats prsents ici

    doivent beaucoup aux thories qu'il a dveloppes. Ses intuitions et ses conseils, parfois dconcertants

    mais toujours trs stimulants, m'ont t extrmement prcieux.

    Je tiens galement remercier l'ensemble des membres du CGS, avec qui j'ai pris beaucoup de plaisir

    travailler. J'ai notamment bnfici de l'attention constante de Benot Weil et de la force de ses analyses.Qu'il en soit vivement remerci. Merci aussi Franck Aggeri, Pascal Lemasson, Philippe Lefebvre et

    Frdric Kletz pour les discussions que nous avons pu avoir et leurs conseils inestimables. Je souhaite que

    ces changes se poursuivent avec la mme intensit.

    Les dialogues avec de nombreux chercheurs m'ont par ailleurs aide prciser et enrichir certaines ides.

    Je souhaite en particulier remercier Mari Sako (Sad Business School), Evelyne Serverin et Thierry Kirat

    (IDHE), Suzan Morhman (Marshall School of Business), Bo Heiden (CIP), Christophe Midler (CRG) et

    l'ensemble des membres du jury.

    Ma reconnaissance va galement tous ceux qui nous ont permis de mener des recherches-interventions.

    Georges Amar la RATP, Jean-Claude Monnet et Philippe Doublet chez Renault nous ont fourni

    l'occasion d'tudier des projets passionnants, et par suite de formaliser les analyses prsentes ici. Merci

    galement nos collgues sudois de Fenix, et tout particulirement Cassandra Marshall, avec qui les

    changes sur le cas de Telia ont t trs riches.

    Merci enfin, mes proches et tous ceux avec qui, de prs ou de loin, j'ai pass ces dernires annes ; je

    leur suis trs redevable.

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    Sommaire

    INTRODUCTION : CRISES ET ACTUALIT DE LA COOPRATION INTERENTREPRISES 9

    I- LA COOPRATION INTERENTREPRISES: CRISES ET PERSPECTIVES 13

    II- ETUDIER LES RATIONALISATIONS EN COURS: PRSENTATION DES CAS ET SYNOPSIS DE LA THSE 22

    PARTIE I : COOPRER EN SITUATION D'EXPLORATION, UNE APPROCHE PAR LES RGIMES

    DE CONCEPTION 45

    I- LES LIMITES DES APPROCHES CLASSIQUES 47

    II- ADOPTER LE POINT DE VUE DE LA CONCEPTION POUR TUDIER DES OBJETS MERGENTS 58

    III- UN CADRE D'ANALYSE DE LA COOPRATION: COORDINATION ET COHSION 64

    IV- CONCLUSION 83

    PARTIE DEUX : LES MCANISMES DE COORDINATION ; QUELS PRINCIPES POUR LESSITUATIONS D'EXPLORATION ? 89

    I- LIMITES DES MTHODES TRADITIONNELLES FACE AUX SITUATIONS D'EXPLORATION 93

    II- VERS DE NOUVEAUX PRINCIPES DE COORDINATION POUR L'EXPLORATION 136

    III- CONCLUSION: L'EXPLORATION OU LA CONSTRUCTION DE VIRTUALITS ACTUALISER 181

    TROISIME PARTIE: LES CONDITIONS DE L'EXPLORATION COLLECTIVE ; VERS UN

    AFFECTIO PRO SOCIO ? 189

    I- APERU DES THSES CLASSIQUES : LA DFINITION DU CADRE DE COHSION COMME PRREQUIS POUR L'ACTION 193

    II- L'INDTERMINATION DES CADRES DE COHSION DANS LES RGIMES INNOVANTS 204

    III- ENGAGER L'ACTION SANS S'ENGAGER: UNE GAGEURE ? 223IV- DE NOUVEAUX DISPOSITIFS DE COHSION: DE L'AFFECTIO SOCIETATIS L'AFFECTIO PRO SOCIO ? 233

    V- CONCLUSION: L'EXPLORATION OU LA CONSTRUCTION DES CONDITIONS DE COLLECTIFS FUTURS 241

    PARTIE QUATRE : LES TECHNIQUES DE GESTION ENTRE COORDINATION ET COHSION245

    I- LA DOUBLE PRCARIT : DES SITUATIONS DE COUPLAGE FORT ENTRE COORDINATION ET COHSION 248

    II- LES PARTENARIATS D'EXPLORATION: LMENTS DE TYPOLOGIES 253

    III- VERS UNE INGNIERIE DU COUPLAGE? 263

    PARTIE CINQ : MODLES DE GESTION ET VOLUTIONS DU DROIT ; VERS UN CADRE

    LGAL POUR LES PARTENARIATS D'EXPLORATION ? 285

    I- LE DROIT FACE L'MERGENCE DES PARTENARIATS D'EXPLORATION: UN REGARD GESTIONNAIRE 288II- LES VOLUTIONS DU DROIT EN QUTE DE FLEXIBILIT 294

    III- LES DANGERS D'UN DROIT "FLEXIBLE" : QUELQUES HYPOTHSES POUR UN CONTRAT SPCIAL D'EXPLORATION 305

    CONCLUSION GNRALE 321

    ANNEXES : APERU DES CAS EMPIRIQUES 333

    BIBLIOGRAPHIE 351

    TABLE DES MATIRES GNRALE 367

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    INTRODUCTION :

    CRISES ET ACTUALIT DE LACOOPRATION INTERENTREPRISES

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    Introduction : Crises et actualit de la coopration interentreprises

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    INTRODUCTION : CRISES ET ACTUALIT DE LA COOPRATION INTERENTREPRISES 9

    I- LA COOPRATION INTERENTREPRISES: CRISES ET PERSPECTIVES 13

    I-1. L'actualit renouvele de la question : de nouveaux objets de coopration 13

    A- L'explosion des cooprations dans le domaine de la recherche et du dveloppement 14

    B- L'inter-firmes comme le lieu privilgi de l'innovation et de l'laboration des stratgies ? 16

    I-2. L'inter-firmes en proie des dstabilisations majeures 17

    A- L'entreprise en crise ? 17

    B- La coopration en proie l'instabilit 18C- Des conflits de plus en plus frquents 19

    D- La gestion des processus de coopration : les nouvelles proccupations 20

    II- TUDIER LES RATIONALISATIONS EN COURS: PRSENTATION DES CAS ET SYNOPSIS DE LA THSE 22

    II-1. Questions de mthodes : une dmarche d'exploration 22

    A- Trois cas de recherches-interventions 23

    B- Mobilisation d'autres cas et mise l'epreuve : le principe d'inachvement 29

    II-2. Des cas empiriques rvlateurs de nouvelles pratiques 33

    A- Un panel vari de rgimes de conception 33

    B- Les processus de coopration : des modes de pilotage contingents aux rgimes de conception 36

    C- Les questions de recherche : formes des partenariats d'exploration et voies de rationalisation 40

    II-3. Organisation de la thse : plan d'ensemble 41

    A- Un cadre d'analyse pour tudier les cooprations d'exploration 42

    B- Techniques de pilotage et formes de rationalisation des partenariats d'exploration 42pastel00000601

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    Aprs les grands mots d'ordre sur l'entreprise tendue et les annonces successives de nouvelles res

    industrielles du rseau, toutes les formes de relations entre entreprises n'ont-elles pas t tudies, au point

    mme que les strotypes n'ont pas toujours t vits ? L'acclration de la mondialisation des changes a

    ainsi fond le modle de l'entreprise globalise, qui dmultiplie ses implantations, ses succursales ou ses

    entreprises allies pour tendre son march ou tirer parti des avantages comptitifs de chaque rgion

    (Joffre, 1994). Dans les annes 80, les conglomrats et les alliances internationales, sans pour autant

    disparatre, ont t relays par la forme du rseau comme systme de connexions extrmement denses : la globalisation, tait alors oppose l'efficacit de tissus locaux, de liens troitement enchevtrs, et le

    keiretsu japonais (Gerlach, 1992) ou le district industriel (Piore et Sabel, 1989) taient alors rigs en

    modles. Que ce soit sous sa version disperse et globalise ou sous sa version concentre et localise, le

    rseau est devenu une forme dominante de l'organisation conomique. La coopration entre entreprises

    relve ds lors du lien social horizontal (Aoki, 1987), o priment la confiance et l'efficacit des

    comportements "bienveillants" (Axelrod, 1992, trad. de 1984). Surpris par l'ampleur des transformations,

    les observateurs ont, de multiples reprises, annonc le nouvel ge de la coopration, de l'entreprise

    virtuelle et des mta-organisations, dtrnant la fois les relations de concurrence hostiles et les structurespyramidales.

    Les contextes et les critres d'efficacit ont certes profondment volu et ont justifi, avec l'avnement de

    l'conomie de la varit et des nouvelles technologies de l'information, le renouvellement des formes de

    coopration et des doctrines organisationnelles. La notion de rseau, utilise pour dcrire les nouvelles

    formes d'organisation, prsente ainsi de nombreux avantages : elle permet une description relativement

    formelle des structures, tout en restant suffisamment flexible. Elle permet aussi d'aller plus loin dans les

    domaines o les rseaux ont une connotation matrielle et de dvelopper de nouveaux outils

    managriaux : la vague du Supply Chain Management, le e-procurementou le collaborative design donnent ainsi lieu

    une intense production d'outils logiciels censs relier tous les acteurs d'une chane de production ou de

    conception en temps rel, c'est--dire les faire accder aux mmes bases de donnes et aux informations

    relatives aux projets communs.

    La notion de rseau claire donc tout un ensemble de problmatiques de management (Butera, 1991,

    Esnault, 1996). Dans un tel contexte, peut-on encore prtendre dcouvrir du nouveau en matire de

    coopration entre entreprises ? La nouveaut d'un modle ne tiendrait-elle pas aujourd'hui aux dfaillances

    de notre mmoire et les pratiques que l'on prendrait pour nouvelles ne seraient-elles pas de simples

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    Introduction : Crises et actualit de la coopration interentreprises

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    rsurgences de pratiques plus anciennes ? Peut-tre. Le thme de la coopration interentreprises est en

    effet la mode depuis dj plusieurs dcennies. Toutefois, quelques signes nous donnent penser que les

    thories, quoiqu'enrichies en permanence, n'ont pas entirement puis la question, et restent centres la

    plupart du temps sur des activits relativement traditionnelles.

    Une forme de coopration particulire : les partenariats d'exploration

    L'objet de ce travail est de montrer qu'une forme de collaboration entre entreprises, sans doute trs

    ancienne et dterminante, a t insuffisamment tudie, voire occulte. Il s'agit donc de qualifier l'activit

    sous-jacente, l'exploration, et les formes de coopration correspondantes. Nous appellerons celles-ci les

    partenariats d'exploration, nous tenterons de justifier leur importance la fois d'un point de vue pratique et

    un niveau thorique, et d'indiquer en quoi leur caractrisation peut-tre fconde. Dans la nouvelle donne

    conomique fonde sur la comptition par l'innovation et la personnalisation des services et des produits,

    les entreprises sont sommes de mener des investigations de plus en plus en amont sur de nouveaux

    potentiels de valeur. L'exploration consiste pour nous en cette activit d'investigation et de reconnaissance

    de nouveaux champs d'action ou, plus spcifiquement, de "champs d'innovation" (Fixari et Hatchuel,

    1998, Aggeri, Fixari et Hatchuel, 1998). Cette activit est ncessairement collective, d'autant plus qu'elle

    concerne des objets qui mobilisent plusieurs disciplines, mlent diffrentes problmatiques et ne rentrent

    pas forcment dans les catgories habituelles de comptences. Elle ne porte ni sur des produits tangibles,

    ni sur des projets clairement tablis : elle vise au contraire cerner des potentiels d'action. De la mmemanire, l'exploration collective ne se droule pas forcment dans des groupements constitus : les acteurs

    cherchent au contraire valuer les collectifs ncessaires et les formes de regroupement appropries.

    Aussi l'exploration collective ne se donne-elle pas facilement voir. Une telle activit a probablement

    toujours exist, mais nous pensons que l'importance croissante des partenariats d'exploration oblige

    reconsidrer les hypothses usuelles des modles de la coopration. Ceux-ci partent en effet le plus

    souvent d'objets connus ou de relations donnes pour analyser les modalits de coopration. Ils se

    rvlent insuffisants face des situations o projets et relations ne sont pas pralablement connus, maisdemandent tre conus. Il y a donc un enjeu thorique important rviser nos cadres d'analyse de la

    coopration pour rendre compte des partenariats d'exploration.

    Ensuite, nous pensons qu'il y a galement un enjeu considrable soutenir l'exploration par l'identification

    de techniques de gestion appropries. De nombreux lments convergent en effet pour souligner certaines

    dfaillances des mthodes actuelles de gestion. De nombreuses crises sont reprables; elles tmoignent

    d'aprs nous du besoin de nouvelles expertises gestionnaires pour piloter les pratiques d'exploration

    collective.

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    Dans cette introduction, nous allons justifier l'utilit d'un nouvel examen de la question des cooprations

    interentreprises, tout en prenant acte de la somme des travaux dj effectus sur ce thme. Nous

    discuterons de quelques crises qui accompagnent la multiplication des cooprations en situation de

    conception et d'innovation. Cette volution des formes de coopration engendre de nombreuses crises.

    Diffrents cas empiriques renforcent ce constat et soulvent des questions nouvelles. Il s'agit donc dans

    un premier temps de mettre en vidence l'actualit la question de recherche (section I-), pour prciser nos

    questions de recherche et l'approche mthodologique retenue. Nous pourrons alors esquisser le plan de

    cette thse (section II-).

    I -

    LA COOPRATION INTERENTREPRISES : CRISES ET PERSPECTIVES

    La notion de "partenariat d'exploration" est issue d'un travail et de collaborations sur diffrents cas

    empiriques dans des secteurs varis, qui, malgr leur htrognit, sont sujets certains phnomnes dont

    la rgularit a motiv nos recherches. Avant de revenir sur ces observations empiriques, on peut mettre en

    vidence des tendances de fond qui modifient profondment les enjeux et la nature des liens entre

    entreprises (section I.1-). Le second lment qui ractualise la question de la coopration entre entreprises

    concerne les crises que celles-ci rencontrent : la modification en cours ne va manifestement pas sans poser

    de problmes (section I.2-).

    I-1.

    L'ACTUALIT RENOUVELE DE LA QUESTION : DE NOUVEAUX OBJETS DE

    COOPRATION

    Parmi les motifs qui incitent un examen des cooprations interentreprises, figure videmment la

    remarquable croissance du nombre des accords entre entreprises. Plusieurs tudes statistiques ont montr

    cette progression et la densit des liens qui unissent dsormais les entreprises. Aujourd'hui, plus aucune

    grande entreprise ne semble travailler de manire solitaire, on assiste au contraire une acclration du

    rythme des collaborations (Thorelli, 1986, Delapierre, 1991, Grandori et Soda, 1995, Gulati, Nohria et

    Zaheer, 2000, Jrgens, 2000). Fait plus remarquable encore peut-tre, les formes de coopration ont

    volu et la sphre de coopration s'est tendue depuis quelques dcennies pour intgrer des activits

    jusqu'ici conserves dans le giron de l'entreprise : les activits de conception, de recherche et de

    dveloppement font dsormais de plus en plus l'objet de collaborations entre entreprises. Cette section

    vise dcrire brivement ce tournant dans la nature des cooprations et dans les formes qu'elles revtent

    (A-), pour montrer alors combien ce n'est plus au sein des entreprises que se situent les nouveaux dfis

    conomiques, mais au niveau de l'inter-firmes (B-).

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    Introduction : Crises et actualit de la coopration interentreprises

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    A-L'EXPLOSION DES COOPRATIONS DANS LE DOMAINE DE LA RECHERCHE ET DU

    DVELOPPEMENT

    Comme le note J. Hagedoorn, les activits "amont" de l'entreprise, la recherche et le dveloppement de

    nouveaux produits en particulier, taient jusqu' rcemment considres comme celles pour lesquelles lesentreprises taient les plus rticentes cooprer (Hagedoorn, 2001). Ce sont en effet les activits qui

    fondent le cur stratgique des entreprises, a fortioridepuis que la comptition se joue sur les comptences

    dtenues par les entreprises, les innovations et le rythme de renouvellement des produits. Mais d'un autre

    ct, la pression et les exigences accrues sur ces activits ont pouss une rationalisation sans prcdent

    des activits de conception (Weil, 1999). Ds lors, les entreprises ont cherch partager les ressources et

    s'unir pour dvelopper leurs capacits d'innovation. Il s'agit par exemple de runir des investissements

    toujours plus importants, en particulier pour des technologies "gnriques" comme l'lectronique ou la

    biotechnologie, ou bien de partager les risques de recherches toujours plus incertaines, voire alatoires, ou

    encore de combiner des expertises disperses et de coordonner des stratgies de dveloppement pour des

    produits de plus en plus interdpendants comme en informatique (Teece, 1992).

    La globalisation et toutes les formes de coopration touchent donc depuis peu, mais un rythme qui n'a

    cess de s'acclrer, ces activits qui constituaient jusqu' prsent l'identit mme des entreprises et le cur

    de l'laboration de leur stratgie. Encore rcemment, la coopration concernait essentiellement la

    production, la commercialisation de produits, ou la coopration technique au stade de la concurrence : la

    coopration technique correspondait alors des changes de savoir-faire, des concessions de licence, des

    transferts de technologie, etc. Dsormais, on trouve de plus en plus de coopration un stade pr-

    concurrentiel de dveloppement. J. Hagedoorn a ainsi montr la formidable progression du nombre de

    partenariats en R&D au cours des 40 dernires annes (figure 1) (Hagedoorn, 1996, Hagedoorn, 2001).

    Figure 1 : croissance des nouveaux accords de coopration en R&D (Hagedoorn, 2001)

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    A cette explosion quantitative des accords, correspond une multiplication des formes prises par les

    collaborations. Mme dans le domaine des groupements civils (socits civiles, GIE, etc.), on note un

    clatement des catgories juridiques que le lgislateur a progressivement entrines : le mme mot de

    socit civile recouvre ainsi aujourd'hui des ralits bien diffrentes. La diversification des contrats de

    coopration est encore plus remarquable, avec des accords de licence, des contrats de sous-traitance, des

    projets de recherche conjoints, des entreprises communes comme les Joint Ventures Derrire

    l'opposition classique entre "equity Joint venture" (entreprise commune dont les capitaux sont partags1) et

    simple accord contractuel, se cache en fait une srie extrmement varie d'arrangements possibles, sans

    compter les liens informels qui ne font pas l'objet de contrats et qui, de fait, n'apparaissent dans aucune

    statistique. En l'occurrence, il faut peut-tre y voir l'explication du ralentissement relatif du rythme de

    crations de nouveaux accords depuis 1995 dans le schma prcdent : d'une part, Hagedoorn montre que

    la proportion de socits communes s'est effondre par rapport aux simples accords contractuels (voir

    figure 2) ; et d'autre part, la formalisation des relations n'est probablement plus systmatique, comme nousle verrons par la suite.

    Figure 2 : proportion de socits communes, (Hagedoorn, 2001)

    Cette extraordinaire varit des formes de contrats a donn lieu de nombreuses analyses, visant

    notamment dgager des corrlations entre le type de coopration et le secteur conomique concern ou

    le type de stratgie poursuivie (Miotti et Sachwald, 2002, Afuah, 1998). Sans rentrer davantage dans les

    dtails ce stade, il ressort de ce bref aperu un foisonnement des formes de coopration sur un objet

    neuf : l'extension de la sphre de coopration dans ces nouveaux domaines renouvelle de toute vidence

    l'attention leur gard.

    1Voir (Naulleau, 1993). En fait, la dfinition du terme de Joint Venturereste peu stabilise : pour (Baptista et Durand-Barthez,1991), les lments qui caractrise uneJoint Venturesont d'une part son caractre contractuel, d'autre part sa nature associative dufait du partage des moyens et des risques (mais sans apport ncessairement de moyens au sens d'une socit) et enfin le droit desparticipants intervenir dans la gestion commune par rapport un objectif la plupart du temps limit dans le temps.

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    B-L'INTER-FIRMES COMME LE LIEU PRIVILGI DE L'INNOVATION ET DE L'LABORATION

    DES STRATGIES ?

    Les observateurs et thoriciens ne s'y sont d'ailleurs pas tromps. On ne coopre plus seulement pour

    mettre au point ou concevoir un produit ensemble et grer ainsi les multiples problmes d'interfaces. Envogue notamment dans le secteur automobile, la stratgie du "co-dveloppement" a t distance par la

    coopration comme moyen de stimuler l'innovation et de capter de nouveaux marchs :

    - C'est via la coopration avec le client que l'on innove, car lui seul est en mesure de renvoyer des

    valuations rapides de nouveaux produits. Pour ne citer qu'un exemple, les communauts d'utilisateurs

    des systmes informatiques sont appeles cooprer dans le dveloppement, la mise au point et

    l'amlioration des systmes plus ou moins "open-source" (Sawhney et Prandelli, 2000). Mais on peut

    aussi rappeler que la connaissance du march local est galement, selon Kogut, ce qui motive les

    alliances avec des entreprises locales (Kogut, 1988).

    - La coopration est ensuite un vecteur de ractivit par rapport des marchs de plus en plus volatiles

    comme le textile. Plus proches du march, plus dynamiques, les entreprises de petite taille peuvent

    ainsi, lorsqu'elles se groupent, proposer une offre trs varie et audacieuse. A chaque saison, certaines

    entreprises verront leurs gammes de produits dlaisses par la clientle, mais elles pourront alors

    produire en sous-traitance les surplus de commandes des autres (Piore et Sabel, 1989).

    - Un autre argument souvent mis en avant relve de la complmentarit des ressources et de

    l'interdpendance des produits, une innovation ne pouvant que rarement tre introduite seule. On a

    aussi souvent insist sur les difficults des entreprises sortir, seules, d'un schma de produit stabilis

    et rouvrir les degrs de libert. Selon cette analyse, les petites structures et les nouveaux entrants

    sont en bien meilleure position pour proposer des innovations radicales avec des rorientations fortes

    par rapport aux entreprises dominantes. Du coup, chaque nouvelle gnration de produits

    correspondrait souvent un renouveau des entreprises dominantes (Henderson et Clark, 1990). Pour

    les entreprises en place, un des moyens de ne pas tre vinces consiste alors cooprer en amont

    avec de nouveaux entrants.

    - Plus en amont encore, la vitesse de dveloppement des nouvelles technologies, comme les

    technologies de l'information ou la biotechnologie, semble aller de pair avec la complexit des

    systmes et le montant des investissements consentis au niveau de la recherche. La coopration entre

    entreprises et avec les laboratoires de recherche constitue alors tout la fois le moyen de croiser des

    expertises trs pointues de disciplines varies et de partager les cots et les risques de recherches de

    plus en plus incertaines. Une premire configuration renvoie ce que l'on pourrait dcrire comme une

    constellation d'acteurs travaillant sur des domaines d'expertises trs spcialiss. La biotechnologie enoffre un exemple remarquable, la croise de la mdecine, de la chimie et de la physique. Les projets

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    d'investigation en collaboration sont monts au coup par coup et l'enjeu est alors, comme le montre

    Powell, de tisser suffisamment de liens au sein du rseau pour gagner une certaine rputation et

    obtenir les contrats qui permettront de dvelopper de nouvelles connaissances sur les crneaux les

    plus porteurs (Powell, Koput et Smith-Doerr, 1996). Une seconde configuration, trs diffrente,

    renvoie aux programmes de recherche conjoints plusieurs entreprises pour dvelopper, un stade

    pr-concurrentiel, des connaissances sur des technologies "gnriques" ("enabling technologies"), c'est--

    dire des technologies suffisamment ouvertes pour autoriser ensuite le dveloppement d'applications

    trs varies (Gibson et Rogers, 1994, Mothe, 1997).

    Ainsi, selon les secteurs, ce sont les stratgies de coordination pilotes par une entreprise comme Intel

    capable de jouer le rle d'architecte de toute une industrie (Gawer et Cusumano, 2002, Gawer, 2000), les

    liens entre laboratoires publics et entreprises prives, les structures de consortia, ou les communauts de

    liens prennes entre petites entreprises (Powell, Koput et Smith-Doerr, 1996, Saxenian, 1994), qui sont l'origine des innovations et des stratgies gagnantes. La coopration interentreprises est ainsi devenue le

    lieu privilgi de l'innovation, le "locus of innovation" par excellence, s'arrogeant ainsi l'une des principales

    fonctions de l'entreprise

    L'objet des cooprations s'tant ce point dplac, on comprend alors les dstabilisations induites non

    seulement dans la nature des relations, mais aussi au sein mme des entreprises. Dans la section suivante,

    nous allons essayer de mettre en vidence quelques unes des manifestations des crises qui en rsultent.

    I-2.

    L'INTER-FIRMES EN PROIE DES DSTABILISATIONS MAJEURES

    Le tableau gnral ainsi dpeint ne s'est pourtant pas stabilis, au contraire. D'abord, le phnomne

    d'clatement des formes de coopration, s'il tmoigne d'une souplesse permettant de s'adapter diffrents

    cas de figures, pose d'vidents problmes de qualification et le foisonnement contribue une certaine

    opacit de la lgislation en la matire (Chartier, 1997). Mais, on peut surtout reprer deux dstabilisations

    majeures : d'une part, une crise de l'identit de l'entreprise (A-) et, d'autre part, une crise des relations en

    proie une instabilit chronique (B-) et des conflits de plus en plus frquents (C-). De tellesdstabilisations sont alors pour nous le signe que les relations de coopration, et celles qui portent

    notamment sur les nouveaux objets que nous venons de signaler, sont actuellement en pleine phase de

    rationalisation : c'est en cela que rside sans doute l'intrt majeur de la question (D-).

    A-L'ENTREPRISE EN CRISE ?

    Dans le tableau que nous avons dpeint, la place de l'entreprise, tout d'abord, devient problmatique.

    L'importance prise par les relations inter-firmes est telle que les frontires de l'entreprise se noient dansdes configurations variables. Tant que le dbat tait de savoir si une firme devait externaliser ou non telle

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    ou telle de ses activits, les frontires de l'entreprise restaient nettes et surtout, l'entreprise conservait le

    rle de dcideur ultime. Aujourd'hui, o se situent ses frontires si ses ressources, son potentiel de

    croissance et d'innovation se trouvent l'extrieur ? La coopration a souvent t perue comme un risque

    pour l'entreprise dans la mesure o s'y jouent des rapports de pouvoir et de dpendance qui peuvent

    conduire une entreprise perdre son indpendance et son identit (Inkpen et Beamish, 1997). Surtout,

    admettre le rle des rseaux dans l'laboration des stratgies revient reconnatre que les dirigeants ne

    sont plus "matres chez eux" : quelle est la lgitimit et le sens d'une telle catgorie - l'entreprise - dans un

    contexte o les stratgies se dessinent de manire transversale et au-del, en quelque sorte, de l'entreprise ?

    Qui administre d'ailleurs les entreprises et les rseaux ?

    Il ne s'agit videmment pas de rpondre cette question, mais de souligner le dsquilibre auquel on est

    arriv aujourd'hui. Cause supplmentaire ou consquence de ce dsquilibre, les relations entre entreprises

    ne semblent en effet pas en mesure de stabiliser de nouveaux collectifs aux identits claires.

    B-LA COOPRATION EN PROIE L'INSTABILIT

    On a soulign en effet la varit des formes de coopration : celles-ci sont d'autant plus difficiles

    apprhender qu'elles sont le plus souvent spcifiques au contexte singulier du partenariat et il ne se dgage

    pas de collectif permanent susceptible de relayer le cadre institutionnel de l'entreprise. Au contraire, l'une

    des caractristiques des rseaux qui constitue leur principal atout, est leur mallabilit, leur caractre

    "organique" : leur intrt tient gnralement ce qu'ils sont capables de s'adapter aux situations les plusincertaines et les plus imprvues, d'absorber la variabilit du contexte et d'assurer une certaine fluidit des

    changes.

    Or, la flexibilit des cooprations constitue un vritable problme pour la gestion, son corollaire immdiat

    tant la prcarit.

    Les signes de cette prcarit ne manquent pas et la littrature en a amplement fait tat. Si le nombre

    d'alliances et de partenariats connat une relle explosion depuis quelques annes, notamment dans lessecteurs les plus dynamiques, le taux d'chec ou de mort prmature de ces partenariats est lui-mme

    considrable (Barringer et Harrison, 2000). En 1988, B. Kogut soulignait dj l'instabilit desJoint Ventures

    (Kogut, 1988). D'un ct, si le nombre d'alliances stratgiques conclues par entreprises amricaines en plus

    forte croissance a cr de plus de 48% entre 95 et 98 (enqute Coopers & Lybrand (Trendsetter Barometer,

    1998), rapporte par Barringer et Harrison), le taux d'chec ou d'arrt prcoce semble tre encore plus

    important. Selon une tude mene par Mac Kinsey, 15% seulement des ngociations entre des prospective

    partnersconduisent un accord formel. D'autres enqutes de grands cabinets de conseil concluent mme

    des taux d'chec de 50% (PWC,Alliances, 1997), voire de 60 70% (KPMG, Kok et Wildeman, 1999). Au

    sein des milieux universitaires, les conclusions sont sensiblement les mmes : pour Harrigan en 1988,

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    seules 45% des alliances sont considres comme des succs. Park et Ungson montrent en 1997 qu'une

    Joint Venture sur deux environ serait un chec et dissolue avant terme.

    Malgr les prcautions qui conviennent quand on manipule de tels chiffres et malgr l'incertitude sur les

    mthodes et les critres retenus, une telle convergence des rsultats atteste d'une relle prcarit de ces

    cooprations.

    C-DES CONFLITS DE PLUS EN PLUS FRQUENTS

    Au-del de la multiplication des formes de coopration et des types de contrats qui peut elle-mme tre

    interprte comme le signe d'une dstabilisation du droit, plusieurs lments renforcent l'ide que les

    instruments juridiques ne permettent pas d'encadrer convenablement les cooprations. On constate ainsi

    un regain de procdures judiciaires engages autour des questions de coopration au niveau de recherche

    amont. Les exemples ne manquent pas, dans les annales judiciaires, de cas d'entreprises qui ont rompu

    leurs relations mais qui s'estiment lses par l'autre partie. Le flou des contrats, en matire de recherche et

    d'innovation, montre ainsi ses faiblesses. Par exemple, une entreprise qui a dvelopp une technologie

    innovante propose des partenaires dont les ressources financires sont plus importantes, de l'aider

    mettre au point cette technologie. En contrepartie, cette entreprise s'engage rserver l'exclusivit de la

    technologie pour une certaine priode. Cependant, les temps de dveloppement tant longs et les

    opportunits sur le march tant difficiles contrler, les alas font que les partenaires dcident

    finalement de se retirer : la technologie a alors t immobilise durant plusieurs annes et adapte auxbesoins des partenaires sans qu'il soit possible d'en retirer un quelconque profit 2. Des procdures lgales

    peuvent alors tre engages au motif d'une "rupture abusive de pourparlers". De tels cas semblent se

    multiplier au fur et mesure que les entreprises sont amenes cooprer sur des projets plus en amont et

    plus incertains.

    De mme, les entreprises, pour se donner la possibilit de cooprer dans des phases de recherche,

    s'efforcent de protger leur savoir-faire et leurs rsultats de recherche. La lgislation, notamment aux

    Etats-Unis, semble avoir accept dsormais le caractre brevetable de concepts et de rsultats de recherchefondamentale. Une telle volution n'est pas surprenante dans le contexte actuel : tandis que la proprit

    intellectuelle est traditionnellement rserve des rsultats dont on peut dmontrer le caractre innovant

    et les applications possibles, la complexit de la recherche fait qu'il devient impossible de qualifier le

    caractre plus ou moins innovant des rsultats. Comme le montre B. Coriat dans un rcent numro spcial

    de la Revue d'Economie Industrielle, les brevets couvrent dsormais non seulement des inventions effectives,

    mais plus gnralement des dcouvertes "potentielles ou virtuelles" et le plus souvent non prvisibles

    (Coriat, 2002). On imagine aisment dans ce contexte le regain de conflits juridiques auquel va donner lieu

    2Exemple de l'arrt de la Cour de Cassation, n870, 7 avril 1998, Pourvoi n95-20.361.

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    une telle volution, puisque les rsultats de la recherche fondamentale peuvent couvrir des champs trs

    vastes d'application et se recouvrir partiellement.

    D-LA GESTION DES PROCESSUS DE COOPRATION : LES NOUVELLES PROCCUPATIONS

    A notre sens, l'instabilit des cooprations et la recrudescence des conflits que celles-ci occasionnent, en

    particulier sur les nouveaux objets de recherche et de dveloppement, ne remettent nullement en question

    ni l'intrt ni la ncessit de telles cooprations. Ce n'est pas leur fondement ni leur finalit qui est en

    cause mais bien au contraire leur droulement et leur pilotage qui sont problmatiques : plus l'objet de la

    coopration se situe en amont, plus le contexte est incertain et plus les comptences gestionnaires et les

    capacits de pilotage des relations traditionnelles sont mises en dfaut. L'instabilit corrobore cet gard

    l'hypothse selon laquelle, face un nouveau type d'objets de gouvernement, les mthodes et les expertises

    de gestion ne sont encore que balbutiantes.

    De nouvelles orientations de recherche : du pourquoi au comment

    Cette phase de rationalisation se traduit d'ailleurs par de nouvelles orientations de recherche. L o les

    tudes cherchaient dcrire les mobiles des relations interentreprises et en justifier les objectifs

    stratgiques (Contractor et Lorange, 1988, Dussauge et Garrette, 1990), la recherche s'est engage dans

    l'analyse des processus de coopration, des problmes rencontrs et modes de pilotage concrets. Des

    progrs remarquables ont ainsi t faits dans la comprhension du phnomne et de ses difficults, grce

    la prise en compte des dimensions sociales (Eisenhardt et Schoonhoven, 1996), institutionnelles ou

    politiques (Ebers, 1997) et des facteurs de contingence (Oliver, 1990). On voit alors l'uvre diffrentes

    logiques s'entrechoquer dans des processus non linaires et non ncessairement convergents (Piron, 2000).

    Pour reprendre Ebers et Grandori, "interorganizational networking is subject to dynamic evolution because over time

    the forms, outcomes, and actors' evaluations of inter-organizational networking change due to inherent development processes.

    The dynamics driving these development processes originate, we submit, in the specific outcomes of networking. These outcomes

    change over time the (pre)-conditions for networking. Through processes of revaluation, learning, and adaptation, they may

    thus lead to adjustments, and sometimes the termination, of the originally implemented ties and forms of inter-organizational

    networking. The development dynamic thus has the structure of a feedback loop" (Ebers et Grandori, 1997).

    Cette situation rsume notre sens l'influence de la nature de l'objet et de son caractre plus ou moins

    innovant : plutt qu'une opration de mise en uvre de stratgies pralablement dfinies, les relations de

    coopration suivent dans des contextes innovants des itinraires turbulents, que certains ont dcrit comme

    cycliques (Ring, 1997, Ring et Van de Ven, 1994), mais dont l'une des caractristiques essentielles est

    prcisment d'tre incertains quant aux objectifs stratgiques. C'est l l'un des apports majeurs de l'analysede Doz (Doz, 1996). Etant donne l'incertitude du processus et des rsultats d'une coopration au niveau

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    de la recherche et du dveloppement, de nouvelles formes de pilotage doivent tre adoptes pour prendre

    en compte les apprentissages et les volutions du contexte au cours du processus de coopration.

    Une phase de rationalisation : l'expertise gestionnaire face aux rgimes de conception innovants

    Nous reviendrons sur ces analyses dans le cours des parties qui suivent. Nous verrons d'ailleurs que la

    littrature sur la conception et sur les processus de dveloppement nous sera utile pour analyser ces

    situations d'incertitude o les objectifs ne sont pas prdfinis. A ce stade, nous voulons simplement

    insister sur ce qu'indique de manire plus gnrale une telle orientation de la recherche. Au fur et mesure

    que le domaine de la coopration s'largit pour prendre en charge des objets innovants et incertains, les

    processus de coopration se trouvent bouleverss et se rvlent de plus en plus instables. On en dduit

    deux consquences importantes :

    - d'une part, un paramtre de contingence apparat dterminant dans l'tude de la coopration

    interentreprises : c'est la nature de l'objet de la collaboration, son caractre plus ou moins innovant et

    la nature des connaissances disponibles sur cet objet. Nous distinguerons ainsi par la suite les

    situations de coopration selon le "rgime de conception" dans lequel elles s'inscrivent (Segrestin,

    Lefebvre et Weil, 2001, Segrestin, Lefebvre et Weil, 2002) : les problmatiques d'une transaction sur

    un objet parfaitement connu seront ainsi fondamentalement diffrentes des problmatiques d'une

    coopration visant tudier de nouveaux phnomnes physiques ou concevoir de nouveaux

    produits pour des usages mergents.

    - D'autre part, tudier les modalits concrtes du pilotage en prenant acte du fait que les objectifs

    stratgiques ne sont pas donns a priori et que les rsultats dpendent autant du processus de

    coopration que des choix stratgiques, c'est finalement reconnatre que s'ouvre une priode de

    rationalisation importante pour les rgimes de conception les plus innovants.

    Il nous semble que l'volution des formes de coopration et les crises qu'elles traversent aujourd'hui

    tmoignent d'un tournant difficile et signalent un "front de rationalisation". Au risque de forcer le trait, cetournant n'est pas sans rappeler le moment o s'est historiquement constitue la grande entreprise : il

    s'agissait bien alors de faire travailler ensemble une grande varit d'acteurs, de coordonner des actions

    spares, d'organiser la division du travail et les apprentissages. Or, comme l'a montr Ph. Lefebvre, aux

    formes de rationalisation de l'organisation collective du travail ont t associes des hsitations et des

    transformations multiples des modles institutionnels d'intgration (salaire la pice, marchandage

    collectif, intgration hirarchique) (Lefebvre, 1999 ; Lefebvre, 2003). Il montre notamment que les

    modles institutionnels et les savoirs d'organisation sont alors indissociables. Ainsi le marchandage

    collectif ne se dveloppe effectivement que lorsque l'organisation du travail est d'une certaine manire

    "rgle d'avance" ; tandis que l'organisation collective du travail confie de nouveaux spcialistes (le

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    bureau des mthodes) est tributaire de techniques mises en uvre pour "fixer" le personnel, comme le

    salariat.

    De la mme manire, c'est probablement dans l'tude du front de rationalisation actuel que rside

    aujourd'hui, en grande partie, l'intrt de la question de la coopration interentreprises. Comme le signale

    A. Hatchuel, les processus de rationalisation, en rgnrant la fois les comptences et les objets de la

    coopration, nous amnent rviser les doctrines managriales et du mme coup les formes de l'action

    collective (Hatchuel, 2000).

    II-

    TUDIER L ES RATIONALISATI ONS EN CO URS : PRSENTATION DES CAS ET

    SYNOPSIS DE LA THSE

    Les enjeux tant ainsi brivement poss, nous dtaillerons dans la premire partie le cadre de notre analyse

    en nous positionnant plus prcisment par rapport aux thories existantes sur la coopration. Pour le

    moment, il convient de revenir sur les cas empiriques sur lesquels nous nous appuierons tout au long de ce

    travail. En particulier, il nous faut expliciter quelques points de mthode car ces cas, htrognes, n'ont

    pas t traits de manire uniforme et ne nous servent ni exactement de terrains pour mettre l'preuve

    des hypothses pralablement tablies, ni uniquement de cadres "d'abduction" (David, 2000b) pour

    gnrer des hypothses Il s'agit donc d'abord d'expliquer notre dmarche, la manire dont nous avonsmobilis diffrents cas empiriques et de prsenter brivement, ce faisant, les cas en question (section II.1-).

    De brefs encadrs introduisent ici les cas qui seront dvelopps par la suite. En annexe, ces encadrs sont

    repris et complts pour donner un aperu des recherches menes sur chacun des cas. Nous montrerons

    ici le caractre innovant des rgimes de conception et la difficult de piloter ces cooprations : quels sont

    alors les principes de pilotage appropris pour les cooprations en situation d'exploration ? Telle sera en

    fait notre principale question de recherche (section II.2-). Nous pourrons alors introduire le plan de la

    thse (section II.3-).

    II-1.QUESTIONS DE MTHODES : UNE D MARCHE D'EXPLORATION

    Expos chronologiquement, notre itinraire de recherche apparatrait sans doute extrmement sinueux.

    Nous nous efforcerons dans les parties suivantes de drouler un raisonnement clair pour prsenter nos

    rsultats de manire analytique. On analysera les diffrents cas empiriques au travers d'une grille d'analyse

    que nous aurons pralablement pose en premire partie. Une telle prsentation ne doit cependant pas

    faire illusion. Elle rpond un souci de clarifier notre propos, mais ne correspond pas la dmarche de

    recherche qui a t la ntre pendant prs de cinq ans.

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    En effet, cette dmarche ne part pas d'hypothses pralablement formules. Elle est bien, selon

    l'expression de B. Weil, "congruente notre objet de recherche" (Weil, 1999) car elle procde au contraire

    d'une exploration, visant constituer simultanment les questions de recherche, les concepts permettant de

    reprsenter les situations d'action relles et les modles utiles pour l'action.

    Faute d'avoir a priori des hypothses tester, nos questions de recherche se sont progressivement

    faonnes au cours de diffrentes "recherches-interventions" (A-). Celles-ci ont alors t compltes et

    notre cadre d'analyse affin, par la mobilisation d'autres cas empiriques, tudis par d'autres chercheurs et,

    le cas chant, approfondis par des entretiens supplmentaires. Nous avons donc procd selon des

    mthodes varies, combinant des recherches-interventions sur de longues priodes avec d'autres

    mthodes, de manire dgager un cadre d'interprtation des situations complexes d'exploration. Celui-ci

    rsulte donc d'un processus de va-et-vient entre analyses de faits empiriques et efforts de modlisation,

    processus qui ne demande d'ailleurs qu' tre poursuivi et ouvre de nombreuses voies de recherche (B-).

    A-TROIS CAS DE RECHERCHES-INTERVENTIONS

    Le Centre de Gestion Scientifique a lanc depuis plusieurs annes un programme de recherche sur la

    conception de nouveaux produits. C'est tir par les questions issues de ces travaux, mais galement muni

    de leurs rsultats thoriques3, que notre itinraire a dbut. Nous sommes ainsi intervenus, avec des

    collgues, sur trois terrains successivement, o les questions de coopration interentreprises taient

    prsentes, mais ne constituaient pas l'origine de la recherche.

    Un examen centr sur les problmes de cooprations interentreprises

    Les diffrentes recherches-interventions nous ont donc la fois permis d'accder des terrains trs divers,

    et de nourrir notre propre projet d'investigation, en rorientant galement en retour nos questions au gr

    des problmatiques propres chaque entreprise.

    Vers l'exploitation "multimodale" des lieux de transport (RATP-SNCF)Ainsi, notre premire tude, mene avec Armand Hatchuel dans le cadre du programme de recherche

    PREDIT, entre 1997 et 1999, nous a conduits mener une investigation sur les nouvelles formes de

    coordination entre modes de transport public. Face l'mergence de nouveaux critres de performance,

    nous avons accompagn la RATP et la SNCF dans l'laboration de nouvelles doctrines et de nouvelles

    pratiques d'exploitation "multimodale" des lieux de transport (voir encadr 1). Ce faisant, des questions

    ont t souleves : quels principes taient en mesure de cadrer la coordination entre acteurs aux

    3En commenant cette thse, de nombreux travaux taient dj disponibles, avec un cadre thorique qui n'a cess de s'enrichir.Nous mobiliserons naturellement beaucoup ces rsultats, (Hatchuel et Weil, 1992, Hatchuel, 1996, Aggeri, Fixari et Hatchuel,1998, Weil, 1999, Midler, 1997, Midler, 1993, Le Masson, 2001).

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    comportements trs routiniss sur des services entirement nouveaux dont les critres d'valuation

    restaient mme dfinir ? Quels principes de pilotage pouvaient tre efficacement mis en uvre, entre

    dcentralisation complte des initiatives au niveau des lieux de transport et centralisation des orientations ?

    Comment en outre piloter de manire transversale les changements profonds dans les mthodes de travail

    qu'induisait une logique d'exploitation multimodale ?

    Les relations avec les partenaires dans le projet automobile de la Laguna II (Renault)

    Dans un second temps, nous avons t plongs, avec Franck Aggeri, dans le dveloppement trpidant du

    projet automobile de la Laguna II. La problmatique de dpart tait bien diffrente et le contexte non

    moins diffrent. Des restructurations profondes avaient t menes pour amliorer les temps de

    dveloppement et les performances du projet, en particulier en rapprochant les divers corps de mtiers des

    tudes (produit) et des mthodes (process). Notre intervention chez Renault durant les 18 derniers mois

    du projet et pendant la phase de dmarrage (depuis le lancement de la ralisation des outillages jusqu'l'accord de commercialisation) devait ainsi permettre d'valuer les rsultats de ces restructurations. Mais la

    tournure des vnements et les difficults rencontres nous ont en fait conduits largir cette

    problmatique de recherche pour nous interroger sur les conditions de coordination entre des acteurs trs

    nombreux, en interne et en externe, sur un projet aussi innovant que celui de la Laguna II. Par rapport la

    coopration interentreprises, cette intervention nous a ainsi permis d'tudier les conditions effectives de

    mise en uvre des doctrines managriales telles que le co-dveloppement. Les problmes rencontrs

    rvlaient en effet des failles au niveau des relations avec certains partenaires extrieurs (voir encadr 2).

    Le dveloppement de la premire plate-forme commune de l'Alliance Renault-Nissan

    Dans un troisime temps, nous avons pu participer une tude directement oriente sur les

    problmatiques de coopration interentreprises en intervenant, avec Philippe Lefebvre, Benot Weil et

    Armand Hatchuel, sur le dveloppement de la premire plate-forme commune de l'Alliance Renault-

    Nissan. Il s'agissait alors de concevoir, en troite relation avec les acteurs des deux entreprises, des

    principes de coordination et de pilotage pour un projet indit sur lequel se jouait en quelque sorte l'avenir

    de l'Alliance (voir encadr 3).

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    ENCADR 1 :L'EXPLOITATION MULTIMODALE DES PLES D'CHANGES RATP-SNCF

    OU L'MERGENCE D'UNE NOUVELLE PRATIQUE DE COOPRATION

    Dans les gares d'interconnexion de la rgion parisienne, les diffrents modes de transport (RER, bus,mtro, trains de banlieue) sont profondment interdpendants les uns des autres ; mais ils ont adopt,par leurs histoires respectives, une conception spcifique des lieux de transport, en matire technique,comme en matire organisationnelle. Les gares multimodales se prsentent donc comme les points desrseaux qui cumulent toutes les contraintes lies l'interconnexion, tout en tant les nuds stratgiques lesplus frquents des rseaux.

    Longtemps considrs comme des auxiliaires de la fonction transport, les lieux de transports et les plesd'interconnexion sont devenus l'objet d'une intense rflexion depuis quelques annes pour lestransporteurs. Dans la ligne des mouvements de modernisation des stations (Hatchuel, Jougleux et Pallez,1990, Hatchuel, Pallez et Pny, 1989, Stathopoulos, 1991, Joseph, 1994), deux grands axes de

    dveloppement ont t dgags pour la conception et la gestion de ces lieux :- dune part, la prise en compte de principes de gestion diffrencis de ces lieux, en fonction de leur

    complexit et du tissu urbain et social dans lequel ils s'inscrivent,- dautre part, lenrichissement et la rvaluation des missions de lentreprise de transport organisatrice

    dans ces lieux.

    Les entreprises de transports prennent ainsi conscience de nouvelles ncessits et de nouvellesopportunits : faire des lieux dont elles ont la charge des espaces de services pour valoriser les temps de

    voyage et de correspondance (Amar, 1996), le cas chant avec de nouveaux acteurs (commerces, autresservices publics).

    Si cette rflexion a dbut il y a de nombreuses annes, elle n'a que rcemment gagn la sphre del'exploitation oprationnelle. En 1996, l'ide de "comits de sites" est exprimente sur deux ples, Bobigny et La Dfense : les quipes d'exploitation des diffrents modes sont invites travaillerensemble alors que toutes les procdures et les mthodes de travail taient jusqu'ici conues pourstandardiser l'exploitation au sein de chaque rseau monomodal.

    Les principes suggrs pour ces comits de site sont les suivants : les acteurs mutualisent leurs ressourceset dlguent l'un d'entre eux un certain nombre de missions transversales aux modes. Cette exprienceayant t considre comme prometteuse, la RATP a dcid de l'tendre d'autres ples.

    P r i n c i p e s o r g a n i s a t i o n n e l s

    S N C F R A T P A u t r e s

    C o m i t d e s i t e

    O M Dg e s t io n n a i r e m u l t i m o d a l

    Ds l'anne suivante, une soixantaine de ples sont concerns par le dispositif. Aprs les rformes lancespar Christian Blanc la RATP (David, 1994), le concept de multimodalit bouleverse les rapports entre ladirection, les services des flux et les services de station, donnant ces derniers davantage d'autonomie, deresponsabilit et d'initiative.

    L'annexe 1 donne un aperu complmentaire de la recherche mene par le CGS.Voir aussi (Segrestin et Hatchuel, 2000, Segrestin, 2001)

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    Introduction : Crises et actualit de la coopration interentreprises

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    ENCADR 2 :

    LE DMARRAGE DE LA LAGUNA II, OU LA CRISE D'UN PROJET RVLE TARDIVEMENTD'aprs Franck Aggeri, Blanche Segrestin (Aggeri et Segrestin, 2002) 4.

    Sur le programme le plus rcent (M2S, segment haut de gamme), Renault a vis une rupture en termes deperformance par rapport aux projets prcdents : le dveloppement de la Laguna II, premier modle issude la plate-forme, devait en particulier galer, voire dpasser les performances des projets concurrents, lafois en termes de cots et de dlais, dinnovation Pour y parvenir, la stratgie mise en uvre parlentreprise sest structure autour de quatre axes : le renforcement de lintgration produit/process,lintroduction de nouveaux outils de pilotage et de reporting, le renforcement des relations contractuelles tous les niveaux et lintgration plus prcoce des partenaires dans le processus de dveloppement (co-dveloppement).

    La direction de l'ingnierie de la "Caisse Assemble Peinte" (DI-CAP), qui se situe souvent sur le chemincritique des projets, a en particulier pouss trs loin ces efforts de rorganisation. Dans une usine demontage automobile, la production de la CAP sopre travers lenchanement de trois types dactivits

    correspondant des secteurs bien distincts : lemboutissage (des tles nues), lassemblage de la caisse (parsoudures robotises) et la peinture. Les difficults de la conception de la CAP tiennent, certes, auxcontraintes de la grande cadence ainsi quau renforcement des exigences en matire de qualit (prestationschoc, endurance, fiabilit, gomtrie, aspect) ou de design, mais galement la nature fortement empiriquedes savoirs mobiliss. Pour atteindre des cibles particulirement ambitieuses, en matire de cotsnotamment, la DICAP sest rorganise en mettant en uvre les dmarches voques plus haut. Enparticulier, lintgration produit-process a t pousse trs loin puisque les anciens services mthodes ettudes ont t fondus et remplacs par des services correspondant des niveaux de gamme, dcoups leur tour selon trois primtres techniques (ouvrants, soubassement, superstructure). En s'appuyantlargement sur de nouveaux outils de maquettage et de simulation numrique, les activits amont chargesde prparer les futures innovations dans le primtre ont galement t spares des activits aval encharge du dveloppement au sens strict (Nakhla et Sardas, 1999a).

    Dans lensemble, ce projet est une russite. Laccueil rserv par la presse spcialise a t trs favorable.Le dmarrage commercial est la hauteur des ambitions initiales et des progrs importants ont t ralisspar rapport aux projets prcdents en termes de rduction des cots et des dlais. Le projet a nanmoinsrvl plusieurs problmes inattendus, en particulier dans le secteur que nous avons tudi, celui de la"caisse assemble peinte". Les problmes les plus critiques (gomtrie, qualit) ont port sur les outilsd'emboutissage des ouvrants, dont le dveloppement, la ralisation et la mise au point taient confis unpartenaire allemand. L'ampleur de la crise a d'autant plus surpris que les problmes ont t dcouverts trstardivement, lors du montage des tout derniers prototypes issus des outillages censs tre dfinitifs (cesprototypes sont appels PPP3, Prototype Produit Process). Du coup, malgr la sophistication dessystmes de pilotage mis en place, ces problmes ont finalement conduit lentreprise retarder la sortie du

    vhicule de cinq mois environ.

    La recherche a consist comprendre les raisons de ces difficults et la faible capacit danticipation delentreprise. Les relations avec le partenaire outilleur ont en particulier t tudies. Nous avons ainsimontr que les difficults rencontres sur les ouvrants sexpliquent par trois causes qui se sontmutuellement renforces : laccumulation, dans certains primtres, de choix stratgiques risqus, ledprissement progressif de certains savoirs techniques, et les limites des dispositifs de co-dveloppementpour identifier les risques lis linnovation.

    L'annexe 2 complte cet encadr pour prsenter la recherche mene la DICAP,Voir aussi (Aggeri et Segrestin, 2001a, Aggeri et Segrestin, 2001b).

    4Cette recherche a t ralise avec l'appui de la cellule socio-conomie de la direction de la recherche de Renault. Jean-ClaudeMonnet, responsable de la cellule, et Emmanule Mato ont accompagn ce travail. Celui-ci s'inscrit dans un programme derecherche plus global men au CGS avec la DICAP, et entam par nos collgues Jean-Claude Sardas et Michel Nakhla (Nakhla etSardas, 1999b, Sardas, 1997, Sardas, 2000).

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    ENCADR 3 :

    LA PREMIRE PLATE-FORME DE L'ALLIANCE RENAULT NISSAN:LA CONSTRUCTION D'UN NOUVEL OBJET COMMUN5

    En Mars 1999, Renault devenait le principal actionnaire de Nissan, second constructeur automobilejaponais. Le spectaculaire ralentissement de l'conomie au Japon et le retard de comptitivit pris parl'industrie japonaise automobile avaient conduit Nissan au bord de la faillite, avec une chute vertigineusede production de Nissan (-20% par rapport au pic de 1992).

    L'Alliance ainsi forme entre les deux constructeurs visait plusieurs axes de synergies, en jouant sur lacomplmentarit des atouts de chacun : leurs implantations gographiques pouvaient contribuer larationalisation de l'utilisation des usines et des rseaux de vente. Chacun pouvait galement bnficier dessavoir-faire de l'autre (Nissan par exemple, est trs avanc dans les technologies des moteurs cologiques,et dveloppe aussi des vhicules en un temps record pour Renault).

    L'axe majeur de la stratgie rside toutefois dans un premier temps dans le dveloppement de plates-

    formes communes. Une telle stratgie est actuellement mise en uvre par de nombreux constructeurs. Ils'agit de dvelopper une base roulante capable de supporter plusieurs vhicules diffrencis selon lesspcificits rgionales des marchs et selon les segments de clientle considrs. Les intrts d'une tellepolitique sont vidents dans la mesure o la notion de plate-forme, en dcouplant la conception dediffrents modules interchangeables les uns par rapport aux autres, permet de concilier des objectifs deproductivit et de diversit. En l'occurrence, une plate-forme commune plusieurs constructeurs permetnon seulement de partager les cots de conception (tudes, prototypes), mais aussi de raliser les achatsconjointement et enfin de partager les cots d'investissement. En outre, la coopration entre deuxconstructeurs est l'occasion d'changer des savoir-faire et de runir sur la plate-forme l'ensemble desmeilleures solutions. Toutefois, la mise en uvre d'une telle politique est dlicate, comme l'attestent lesdifficults rencontres au cours des expriences de diffrents constructeurs.

    L'tude confie au CGS sur cette plate-forme avait pour objectif d'tudier le mode de coopration d'undveloppement de plate-forme conjoint entre Renault et Nissan. L'intervention du CGS, qui s'est drouleen deux temps, fin 99 et entre juillet et dcembre 2000, a t demande par la direction des avant-projetsde Renault qui constatait une drive des schmas organisationnels, des tensions entre les concepteurs etune baisse des taux de pices communes par rapport aux premires estimations.

    L'annexe 3 complte cet encadr et prsente la recherche mene avecPhilippe Lefebvre, Benot Weil et Armand Hatchuel

    Ainsi, au cours de ces trois recherches, notre curiosit a toujours t focalise et recadre sur les questions

    sensibles de la coopration entre entreprises, mais dans des conditions, des rgimes de conception, et sur

    des projets trs htrognes. Dans chacun des cas, nos modes d'approche, les problmatiques concrtes et

    les dispositifs de coopration taient trs diffrents les uns des autres. Aussi les rsultats de ces

    interventions restaient-ils extrmement contextualiss, mme s'ils pouvaient conduire des conclusions,

    voire des lments de thorie plus gnraux. C'est l une des caractristiques propres de ce type de

    mthodologie. On y construit des "thories intermdiaires" dont les conditions de validit sont dans un

    premier temps ncessairement troitement lies au cas dont elles sont issues.

    5L encore, cette recherche a t troitement accompagne et soutenue par Jean-Claude Monnet, de la cellule de recherche socio-conomique de Renault.. La direction des avant-projets en a t l'instigatrice, avec en particulier Philippe Doublet. M. Lacambre,directeur de l'ingnierie chez Renault, en a galement suivi le droulement et pilot les orientations.

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    Introduction : Crises et actualit de la coopration interentreprises

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    La recherche-intervention : production de savoirs valides pour l'action et degr de contextualisation

    La recherche-intervention a cette particularit qu'elle part le plus souvent d'une demande des entreprises

    qui prouvent des difficults, mais dont ni le cadre thorique ni les questions de recherche ne sont

    pralablement dfinis. En revendiquant le rle d'intervenants et non de simples observateurs, leschercheurs se donnent ainsi la possibilit d'accompagner les entreprises dans leur processus de

    changement sur des priodes suffisamment longues pour en comprendre en profondeur le

    fonctionnement. La plupart du temps en effet, les problmes organisationnels sont d'une telle complexit

    qu'ils ne se laissent pas saisir immdiatement. On est au contraire confront une multitude de points de

    vue et une mutation des objets : l'enjeu est donc de ne pas se satisfaire de discours rationaliss a posteriori,

    mais de suivre l'mergence des opinions, des objets collectifs, des reprsentations communes et des

    collectifs qui sont en train de se nouer. C'est le seul moyen de dnaturaliser les catgories et les

    formulations toutes faites pour s'intresser la nature de l'activit et des savoirs en mutation.

    La production de connaissance est cet gard indissociable du processus d'intervention. Les chercheurs

    intervenants sont en effet amens formaliser leur point de vue sur l'organisation, qui, bien que lacunaire

    et restreint, interpelle leurs interlocuteurs. Ainsi, la recherche s'opre continuellement par la confrontation

    des reprsentations que les acteurs se font de l'organisation avec les formalisations des chercheurs et les

    faits observs. Certains y ont vu l le ressort de l'ingnierie de la recherche en gestion : "la confrontation

    d'un modle provisoire avec le terrain, qui son tour va enrichir la reprsentation de la situation, contribue

    un processus d'apprentissage itratif fait d'aller-retour entre la thorie et la situation concrte tudie",

    notent (Chanal, Lesca et Martinet, 1997). La dmarche est, selon une expression d'A. Hatchuel

    (Hatchuel, 1994), "activatrice", car elle stimule la cration de nouveaux points de vue, permet de concevoir

    des trajectoires nouvelles et contribue ainsi faire voluer la situation.

    Aussi la question de la validation des rsultats est-elle, avec la mthode de recherche-intervention, peu

    pertinente puisque production de connaissances et validation vont de pair dans ce processus d'interaction

    avec l'entreprise (Moisdon, 1984). Comme le remarque A. David, le terrain n'est donc pas seulement un

    lieu dont on va extraire des constantes, mais c'est surtout le lieu d'ingnierie, de conception de modles et

    outils de gestion adquats la situation donne, et la source de thories fondes (David, 2000a). Plus

    prcisment, nous souscrivons ici l'analyse d'A.-C. Martinet qui dnonce, en matire mthodologique, les

    oppositions fausses et striles entre "vrificationnisme" et "rfutationnisme", recherche explicative ou

    normative, s'attachant exclusivement aux comportements ("intentionnalisme") ou au poids des structures

    ("dterminisme"). En gestion, crit A.-C. Martinet, "seules les thories locales sont acceptables ; thories

    instrumentales qui classent et synthtisent les phnomnes rels, guident la dcouverte, sont

    "biodgradables"" (Martinet, 1990a). Pour viter l'cueil d'une connaissance valide seulement sur un

    "minuscule domaine", nous pensons alors comme cet auteur que la recherche progresse par "des aller-

    retour entre approfondissements de zones locales et rarticulation de connaissances en cadres conceptuels

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    englobants, des processus de tri pointant les enseignements caducs et hirarchisant les besoins de

    recherche".

    Vers des cadres d'interprtation intermdiaires

    Pour dpasser la contextualisation des rsultats de chacune des tudes, la confrontation des diffrents cas

    est alors stimulante. C'est en dfinitive de la confrontation des types de savoirs et de la nature des projets

    que germe ainsi progressivement, avec l'outillage thorique dont nous disposions, l'ide selon laquelle une

    variable forte de diffrenciation rside dans les rgimes de conception.

    La vritable question se poser, du point de vue de la validit des rsultats, concernerait les cas tudis :

    en tudiant d'autres cas, aurait-on labor le mme cadre d'analyse ou dtect d'autres variables ?

    Comment aurait-il fallu slectionner les cas pour laborer un cadre qui soit valide ? De telles questions

    risquent videmment de brider toute recherche, mais on peut malgr tout apporter deux lments de

    rponse :

    - D'un ct, nous l'avons dit, la validation d'une recherche en gestion tient aux voies la fois pratiques

    et thoriques qu'ouvrent les connaissances produites. Si celles-ci restent contestables, elles peuvent

    nanmoins rsoudre des incohrences thoriques ou des dfaillances : il nous semble cet gard que

    les thories usuelles sur la coopration interentreprises restent insuffisantes pour expliquer certains

    des phnomnes observs dans les cas que nous avons tudis et que notre approche dgage cet

    gard des lments constructifs, en donnant les cls de lecture de situations jusqu'alors confuses.- D'un autre ct, les cadres proposs doivent tre mis l'preuve d'autres situations et, le cas chant,

    enrichis ou rviss. Eprouver des rsultats sur d'autres cas est alors tout la fois un moyen de tester

    leur gnralit et de les approfondir. C'est ce que nous avons cherch faire, en mobilisant d'autres

    cas que ceux de nos recherches-interventions.

    B-MOBILISATION D'AUTRES CAS ET MISE L'EPREUVE : LE PRINCIPE D'INACHVEMENT

    En fait, la recherche ne progresse vraisemblablement que par la confrontation des diffrents points de vueou de diffrentes thories, par la mise l'preuve de cadres interprtatifs plus ou moins aboutis les uns

    avec les autres. On mobilise ainsi toujours des catgories d'analyse et des rsultats passs. Pour ce qui nous

    concerne, on exploite en particulier beaucoup les travaux du CGS et de la conception en gnral. La

    recherche est de fait, une activit qui ne peut se concevoir que sous cette forme d'changes et de dbats

    collectifs.

    Pourtant, plus prcisment, on a cherch complter notre panel de cas par des exemples qui seraient la

    fois plus reprsentatifs de cette activit d'exploration (c'est--dire avec un rgime de conception encoreplus lev que ceux de nos cas) et dj tudis en profondeur. La littrature offre en abondance des cas de

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    Introduction : Crises et actualit de la coopration interentreprises

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    cooprations interentreprises. Mais pour pouvoir les analyser correctement, on a besoin d'un certain

    niveau d'analyse et d'une certaine finesse d'information. Nous avons retenu des recherches qui

    rpondaient ces critres et sur lesquelles, ventuellement, des entretiens complmentaires ont pu tre

    mens.

    Renault-VDO : le groupe d'exploration sur le multimdia embarqu.

    Le premier cas est celui d'un groupe de collaboration, le GATM (Groupe Amont sur la Tlmatique

    Multimdia), entre Renault et un quipementier, VDO Philips Car Systems. Cette collaboration visait

    explorer le champ des nouvelles applications dans le domaine de la tlmatique embarque pour introduire

    au plus tt sur le march les innovations avec les plus forts potentiels. La collaboration entre ces deux

    partenaires rsulte de liens anciens et privilgis entre les deux entreprises. Christophe Midler a tudi de

    manire longitudinale et problmatise ces relations (Midler, 2001). Il a en outre encadr la thse

    d'Alexandre Kesseler chez VDO, qui analyse la restructuration de l'quipementier face aux exigences

    d'innovations spcifiques chaque constructeur (Kesseler, 1998), ainsi qu'une tude d'lves ingnieurs de

    l'Ecole des Mines sur ce groupe GATM en 1999, sur le cas particulier du multimdia d'habitacle (Auguiac

    et Goldbaum, 1999) (voir encadr 4).

    Telia : l'exploration de l'Internet mobile

    Le second cas est celui d'une collaboration entre un oprateur de tlcommunications scandinave, Telia,

    avec Hewlett Packard et Ericsson, respectivement constructeur informatique et fournisseur de

    composants pour les tlcommunications. Cette collaboration visait explorer les possibilits de

    dvelopper de nouveaux services Internet via les tlphones mobiles. Elle a t tudie depuis le dbut par

    Cassandra Marshall, cadre chez Telia et membre de la cellule de pilotage des explorations des nouvelles

    opportunits dans le secteur. Cassandra Marshall n'tait cependant pas simplement "actrice sur le terrain",

    mais aussi dans une position proche du chercheur intervenant, puisqu'elle prparait une thse sur le

    pilotage de telles collaborations au sein du programme Fenix (Universit de Chalmers et Stockholm

    School of Economics) (voir encadr 5).

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    ENCADR 4 :LA CO-CONCEPTION EN AVANCE DE PHASE

    LEXEMPLE DE LLECTRONIQUE DHABITACLE AUTOMOBILEd'aprs (Midler, 2000) 6

    Le cadre du dveloppement des produits devient souvent trop contraint pour mettre au point desprestations vraiment innovantes, reposant sur des ruptures technologiques significatives. Pourtantlintensit croissante de la diffrenciation par linnovation rend de plus en plus ncessaire la performance ce niveau. Dans ces conditions, Renault et Philips Car Systems (PCS), qui entretiennent des relations delongue date, ont envisag de formaliser le cadre d'un partenariat ddi l'avance de phase. Une telledcision rsulte de liens anciens : au dpart, Philips Car Systems intervient comme sous-traitant dans ledomaine des autoradios. Il a depuis longtemps des collaborations avec Renault dans des programmes derecherche, dont en particulier Carminat, sur les systmes de navigation. Dans les annes 1990, lentrepriseengage une rforme ambitieuse de ses fonctionnements internes pour sadapter aux nouvelles exigences decertains clients (dont Renault) [] et afin de personnaliser sa contribution la dmarche et au produitspcifiques de son client. Chez Philips Car Systems, cela sest traduit par la cration de plateaux ddis

    chaque client sous le nom de Line Of Business (LOB), disposant dautonomie de dcision et de moyensde dveloppements propres (Kesseler, 1998).

    Devant le succs de cette relation, PCS devient en 1998 le premier fournisseur recevoir le labelpartenarial de Renault, le label Performa . PCS vient d'tre acquis 65% par VDO, filiale du groupesidrurgique allemand Mannesman (VDO sera d'ailleurs revendu en 2000 Siemens). En 1998, est alorsconstitu le Groupe Amont Tlmatique Multimdia (GATM), groupe mixte [dont les membres ct

    VDO appartiennent la LOB Renault], prenant en charge lavance de phase dans le domaine considr. Ils'agit la fois de tirer parti des comptences complmentaires des partenaires, de coordonner les stratgiesd'innovation en amont et de rduire les cots d'tudes trs incertaines.

    Ne pas passer ct dune innovation de valeur, mettre au point les innovations slectionnes pour les

    intgrer facilement dans les projets, liminer rapidement les autres, rduire linertie et le cot des tudes etdes dcisions, telles sont les performances attendues du processus davance de phase.

    Le fonctionnement du groupe est assez simple. Le travail est confi des groupes de travail mixtes quirendent compte de leurs recherches un comit de pilotage. A partir des ides, qui peuvent provenir desources multiples, les groupes doivent hirarchiser les prestations selon des critres valuant les attentes dumarch d'un ct et la faisabilit technologique de l'autre. Si le fournisseur veut tudier la prestation,l'tude est faite en commun avec le constructeur. On peut alors dfinir une offre claire, qui fera l'objetd'un appel doffre ouvert. Dans le cas o le fournisseur ne voudrait pas tudier la prestation, leconstructeur ralise un cahier de consultation, qui est mis alors sur le march.

    L'annexe 4 complte cet encadr sur le fonctionnement et les problmatiques du GATM.Voir aussi (Midler, 2001, Kesseler, 1998, Auguiac et Goldbaum, 1999)

    6Nous reprenons ici le matriau empirique rapport par Ch. Midler. La recherche a t mene par C. Midler avec PCS-VDO CarCommunication depuis 1995. Elle a donn lieu la thse dA. Kesseler (Kesseler 1998, Hemery, Kesseler 1999) et l'tuderalise en 1999 par Y. Auguiac et Goldbaum dans le cadre de loption Ingnierie de la conception sous la direction de C. Midler(Auguiac et Golbaum, 1999).

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    Introduction : Crises et actualit de la coopration interentreprises

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    ENCADR 5 :L'EXPLORATION CONJOINTE DE L'INTERNET MOBILE

    LE PARTENARIAT TELIA-HP-ERICSSON POUR L'VALUATION DE NOUVELLES APPLICATIONSD'aprs une tude mene par Cassandra Marshall, Telia & Fenix

    (Universit Chalmers et SSE, Sude)7

    Fin 1999, les oprateurs de tlcommunications comme Telia en Sude pressentent l'arrive massive sur lemarch de nouveaux services lectroniques qui pourraient transformer radicalement leur activit et leurpositionnement stratgique. Des rflexions sont engages pour intgrer les offres de tlcommunicationsmobiles et fixes avec les services Internet. L'espace d'opportunits stratgiques sur l'Internet Mobileapparat cet gard particulirement prometteur. Telia imagine pouvoir devenir, comme d'autresoprateurs de tlcommunications, un fournisseur de services forte valeur ajoute en intgrant diffrentsservices Internet via de nouvelles configurations de mobiles.

    Fin 1999, une opportunit se prsente de travailler sur ces questions de manire exploratoire avecdiffrents partenaires. Hewlett Packard, spcialis dans les plates-formes informatiques la fois du point

    de vue matriel et logiciel a en effet commenc un travail de dveloppement d'une plate-forme quipermettrait de jouer le rle d'interface et d'intgrateur de diffrents services Internet (broker), tout enintgrant des fonctionnalits qui s'annoncent tout spcialement cruciales, comme le paiement scuris, etc.Cette plate-forme, dnomme ici pour des raisons de confidentialit E-Service, permettrait par exempled'offrir des services transversaux : tout fournisseur de service Internet ayant dvelopp son service avec lelangage de E-Service pourrait ainsi voir son offre combine celles d'autres fournisseurs de services(l'intgration des services permettrait par exemple de combiner une offre de rservation de taxi, leshoraires des navettes, l'achat d'un billet d'avion, la rservation d'une chambre d'htel, etc.). Pour Telia, unetelle plate-forme permettrait d'offrir des services plus attractifs et de valoriser son rseau detlcommunications, tout en devenant lui-mme un "mta-fournisseur" de services Internet sur le mobile :The vision is to create a service platform which will in the future be ready to host an unlimited number of services (Revuede projet, Telia, 1999).

    Aussi, dbut 2000, une lettre d'intention a-t-elle t signe entre Telia, HP et Ericsson. Pour ce dernier,fournisseur de technologies dans la tlphonie mobile, le projet tait galement intressant pour valuer lesopportunits pour ses technologies en dveloppement (services et portails WAP par exemple, mais aussisystmes de positionnement sur les mobiles, etc.). La lettre d'intention, partant de la complmentarit descomptences entre les trois entreprises, visait d'une manire gnrale explorer conjointement lesopportunits de ce champ nouveau des services d'Internet mobile.

    Pour mener cette investigation en "avance de phase", les partenaires ont d'emble convenu qu'ilscommenceraient par dvelopper des projets exprimentaux pilotes, l'ide tant la fois de tester lesfonctionnalits de la plate-forme E-Service, les possibilits d'intgration avec les technologies WAP etGSM, et plus gnralement d'apprendre sur la nature des services les plus intressants, tant du point de

    vue des utilisateurs, professionnels ou privs, que du point de vue des oprateurs.

    En pratique, la lettre d'intention dfinissait un chancier assez serr d'exprimentations, avec des comitsde pilotage tripartites rguliers, le projet de dveloppement logiciel tant plus particulirement confi HP(aux Etats-Unis), l'analyse des rsultats et l'tude commerciale Telia, Ericsson veillant fournir de sonct les technologies en temps voulu et les mettre au point en fonction des apprentissages mens aucours du projet pilote.

    L'annexe 5 complte cet encadr,Voir aussi (Marshall et Segrestin, 2002).

    7Nous remercions vivement Cassandra Marshall pour la collaboration stimulante que nous avons eue au cours de cette tude,pour l'ensemble des donnes recueillies et la permission de mobiliser ici cette tude.

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    Dans ces deux cas, les informations dont on dispose nous permettent de mobiliser le matriau empirique

    de manire assez fouille, mme si notre degr de connaissance reste forcment limit par rapport aux cas

    de recherche-intervention prcdents.

    Au reste, on pourrait multiplier les cas l'infini sans rpondre vraiment la question de la validit des

    rsultats ni aboutir des conclusions entirement dcontextualises. Cette opposition entre

    contextualisation et dcontextualisation ou monte en gnralit n'est, dire vrai, que peu pertinente. A

    l'instar de B. Weil ou d'A. David, nous prfrons voir la recherche comme un processus continu

    d'apprentissage combinant plusieurs niveaux d'analyse. Dans notre esprit, il s'agit plus d'un mouvement de

    va-et-vient entre thories et pratiques, les deux niveaux se rpercutant ncessairement l'un sur l'autre.

    L'tude de cas empiriques varis nous a permis de mettre en vidence des pratiques jusqu'ici ni dcrites ni

    conceptualises par les thories : cela suffit pour dire qu'il s'agit de "bons" cas, mme si nous neconcevons pas cette thse autrement que comme une ouverture de nouvelles recherches pour mettre

    l'preuve la modlisation que nous suggrons. On retrouve ici l'un des principes noncs par A. Hatchuel

    sur la mthodologie de recherche intervention (Hatchuel, 1994) : ds lors qu'on admet que les

    connaissances sont ncessairement limites, il faut accepter le "principe d'inachvement" de toute

    recherche et y voir plutt une invitation des tudes ultrieures.

    II-2.

    DES CAS EMPIRIQUES RVLATEURS DE NOUVELLES PRATIQUES

    Chacun de ces cas porte sur des situations de conception pluri-organisationnelles. Le rgime de

    conception est cependant plus ou moins innovant. Il nous semble que les crises et les principes de pilotage

    sont alors relier ce niveau d'innovation.

    A-UN PANEL VARI DE RGIMES DE CONCEPTION

    La Laguna II : un projet classique, mais ambitieux !

    Dans le cas du dveloppement de la Laguna II, le produit est dj extraordinairement bien connu alors

    que dmarre le projet : les savoirs accumuls sur les vhicules prcdents vont tre trs largement repris,

    les volutions et les innovations n'tant apportes que de manire trs incrmentale dans une architecture

    globalement stabilise de longue date. Le nombre de paramtres sur lesquels travaillent les concepteurs est

    souvent assez rduit.

    Pourtant, les innovations sur la Laguna II sont importantes : Renault, pour renforcer son image de

    constructeur innovant, a souhait introduire des prestations singulires et fortement discriminantes, qui

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    Introduction : Crises et actualit de la coopration interentreprises

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    ont fait en particulier l'accroche publicitaire de la voiture ("la voiture sans cl", etc.) ainsi qu'un design

    marquant. En outre, le niveau de gamme a t sensiblement lev (scurit, acoustique), tout en

    rduisant drastiquement l'enveloppe conomique du projet et les dlais de dveloppement. Par rapport

    aux projets prcdents, le dveloppement de celui-ci comporte donc un certain nombre de dfis. Pour les

    remplir (et pour corser le tout), les innovations ne portent pas uniquement sur le produit, mais aussi sur

    les procds technologiques utiliss, sur les processus organisationnels dploys, et sur les partenaires

    mobiliss. Ainsi, dans le secteur de la caisse assemble peinte (CAP) o nous sommes intervenus, la

    direction avait dcid d'utiliser de nouvelles nuances de tles, de nouveaux procds d'assemblage et de

    mise en forme ou encore de nouvelles installations de tlerie flexibles. En outre, de nouveaux partenaires

    avaient t slectionns, avec de nouvelles formes de contrats.

    La recherche a montr qu'en dlguant la conception diffrents partenaires, la DICAP s'tait retrouve

    incapable d'anticiper les risques induits par les innovations et par les interdpendances entre les choixoprs diffrents niveaux. Ce cas montre que le rgime de conception n'est pas vident valuer et que

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