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d Mai 2013 Marine Albarède • Renaud Francou • Daniel Kaplan “ Si j'ai une information sur vous, vous l'avez aussi. Et vous en faites … ce qui a du sens pour vous ! ” d CAHIER D'EXPLORATION c

Mes Infos - Cahier d'Exploration

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  • 1. d Mai 2013 Marine Albarde Renaud Francou Daniel Kaplan Si j'ai une information sur vous, vous l'avez aussi. Et vous en faites ce qui a du sens pour vous! d Cahier d'exploration c

2. Marine Albarde Renaud Francou Daniel Kaplan Si j'ai une information sur vous, vous l'avez aussi. Et vous en faites ce qui a du sens pour vous! Ont galement contribu ce Livre Blanc: Louis-David Benyayer, Pierre-Julien Cazaux, Carole Leclerc. Graphisme et mise en page: Lucas Linares - www.lucaslinares.com Ce document est mis disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 3.0 France d Cahier d'exploration c 3. Depuis des dcennies, les entreprises et les administrations se sont dotes de moyens sans cesse plus performants de capturer, retenir et exploiter les donnes relatives leurs clients et usagers. Objectifs: concilier massification et personnalisation de la relation, mieux analyser la relation (risque, ren- tabilit), optimiser stocks et tarifs, prvoir, faire voluer les offres, fidliser... En revanche, les individus nen retirent rien de vrai- ment perceptible: ni information, ni connaissance, ni capacits nouvelles. Ils supportent mal cette asym- trie. Les pouvoirs publics la contestent galement. Les technologies la fragilisent. Il est temps dexplorer une autre voie. Cette premire dition sera profond- ment revue au terme de l'exprimentation "MesInfos" laquelle, nous l'esprons, la lecture de ce petit ouvrage vous donnera envie de participer. 4. MesInfos | Cahier d'exploration 76 Executive summary Executive Summary "Si j'ai une donne sur vous, vous l'avez aussi. Et vous en faites ce qui a du sens pour vous !" C'est autour de cette ide que, depuis 2012, la Fing et plusieurs partenaires ont engag le projet MesInfos : explorer ce qu'il se passerait si les organisation qui possdent des donnes personnelles partageaient ces donnes avec les individus qu'elles concernent. En un an, nous avons prouv que cette ide rpondait de relles attentes ; qu'elle pouvait s'incarner dans des usages trs concrets qui bnficient tant aux indi- vidus qu'aux organisations ; qu'elle s'explorait dj ailleurs et rsonnait avec les rflexions de plusieurs grandes entreprises, gouvernements ou quipes de recherche. Ce "Cahier d'exploration" rend compte de ce travail, sans ngliger les nom- breuses questions, voire les dfis, qu'un projet tel que MesInfos fait apparatre. Sa publication annonce la prochaine phase du projet MesInfos: l'exprimentation sur le terrain. Depuis des dcennies, les entreprises et les administrations se sont dotes de moyens sans cesse plus performants de capturer, retenir et exploiter les donnes relatives leurs clients et usagers. Objectifs : conci- lier massification et personnalisation, mieux analyser la relation (risque, rentabi- lit), optimiser stocks et tarifs, prvoir, faire voluer les offres, fidliser... En revanche, les individus nen retirent rien de vraiment perceptible : ni information, ni connaissance, ni capacits nouvelles. Ils supportent mal cette asymtrie. Les pouvoirs publics la contestent galement. Les technologies la fragilisent. Plusieurs initiatives la remettent concrtement en question. MesInfospropose une voie nouvelle, dif- frente : faire en sorte que les individus puissent (re)trouver l'usage des donnes qui les concernent, leurs propres fins. Du point de vue des individus, il s'agit d'une nouvelle tape dans l'empowerment numrique. Du point de vue des entre- prises et des administrations, il s'agit de recrer la confiance, de retrouver le sens de la relation avec leurs clients et usagers, d'imaginer de nouvelles formes de co- construction de valeur. Du point de vue de la socit enfin, il s'agit de sortir par le haut de la tension montante autour de la vie prive et de l'usage crois- sant des donnes personnelles, en combi- nant protection et mise en capacit d'agir des individus. De quelles donnes parle-t-on ? Toutes celles dont lusage peut fournir une information utile aux individus, telles que : Consommation :ce que j'ai achet, o, quand, pour combien Finances :mes avoirs, mes flux financiers, leur origine et destination, consolids... Communication :mes appels, SMS, messages, publications, commentaires et autres contributions sur le web et les rseaux sociaux Navigation sur le web :sites visits, requtes auprs de moteurs de re- cherche, tlchargements, informa- tions transmises et recueillies en ligne, traces Mobilit :ma golocalisation, mes itinraires, les moyens de transport que j'ai utiliss Sant et bien-tre :bilans mdicaux, mesures personnelles (poids, taille, tension), prescriptions, etc., Formation et emploi :diplmes et autres preuves de comptence (for- mations suivies, projets, recomman- dations) ; itinraire professionnel, mais aussi activits associatives, sportives, culturelles Energie :ce que je consomme, quand, auprs de qui, cause de quels appareils... 5. MesInfos | Cahier d'exploration 98 Executive summary Pour en faire quoi ? Mais quels bnfices les individus pourraient-ils tirer de leurs donnes ? Au travers d'ate- liers, de travaux de veille et d'explorations cratives, MesInfos en a identifi plusieurs dizaines, que nous classons en 6 catgories. La perspective ouverte par MesInfos ferait ainsi natre un march entirement nouveau, ouvert aux innovateurs : celui des "services personnels de donnes". Comment cela fonctionnerait t-il ? Les donnes d'un individu celles qu'il produit lui-mme, celles qu'il laisse comme traces et celles dont les organisations disposent lui sont accessible au travers d'un "entrept personnel de donnes" (personal datastore) personnel et scuris. Celui-ci communique de manire sre avec les systmes d'information des entreprises et des organisations, qui s'y sont adapts, pour obtenir les donnes relatives l'individu mais aussi, par exemple, pour mettre ces donnes jour. Les individus peuvent explorer eux-mmes leurs donnes dans leur "entrept" ; mais les usages passeront le plus souvent par des services "tiers" (agrgateurs, comparateurs, or- ganisateurs, etc.) qui proposeront un bnfice concret et une interface simple : mesurer son empreinte carbone et son volution dans le temps; obtenir les meilleures proposi- tions pour prparer un voyage sans dpendre d'une seule agence de voyage ; choisir le meilleur endroit o s'installer en fonction du mode de vie de sa famille ; grer sa vie admi- nistrative ; prendre soin de sa forme et de sa sant ; faire son bilan de comptences, etc. Qu'est-ce que a apporte ? La valeur du partage des donnes personnelles avec les individus quelles concernent est la fois conomique et sociale. Elle concerne ceux qui dtiennent aujourdhui ces donnes, les individus, mais aussi l'cosystme d'innovation et l'conomie en gnral. Pour lconomie en gnral Confiance et efficience Recrer de la confiance Rendre les marchs plus efficients Pour les dtenteurs de donnes personnelles Fidlit, qualit, innovation Des donnes de meilleure qualit Retrouver le sens de la relation commerciale Comprendre ce que veulent vraiment les consommateurs : le vrai 360 Inventer de nouveaux services Pour lcosystme dinnovation Nouveaux acteurs et nouveaux services Les plates-formes personnelles de donnes Une opportunit pour une myriade de services tiers Pour les individus Commodit, projection et empowerment Sortirdunesituationdenon-valeur:l'exploitationsubiedesdonnes Une valeur dusage plutt qu'une valeur marchande Schma : 6 "grands domaines d'usage" pour les individus partir de leurs donnes 06CONTRIBUTION02CONTROLE 01GESTION 04CONSCIENCE 03CONNAISSANCE DE SOI 05DECISION ET ACTION 6. MesInfos | Cahier d'exploration 1110 Executive summary Un sujet qui bouge dj Le retour des donnes personnelles aux individus est bien plus qu'une ide. Depuis long- temps, les pionniers du "VRM" (Vendor relationship Management), du Quantified Self et des "coffres-forts numriques" inventent outils et infrastructures pour permettre l'indi- vidu de faire usage de ses donnes. C'est aussi un projet gouvernemental prioritaire au Royaume-Uni (Midata), une srie d'actions fdrales sectorielles aux Etats-Unis (Green Button, Blue Button), une source de propositions du rapport de Nicolas Colin et Pierre Collin sur la "fiscalit du numrique" et la base sur laquelle se lancent plusieurs dizaines de start-ups. Mais cette perspective devient bien plus puissante si les organisations, publiques ou prives, s'engagent elles-mmes dans son exploration, avec pour objectif d'imaginer les formes de cration de valeur partage qu'elle peut produire. Dfis, incertitudes et nouveaux risques Un projet aussi transformateur fait naturellement merger de nouveaux risques et incer- titudes, ainsi que des dfis relever en vue d'un passage l'chelle. Le temps de l'exprimentation La transformation qu'opre un projet tel que MesInfos touche au cur de la relation entre les organisations et leurs clients et usagers, donc de leur marketing, de leur front office, de leur systme d'informa- tion, voire de leur culture. Ce changement profond, complexe, prendra du temps mais sera difficile rattraper par ceux qui viendront ensuite : les entreprises, les in- novateurs qui auront fait le pari de s'enga- ger dans cette voie y trouveront la source d'un avantage comptitif durable. Pour valider certaines des hypo- thses et mieux cerner le potentiel comme les risques que nous mentionnons dans ce cahier dexploration, une exprimentation grandeur nature s'engage en 2013 avec des partenaires divers : grandes organi- sations dtentrices de donnes, acteurs technologiques, start-ups et innovateurs, chercheurs, et des consommateurs et citoyens. Il sagira dapprendre collec- tivement, pas pas, tout en sinscrivant parmi les pionniers de ce mouvement. Les enseignements tirs de cette exprimenta- tion permettront d'alimenter une nouvelle version de ce cahier d'exploration, consi- drablement enrichie. Marine Albarde Renaud Francou Daniel Kaplan Pour les individus A nouveau pouvoir, nouveaux risques ? Les individus sont-ils intresss recevoir leurs donnes ? Ne vont-ils pas se retrouver de plus en plus enferms dans les mmes pratiques ? Y a-t-il de nouveaux risques dabus et si oui, comment les prvenir ? Comment outiller les individus pour qu'ils gagnent vraiment en connaissance et en capacits d'action ? Pour les dtenteurs de donnes personnelles Quont-ils y gagner ? La transparence est-elle un risque payant ? Combien a cote ? Combien a rapporte ? De nouveaux concurrents vont-ils merger ? Des dfis technologiques Construire lautonomie en toute scurit Garantir l'identit des individus Assurer la scurit des informations Etablir des standards Des dfis juridiques et politiques Etablir des garanties, construire une gouvernance Comment exprimer et faire respecter la volont des individus ? Faut-il aller vers une obligation de restitution des donnes? 7. 0606 07 08 LE TEMPS DE LEXPERIMENTATION Pages 92 99 Conclusion Pages 100 103 Annexes FAQ - BIBLIOGRAPHIE Pages 104 111 0404OU EST LA VALEUR? Pages 64 79 INCERTITUDES ET NOUVEAUX RISQUES Pages 80 91 05 0202 0303 LE RETOUR DES DONNEES PERSONNELLES AUX INDIVIDUS: LENJEU Pages 16 23 INTRODUCTION Pages 14 15 LA PISTE DU PARTAGE Pages 24 39 QUELS SERVICES, POUR QUELS USAGES? Pages 40 63 Sommaire 0101 0000 8. MesInfos | Cahier d'exploration 1514 Introduction Voil tout juste un an, la Fing et un petit groupe dentreprises, dacteurs publics et de chercheurs dcidaient de chercher ensemble les rponses ces questions un peu iconoclastes: le projet MesInfos tait n. Alors que celui-ci sapprte passer une nouvelle tape, celle de lexprimenta- tion, le moment est venu de faire le point sur cette perspective devenue, en peu de mois, trs concrte. Lide dorganiser le retour des donnes aux individus quelles concernent ne vient pas de nulle part. Louvrage Informatique, liberts, identits que publiait la Fing en 2010 proposait dj de transformer le droit daccs et de rectification de la loi de 1978 en un droit daccs et de rcup- ration des donnes. En 2011, lexpdition de la Fing et la Fondation Tlcom sur la Confiance numrique en faisait une des pistes dinnovation susceptible de rpondre la crise de confiance qui oppose individus et organisations. Aux Etats-Unis, le Project VRM anim par Doc Searls fait de la matrise et de lusage de leurs donnes par les consommateurs la base dune transformation positive, rendant les marchs plus efficients et la relation de service plus enrichissante pour toutes les parties. Le programme gouvernemental Midata (Royaume-Uni) et la Mydata Initiative amricaine, ont achev de transformer une ide htrodoxe en un mouvement mergent. Ce mouvement touche aussi la France, o le rapport de Nicolas Colin et Pierre Collin sur la fiscalit du num- rique envisage que la taxation assise sur la collecte de donnes personnelles quil propose, se rduise si les entreprises par- tagent les donnes collectes avec les indi- vidus concerns. Le temps semble donc venu de considrer le retour des donnes personnelles aux individus comme une hypothse srieuse et une perspective pas si lointaine. Tout au long de lanne 2012, les parte- naires du projet MesInfos ont multipli les ateliers, pris part aux discussions du Project VRM, rencontr les acteurs britanniques de Midata, chang avec des experts, entrepreneurs et chercheurs de France et dailleurs. Leur but tait la fois de prparer une exprimenta- tion grandeur nature, et dexplorer de manire prcise la piste du partage: quels bnfices les individus comme les organisations peuvent-ils en attendre? Quels services et outils peut-on imaginer dans cette perspective? Quelle valeur conomique et sociale en attendre? Quels obstacles faudra-t-il lever? Quels risques faut-il anticiper? Vous tenez entre les mains le produit de ce travail collectif. Aussi riche et dense soit-il, il constitue moins un produit fini quune tape de la rflexion, quun outil de travail. Au service dune perspective laquelle, aprs cette anne de travail, nous croyons plus que jamais: celle de recrer confiance, reliance et croissance en rquilibrant la relation entre les individus et les organisa- tions. 00 INTRODUCTION Que se passerait-il si, demain, les organisations partageaient les don- nes personnelles quelles dtiennent avec les individus quelles concernent, pour quils en fassent ce que bon leur semble? Quels usages, quelles connais- sances, quels services, quels risques aussi, pourraient merger si les individus disposaient, non seulement du contrle, mais de lusage de ces donnes: leurs finances, leurs achats, leurs dplace- ments, leurs communications et leurs relations en ligne, leur navigation web, leur consommation dnergie, etc.? 9. La confiance est en crise. Cette crise ne touche pas seulement les ins- titutions, mais bien le cur de la rela- tion entre les individus et les organi- sations. Limportance croissante prise par les donnes personnelles dans lactivit des organisations y contribue lourdement. Au-del des dmarches de protection, qui demeurent indis- pensables, une autre voie se dessine: partager avec les individus les donnes qui les concernent, pour quils les uti- lisent leurs propres fins. d CHAPITRE 01 LE RETOUR DES DONNEES PERSONNELLES AUX INDIVIDUS: LENJEU 01 00p 05p 10. LE RETOUR DES DONNEES PERSONNELLES AUX INDIVIDUS: LENJEU 01MesInfos | Cahier d'exploration 1918 Ce dficit massif de confiance constitue lune des sources de la baisse continue de la fidlit vis--vis des entreprises et des marques. Selon la Global CMO Study dIBM02 , celle-ci constitue lun des princi- paux facteurs dinquitude des directeurs marketing de grandes entreprises mon- diales. La collecte et lutilisation de plus en plus massive des donnes personnelles contribue la crise. Alors que lattention des acteurs semble focalise sur le poten- tiel des Big Data, force est de constater que les donnes personnelles, ptrole de lconomie contemporaine, sont aussi son Le dsquilibre devient intenable entre, dun ct, des organisations surinformes (notamment propos de leurs clients), surquipes en outils dcisionnels, surprotges et, de lautre, des individus dots de leur seul navigateur web. poison. Cest en particulier le cas sur lin- ternet: denqute en enqute, les consom- mateurs affirment que, si leur dfiance vis--vis de la technologie diminue, elle saccrot vis--vis de lattitude des organi- sations, de plus en plus systmatiquement souponnes dabuser des informations que les consommateurs leur confient. Le dsquilibre devient intenable entre, dun ct, des organisations surinformes (no- tamment propos de leurs clients), sur- quipes en outils dcisionnels, surprot- ges et, de lautre, des individus dots de leur seul navigateur web. Source: Acsel Caisse des Dpts, Baromtre de la confiance des Franais dans le numrique, 2011 Risque perus du commerce en ligneUne crise de la confiance et de la fidlit La Confiance dans les entreprises et les administrations Source: Edelman TrustBarometerBuisness Gouvernment En 2012, le baromtre de la confiance du cabinet amricain Edelman01 confirme un glissement qui semble gnral, en France comme ailleurs. Premires victimes: les institutions publiques et les entreprises, qui ninspirent confiance qu un tiers des individus, loin derrire les ONG, les mdias et les personnes comme moi, celles dont on coute les avis sur les forums, les blogs ou les rseaux sociaux. Dans les 25 pays tudis, 27% des consommateurs pensent que les entreprises ont des pratiques ouvertes et transparentes, 32% des pratiques thiques, et 26% pensent quelles coutent les consommateurs. Sagis- sant des administrations, le score est infrieur de moiti 01. http://www.edelman.com/insights/intellectual-property/trust-barometer-2012 02. http://www-935.ibm.com/services/us/cmo/cmostudy2011/cmo-registration.html 11. LE RETOUR DES DONNEES PERSONNELLES AUX INDIVIDUS: LENJEU 01MesInfos | Cahier d'exploration 2120 Une enqute05 mene par lassociation de consommateurs anglaise Which? ne dit pas autre chose: 80% des individus disent se sentir assez ou trs concerns propos de leur vie prive en ligne. Pourtant, malgr linquitude quils expri- ment, les individus donnent limpression de ne gure utiliser les outils techniques et juridiques dont ils disposent pour se protger: cest ce que lon nomme, depuis les annes 1990, le paradoxe de la vie prive (privacy paradox). Mais, y regarder de plus prs, les individus nappa- raissent pas si passifs que a: ils mesurent ce quils divulguent en fonction de leur familiarit avec lorganisation qui leur demande de linformation, ils mentent, ils multiplient les adresses lectroniques, ils se mettent en scne sur les rseaux sociaux plutt quils ne se dvoilent06 Bref, ils d- veloppent un usage stratgique et tactique de leurs donnes. Tourn vers la projection de soi vers les autres au travers (notam- ment) des rseaux sociaux, cet usage devient en revanche souvent dfensif vis- -vis des organisations. Une autre voie se dessine Aujourdhui, contrairement ce qui fut le cas pendant des dcennies dinforma- tisation des organisations, les individus disposent des moyens de capter, stocker, traiter et changer beaucoup dinforma- tion: selon McKinsey07 , il y avait en 2010 presque autant de donnes stockes chez les individus que dans les entreprises ! En premier lieu, les individus se servent de cette capacit pour discuter ensemble de ce quils vivent ou valuer des produits, pour schanger des avis ou des services, pour partager des biens. Lexpdition Nouvelles approches de la confiance de la Fing et la Fondation Tlcom08 mettait ainsi en lumire lmergence puissante dune confiance de pair pair, horizon- tale. Avec une consquence majeure: les clients, les usagers ne sont plus seuls face aux organisations. En interagissant avec de multiples sources et interlocuteurs, ils se forgent un avis hors de toute matrise de la part des entreprises concernes. Ils sentraident, ils apprennent dtourner les systmes. Ils dcodent le modle daffaires dune entreprise, les systmes tarifaires, le fonctionnement des marchs Ils sen servent, aussi, pour produire et exploiter leurs propres donnes, leurs propres fins. Le mouvement du Quanti- fied Self (quantification de soi) a donn naissance des centaines de produits et de services autour, principalement, de la sant, du bien-tre et de la performance sportive09 : la balance communicante de Withings, les capteurs destins aux joggers, des bracelets pour mieux dormir Photo: Sebastiaan ter Burg 05. Which? General Public Omnibus, January 2012 06. Nous dveloppions cette ide dans Informatique, liberts, identits, Fyp Editions, 2010 07. "Big data: The next frontier for innovation, competition, and productivity" http://www.mckinsey.com/insights/mgi/ research/technology_and_innovation/big_data_the_next_frontier_for_innovation 08. http://www.fing.org/?-Nouvelles-approches-de-la- 09. Internet Actu : http://www.internetactu.net/2011/12/01/quantified-self-13-mettre-linformatique-au-service-du-corps/ Les clients comprennent de moins en moins les gammes et les tarifs des entre- prises mais ils savent que loptimisation tarifaire sert lentreprise avant le client. Lindustrialisation de la relation en dtruit aussi la qualit: quil sadresse un site web, un tloprateur stress par le chronomtre ou un conseiller au regard riv sur son cran, le client sait quil parle toujours lOrdinateur. Un interlocuteur qui sait beaucoup de choses sur lui, mais ne lui dit pas quoi, qui fait des choix pour lui sans lui dire pourquoi, et qui ne laisse gnralement personne le soin dintro- duire du jeu dans le mcanisme. Les Big Data (dans leur utilisation mar- keting) ont pouss la tendance jusqu son paroxysme: pourquoi perdre son temps dialoguer avec un consommateur, puisquon sait dj tout sur lui? Prsentant les 8 lois du Big Data dans le magazine Forbes03 , le chroniqueur et entrepre- Source: Attitudes lgard de la protection des donnes et de lidentit lectronique, Eurobaromtre, 2011 neur David Feinleib ny va pas par quatre chemins dans ses conseils aux entreprises: Loi N3: Utilisez des donnes plus diverses, pas seulement plus nombreuses autrement dit, croisez tous les fichiers possibles. Loi N4: Les donnes gardent leur valeur bien plus longtemps que vous ne le croyiez autrement dit, oubliez le droit loubli. Loi N5: Prvoyez une crois- sance exponentielle, et en particulier dajouter les donnes issues de lin- ternet des objets aux donnes venant des rseaux sociaux autrement dit, des donnes bien souvent captures linsu des individus concerns Ne nous tonnons pas, alors, de consta- ter linquitude croissante des europens, mesure par lEurobaromtre04 : 03. http://www.forbes.com/sites/davefeinleib/2012/07/24/big-data-trends 04. http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb_special_359_340_fr.html 12. LE RETOUR DES DONNEES PERSONNELLES AUX INDIVIDUS: LENJEU 01MesInfos | Cahier d'exploration 2322 La restauration de la confiance et de la fidlit ne passe donc pas seulement par une meilleure protection des donnes personnelles. Lenjeu, cest que les indivi- dus puissent rcuprer et produire leurs propres donnes, pour en faire ce qui a du sens pour eux. Et tout indique que si les grandes entreprises et les administrations ne sengagent pas volontairement dans cette voie, dautres le feront pour eux. Enfin, une vague de nouveaux services propose aux consommateurs de rcuprer les donnes qui les concernent pour leur trouver de nouveaux usages: Les Personal Finance Managers (PFM) rassemblent les donnes ban- caires des individus pour leur donner une vision globale de leurs finances et leur proposer un ensemble doutils pour optimiser la gestion de leur argent, leur consommation, leur fis- calit Les coffres-forts numriques, trs actifs en France, runissent dans un mme espace les documents admi- nistratifs dun individu ou dun foyer, ses principaux contrats (assurance, garanties), ses factures, et laident administrer cet ensemble. Lapplication Skerou propose aux consommateurs de photographier leurs tickets de caisse et den lire le contenu (grce un outil de recon- naissance de caractres) pour mieux prparer vos listes de courses, suivre votre budget, garder un il sur les promotions. Toutes ces initiatives prsentent deux points communs: elles se dveloppent en dehors de (voire en opposition ) la relation entre les individus et les entre- prises qui dtiennent leurs informations ; elles remettent en question les cadres de responsabilit existants sans, pour lins- tant, en proposer un nouveau. Visuel:MarieCoiri&JulienDefait 13. Imaginons maintenant que, demain, les entreprises et les adminis- trations partagent les donnes per- sonnelles quelles dtiennent avec les individus que ces donnes concernent, pour quils en fassent tout ce qui a du sens pour eux: Si jai une info sur vous, vous lavez aussi Comment cela pour- rait-il se passer? A quoi cela pourrait-il servir? Est-ce une ide srieuse? CHAPITRE 0202 d LA PISTE DU PARTAGE00p 05p 10p 15p 14. La piste du partage 02 MesInfos | Cahier d'exploration 2726 Pers onal data manage m ent Personal Information Management services help the individual gather, collate, curate and use information about their lives 3. Personal data handbacks Info about my transactions, behaviours, usage etc (midata) 4. Personal informatics Information gathered from my life 2. Information as a tool e.g. information from the market whats available, whats possible? 5. P2P info sharing Peer reviews, chat communities, forums etc. 1. ID and claims verification Providing proofs of claims about multiple aspects of my life 6. Information from my head My goals, plans, priorities, preferences, constraints, circumstances etc. Mobilit: ma golocalisation, mes itinraires, les moyens de transport que jai utiliss relis, par exemple, des systmes dinformation qui maident choisir les meilleurs modes, un calculateur de mon empreinte cologique mais aussi, pourquoi pas, croiss avec les donnes relatives mes communi- cations pour imaginer des meilleures manires dorganiser mon temps, mes rythmes et lieux de travail Energie: ce que je consomme, quand, auprs de qui, cause de quels appareils, afin, par exemple,dimaginerlesmoyensdepayer moins cher, ou de vivre plus vert. La liste nest pas close. Elle na pas de limite intrinsque: toute donne personnelle qui peut prsenter un intrt concret pour lindividu quelle concerne, peut avoir vocation revenir vers cet individu. Schma: The individual as data manager, Ctrl-shift 2011 De quelles donnes parle-t-on? Toutes celles dont lusage peut fournir une information utile aux individus, telles que: Consommation: ce que jai achet, o, quand, pour combien mis en relation, par exemple, avec des informations sur lorigine, les composants, les carac- tristiques nutritives ou sanitaires, le bilan carbone et aussi, par exemple, les garanties en cours qui couvrent dif- frents produits techniques. Finances: mes avoirs, mes flux financiers, leur origine et destination, consolids partir de tous les tablissements auprs desquels jai un compte, mes polices dassurance, les dossiers en cours... Communication: mes appels, mes SMS, mes messages, mes publications, commentaires et autres contributions sur le web et les rseaux sociaux Navigation sur le web: les sites que jai visits, mes requtes auprs de moteurs de recherche, mes tlchargements, les informations que jai transmises et recueillies en ligne, les traces captes (jusquici) mon insu Formation et emploi: ses diplmes, mais aussi toutes les autres preuves de comptence (les formations suivies, les projets mens bien, les loges reues de ses par- tenaires); son itinraire profession- nel, mais aussi ses autres activits, associatives, sportives, culturelles mettre en valeur, ou au contraire masquer, en fonction de ses interlocu- teurs et de ses buts. Sant et bien-tre: bilans mdicaux, mesures person- nelles (poids, taille, tension), pres- criptions, etc., que lon peut, mme en labsence de toute pathologie, croiser utilement avec ce que lon sait de son alimentation et de sa mobilit pour, par exemple, imaginer les manires de vivre une vie plus saine. 15. La piste du partage 02 MesInfos | Cahier d'exploration 2928 Exemple de donnes anonymes de Quantified Self collectes partir des produits Withings Source: anonymous data extracted from Withingsproducts users databases | www.blog.withings.com Mais que diable peut-on faire partir de ses propres donnes? De lanalyse des projets existants en France et ailleurs, comme des ateliers cratifs mens dans le cadre de MesInfos, ressortent six catgories de bnfices (voir partie 3 pour plus de dtails): Contrle: protger ses donnes, savoir ce que lon sait de soi pour ventuellement le corriger ou le faire supprimer, maitri- ser ce que lon transmet ou non Gestion et commodit: grer ses documents et sa paperasse; mettre jour ses donnes automati- quement auprs des interlocuteurs; remplir automatiquement les for- mulaires en ligne tout en contrlant ce quon transmet ou non chaque entreprise Connaissance de soi: suivre lvolution de ses perfor- mances sportives; comprendre les mcanismes qui influent sur notre humeur ou notre sant ; (se) raconter sa semaine au travers des lieux quon a frquents, de ce quon a achet et de ses pratiques en ligne ; faire son bilan de comptences et demploya- bilit ; se comparer dautres sur les critres qui comptent pour nous Conscience: calculer son empreinte cologique et faire des choix pratiques (nergie, mobilit, consommation) pour la rduire ; russir consommer bio ou thique sans y passer des heures ni payer trop cher Dcision et action: comparer des offres en fonction de son mode de vie (par exemple, des tarifs tlphoniques en fonction de son rel historique de communica- tions mobiles), choisir un endroit o habiter, exprimer ses projets ou ses intentions dachat un march et attendre des propositions venues de plusieurs fournisseurs ; organiser son temps et ses dplacements, optimi- ser sa consommation globale dner- gie, grer son budget et ses finances, dclarer ses impts en deux clics, envoyer un CV personnalis, rengo- cier des contrats Contribution: mettre disposition ses donnes de sant au service dune tude clinique (comme le font les utilisateurs de PatientsLikeMe), ses donnes de mobilit au bnfice de cartographies urbaines dynamiques, sa golocali- sation pour alimenter Open Street Maps 16. La piste du partage 02 MesInfos | Cahier d'exploration 3130 Entre des DONNES personnelles Partage des DONNES personnelles Consultation de l'ensemble des DONNES personnelles souhaites. Autorisation de l'individu donnant accs certaines de ses DONNESPRIVES PUBLIQUES ORGANISATIONS RUTILISATEURS ENTREPRISESSTART-UP COMMUNAUTS D'INNOVATEURS DESIGNERS USAGERS PLATEFORME entrept de donnes personnelles INDIVIDUS SERVICES disponibles et utile pour l'individu ou pour la relation entre individus et organisations Concrtement, comment cela se passera-t-il? Les individus disposeront de moyens qui leur permettront: Daccder volont aux informa- tions dont les entreprises disposent sur eux. De complter ces informations par des donnes quils auront eux- mmes captes ou entres: docu- ments scanns, capteurs personnels du Quantified Self, traces de naviga- tion enregistres par leur navigateur, golocalisation Au travers dun entrept per- sonnel de donnes (personal datas- tore), dexploiter ces donnes pour leur propre compte. Dinteragir avec les systmes dinformation dautres organisations en disposant de moyens dexprimer dune manire non ambigu leurs prfrences, leurs choix, leurs inten- tions y compris, bien sr, en matire de vie prive. De publier des vues sur leurs informations, par exemple pour se prsenter dans un forum, se valoriser sur un site denchres, entrer dans un rseau social, chercher un emploi Larchitecture dun monde de donnes vraiment personnelles Source: MesInfos 2012 (Juliette Maroni) 17. La piste du partage 02 MesInfos | Cahier d'exploration 3332 Une carte des usages des donnes personnelles par et pour les individus Source: MesInfos 2012 (Pierre-Julien Cazaux) cosystme des services autour des donnes personnelles Classer Archiver Visualiser Mesurer analyser Comparer Partager Faire des projets Exprimer ses attentes Se prsenter sous diffrentes facettes Mettre jour Choisir Contrler Portabilit Capter tre reconnu en toute scurit Stocker Se faciliter la vie Matriser Se projeter Mieux se connatre Les entreprises ou les administrations adapteront leurs systmes dinformation pour dialoguer avec les individus par lin- termdiaire de ces nouveaux outils: Recueillir, mettre jour et restituer des donnes personnelles. Faire voluer leur relation clien- tle pour interagir avec des usagers et clients mieux informs et mieux outills. Proposer des nouveaux choix, de nouvelles options, des nouveaux services. Rpondre des appels doffres ou des appels propositions issus de consommateurs, isols ou en groupe. Recruter sur des bases plus riches que le classique CV Des fournisseurs de services tiers proposeront aux individus une gamme doutils et de services fonds sur leurs donnes. Activs par les individus et sous leur contrle, ces services prendront toutes sortes de forme: Outils et services personnels dana- lyse et de gestion. Outils et services de visualisation, de reprsentation, de modlisation, de projection Outils et services de comparaison, de matching, de mise en relation, de transaction. Outils et services majordomes, daccompagnement, coaching ou dl- gation. Outils et services de contrle, de suivi, de traage, de portage des donnesdunenvironnementunautre. Mais aussi, pourquoi pas, des jeux en rseau, des rseaux sociaux dun nouveau genre, des espaces collabo- ratifs pour produire des connaissances communes Lexploration des services que la restitution des donnes person- nelles aux individus rendra possibles ne fait que commencer. 18. La piste du partage 02 MesInfos | Cahier d'exploration 3534 ngocier des conditions dinteraction, pour apprendre de ces interactions. La perspective de Doc Searls est celle dune conomie de lintention11 dans laquelle les consommateurs cessent dtre des in- dividus passifs dont on cherche continuel- lement capter lattention, pour exprimer leurs intentions auprs dentreprises qui se mettent leur coute. Economiquement, cette approche pourrait rendre les marchs beaucoup plus efficients: au lieu de devoir deviner les intentions des consomma- teurs partir de systmes de plus en plus complexes et intrusifs, les entreprises pourraient en prendre connaissance la source, dune manire non ambigu. En 2011 et 2012, le Forum Economique Mondial (WEF, plus communment connu sous le nom Forum de Davos) publiait une srie de rapports sur le potentiel conomique des donnes personnelles12 . Pour le WEF les donnes reprsentent une nouvelle classe dactifs, une opportu- nit conomique post-industrielle, mais cette opportunit ne se ralisera pas si le dsquilibre persiste entre le niveau de connaissance et doutillage des organisa- tions, et celui des individus. Le WEF intro- duit lide dun cosystme des donnes personnelles, dans lequel les donnes dun individu seraient traites comme un capital que celui-ci grerait et exploiterait lui-mme. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis passent laction Port depuis avril 2011 par le gouvernement britannique et 19 entreprises, le projet Midata13 se fixe pour objectif de tirer parti du potentiel conomique que repr- sente, pour les entreprises, le basculement de leur relation clients dune approche unilatrale de collecte des donnes une approche de partage fonde sur une confiance mutuelle. La perspective est conomique: dune part, des consomma- teurs plus exigeants et mieux en mesure dexprimer leurs intentions rendront les marchs plus efficients ; dautre part, un march entirement nouveau de services personnels fonds sur les donnes des individus pourrait merger. 11. Titre de l'ouvrage de Doc Searls (Harvard Business Press, 2012) 12. http://www.weforum.org/issues/rethinking-personal-data 13. https://www.gov.uk/government/policies/providing-better-information-and-protection- for-consumers/supporting-pages/personal-data Des plates-formes personnelles de donnes joueront un rle de pivot entre les utilisateurs, les dtenteurs de donnes personnelles et les fournisseurs de services tiers. Elles sont le premier point de contact entre lindividu et ses donnes et lui fournissent, a minima, les moyens ncessaires pour contrler la validit, la circulation et lusage de ses informations. Elles mettent disposition des outils simples dadministration, de mise jour, de visualisation, de re- cherche et danalyse de ses informa- tions. Elles communiquent avec les systmes dinformation des dten- teurs de donnes pour obtenir, dune manire scurise, laccs aux donnes qui concernent lindividu. Cestauprsdellesquedesservices tiers obtiennent les donnes que les individus les ont autoriss utiliser, dans des conditions prcises et vri- fiables. Les formes que prendront ces plates- formes restent encore prciser (voir chapitre 5). Comment, en effet, proposer une grande simplicit dusage pour les individus, sans compromettre la scurit des donnes des individus, ni confrer loprateur dune plate-forme un pouvoir de march dont il sera naturellement tent dabuser? Plusieurs modles sexplorent: priv ou communautaire, centralis ou clat, fond ou non sur un transfert physique des donnes, hberg chez lutilisateur ou dans le cloud, gnraliste ou spcialis (des plates-formes sant, finances, formation), etc. Une piste qui sexplore dj ailleurs Ds 2006, lAmricain Doc Searls propo- sait le concept de VRM (Vendor Rela- tionship Management, le symtrique ct consommateur du CRM, Customer Rela- tionship Management). Doc Searls nest pas un inconnu: il est lun des auteurs du Cluetrain Manifesto (1999), texte qui continue de faire rfrence sur le mar- keting et la relation clients lre num- rique10 . Le message du VRM: un client libre a plus de valeur quun client captif. Un client libre dispose dun niveau dinfor- mation et doutillage comparable celui des organisations avec lesquelles il est en relation. Son systme dinformation interagit avec celui des organisations pour partager (ou non) des informations, pour Schma de Paul Trevithick, photographi par Doc Searls 10. http://www.cluetrain.com/ 19. La piste du partage 02 MesInfos | Cahier d'exploration 3736 Les deux pays en pointe sur la restitution des donnes personnelles aux individus, Royaume-Uni et Etats-Unis, le sont gale- ment sur louverture des donnes gres par les administrations publiques (open data). Cela na rien de fortuit. Lopen data transforme le droit trs tabli daccs aux documents administratifs (Freedom of In- formation Act dans les pays anglo-saxons, loi de 1978 dite CADA en France) en un droit de rutilisation des donnes, qui suppose que celles-ci soient accessibles de manire informatique, sur des serveurs. De la mme manire, la restitution aux individus des donnes personnelles qui les concernent transformerait le droit daccs et de rectification de la loi Infor- matique et liberts (qui date galement de 1978), et ses quivalents dans dautres pays, en un droit de rcupration et de ru- tilisation des donnes. Des participants en plein brainstorm pendant le 1er hackathon du projet Midata, en novembre 2012 | Photo: Mydex Open Data: le prcdent Les principes du projet Midata La charte du projet Midata repose sur 9 principes centraux: Les donnes restitues aux consom- mateurs le sont dans des formats ru- tilisables, lisibles par des machines et fonds sur des standards ouverts. Les consommateurs doivent pouvoir visualiser, rcuprer et stocker leurs donnes dune manire sre. Les consommateurs doivent pouvoir analyser, manipuler, intgrer et partager leurs donnes comme ils lentendent. Un effort de standardisation des termes, des formats et des donnes doit tre entrepris, dune manire aussi multisectorielle que possible. Les donnes doivent tre mises disposition des consommateurs le plus rapidement possible aprs que ceux-ci les auront demandes. La priorit est de fournir des donnes utilisables et utiles la prise de dcision ou la conduite dactivits spcifiques. Les organisations ne devraient imposer aucune restriction, placer aucune barrire la rutilisation des donnes. Les organisations contribueront faire connatre aux consommateurs les opportunits et les responsabilits associes au nouveau pouvoir dont ils disposent sur leurs propres donnes. Les organisations informeront pr- cisment les consommateurs sur la manire dont leurs donnes ont t collectes, sur ce quelles reprsen- tent, et sur les interlocuteurs contac- ter en cas de problme. Aux Etats-Unis, dans le cadre de la strat- gie dite de Smart Disclosure14 , ladmi- nistration Obama multiplie les initiatives sectorielles de restitution des donnes aux individus: Blue Button (donnes de sant), Green Button (nergie), Purple Button (formation). Ici, la perspective est celle de lempowerment (mise en capacit) des individus, outills et mis en capacit de prendre de meilleures dcisions, de faire des choix plus clairs, dexprimer leurs attentes et aspirations, de prendre en main leur quotidien comme leur destine. Comme au Royaume-Uni, le gouverne- ment a souhait stimuler l'cosystme d'innovateurs en lanant un concours pour le dveloppement d'applications, Apps for Energy , qui offrait 100 000$ de prix aux applications innovantes dans le domaine de l'nergie. Parmi les applications rcompenses se trouvent Leafully (met en vidence l'impact de nos dcisions/comportements nergtiques, puis aide ses utilisateurs raliser des conomies et rduire leur empreinte cologique), Melon (compare la performance nergtique d'un btiment commercial avec une base de donnes na- tionale, permet d'obtenir un label, fournit des conseils pour amliorer la performance de l'immeuble), BYI (permet de suivre et budgter sa consommation facilement)... 14. http://www.whitehouse.gov/blog/2012/03/30/informing-consumers-through-smart-disclosure 20. La piste du partage 02 MesInfos | Cahier d'exploration 3938 Beaucoup de conditions semblent donc remplies pour que les individus deviennent destina- taires de leurs propres donnes, celles quils ont transmises comme celles qui ont t captes leur sujet. Des acteurs gouvernemen- taux, des grandes entreprises, des chercheurs et des entrepreneurs y croient suffisamment pour sy engager. Lide est lordre du jour. Reste lui donner ralit. Le contexte rglementaire va dans le sens de la rcupration des donnes par les individus La rvision en cours de la directive europenne sur la protection des donnes per- sonnelles15 prvoit, parmi dautres dispositions, un accs facilit des individus leurs propres donnes et la possibilit de transfrer leurs donnes personnelles dun fournisseur de services un autre. Sans aller explicitement jusqu la rutilisation de leurs donnes par les individus, la proposition de la Commission europenne installe un contexte qui la rend possible, voire inluctable. Au Royaume-Uni, lissu de la consul- tation nationale mene pendant lt 2012 autour du projet Midata16 , le gouverne- ment sest donn le droit dexiger de cer- taines entreprises quelles mettent dis- position de leurs clients les donnes dont elles disposent sur eux, dans un format lisible par des machines. Trois domaines sont concerns: lnergie, la tlphonie mobile et la banque. En France, la mission dexpertise sur la fiscalit de lconomie numrique confie au conseiller dEtat Pierre Collin et linspecteur des Finances Nicolas Colin, propose une imposition fonde sur les donnes personnelles collectes par les entreprises du numrique et qui devien- drait dgressive mesure que ces entre- prises donneraient plus de contrle sur ces donnes aux individus concerns, jusqu partager ces donnes avec eux et leur per- mettre de sen servir leurs propres fins17 . 15. http://ec.europa.eu/justice/newsroom/data-protection/news/120125_en.html 16. https://www.gov.uk/government/consultations/midata-2012-review-and-consultation 17. http://www.redressement-productif.gouv.fr/rapport-sur-fiscalite-secteur-numerique 21. Quels bnfices les utilisateurs peuvent-ils tirer de leurs propres don- nes? Quels usages, quelles connais- sances, quels services, quels risques aussi, pourraient merger dune telle transformation du paysage? Au travers des projets, des rflexions, des exprimentations menes dans le monde, les contours du nouvel co- systme des donnes personnelles pilot par les individus commencent se dessiner. 03 d CHAPITRE 03 QUELS SERVICES, POUR QUELS USAGES?00p 05p 10p 15p 20p 22. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 4342 06CONTRIBUTION Alimenter la production de connaissances collectives 02CONTROLE Matriser ses identits numriques et ses donnes personnelles 01GESTION Administrer son quotidien et ses informations 04CONSCIENCE Mieux se connatre pour agir 03CONNAISSANCE DE SOI Vivre avec ses valeurs 05DECISION ET ACTION Faire les bons choix, et les appliquer Depuis plusieurs annes, des services proposent leurs utilisateurs de faciliter la gestion et la protection de certaines de leurs donnes personnelles et, parfois, de leur permettre den tirer dautres bnfices pratiques. Dans la mesure o la plupart des informations demeurent enfermes dans les bases de donnes des entreprises, sans partage avec les individus, ces services apparaissent souvent isols, trs spcia- liss, et complexes dutilisation puisquils demandent un certain travail lutilisateur. Ces services pionniers nous fournissent cependant des premires indications sur la nature des usages qui pourraient merger si, demain, les entreprises et les adminis- trations partageaient les donnes dont elles disposent avec les individus quelles concernent. Nous compltons ces indica- tions, dune part, des ides et projets qui circulent dans les communauts de cher- cheurs et dentrepreneurs actifs sur ce sujet dans le monde et dautre part, de propositions issues des ateliers cratifs mens par MesInfos en France et des hackathons organiss par Midata au Royaume-Uni. On peut ainsi classer ces services dans 6 grandes catgories: 23. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 4544 LePortfolio se dfinit comme un dispositif facilitant lapprentissage rflexif en permettant une personne de collecter, dorganiser et de publier une slection de traces de ses appren- tissages, pour faire reconnatre, voire valoriser, ses acquis et planifier ses apprentissages futurs19. Il sagit dexploiter les capacits de linfor- matique et des rseaux pour mettre les individus en capacit de valoriser et denrichir leur capital intellectuel, professionnel, social et culturel, tout au long de leur vie. Les fonctions du ePortfolio associent troitement la collecte et lagrgation dinforma- tions, leur analyse rflexive, et la pr- sentation contrle des facettes de lindividu qui lui sembleront les mieux adaptes un contexte donn: un CV, une plaquette, une bio dans un site communautaire Rassembler les traces de ses activits et de ses comptences Nos parcours professionnels sont de moins en moins linaires. Chacun dentre nous devra constamment acqurir de nouvelles comptences, sadapter de nouveaux contextes, travailler avec de nouveaux partenaires, passer de projet en projet, changer de mtier ou en exercer plusieurs la fois. Formation et travail deviennent de moins en moins dissociables. Le concept dePortfolio vise adapter les formes danalyse et de prsentation des comp- tences individuelles la ralit contempo- raine des trajectoires professionnelles. eportoflio 19. Source : Europortfolio La premire fonction indispensable, mais non suffisante, consiste faciliter la rcup- ration, lentre, le scan dinformations et de documents, puis leur archivage, leur classement, leur visualisation simple. Les entrepts personnels de donnes (personal datastores) et autres coffres-forts lectroniques fournissent tous ce service de premier niveau. Cest lquivalent des classeurs, botes darchives, dossiers suspendus et carnets dadresses que nous connaissons bien, ceci prs quil devient possible de rapprocher des informations qui existaient auparavant dans des univers trs diffrents: nos photos, par exemple, avec nos papiers administratifs ou nos factures. A quelles fins? Nous verrons par la suite plusieurs exemples de croisement qui, faits linitiative et au bnfice des individus, produisent du sens: pensons par exemple la reconstitution dun voyage partir dun agenda, de films et de photos, de traces de navigation web et de localisation, des factures dhtel et de restaurant, des coordonnes des amis rencontrs... Au-del de cette fonction de base, dautres directions mergent, dont plusieurs sont dj explores par des entreprises innovantes: Grer ses papiers, ses contrats et chances, ses factures, ses garanties... Les coffres-forts numriques18 se posi- tionnent aujourdhui sur ce domaine de gestion du quotidien, en proposant toutes ces fonctions. Ils rassemblent dans un seul et mme espace les documents adminis- tratifs du foyer, ses contrats, factures, les organisent et les archivent de faon struc- ture, et proposent des services suppl- mentaires: rcupration automatique de factures auprs des fournisseurs, rappel de dates cls, visualisation des dpenses, etc. Retrouver le contrle de ses contenus. Aujourdhui, les livres, les films, la musique achets sur de nombreuses plates- formes en ligne le sont sous la forme de licences dutilisation: dans bien des cas, rompre le contrat avec les plates-formes concernes signifie perdre laccs ces contenus. Il peut en aller de mme avec les photos, les vidos, les textes que lon a soi-mme publis sur un rseau social ou une autre plate-forme. Runir ces docu- ments sur une plate-forme place sous le contrle de lindividu, dans des formats qui en permettent la rcupration locale et la portabilit, permettrait de retrouver la matrise durable des contenus acquis ou produits par chaque individu. Des start-ups comme Cozy Cloud pro- posent des services de "Cloud Personnel", o l'utilisateur stocke toutes ses donnes et excute des applications qui les valorisent. 1|GESTION: administrer son quotidien et ses informations 18. Les acteurs franais actifs dans son domaine ont cr une association, l'A-CFN 24. UNE JOURNEE REUSSIE / CHRONOREVE Un assistant personnel intelligent qui organise et optimise lagenda du quotidien en se fixant pour priorit de dgager du temps ou de nourrir les temps morts au service de ses aspirations et de ses rves. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 4746 schma: Userstudio | Scnarios fictifs | Workshop Mes INFOS - Services et chanes de valeur? 14 juin 2012 Chronorve est un assistant personnel intelligent qui organise et optimise lagenda du quotidien en se fixant pour priorit de dgager du temps ou de nourrir les temps morts au service de ses aspirations et de ses rves. Lagenda optimise mon temps pour trouver des crneaux horaires et des propositions qui maident raliser ce(s) rve(s). Il se fonde pour cela sur cinq types de paramtres: Moi/mes proches/mes contacts Mesactivits(travail,course, etc...) Mes contraintes Mes prfrences Mes aspirations et mes rves Cet agenda, reposant notamment sur des donnes de golocalisation, de dates, dagendas partags en fonction de mes cercles relationnels, sait ga- lement reprer les opportunits du moment: par exemple, un crneau libre dans lagenda du mdecin (qui a accept de me le partager) qui corres- pond une de mes disponibilits. Le mdecin en bncie en remplissant mieux son agenda, et moi en protant de ce moment libre. Lagenda est au- to-apprenant: chaque n de journe, il me demande dvaluer sa perfor- mance et ajuste ses propositions en consquence. Il me permet ainsi de mieux grer mon quotidien en me faisant gagner du temps, tout en maidant me projeter et de rpondre mes aspirations. Chronorve 20 20. Service fictifs | Workshop Mes INFOS | FING 25. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 4948 transmet ladresse dautres ou encore, dinterrompre toute relation avec un site sans devoir changer dadresse... Au-del, la gestion par lindividu de ses diffrentes identits numriques publiques permet dexplorer des formes dhtronymat, cest--dire de pseudonymes durables, disposant de leur vie propre sur un ou plusieurs sites, porteurs de confiance, et pourtant dissocis de lidentit civile de celui ou celle qui la cr22 . 2.3 Simplifier et contrler les changes dinformations personnelles Le fait, pour les individus, dobtenir les donnes dont les organisations disposent sur eux, renforce leur capacit de contrle et de ngociation propos de ces donnes, de leur transmission, de leur usage, de leur contrle et de leur ventuel effacement. OneCub propose par exemple de visua- liser l'ensemble de ses relations avec les enseignes pour tre en mesure de mieux contrler celles avec qui l'on va dcider d'interagir-ou non. Plusieurs concepts de services et doutils visent la fois permettre aux individus de choisir quelles informations ils transmettront ou non des tiers qui les leur demandent, et leur faciliter la tche lorsquils font le choix de partager des informations: Ngociation et contrle des donnes transmises des tiers. Plusieurs outils et standards23 ont t proposs dans le but de standardiser le dialogue entre un individu et un service qui souhaite obtenir des donnes de sa part - sans grand succs pour linstant, faute dadoption de la part des organisations. Les promoteurs du concept de VRM (Vendor Relationship Management) vont plus loin, en imaginant que ce serait demain aux or- ganisations qui rclament des donnes de signer (numriquement) la charte dutili- sation de ses donnes que lindividu leur propose, plutt que linverse. Effacement, correction, de ses donnes. Si le droit daccs et de rectification existe, il reste souvent difficile appli- quer. Des services et des intermdiaires se proposent daider les individus le mettre en uvre, en agissant comme leurs reprsentants et en allant chercher le plus loin possible les donnes rpliques un peu partout sur linternet. Dune certaine manire, certains services de gestion de le-rputation comme Naymz vont dans le mme sens. Dautres comme Garlik vont plus loin et proposent la fois de scanner et rassembler ses donnes parpilles en ligne (Data Patrol) et dalerter en cas dusage abusif de donnes ou dusurpation (Garlik Angel). Pr-remplissage de formulaires Plusieurs navigateurs et quelques services spcialiss aident les utilisateurs emplir automatiquement des formulaires, sur la base de ses donnes - stockes localement -, pour en finir avec le remplissage rpti- tif des mmes informations dans divers formulaires. Au-del de leurs bnfices en termes de commodit, ces services peuvent se marier avec dautres fonctions destines contrler les donnes trans- mises ou non, voire aider lutilisateur mentir de manire cohrente auprs de plusieurs entreprises Subscribe to me Offrir des tiers approuvs a priori la pos- sibilit de sabonner certaines de ses donnes, pour leur permettrer de disposer en permanence des informations jour. Et bien sr, pouvoir rvoquer ce droit tout instant. 22. Voir Lhomonyme dhtronyme, Internet Actu, 2009 http://www.internetactu.net/2009/07/15/lhomonyme-dheteronyme 23. En particulier les Infocards. Si lobjectif de MesInfos est de donner aux individus le pouvoir de tirer des bnfices personnels des donnes qui les concernent, cela passe galement par le fait de leur per- mettre de mieux contrler ce que dautres font de ces donnes. Un ensemble de services et de concepts mergent, qui marient troitement plusieurs proccupations: scurit, matrise de ses donnes, mais aussi commodit. 2.1 Qui sait quoi sur moi? Des services tels que Privowny permettent de savoir quelles donnes les services en ligne obtiennent de nous, que ce soit de manire explicite (formulaires) ou non (cookies). 2.2 Grer ses comptes et identits numriques Conservation scurise de ses identi- fiants /mots de passe, single sign-on Des services cherchent faciliter la gestion de ses multiples identifiants et codes daccs, sans pour autant les confier des tiers, des cercles de confiance ou des plates-formes telles que Facebook (dont le systme Facebook Connect est utilis par prs de 7 millions dapplications et de sites extrieurs Facebook). Identits fdratives et scurises Le projet britannique Midata est souvent associ aux actions du Gouvernement et de certaines entreprises en matire dIden- tity Assurance, qui visent fournir des moyens solides et communs pour valider lidentit (ou a minima les droits) dun individu ou dune organisation lors dune transaction numrique. Une organisation aura par exemple besoin dtre certaine de lidentit dun individu qui lui demanderait daccder aux donnes personnelles dont elle dispose sur lui. Dans le cas de services complexes, qui font appel plusieurs orga- nisations indpendantes, il peut savrer 2|CONTROLE: matriser ses identits numriques et ses donnes personnelles ncessaire de faire passer des certificats didentit dun interlocuteur un autre. Se pose alors la question, dune part, des standards qui permettront de nombreux individus et organisations dchanger des certificats et dautre part21 , de la transpa- rence de ces processus pour les individus concerns. Authentification sans identification Dans de nombreux cas de la vie courante, laffirmation dun tat ou dun droit ne ncessite pas dindiquer galement son identit: jai plus de 18 ans, jai le permis de conduire, je suis bien le dtenteur de tel moyen de paiement... Plusieurs projets (dont, apparemment, IDNum, mme si lon sait encore peu de choses de ltat actuel du projet) visent ainsi sparer authentification (valider lauthenticit dune assertion) de lidentifi- cation (connatre lidentit dune personne ou dune entit). Identits spcialises ou jetables Il est souvent indispensable de pouvoir se crer des identits multiples, durables ou non, pour grer de manire tanche ses relations avec diffrents interlocu- teurs, ou son existence publique dans ces cercles diffrents. Plusieurs services permettent ainsi de se crer des adresses e-mail ddies aux relations avec un site particulier, ce qui permet la fois de grer ses messages, de vrifier si le site 21. Cest lobjet de la Kantara Initiative ainsi, lchelle franaise, du projet IDNum, rcemment relanc par le Gouvernement | www.kantarainitiative.org 26. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 5150 Photo: Marisa | Un utilisateur de Fitbit attentif la distance quil a parcouru. 24. Service fictifs imagin lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 2012 De nombreux appareils et services issus du mouvement Quantified self per- mettent de mesurer toutes sortes de paramtres physiologiques, de surveiller son sommeil, le nombre de calories brles, sa frquence cardiaque, le nombre de pas effectus dans la journe, etc. Chaque utilisateur peut mesurer ses donnes per- sonnelles, mais aussi les visualiser, les analyser, et les partager. FitBit propose de mesurer son activit physique, son alimentation et son sommeil, Withings vend dans le monde entier une balance et un tensiomtre connects... QUANTIFIED self 24 Les entreprises utilisent dabord les donnes (personnelles ou non) pour comprendre leur environnement, analyser leurs actions passes, mesurer ce quelles ont russi ou non, se comparer dautres, valuer leurs options. Pourquoi les individus nen feraient- ils pas autant, laide de leurs donnes? Un grand nombre de services, souvent dj oprationnels, se proposent ou pourraient se proposer de les y aider: 3|CONNAISSANCE DE SOI: savoir pour agir Budget et finances: laide doutils de gestion des finances personnelles (Personal Finance Managers ou PFM), disposer dune vision consoli- de de son budget et de son patrimoine... En France, Bankin propose ses utili- sateurs de rcuprer automatiquement les relevs de leurs comptes dans diffrentes banques afin de leur fournir une analyse de leurs dpenses, de leur notifier les dpasse- ments de seuils de scurit, dvaluer la pertinence de leur pargne... Consommation: Obtenir une vision 360 de sa consom- mation, en rcuprant des donnes chez tous ses fournisseurs et commerants, pour les analyser sa manire... Des startups telles que Custle per- mettent de visualiser lensemble de ses achats effectus en ligne, mais aussi de visualiser lensemble des commerants avec lesquels un individu a une relation. Dautres proposent leurs utilisateurs dvaluer leur consommation, que cela soit dun point de vue budgtaire, responsable (cologique, thique...), sanitaire... Ainsi, en scannant leurs tickets de caisse, les utilisateurs de Skerou peuvent suivre leur budget, prparer des listes de courses ou garder un il sur certaines promotions. Energie: Connatre et optimiser sa consommation, pouvoir valuer des choix alternatifs... Le projet emPowerMi, issu du premier Hackathon Midata en Novembre 2012, promet lindividu de faire dimportantes conomies en matire dnergie, en croisant lui-mme ses donnes de consommation et dautres relatives son logement, sa situation familiale, etc. Aux Etats-Unis, plusieurs services ont t dvelopps dans le sillage du Green Button, parmi lesquels Plotwatt, qui propose des fonctionnalits si- milaires, permettant de recevoir des recom- mandations personnalises et dtre averti en cas de pic anormal de consommation. Comme au Royaume-Uni, le gouver- nement a souhait stimuler l'cosystme d'innovateurs en lanant un concours pour le dveloppement d'applications, Apps for Energy, qui offrait 100 000$ de prix aux ap- plications innovantes dans le domaine de l'nergie. Parmi les applications rcompen- ses se trouvent Leafully (met en vidence l'impact de nos dcisions/comportements nergtiques, puis aide ses utilisateurs raliser des conomies et rduire leur empreinte cologique), Melon (compare la performance nergtique d'un btiment commercial avec une base de donnes na- tionale, permet d'obtenir un label, fournit des conseils pour amliorer la performance de l'immeuble), BYI (permet de suivre et budgter sa consommation facilement)... 27. CROWDJOBBING Ma culture et mes loisirs comme propulseurs de mes vllits de r-orientation professionnelle. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 5352 schma: Userstudio | Service fictifs imagin lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 201225. Service fictifs imagin lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 2012 Sant et bien-tre: Se maintenir en forme, connatre ses capa- cits et ses limites, se lancer (et partager) des dfis... Loisirs et culture: Evaluer, commenter et partager des avis sur des films, livres, musiques, sorties, et en garder une trace. Il est ainsi possible, sur certains sites, de commenter des contenus via le service Disqus et ainsi de retrouver toutes ses interventions depuis une mme interface Mobilit: une poque o la mobilit quotidienne reprsente un cot croissant en temps comme en argent, o lenjeu cologique prend une importance dterminante, pouvoir rflchir sa mobilit, se comparer dautre, identifier des choix alternatifs... Waze pour les automobilistes, Roadify sur un plus large ventail de modes de trans- port, fondent tout ou partie de leur offre sur les contributions des utilisateurs. Plu- sieurs services dinformation multimo- dale apprennent progressivement partir des habitudes de dplacement de leurs utilisateurs. Employabilit et formation: Sur la base de son e-portfolio (voir plus haut), rassembler, visualiser, analyser et partager ses comptences, son profil pro- fessionnel, ses formations... pour faire son bilan, valuer des choix possibles, explorer de nouvelles opportunits. Crowdjobbing maccompagne dans mon parcours de rorientation profes- sionnelle. Il sappuie sur les donnes relatives ma formation, mon parcours professionnels comme mes activits extra-professionnelles (mes loisirs, sorties, pratiques culturelles, activits associatives, etc.) pour me proposer diffrents choix de mobilit pour chaque destination. Il me permet aussi dentrer en relation avec des pairs, afin de partager ces proposi- tions avec des proches ou des per- sonnes dans des situations similaires, dans un processus dapprentissage collectif. CROWDJOBBING25 28. Le coach de mobilite Un coach de mobilit qui maiderait galement optimiser mon assurance. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 5554 schma: Userstudio | Service fictifs imagin lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 201226. Service fictifs imagin lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 2012 Si ce domaine reste encore peu dvelopp, son potentiel parat galement significa- tif: selon lObservatoire des consommations mergentes de lObSoCo, plus dun Franais sur deux dclare vouloir consommer mieux: donner du sens sa consomma- tion (environnement, emploi, lien social, thique), consommer utile sous contrainte budgtaire, maximiser la productivit de chaque euro dpens (qualit pour la dura- bilit, achat malin). En 2012, 53% des Franais taient dj engags de manire si- gnificative dans ces formes de consommation mergente. Mais il nest aujourdhui pas facile daccorder ses valeurs son budget, ses gots, ses contraintes et ses habitudes de consommation, sauf consacrer de nombreuses heures lire les emballages, fouiller des sites web, rpondre des longs questionnaires sur son empreinte cologique... Imaginons demain que les individus disposent de leurs donnes de consommation (y compris nergtique) et de mobilit, parmi dautres: 4|CONSCIENCE: vivre avec ses valeurs Il deviendrait plus facile de faire des choix de consommation sur la base de ses valeurs (bio, quitable, etc.), sur la base dune simple analyse de ses tickets de caisse et de la recherche automatique dquivalents en ligne. Il deviendrait galement plus ais de mesurer son empreinte carbone, dexplo- rer des moyens de la rduire (et pourquoi pas, de rduire aussi sa facture dnergie), de suivre ses progrs, de les comparer ceux dautres personnes... Mon Bilan Vert9 propose un bilan carbone en temps rel ainsi quune srie de propositions pour mettre moins de CO2 ou pour compenser ces missions. Un coach peut aider ventiler les objectifs et proposer des trajectoires raisonnables pour les atteindre. Ce service fonctionne la fois sur la base de donnes mesures par les consommateurs ( laide de capteurs de pollution dans leurs tlphones par exemple) et de donnes rcupres auprs de fournisseurs dnergie, op- rateurs de transport ou distributeurs. Il peut tre propos tant par des asso- ciations de protection de lenvironne- ment que par des entreprises ou des acteurs publics locaux. MON BILAN VERT 26 29. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 5756 5.2 LIntentcasting, ou lEconomie de lintention Dans une Economie de lIntention, lacheteur informe le march de son intention dache- ter, et les vendeurs entrent en concurrence pour emporter sa dcision. Doc Searls, linventeur du concept de VRM, rassemble les exemples qui prcdent sous une bannire plus large, celle de lIntentcasting (ou projection dinten- tions). Lide conomique est simple: sur les marchs numriques daujourdhui, il nexiste tout simplement pas de moyen pour la demande, celle des consomma- teurs, dexprimer ce quelle dsire. Il en rsulte des marchs profondment dsqui- librs et inefficients, o les offreurs sont condamns inventer des moyens toujours plus complexes, coteux, intrusifs - et jamais trs efficaces - de deviner ce que les consommateurs peuvent bien vouloir ! Imaginons maintenant quun consommateur qui sait ce quil veut dispose des moyens de lexprimer dune manire non quivoque et de publier son intention en direction des offreurs, pour comparer ensuite leurs propositions. Les bnfices, selon Doc Searls, seraient multiples: des cots marketing rduits ; une connaissance de premire main des demandes du march, sans perdre les bnfices de la numri- sation des changes ; une plus grande satisfaction des clients, dont les demandes seraient mieux satisfaites. Doc searls 5|DECISION ET ACTION: faire les bons choix, et les appliquer 5.1 La comparaison Des marchs plus transparents: Alors que les comparateurs de prix se voient souvent accuss de manquer de transparence, les consommateurs eux- mmes pourraient comparer entre eux les propositions qui leur sont faites, ou les conditions quils ont obtenues auprs de chaque fournisseur. Cela rendrait plus difficile lapplication de systmes tari- faires personnaliss et bien souvent opaques. Selon le rapport fondateur du projet Midata27 , il ny aurait pas moins de... 12 millions de tarifs tlphoniques sur le march britannique. Rsultat: 76% des consommateurs paieraient trop au regard de leur consommation effective, de lordre de 200 livres (234 euros) par an ! La mme analyse pourrait probablement sappliquer aux voyages, aux tarifs ban- caires ou des assurances, et bien dautres marchs. Le Wall Street Journal signalait par ailleurs le cas de plusieurs distribu- teurs qui affichent en ligne des tarifs dif- frents selon la distance quils valuent entre le visiteur et ses points de vente28 . Des plates-formes qui faciliteraient la com- paraison des tarifs effectivement proposs aux individus pourraient de fait dcoder ces dispositifs opaques et concurrencer effectivement les comparateurs de prix... moins que ces derniers ne choisissent eux- mmes dvoluer dans ce sens. Enchres inverses et achats groups: Je recherche actuellement un logement avec telles caractristiques, je suis prt mettre tel prix, faites moi des propo- sitions, Nous sommes 10 vouloir acheter un robot mnager de tel type, qui emportera le march?. Thumbtack est un service proposant de mettre des consommateurs directement en lien avec des professionnels partir de critre tablis mutuellement. Lutilisateur formule des appels doffres (Requests for Proposals) par catgorie, disponibilit, distance, et les professionnels rpondants ces critres peuvent proposer un prix cor- respondant leur prestation. En fonction de cela, lutilisateur choisit loffre qui cor- respond le mieux ses besoins. En dfinitive, pour les entreprises comme pour les individus, les donnes servent prendre des dcisions - puis les valuer: 27. Better Choices: Better Deals. Consumers Powering Growth, 2011 28. http://online.wsj.com/article_email/SB1000142412788732377720457 8189391813881534-lMyQjAxMTAyMDIwMzEyNDMyWj.html 30. VOYAGEZ tranquille, partez sans risque Saffranchir des proccupations de sant lors de son voyage, grce laccompagnement dune communaut de voyageurs et de locaux, avant et pendant le voyage. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 5958 schma: Userstudio | Service fictifs imagin lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 201229. Issu de Doc Searls, The Intention Economy, Harvard Business Press, 2012 Un exemple dIntentcasting 29 En voyage, vous venez juste darriver San Diego pour un mariage et quelques jours de congs. Vous avez oubli la poussette de vos jumeaux, dont vous avez besoin de suite. Plutt que de parcourir les trs nom- breuses offres commerciales disponibles sur le web - comme ctait le cas aupara- vant - vous utilisez votre smartphone pour lancer un appel doffres qui mentionne votre intention dacheter une poussette pour jumeaux dans les 2h qui suivent. Tous les vendeurs dans la rgion peuvent tre notifis des intentions dacheter de potentiels clients, via le service qui gre ces appels doffres. En quelques minutes, vous pouvez avoir des rponses srieuses de plusieurs vendeurs: le modle, le prix, o et comment vous trouverez lobjet. Vous faites votre choix et en avertissez le vendeur retenu. Cette dcision saffiche galement sur lagenda de votre smart- phone, qui vous indique le trajet pour y aller. Les autres commerants apprennent quils nont pas t retenus mais ils ne dis- posent pas de votre identit et ne peuvent pas vous relancer - sil stait agi dun achat plus important et moins urgent, vous auriez pu faire jouer la concurrence plus longtemps... Vous rcuprez aussi la voiture que vous avez loue pour la semaine, qui possde comme vous lavez demand 6 places et a la possibilit daccrocher des vlos. Vous lavez choisie via un appel doffres envoy des agences de location il y a un mois, quand vous avez prpar votre voyage. L encore, contrairement la situation passe, o vous nauriez pas eu prcis- ment le choix et auriez du vous contenter dune voiture aux caractristiques proches mais pas similaire, vous avez eu exacte- mentle vhicule et mme la marque que vous souhaitiez. 31. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 6160 Photo:Userstudio Photo:Userstudio ... une gestion facilite Imaginons maintenant des systmes denchres inverses ddis lachat dun logement: un service - ou plus probable- ment un ensemble coordonn de services - qui permettent aux usagers dexprimer leurs besoins, leurs incertitudes, ce quils seraient prts sacrifier en terme de temps de dplacement, dnergie, de proxi- mit des commerces, etc. Lentrept de donnes du couple facilite la fois lexpression de ses besoins, et la mise disposition (ventuellement anonyme, du moins jusqu un certain stade) des infor- mations financires ncessaires lobten- tion dun prt. Il pourra aussi, le moment venu, transmettre de manire scurise les pices administratives aux diffrents interlocuteurs (le vendeur et son notaire, la banque). Dautres services proposeront notre couple de lancer un appel doffre person- nel des organismes de financement; de prslectionner les maisons qui lui conviennent vraiment en fonction de ses gots, des recommandations de ses amis, de ses habitudes de consommation ner- gtique ; ou encore dtre coach quand il sagira de jongler avec ses annuits de remboursement. Dautres processus complexes pourraient se voir considrablement simplifis grce de tels services: la prparation dun voyage, lachat dune automobile ou dun autre produit cher et complexe, un choix dorientation scolaire ou professionnelle, une tape de vie telle quun mariage, une naissance ou le dpart la retraite... 5.3 La gestion de processus complexes Lorsque les consommateurs disposeront de leurs donnes, des services pourront les aider grer des processus complexes, qui sont aujourdhui de vritables parcours du combattant: prenons lexemple dun couple dcid acqurir un logement. Dune gestion des processus complexes longue et dlicate... Durant ce parcours, le couple doit entrer en relation avec de nombreux acteurs: des banques qui vont passer ses revenus au crible de leurs systmes de notation pour lui proposer (ou non) un financement, des courtiers censs faciliter cette phase de d- marchage, des agents immobiliers ou des particuliers qui proposent un logement, un tiers de confiance (le notaire), mais aussi, une multitude de micro-dispositifs infor- mels de type bouche oreille. Tout cela, en tenant compte de paramtres extrme- ment nombreux: besoin dune voiture ou non, distance entre le lieu dhabitation et lcole des enfants, proximit des com- merces Aujourdhui, le couple se trouve seul face cette complexit. 32. Quels services. Pour quels usages? 03 MesInfos | Cahier d'exploration 6362 Il ne faut pas beaucoup de temps pour reprer le vaste poten- tiel dusage qui pourrait merger de la mise disposition, au bn- fice des individus, des donnes per- sonnelles qui les concernent. Reste raliser ce potentiel. Cela passe- ra dabord par lconomie. Images: le projet Urban Mobs de faberNovel et Orange 29. Cet usage met cependant en lumire un risque de "ridentification" qu'il faudra traiter dans les annes venir. Concrtement, le croisement de donnes "anonymes" d'un certain degr de prcision (une pathologie, une zone d'habitation, une catgorie de revenus ou d'ge) peut permettre de retrouver l'identit d'un individu donn et, de fait, dvoiler son propos des donnes trs intimes. Mettre des donnes personnelles anonymises au service de la production de connais- sances collectives est dj possible, mais ce potentiel sera dcupl ds lors que les indivi- dus auront leurs donnes personnelles entre les mains30 . 6|CONTRIBUTION: la production de connaissances collectives Des tudes cliniques gantes Dans le domaine de la sant, le rseau de patients PatientsLikeMe, permet ses membres de partager au sein dune com- munaut leurs expriences, leurs souf- frances, leurs trucs En partenariat avec des universits et des organismes de recherche, PatientsLikeMe sappuie ga- lement sur ses communauts pour mener avec des laboratoires (qui le rmunrent) des tudes cliniques gantes, dont les rsultats sont rendus publics et parfois publis dans les plus grandes revues scien- tifiques. Des tudes urbaines Les tudes urbaines sont friandes de donnes: de plus en plus, les acteurs urbains, outills par les outils numriques, sappuient sur des donnes (publiques ou prives) pour grer, optimiser les flux, les services, mais aussi pour connatre les usages des citadins. Les donnes person- nelles, anonymises, peuvent tre une source de connaissance importante. Prsent en 2008, le projet Urban Mobs permettait de visualiser le pouls de plusieurs villes euro- pennes lors de grands vnements (concerts, fte de la musique,), utilisant les donnes personnelles de communication du rseau dOrange pour proposer des visualisations de ces donnes. BlaBlaCar (prcdemment nomme Comuto) propose des prvisions de trafic partir des offres et demandes formules par les voyageurs sur covoi- turage.fr. URBAN MOBS et Blabla car 33. 04 d CHAPITRE 04 OU ESTLA VALEUR? On prsente souvent les donnes (principale- ment personnelles) comme le nouvel or noir de lcono- mie contemporaine. Les Big Data, auxquelles on associe des perspectives conomiques qui se chiffreraient en centaines de milliards31 , expriment aujourdhui tout lespoir plac dans le potentiel conomique des donnes. Du point de vue des donnes personnelles, cependant, les Big Data se construisent sur la base de laccumu- lation et, gnralement, du croisement de donnes la fois trs nombreuses et trs diverses, raliss la seule initiative et au seul bnfice des organisations - ce qui conduit aujourdhui plusieurs spcialistes leur opposer une autre perspective: celle des Small Data, de la bonne donne, au bon moment, au bon endroit, et sous le contrle des individus32 . 00p 05p 10p 15p 34. MesInfos | Cahier d'exploration Ou est la valeur? 04 6766 1|Pour lconomie en gnral: confiance et efficience Recrer de la confiance La dynamique dune conomie, sa crois- sance, reposent parmi dautres facteurs sur la confiance. La crise dont souffre aujourdhui la confiance entre les organisa- tions et les individus (voir chapitre 2) pse sur la consommation, distend les collec- tifs de travail, rduit le dsir dinnover et lincitation investir. Le rquilibrage des relations entre individus et organisations apparat donc comme un puissant moyen de recrer de la confiance, du moins sil est choisi par les organisations plutt quim- pos par les citoyens-consommateurs, par de nouveaux entrants ou par les pouvoirs publics. De mme, linquitude actuelle autour des donnes personnelles et de la vie prive pourrait considrablement freiner le dve- loppement des Big Data, considres - pas toujours tort - comme un moyen dune puissance sans prcdent daller fouiller lintimit et linconscient des individus, de manipuler leurs comporte- ments ou de prendre pour leur compte des dcisions proprement indiscutables, puisque prises par des machines hors de toute dcision humaine33 . Sans partage, sans transparence, sans retour aux indi- vidus, on peut parier que la rsistance sorganisera vite et que le potentiel cono- mique annonc ne se ralisera pas. Rendre les marchs plus efficients Dcrivant la motivation conomique derrire le concept de VRM, Doc Searls crivait: Il faut inventer des moyens plus efficaces de faire communiquer loffre et la demande par exemple en liminant lin- certitude des producteurs, parce que les clients sauraient leur dire exactement ce quils veulent. On en est encore loin. Alors que les marchs lectroniques sont censs liminer les frottements et les cots de transaction, il nexiste pas aujourdhui pour un individu qui saurait ce quil veut de le faire savoir, et dobtenir une rponse des offreurs. Seule loffre dispose des moyens de sexprimer, la demande ne peut que dire oui ou non, ou alors donner son avis dans dautres forums, en rpondant des enqutes... Pour pallier ce manque de communication, loffre doit alors inventer des moyens toujours plus puissant de deviner ce que chaque consommateur peut bien dsirer, et toujours plus intrusif dattirer leur intention sur ce quelle a lui proposer. Parce que la demande ne peut pas sexprimer de manire directe, il faut consacrer des ressources de plus en plus considrables obtenir et analyser des donnes, concevoir et cibler des offres et des messages, obtenir et consommer de lattention - sans pour autant obtenir des rsultats commerciaux extraordinaires, et en endommageant chaque jour un peu plus la qualit de la relation avec les consomma- teurs. Un tel systme est formidablement inef- ficace. Il utilise au plus mal le formidable potentiel du numrique et des rseaux. Recrer des moyens pour loffre et la demande dchanger des signaux clairs et non quivoques, permettre aux inten- tions des consommateurs de sexprimer (sur le modle de lintentcasting dcrit au chapitre 2, par exemple), rendra donc les marchs beaucoup plus efficients et produira par consquent un surplus cono- mique considrable. Restera le partager: mais il est plus facile de partager une valeur nouvelle quune pnurie, surtout si la confiance est galement de retour. 33. Antoinette Rouvroy, "Face la gouvernementalit algorithmique, repenser le sujet de droit comme puissance", 2011 - http://works.bepress.com/antoinette_rouvroy/43/ 31. Dans une tude de 2011, McKinsey avance ainsi le chiffre de 300 milliards de dollars pour le seul secteur de la sant aux Etats-Unis ; de 100 milliards deuros grce lamlioration de la productivit des administrations publiques europennes ; ou encore, de 600 milliards de dollars de surplus gagns par les consommateurs grce lutilisation de services golocaliss. 32. Alan Mitchell, Big Data, Big Dead End, 2012 Ref. p.59 Mais quest-ce qui pourrait donc conduire les entreprises changer de perspec- tive, renverser ce quelles font depuis 30 ans - laccumulation unilatrale de donnes indi- viduelles et de moyens toujours plus puissants de les exploiter -, pour partager le potentiel des donnes avec leurs clients? Au risque, qui plus est, de permettre dautres entreprises, star- tups, nouveaux entrants et mme concurrents tablis, de sadresser ces clients qui ne sont plus captifs et de tirer parti des donnes dont ils disposent dsormais? Il faut donc explorer la valeur conomique que le partage des don- nes personnelles avec les individus quelles concernent peut produire, la fois pour ceux qui dtiennent aujourdhui ces donnes, pour les individus, et pour lconomie en gnral. 35. MesInfos | Cahier d'exploration Ou est la valeur? 04 6968 Des donnes de meilleure qualit La qualit des donnes contenues dans les bases marketing des entreprises est notoi- rement basse et dcrot rapidement dans le temps. Les consommateurs eux-mmes nont en effet, gnralement, aucun intrt particulier en vrifier la pertinence ou les tenir jour, puisquelles nont aucune utilit pour eux. Ils peuvent mme choisir dlibrment de fournir des donnes impr- cises, fausses ou alatoires35 . En revanche, un individu mis en situation dexploiter ses donnes pour son propre compte aura intrt leur qualit et leur fracheur ; et il pourrait alors permettre aux organisations avec lesquelles il entretient une relation de confiance de sy abonner, dans des condi- tions dfinies dun commun accord et vi- demment dune manire rvocable. 35. Caroline Lancelot Miltgen, Propension fournir des donnes personnelles mensongres sur Internet : une tude exploratoire, Systmes dInformation et Management, 2009 Encore la confiance... et la fidlit Partager avec ses clients les donnes dont on dispose sur eux est une manire, pour les entreprises, de rpondre la crise de confiance et, plus profondment, de redonner un sens la relation commer- ciale (ou, pour les administrations, la relation avec les usagers): une relation adulte o chacun son mot dire, coute et respecte lautre. Une sorte de retour aux sources du mot commerce, celui qui fait dire que quelquun est dun commerce agrable... Et cest bien de la qualit dune relation, de la confiance qui la sous- tend, que naissent fidlit et loyaut. Voil pourquoi le pape du CRM, Don Peppers, fait lui-mme du VRM la prochaine desti- nation dans la marche de la technologie34 quil dcrit depuis 20 ans. Une vraie avance prendre Les entreprises qui sengageront les pre- mires dans la direction du partage des donnes avec leurs clients peuvent en escompter des bnfices significatifs en termes dimage et de rputation. Plus important encore, ces bnfices peuvent prendre la forme dun avantage comptitif durable: le changement ncessaire pour passer dune relation clients monodirec- tionnelle un vritable change sur la base dune information partage est en effet important et par consquent, long et diffi- cile imiter. Il ncessite de faire voluer le marketing, les systmes dinformation, la relation clients et une partie de la culture dentreprise. En partant avant les autres, une entreprise se dote dune avance que ses concurrents ne pourront pas rattraper de sitt. 2|Pour les dtenteurs de donnes personnelles: fidlit, qualit, innovation Inventer de nouveaux services En ouvrant des dveloppeurs extrieurs laccs certaines de leurs donnes et de certains de leurs logiciels, le Crdit Agricole (CAstore), suivi par Axa Banque, ont suscit lmergence de dizaines dap- plications qui ajoutent de la valeur leur relation avec leurs clients. Ces entreprises montrent la voie, mais sans aller jusquau bout: les consommateurs naccdent pas eux-mmes leurs donnes et surtout, les services concerns ne peuvent travailler quavec les donnes (ou plus prcisment, les interfaces de programmation, ou API) dune seule entreprise. Lventail des services qui pourraient tre proposs des individus qui disposeraient dun accs un grand nombre de donnes issues des diffrentes organisations avec lesquelles ils sont en relation est infini- ment plus large. Mais ce que montrent le Crdit Agricole et Axa Banque, cest que les premiers bnficiaires de cette dynamique dinnovation peuvent tre les entreprises dtentrices de donnes elles-mmes, au service de la qualit et de la valeur ajoute de leur relation avec leurs clients. 34. http://www.peppersandrogersgroup.com/blog/2010/09/vrm-next-destination-in-techno.html 36. MesInfos | Cahier d'exploration Ou est la valeur? 04 7170 Aujourdhui, une entreprise ne dispose daucun moyen dobtenir une telle richesse dinformation, et cest probablement prfrable tant le risque dabus serait grand. Demain, le retour aux individus des informations qui les concernent rend ce scnario plausible, si les conditions per- mettant dviter les abus sont remplies: par exemple, en fournissant beaucoup dinformations mais pas son identit, en passant par un tiers de confiance36 qui se ferait le reprsentant du consommateur, ou encore en incluant des marqueurs qui permettraient de vrifier que linformation ne circule pas au-del des destinataires choisis par lindividu. Le bnfice pour les entreprises tient en un slogan de Doc Searls: take guesswork out of marketing, faire voluer le marketing dune technique de divination des inten- tions du consommateur une mthode de dialogue entre un consommateur et une entreprise placs sur un plan dga- lit et, dsormais, quips tous deux de leurs systmes dinformation respec- tifs: CRM de lun, VRM de lautre. Avec pour effet de rduire considrablement la part de la dpense marketing dans la fonction de cot, comme marque, non pas de sa moindre importance, mais de sa plus grande efficacit ! 36. La communaut VRM parle plutt de quarts de confiance (Fourth Parties) pour les distinguer des tiers actuels, gnralement rmunrs par les entreprises et qui reprsentent donc leurs intrts avant ceux des consommateurs. Comprendre ce que veulent les consom- mateurs: le vrai 360 Le Graal de la vision 360 des pra- tiques et attentes dun consommateur est videmment inatteignable par une orga- nisation quelle quelle soit. Tout au plus peut-elle esprer disposer dune vision globale de sa relation avec un client, mais celle-ci ne couvrira quun petit cadran de la vie de cet individu. A linverse, un individu qui se trouverait la tte dune base de donnes concernant la fois ses finances et sa consommation, sa mobilit et son logement, sa vie professionnelle et ses passions, sa sant, etc., sapprocherait dassez prs du fameux 360. Dans un cadre de confiance adquat, rien ne lempcherait alors de mettre certaines de ces donnes disposition (temporaire) duneouplusieursentreprises,parexemple pour leur faire part dune intention et la qualifier dune manire prcise. Le cabinet britannique Ctrl-Shift parle de donnes personnelles proactives (notre traduc- tion de Volunteered Personal Informa- tion): qui je suis, ce que jaime et naime pas, mes intrts, projets et intentions, mes contraintes et capacits... fournies volontairement mais dans un contexte et un but prcis et explicites. Photo: KatB Photography - Creative Commons 37. MesInfos | Cahier d'exploration Ou est la valeur? 04 7372 Les plates-formes personnelles de donnes Source: Personal Data Stores: A Market Review, Ctrl-Shift 2012 Fonctions: Egalement dcrites comme des entrepts personnels de donnes (personal datastores ou PDS) ou coffres-forts lectroniques (vaults), ces plates- formes constituent le point focal de la rcupration (ou de lajout manuel) de donnes par les individus, de ladministration de ces donnes et de leur change avec des tiers, linitiative et sous le contrle des individus. 37. Privacy by Design and the Emerging Personal Data Ecosystem, 2012 La commissaire linformation et la vie prive de la province de lOntario, Ann Ca- voukian, dtaille 3 fonctions de base dun PDS37 : Stockage des donneset documents, en assurant notamment la scurit ncessaire Administration des donnes, visualisa- tion, classement, mise jour, suppression... Partage de donnes, identification (ou