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    Patrick Gilbert

    La gestionprvisionnelledes ressources

    humaines

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    Remerciements. Cet ouvrage tire sa substance de cours orga-niss depuis le milieu des annes 1990 dans le cadre du master

    Management avanc des ressources humaines de lInstitutdadministration des entreprises de Paris (universit Paris-Sorbonne) et du Certificat de gestion des ressources humainesdHEC Genve. Il est aussi le fruit dinterventions conduitesauprs des adhrents de lassociation Entreprise et Personnel.Aux uns et aux autres, je ddie spcialement cet ouvrage.

    Je remercie trs amicalement Dominique Bouteiller (HECMontral), Bernard Galambaud (ESCP-EAP), Frdrique Pigeyre

    (universit Paris-XII) et Michel Parlier (ANACT) qui retrouverontici lcho de nos changes parfois passionns, mais toujours fruc-tueux. Ce livre est aussi un peu le leur.

    Mes remerciements vont galement Claudine Gillot qui aaccept de relire le manuscrit final malgr ses trs nombreusesoccupations.

    ISBN 2-7071-4695-1

    Le logo qui figure au dos de la couverture de ce livre mrite une explication. Sonobjet est dalerter le lecteur sur la menace que reprsente pour lavenir de lcrit, toutparticulirement dans le domaine des sciences humaines et sociales, le dveloppementmassif du photocopillage.

    Le code de la proprit intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet express-ment la photocopie usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cettepratique sest gnralise dans les tablissements denseignement suprieur, provo-quant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilit mme pour lesauteurs de crer des uvres nouvelles et de les faire diter correctement est aujourdhuimenace.

    Nous rappelons donc quen application des articles L. 122-10 L. 122-12 du Codede la proprit intellectuelle, toute reproduction usage collectif par photocopie, int-gralement ou partiellement, du prsent ouvrage est interdite sans autorisation duCentre franais dexploitation du droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins,75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intgrale ou partielle, est galement

    interdite sans autorisation de lditeur.Si vous dsirez tre tenu rgulirement inform de nos parutions, il vous suffit

    denvoyer vos nom et adresse aux ditions La Dcouverte, 9 bis, rue Abel-Hovelacque,75013 Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel la Dcouverte.Vous pouvez galement retrouver lensemble de notre catalogue et nous contacter surnotre site www.editionsladecouverte.fr.

    ditions La Dcouverte, Paris, 2006.

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    Pour rpondre un besoin daujourdhui, quon navait pas suprvoir avant-hier, on compromet alors et parfois dfinitive-mentce quil serait ncessaire davoir dans quelques annes.

    Gaston Berger, extrait de Prospective, n4, 1959.

    Si lon peut en finir du passavec loubli, on nen finit pas delavenir avec limprvoyance.

    FlicitRobert de LAMENNAIS,Mlanges religieux et philosophiques.

    Introduction

    Toute gestion est (plus ou moins) prvisionnelle, dans lamesure oelle est situe dans le temps et sinscrit dans la durepour une optimisation de ses choix.Faire de la gestion prvi-

    sionnelle, cest donc simplement renforcer cette orientation,tenter daccrotre lambition de la gestion, enclairant les choix.Cette exigence simpose en gestion des ressources humaines(GRH : voir Dietrich et Pigeyre [2005] 1), comme dans toutdomaine relatif la mise en uvre des ressources de lentre-prise en vue datteindre ses objectifs. En pratique, cela revientmettre laccent sur la phase de prparation des dcisions, quilsagisse des options engageant le personnellong terme (choix

    des niveaux de qualification lembauche, politique de forma-tion, etc.) ou de la prise de dcision plus quotidienne (mettre surpied une action de formation, fixer le montant dune augmen-tation individuelle, orienter un collaborateur, etc.).

    Pourtre traitau fond, ce sujet suppose de dpasser son appa-rence immdiate un ensemble de techniques et doutilsdanalyse et de prvision et de prendre un peu de hauteur

    de vue. Cette perspective nest-elle pas dailleurs celle de laprvision ?Depuis toujours, la connaissance du futur constitue lun des

    principaux sujets de proccupation du genre humain. Aussinest-il pas tonnant que lon ait imagin, ds laube de

    1. Les rfrences entre crochets renvoient la bibliographie en fin douvrage.

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    lhumanit, des mthodes et techniques pour rpondre cetteproccupation. Les premires approches (astrologie, divination

    par lcaille de tortue, gomancie), on le sait, ntaient gurerationnelles. Il ne sagissait pourtant pas de divertissementsanodins auxquels taient soumis des individus oisifs car, aussiloin que lon remonte dans le temps, lascienceprophtiqueatassociela dcision etlexercice du pouvoir.

    Les modes archaques de connaissance du futur ne peuventvidemment pas tre confondus avec la prvision. Si, enpremire approche, la prvision a quelque chosevoir avec les

    discours sur le futur, tous les discours sur le futur ne sont pasde la prvision. En quoi la prvision, particulirement celle quiporte sur les ressources humaines, se dmarque-t-elle desdiscours passs sur le futur ?

    Lapproche prvisionnelle nest pas lobjet mystrieux dunescience part. Il nest donc pas ncessaire de croire en lagestion prvisionnelle des ressources humaines (GPRH) pour la

    mettre en uvre. En revanche, il est indispensable den avoirla volont. Grer, cest prparer, organiser, mettre en uvre etcontrler des processus de dcision, ce qui supposela fois undessein et une dtermination. Ces phases successives concourentun mme rsultat : faire en sorte que lorganisation dispose entemps voulu des ressources dont elle a besoin, en nombre et enqualit, pour assurer sa mission.

    En gestion comme enconomie, la prvision estune tude

    relative une priode future, chiffre ou non, dun phno-mne, dune grandeur ou dun ensemble de grandeurs(Le PetitRobert). Ce qui la distingue des autres tentatives de connais-sance du futur, cest une forme de raisonnement instrumentfondsur des instruments qui sappuie sur un travail argu-ment danalyse. Plus prcisment, la prvision dsigne lappli-cation des domaines dtermins (technologie, conomie,

    relations internationales) de mthodes systmatiques dinterro-gation de lavenir telles que les projections, extrapolations,scnarios, etc.

    La prvision est-elle ncessairelaction ? Lhomme dactionpeut rechignersy engager, pour dplorer ensuite les effets deson imprvoyance. Il ne manque pas de personnages illustrespour affirmer lutilit de la prvision. Selon la formule de

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    Lonard de Vinci : Ne pas prvoir, cest dj gmir. Autre-ment dit, pour viter demain de se plaindre de la situation du

    moment, il faut se projeter dans lavenir. Plus prs de nous,Auguste Comte, en fixantla sociologie un programme dcou-lant de son adageSavoir pour prvoir, prvoir pour pouvoir,aurait tout aussi bien pu inspirer le projet dune gestion prvi-sionnelle. Les sciences de gestion, en tant que sciences delaction, ne peuvent se dtourner de cette exigence. Ne dit-onpas dailleurs :grer cest prvoir?

    Mais, dans un monde changeant, la connaissance du futur nepeut tre quimparfaite, vague et incertaine. Lexprience nousenseigne que lvolution extrmement rapide de lenvironne-ment rend bien difficile de faire des prvisions, mme unhorizon limit. Les attentes sur les vnements loigns sefondent sur des bases fragiles et incertaines. Il peut donctretentant de laisser les choses se faire, cest--dire de ne rien faire,de naviguer entre les cueils du futur, optant, selon la formule

    consacre, pour la politique du chien crev au fil de leau,sans projet, en suivant le courant desvnements.

    Acte de volont, la fois indispensable et complexe, obli-geant prendre le temps de la rflexion pour mieux sengagerdans laction, la gestion prvisionnelle se prsente demblecomme paradoxale. Elle est relativement facile en priode destabilit et lorsque le temps de la rflexion ne fait pas dfaut ;

    mais son intrt est alors limit.linverse, quand lincertitudegagne et que sexerce la pression de lurgence, elle devient indis-pensable ; mais elle est alors un exercice bien difficilemener.

    Soumise aux exigences et aux proccupations des poquesquelle a traverses, la GPRH a connu bien des mtamorphosesdepuis ses balbutiements des annes 1960. En sappuyant surelle, les entreprises ont progressivement mis en place unensemble de dmarches et doutils visant la rationalisation deleur GRH. En quoi consiste cette GPRH ? Quest-ce qui la lgi-time ? Comment et par qui se construit-elle ? Quels en sont leseffets ? Telles sont les questions au centre de cet ouvrage.

    Pour avancer des rponses, nous nous efforons, dans unpremier chapitre, de cerner prcisment la GPRH danslensemble du systme de ressources humaines, den expliciter

    INTRODUCTION 5

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    les enjeux et les principes de structuration qui sexercentla foislchelle de lorganisation etcelle de la socit.

    Puis, dans le chapitre suivant, nous entreprenons un expospanoramique de notre sujet. La perspective historique est parti-culirement mobilise. Lorganisation de ce chapitre repose surune structure en priodes, de la gestion planifie des effectifs quimarque, dans le courant des annes 1960, les dbuts de la GPRH la gestion prospective des ges qui semble merger au dbutdes annes 2000. Chaque conception est examine en repla-ant la gestion prvisionnelle dans son contexte socio-cono-

    mique (situation demploi en particulier) et gestionnaire (lienavec la stratgie).

    Le troisime chapitre se focalise sur le modle de rfrence :celui qui prdomine depuis le dbut des annes 1990 et quonappelle souvent la gestion prvisionnelle de lemploi et descomptences(GPEC). Ce modle est analysen tant quinstru-mentation de gestion travers une grille de lecture qui prend

    en compte aussi bien les aspects les plus visibles de la GPRH (lesoutils de gestion prvisionnelle) que les aspects moinsvidentsqui correspondentune vritable philosophie gestionnaire.

    Le quatrime chapitre propose un bilan nuancde la GPRHpartir des recherches les plus rcentes. Il expose aussi la part quepeut prendre lvaluation de la pratique dans une dmarche degestion prvisionnelle, ainsi que les points de vigilance que livrelanalyse des ralisations des entreprises.

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    I / Anticipation et prvision en GRH

    Si la dfinition de la GRH ne va pas de soi [Dietrich et Pigeyre,2005], que dire de celle de la GPRH ? Les engouements, commeles dsenchantements quelle suscite, ne sont sans doute pastrangersla difficultde cerner la notion. Certains voudraient

    en faire le remde miracle la crise de lemploi, pendant quedautres et parfois les mmes, une fois la fivre militanteretombevoient en elle une vritableusinegaz.loignsde ces passions, nous voudrions tenter de prciser les contoursde la GPRH, sa place dans un systme de GRH envolution etles facteurs qui influent sur sa conception comme sur sa mise enuvre.

    Fondement et objet

    GPRH : de quoi parle-t-on ?

    Dans lentreprise, le besoin de raisonner sur lavenir simposeau gestionnaire, quel que soit le domaine dans lequel il exerce

    son activit. Lapplication des mthodes de prvision concerneaussi bien les marchs, les prix, les indicateurs financiers queles ressources humaines. Chaque grande fonction de lentreprisepeut donc sapproprier ces mthodes en les adaptant la naturedes ressources et aux enjeux qui leur sont associs.

    Cependant, apprhender la gestion des ressources humainesdans une perspective prvisionnelle ne va pas de soi. Nous avons

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    besoin davoir une comprhension claire de la nature de cesressources. En sciences de gestion, on entend parressources

    les lments ncessaires la ralisation et la commercialisa-tion de biens et services ncessaires au march. Au nombre deces ressources, les ressources humaines. Celles-ci sont unfacteur de production particulier, quon ne peut considrersimplement comme des objets bruts de calculconomique[Martory et Crozet, 1998]. Acteurs et sujets, dorigines et deprojets divers, inscrits dans des structures sociales qui ne se limi-tent pas au monde du travail, les ressources humaines appel-

    lent des rgulations complexes. Grer les ressources humainesconsiste moinsgrer des personnes qu grer la contributionquelles peuvent apporter, ou apportent, au fonctionnement desorganisations, la dfinition et la ralisation des objectifsorganisationnels.

    Le dveloppement de dmarches prvisionnelles suivies parles entreprises en matire de personnel est un phnomne qui

    date dune quarantaine dannes. Pourtant, cest encore undomaine mal balis. En particulier, il nexiste pas de termino-logie admise par tous et consacre par lusage [Baron, 1993]. Engestion des ressources humaines, la gestion prvisionnellepeut tre galement nomme prventive [Thierry et Sauret,1993], anticipe [Mandon, 1990], anticipatrice [Egg,1988], voire anticipative [CNPF, 1992]. Elle peut tre inti-tule gestion prvisionnelle du personnel, des effectifs, des

    emplois ou des comptences, voire associer plusieurs de cesvocables (lexpression la plus courante aujourdhui est celle degestion prvisionnelle des emplois et des comptences, ouGPEC).

    Face la profusion des vocables et des formes de la gestionprvisionnelle, Louis Mallet [1991] a proposdadopter le termegnrique gestion prvisionnelle des ressources humaines :

    La GPRH recouvre lensemble des dmarches, procdures etmthodes ayant pour objectif de dcrire et danalyser les diversavenirs possibles de lentreprise en vue dclairer les dcisionsconcernant les ressources humaines (p. 10). Cette dfinitionnous convient pour lessentiel. Cependant, nous inscrivant dansun mouvement qui sest amorc dans les annes 1990, noussouhaitons marquer larticulation de la prvision et de laction.

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    Il sagit dtendre la gestion prvisionnelle au-del des seulestudes prvisionnelles. Il nest pas inutile de rappeler,linstar

    dric Vatteville [2003, p. 134], quen gestion, les prvisions sontralises pour agir, et non pas seulement pour savoir. Enoutre, la dfinition propose par Mallet semble donner la prio-rit la mthode des scnarios. Or celle-ci nest quune modalittechnique parmi dautres.

    Exprime dans des termes simples, ceux du langage delaction, la GPRH est habituellement mobilise par une entre-prise pour rpondretrois questions gnriques :

    de combien de salaris aura-t-on besoin dans le futur pourpourvoir les emplois qui seront alors disponibles ?

    quelles sont les ressources humaines qui seront ncessairespour survivre et prosprer ?

    quelles actions conduire pour tenter de rduire de faonanticipe les carts constats entre les besoins et les ressourcesou, pour le moins, den limiter les effets ngatifs ?

    Ces questions illustrent les productions attendues dune GPRHmoderne, qui sont la fois dordre quantitatif (les effectifs) etdordre qualitatif (les comptences). Autrement dit, dune part,les effectifs disponibles dans lentreprise doivent correspondre ses besoins et, dautre part, le personnel disponible doitdisposer des comptences ncessaires. Inscrivant la GPRH dansle double registre de la rflexion (les tudes ncessaires laconnaissance des emplois et des ressources) et laction (les poli-

    tiques et pratiques de GRH), elles appellent aussi prciser laplace de la gestion prvisionnelle dans le systme de gestion desressources humaines de lentreprise.

    La GPRH dans le systme de gestion des ressources humaines

    En thorie, toute entreprise est plus ou moins oriente par une

    politique gnrale, conue par la direction gnrale. Cette poli-tique est le fruit des analyses par les dirigeants des environne-ments auxquels ils sont confronts. Elle est dcline ensous-politiques fonctionnelles (financire, commerciale, indus-trielle, ressources humaines) qui jouent le rle de cadre de rf-rence pour les diffrentes dcisions qui seront prises. Gnraleou fonctionnelle, la politique, dans son principe, simpose aux

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    pratiques (recrutement, formation, rmunration) en leurfixant des buts et des critresrespecter.

    Mais, on le sait bien, la politique ne suffit pas elle seule inspirer les pratiques. Il y a loin de la coupe aux lvres et destages de direction gnrale au terrain. Si lon ne veut pas queles politiques demeurent ltat de discours, des rgles doiventprciser comment faire le lien entre une politique dentreprise,la description dun problme de gestion et les choix oprs (quelcandidat recruter ?, quelle personne promouvoir ?, commentfixer une augmentation individuelle ?, quelle formation

    dcider ?, etc.). Bernard Galambaud [2002, p. 20] distingue diff-rents types de rgles : celles du march, celles dadministrationet celles de gestion. Les premires, celles du march, reposent surune philosophie librale : elles se limitentindiquercommentles acteurs peuvent se rencontrer pour se mettre ventuelle-ment daccord. De telles rgles ne peuvent conduire qu unegrande htrognitdes pratiques etun affaiblissement de la

    cohrence du systme de gestion. Lapplication dune politiquerepose, en principe, sur des rgles formalises, directives, soitquelles dterminent les mesures quil convient de prendre dansdiffrentes circonstances (rgles dadministration), soit quellesdfinissent le processus que les acteurs doivent suivre pouraboutirune dcision (rgles de gestion). Par exemple, une poli-tique de valorisation des seniors se traduira par linterdic-tion de faire mention de lge dans la bourse demploi interne.

    Ou encore, une politique dindividualisation des rmunrationssexprimera travers des rgles fixant des taux daugmentationindividuelle en fonction du niveau de performance constat.

    Bien entendu, dans un monde de rationalitlimite, il arriveque les pratiques drogent aux rgles et sloignent du cadrepolitique qui prtendait les inspirer. Lorsque le phnomne estpatent, lorsque lexception prime la rgle, la cohrence du

    systme de GRH est gravement mise en dfaut. Le doutesinstalle alors sur la ralitde la GRH. Est-elle bien de la gestion[Galambaud, 2002] ? Il revient au pilotage de la performance RHde veillercette cohrence. Reconnaissons-le, il y a encore beau-coup faire dans ce domaine. Mais si la fonction Ressourceshumaines ne parvient pas progresser sur ce point, dans lecontexte actuel de recherche gnralise de performance, ne lui

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    faudra-t-il pas justifier en permanence lvolution de ses cots ?Elle risque alors, adoptant une position dfensive, dtre

    contrainte de renoncer progressivement une partie de ses acti-vits, notamment celles consacres la prparation de lavenir.La ralit dune GPRH apparat alors comme lanalyseur de lacapacitpolitique de la direction responsable de cette fonction,la direction des ressources humaines (DRH).

    Bien sr, la DRH na pas lexclusivit de la gestion desressources. Nombre de pratiques ne se grent pas uniquement auniveau de services ddisla fonction, mais au sein de la ligne

    hirarchique. Cest la hirarchie qui, aux niveaux les pluslevs,est souventlorigine des dmarches de GPRH. Mais cest bienla DRH quil revient de traduire une volontdanticipation enactions (formalisation de rgles de gestion et organisation despratiques qui en dcouleront). Quand ces actions se limitentlaralisation dtudes etla mise enuvre doutils, il estvidentque la DRH nexerce pas lensemble des rles qui lui sont dvolus

    (voir section suivanteLinfluence dcisive des rles assigns la fonction Ressources humaines).Quelle est la place de la GPRH dans cet ensemble ? Une

    tendance, vhicule par certains techniciens du domaine,consiste la rduire un ensemble dtudes de gestion(diagnostics, analyses) et doutils. Mais sa porte est plus large :contribuerrenforcer la cohrence du systme de GRH en rdui-sant les dcalages entre la politique et les pratiques de GRH,

    dune part, et, dautre part, entre les pratiques elles-mmes.On peut remarquer quen premire approche, le concept

    mme de gestion prvisionnelle relve du plonasme [Galam-baud et Gilbert, 1994]. Toute gestion nest-elle pas prvision-nelle, dans la mesure o lacte daujourdhui du gestionnaireconstruit bel et bien demain ? Aussi le vocableprvisionnela-t-il pour principale vertu dappeler lattention des dcideurs sur

    le fait que lavenir est construire et quils le construisent,consciemment ou non, chaque fois quils prennent une dci-sion. Et tout prendre, si lavenir est effectivement construit,quil le soit le plus consciemment possible !

    La GPRH nest pas une sous-spcialit de la gestion dupersonnellgal du recrutement ou de la formation (tous deuxcomportent une dimension prvisionnelle). Ce nest pas un

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    Reprsentation du systme de GRH

    tudesAnalyser

    Politique RH

    Dire

    Rgles de gestionRguler

    Pilotage

    de la performance

    RH

    Vrifier

    Pratiques de GRH

    Faire

    OutilsInstrumenter

    compartiment de la gestion comme la gestion de la masse sala-riale ou des cadres. La gestion prvisionnelle nest pas affaire deterritoire. En particulier, il serait particulirement malheureux delopposer la gestion courante du personnel. Cette oppositiondistingue des actes, des dcisions qui concerneraient le quoti-dien, des actes, des dcisions qui concerneraient le futur. Mais,dans une entreprise, ose construit effectivement le futur ? Nese construit-il pas, chaque jour, dans les diverses dcisions de

    gestion que peut prendre tout gestionnaire ? Le futur ne seconstruit pas en un lieu (il peut en revanche sy penser) ; saconstruction est dissmine dans tous les processus de dcisionde lentreprise.

    La gestion prvisionnelle nest rien dautre que lintroduc-tion du temps, de faon consciente, dans la gestion, en amontdu systme de GRH en clairant les dcisions par des analyses

    appropries, en aval en contribuant au pilotage de la perfor-mance RH. La gestion prvisionnelle nest rien dautre quelintroduction dansla tte des dcideurs dune rflexion surle futur qui pse rellement sur les dcisions quils sapprtentprendre aujourdhui.

    Cette conception ne dcoule pas simplement du discernementde tel ou tel spcialiste chargde la GPRH. Elle dpend beaucoup

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    de la situation de la fonction Ressources humaines danslentreprise.

    Linfluence dcisive des rles assigns la fonction Ressources humaines

    La ralitdune gestion prvisionnelle est tributaire des choixpolitiques de lentreprise. Mais, comme lobserve Jocelyne

    Barreau [1999], dans certaines entreprises ces choix ne sont pasclairement formuls, voire ne sont pas faits, la fonctionRessources humaines restant ancre dans le quotidien. Lexis-tence dune GPRH sera donc subordonne la place quoccupecette fonction dans lentreprise. Pas plus que la GRH, la GPRHnest laffaire exclusive de spcialistes, mais elle suppose tout demme un niveau de proccupation et un degrde formalisationdes dispositifs de gestion quon ne rencontre gure que dans les

    grandes organisations.

    Rles de la fonction Ressources humaines

    Pour illustrer les rles de la fonction Ressources humaines, ilpeut tre utile de sappuyer sur un modle. Parmi les plusdiffuss, nous retiendrons celui de Dave Ulrich [1996]. Par ce

    modle, Ulrich tente de dpasser limage parfois paperassire dela fonction Ressources humaines et douvrir de nouveauxhorizons pour ses rles futurs. Il estime que, dans la concur-rencelaquelle se livrent les entreprises, la fonction Ressourceshumaines atsous-employe parce que trop souvent limitela gestion administrative du personnel etla mise enuvre desplans de licenciement. Pour quelle puissetre un levier majeur

    de comptitivit, il propose quatre grands rles (ou missions) :lexpert administratif, le champion des salaris, lagent de chan-gement et le partenaire stratgique. Chacun de ces rles a sonutilit Ulrich parle deportefeuille de rles , la fonctionRessources humaines doit sefforcertravers eux de crer de lavaleur pour les salaris, les investisseurs et les clients delentreprise.

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    Un modle bidimensionnel des rles de la GRH

    Orientation stratgie/futur

    Orientation oprationnelle/quotidien

    Focalisation sur

    les processus

    Focalisation su

    les salaris

    Manager

    la stratgiedes RH

    Accompagner

    le changement

    Grer

    efficacementles tches

    administratives

    Renforcer

    la motivation

    des salaris

    Source: daprs Ulrich [1996].

    Les quatre rles de la fonction Ressources humaines peuventtre visualiss sur un schma articul autour de deux dimen-sions : la premire, permettant de distinguer les missions RHdavantage focalises sur les processus de celles concentres surles hommes. La seconde, faisant office de ligne de dmarcationentre celles tournes vers la gestion du quotidien et cellesorientes vers une gestion plus stratgique, davantage centressur latteinte dobjectifs futurs.

    Nous ninsisterons pas sur les limitations quimposela GPRHune orientation de la fonction troptroitement centre sur lequotidien, pour nous centrer sur les deux rles orients vers lefutur en les reliant des modes dentre privilgis dans leprocessus de gestion prvisionnelle.

    Selon Ulrich, en tant que partenaire stratgique, la fonctionRessources humaines doit orienter ses efforts vers la mise en

    uvre de la stratgie de son entreprise. Au niveau central, surla base dun diagnostic organisationnel, elle propose une stra-tgie fonctionnelle et des plans daction. Sur le terrain, elle tentedaligner les pratiques de GRH aux grandes orientations delentreprise. Ce rle est en accord avec un mode dentre dans laGPRH par le processus de planification stratgique de lentrepriseou dune de ses units. La rfrencela stratgie est habituelle

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    dans les ouvrages spcialiss, en particulier dans le monde anglo-saxon o le human resource planning est souvent assimil au

    processus qui relie la stratgie de lentreprise aux politiques deGRH. Mais devenirpartenaire stratgique ne se dcrte pas.Encore faut-il quil y ait une stratgie, quelle soit formule etque le directeur de cette fonction (le DRH) soit impliqu,dune manire ou dune autre, dans la prise de dcisionstratgique.

    En tant quagent de changement (rle accompagner le chan-gement), la fonction Ressources humaines apporte une contri-

    bution active la transformation des organisations. Elle peutintervenir en amont pour vrifier la faisabilit du changementet identifier les conditions de succs (diagnostic), le prparer(formation, communication interne) et, au cours de celui-ci,pour encourager et diffuser le changement. La notion dagentde changement recouvre des activits dune grande diversit. Silest gnralement attendu que les quipes RH accompagnent le

    changement en organisant des programmes de formation spci-fiques et des oprations de communication interne, il est plusrare de leur confier un rle de pilote, voire de faciliteur, dansce changement. Ce rle favorise une entre de la GPRH par leschangements dorganisation du travail, lesvolutions de struc-ture ou lintroduction de nouvelles technologies. La GPRHstablit alors dans le cadre dun changement planifi, voirengoci, lorsque le changement remet en cause la relation entre

    certains salaris et lentreprise. Dans le second cas, il ne sagitplus simplement de corriger un cart au sein darrangementsexistants, mais de redfinir un cadre contractuel [Gazier, 1991,chapitre II).

    Sils apparaissent plus nobles, les rles de partenaire strat-gique ou dagent de changement ne peuvent videmment passexercer aux dpens des deux autres rles qui constituent le

    socle de la fonction Ressources humaines. Comment pour-rait-on, en effet, esprer crdibiliser une orientation vers le futursi le quotidien, la gestion courante, ntait pas correctementassur?

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    Les transformations actuelles

    La place de la fonction Ressources humaines ne peut treconsidre de manire statique. La fonction Ressourceshumaines se retrouve aujourdhui quelque peu chahute, pressede rsoudre son niveau ce quil faut bien appeler des para-doxes organisationnels [Quazza et Gilbert, 2006]. Les exigencessont nombreuses et parfois contradictoires, les dfis difficiles relever. Par exemple :

    des exigences de disponibilit et doprationnalit. Cela

    nest pas nouveau et correspond au ct pompierdu profes-sionnel de la GRH, un gestionnaire de crises auquel on a recoursquand la situation rclame un traitement en urgence. Maissajoute la mission supplmentaire de porter dans lentreprise laresponsabilit du sens du travail et de la cohrence vcue parchaque collaborateur. Rpondre simultanment ces deuxexigences peut obligerquelques contorsions ;

    des exigences defficacit et de productivit. Tout DRHdoit, sous le regard conjoint de sa direction gnrale et de sadirection financire, contribuer positivement la valeur delentreprise, dabord en diminuant les cots de fonctionnementde sa direction et corrlativement ses effectifs. Pour autant, il luiest galement demand de dvelopper une offre plus impor-tante et plus contributive, notamment dans laccompagnementdu changement et dans laGRH stratgique;

    des exigences dlargissement de ses contributions. Aprs lacommunication interne et lorganisation du travail, la fonctionest interpelle sur les questions de diversit, de mise en avantdes minorits, de valorisation des personnes en fin de carrireMais, sil est exig dacqurir rapidement la matrise de cesnouveaux domaines, cestcomme nous venons de le voiravec des moyens qui restent identiques, voire en rgression ;

    des exigences dintgration plus forte au managementgnral de lentreprise, dans la mesure ola fonction Ressourceshumaines est appele se comporter linstar de toutes lesautres fonctions en apportant sa contribution la performanceglobale. De ce fait, les DRH sont beaucoup plus frquemmentquauparavant intgrs aux diffrents comits de direction quicorrespondent leur aire de responsabilit. Cependant, cette

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    participationdes instances de direction ne donne pas toujoursvoix au chapitre lorsquil sagit de prendre des dcisions

    cruciales, mme si ces questions touchent au personnel. Dans denombreux cas, ce qui est attendu du DRH qui sige au comitdedirection est autant ou plus une mise enuvre intelligentequune participation argumentela dcision collective.

    Comme on le voit, lvolution des enjeux place la fonctionRessources humaines au centre de fortes contraintes. Dans cetteconfiguration, il est extrmement important quelle soit assurede ses fondements, des concepts et du rfrentiel stratgique sur

    lequel elle va construire ses politiques et prparer lavenir.

    Lemploi, au centre de la gestion prvisionnelle

    Quel que soit le nom quon lui donne, la GPRH est toujoursintimement lie la question de lemploi (et du chmage) au

    niveau de lentreprise comme celui de la socit. Elle vise clairer les choix de lentreprise dans ce domaine, tout ensinscrivant dans le cadre rglement des politiques nationalesdemploi.

    clairer les dcisions en matire demploi

    Confronte une situation demploi, par exemple un besoin

    de travail additionnel ou, linverse, une rduction de la chargede travail, une entreprise dispose, en thorie, comme la schma-tis Bernard Gazier [1991, p. 214], dune gamme de dcisionspossibles.

    Dans le cas dun travail additionnel, elle peut embaucher dessalarisla qualification correspondant exactement aux besoinsressentis ou embaucher des travailleurs moins qualifis et les

    former. Lentreprise peut aussi promouvoir des travailleurs djembauchs et les remplacer par des salaris moins qualifisquelle embauchera. Elle peut encore ralentir le rythme desdparts en retraite ou avoir recours aux heures supplmentaireset aux missions dintrim. Elle peut enfin externaliser le travailraliser en le confiantdes entreprises sous-traitantes oudesconsultants.

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    Dans le cas inverse dune rduction dune charge de travail,lentreprise peut rintgrer une partie de sa sous-traitance et

    limiter le recours aux heures supplmentaires. Elle peut aussitenter dacclrer le rythme de dpart la retraite. Une autreformule, qui peut avoir sa justificationconomique (mainteniren place des comptences spcifiques lentreprise), consiste supporter le cot de salaris potentiellement ou temporairementinoccups. Enfin, lentreprise peut dcider de licencier.

    Dans ce cadre, lobjectif dune GPRH est de permettrelentre-prise danticiper le changement pour clairer ses choix en

    matire demploi, afin : dassurer une adquation efficace et maintenue dans le

    temps entre les comptences dtenues par les salaris et lesexigences des emplois ;

    de prparer les salaris daujourdhuioccuper les emploisde demain, en menant des analyses prcises sur lvolution desmtiers et des activits, et ses consquences en termes de besoins

    de comptences ; de mettre en uvre des processus de dveloppement descomptences adapts aux salaris, tout en leur donnant plus devisibilitsur leur devenir professionnel.

    Des initiatives encadres par le droit du travailet les politiques demploi

    Grer de faon prvisionnelle suppose de bien identifier lesmarges de manuvre et les initiatives possibles, ainsi que lescontraintes qui psent sur laction. En particulier, lemployeurest libre de ses choix de gestion, mais cette libertest condition-nelle. Les dcisions en matire demploi ne relvent pas unique-ment dun calcul microconomique. Elles obissent desdterminants institutionnels. Le pouvoir de gestion du chef

    dentreprise est encadrpar le droit du travail. Il est subordonnaux politiques demploi nationales, cest--dire des instru-ments spcifiques dont les pouvoirs publics se sont dots pouramliorer la situation de lemploi ou attnuer certaines desconsquences du sous-emploi. Il est contraint par les mesures enfaveur des bas salaires, de la rglementation des heures suppl-mentaires, de lge lgal de dpart en retraite (et de lge

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    Une ngociation triennale sur la GPEC

    Depuis la loi du 18 janvier 2005 (art. L. 320-2 et L. 320-3 du code du travail),modifiant le droit du licenciementconomique, les grandes entreprises se voientimposer une obligation triennale de ngociation sur la GPEC, sauf trecouvertes par un accord de groupe sur ces thmes.A minima, cette ngociationdoit porter sur :

    les modalits dinformation et de consultation du comitdentreprise surla stratgie de lentreprise et ses effets prvisibles sur lemploi ainsi que sur lessalaires ;

    la mise en place dun dispositif de gestion prvisionnelle des emplois et des

    comptences et les mesures daccompagnement susceptibles de lui tre asso-cies, en particulier en matire de formation, de validation des acquis de lexp-rience, de bilan de comptences et daccompagnement de la mobilit;

    les conditions daccs et de maintien dans lemploi des salarisgs et lesmodalits de leur accsla formation professionnelle.

    de travailler), du droit la formation, des conventions collec-

    tives de branche.Si les politiques demploi sont souvent vues comme descontraintes par lentrepreneur, elles peuvent aussi lui appa-ratre comme des opportunits dautres moments. Il en estainsi lorsque les initiatives de ltat visent rduire le cot dutravail (exonration lembauche du premier salari, abatte-ment en faveur des emploistemps partiel, exonrations accom-pagnant le contrat emploi-solidarit), favoriser la cration

    dentreprises (aides aux chmeurs crateurs ou repreneursdentreprises) ou encore lemployabilitde la main-duvre parla rforme du systme de formation.

    En bref, les initiatives des entreprises en matire demploi sontorientes par un droit de lemploi [Petit, 2005] qui sint-resse aux dispositifs associs aux politiques demploi natio-nales. Le recours aux heures supplmentaires, comme le partage

    du travail vialamnagement du temps de travail et les mesuresdge (prretraites et retraites), sont trs subordonnsce droit.Lextension des obligations dadaptation lvolution des

    emplois et de reclassement na cess de stendre en lien aveclvolution du droit du licenciement conomique. Cetteexigence a atteint la dimension prvisionnelle des ressourceshumainestravers lobligation introduite par la loi du 18 janvier

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    2005 de mettre en place un dispositif de gestion prvisionnelledes emplois et des comptences (GPEC).

    La prgnance des modles demploi socitaux

    On dsigne par modle demploi lensemble articul dessystmes de formation, demploi et de protection sociale[Tchi-bozo, 1998]. Il y a systme parce que lensemble de ceslmentsest en interaction. Le systme de formation dtermine la qualifi-cation des travailleurs qui, son tour, influence le statut de

    lemploi, la rmunration et la productivit. Productivit etrmunration sont elles-mmes en interaction.

    Ces modles sont variables selon les pays. Il est intressantde les comparer, non pas seulement pour dcouvrir dautresusages, mais aussi pour prendre un peu de distance par rapportau modle demploi franais et mieux cerner sa singularit.Ainsi, en France, laccs trs ouvert (non slectif et peu onreux)

    des bacheliers lenseignement suprieur conduit un niveaumoyen de qualification lev, mais aussi un emploi statutsocial etconomique avantageux (stable, offrant des possibilitsde carrire et une bonne rmunration). Ce type demplois, quiconstitue la rfrence sociale, incitela croissance de la produc-tivitdu travail etla rarfaction de lemploi offert. Si le dispo-sitif de protection sociale attnue les effets de ce systme sur lesexclus en affaiblissant ses impacts socitaux, il en renforce aussi

    la cohrence. linverse, aux tats-Unis, laccs lenseigne-ment suprieur est onreux et slectif. Le systme productif peutproposer des emplois peu qualifis, prcaires et faiblement rmu-nrs. Lemploi est plus abondant, les gains de productivitfinanant la cration demplois plutt que la hausse des rmun-rations. Dans ce contexte, lemploi statut nest pas la rf-rence. En outre, la protection socialetant faible, le demandeur

    demploi est plus enclinaccepter les emplois proposs.Dans le cadre dune recherche comparative [Louart, 2001 ;Bduwet Planas, 2002] portant sur les processusluvre dansla gestion de lemploi et des qualifications par les entreprises, ilapparat que les modles demploi ne font pas quopposervieux et nouveau mondes. En la matire, les diffrencessont grandes au sein mme de lEurope. Par exemple, le modle

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    demploi franais place au centre les diplmes. Sur la forme, uneadministration centralisatrice applique un contrle pointilleux

    sur lemploi en sappuyant sur une volumineuse rglementationsociale. Ltat, qui a le monopole de la dlivrance des diplmes,a aussi un rle dterminant dans la structuration des relationsdu travail (il en est de mme dans les autres pays latins commelItalie et lEspagne). Toutefois, il dveloppe, vis--vis des entre-prises, des incitations compensatrices (allgement de charges,aides financires) et leur laisse, sur le fond, beaucoup deliberts.

    Le paysage de lemploi et de lducation varie considrable-ment ds lors que lon passe la Manche. Le modle britan-nique est trs marqu par le libralisme conomique, dans uncontexte o ltat est peu interventionniste et la responsabilitindividuelle fortement valorise. Lappareilducatif manque demoyens. Les entreprises contractualisent directement sur lemarch du travail ; les rapports de forces entre employeurs et

    salaris sont fonction de la raretdes comptences recherches.La diversit des cursus et des institutions au Royaume-Unisoppose la standardisation et lintgration de lappareilscolaire en France.

    Aprs la France, le modle allemand est celui dans lequel larglementation publique est la plus marquante. Mais, dans cepays, la diffrence de la France, les corporatismes profes-sionnels tiennent en main une formation professionnelle trs

    intgre lconomie. Le systme dual (formation alterne enentreprise et cole professionnelle), qui reprsente la partie laplus importante de la formation professionnelle initiale, est, pardfinition, plus marqupar la proccupation de fournir la main-duvre qualifie ncessaire lconomie que les systmes oprvaut letout scolairecomme en France. En outre, la ngo-ciation de branche est centrale dans les relations du travail et

    la formation continue est dgage de linfluence prescriptive deltat.Quant lItalie et lEspagne, ces pays sont marqus par des

    tensions structurelles entre appareils productifs, avec dessecteurs trs modernes et trs ouvertsla concurrence et dautresrests fortement traditionnels. LItalie apparat plus individua-liste, son systmeducatif plus dcaldes besoins professionnels.

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    Dans ce pays, limportance de lconomie souterraine et le dyna-misme des districts industriels semblent demeurer une

    constante.En arrire-plan de ces modles nationaux, on entrevoit desinfluences culturelles. Si lon suit les analyses de Geert Hofstede[2002], il est tentant de mettre en rapport le rejet de lincerti-tude (recherche de scurit, formalisation des rgles, mfiance lgard des jeunes) qui prvaut en France avec le modledemploi national et ses consquences sur la GRH dans les orga-nisations. Cependant, elle seule, lexplication par les cultures

    nationales est insuffisante. On ne peut comprendre les pratiquesde gestion comme des expressions directes des spcificits cultu-relles propres chaque pays. Il est ncessaire, comme le suggreYves-Frdric Livian [2004], de sinterroger aussi sur lesprocessus par lesquels cesventuelles cultures nationales passentdans la ralit (p. 18). Le jeu des acteurs sociaux constitue uneclde lecture de ces processus.

    Le jeu des acteurs sociaux

    La mise en place dune politique active de gestion de lemploimet en jeu tous les acteurs de la vie sociale, quils soientlint-rieur oulextrieur de lentreprise. Le rle des acteurs est doncprimordial dans la russite dune dmarche de GPRH. Ainsi que

    lont soulignAlain Roger et Olivier Roques [1999], les logiquesdacteurs ne convergent pas naturellement. Structurellement, ladirection gnrale dune entreprise est plutt centre surlatteinte dobjectifs gnraux et la prise en compte de lemploicomme variable globale du pilotage dune entreprise. La lignehirarchique, elle, se focalise sur latteinte des objectifs locauxqui lui sont assigns et qui sinscrivent habituellement dans un

    cadre budgtaire annuel. Elle est attentive laccompagnementdu salaripour faciliter latteinte de ses propres objectifs. Quantau salari, il est videmment surtout proccup de la mise enuvre de ses aspirations professionnelles. On comprend quunedirection des ressources humaines puisse prouver quelquesdifficults associer ces points de vue dans une dmarcheprvisionnelle.

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    Gestion des ressources humaines et rseau dacteurs

    Pouvoirs publics

    Chercheurs Mdias

    Prestataires

    Syndicats

    de salaris

    Organismes

    patronaux

    Actionnaires

    ou autres

    instances externes

    de gouvernance

    Direction

    gnrale

    DRH

    Reprsentantsdu personnel

    Salaris

    Encadrement

    Loin de limiter linfluence des acteurs sociaux (membres delorganisation ou acteurs externes), labondance des rglesengendre des zones dincertitude dont les acteurs se saisissent

    pour dvelopper des relations de pouvoir. Au nombre de cesacteurs, il y a ltat et ses services dconcentrs, ainsi que lesinstitutions reprsentatives du personnel, mais aussi bonnombre dautres protagonistes, comme le fait apparatre notreschma.

    Les acteurs internes

    La direction gnrale, dans laquelle on englobera le comitdedirection, est responsable de la dfinition de la stratgie globalede lorganisation et de latteinte des objectifs stratgiques. Ellea pour rle principal dexaminer et dapprouver les stratgies deressources humaines, et ce, en fonction du plan stratgiqueglobal de lentreprise.

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    Le directeur des ressources humaines (DRH) est, en principe,responsable de la gestion stratgique des ressources humaines.

    Ce rle est facilit sil fait lui-mme partie du comit de direc-tion. Il peut influencer en amont la formulation de la stratgiegnrale de lentreprise lorsquil est vraiment intgr la direc-tion gnrale ou intervenir a posteriori pour traduire une stra-tgie dentreprise qui salignera sur les orientations gnrales. Ilassure la coordination avec la direction gnrale sur lensembledes problmes gnraux de la fonction. Enfin, il constitue laprincipale source dexpertise en gestion des ressources humaines

    pour le comit de direction. Le directeur des ressourceshumaines nest pas toujours plac ce niveau et il est rarementimpliqu dans la prise de dcisions portant sur le long terme[Roger et Roques, 1999]. Dans ce cas, il est craindre que lespratiques de GRH nobissent essentiellement des proccupa-tions tactiques et oprationnellescourt terme.

    Dans les grandes organisations, le DRH sappuie sur un

    personnel administratif et sur des spcialistes. Le personneladministratif des services du personnel est responsable delentre et du contrle des donnes administratives. Il a destches remplir dans lensemble des domaines de gestion. Ilserait risqu de considrer sa contribution comme secondaire,car la fiabilit des donnes de base conditionne la qualit destudes prvisionnelles. Les spcialistes, au nombre desquels,dans les grandes organisations, les spcialistes de la GPRH, tien-

    nent deux sortes de rles, selon leur place dans la structure. Leurrle est de support logistique lorsquils assistent les respon-sables hirarchiques dans leurs responsabilits sociales, ainsi quele font les responsables des services du personnel et leursadjoints. Ils peuvent aussi, cest un autre rle, raliser les diversestudes requises par le fonctionnement du systme de gestion dupersonnel telles que lidentification des besoins, lanalyse des

    ressources et llaboration des solutions techniques de gestion.Lencadrement est, plus que tout autre acteur, investi de laresponsabilit de la gestion du personnel. Cest lui qui met enuvre, au niveau individuel, la plupart des outils et procduresde gestion des ressources humaines. Mais envisager lencadre-ment comme seul gestionnaire de son personnel ne constitueen aucun cas une voie de progrs. Le fait de considrer que ces

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    tches sont de la responsabilitde la hirarchie ne constitue pasen soi une avance : le rle dun service fonctionnel ne consiste-

    t-il pasremplir des tches qui onttdplaces hors de la voiehirarchique ? Dans le domaine de la fonction Personnel commedans les autres, la tche des responsables oprationnels est defaire le meilleur usage possible des ressources qui leur sontalloues. Ils doivent permettre aux membres de leur groupe detravail dapporter leurs contributions selon leurs comptences etsefforcer de dvelopper celles-ci.

    Le salari est intress au premier chef par la GRH, puisquil

    est le destinataire final des actions de gestion. Mais le statut departenaire dans les actes de gestion sociale ne lui est reconnu quedepuis peu. Si la fonction Ressources humaines est une fonctionpartage, il faut bien voir que le salari a t longtemps exclude ce partage. Pour Bernard Galambaud [1983, p. 13], la gestiondes ressources humaines reste un mystre pour le plus grandnombre :Au sein de la plupart des entreprises, des directeurs

    du personnel affirment dfinir, conduire et mettre enuvre despolitiques sociales, des politiques de gestion du personnel. Pour-tant, la plupart des salaris de ces mmes entreprises sont peucapables didentifier ces politiques.

    Les salaris ne sont pas prsents seulement en tant quindi-vidus, ils le sont aussi dans des instances de reprsentation dupersonnel. Longtemps, les relations sociales avec le comitdentreprise, les dlgus du personnel, les reprsentants syndi-

    caux ont dailleurs constitu, a vec ladministration dupersonnel, lessentiel de la mission des directions du personnel,et cest largement autour de cet enjeu que sest structure la fonc-tion. La baisse de linfluence syndicale, en particulier dans lesecteur priv, se traduit par un moindre poids de cet acteur.

    Le rle le plus crucial est gnralement reconnu la direc-tion gnrale. Cest vrai, dans le sens o aucune stratgie de

    ressources humaines ne peut avoir de succs si elle ne bn-ficie pas du soutien de la haute direction. Cela signifie que tousles membres de lentreprise doivent percevoir que leffort dedveloppement des ressources humaines reoit un appui nonquivoque de la haute direction. Cependant, lon connat desvolonts directoriales qui trouvent difficilement la voie de laralisation. Par ailleurs, comme la montr Michel Crozier, les

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    dirigeants ne sont pas les seulsinfluencer la stratgie et nontpas le monopole de laction dans le domaine.

    Si le rle de lencadrement est apprciable, il ne doit pastrenon plus considr comme exclusif. Ce qui fait son impor-tance rside moins dans son pouvoir de dcision, souvent faibleaux niveaux infrieurs de la hirarchie, que dans son pouvoireffectif de mise en application. Dune manire gnrale, ilconvient de considrer que lefficacit de la fonction nest passeulement tributaire des hautes instances politiques, de lautorithirarchique ou des seules comptences des professionnels de la

    fonction. Il faut compter avec tous, y compris ceux qui, mme un niveau modeste, peuvent faire avancer ou bloquer lessituations.

    Les acteurs externes

    Les relations professionnelles sont le fait de trois types

    dacteurs : les pouvoirs publics, les organisations syndicales et lesorganisations patronales. Selon que lon se place du point de vuede lun ou de lautre, la perception des interactions, des rles dechacun varie. Nous lavons vu, le rle de ltat, tout particuli-rement en France, est trs structurant pour ce qui relve de lagestion de lemploi. Comme laffirme Bernard Gazier :On nepeut en fait pas concevoir la relation demploi hors des interven-tions de ltat, que celles-ci soient directes, obligatoires, ou indi-

    rectes, facultatives[Gazier, 1993, p. 8].Les pouvoirs publics fixent le cadre et les rgles des ngocia-

    tions collectives. Ltat dcide de la reprsentativit de certainssyndicats en fixant les critres de cette reprsentativit. Il estla fois arbitre et engag dans les dynamiques des ngociations.Organisations patronales et organisations syndicales dfendentlintrt de ceux qui les mandatent : dun ct, lentrepreneur,

    de lautre, le salari. Lentrepreneur protge sa logique dinvestis-sement, de rduction des cots de production, de productivit.Le salaritente damliorer son niveau de vie, son revenu et sesconditions de travail. Cependant, aujourdhui, les syndicalistessont obligs dintgrer des notions de gestion et les contraintesdu march pour combattre les employeurs sur leur propreterrain, afin davoir des arguments de poids et dtre entendus

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    dans les concertations. Les employeurs, de leur ct, ont intrt favoriser le dialogue social, non seulement dans une concep-

    tion minimaliste de ce dialogue, afin dviter les grves qui para-lysent lactivit de production, mais plus largement poursaccorder avec les salaris sur les finalits et les modalits deschangements qui traversent le monde du travail.

    Les organisations syndicales et patronales interviennent auniveau politique global, cest--dire dans le cadre des relationsavec le gouvernement, ainsi quau niveau interprofessionnel etde branche. La tendance actuelle est leffacement de ces

    niveaux de ngociation au profit de lentreprise. Ces organisa-tions sont aussi engages dans le paritarisme qui peuttre dfinicomme la gestion commune par les syndicats reconnus et lesorganisations patronales dorganismes sociaux tels que les caissesdassurance-maladie, dassurance-vieillesse ou dassurance fami-liale, les OPCA (organismes paritaires collecteurs agrs) dans lechamp de la formation professionnelle ou encore les caisses

    dassurance-chmage.Les prestataires (consultants, socits de services aux entre-prises), bien quextrieurs lentreprise, peuvent tre consi-drs comme des acteurs internes pendant le temps de leurintervention. Les consultants, de plus en plus sollicits, peuventtre appels par le directeur des ressources humaines lorsquuntype dexpertise est requis et non disponible au sein de lorgani-sation. Leur rle, mme lorsquil se limite raliser une tude

    (audit social, valuation des postes) ouapporter un serviceponctuel (recrutement, formation), peut influencer fortement leprocessus de gestion par la prsence, les mthodes et la concep-tion mme du management quils vhiculent.

    Le rle de ladministration du travail esttroitement dpen-dant du type de rgime politique et du cadre normatif, nationalet international dans lesquels il sinscrit : lutte contre la discrimi-

    nation dans le monde du travail, respect du droit et des rgle-ments, etc.Sans prtendrelexhaustivitet sans entrer dans le dtail de

    lanalyse, il nous faut aussi voquer linfluence des clients, lesactionnaires ainsi que les collectivits territoriales dont les rlesrespectifs, directs ou indirects, sur le fonctionnement social delentreprise sont loin dtre ngligeables.

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    La dynamique de renouvellement des modles de GPRH

    La GPRH est ne et sest renouvele dans un jeu dalliances etde cooprations entre ces diffrents acteurs, au sein dun rseausocial complexe :

    des grandes entreprises utilisatrices de la GPRH dans lessecteurs publics et privs ;

    des socits de conseil spcialises qui inspirent lesprcdentes ;

    des associations professionnelles agissant comme cataly-

    seurs et agents de liaison entre praticiens, dune part, et entrepraticiens et consultants, dautre part ;

    des organismes de formation dispensateurs des savoirs quiirriguent le rseau.

    Dans le courant des annes 1980,ces acteurs classiques sontvenus sajouter les acteurs institutionnels : pouvoirs publics assu-rant un financement de certains acteurs du rseau, organisations

    professionnelles suscitant des ralisations dans les entreprises.Ainsi quen tmoigne lvolution du code du travail, le lgisla-teur sest de plus en plus intress la GPRH qui occupe, audbut des annes 2000, une place significative tant en ce quiconcerne la ngociation collective sur lemploi (art. L. 132-12,L. 320-2, L. 322-7 du code du travail) que la formation profes-sionnelle (art. L. 934-2).

    Le scnario de constitution et de renouvellement des concep-

    tions de la GPRH peut tre rsum de la faon suivante : dansun contexte socio-conomique dtermin, une technologienouvelle au sens large (recherche oprationnelle, micro-informa-tique, ingnierie des ressources humaines), porte par desspcialistes (consultants, analystes de la technostructure),rencontre une demande sociale, affiche par des responsablesdentreprise. Les PME, dans lesquelles la prise en charge du carac-

    tre prvisionnel de la gestion du personnel est souvent la prro-gative du dirigeant et ola domination du court terme est plusforte, restent toujours un peulcart du mouvement, du moins ses dbuts. Quelques spcialistes et responsables dentreprisechangent ensemble sur unterrain neutre, par exemple dansle cadre dune association professionnelle, pour trouver un ajus-tement entre les possibilits de la technologie et les problmes

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    qui se posent dans les entreprises. Aprs un dbut de formalisa-tion, des interventions de conseil sont conduites dans les entre-

    prises, surtout les grandes, parce quelles disposent de moyensde financement et quelles emploient elles-mmes des spcia-listes qui sont en mesure de communiquer avec les consultants.

    Les dbuts de ralisation donnent lieudes tmoignages quifont lobjet darticles publis dans des revues spcialises, revuestechniques et revues professionnelles pour les consultants,revues professionnelles pour les praticiens. Une demande deGPRH se fait jour et se dveloppe. Depuis les annes 1980, cette

    demande sest trouve amplifie par des enjeux de socitdontles pouvoirs publics sont les porteurs. Des programmes de forma-tion se mettent en place pour diffuser le nouveau savoir auprsdes praticiens. Les ncessits de la pdagogie et la recherche denotorit conduisent la publication douvrages. La tendancenouvelle saffirme en se dmarquant des prcdentes vis--visdesquelles elle dveloppe une critique pour saffirmer et justifier

    la spcificitde son discours.Pass les premiers temps, les expriences des entreprises sontanalyses par les chercheurs et commentes de faon plusnourrie par lensemble des observateurs (organismes patro-naux, syndicats, journalistes). La situation demploivolue etle scepticisme lgard du courant de la GPRH qui prvaut sedveloppe. Ds lors, leslments sont en place pour lavnementdune nouvelle conception.

    La dynamique de mise enuvre dans lentreprise

    Si, comme nous venons de le voir, la conception des modlesde GPRH est une construction sociale, il nen va pas diffrem-ment de la mise enuvre de ces modles dans lentreprise. Cettemise en uvre ne peut dcouler simplement dun tat de lart

    technique asservi des objectifs de politiques sociales. Elle est,comme lensemble de la GRH, le rsultat de jeux entre acteurs[Louart, 2003].

    Sintressant plus spcifiquementla gestion des comptences mais, mutatis mutandis, son raisonnement peut tre tendu lensemble des formes de GPRH , Anne Dietrich [2003,p. 220-223] propose une lecture trois niveaux de mise en

    AN T IC IP A TI O N E T P RV IS ION EN GRH 29

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    uvre. Au premier niveau, la direction de lentreprise et la DRH,engages dans un processus de rationalisation, produisent des

    argumentaires managriaux, des outils et des rgles de gestion.Au deuxime niveau, le management intermdiaire sefforce deconcrtiser les objectifs qui lui sont assigns en laborant desrgles daction. Au troisime niveau, lesquipes de travail mobi-lisent des comptences dans le cadre dune nouvelle dfinitionde la professionnalit. Dietrich insiste sur le deuxime niveau,caractris par la gestion dun processus interactif de ngocia-tion entre les deux autres niveaux, afin dinstaurer une relation

    de coopration. Elle souligne que le passage du premier audeuxime niveau nest pas de simple application, comme onpourrait limaginer dans une approche purement technicienne.

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    II / volution des conceptions

    Partant du constat de la multiplicit des formes de GPRH, cechapitre viseapporter deslments de reprage sur sonvolu-tion et les conditions de sa structuration. Nous commenceronspar prsenter les conceptions qui se sont succd depuis les

    annes 1960, dcrivant le contexte de leur apparition, les prin-cipales ides qui les sous-tendent et la manire dont ellesmarquent encore le domaine. Chaque type de GPRH sera illustrpar une ralisation caractristique. Nous proposerons, en conclu-sion du chapitre, une analyse des conditions dmergence de cesconceptions, la manire dont elles se sont structures etrenouveles.

    La planification des effectifs

    Lambition rationalisatrice et la naissancedune ingnierie du personnel (annes 1960)

    Au cours des annes 1960, une conception de gestion tech-

    nique visant la rationalisation des oprations de gestion dupersonnel se dveloppe, notamment travers lautomatisationadministrative. Linformatique de gestion naissante librepartiellement les services du personnel des tches dadministra-tion et de paie. Les chefs du personnel sefforcent de mettre enuvre des outils labors et de prparer lavenir. Dans cecontexte, lentre de la prvision dans la gestion du personnel

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    sest faite en quelque sorte au nom de la science, grce au progrsde la recherche oprationnelle et lavnement de linforma-

    tique. Les premires recherches onttfaites dans larme amri-caine, les grandes industries, ladministration publique, lescompagnies ariennes. En France, les expriences significativesde gestion prvisionnelle des ressources humaines ont dbutdans les annes 1960.

    Lre de la gestion scientifique a commenc , proclamentRobert Faure, Jean-Paul Boss et Andr Le Garff [1967] dans le

    petit ouvrage quils consacrentla recherche oprationnelle et,prcisent-ils, grce aux mthodes de la recherche opration-nelle, et plus spcialement celles de la simulation, laccumu-lation des chiffres aboutit un rsultat qualitatif : on nesintresse plus aux nombres exacts, mais leur significationrelative, de laquelle dpend lorientation du choix. Ainsi lescalculateurs deviennent-ils des moyens de gestion prvision-

    nelle. Un bel avenir attend les mthodes scientifiques degestion(p. 126).Ce message a semble-t-il t entendu par les spcialistes de

    la gestion du personnel. En effet, quelques annes plus tardparat un livre consacr des rflexions et expriences de gestionprvisionnelle. La filiation avec la recherche oprationnelle estdirecte, puisqueApproches rationnelles dans la gestion du personnel[Benayoun et Boulier, 1972] est le fruit dun groupe de travailde la section Recherche oprationnelle de lAFCET (Associationfranaise pour la cyberntique conomique et technique). Crfin 1969, ce groupetait composde responsables du personnel,de chercheurs oprationnels, dinformaticiens et de psycho-logues dentreprise et dadministration (RNUR, RATP, Air France,Kodak-Path, Shell,ducation nationale) ainsi que de consul-tants (AVA, Quaternaire ducation, SIA, SEMA). Le travail de

    groupe restreint lorigine la gestion prvisionnelle deseffectifs sest tendu dautres sujets (formation et apprcia-tion du personnel, notamment). Le processus de cration de lagestion prvisionnelle semble avoir t similaire en Grande-Bretagne oles rflexions initiales sur le manpower planningonttformules au sein de lOperational Research Society.

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    Une gestion planifie deseffectifsla Compagnie gn-rale de gophysique

    Les socits internationales de presta-tions de services se trouvent frquem-ment confrontesdes problmes demise disposition prvisionnelle despersonnels qui leur sont ncessairespour excuter leurs contrats. Cesproblmes ont une incidence notable

    sur les cots de revient, puisque de laqualitde la prvision dpend le coef-fi cient dutilisation du personnel,rmunren premire approximationindpendamment de cette utilisation.Cet enjeu justifie un effort danalyse etde gestion prvisionnelle appuysurune application informatique.

    Dans le cas trait, il sagit dassurer

    des prestations de dure souvent inf-rieureune anne avec du personnelmobile dun payslautre.

    Le programme, nomm Systmecyberntique de prvision des besoinsalatoires en personnel de prestationde service prend en compte cinq

    paramtres duti li sa ti on desressources :

    la local isation territoriale,

    variable dune annelautre ; la probabilitdobtention de

    contrats, variable dun type de clien-tle lautre et dune anne surlautre ;

    les dures des contrats, illus-tres par une loi de distribution loga-rithmique normale, variable selon le

    type de prestation ;

    leffectif par contrat ; variableen volume et en composition selon les

    contrats et les annes.La cl de laction repose sur la

    survie(sorties par dmission, licen-ciement, dpart en retraite, promo-tion vers une autre catgorie) et lerenouvellement (par embauche ou

    par promotion en provenance dune

    autre catgorie) de ces effectifs.Le processus cyberntique estdestin fixer, en dernier ressort, leprogramme de recrutement condui-

    santlemploi maximal du personnel.

    Source: daprs Hoeraene et Ledoux[1972].

    Les modles de gestion prvisionnelle sont constitus sur unebase purement numrique et se limitentce qui est calculable.Ils interviennent essentiellement dans la gestionconomiquelong terme des effectifs. Il y eut lorigine quelques tentativespour intgrer deslments qualitatifs et une certaine fascinationpour des travaux nord-amricains allant dans ce sens. Mais lesralisations en la matire furent peu nombreuses. Ces modles

    utiliss sont de deux sortes : les modles de simulation qui portent, par exemple, surles volutions dmographiques, les hypothses concernant lastructure des emplois, lestimation dcarts quantitatifs entrebesoins et effectifs disponibleslhorizon de la prvision. Ils ontpour objet de prvoir les consquences dun choix politique. Cechoix sera exprimpar les valeurs de variables, tels que les taux

    VOLUTION DES CONCEPTIONS 33

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    de recrutement annuels par type de postes, les taux de promo-tion, les taux de mobilit, etc. Le modle simule anne aprs

    anne lvolution de la structure des effectifs sur la base dfinieaprioriet fournit les rsultats de la politique envisage. Il est alorspossible de dterminer les consquences de cette politique et desavoir si elle rpond aux intentions des dirigeants ou si elle estsusceptible de crer des problmes ;

    les modles doptimisation qui visent dterminer parcalcul la valeur optimale de certains paramtres, par exemple letaux de promotion internela position cadre et le taux de recru-

    tement annuel de jeunes cadres diplms, de sorte que ces para-mtres respectent certaines contraintes imposes (limiterlvolution de la masse salariale tel montant ou le nombre descadres non diplms tel pourcentage de la population totaledes cadres, etc.). Difficiles de maniement et opaques pour lutili-sateur, les modles doptimisation ont eu une application trsrduite.

    Bilan et actualit: une ambition recentre

    On relve un chec relatif de cette priode quantitativiste :les dirigeants ny ont pas cru, les professionnels de la gestiondu personnel matrisaient mal les techniques, certains aspectsde gestion de la main-duvre, parmi les plus critiques,taientoublis et, surtout, il y avait un abme entre les rflexions de

    brillants ingnieurs et les proccupations du terrain. Pendantque, dans les services dtude des siges sociaux, certainspensaient lavenir de la gestion du personnel, dans les usines, lecontenu de la fonction restait assez traditionnel. Une enqutede lAssociation nationale des directeurs et chefs du personnel(ANDCP) en 1958 sur la rgion Rhne-Alpes donnait commetches les plus frquentes du service du personnel : les sanctions,

    la paie, la mdecine du travail, la scurit, les cantines, lassis-tance sociale, les vestiaires-douches, le pointage, le logement etles systmes de retraite.

    Les principes sur lesquels se fondaient les prvisions laissaientde ct les volutions de lenvironnement (dveloppements dela technologie, de la concurrence, du march du travail, de lalgislat ion socia le , etc .) et cel les du systme social

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    Les plans objectifs moyens duministre de lquipement

    Depuis longtemps dj, au sein de lafonction publique, le ministre delquipement fait figure de prcurseuren matire de gestion du personnel.Il sest notamment illustr dans ledomaine de la gestion prvisionnelledes effectifs associe une dmarchede plani f icat ion. I l s agi t dune

    contractualisation sur la base dunepart dengagements des directionsdpartementales de lquipement(DDE) portant sur lamlioration de laqualit, en termes de services rendusaux usagers dans divers domaines et

    de performance interne, et dautrepart dengagements de ladministra-tion centrale sur un budget global de

    fonctionnement (emplois, crdits).Chaque DDE labore un planobjectifs moyens (POM) triennal sur la

    base dune lettre de cadrage de ladirection centrale fixant, conform-ment laccord s ign avec le

    ministre du Budget, les effectifsprvisibles chance de trois ans. LePOM comporte une rflexion strat-

    gique sur lvolution des missions dela DDE ainsi quune dfinition desobjectifsmoyen terme et des plansdaction permettant de les atteindre.Pour chacun des grands domaines

    dactivit sont labors des plansprvisionnels des moyens (personnelet crdits de fonctionnement) affecter. Ces analyses permettent de

    constituer un plan de gestion prvi-sionnelle des effectifs rpartissant leseffectifs par domaine dactivitet pargrandes catgories. Ce plan doitrespecter le volume indiqu par lalettre de cadrage de ladministrationcentrale mais a toute latitude pour

    proposer des modifications dans la

    rpartition entre catgories. labor

    au niveau local, avec la contributiondes units infradpartementales(subdivisions), le POM est ensuite

    discutpuis validpar les directionscentrales comptentes pour chaquedomaine dactivit.

    interne (en particulier, les contre-pouvoirs des organisations

    syndicales). Examinant les politiques de personnelun niveaugnral et anonyme, les modles de gestion prvisionnelle seconcentraient sur quelques aspects des politiques de personneltels quune structure de postes ou une prvision dembauche.Limportance croissante de la population cadre a soulign lancessit dadopter une perspective plus globale et plusqualitative.

    Recentre sur lvaluation des besoins de dotationcourt etlong termes et lanalyse des projections touchant les dparts la retraite, la gestion prvisionnelle des effectifs reste pourtantdactualit. Elle constitue mme une exigence renforce dans lecadre dun contrle de gestion sociale [Martory, 2003]. Les entre-prises sont confrontes la ncessit danticiper leurs besoinsen matire deffectifs de faonpouvoir sadapter en amont de

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    toutevolution prvisible de ses produits, de ses marchs et dela concurrence. Cette anticipation permet dengager froid

    des plans dajustement tant en termes quantitatif (gestion de lamasse salariale) que qualitatifs (gestion des comptences).Depuis les annes 1990, des initiatives ont t prises pour

    rduire le poids financier du secteur public tout en le rendantplus efficace. Tout comme le secteur priv, il est dsormais sensi-bilisaux rflexions sur lvolution en masse des effectifs, sous laforme modernise dune gestion prvisionnelle des effectifs, desemplois et des comptences (GPEEC). Cependant, bien quelle

    soit a prioriadaptela nature du monde administratif, elle nesemble progresser que lentement compte tenu de la difficultpour ladministration de matriser les facteurs dvolution delactivit (surdtermins par les choix politiques), et descontraintes issues de la rigidit de ses modes de gestion. Parailleurs, la diffrence des entreprises du secteur marchand,dans ladministration, la tendance la plus habituelle consiste

    partir des effectifs comme donne dentre, et nonconsidrerceux-ci comme le rsultat dune projection stratgique.

    La gestion prvisionnelle des carrires

    Linfluence de lcole des relations humainessur la gestion du personnel (1970-1975)

    Au dbut des annes 1970, les discours dentreprise promeu-vent lide dune convergence du progrs conomique et duprogrs social. Cette position est influence par le choc repr-sent par les vnements de mai 1968 (violentes manifesta-tions dtudiants, grve gnrale sur fond daspirations socialesnouvelles et de contestation du taylorisme) et, pour certains,

    par les travaux de lcole nord-amricaine des relationshumaines. Sur cette conception, des structures de rflexion surles problmes sociaux de lentreprise se mettent en place un peupartout.

    Le premier ouvrage, en langue franaise, entirement consacrla GPRH, et prsentant, en plus des mthodes, deslments dedoctrine, atpubliau dbut des annes 1970 [Jardillier, 1972].

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    Il est luvre dun psychologue, Pierre Jardillier, consultant auCENTOR (Centre dtudes et dassistance pour lorganisation

    humaine des entreprises). Le souci de rationalit est toujoursprsent, en particuliertravers le concept de gestion intgre :la gestion est conue comme un systme dans lequel les diff-rentes composantes interagissent.

    Mais la gestion intgre saccompagne, selon la formule deJardillier, dune recherche dun management visagehumain. Lauteur crit en effet dans son avant-propos :Lesmthodes dcrites dans ce petit livre sont pratiques par les

    entreprises qui entendent rationaliser et systmatiser ces possi-bilits dallier le dveloppement de lhomme celui delentreprise.

    Pour Jardillier, lobjectif de la gestion prvisionnelle dupersonnel est la prvision des affectations individuellesconformes aux besoins de lentreprise et aux aspirations des indi-vidus. Si la gestion prvisionnelle est celle des individus, elle est

    prcde dune dmarche quantitative et collective qui porte surles besoins et les possibilits. Mais sur les neuf chapitres quecomprend louvrage cit, un seul est consacr ltude prvision-nelle des besoins.

    Cette orientation de la GPRH a surtout t applique lagestion des cadres et plus prcisment la gestion de leurcarrire (cest pourquoi nous lappelons gestion prvision-nelle des carrires).lpoque, largumenttait le suivant : face

    lentreprise, le cadre poursuit des objectifs multiples. Il attenddelle une rmunration, maisgalement des possibilits deseraliser: un statut, une formation, etc. Les cadres attendent delentreprise quelle leur offre des carrires plutt que des emplois.

    la diffrence de la gestion prvisionnelle des effectifs, lagestion prvisionnelle des carrires rpond des proccupationsde gestion des individus. Elle procde dune recherche anticipe

    dadquation des individus aux emplois de lentreprise. Ses outilshabituels sont la dfinition de fonction, lapprciation du poten-tiel et les organigrammes de remplacement.

    la suite du premier choc ptrolier, lintrt pour la prvisionmarqua une pause. Les procs en incapacitfaits aux prvision-nistes de tous domaines nont pas manqudatteindre la GPRH.Au reflux de lintrt port la prvision en matire de

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    Exemple de courbes de carrire

    Intensit

    ge

    Exceptionnel

    Trs bon

    Satisfaisant

    Faible

    20 25 30 35 40 45 50 55 60

    Remarque: lintensitexprime, par exemple, un niveau de responsabilit, un statut ou unermunration annuelle.

    personnel correspond dailleurs un net ralentissement des publi-cations portant sur ce thme.

    Une restauration de ce second courant de la gestion prvision-nelle sest amorce au dbut des annes 1980 sous limpulsionde Louis Mathis [1982], pseudonyme adopt par un groupe de

    concertation des responsables de personnel manant de laFondation nationale des entreprises publiques. On retrouve danscet ouvrage lorientation humaniste de la priode prcdente. Entmoignent les objectifs dvelopps en premire partie :

    Faire converger objectifs conomiques et finalithumaine;

    Assumer une responsabilitcivique et sociale;

    Faire de chacun un partenaire; Anticiper les risques sociaux.Si le discours gnral est plus communiquant, les proc-

    dures et outils sont similaires. Cette prise de position traduit lesouci de certains dirigeants du secteur public de sortir de lagestion de masse, pour fonder la gestion du personnel de cesecteur sur ladaptation rciproque des emplois et des personnes,

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    La gestion intgre des cadres de Merlin-Gerin

    Dans le dbut des annes 1970, Merlin-Gerin sefforce de donner un caractreintgr sa gestion du personnel. Elle se consacre dabord aux cadres. Unequipe de dveloppement et formation des cadres apporte une aidela hirar-chie dans ce domaine. Une commission de douze quinze dirigeants, nommspar le secrtaire gnral, se runit rgulirement avec cettequipe, notammentpour actualiser les classifications de postes et proposer les personnes promou-voir. Tous les postes ont t valus et classs en dix niveaux, correspondantune plage de salaire. Un entretien annuel de carrire est systmatis. De plus, desplans de carrire sont tablis pour les cadres haut potentiel et des plans de

    remplacement pour chaque poste. Ces derniers sont actualiss chaque anne. Ledveloppement personnel sert de guide dans llaboration de plans de formationraliss en application de la toute nouvelle loi de juillet 1971.

    Source: daprs Laufer,Amado-Fischgrund et Trepo [1978].

    linstar du secteur priv. Cette conception de la gestion prvi-sionnelle sest rvlelusage trop centre sur les individus etpas assez organisationnelle.

    Bilan et actualit: une remise en causede la notion classique de carrire

    La gestion prvisionnelle des carrires devait beaucoup de sonimpulsionla prminence de la structure bureaucratique et de

    la figure sociale montante du cadre. Or lune et lautre sontremises en question.

    Dans son acception traditionnelle, la notion de carrire dsi-gnait un chemin de vie professionnelle prdfini, linaire etascendant, rgi par des rgles strictes et prtablies. Cette notionne fait plus recette. Le contrat moral, qui dfinit implicitementles relations entre employeur et salari, a changde nature. Fid-

    lit, confiance et engagement dfendre leurs intrts, tellestaient les attentes implicites des employeurs vis--vis descadres ; pour leur part, les cadres attendaient de leur entreprise,surtout si elletait de taille importante, scurit, promotion etprogression de carrire. Les transformations des entreprises(externalisation, cession dactivits, aplatissement des structureshirarchiques, fusions, acquisitions, etc.) remettent en question

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    la structure bureaucratique sur laquelle se fondait le modle decarrire traditionnel.ce modle sest substituceluiproba-

    blement tout aussi fantasm que le prcdent de carrirenomade [Cadin, Bender et de Saint-Giniez, 1999], construitepar un cadreacteur de sa carrireet qui dpasse les frontiresde lentreprise.

    Les changements de comportements des employeurs sontpatents. Un cas emblmatique est celui de la banque. La carrireau sein dune banque en partant de la base pour atteindre, auterme dun certain nombre dannes dexprience, les chelons

    de direction constituait hier une hypothse vraisemblable. Cestune reprsentation dsormais dpasse et, en tout cas, ce nestplus la norme. Les parcours professionnels sont beaucoup plusaccidents que par le pass : on peut certes rester toute savie dans le mmetablissement bancaire mais, au vu des boule-versements de lorganisation et de la structure des services, il fauttre prt exercer des activits nouvelles sans pour autant

    gravir dchelons. Aussi la promotion interne a-t-elle un avenirbeaucoup plus alatoire que par le pass. Lavancement nestplus aussi systmatiquement li lanciennet.

    La figure sociale du cadre proche de la classe dirigeantesymbolisait la russite au sein du salariat. Selon Paul Bouffartigue[2001], cette figure est indissociable de lge industriel taylo-rien exaltant la sparation entre les concepteurs et les excu-tants. Aprs avoirtbanalise pendant les annes 1990, elle est

    prsent en cours deffacement. Se distinguant moins des autrescatgories de salaris, la catgorie des cadres perd peupeu soncaractre symbolique.

    Si la notion de carrire reste toujours dactualit, pour lesentreprises comme pour les chercheurs [Guerrero, Cerdin etRoger, 2004], dautres notions comme celle, moins linaire, deparcours professionnel sont venues la concurrencer. Plus

    contextualise (carrire du secteur public, carrire des expa-tris), plus individualise, plus diversifie (gestion des cher-cheurs, des commerciaux), marque par les proccupationsdmographiques (fins de carrire), la gestion de carrire sloignede la vise planificatrice et uniformisatrice qui animait lesgrandes entreprises pendant les Trente Glorieuses.

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    La gestion prvisionnelle des emplois

    Quand la GPRH se voulaitcitoyenne(annes 1980)

    Aux chocs ptroliers de 1973 et 1979 succde une priodedaustrit, de restructuration et dedgraissage. La gestiondes effectifs devient plus serre, la mobilit interne est un motdordre. Cest cette poque que le terme gestion desressources humaines prend le sens quon lui connataujourdhui, soit une approche stratgique qui relie la gestion

    du personnella ralisation des objectifs de lentreprise. Lidecentrale est quune entreprise qui sait utiliser efficacement lepotentiel de ses salaris peut possder un avantage comptitifface la concurrence.

    Le renouveau de la GPRH sest amorc, sur cette base, au dbutdes annes 1980, en rponse aux dsquilibres de la situation delemploi et de laggravation du chmage combine des dficits

    sectoriels ou locaux de main-duvre. Il ne sagit plus dopti-miser une gestion du personnel en priode de croissance, maisde prvenir les crises,la suite de rductions massives deffectifs,en particulier dans lindustrie lourde (charbonnages, sidrurgie).Plus ambitieux, certains voudraient rintroduire lemploi dans lastratgieconomique de lentreprise [Thierry et al., 1983].

    Les grandes entreprises industrielles ont t les premires mettre en uvre une gestion prvisionnelle des emplois

    (Cogema, Danone, Framatome, Renault, Rhne-Poulenc).Certaines ralisations ont connu un retentissement mdia-tique : lopration ISOAR menelusine Peugeot de Mulhouseou encore le projet1 000 = 1 000de Merlin-Gerin. Les exp-riences sont plus tardives dans le tertiaire (essentiellementbanques et assurances). Dans dautres secteurs, tels que lecommerce, le btiment, la plasturgie, les transports ou le textile,

    les rflexions sur lemploi et lvolution des mtiers ont plutttmenes au niveau des branches professionnelles.Le projet de gestion prvisionnelle de lemploi se dveloppe

    dans diffrents cercles de rflexion (Institut de lentreprise,institut Entreprise et Personnel). En 1981 se cre lassociationDveloppement et Emploi dont lobjectif est de dvelopper denouvelles approches de lemploi.

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    La gestion prvisionnelle de lemploi se btit sur une critiquedes prcdentes conceptions de la GPRH. Tmoignant de lesprit

    de lpoque, Guy Le Boterf [1988] dclare : La gestion prvi-sionnelle des effectifs ne suffit plus []. Les dmarches projec-tives et prvisionnelles quifonctionnaientbien en priode decroissance assure e t rgulire doivent maintenant trecompltes par une rflexion prospective. La planificationdure cherchant aller dans le dtail de chaque dcision,devient souvent contre-productive par sa rigidit: elle doit faireplacedes dmarches de management stratgique (p. 19). Le

    Boterf propose le schma directeur des emplois et des ressourceshumaines comme outil de management stratgique, selon luiplus adapt un contexte incertain et instable.

    La gestion prvisionnelle des emplois devint une affairedtat lorsque le Premier ministre dclara le 27 septembre1988, au forum des comits dhygine, scuritet conditions detravail, quelle tait pour les entreprises une ardente obliga-

    tion. Les pouvoirs publics sefforcent, par diffrentes voies, depousser les entreprises internaliser les cots associs lagestion de lemploi.

    Le 7 dcembre 1988, le ministre du Travail, de lEmploi et dela Formation professionnelle, Jean-Pierre Soisson, annonce enConseil des ministres un dispositif daide la modernisationngocie des entreprises. Ce dispositif se traduira quelquesannes plus tard par des mesures (notamment par des moyens

    financiers accrus) incitant les entreprises anticiper le traite-ment de leurs problmes sociaux lis aux volutions technolo-giques et organisationnelles. Au nombre de ces mesures,certaines portent directement sur la mise en place de dmarchesprvisionnelles : les contrats dtudes prvisionnelles signs avecdes organisations professionnelles de branche et les contratsLIGE (Ligne dinnovation pour la gestion de lemploi) qui contri-

    buent au financement dactions de gestion prvisionnelle faisantappeldes consultants extrieurs.Cette orientation de la GPRH sinscrit progressivement dans

    le cadre des rflexions des pouvoirs publics qui lenvisagentcomme un acte de gestion permettant lentreprise daccrotresa ractivitet son adaptabilitaux fluctuations de son environ-nement, dans lintrt bien compris du personnel.

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    Gestion prvisionnelledes personnes et des emplois

    au Crdit agricole-Caissergionale des Ardennes

    La Caisse rgionale des Ardenneslune des 85 caisses que compte leCrdit agricole lpoquecompte540 salaris rpartis entre un sigesocial et un rseau de 66 points devente regroups en 9 agences princi-

    pales. Dans le cadre de grandes direc-t ives polit iques donnes pa r l aFdration nationale du Crdit agri-cole, la Caisse rgionale des Ardennesfonctionne un peu comme une PME.

    En cette fin des annes 1980, elleest confronte une volutio