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LA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX Hervé Chassain et Denis Tauxe Préfaces d’Yves Coppens et Denis Vialou © Éditions Sud Ouest, 2016 Création graphique : Marie Zuurbier La photogravure est de Labogravure Image à Bordeaux Ce livre a été imprimé par Loire Offset Titoulet à Saint-Étienne ISBN : 978-2-8177-471-5 - Éditeur : 01-05-10-16 DE LA PRÉHISTOIRE AU XXI e SIÈCLE Nous remercions pour leur participation : Le Centre national de préhistoire à Périgueux : la directrice Geneviève Pinçon et l’ingénieur de recherche Stéphane Konik. Avec un souvenir particulier pour Norbert Aujoulat, disparu en 2011, auteur des plus belles photos de Lascaux. Le Musée national d’Histoire naturelle (MNHN) à Paris, particulièrement Denis Vialou, chercheur et professeur émérite. La Drac Nouvelle Aquitaine à Bordeaux, notamment Muriel Mauriac, conservatrice de Lascaux. La Semitour Périgord à Périgueux : le directeur André Barbé, son adjointe Marie-Aleth Mournaud, le directeur de Lascaux 2 et 4 Guillaume Colombo, et Olivier Retout, chargé de mission de Lascaux 3. L’Atelier des fac-similés du Périgord (AFSP), son directeur Francis Ringenbach et toute l’équipe, ainsi que leur inspiratrice Monique Peytral. Le Conseil général puis départemental de la Dordogne, ses présidents Bernard Cazeau puis Germinal Peiro, et le service communication. Nous remercions également pour leurs conseils et documents les préhistoriens et connaisseurs de Lascaux : Brigitte et Gilles Delluc, Romain Pigeaud, Thierry Félix, ainsi que François Laval et Pierre Vidal, tous deux disparus pendant la rédaction de cet ouvrage… Et tous les habitants de Montignac d’il y a 18 000 ans à aujourd’hui ! Pour en savoir plus : tout au long de l’ouvrage des QR codes mènent vers des vidéos qui viennent enrichir le texte des auteurs. Mode d’emploi : télécharger une application gratuite sur votre smartphone, et scanner le QR code.

La grande histoire de Lascaux

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Page 1: La grande histoire de Lascaux

La grande histoire de

Lascaux

Hervé Chassain et Denis Tauxe

Préfaces d’Yves Coppens et Denis Vialou

© Éditions Sud Ouest, 2016Création graphique : Marie ZuurbierLa photogravure est de Labogravure Image à BordeauxCe livre a été imprimé par Loire Offset Titoulet à Saint-ÉtienneISBN : 978-2-8177-471-5 - Éditeur : 01-05-10-16

de La préhistoire au xxie siècLe

Nous remercions pour leur participation :Le Centre national de préhistoire à Périgueux : la directrice Geneviève Pinçon et l’ingénieur de recherche Stéphane Konik. Avec un souvenir particulier pour Norbert Aujoulat, disparu en 2011, auteur des plus belles photos de Lascaux.Le Musée national d’Histoire naturelle (MNHN) à Paris, particulièrement Denis Vialou, chercheur et professeur émérite.La Drac Nouvelle Aquitaine à Bordeaux, notamment Muriel Mauriac, conservatrice de Lascaux.La Semitour Périgord à Périgueux : le directeur André Barbé, son adjointe Marie-Aleth Mournaud, le directeur de Lascaux 2 et 4 Guillaume Colombo, et Olivier Retout, chargé de mission de Lascaux 3.L’Atelier des fac-similés du Périgord (AFSP), son directeur Francis Ringenbach et toute l’équipe, ainsi que leur inspiratrice Monique Peytral.Le Conseil général puis départemental de la Dordogne, ses présidents Bernard Cazeau puis Germinal Peiro, et le service communication.Nous remercions également pour leurs conseils et documents les préhistoriens et connaisseurs de Lascaux : Brigitte et Gilles Delluc, Romain Pigeaud, Thierry Félix, ainsi que François Laval et Pierre Vidal, tous deux disparus pendant la rédaction de cet ouvrage… Et tous les habitants de Montignac d’il y a 18 000 ans à aujourd’hui !

pour en savoir plus : tout au long de l’ouvrage des

QR codes mènent vers des vidéos qui viennent enrichir le

texte des auteurs. Mode d’emploi : télécharger une application gratuite sur votre smartphone, et scanner le QR code.

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Lascaux,LA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX6 7

préFacede denis ViaLou

une discrète sensualité musicale imprègne les deux syllabes couplées et sonores de Lascaux, surgies de la colline suavement inclinée de Montignac, baignée par la verte douceur de soirs sur la Dordogne. Le seul nom claironné de Lascaux fait vibrer en un instant

toute la renommée de la préhistoire, en France et dans le monde. En témoignent surabondamment les millions de visiteurs qui, depuis la découverte légendaire de la grotte, se succèdent sur la colline inspirée périgourdine. Il n’est pas un livre, modeste ou académique, sur l’histoire de l’art, qui ne commence avec Lascaux. Ses têtes noires d’aurochs gigantesques, ses silhouettes colorées de chevaux emballés, son sorcier à tête d’oiseau culbuté par un puissant bison habitent nos imaginaires, se sont glissés dans une mémoire culturelle universelle, sans cesse avivée par des expositions, des films et des publications de tous ordres. La « multiplication » de Lascaux, fort bien et précisément présentée dans cet ouvrage, répond à cette soif actuelle, insatiable et revendicatrice sans limites ni raison, de tout consommer, y compris la préhistoire des hommes : Lascaux fait le tour du monde. Le monde vient à Lascaux, au sommet de la colline depuis bientôt quatre-vingts ans, et désormais à son pied, dans une vertigineuse envolée muséographique.

Le nombre de grottes ornées paléolithiques, celles ayant conservé des peintures et gravures créées par les sociétés de chasseurs vivant en Europe occidentale, particulièrement en France et en Espagne, lors de la dernière et intense glaciation, a plus que doublé depuis la découverte éclatante de Lascaux en un sombre mois de septembre 1940. Certaines des grottes auparavant découvertes atteignaient déjà des sommets de l’art souterrain, comme Altamira ou le Castillo en région cantabrique, Niaux ou les Trois-Frères dans les piémonts pyrénéens, ou encore Font-de-Gaume ou Combarelles à proximité de la Vézère. La découverte de Chauvet, avec sa majestueuse reproduction, s’ajoute à celles d’autres sites exceptionnels, comme Rouffignac ou encore et plus récemment Cussac en Périgord. En Cantabrie même, la grotte de la Garma s’immisce parmi les sites ornés, et intensément fréquentés par les Paléolithiques, les plus rares. On pourrait encore évoquer Fontanet, dans les Pyrénées ariégeoises, où l’intérêt suscité par des gravures d’une extrême finesse est redoublé par de multiples empreintes, pieds et mains, d’enfants magdaléniens… Il n’en demeure pas moins que Lascaux reste unique, inégalé.

Ce qui fait de Lascaux une exception, c’est l’union étroite, intime en quelque sorte, du dispositif parié-tal, par lui-même d’une beauté inouïe, avec l’architecture naturellement équilibrée de la cavité. Les volumes des salles et des galeries qui alternent harmonieusement, la dynamique visuelle des parois combinée à la vivacité, variée et changeante sous les lumières, de leurs textures géologiques. Lascaux est parfaitement beau dans ses moindres détails comme dans son parcours de rêve. Platon aurait pu y caractériser l’Un-Beau, en deçà du mythe de la caverne faisant miroiter le monde.

La présentation généreuse et argumentée qu’en fait ici le préhistorien, passionné de et par la grotte, qu’il connaît dans ses moindres plis et replis, fait bien valoir cette magie de la composition monumen-tale réalisée par les Magdaléniens.

Chacun trouvera intérêt et plaisir à découvrir, compulser et lire cet ouvrage original dû à un duo d’hommes, l’un spécialiste du passé, celui de la préhistoire des grottes, l’autre fin connaisseur d’une histoire politico-patrimoniale, encore vivante.

Lascaux,parfaitement beau !

Gros plan de la tête du plus grand taureau. C’est la tête d’aurochs qui a été le plus attentivement décrite. Les détails personnalisent minutieusement les traits de sa

tête, remplie de mouchetures noires harmonieusement dispersées.

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LA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX8 9

préFaced’YVes coppens

Je connais bien les deux auteurs, mais séparément. Je ne suis jamais parvenu à me rendre à une manifestation se rapportant à Lascaux sans rencontrer le premier ! Le second m’a fait visiter « Lascaux 2 » à plu-

sieurs reprises avec une précision et une émotion telles que j’ai encore des choses à lui demander. Mais je n’avais pas imaginé retrouver ces deux écrivains associés, et c’est, je dois dire, une belle trouvaille d’auteurs, d’éditeurs ou d’amis, en tout cas, réussie.

Il y a eu mille livres sur Lascaux, mais je n’ai jamais rencontré ailleurs que dans cet ouvrage pareil luxe de détails ; moi qui adore circonscrire un sujet avant de m’y « atteler », j’ai trouvé ici à la fois le tour complet sans « fissures » et l’attelage ! On peut parler de passion, mais de passion maîtrisée, ce qui est presque paradoxal mais scientifiquement rassurant.

Je ne vais pas me lancer dans une nouvelle table des matières, mais il est quand même précieux, pour le lecteur, de savoir que ce livre ne se contente pas de racon-ter Lascaux, son histoire mille fois répétée, ou son contenu plus ou moins bien compris et traité, mais qu’il commence par le commencement, les contemporains de la grotte ornée, à quoi ou à qui ils ressemblent, leur environnement, le climat, la faune, la flore, leurs genres de vie, leur comportement ; les artistes, les œuvres, les techniques, les compositions, les panneaux et ce qui est digne d’une grande gale-rie. Dans la manière de figurer les œuvres, leurs proportions, leurs associations, leur ostentation ou leur discrétion, il n’y a guère de hasard. Tout a un sens ; et son habillage est lisible à qui se donne la pleine de le ressentir. Et le sujet s’élargit à la fonction de semblables ouvrages, sanctuaires peut-être, habitats sûrement pas. Et puis, rien ne nous est épargné ! La découverte de la cavité, sa conservation et les travaux des divers comités, commissions, conseils, pour mieux comprendre, et pour mieux parer aux éventuels dommages !

Enfin, comme il va de soi, la grotte étant pour le moment fermée, se sont multi-pliés les fac-similés, sédentaires ou nomades, évoluant en fonction de l’évolution des techniques, jusqu’au Centre international de l’art pariétal Montignac-Lascaux. Ceci n’est que justice rendue aux visiteurs (je dirais à tous et à chacun) qui n’ont pas accès à l’œuvre originale.

Merci à Hervé Chassain et à Denis Tauxe pour ce tour d’un monde, celui de Lascaux, qui figure peut-être le vivant et le mort, la terre et le ciel, les hommes et leurs dieux, d’avoir ainsi avec honnêteté et précision, mais aussi sensibilité et chaleur, apporté leur vision totale, globale, du problème Lascaux, Lascaux l’emblématique, Lascaux, le symbole de l’Art rupestre mondial, même s’il y a plus complets, plus beaux (?), plus vieux, mieux conservés que notre Mascotte avec un M majuscule.

Je voudrais faire deux emprunts à deux auteurs bien différents, pour finir cette modeste entrée en matière. Le premier sera à Alain Rieu : « Lascaux rend fou ! », alors attention ! Et le second Kurt Tucholsky : « En art, il n’y a qu’un critère, la chair de poule », c’est vrai et pour Lascaux, c’est fait !

Lascaux,une passion maîtrisée

L’équipe de l’atelier des fac-similés du Périgord de Montignac a développé des techniques de plus en plus précises : ici une phase préparatoire à la peinture sous projection.

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pLan de La grotteLA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX10 11

............................... 2016 ...............................ouverture du centre international de l’art pariétal.

............................... 2014 ...............................Lancement du chantier de Lascaux 4.

............................... 2012 ...............................débuts de l’exposition internationale Lascaux 3.

............................... 2010 ...............................La situation se stabilise.

............................... 2007 ...............................Mobilisation internationale et menaces de l’unesco.

............................... 2001 ...............................début d’une série d’infestations de champignons.

............................... 1983 ...............................ouverture du fac-similé Lascaux 2.

............................... 1979 ...............................inscription au patrimoine mondial par l’unesco.

............................... 1972 ...............................L’état devient propriétaire de la grotte.

............................... 1966 ...............................premier relevé complet par l’ign.

........................ 17 avril 1963 .........................décision de fermeture prise par andré Malraux.

............................... 1958 ...............................Mise en service d’une machine de traitement de l’air.

............................... 1955 ...............................premières altérations dues à la fréquentation.

............................... 1948 ...............................ouverture de la grotte au public après de gros travaux.

.....................27 décembre 1940 ...................classement monument historique.

..................... 12 septembre 1940 ..................première exploration de la grotte par quatre jeunes gens.

.......................8 septembre 1940 ..................L’entrée de la grotte est repérée.

............................10 000 ans ..........................obturation complète de la grotte.

............................18 000 ans .........................des hommes peignent la grotte de Lascaux.

..................... 50 millions d’années ................creusement des grottes par l’eau.

..................... 85 millions d’années .................constitution des plateaux calcaires.

pLan de La grottec

hro

no

Log

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entrée puits

Vers La gaLerie des FéLins

saLLe des taureaux

passage

aBside

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saLLe des taureaux

diVerticuLe axiaL

passage

entrée

puits

salle ensabléegrande diaclase

Locus du cheval

renversé

conduit terminal

secteur vestibulaire

Licorne

aurochs - chevaux - signes - cerfs - cheval - aurochs - bison - signes

aurochs - cerf - cheval - ours - signes

- aurochs - vache rouge - signes - tête

d’aurochs

Vache rouge à tête noire

taureau au trident

panneau des chevaux

chinois

panneau de la vache

sautante

panneau des bouquetins

cheval sur le dos

Le cheval bicolore

panneau de la « scène du Puits »

panneau du bison de l’empreinte

panneau de la vache noire panneau des

bisons croisés

panneau de la frise des cerfs

Les félins

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diVerticuLe des FéLins puits

sudgalerie du mondmilch

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Page 5: La grande histoire de Lascaux

chapitre i

Les hoMMes de Lascaux

L’homme de Lascaux vu par Elisabeth Daynès pour l’exposition Lascaux 3.

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une grotte noMMée LascauxLA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX32 33

un univers plus secretEn pénétrant dans la grande galerie de droite par le Passage, c’est un monde bien différent que nous rencontrons. Sa traversée provoque d’autres sensations émotionnelles. L’art s’y développe souvent à l’abri des regards. Les compositions denses vont jusqu’à l’inextricable

enchevêtrement de gravures de l’Abside, aux dimensions nettement inférieures à celles des œuvres peintes. Si nous sommes en présence d’un ensemble pictu-

ral d’une parfaite unité d’inspiration, de panneaux offrant de grandes similitudes en différents points de la grotte, chaque secteur a sa propre originalité. De nouveaux schémas d’organisation, par une conception nouvelle de l’espace, s’enchaînent sans jamais se répéter de façon identique.

Ici ou là, on constate l’absence ou la présence, la diminution ou l’augmentation de tel animal (beau-coup de taureaux dans la Rotonde et de nombreux cerfs dans l’Abside) ou de tel signe (beaucoup de signes quadrangulaires dans l’Abside, aucun dans la Salle des taureaux). On assiste aussi à la création de nouveaux symboles. Les différentes espèces animales deviennent, en fonction des secteurs, sépa-rément dominantes, même si le cheval, le cerf et l’aurochs occupent principalement le bestiaire.

Les animaux de LascauxL’absence totale de représentations de forêts, de collines, de rivières, est l’une des caractéristiques de l’art paléolithique. Tout se passe comme si le paysage était indépendant des animaux et des humains. Hormis le personnage humain, les formes géométriques et les animaux abondent dans des quantités variables dans toutes les galeries. Très rares sont les représentations isolées.

Les animaux dûment identifiés dans Lascaux sont au nombre de 600. Aucun n’est retrouvé sur les supports mobiliers abandonnés dans la grotte. Les espèces figurées ne sont pas représentatives de la faune qui vivait à cette époque dans la région. Les artistes ont fait des choix symboliques. Ils ont privi-légié les chevaux, les aurochs, les cerfs et les bouquetins. Ensemble, ils constituent les thèmes majeurs du bestiaire, qui est le plus dense de l’art des grottes.

des animaux morcelésLa segmentation du corps a permis aux artistes de supprimer et de sélectionner telle ou telle partie anatomique de l’ani-mal : tête, pattes, encornures, ramures… Ces segments corporels permettaient-ils de transmettre des informations différentes de celles véhiculées par les animaux complets au sein du discours graphique ?

Le style de Lascaux : une autre façon d’interpréter la réalitéOn retrouve constamment chez les artistes de Lascaux cette volonté de déformer la silhouette des animaux. L’animal devient le support d’une idée que se faisaient les artistes, en lui faisant subir des transformations. Les taureaux, les cerfs, les chevaux, les bisons, etc., montrent des aberrations anatomiques.Par exemple, les chevaux ont des abdomens volumineux, de courtes pattes et une longue queue. La tête paraît petite par rapport au corps. Dans une étude consacrée aux représen-tations de chevaux dans l’art préhistorique, Romain Pigeaud a confirmé que cette tendance existait également chez les chevaux figurés dans des phases plus anciennes de l’art et qu’elle n’était donc pas représentative d’une époque particulière. Les cerfs, dont la réalisation s’ac-compagne presque toujours d’une grande qualité esthétique, ont des ramures incroyablement développées…

Romain Pigeaud : la recomposition de la réalité

La Salle des taureaux, avec le premier grand aurochs, une image emblématique de Lascaux.

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une grotte noMMée LascauxLA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX34 35

effets de perspectiveLes figurations animales reproduites sui-vant plusieurs angles de vision sont un des éléments caractéristiques de l’art paléolithique. La règle générale consiste à montrer des animaux vus de profil. Puis, comme si l’artiste tournait autour de son modèle, il trace les encornures, le poitrail et les ramures vus de trois quarts ou de face. Avec le procédé de la réserve claire, les artistes ont exploré la troisième dimen-sion, en séparant du reste du corps les membres inférieurs les plus éloignés de l’observateur.

Une vache rouge à tête noire amorce la décoration de ce passage étroit.

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Les sept secteurs ornés de Lascaux LA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX44 45

La salle des taureauxDe morphologie presque circulaire, on la surnomme aussi Rotonde. Elle est longue de 16 mètres, large de 9 mètres, et haute de 6 mètres. La forme naturelle de la salle a eu un rôle capital dans la réalisation de cette composition, qui impressionne par ses peintures monumentales. Sous ce ciel de peintures, le sens de lecture nous échappe. Cependant, notre attention se porte aussitôt sur un double défilé d’animaux décrivant deux amples mouvements circulaires convergents, dominés par quatre aurochs dont le point de rencontre se situe au centre de la paroi gauche. Comme son nom l’indique, cette salle aux dimensions spacieuses est dédiée aux taureaux, qui dominent d’un bout à l’autre la composition.

d’immenses aurochs. Les aurochs atteignent des proportions gigantesques, augmentant d’enver-gure de la gauche vers la droite. Grâce à leur taille considérablement accrue, les taureaux, plus que tous les autres animaux, semblent plus proches de l’observateur. Devait-on les voir et rentrer d’abord en contact avec eux ? Doit-on lire ici la volonté d’affirmer une différence de valeur, de hiérarchie, entre les espèces animales ?

Véritables pôles d’attraction, les grands aurochs noirs (au moins quatre bien visibles, mesurant plus de 3 mètres chacun) donnent l’impression d’attirer à eux une multitude de figures plus discrètes (chevaux, cerfs et bison). Disposés en miroir, les aurochs encadrent étroitement, entre le berceau de leurs cornes, un splendide cheval bicolore inséré avec habileté, sous lequel prennent place des cerfs. Ainsi, les trois thèmes animaux majeurs de la grotte se trouvent-ils réunis au centre de la composition.

cheval, cerf, aurochs. Ce regroupement cheval-cerf-aurochs apparaît comme le lieu géométrique de la frise toute entière : position sommitale du cheval (figure la plus haute de la salle) ; groupe de cerfs aéré intervenant comme une respiration rare dans cette composition compacte et qui contraste avec le reste agglutiné de la frise. Une symétrie manifeste existe autour de cet harmonieux panneau cen-tral : dimensions égales et orientations convergentes des aurochs ; groupe de chevaux contrebalan-

çant le groupe de cerfs gracieux et vivants, dans une continuité visuelle entre les deux grands groupes d’animaux, comme les pièces nécessaires à la finition de ce puzzle.

Le sens du raccourci. Une ramure isolée montre qu’ils avaient le sens du raccourci et communiquaient par abréviations. Tout se passe comme si les animaux étaient à la fois libres et dépendants les uns des autres. En exergue à la décoration et délimitant chacun de ces groupes de part et d’autre de la salle, se trouvent discrètement exécutés un cheval et une tête imposante d’aurochs tournés vers l’entrée.

La licorne et l’ours. Comme dans une mise en scène calculée, une étrange créature immédiatement repérable ouvre la ronde fantastique des animaux de la Rotonde : la fameuse licorne, à gauche en entrant dans la grotte. Son identité demeure hypothétique, ce qui semble-t-il fut un effet voulu par les artistes préhistoriques. Cette figure a fait l’objet de nombreuses interprétations : animal composite, sorcier déguisé, renne… Les êtres imaginaires, fantastiques, comme la licorne, sont souvent intégrés dans les ensembles pariétaux majeurs et s’intégraient probablement dans le déroulé des mythes, comme personnages importants.

Dans une situation différente, un ours peint dans l’abdomen d’un taureau sort du champ de visibilité et rend discrète sa relation avec le grand taureau. Seule une lecture rapprochée de la paroi permet de le découvrir. Toutefois, l’artiste a laissé apparaître les parties anatomiques qui le caractérisent : patte griffue, bosse dorsale, oreille droite et museau.

tracés abstraits. Des signes de types différents (points, traits, croix) et d’autres plus complexes, accompagnent régulièrement les figures animales, mais sont majoritairement groupés autour ou sur les grands aurochs noirs.

1. La salle des taureaux

La salle des taureaux paroi gauche. Loin de déranger le positionnement des deux premiers grands taureaux, les chevaux, les cerfs et les signes complètent dans des couleurs différentes cette composition harmonieuse.Voir la paroi droite de la Salle des taureaux en pages 28-29.

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Les sept secteurs ornés de Lascaux LA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX48 49

Les  « chevaux  chinois ». Non loin, sur la paroi droite du Diverticule, se trouvent les trois fameux « chevaux chinois », ainsi surnommés parce qu’ils évoquent des estampes chinoises. Ils sont disposés en file indienne, accompagnés de signes aux formes variées. Ils font écho à trois autres chevaux situés en vis-à-vis sur la paroi gauche, mais aujourd’hui très altérés et difficilement lisibles.

une immense tête d’aurochs. Juste après un fort rétrécissement du couloir, une tête imposante de taureau est décrite avec un minimum de détails, le reste du corps étant évoqué, semble-t-il, par la forme naturelle de la paroi.

La  vache  « sautante ».  Les artistes ont soigneusement agencé les liens entre la vache placée au centre de la composition, les chevaux et le grand signe quadrangulaire, par juxtaposition et emboîte-ment. Ces figures ne devaient peut-être pas avoir entre elles des relations directes, ce qui empêche de connaître l’ordre dans lequel elles furent peintes.

Le taureau au trident. Avec les grands aurochs, l’intensité de la couleur noire atteint son apogée. À cet endroit, la largeur du couloir permet un recul suffisant pour avoir, au premier coup d’œil, une vision complète du taureau au trident. L’animal est dénommé ainsi en raison d’un grand signe noir à trois pointes qui lui répond par sa couleur noire intense et sa grande taille. Il apparaît que l’artiste a ici choisi la plus grande surface pour y placer l’immense animal. Puis il a cadré et adapté ce décor au cadre naturel rocheux qui lui était offert. À nouveau, l’aurochs représente comme un pôle d’attraction vers lequel convergent les autres figures. Contrairement au panneau de la vache « sautante » où les superpositions ont été soigneusement évitées, ici une paire de vaches rouges, d’un style comparable à celles du plafond, et quatre têtes jaunes de bovidés mâles ou femelles, disparaissent dans le puissant taureau.

de gauche à droite. Les « chevaux chinois ». S’agit-il de trois mains dis-tinctes ? Ou bien d’une sensibilité à chaque fois différente devant le même thème ? L’un évoque un pelage hiver-nal, le deuxième peut-être un pelage estival. Mais le troisième est le plus fascinant, avec 26 ponctuations noires qui se substituent aux antérieurs du cheval.à droite : Les bouquetins. Dans l’en-semble peint Salle des taureaux-Diver-ticule axial, les bouquetins n’ont été représentés que deux fois.

Le diverticule axial

Paroi droite du Diverticule axial, 3D. La reproduction tridimension-nelle de cette paroi décorée dans son extension maximale, met en évidence des sols fictifs tels les rebords rocheux intégrés par les artistes dans la composition et le choix du positionnement très précis des œuvres dans les reliefs tourmentés de la paroi rocheuse.© DRAC ALPC

3D

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La FaBuLeuse histoire de La découVerteLA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX 81LA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX80

L’ouverture au tourisme de masseDans les mois et les années qui suivent la découverte, les propriétaires du terrain, le comte et la com-tesse de La Rochefoucauld de Montbel, refusent de vendre la grotte à l’État (les discussions n’abou-tiront qu’en 1972). Dans les années cinquante, des députés communistes demandent même sa natio-nalisation !

Les premiers gros travauxAprès la guerre, les propriétaires créent une société commerciale pour l’exploitation touristique de la grotte. Ils lancent de très gros travaux dès 1947 pour faciliter l’accès à un large public. On le verra plus tard, ces aménagements menés sans précaution, auront de graves conséquences sur l’équilibre de la grotte. Pourtant l’État, qui finance la moitié des aménagements (et percevra le quart des recettes), doit surveiller le chantier. Mais les moyens manquent à cette époque. L’absence de fouilles archéologiques sérieuses fera aussi perdre à jamais des données précieuses pour la recherche.

Le site ouvre au public le 14 juillet 1948. Le ticket d’entrée est à 3 francs (10 centimes d’euros de 2015). Les deux découvreurs périgordins, Marcel Ravidat et Jacques Marsal sont embauchés comme guides par la société d’exploitation. La grotte a changé leur vie, mais les quatre garçons ne toucheront pas un centime pour cette découverte.

Une inauguration en grande pompe de la grotte de Lascaux est organisée le 26 septembre 1948. La cérémonie est marquée par la présence de l’ancien ministre montignacois, Yvon Delbos, du ministre du Commerce et de l’Industrie, Robert Lacoste (originaire d’Azerat à quelques kilomètres de là), et de Maurice Bourgès-Maunoury (lui aussi Périgordin), qui sera plus tard président du Conseil. L’événement est fêté comme il se doit en Périgord, par un grand banquet républicain dans les salons de l’hôtel le Soleil d’or à Montignac, avec un menu pantagruélique.

Le premier conservateurLe saccage des travaux et cette ouverture à un tourisme de masse par une société privée sur laquelle il n’a pas de prise, minent Léon Laval. Depuis la découverte, il s’est investi dans la protection de Lascaux, dont il devient le premier conservateur. Après l’occupation de la zone sud par l’Allemagne, il doit même accueillir, à son grand dam, un conservateur allemand. Mais ce dernier ne manifestera heureusement aucun intérêt pour le site.

Il doit aussi composer avec le célèbre préhistorien Denis Peyrony, ancien instituteur, fondateur du musée des Eyzies, puis avec Séverin Blanc, qui prend sa suite à son retour de déportation. Léon Laval est sollicité par l’Administration chaque fois que des visiteurs de marque viennent visiter la grotte. Il assure aussi le contact avec l’abbé Breuil et accueille le photographe Fernand Windels, installé en Sarladais, auteur de la première couverture photo complète du site, à la demande de Breuil. Il accom-pagne aussi le début des études de la chercheuse Annette Laming. Enfin, il fait pression auprès des propriétaires pour que les deux jeunes inventeurs périgordins deviennent guides à Lascaux.

Son fils, François Laval (1933-2016), évoque avec emphase sa mémoire dans Mon père, l’homme de Lascaux : « Léon Laval a joui de la grotte pendant près de huit années. Ce n’était pas sa maison, mais son théâtre, que dis-je, son amphithéâtre, où il pouvait jouer son rôle d’initiateur, d’acteur, de prê-cheur, d’enseignant ! C’était aussi sa caverne d’Ali Baba, dont il possédait le sésame exclusif. »

Les graves erreurs des débutsL’exceptionnelle conservation des peintures de Lascaux jusqu’à leur découverte en 1940 avait été per-mise par l’éboulement qui avait obturé et protégé la grotte durant des milliers d’années. Mais la mise au jour a chamboulé l’équilibre thermique, hygrométrique et biologique qui s’était instauré dans la cavité. De précieuses traces archéologiques sur les sols sont perdues à jamais à cause des entrées sans précaution, puis des travaux. Le trou de 30 centimètres élargi par les quatre jeunes gens pour pénétrer est devenu une large entrée qui débouche dans la Salle des taureaux.

Des tonnes de déblais venant de l’éboulis de l’entrée et des sols sont extraits au fil des chantiers des années cinquante. L’ancien conservateur, Jean-Michel Geneste, les évalue à 440 m3 (soit 1 200 tonnes).

thierry Félix (né en 1965)Ce natif de Montignac entretient la légende de la découverte. À 18 ans, il est engagé comme guide dans le fac-similé Lascaux 2, tout en menant des études de préhis-toire. Il entre dans l’éducation nationale et devient conseiller pédagogique. Il participe aux retrouvailles des inventeurs en 1986 et organise chaque année la commémoration du 12 septembre. Il a publié, avec le dessi-nateur Philippe Bigotto, une bande dessinée, Le secret des bois de Lascaux. Il anime l’association Découverte Lascaux.

de gauche à droite :Les retrouvailles des quatre inventeurs en 1986.La grotte est fléchée depuis le centre de Montignac, les jeunes inventeurs font la publicité costumés en cow boy.D’importants aménagements pour l’accès du public sont lancés après guerre pour construire une entrée accessible à tous.

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Lascaux, QuatrièMe Version LA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX120 121

Dessinées par le scénographe Casson Mann : la grande salle d’interprétation, le cinéma de la préhistoire en 3D et la salle des comparaisons artistiques bardée d’écrans vidéo.© Casson Mann

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En finale de l’appel d’offres, il ne restait plus qu’un seul concurrent face à la Semitour : le groupe Vert Marine spécialisé dans les piscines mais qui gère une grotte dans le Lot. Le Département de la Dor-dogne est le premier actionnaire de la Semitour, aux côtés de la Caisse des dépôts et consignations. La collectivité est donc très engagée pour ce projet économique, avec la volonté d’en conserver la maîtrise. Le Conseil général, devenu Conseil départemental en 2015, devient maître d’ouvrage de l’opération. L’objectif de fréquentation de Lascaux 4 est de 400 000 visiteurs par an (Lascaux 2 en accueillait 270 000 par an).

un chantier hors normeLa première pierre de Lascaux 4, bâtiment de 8 635 m², est posée le 24 avril 2014 par la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. C’est un très gros chantier, préparé avec des outils high tech : les plans numériques en 3D circulent entre architectes, entreprises et scénographes. Ils vont très loin dans les détails : le moindre boulon de charpente y figure. « Les panneaux suspendus du fac-similé, avec leur cadre, peuvent peser jusqu’à 4 tonnes. Il faut tout prévoir pour les accrocher », explique David Dela-rue, architecte qui est intervenu au musée Soulages de Rodez, embauché par la Semitour pour suivre le chantier.

Durant l’été 2014, d’importantes opérations de terrassement avec un parc d’engins impressionnant, puis le montage de trois grues, donnent l’échelle. Pendant deux années, c’est le plus gros chantier de la Dordogne. L’appel d’offres très disputé avait été remporté par des sociétés du groupe NGE, avec comme mandataire la société de bâtiment et travaux publics Lagarrigue (Firmi, Aveyron). Pour le gros œuvre, interviennent également les entreprises Sopreco (Canéjan, Gironde), Siorat (Ussac, Corrèze), Sud Fondations (Martignas, Gironde).

Le béton « Lascaux 13 »Le premier défi est de construire sans polluer l’eau de la nappe phréatique qui affleure et en canalisant une source au milieu du site. Le sol mouvant oblige à des ancrages profonds de 12 mètres, avec la pose de 550 pieux. Autant de contraintes qui vont occasionner les premiers retards. En 2015, les diffi-cultés de la société Cabrol (Mazamet, Tarn) qui fabrique et pose la gigantesque charpente métallique, vont aussi ralentir le chantier. La réalisation des murs en béton hauts de plus de 8 mètres, dont certains sont inclinés jusqu’à 9 degrés, demande beaucoup de technicité. Pour la petite histoire, ce n’est qu’au treizième essai que le bon mélange de béton a été trouvé : il a été baptisé « Lascaux 13 ».

des vues d’un chantier hors normes.Un vaste chantier s’installe pour deux ans et demi au pied de la colline de Lascaux.Il a fallu réaliser des murs de plus de huit mètres de haut. La faille vitrée de 150 mètres de long d’un seul tenant a été très délicate à réaliser.pages suivantes : des images spectaculaires du chantier.

Première pierre Lascaux 4 et présentation projet

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• Une empreinte en élastomère est coulée sur la

matrice rectifiée, pour servir de moule réutilisable.

• Toujours dans les ateliers de l’AFSP, la paroi en « voile de pierre » est réalisée dans le moule avec des résines, de la fibre de verre, des colles et des minéraux. Puis elle est fixée à un support métallique construit sur mesure par l’équipe des métalliers.Les parois fraisées en polystyrène sont rectifiées par les sculpteurs.

• Avec des pigments naturels liés à l’acrylique, les peintres re-produisent les peintures sur ces parois minérales reconstituées, en s’aidant des projections des photos numériques prises dans la grotte.La peinture se réalise au millimètre près sous projection et avec l’aide du modèle numérique.

• Dans le bâtiment de Las-caux 4, les panneaux peints sont assemblés, les jonctions retouchées et les parties non ornées sont ajoutées en béton projeté pour parfaire l’illusion.

comment se fabrique le fac-similé

• À partir du relevé laser de la société Pe-razio effectué dans la grotte originale, les parois sont sculptées par une fraiseuse nu-mérique sur des blocs de polystyrène, par la société Formes et volumes, installée près de La Rochelle.Guy Perazio et son équipe au cours d’un relevé laser dans Lascaux.

• Dans l’atelier de l’AFSP de Montignac, les sculpteurs-modeleurs rectifient les détails du relief à partir des images 3D (notamment pour les gravures) directement sur les blocs de polystyrène, qui forment une matrice.La Nef, relevé en 3D. © DRAC ALPC

3D

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d’expliquer comment les peintures ont été réalisées. Il peut aussi capter des images et les envoyer sur les réseaux sociaux.

Ces applications ont été développées par des entreprises régio-nales : la société bordelaise Axyz, une référence en matière d’images numériques du patrimoine, a remporté le marché, asso-ciée avec IDSC, WSB et Grand Angle Productions. Elles ont réa-lisé les contenus qui accompagnent les visiteurs. Dans les salles d’interprétation, des films en 3D avec lunettes permettent une immersion dans les images : on pénètre ainsi dans la salle la plus mystérieuse de Lascaux, le Cabinet des félins (qui ne se visitait pas dans la grotte originale car très difficile d’accès). Le cinéaste Maurice Bunio nous raconte aussi le monde qui entourait Lascaux il y a 18 000 ans.

La part du rêvePour les scientifiques, Lascaux reste l’une des références mon-diales de la préhistoire. Ses problèmes de conservation ont fait avancer les recherches dans ce domaine, comme le souligne la conservatrice Muriel Mauriac. Il reste pourtant encore des choses à découvrir autour de ces fabuleuses et mystérieuses peintures, de nouvelles recherches à lancer, comme le pense Geneviève Pin-çon, la directrice du Centre national de préhistoire.

Le vaste débat sur la reproduction des œuvres est amené à son plus haut point à Lascaux 4. L’archéologue Romain Pigeaud, auteur du livre Comment reconstituer la préhistoire, défend l’intérêt des répliques pour permettre la protection des originaux. Il pense qu’elles permettent « à tout le monde d’aller dans les grottes ornées fermées. Le public peut avoir les mêmes sensations que les chercheurs dans les sites originaux ». Savoir et science doivent se partager et faire rêver de nouvelles découvertes. Yves Coppens l’illustre souvent en racontant un échange étonnant sur l’art pré-historique avec le prix Nobel de physique Georges Charpak. Cro-Magnon, en gravant les parois de Lascaux avec un silex, aurait pu enregistrer ses paroles et ses chants comme dans les sillons d’un disque. Il suffit seulement de mettre au point la machine qui saura lire cet enregistrement venu du fond des âges. On a encore beau-coup à apprendre de Lascaux.

134 Petit film virtuel évoquant Lascaux à l’époque préhistorique

La marque LascauxLes peintures de Lascaux sont connues partout à travers le monde. Ces images de la préhistoire sont sur les premières pages de tous les livres d’histoire, juste avant les pyramides d’égypte. Le Périgord en a fait son emblème : la tête du plus grand tau-reau a longtemps servi de logo au Conseil général et il est toujours celui de la Semi-tour. Son directeur, André Barbé, insiste sur « l’importance de ne pas galvauder Lascaux » qui est une véritable marque de prestige. Le nom avait été utilisé par une société informatique américaine, un fabricant suisse de peintures artistiques et un viticulteur du Languedoc. La Semi-tour, avec l’accord de l’état et du Dépar-tement, a déposé le nom de Lascaux en 2014 auprès de l’Institut national de la pro-priété industrielle. Lascaux n’est pas seu-lement une locomotive touristique pour la Dordogne, c’est aussi un savoir-faire qui s’exporte en matière de fac-similés. La grotte découverte en 1940 est génératrice d’emplois pour reproduire d’autres sites pariétaux, mais également pour créer des objets dérivés destinés à leurs boutiques.

germinal peiro (né en 1953)Cet instituteur devenu député socialiste puis président du Conseil départemental de la Dordogne, a finalisé le projet Las-caux lancé par son prédécesseur, Bernard Cazeau. Il a accentué son rapprochement avec Altamira et la région de Cantabrie en Espagne, dont le patrimoine préhistorique est très proche.

Dans le Diverticule axial en cours de finition, la magie opère déjà.

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L’art pariétal de la grotte de Lascaux a bénéficié ces dernières années d’un enrichissement important des connaissances. Il les doit notamment aux relevés numériques et à la réalisation des copies

menée par les fresquistes de l’atelier des fac-similés du Périgord à Montignac. Ces progrès ont permis et permettront de mieux comprendre la réalisation des figures peintes et gravées, les techniques de fabrication et d’application des pigments et de retrouver les gestes des artistes de la préhistoire. De même, de futures études conduites sur place par une équipe scientifique pluridiscipli-naire, devraient enrichir le corpus de nouvelles figures et affiner la connaissance de leur expression stylistique.

Un débat oppose actuellement les préhistoriens sur la datation des œuvres de Lascaux, qui pourraient être plus anciennes que ce que l’on pensait jusqu’à pré-sent. L’évolution des technologies apportera forcément de nouvelles réponses. Une deuxième entrée (aujourd’hui bouchée) communiquait peut-être directe-ment avec le Puits, ce qui expliquerait le style si particulier des peintures dans ce secteur, qui tranche avec le reste de la cavité. Autant de questions qui seront peut-être résolues à l’avenir.

Le but est évidemment de mieux percer les mystères de nos origines, à travers la connaissance de nos ancêtres qui ont peint et gravé Lascaux il y a 18 000 ans ou plus. Derrière les œuvres et les objets on perçoit la richesse d’êtres humains à la fois lointaines et proches, qui ne nous ont légué que des fragments de leur existence.

Enfin, chacun a toujours envie de croire l’éternelle rumeur de l’existence d’autres grottes encore plus belles que Lascaux à découvrir autour de la Vézère. Après tout, les découvertes des fantastiques grottes ornées de Cosquer près de Marseille (en 1991), Chauvet en Ardèche (en 1994) et de Cussac en Dordogne (en 2000), sont récentes. On a tiré les leçons de Lascaux lors de ces découvertes pour préserver les sols et le climat de ces cavités. Elles ne pourront jamais être ouvertes au grand public, mais, désormais, la technique des fac-similés permet de partager cette émotion. Une nouvelle grotte ornée majeure découverte en Périgord donnerait même un autre intérêt au Centre international de l’art parié-tal de Montignac Lascaux : ses architectes ont prévu un emplacement libre sur le côté du site pour construire un autre fac-similé. L’aventure pourra continuer.

Denis Tauxe et Hervé Chassain

épiLogue

Lascaux,L’aVenture continue…

Sur la paroi droite du Diverticule axial se trouvent les fameux « chevaux chinois », ainsi surnommés parce qu’ils évoquent des estampes chinoises. L’immense chantier au pied de la colline de Lascaux s’est achevé fin 2016.Les finitions dans le fac-similé intégral construit dans le Centre international de l’art pariétal.

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LA GRANDE HISTOIRE DE LASCAUX

crédits photographiquesnorbert aujoulat, © Mcc (ministère de la culture et de la communication) / cnp (centre national de préhistoire), pages 7, 15 (à droite), 16 (carte), 20, 21, 24, 26 (deuxième image), 27 (à droite), 28-29, 33, 34-35, 36, 37, 39 (au centre), 40, 41, 42-43, 44-45, 47, 48, 49 (en bas), 50 (en haut), 51, 52 (en bas à gauche), 53 (en bas au centre), 54, 55, 56, 57 (en bas), 59, 60, 61 (en bas à gauche), 62-63, 65, 68, 69, 86-87, 92 (à droite), 94 (à gauche), 136 (en haut)drac nouvelle aquitaine pages 49-50, 52 (en haut), 58, 91 (à gauche), 94 (à droite), 131 (en haut à gauche)archives journal sud ouest pages 71 (en bas), 84, 96, 97 (en haut), 98-99, 105, 107, 108, 109, 111 (en haut), 112.atelier Jean nouvel page 117 (en bas)casson Mann pages 120-121 et 132hervé chassain pages 12-13, 14, 15 (à gauche), 18, 25, 27 (à droite), 31, 74, 79, 92 (à gauche), 113, 124, 126 (à gauche), 128-129, 130, 133collection Bassier pages 89, 90, 91 (à droite)collection Maurice Bunio pages 17, 111, 112collection Félix page 80 (à gauche)collection Lagrange pages 83 (à gauche), 89collection Laval pages 46, 72, 73, 75, 77, 78, 80 (à droite), 81 (à droite), 82 (à droite)collection roussot pages 83 (à droite), 85g. coulon page 71 (en haut)gilles delluc pages 16, 30, 38-39 (les signes), 66, 71 (Annette Laming-Emperaire et André Leroi-Gourhan) ign, Institut géographique national pages 100 (à gauche) et 101Vincent Lesbros page 51 (portrait d’Alain Roussot) ezechiel Lesoeur dessins pages 18-19Man, Musée des antiquités nationales, Saint-Germain en Laye Hervé Lewandowsky RMN/MAN page 100 (à droite)Mnhn, Muséum national d’histoire naturelle pages 17, 26 (à droite), 27 (à gauche), 57, 61 (gravure)denis nidos, conseil départemental de la Dordogne pages 107, 130 (en bas), 13, 136 (en bas à gauche)perazio page 130 (en haut à gauche)plantu-Le Monde page 119 (en haut)snøhetta page 117 (en haut)semitour pages 102, 103Jean-christophe sounalet pages 8, 23, 31, 39 (à droite), 81 (à droite), 93, 95, 106, 110, 114-115, 116, 119 (en bas), 122, 123, 125, 126 (à droite), 127, 128-129, 131, 134, 135, 136 (en bas à droite), 140-141, 4e de couverture.

préface de denis Vialou :Lascaux, parfaitement beau ! ..........................6

préface d’Yves coppens :Lascaux, une passion maîtrisée .......................9

chronologie et plan de la grotte .....................10

chapitre iLes hommes de Lascaux ................................13L’art à l’époque de Lascaux .......................................................17Comment dater Lascaux ? .........................................................23Les techniques des artistes de Lascaux .....................................25

chapitre iiune grotte nommée Lascaux ........................29Les animaux de Lascaux ............................................................32L’énigme des signes ..................................................................38

chapitre iiiLes sept secteurs ornés de Lascaux ..............43La Salle des taureaux .................................................................44Le Diverticule axial ....................................................................46Le Passage .................................................................................52La Nef ........................................................................................54L’Abside .....................................................................................56Le Puits ......................................................................................58Le Diverticule des félins ............................................................60

chapitre ivLascaux, un sanctuaire ...................................63Une révolution dans l’analyse de l’art paléolithique .................67

chapitre vLa fabuleuse histoire de la découverte .........73La légende du souterrain ..........................................................74Les graves erreurs des débuts ...................................................81Le saccage des chantiers ...........................................................83

chapitre vion ferme pour sauvegarder ..........................87De nouvelles menaces ..............................................................90Lascaux : une affaire d’état ........................................................93

chapitre viiLascaux se multiplie ......................................99Le rôle de l’IGN et de Kodak ..................................................100Lascaux 2 : dix ans de réalisation .............................................101Lascaux 3 à la conquête du monde ........................................108

chapitre viiiLascaux, quatrième version .........................115La colline sanctuarisée .............................................................116Un chantier hors norme ...........................................................122Des fac-similés au top .............................................................126

épilogueLascaux, l’aventure continue… ....................135Bibliographie ...........................................................................136Glossaire ..................................................................................137

taBL

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