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La Grande Semaine d’Aviation de la Champagne, Reims du 22 au 29 août 1909 1 Affiche officielle de la Grande semaine d’aviation de Champagne 1909. (Musée de l’affiche).

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Affiche officielle de la Grande semaine d’aviation de Champagne 1909. (Musée de l’affiche).

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La Grande Semaine d’Aviation dela Champagne, Reims du 22 au 29 août 1909par Gérard Hartmann

L’annonceDirecteur depuis 1907 de la maison des vins

de Champagne Pommery, le marquis Melchiorde Polignac (1880-1950), patron de l’AssociationViticole Champenoise (AVC, une organisationconnue pour avoir lutté avec succès contre lephylloxéra) lance en 1908 aux membres desproducteurs de vin l’idée d’organiser à Reims ungrand meeting aérien. Le docteur Lenglet, mairede Reims, lui apporte son plein soutien. Lesmembres de l’Aéro-Club de France se rallient àson idée en janvier 1909. Le meeting est prévupendant l’été 1909.

Ce premier meeting international d’aviationde l’histoire n’aurait pu être qu’une foire au vin(de Champagne, quand même). En réalité, ilmarque une date importante dans l’histoire del’aviation car il va avoir un impact incroyable au-près du public, des journalistes, des militaires etdes hommes politiques présents, venus trèsnombreux. Avant cette date, les aéroplanesétaient considérés comme des cerfs-volants àmoteur, de « gros hannetons » plus bruyantsqu’efficaces et quasiment incapables de voler oud’offrir un service (cas des militaires) ; à l’issuede cette manifestation, ils sont entrés dansl’inconscient collectif comme des machines vo-lantes capables de performances. Le meeting deReims 1909 est donc un événement historique.

Baptisé Grande Semaine d’Aviation de laChampagne 1909, le meeting est annoncé dèsl’automne 1908 par la presse spécialisée, dansl’indifférence quasi générale il faut bien le dire,son seul atout (vite détecté par les sportifs enmal de résultats) étant le montant exceptionneldes primes versées aux différents vainqueursdes multiples épreuves, par l’ensemble des pro-ducteurs de vins de Champagne, qui désirentaprès la crise qui a ravagé le vignoble françaisrelancer l’image de marque de leur production.

L’organisateur est l’Aéro-Club de France, quidétache ses commissaires et bâtit le règlement.Les inscriptions des concurrents commençant àl’hiver par l’envoi par l’Aéro-Club de Franced’invitations aux principaux aéro-clubs dumonde, lesquels sont dirigés principalement pardes aérostiers. Les organisateurs attendent doncun grand nombre de dirigeables et de ballons,d’où une organisation très spéciale. Mais lesproducteurs de vin de Champagne, Melchior dePolignac en tête, ont voulu que le concours deReims soit ouvert à la fois aux aéronats (dirigea-

bles) et aux aéroplanes, des machines récem-ment apparues et qui fascinent le public.

Dès janvier 1909, de très nombreux concur-rents sont inscrits, des aviateurs, aérostiers etaéronautes de tous les horizons. Ce nombre éle-vé va contraindre les organisateurs à voir grand.Etant donné leur importance au sol, l’installationdes stands et de la piste à Bétheny (longue dedix kilomètres) commence dès mars. Le meetingoccupe dans les journaux de toute l’Europe vingtsemaines d’actualité. C’est déjà une belle réus-site.

Les Champenois ont prévu quatre épreuves,durée, vitesse, hauteur et passagers, maisl’Aéro-Club de France ajoute quelques nuances :vitesse sur grande distance, vitesse sur courtedistance, un tour de piste, hauteur et épreuve devitesse pour appareils transportant plusieurs per-sonnes, épreuves de précision d’atterrissage deballons libres et de vitesse pour aéronats.

L’Aéro-Club de France dont les commissairesassurent le contrôle des épreuves suggère éga-lement au marquis de Polignac de disputer àBétheny la 1ère Coupe Gordon-Bennett pour aé-roplane, une épreuve de renommée prestigieuse(dans les autres disciplines, automobile, ballonslibres). Les éliminatoires pourraient avoir lieu lelundi 23 août et la Coupe serait disputée le di-manche 29, les inscriptions étant reçues jusqu’au15 juin.

Disputée sur le champ de course hippique deBétheny, dans une enceinte close où le public vadevoir payer sa place, la Grande Semained’Aviation de la Champagne se veut avant toutun spectacle aérien populaire, qui va se déroulerpendant une semaine complète plus un jour(d’où son appellation de grande semaine), dudimanche 22 au dimanche 29 août, tout autourd’une piste rectangulaire de 10 km de dévelop-pement bordée de cinquante hangars logeant lesaviateurs et leurs machines, et quantité de bouti-ques pour le public. L’ensemble des installationsest situé au nord de la ville de Reims (voir planpage 3). Après Juvisy en avril, le terraind’aviation parisien, qui n’a connu qu’un petit suc-cès, cette manifestation sportive inaugure unelongue série de compétitions annoncées entrejanvier 1909 et la fin de l’été et qui vont faire fu-reur dans toute l’Europe pendant quatre ans : lesmeetings aériens.

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Le circuit de Bétheny est un hippodrome, situé au nord est de Reims. (Cliché l’Illustration 1909).

L’organisation de l’épreuve à Bétheny est en-tièrement financée par les producteurs de vinsde champagne qui disposent autour de la pistede nombreux stands de dégustation. Pour attirerles aviateurs participants et le public, la ville deReims et les producteurs de champagne Heid-sieck-Monopole, Veuve Clicquot-Ponsardin, G.H.Mumm, Pommery et Greno, Louis Roederer,Moët et Chandon offrent un total de 200 000francs (or) de prix1, récompensant les meilleurspilotes sur différentes épreuves, sous la hauteprésidence du marquis Melchior de Polignac.

Le meeting comprend des épreuves pour lesaérostats et les aéroplanes : prix du tour de piste(10 km de vol à réussir d’une traite) et qui seraqualificatif pour les autres épreuves - prix de laplus grande distance parcourue dans la journéedoté de 50 000 francs.

L’épreuve la plus prestigieuse par son nom àce moment est la première Coupe internationaled’aviation de vitesse Gordon Bennett, récompen-sant l’appareil et le pilote le plus rapide sur deuxtours de piste par une coupe en argent valantenviron 12 500 francs plus une somme de 2 000francs2.

1. Soit 743 000 euros en 2007. Ces prix comprennent la

Coupe Gordon-Bennett.2. Il existe une Coupe Gordon-Bennett de distance pour les

ballons libres, mondialement connue, une Coupe Gor-don-Bennett pour les canots de vitesse et une CoupeGordon-Bennett de vitesse pour les automobiles.

La société des champagnes G. Mumm offre10 000 francs au dirigeable effectuant chaquejour le plus rapidement possible cinq tours depiste (50 km), et ceci huit fois (80 000 francs).

Piste de Bétheny. 1 – hangars des aéroplanes, 2 – tri-bunes, 3 – buffet, 4 – Postes, télégraphe, téléphone, 5– enceinte des tribunes, 6 – enceinte des mécaniciens,7 – grande enceinte populaire, 8 – ambulance, 9 –chantier, 10 – entrée et sortie, 11 – garage réservé, 12– garage des voitures de touristes, 13 – chemind’accès, 14 – parc de lancement des concurrents, 15 –départ :arrivée, 16 – chronométreurs, 17 – parc de lan-cement à l’intérieur de la piste.

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Les préparatifsDès le mois de janvier 1909, plusieurs mee-

tings aériens, mêlant les ballons, les dirigeableset quelques aéroplanes, sont annoncés enFrance par l’Aéro-Club de France et relayés parla presse sportive de l’époque, très populaire ettrès lue : le Grand Prix d’aviation de Port-Aviation, situé sur les communes de Juvisy-sur-Orge et de Savigny-sur-Orge) en avril, doté de20 000 francs de prix répartis sur plusieursépreuves, a révélé au public présent (peu nom-breux, vu le prix élevé des entrées) un aviateur :le capitaine Ferber.

Offrant 50 000 francs de prix, la CoupePommery est lancée par le marquis de Polignac,passionné de musique classique autant que desport mécanique. Décernée chaque semestre,elle doit récompenser le plus long vol effectué enligne droite entre le lever et le coucher du soleil.Les aéroplanes capables de tenir l’air plus d’uneheure étant au nombre de quatre ou cinq dans lemonde, cette Coupe fait rêver. Dans cinq anspeut-être…

Mais, en dépit des primes annoncées depuisjanvier 1907 (plus de 700 000 francs) par bonnombre d’organisations, le plus prometteur ras-semblement de machines de l’année semble êtrele meeting de Reims. Les producteurs de vin dechampagne offrent des primes très importantespour un seul meeting, de quoi se payer deux aé-roplanes et plusieurs moteurs. Ce rassemble-ment voit converger tout ce que le petit mondede l’aviation balbutiante connaît de sportifs, mé-cènes, aéronautes, mécaniciens, préparateurs,revendeurs, industriels. En janvier 1909, les or-ganisateurs annoncent qu’une centaine de can-didats se sont inscrits. Du jamais vu.

Le 4 mars 1909, le marquis Melchior de Poli-gnac dépose les statuts de l’aéro-club de Cham-pagne. Les organisateurs font les choses engrand et ils parviennent à réaliser en cinq moisdes infrastructures incroyables pour accueillircorrectement les spectateurs. Au nord de Reimsune gare a été aménagée de toutes pièces pourla circonstance, Fresnay-Aviation. Venus desgrandes capitales d’Europe, des trains affrétésspécialement pour ce meeting amènent le publicdirectement sur la piste depuis Paris, la Belgi-que, les Pays-Bas, la Suisse ou l’Allemagne.

Baraquements, tribunes, affichage, accueil,tout a été conçu par les marchands de vin selonune méthode « à la Française » digne des expo-sitions universelles, de manière la plus ostenta-toire possible mais par une construction de qua-lité, de manière à accueillir chaleureusementspectateurs et participants : un immense buffetpour 600 convives a été érigé au bord de la pisteet un parterre gazonné permet aux spectateursd’admirer les aéroplanes de près. Comme aprèsles expositions universelles, les hangars serontvendus (abris à bateaux ou automobiles) tels queou pour leur matériaux (bois), réemployés.

Les boutiques bordant la piste comprennentbien entendu des stands de dégustation de

champagne mais aussi des stands d’une plusgrande utilité, une librairie, un coiffeur, un bureaude tabac, un bureau de poste télégraphe télé-phone (alors qu’il faut attendre deux ans pour enavoir un chez soi), un marchand de journaux, unphotographe, un limonadier, un marchand delorgnettes et de verres fumés - pour se prémunirdes rayons du soleil - un cireur de bottes, unmarchand de souvenirs, et bien sûr une infirme-rie. Le pavillon de la presse fait trois étages.

Le panneau d’affichage du Meeting de Reims 1909.(l’Illustration).

Un grand tableau dressé derrière les tribu-nes affiche les résultats. Le système utilisé pourle panneautage des résultats est digne du restede la manifestation. Des pylônes disposés auxextrémités de la piste reçoivent des cubes et desbanderoles, système de signalisation officiel dela marine adopté ici pour la première fois parl’aéronautique et l’aviation, indiquant aux concur-rents les conditions de vol, la vitesse et la forcedu vent ; ces panneaux gigantesques affichentles résultats « en temps réel » car ils sont mis àjour continuellement par une brigade spéciale(des marins). Y sont mentionnés les concurrentsalors en piste, leur performance, les accidents etles abandons qui auraient pu se produire, le toutsupervisé par un régiment de contrôleurs. Lecoût de ces infrastructures est de 740 000francs. Les organisateurs sont inquiets : il faudravendre 40 000 entrées chaque jour pour rentabi-liser la dépense.

Par ailleurs, étant donné la masse des visi-teurs et le risque d’explosion dû à l’essence et àl’hydrogène des ballons, une véritable arméecomposée de 1 200 fantassins, 200 dragons àcheval et 400 gendarmes assure le serviced’ordre.

Le meeting de Juvisy a-t-il servi de prépara-tion à celui de Reims ? Le 23 mai 1909 à Juvisy-sur-Orge au sud de Paris, dans un parc aména-gé pour l’aviation baptisé Port-Aviation, s’ouvrele premier meeting aérien de l’année, le premier

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aussi de l’histoire de l’aviation. Les pilotesd’aéroplanes sont peu nombreux et seuls les aé-rostats effectuent des vols spectaculaires, sansdoute par suite des conditions météorologiques,peu favorables, vent de 8 m/s et pluie battante.

Son créateur, Léon Delagrange, qui s’est faitconnaître en 1908 par des vols réussis sur unbiplan Voisin à moteur Antoinette, après plu-sieurs essais, ne décolle que le soir vers 18 heu-res, le jour de l’inauguration officielle, devant une

foule énervée par quatre heures d’attente. C’estla première fois que le public parisien (5 000 per-sonnes, au mieux) paie pour assister à un vold’aéroplane. L’expérience n’est pas trèsconcluante. Pas vraiment spectaculaires, les aé-roplanes. Les organisateurs de Bétheny se po-sent alors cette question : Que vont faire àReims les milliers de spectateurs attendus à quiil est demandé chaque jour de payer trois francspour voir évoluer de telles machines ?

Delagrange à Juvisy, mai 1909. (Carte postale ancienne).

Delagrange et son biplan Voisin sera l’un desaviateurs les plus brillants à Bétheny. Il arrive surla piste dès le 16 août, avec Curtiss et Blériot. Ilssont rejoints le 17 par Tissandier (biplan Wright),Eugène Lefebvre (biplan Wright) et Henri Rou-gier (biplan Voisin à moteur Itala) et le 19 parDemanest (Antoinette).

Ancien actionnaire et associé chez Antoi-nette, Louis Blériot, qui vient de trouver chez An-zani un moteur de 35 ch « qui tient une heure »,le teste avec succès le 4 juillet à Juvisy durant unvol de 50 minutes. Le moteur consomme del’huile, mais il tient. Le 25 juillet, Blériot aligneson monoplan type XI et ce nouveau moteur surl’épreuve de la traversée de la Manche, qu’ilfranchit victorieusement. Blériot remporte le prixdu Daily Mail et un formidable succès populaireauprès des médias, ce qu’a dédaigné WilburWright (« je vole deux heures, alors je peux 40minutes ») qui en avait largement la possibilitéavec sa superbe machine et ce que n’a pas ré-ussi Latham et son Antoinette. Par son vol au-dessus de la Manche, Blériot se fait connaîtredans le monde entier. N’est-il pas le premieraviateur qui a traversé une mer ? C’est donc toutauréolé de cette victoire triomphale qu’il préparedébut août des machines pour Reims. Le 20août, Blériot teste à Bétheny sur son type XI unmoteur Anzani de 50 ch.

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Latham qui a débuté en avril avec EugèneRuchonnet sur Antoinette s’entraîne commeHenry Farman au camp de Chalons début août.

Le 15 juillet à La Brayelle près de Douai, fiefBreguet, Louis Paulhan sur un biplan Voisin dotédu nouveau moteur Antoinette de 50 ch, réussitun vol de 67 minutes. Trois jours plus tard, ilgrimpe à 120 mètres d’altitude. Le lendemain, ilvole de Douai à Arras, parcourant 20 kilomètresen 22 minutes. Le nouveau moteur tient toutesses promesses. Paulhan se sent prêt ainsi moto-risé à battre les records des Wright. Sa victoireau concours des modèles réduits d’appareilsd’aviation disputé le 21 juin 1908 dans la Galeriedes machines du Vélodrome d’hiver à Paris luivaut de recevoir un appareil neuf du journalL’Aviation. Paulhan n’est pas au bout de sessurprises : il reçoit de Louis Seguin en août unmoteur Gnome 50 ch un moteur qui n’a jamaistourné. Mais il a le choix.

Louis Paulhan, 1909.

Au cours des premiers mois de l’année 1909,la compétition fait rage entre les biplans Wrightet les appareils français qui se disputent le re-cord de durée de vol.

Le 31 décembre 1908, au camp militaired’Auvours, Wilbur Wright qui détenait depuis unesemaine le record du monde d’altitude (110 mè-tres) a démontré toute sa science du pilotage :sous les yeux attentifs des commissaires del’Aéro-Club de France, il a tenu l’air deux heureset dix-huit minutes, battant le record du mondede durée de vol (détenu par Henry Farman), lerecord du monde de distance (123 km) et rem-portant du même coup la Coupe Michelin 1908.

Henri Farman, photographié en janvier 1908 après savictoire sur le kilomètre, prix Archdeacon.

Avec son biplan Voisin à moteur Antoinette,Farman, de loin le meilleur aviateur français, estloin derrière : il a volé le 2 octobre à Chalons sur39 kilomètres et le mieux qu’il a pu faire avec samécanique est vol de 44 minutes. Acharné à dé-velopper des prototypes innovants de qualité,mais en quête d’un bon moteur, Blériot ne battraFarman que six mois plus tard, à Juvisy. Lui aus-si, il est loin de la performance de l’Américain.Qui plus est, en début d’année 1909 le 4-cyl deWilbur Wright développe sans doute 45 ch grâceà la science de Charles Taylor, le mécaniciendes Américains, et aux efforts des Français pourl’améliorer. Ce moteur est capable de faire tenirl’air plus d’une heure à son pilote avec un pas-sager, ce dont les Français sont incapables. Lesorganisateurs de Bétheny tremblent à l’idée defaire voler sur 30 km une centaine d’aviateurs.Que va-t-il se passer réellement ?

Wilbur Wright à Auvours entre juillet et décembre 1908,a pris l’habitude de voler avec un passager. Il est invitépar la France à démontrer les qualités de sa machine.(L’Illustration).

Le 5 juin 1909, Hubert Latham navigue pen-dant 1 h 7 mn (Antoinette IV), record de Franceet record du monde pour monoplan. Le 19 juillet1909 à Châlons, Henry Farman évolue pendant83 minutes, son record personnel. Le 28 juillet àFort-Myers aux Etats-Unis, Orville Wright tientl’air pendant 72 minutes avec un passager àbord. Quatre jours plus tard, sur un biplan Far-man III à moteur Vivinus 50 ch identique à celuide Farman, Roger Sommer parcourt les airspendant 110 minutes. Lui aussi devient un can-didat sérieux aux records de durée de vol en aé-roplane.

Ancien champion cycliste et ingénieur deformation, Roger Sommer conçoit et réalise endébut d’année 1909 un aéroplane à Mouzon (Ar-dennes) dans la propriété familiale de productionde feutres. Il a appris le pilotage avec HenryFarman qui lui a vendu un biplan en mai 1909sur lequel le 4 juillet il a volé six kilomètres. Lelendemain, il effectue une course de 30 minutes.Le 1er août, il vole pendant 110 minutes, battantle record du monde (non enregistré officielle-ment) de durée sur son biplan Farman à moteurVivinus 50 ch, préparé spécialement (bougiesPognon et magnéto Bosch). Le samedi 7 août,

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toujours au camp de Chalons, au petit matin, ilvole 2 heures 27 minutes et 15 secondes, un re-cord qui est cette fois homologué par les com-missaires de l’Aéro-Club de France. C’était sadix-huitième tentative !

Roger Sommer.

Louis Breguet

Autre sujet d’inquiétude, la Grande Semained’Aviation de la Champagne accueille aussi lapremière Coupe de vitesse Gordon-Bennett pouraéroplanes. Certes, avec un aéroplane, le risqued’une explosion d’hydrogène n’existe pas, maisquand même. Propriétaire du journal le NewYork Herald et son édition parisienne, le ParisHerald, lequel bien entendu couvre médiatique-ment l’épreuve, James Gordon Bennett a déjàfinancé les courses de vitesses de ballons, decanots, de dirigeables, d’automobile. Comme ga-rantie, il y a bien les vingt commissaires del’Aéro-Club de France, habitués de ces Coupes,mais n’y a-t-il pas une grande différence entre unpaisible ballon et un rugissant aéroplane ?

Lieu nouveau d’un grand meeting et d’unconcours de vitesse de renommée mondiale,toutes ces raisons font que le concours de Reimsest déjà largement mis en avant par la pressebien avant son déroulement. Si certains s’y pré-

cipitent pour l’amour du sport, le public affluepour voir un spectacle, quelque chose qu’il n’ajamais vu, et pourquoi pas de spectaculaires ac-cidents.

Trophée Gordon-Bennett d’aviation 1909 évoquant l’airet la vitesse. (L’Illustration).

Une trentaine de journalistes sont à l’œuvre àBétheny avant les premiers essais le 16 août.Les brillants opérateurs de Pathé Cinéma etGaumont actualités sont là. Des millions de lec-teurs européens pourront lire dans la semainequi suit les exploits des aviateurs et aéronautes àBétheny. Les admirateurs de machines volantes,lesquels n’ont jamais vu un aéroplane de leur viepour la plupart, vont venir des quatre coins dedu monde, de Suisse, de Belgique, d’Italie,d’Allemagne, d’Angleterre et même des Etats-Unis par bateau.

Le 20 août, deux jours avant l’ouverture offi-cielle du meeting, ils sont huit à tourner sur lapiste et à régler leur machine, Guffroy 3 (R.E.P.)qui vole sur un kilomètre mais fausse l’hélice etdoit faire de la mécanique, Sommer tout auréoléde ses exploits, Curtiss dont la machine sembletrès rapide, Latham qui maîtrise parfaitement lepilotage un peu compliqué de son monoplanAntoinette, Delagrange, souverain, Ferber,maintenant à l’aise sur son Voisin et le jeuneEtienne Bunau-Varilla qui cherche un moteur.

3. Maurice Guffroy est l’un des premiers pilotes brevetés

d’aérostats en France, son brevet date de 1901 (n° 17).Conseiller du commerce extérieur et président de la So-ciété des mines d’or de la Guyane Hollandaise, il y trou-vera la mort le 3 mars 1911.

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« Ce qui m’intéresse c’est de fabriquer et de ven-dre des avions »

Wilbur Wright.

Wilbur Wright au camp d’Auvours en début d’année 1909, au cours de l’une de ses multiples ten-tatives pour améliorer son propre record mondial de durée de vol qui est de plus de deux heures.(Collection Clerget).

Forts de l’expérience accumulée avec leurs dirigeables, les dirigeants militaires français avaient exigépour signer le contrat initial d’un million de francs les performances suivantes : 300 mètres d’altitude,300 km de rayon d’action et 75 kg de charge outre le pilote. Les frères Wright comptaient sur les évo-lutions continuelles de leur moteur pour y parvenir. Ils n’ont signé avec le Syndicat de Lazare Weillerque pour la moitié, 500 000 francs, dont une moitié payée après réussite des vols, le solde après laformation de trois aviateurs.

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Les inscriptionsLorsqu’en avril les organisateurs examinent

la liste des concurrents, ils s’aperçoivent que laplupart des aviateurs n’ont jamais réellement ré-ussi un vol correct, en particulier négocié un vi-rage. A Bétheny, ils auront quatre virages à ef-fectuer sur un tour de piste pour se qualifier.Certains concurrents se sont alignés sur desmachines qui existent depuis des mois (deux anspour certaines) mais qui n’ont jamais réussi lemoindre décollage sur une piste en herbe sansaide extérieure.

Parmi les aéroplanes dont la construction estachevée avant la clôture des inscriptions et quitombent dans ce cas de figure, citons le biplanBousson-Borgnis-Desbordes à moteur 4-cyl de30 ch vu à Gennevilliers en février, l’aéroplanetype Langley de Guillebeaud (65 m2 de voiluremais 10 ch seulement), le type Langley de Kap-férer-Astra abondamment présenté dès 1906dans toute la presse aéronautique à Montessonet qui ne vole toujours pas, le grand biplan Le-jeune construit chez Koechlin et de Pischoff àmoteur Buchet 12 ch, le monoplan de RaoulVendôme à moteur Anzani 50 ch construit chezOdier, celui de Henri Robart à moteur 50 ch An-toinette, le beau biplan Maurice Farman à moteurAnzani 60 ch ou Renault 50 ch, le grand triplande Henry Farman – il a été vendu en Autriche - lecurieux biplan à ailes décalées de trio Witzig-Lioré-Dutilleul construit chez Fernand Liorémaintenent équipé à Issy d’un moteur mais quepersonne ne semble pouvoir faire décoller, legros triplan Goupy construit chez Voisin, sansparler du biplan Obre à moteur Anzani qui s’estbrisé à son premier vol le 18 janvier 1909. Cemeeting est aussi l’occasion rêvée pour faireconnaître des prototypes innovants. Alfred dePischoff a construit pour la firme Werner et Rhei-derer un appareil baptisé « autoplan ». Il le pré-sente lui-même au meeting (présentation stati-que sur la pelouse).

C’est pourquoi, pour éviter la présentation aupublic d’appareils inaptes au vol, de risquer desaccidents et autres avatars au milieu du public,ce qui discréditerait les organisateurs, une cau-tion de 1 000 francs est demandée aux concur-rents, remboursée dès qu’ils réussissent le fran-chissement en vol de la ligne de départ.

Du coup, deux mois avant le meeting, lorsdes inscriptions officielles, il ne reste plus que 52concurrents. Certains ont abandonné la cons-truction ou la mise au point de leur aéroplanefaute de moyens financiers, d’autres ont briséleur engin lors des premiers essais. Parmi lesaéroplanes dont la construction n’est pas ache-vée, citons l’aéroplane de Victor Tatin construitchez Adolphe Clément à moteur Clerget (nonterminé le 22 août), faute de fonds.

Au cours de ces deux mois, de juin à août1909, en mettant au point leur appareil, leur mo-teur ou tout simplement parce qu’ils n’ont jamaispiloté, quatorze d’entre eux cassent du bois etdoivent déclarer forfait, ce qui réduit encore leur

nombre de 52 à 38.Ayant annoncé une centaine de concurrents,

les organisateurs font face maintenant à une si-tuation inverse, le manque de concurrents, unepénurie de machines. C’est pourquoi ils décidentd’ouvrir l’épreuve non plus à un pilote, mais à unaéroplane. C’est ainsi que la plupart des avia-teurs chevronnés vont pourvoir présenter et qua-lifier plusieurs machines volantes.

Carte d’invitation au meeting de Reims 1909. (Collec-tion Clerget).

En août, dans la catégorie des aéroplanes,25 pilotes de sept nationalités sont présents avecune quarantaine de machines. Sur ces 25 pilo-tes, 19 sont français. Dans la catégorie des aé-ronats, seuls quelques dirigeables français ontfait le déplacement à Reims. Les ballons sontallemands, anglais, français, belges, américainset italiens.

La France est sans doute le pays le plusavancé en matière d’aéronautique. La navigationaérienne à la fin de l’année 1908 repose beau-coup sur les aéronats et sur les aérostats (bal-lons) libres qui sont des milliers en France. Lesaéroplanes sont encore des « prototypes expé-rimentaux » selon la désignation moderne. Dudomaine de la recherche, les hélicoptères ontdémontré leurs limites en 1907 et sont presquetous abandonnés. Quant aux orthoptères à ailesbattantes motorisé, aucun n’est encore parvenuà effectuer un vol piloté avec un moteur, mêmesous la forme d’un modèle réduit.

Les organisateurs ont donc veillé à ne pré-senter que des aviateurs ayant effectué des volset des machines « sérieuses » ayant déjà unpalmarès.

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Moteur Puissanc

e

Type Alésage

Course

Alimentation

Soupa-pes

Allumage Refroi-disse-ment

Régimemaxi-mal

Poidsen or-dre demarche

Antoinette 55 V8 (vilebre-quin à 4manetons)

110 mm105 mm

Pompe àessence

Aspirationautomati-que

Alternateurà haute fré-quence

Eau 1200t/mn

110 kg

Anzani 45 6-cyl enéventail

100 mm120 mm

Carbura-teur

Admissionautomati-que

Accumula-teurs

Air 1600t/mn

100 kg

Curtiss 50 V8 (vilebre-quin à 4manetons)

100 mm110 mm

Carbura-teur

Comman-dées

Magnéto Eau 1600t/mn

110 kg

Darracq 30 2-cyl à platopposés

130 mm120 mm

Carbura-teur

Comman-dées

Magnéto Eau 1400t/mn

52 kg

Duteil &Chalmers

50 4-cyl à platopposés

125 mm120 mm

Carbura-teur

Comman-dées

Accumula-teurs oumagnéto

Eau 1200t/mn

120 kg

E.N.V. 57 V8 (vilebre-quin à 4manetons)

105 mm110 mm

Carbura-teur

Comman-dées

Magnéto Eau 1500t/mn

110 kg

Gobron-Brillié 75 8-cyl en Xen deuxgroupes de4

90 mm160 mm

Carbura-teur

Aspirationautomati-que

2 magnétos Eau 1100t/mn

150 kg

Gnôme 50 7-cyl enétoile rotatif

110 mm120 mm

Carbura-teur

Aspirationautomati-que

Magnéto Air 1200t/mn

74 kg

Itala 50 4-cyl en li-gne

120 mm130 mm

Carbura-teur

Comman-dées

Magnéto Eau 1250t/mn

198 kg

Panhard-Levassor

40 4-cyl en li-gne (vile-brequin à 4manetons).

110 mm140 mm

Carbura-teur

Comman-dées

Magnéto Eau 1100t/mn

105 kg

Renault 60 V8 (vilebre-quin à 4manetons)

120 mm120 mm

Carbura-teur

Comman-dées

Magnéto Air 1800t/mn

180 kg

R.E.P. 35 7-cyl enéventail

85 mm95 mm

2 carbu-rateurs

Comman-dées

Accumula-teurs oumagnéto

Air 1500t/mn

60 kg

Wolseley-Siddeley

50 V8 (vilebre-quin à 4manetons)

95 mm128 mm

Carbura-teur

Comman-dées

Magnéto Eau 1350t/mn

165 kg

Wright 25 4-cyl en li-gne (vile-brequin à 4manetons).

108 mm120 mm

Pompe àessence

Aspirationautomati-que

Magnéto Eau 1400t/mn

90 kg

La valeur des machines repose sur les qualités de leur moteur. Caractéristiques des principaux moteurs d’aviationen août 1909. (Source : L’Aéroplane pour tous, Louis Lelasseux & René Marque, ingénieurs des Arts et Manufactu-res, janvier 1910).

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La Grande Semaine d’Aviation de la Champagne, Reims du 22 au 29 août 1909

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Appareils Voisin

Gabriel et Charles Voisin qui annoncent dixaéroplanes biplans sont établis au 4, rue de laFerme à Billancourt (Hauts-de-Seine) depuisdeux ans (anciens ateliers Edouard Surcouf) etont construit plusieurs planeurs et aéroplanespour différents clients connus, en particulierSantos-Dumont et Blériot. Depuis mai 1908, ilsont investi au 34, quai du Point du Jour àBoulogne-sur-Seine (Hauts-de-Seine) des lo-caux plus vastes où ils réalisent plusieurs ty-pes d’aéroplanes pour différents acheteurs :Alexandre Odier, les frères Vendôme, Am-broise Goupy. Ils vendent également des aé-roplanes sous leur marque, tel celui acheté parHenry Fournier. Le fait qu’ils fournissent leurbiplan à de nombreux concurrents n’est passurprenant, leur machine est un classique de-puis deux ans, et le moteur Antoinette aussi.

Appareils Farman

Présent à Reims avec quatre machines,Henri Farman qui a laissé tomber le dévelop-pement de son triplan possède un hangar éri-gé au bord du terrain militaire d’aviation d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), un atelier deréparation provisoire à Bouy-sur-Marne(Marne) proche donc de Bétheny et partageavec son frère Maurice (qui vient de présentersa propre machine, le MF-1) quelques hangarssur le petit terrain militaire de Buc (Yvelines). Ils’entraîne au camp de Chalons où se trouveson école d’aviation. Grand sportif, il a achetéson premier biplan Voisin dès 1907. En 1908,les délais pour obtenir un aéroplane et un bonmoteur sont d’un an et il faut verser des arrhesà la commande, ce qui l’agace prodigieuse-ment.

Farman s’est fâché avec Gabriel Voisin, quin’a pas tenu les délais annoncés. L’ as du vo-lant n’a pas apprécié la « plaisanterie » deVoisin de vendre l’aéroplane qu’il lui avaitcommandé à Lord Moore-Brabazon of Tara(premier britannique à voler, brevet n° 1). Peuavant le meeting, Farman part s’installer àMourmelon en Champagne (où se trouve lecamp militaire interarmes) pour assembler sesmachines et effectuer ses vols, alors que sonfrère Maurice, grand aérostier plus tourné versl’industrie que vers le sport à ce moments’installe à Boulogne-sur-Seine au 167, rue deBillancourt.

Le H-Farman III présenté à Bétheny voledepuis avril 1909 et le Farman IV est en dé-veloppement.

Appareils REP

Est présent lui aussi à Reims avec quatremachines Robert Esnaul-Pelterie, l’inventeurdu manche à balai, installé depuis 1908 à Bil-lancourt au 149, rue de Silly dans une véritableusine. Il y produit des monoplans sous samarque (marque R.E.P.) dont il réalise aussi lemoteur. L’homme possède un caractère de

cochon, il ne s’entend avec personne, mais il a desidées géniales.

Maurice Guffroy vole depuis le 6 avril 1909 ré-gulièrement sur le R.E.P. II Bis, beaucoup plus entout cas que Robert Esnault-Pelterie en deux ans.

Appareils Blériot

Pour financer la construction de ses aéropla-nes, Louis Blériot en 1909 a été obligé de vendreson château de Sainte-Marie dans le Loir-et-Cher.Il dispose d’un atelier à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) où il construit son onzième prototype àmoteur R.E.P. de 30 ch, le Blériot XI, mis au point àBuc où Esnault-Pelterie, son fournisseur de moteur,effectue ses propres essais. Pour Bétheny, il a pré-paré un autre prototype, le Blériot XII et ce sont fi-nalement cinq machines qui prennent la route de laChampagne (lire plus loin).

Vivant de son usine de phares à acétylène, Blé-riot est perpétuellement en quête de partenairesavec lesquels s’associer de façon à partager lesfrais de développement de ses aéroplanes (il a dé-pensé depuis 1906 de 30 000 à 100 000 francs (or)par prototype) ; il cherche toujours un atelier plusgrand pour monter ses aéroplanes, lesquels sontconstruits en attendant à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) chez Fernand Lioré, établi route de Cor-meilles. Finalement, fort de commandes fermespour son type XI, Blériot finira par faire bâtir unevéritable usine à la fin de l’année 1909 au 39, routede la Révolte à Levallois-Perret, à proximité desateliers Lioré.

Le premier monoplan Blériot XI de la série« traversée de la Manche » et destiné à Alfred Le-blanc a volé pour la première fois le 4 août à Issy-les-Moulineaux.

Appareils Wright

A travers un avocat commissionné en Europe,les frères Wright ont tout d’abord tenté de vendre àl’armée française durant l’été 1906 pour un millionde dollars (cinq millions de francs) le brevet de leurmachine volante et son moteur. N’étant pasconnus, personne en Europe ne les ayant vu voler,ils échouent. Le brevet du Flyer A déposé enFrance le 18 novembre 1907 (n° 384.124) à la de-mande de Wilbur et Orville Wright est accepté le 28janvier 1908. Il porte sur le système de gauchisse-ment des ailes du Flyer A. Le Signal Corp leurcommande une machine.

En 1908, des représentants français d’un syn-dicat, la Compagnie générale de navigation aé-rienne (CGNA), invitent Wilbur - qui a signé aveceux un contrat pour un demi million de francs - àvenir démontrer les performances de leur machine.Durant l’été et l’automne 1908, Orville à Fort-Myerspour le Signal Corp américain, Wilbur au Manspour la CGNA passent avec succès les tests dequalification imposés. La première partie du contrat(vol du Flyer A) est remplie le 6 octobre 1908. Le10 novembre, Wilbur s’attaque à la seconde, laformation de trois pilotes.

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La Grande Semaine d’Aviation de la Champagne, Reims du 22 au 29 août 1909

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Le Voisin n° 37 de Sanchez-Besa financé par E. Bello a consommé deux moteurs dans cette épreuve, ici leGobron-Brillié est monté sur l’appareil. (MAE).

Pendant la pluie, les mécaniciens du Flyer A n° 43 (forfait) s’abritent sous les ailes de la machine. Dépourvue deroues, la machine Wright doit glisser sur des rails au décollage, aidée d’une catapulte à contrepoids. Gabriel Voisina longtemps critiqué ce système. (Collection Clerget).

Biplan Clément-Bayard type Wright, 1909. (Collection Clément-Bayard).

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Pendant l’hiver 1908-1909, les Wright fontvenir de Dayton (Ohio) trois Flyer A neufs etsix moteurs, qui s’ajoutent aux huit moteursfabriqués chez Bariquand et Marre pour l’écoled’aviation de Pau tandis que la CGNA négocieen France avec un sous-traitant connu pourses nacelles d’aéronats, Astra, la fabricationsous licence du Flyer A qu’elle produit sous lamarque Ariel et avec des motoristes sous-traitants celle du fameux 4-cyl. Leur secondepartie du contrat est remplie en mars 1909.Jusqu’ici, tout est simple.

La société Ariel enregistre 25 commandesdu Flyer, vendu 17 500 francs sans moteur(dont 10 000 francs de licence). Plusieurs ate-liers français copient alors la machine vue àPau, substituant au système de gauchisse-ment seul breveté des ailerons, ou passantcommande directement à Astra et à d’autresindustriels, comme Clément-Bayard. La situa-tion se complique : pour rentrer dans ses frais,la Société Ariel doit attaquer en justice lescontrefacteurs, qui se défendent en écartantles brevets Wright.

Le 19 août, trois jours avant le début dumeeting, les frères Wright ont déposé une re-quête devant les tribunaux américains contreGlenn Curtiss et la Société aéronautique deNew-York. Ils prétendent que le « GoldenFlyer », construit pour cette société par Cur-tiss, contrefait leur système de gauchissementdes ailes.

Quoi qu’il en soit, onze machines sont pré-parées pour à Bétheny, toutes de fabricationfrançaise (dont deux à roues) Ariel, Astra ouClément-Bayard, dans la plus extrême confu-sion. Pour y mettre de l’ordre, Wilbur Wright aannoncé qu’il sera présent à Bétheny.

Appareils Astra et Clément-Bayard

Edouard Nieuport qui a dessiné son pre-mier aéroplane en 1908 réalise également sonmoteur, inspiré du Darracq à deux cylindresopposés. Pour construire ses machines, ils’associe en 1909 à Henry Kapferer, le diri-geant des établissements Astra installés au125, rue de Bellevue à Boulogne-Billancourt.Outre son dirigeable, Astra présente donc desbiplans Wright sous licence Ariel et modifiésavec roues et le monoplan Nieuport.

Dans le même esprit, Clément-Bayard, lecélèbre industriel de Levallois-Perret est pré-sent avec des biplans Wright modifiés (ailesarrondies) et des Santos-Dumont n° 20 De-moiselle dont l’étude a été reprise entièrement,la fabrication et la motorisation (trois moteursde 28 à 50 ch au choix).

Appareil Breguet

Autre ingénieur pionnier du vol vertical (il adéveloppé en 1907 un hélicoptère avec le mé-decin Charles Richet) Louis Breguet – inconnuà cette époque - trouve en 1909 un atelier pro-

che de Paris à Vélizy (Yvelines), après avoir imagi-né et réalisé à Douai (Nord) dans l’usine familialeson premier aéroplane, le Breguet n° 1, sur lequel ilapprend à piloter au terrain de La Brayelle situéprès de l’usine juste avant son déplacement à Bé-theny. Le moteur est un robuste V8 Renault de 50ch dont Breguet est l’un des premiers acheteurs.

Appareils Antoinette

Du fait de tergiversations dans le développe-ment des moteurs aériens légers, l’ingénieur LéonLevavasseur se trouve propulsé en 1909 au pre-mier rang des fournisseurs de bons moteursd’aéroplane.

Depuis 1907, ses moteurs en V sont légers etdéveloppent leur puissance pendant vingt minutes,ce qui autorise des vols intéressants. Un peu opti-miste, il envisage une production en série de 100moteurs de 50 ch au cours de l’année 1909. Pourles fabriquer, il trouve des locaux en bordure deSeine à Puteaux (Hauts-de-Seine), à l’inverse deSantos-Dumont, qui n’a pas trouvé d’emplacementsatisfaisant pour étendre ses ateliers de Neuilly-sur-Seine Saint James où est installé son atelier dedirigeables.

Avant d’être monté dans des aéroplanes, lemoteur V8 Antoinette a brillé dans les courses decanots en 1906 et 1907. La firme Antoinette, quiproduit depuis janvier 1909 son monoplan Antoi-nette dérivé de l’aéroplane Gastambide et Mengin(ou Mangin) 1908, un monoplan à la silhouetteélancée, fournit des moteurs à Santos-Dumont,Blériot, Voisin et Farman. Au début de la saison1909, la firme Antoinette sort un V8 qui développe55 ch à 1 200 tours/mn (à froid) et qui ne pèse que110 kg. Ce moteur fait figure d’épouvantail tant ilsemble insurpassable.

Nommé chef pilote de la firme Antoinette aucamp de Chalons, René Demanest teste le mono-plan Antoinette type IV de la firme de Puteaux pré-senté en janvier, propulsé par le nouveau moteurAntoinette de 50 ch qui semble plus fiable que le 50ch précédent. Le 29 avril 1909, Demanest réaliseun premier vol de six kilomètres. Le nouveau V8Antoinette donne entièrement satisfaction. Le joursuivant, 30 avril, Demanest vole sur 15 kilomètres.

Début juin, Hubert Latham sur le même typed’appareil, réalise à Chalons un vol de plus d’uneheure. Le nouveau V8 Antoinette se montre puis-sant, fiable et endurant. Il est maintenant très clairqu’un bon moteur est la clé de la réussite des aé-roplanes. Avec ce moteur, Latham inscrit immé-diatement son monoplan sur la traversée de laManche. Mais le 19 juillet 1909, lors de sa premièretentative, le moteur s’arrête (le tuyau d’arrivéed’essence s’est détaché) et Latham doit amerrir à12 kilomètres des côtes françaises. C’est l’échec.La mécanique l’a trahi.

Quatre monoplans Antoinette sont présents le22 août à Bétheny, deux étant tenus en réserve,dont trois motorisés par le nouveau V8 de 50 ch.

La Société Antoinette motorise rien moins que15 aéroplanes sur les 41 présents à Bétheny et ellepossède 15 moteurs de réserve, servis par quatremécaniciens.

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L’Antoinette IV à Reims en 1909. (Collection Clerget)

Le Breguet-Richet type II en décembre 1908. Premier client de Renault, Breguet utilise le Renault 50 puis 60 ch surses machines volantes. (Musée de Douai)..

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Appareil Curtiss

Les trois machines les plus prometteusesen matière de performance aux Etats-Unis en1908, le Red Wing, le White Wing et le JuneBug sont toutes le fruit de l’Aerial ExpérimentsAssociation, à la tête de laquelle se trouve leprofesseur A. Graham Bell et un sportif auda-cieux, recordman du monde de vitesse à mo-tocyclette, Glenn Hammond Curtiss. Ce der-nier a développé un V8 refroidi par eau qui dé-veloppe 35 ch et un V8 refroidi par air qui déli-vre 50 ch et qui semble incassable. Avec cesmoteurs, les machines de l’AEA font des pro-grès rapides en 1909.

Le dernier appareil produit parl’association, le Silver Dart, piloté par JamesMac-Curdy a dépassé tous les résultats pré-cédemment atteints, en volant le 23 février1909 à Baddeck (Nouvelle Ecosse) sur 4 miles½ (8 km) à 50 pieds (15 m) au-dessus du lacgelé de Baddeck-Bay, remportant du mêmecoup la Coupe du Scientific American. Le 8mars 1909, le même appareil volait sur 12 mi-les (20 km) et en effectuant plusieurs virages.Le 20 mars, le pilote Baldwin vole sur 25 km,Mac-Curdy sur 32 km et Richardson pendant38 mn.

Moteur Curtiss financé par l’AEA. Il développe 50 chà 1 000 tours. Deux carbutareurs, poids 110 kg. Unventilateur crée une veine d’air forcé. (NASM).

Le 20 mars 1909, Glenn Curtiss formeavec le pionnier Augustus Herring la « HerringCurtiss Company », au capital de 365 000dollars. Cette société commerciale met immé-diatement en chantier une nouvelle machine,le « Golden Flyer », dérivé de la machine del’AEA. Le 13 juillet, Curtiss réussit plusieurspetits vols dont un de 2,8 km à 12 m de hau-teur à la vitesse élevée de 65 km/h, à bord dubiplan de la Herring-Curtiss Co baptisé« Golden Flyer ».

Elève de Curtiss, Willard commence lesessais du « Golden Flyer » le 12 août, un bi-plan Herring-Curtiss. Il fait deux vols en circuitde 5 et 7 km, après quoi il abîme la machine.

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Appareil Curtiss, mars 1909. (L’Aérophile).

Le biplan Breguet n° 19 à moteur Renault devant les tribunes avant qu’il ne capote. (l’Aérophile).

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Les concurrents Quarante-et-un aéroplanes sont présents à

Bétheny le 22 août. Ce nombre est évidemmenttrès élevé : seuls une douzaine d’aviateurs ontréussi réellement des vols en « pilotant » leurmachine volante, c’est-à-dire en maîtrisant tantles décollages que les virages. Ne sortent pas deleur hangar les deux monoplans REP que devaitpiloter Robert Esnault-Pelterie (blessé), le mono-plan REP de Ernest Laurens, qui ne sait pas pi-loter, le biplan Wright à roues de Louis Schreck(même motif), le biplan Ariel (un Wright construiten France) aucun candidat ne voulant le piloterou risquer les foudres des avocats des Wright àpropos des licences.

Vingt-cinq pilotes de six nationalités et trentehuit aéroplanes se présentent aux qualifications.Les préparations mécaniques passionnent évi-demment les journalistes qui en relatent tous lesdétails. Avant même les premiers vols officielsdes qualifications, le 22 août, le concours sportifaérien de Bétheny a déjà pris dans la presse etdans l’opinion un retentissement énorme.

Autour de l’aire de vol, les pavillons abritantles aéroplanes ressemblent à des tentes de che-valiers du temps de François 1er (camp du drapd’or). Le nom du constructeur est inscrit sur lesportes que des mécaniciens gardent jalouse-ment, chacun défendant son héros et ses petitssecrets. Dans le public, certains prennent desparis sur les aviateurs, tombera, tombera pas.

Sont présentés sur la piste de Bétheny huitbiplans Voisin, entretenus par six mécaniciens,cinq biplans Wright Flyer A et le biplan Arield’Eugène Lefebvre, tous construits en Francedont trois déclarent forfait le jour de la compéti-tion, cinq monoplans Blériot de deux types diffé-rents (type XI et type XII), quatre monoplansAntoinette dont deux ne prennent pas part à lacourse, quatre monoplans Robert Esnault-Pelterie (R.E.P.) à hélices REP de 2,0 m de dia-mètre dont un seul va tenter un vol le 22 août etquatre biplans du type Henry Farman, bichonnéspar Herbster et Kieffer, les mécaniciens du spor-tif de Chalons.

Présents tout deux à Reims, les frères Orvilleet Wilbur Wright refusent de participer person-nellement au Meeting. « Ce qui m’intéresse c’estde fabriquer et de vendre des avions » déclareWilbur Wright. Il est venu de son école de pilo-tage de Pau (Pyrénées-Atlantiques) en specta-teur avec ses élèves : le capitaine Paul Lucas-Girardville (qui refuse de piloter), Paul Tissandier(laché seul le 18 mars 1909), Charles de Lam-bert (laché seul le 17 mars 1909), qui forment denouveaux élèves, Eugène Lefebvre, le lieutenantde Vaisseau Calderara (formé à Rome avec lelieutenant Savoïa) et l’ancien vendeurd’automobiles Louis Schreck. En conséquence,c’est l’Américain Glenn Hammond Curtiss quidéfend les couleurs de l’Aéro-Club d’Amériquedans la Coupe de vitesse Gordon-Bennett.L’Américain pilote un appareil de sa fabrication,présent à un seul exemplaire, son appareil n° 2

ayant été accidenté aux Etats-Unis par son élèveEugene Ely lors des essais. Une machine de ré-serve (n° 9) est attendue dans la semaine. Deuxmécaniciens l’accompagnent, payés par l’AEA.Curtiss ne dispose en France que d’un seul mo-teur compétitif pour le prix de vitesse, le nouveauV8 de 50 ch refroidi par air à magnéto Bosch.Deux moteurs refroidis par eau de 30-35 ch desecours sont toutefois venus de New-York auHavre par bateau. Ils ont été acheminés à Reimspar le train depuis la Gare de l’Est à Paris.

La Grande-Bretagne ne présente qu’un seulconcurrent : le rugbyman écossais GeorgeCockburn, un homme courageux mais peu expé-rimenté dans le pilotage d’un aéroplane. Il dis-pose d’un biplan Farman dernier cri, une excel-lente machine propulsée par le rotatif Gnome 50ch doté d’une hélice Chauvière de 2,60 m dediamètre.

Le biplan d’Antoine Odier et des frères Ven-dôme accidenté aux essais, de même que celuid’Ambroise Goupy, sont présentés mais forfaitspour les qualifications. La Demoiselle 20 deSantos-Dumont est là mais ne vole pas. CommeWilbur Wright, Santos-Dumont préfère regarderle spectacle depuis les tribunes.

Robert Esnault-Pelterie ne peut pas piloter :il a un bras en écharpe par suite d’une bagarreavec un charretier indélicat lors du convoyagepar la route de ses machines de Billancourt àBétheny et doit confier ses quatre machines en-gagées (dans toutes les épreuves, sauf le prixdes passagers) à d’autres pilotes. Elles portentles n° 1, 2, 3 et 10. Seul le n° 3 participera auxépreuves.

Portant le n° 18, le tout nouveau biplan duHollandais Kluijtmans qui n’a encore jamais volédéclare forfait, de même que l’appareil bipland’Antonio Fernandez (n° 35) dérivé de celui desWright et que devait piloter le talentueux coureurautomobile Léon Bathiat.

Louis Schreck (biplan Wright à roues), EliseDeroche (biplan Voisin), qu’on surnomme àcause de son port de tête altier la « baronne » deLaroche, Michel Clemenceau (monoplan R.E.P.)et Eugène Ruchonnet (il obtiendra la licencesuisse n° 5 en 1910), monoplan Antoinette, quisont encore en train d’apprendre à piloter, déci-dent, après consultation de leur moniteur et leurpatron d’écurie, de ne pas participer aux qualifi-cations ni à aucune épreuve par mesure de pru-dence. Les machines n° 14 et 34 ne participentdonc pas au meeting. Chez Wright, Paul Tissan-dier a inscrit deux machines (n° 4 et 15), il ne pi-lotera que la première. Même chose avec deLambert (n° 7 et 36) qui ne pilotera que le biplann° 7. Lefebvre dispose de deux biplans Astra-Wright (n° 25 et 26), mais n’utilisera que le pre-mier. Confiées à Demanest, Ruchonnet et La-tham, les Antoinette portent les numéros 11,12 et13, mais seul le n° 13 volera. Delagrange a ins-crit sous le n° 16 le nouveau Blériot XI, maisaussi un biplan Wright.

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La Grande Semaine d’Aviation de la Champagne, Reims du 22 au 29 août 1909

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Cette photo est rare. Le capitaine Ferdinand Ferber est engagé à Bétheny en 1909 sous le pseudonyme de « deRue » sur appareil Voisin n° 17 qu’il confie très vite à Georges Legagneux. (Cliché l’Illustration 1909).

L’un des trois monoplans Antoinette de Latham est poussé par les dragons vers la piste. (L’Illustration).

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Pilote Appareil Moteur N° Performance Epreuve Prime

M. Guffroy R.E.P. 2 bis 7-cyl R.E.P. de 35 ch 1 Embourbé le 1er jour

J. de Lesseps R.E.P. 2 7-cyl R.E.P. de 35 ch 2 Forfait

R. Esnault-Pelterie

R.E.P. 2 V8 Antoinette 50 ch 3 Forfait

P. Tissandier Wright A 4-cyl Wright B. & Marre 32 ch 4 110 km en 1 h 46 6e Prix de distance 5.000 francs

J. Gobron Voisin 4-cyl Gobron-Brillié 55 ch 5 Qualifié le 23 août

R. Sommer H Farman III 4-cyl Vivinus 50 ch 6 Qualifié le 22 août 5e prix de vitesse 1er jour

Ch. de Lambert Wright A 4-cyl B. & Marre 32 ch 7 116 km en 1 h 52 mn 4e Prix de distance 5.000 francs

G. Curtiss Curtiss V8 Curtiss 50 ch 8 30 km en 23 mn

20 km en 15 mn 50 s

1er Prix de vitesse

Coupe Gordon Bennett

10.000 francs

25.000 francs

G. Curtiss Curtiss V8 Curtiss 35 ch 9 Appareil forfait

M. Clémenceau R.E.P. 1 V8 Antoinette 25 ch 10 Forfait

R. Demanest Antoinette VIII V8 Antoinette 50 ch 11 Forfait

E. Ruchonnet Antoinette V8 Antoinette 50 ch 12 Forfait

H. Latham Antoinette IV V8 Antoinette 50 ch 13 111 km 5e Prix de distance 5.000 francs

A. Santos-Dumont

Demoiselle 20 4-cyl Darracq 28 ch 14 Pilote forfait

P. Tissandier Wright A 4-cyl B. & Marre 32 ch 15 Moteur cassé

L. Delagrange Blériot XI 3-cyl Anzani 25 ch 16 Qualifié le 23 août

De Rue (Ferber) Voisin V8 Antoinette 50 ch 17 Non qualifié

Kluijtmans Kluijttmans V8 Antoinette 50 ch 18 Forfait

L. Bréguet Bréguet I V8 Renault 50 ch 19 S’est mis en pylone

L. Paulhan Voisin 7-cyl rotatif Gnome 50 ch 20 131 km en 2 h 43 3e Prix de distance 10.000 francs

L. Blériot Blériot XI 3-cyl Anzani 25 ch 21 Bris d’hélice

L. Blériot Blériot XII V8 ENV 50, 60 et 80 ch 22 76,95 km/h Record de vitesse

L. Blériot Blériot XII 3-cyl Anzani 40 ch 23 20 km en 15 mn 56 Coupe Gordon-Bennett

A. Leblanc Blériot XI 3-cyl Anzani 25 ch 24 Problèmes de moteur

E.Lefebvre Wright A (Ariel) 4-cyl Wright B. & Marre 32 ch 25 Vole avec le marquisde Polignac

4e Prix de vitesse 2.000 francs

W. Wright Wright A (Ariel) 4-cyl Wright B & Marre 32 ch 26 Forfait

E. Bunau-Varilla Voisin V8 Antoinette 50 ch puisGnome 50 ch

27 Qualifié le 22 août Prix des mécaniciens 2.500 francs

H. Rougier Voisin 4-cyl Itala 50 ch, Renault 50 ch 28 55 mètres 4e Prix d’altitude 1.450 francs

H. Latham (GBailly)

Antoinette V8 Antoinette 50 ch 29 155 mètres

154 km

1er Prix d’altitude

2e Prix de distance

10.000 francs

25.000 francs

H. Farman H Farman III 4-cyl Vivinus 40 ch puis 7-cylrotatif Gnome 50 ch

30 10 mn 39

180 km

10 km avec passagers

1er Prix de distance

13.000 francs

50.000 francs

E. Deroche Voisin V8 Antoinette 50 ch 31 Forfait

H. Farman H Farman III V8 Antoinette 50 ch 31 Inscrit le 15 juin

G. Cockburn H Farman III 7-cyl rotatif Gnome 50 ch 32 Qualifié le 22 août 8e Prix du tour de piste

H. Fournier Voisin V8 Antoinette 50 ch 33 Casse ses ailes le23/08

H. Farman H Farman 4-cyl Vivinus 40 ch 34 Qualifié le 23 août

L. Schreck Wright à roues 4-cyl Wright B. & Marre 34 Forfait pilote

L. Bathiat Fernandez V8 Antoinette 25 ch 35 Forfait

Ch. de Lambert Wright A 4-cyl Wright B & Marre 32 ch 36 Forfait

E. Sanchez-Besa Voisin 4-cyl Gobron-Brillié 55 ch et V8Antoinette 50 ch

37 Réglages défaillants

G. Legagneux Voisin V8 Antoinette 50 ch 38 Qualifié sur n° 17

A. Goupy Goupy II V8 Antoinette 50 ch Forfait

G. Busson Witwig-Lioré-D. V8 Renault 50 ch Forfait

A. Odier Odier-Vendôme 2-cyl Turcat-Méry 18 ch Forfait

Les concurrents et les résultats du meeting de Reims 1909. (Gérard Hartmann).

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La Grande Semaine d’Aviation de la Champagne, Reims du 22 au 29 août 1909

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Ingénieur de grande classe, Pierre Clerget a fait remarquer à Adolphe Clément-Bayard, son patron (connu pour sonavarice), qu’il était moins bien payé que les ouvriers. Réponse du patron : vous pouvez augmenter votre salaire eneffectuant des vols sur les produits de la société, la moitié des gains sera pour vous.

Clerget à Reims en 1909 (quatrième à partir de la gauche) est venu en ballon, sur l’Aurore III. Il termine pour lafirme Clément-Bayard qui l’emploie une tournée de démonstrations qui a duré plus d’un an et demi. (CollectionClerget).

Dès qu’il put, Clerget reprit sa liberté.

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Les qualificationsD’importantes et inattendues personnalités

sont annoncées : revenu de Cherbourg où ilavait présidé la revue navale avec le tsar Ni-colas II, le président de la République ArmandFallières et son épouse vont honorer le mee-ting de leur présence, Monsieur Millerand aus-si, de même que le Général anglais French, leGénéral Brun chef des armées et ministre dela Guerre, Lord Northcliffe, directeur du DailyMail, Lloyd George, le Chancelier del’échiquier britannique et le prince Albert deBelgique.

Contrairement à leur crainte, les organi-sateurs ne vont pas perdre d’argent. Plus decent mille spectateurs se massent chaque jourautour de la piste et de l’entrée del’hippodrome pour assister aux envolées ; lesorganisateurs vont enregistrer pour la semaineun total de plus d’un million d’entrées. 150 000spectateurs achètent un billet le 28 août, jourdes finales et 300 000 le lendemain, jour de lacourse de vitesse de la Coupe Gordon-Bennett. Ville la plus proche, Reims n’avait ja-mais connu une telle agitation. Les hôtels sontpris d’assaut. Les boulangers ont tout venduun quart d’heure après l’ouverture du matin.

La tribune officielle. (L’Illustration).

Les commissaires sportifs sont en place :le comte Castillon de Saint-Victor, Paul Rous-seau, Edouard Surcouf, Georges Besançon etFrançois Peyrey et leurs assesseurs. La quali-fication consiste en fait à réaliser un tour depiste, avec ses quatre virages, donc avec unvent différent à chaque côté. Beaucoup n’yparviennent pas. Ce n’est pas une surprise, lespilotes qui se qualifient à Bétheny sont expé-rimentés et possèdent déjà des heures de volau compteur. Louis Blériot pilote - et qualifie -trois appareils, deux nouveaux Blériot XII et unBlériot XI (moteurs Anzani et ENV, hélicesChauvière, toiles Continental) ; le sculpteuramoureux de vitesse Léon Delagrange (dontles premiers vols remontent à 1907) pilote leBlériot n° 16, tandis que le Blériot n° 24 est

engagé au nom d’Alfed Leblanc4. Latham qualifiefacilement ses deux monoplans Antoinette des ty-pes IV et VIII qui portent les numéros de course 29et 13. Notons que l’Antoinette n° 29 que pilote La-tham est engagée par un certain G. Bailly (unpseudonyme) pour un pilote non encore breveté.Jean Gobron, qui s’est entraîné au camp de Châ-lons-sur-Marne en juillet aux côtés de Maurice Col-liex, d’Henri Fournier (ex champion automobile) etdu capitaine Médéric Burgeat, pilote le biplan Voi-sin à moteur Gobron-Brillié n° 5, de même que Jo-sé Sanchez-Besa (n° 37).

Les résultats ne seront-ils qu’une question demoteur ? Les appareils Wright sont propulsés parun 4-cyl en ligne de 28-32 ch construit en Francechez Bariquand & Marre, peu puissant (plus prèsde 27-28 ch que de 32) mais robuste puisqu’il tientune bonne journée avant démontage. Anzani, lemotoriste vainqueur de la Manche, propulse avecses moteurs en éventail de 25 et 35 ch les appa-reils Blériot XI, le moteur Anzani de 45 ch allant auBlériot XII n° 23 destiné à la vitesse. Les moteursREP 35 ch de même architecture animent les mo-noplans REP. Henri Farman, qui pilote pour lapremière fois ses propres appareils, s’aligne au dé-but de la compétition avec des moteurs Vivinus(constructeur belge) fabriqués à Paris développant40 ch pour un poids de 140 kg, équipés de carbu-rateur Zénith et de magnéto Bosch.

Louis et Laurent Seguin sont là pour assistertechniquement leurs clients. Ils sont venus aveccinq mécaniciens dirigés par Sergan, le chefd’atelier chez Gnome, et neuf moteurs Omega.Trois d’entre eux sont montés dans des aéropla-nes, les autres mis en réserve. Le premier Omegaest placé sur le Farman de Cockburn. Pour motori-ser le Voisin de Paulhan lui est confié un secondrotatif Gnome de 50 ch qui lui a été offert par sesamis du journal L’Aviation. Les autres biplans Voi-sin sont propulsés par le moteur Gobron-Brillié de55 ch (qui en développe 45 tout au plus) réalisé àBillancourt. Blériot possède sur son appareil n° 22– qui est aussi avec le biplan Breguet le plus lourddu plateau, 620 kg - le moteur le plus puissant, unE.N.V. annoncé pour 80 ch (qui développe un peuplus de 65 ch) refroidi par eau, alors que Dela-grange a l’avantage de disposer de l’appareil leplus léger, 240 kg. Le troisième moteur Omega estproposé par Louis Seguin à Henri Farman, animantune hélice Chauvière de 2,60 m.

Parmi les qualifiés on compte Maurice Guffroy,aux mains du R.E.P. rouge portant le n° 1 (450 kg,20 m2 de surface portante). Employé chez Ariel,Eugène Lefebvre et son biplan Wright n° 25 (450kg, 40 m2 de surface portante) sont les seconds surla liste. Ingénieur chez Ariel (société fondée parLazare Weiller), Lefebvre détient la concession desbrevets Wright en France.

4. A quarante ans, Alfred Leblanc fait figure d’ancien. Ingénieur

dans l’industrie métallurgique, Leblanc pratique l’aérostationdepuis 1903 et à haut niveau puisque parallèlement à sesessais sur aéroplanes il va battre en ballon des records dedistance en France, Etats-Unis, Canada, Russie.

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Le Voisin-Gnome n° 20 de Paulhan à Bétheny, août 1909. (Musée de l’Air).

Ayant parcouru aux essais depuis le 16août 116 km, de Lambert se qualifie aisémentsur le biplan Wright n° 7 (470 kg et 50 m2 desurface portante). Il dispute toutes les épreu-ves (durée, altitude, vitesse, passagers).

Ex employé par la firme Antoinette, le ca-pitaine Ferdinand Ferber qui ne veut pas quesa carrière dans l’armée soit compromise unpeu plus s’est engagé sous le pseudonyme de« de Rue » sur le biplan Voisin n° 17, lui-aussidans toutes les épreuves.

Roger Sommer sur le biplan Farman à Bétheny en1909 (L’Illustration).

L’ancien champion cycliste Roger Sommer,inscrit sur deux biplans Farman, se qualifie surle n° 6, un Farman III, toiles Farman, moteurVivinus, carburateurs Zénith, magnéto Bosch,dans toutes les épreuves, sauf la hauteur.

Le jeune Etienne Bunau-Varilla, dont le père,ingénieur en charge de la construction du canal dePanama, lui a offert un biplan Voisin pour couron-ner la fin de ses études, porte le numéro 27 maisn’a jamais piloté en public. Il va pourtant se qualifierbrillamment et disputer toutes les épreuves.

Tout le petit monde intéressé par l’aviationnaissante est là, Georges Besançon5, membre descommissaires de l’Aéro-Club de France et rédac-teur en chef de la revue L’Aérophile ; le tonitruantErnest Archdeacon ; Henry Deutsch de la Meurthe,industriel fournissant la toile caoutchoutée, le gazpour remplir les ballons et l’essence des moteurs ;Léon Levavasseur, créateur de l’Antoinette et soncommanditaire l’industriel Jules Gastambide et sesdeux enfants Robert et Antoinette (c’est sa fille,Antoinette, qui a inspiré le nom de la société) ; lesaéronautes René et Pierre Gasnier du Fresne ;l’industriel Louis Renault ; Louis Breguet, pilote dé-butant, qui se qualifie avec brio sur le Breguet I, unbiplan de sa construction avec lequel il obtiendrason brevet de pilote de l’Aéro-Club de France endébut d’année 1910, avec le n° 52 ; l’ingénieurmotoriste Pierre Clerget6 assiste aux envolées,comme Lucien Chauvière, spécialiste des hélicesd’avion, Gaston Tissandier, le rédacteur en chef dela revue La Nature et célèbre aéronaute accompa-gne son fils Paul engagé sur biplan Wright aux cô-tés du comte et de la comtesse Charles de Lam-bert7 et le jeune fils de Lazare Weiller, Paul-LouisWeiller, 16 ans (futur PDG de Gnome & Rhône),qui fut en 1908 à quinze ans le premier passagerde Wilbur Wright. Entreprenants et festifs, Gabrielet Charles Voisin sont venus de Paris « soutenirleurs clients » au moyen d’une cuisine de campa-gne complète avec un chef de rang et une arméede marmitons.

5. Aéronaute et grand journaliste, Georges Besançon (1966-

1934) fut secrétaire général de la Fédération AéronautiqueInternationale (F.A.I.) de 1905 à 1909.

6. Clerget est venu à Reims en ballon.7. De Lambert, qui possède un fameux tir aux pigeons sur l’île

Seguin à Billancourt, et qui parle anglais couremment (samère était née à Londres) fut le premier élève civil de WilburWright à Pau. Il fut le premier aviateur à survoler le sol desPays-Bas, le 27 juin 1909 sur un Wright.

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Le 1er jour de compétitionLa compétition s’ouvre le dimanche 22

août au matin, 9 h 00. Au programme les éli-minatoires de la Coupe Gordon-Bennett devitesse, les essais (1ère séance) du Grand Prixde la Champagne et de la ville de Reims, lePrix du tour de piste (1ère séance) et le Prixdes aéronats (1ère séance). Le temps est exé-crable. La pluie intense de la veille a cessémais les bourrasques de vent persistent. Toutela semaine qui a précédé, il a plu et le mauvaistemps a transformé le terrain d’aviation deBétheny en bourbier. Les automobiles s’y en-foncent jusqu’au moyeux. La piste est encoretrès boueuse quand s’ouvre le concoursd’aviation et la présence du vent de travers nefacilite pas le départ des aviateurs.

Le premier concurrent qui tente un vol, leR.E.P. n° 1 rouge de Guffroy, doit être traînépitoyablement par un cheval sur la ligne dedépart. Moteur à pleins gaz, son pilote ne peutl’arracher à la boue et doit abandonner. Lapluie cesse un instant, ce qui provoque la sor-tie des aéroplanes, puis se remet à tomber, cequi provoque le retour des aéroplanes auxabris. Le spectacle n’est pas au rendez-vous,le public attend sous la pluie battante.

Second à s’élancer, vers 11 heures, leWright de Paul Tissandier décolle, grâce à sacatapulte, et doit bientôt s’arrêter, moteur noyépar la pluie. Avant midi Blériot prend l’air surson puissant type XII, et doit renoncer après2 500 mètres, en panne d’allumage, carbura-teur bouché par de l’herbe. Latham lui succèdeet ne parcourt même pas cette distance. Lepublic commence à s’impatienter. Heureuse-ment, Lefebvre effectue un beau tour de piste,en 8 mn 58 s et prend la tête du classement.

Illustration fantaisiste du Petit-Journal, montrant lemeeting de Bétheny 1909, avec un « ciel noird’aéroplanes ». (B.N.F.).

Personne ne vole durant plusieurs heures. Lepublic en profite pour déjeuner et boire quelquescoupes de champagne. Le spectacle de l’après-midi est pitoyable. Même les aéronats peinent àeffectuer un tour de piste. Vers 16 heures, le venttombe, la pluie cesse, un arc-en-ciel s’épanouit au-dessus de la cathédrale de Reims. La météos’améliore (pression atmosphérique). Plusieursaviateurs décident de prendre l’air. Avant la tombéede la nuit, les spectateurs qui ont eu la patienced’attendre sont satisfaits : jusqu’à sept appareilsvolent ainsi simultanément sur la piste. « Le cielétait noir d’aéroplanes » rapportera avec exagéra-tion le correspondant du Daily Mail, avec une admi-ration mêlée de crainte. En effet, alors que le jourtombe, plusieurs aéroplanes volent en formationserrée et frôlent le public massé devant la piste.C’est heureux qu’il n’y ait pas d’accident.

Paulhan (Voisin n° 20) en vol à Bétheny.

Au soir du 1er jour de la compétition sont quali-fiés pour la Coupe Gordon-Bennett : Eugène Lefè-vre (Wright n° 25), Blériot (avion n° 23), Latham(Antoinette n° 13), sont suppléants Tissandier(Wright n° 4), Latham (Antoinette n° 29), Paulhan(Voisin n° 20) et Sommer (Farman n° 6).

Economisant son unique aéroplane et son uni-que moteur de course, Curtiss renonce aux épreu-ves d’endurance. Convaincu de voler au cours dela semaine mais prudent, étant donné le temps,Henry Farman n’a pas encore tenté de prendre lapiste. L’homme qui connaît bien la compétition pouravoir disputé des quantités de courses cyclistes ades nerfs d’acier : rien ne semble pouvoir l’affecter.

Lefebvre (Wright n° 25) remporte le prix du tourde piste du jour, à la vitesse moyenne de 66,800km/h - nouveau record du monde de vitesse sur 10km - devant Tissandier (Wright n° 4), de Lambert(Wright n° 7), Latham (Antoinette n° 13 puis n° 29),Paulhan (Voisin n° 20), Sommer (Farman n° 6)Cockburn (Farman n° 32) et Bunau-Varilla qui aacheté et fait monter un moteur Gnome sur sonVoisin n° 27.

Sur trois tours de piste (30 km) Tissandier avec62,200 km/h, devance de Lambert, Lefebvre, Paul-han et Sommer.

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Le 23 aoûtAu programme du second jour, le Prix de

vitesse (1ère séance), le Prix du tour de piste(2ème séance), le Prix des passagers et le Prixdes aéronats (2ème séance). Tôt le matin alorsque la foule a déjà envahi les tribunes, les volssont encore difficiles à cause des rafales devent, toujours de travers par rapport à la pistede départ. Ferber décolle et en fait les frais : ilcasse du bois au bout de 100 mètres. Ce serasa seule prestation à Bétheny ; rappelé parl’Armée après un congé sans solde de troisans, le célèbre capitaine ne dispute pas la findes épreuves. Son appareil est confié à Geor-ges Legagneux, mécanicien chez Antoinette,et qui a débuté sur le triplan Farman en Autri-che.

Toujours à cause du vent qui souffle à 8m/s, Blériot heurte le sol au second pylône.Plus aérien, Bunau-Varilla vole sur 100 mètres(miracle du Gnome !). De Lambert ne parvientpas à décoller son biplan Wright, malgré sesdeux hélices. Blériot repart et essuie aussitôtune seconde chute. Delagrange parvients’envoler, son appareil tangue dangereuse-ment, prend un peu de hauteur et finit partomber au troisième pylône après un vol de sixminutes. En fin de matinée, Bunau-Varilla, quivole à trente mètres d’altitude ne peut contrô-ler son aéroplane lors d’un virage et s’abatdans un champ de blé, heureusement sansdommage pour le pilote.

Le Blériot XI de Blériot à Bétheny, 1909.

A midi, les vols se succèdent, de plus enplus nombreux, sans entraîner l’enthousiasmedu public. Paulhan décolle et tient l’air unebonne heure ; mais tout près du but qu’il s’estfixé, les cinquante kilomètres, il tombe enpanne d’essence. Le léger réservoir qu’il amonté est trop petit. Delagrange reprend lapiste ; il ne fait que 20 mètres. Gobron lui suc-cède ; il ne tient l’air que sur 200 mètres. La-tham reprend la piste sur son monoplan Antoi-nette mais casse son hélice. Fournier quitte lesol et démolit son biplan Voisin pourtant ro-buste. Lefebvre tombe bêtement à l’extrémitéde son rail de lancement. Paulhan repart vers14 heures avec un nouveau réservoir de plusgrande capacité, suivi par Lefebvre. Sanchez-Besa parcourt tout au plus 100 mètres avant

de s’affaler au sol. Blériot qui prend le départ à sasuite vole trente secondes : son appareil sembledéréglé. Delagrange tient l’air à peine une minute.A ce stade du meeting, le spectacle est désolant etle public commence à quitter le terrain d’aviation,furieux du prix d’entrée.

Glenn Curtiss photographié aux commandes de son aé-roplane, Reims 1909. (Carte postale ancienne).

Après quasiment deux journées d’essais, deLambert n’est pas parvenu à faire décoller son bi-plan Wright, pourtant lancé d’une catapulte. Gobronn’a parcouru que 500 mètres, de même que leflegmatique Henri Farman, qui effectue tranquille-ment les réglages de sa machine sans chercherune performance. Latham parvient à voler cinq ki-lomètres, un demi-tour de piste, au moment oùCurtiss se qualifie pour la Coupe Gordon-Bennettde façon retentissante, en battant sur un tour le re-cord du monde de vitesse : 69,800 km/h. Pendantce temps, Paulhan avec son Gnome rotatif équipéd’un grand réservoir a accompli tranquillement unvol de 56 km et il prend la tête du Grand Prix deChampagne devant Lefebvre, biplan Wright.

Comme Farman, Blériot effectue des sortiesutiles plutôt que retentissantes. Il entreprend derégler méthodiquement pour la course de vitesseses appareils n° 21, 22 et 24 dans cet ordre.

Cockburn effectue le tour de piste qualificatifsur son Farman III à moteur Gnome. Henry Far-man, enfin, au soir du second jour, a qualifié sonappareil n° 30 sans difficulté.

Les biplans Voisin de Gobron, Fournier et Bu-nau-Varilla réalisent le tour de piste aux mains deleurs pilotes, Delagrange (Blériot n° 16) fait demême.

Au soir du second jour, alors que le public alargement quitté la pelouse, le meeting aériencommence à devenir intéressant.

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Le biplan Voisin de Louis Paulhan à Reims en 1909 est l’un des trois aéroplanes équipés d’unmoteur rotatif Gnome Oméga de 50 ch. (Musée municipal de Sartrouville).

Paulhan a reçu de Louis Seguin un moteur Gnome 50 ch monté sur son Voisin dès les premiers jours du meetingde Reims 1909. Avec une excellente bipale Chauvière, il propulse l’aéroplane qui lui a été offert par le journalL’Aviation après sa victoire au concours des modèles réduits d’appareils d’aviation disputé le 21 juin 1908 dans laGalerie des machines du Vélodrome d’hiver à Paris. On voit le réservoir supplémentaire monté par Paulhan.

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Le mardi 24Le troisième jour de la compétition est ré-

servé à un petit programme puisque seuls sontdisputés le Prix du tour de piste (3ème séance)et le Prix des aéronats (3ème séance). Au matinde ce troisième jour, alors qu’une foule denseattend les aéroplanes et leurs glorieux avia-teurs, le temps est de nouveau détestable. Lespilotes doivent attendre une éclaircie avant des’élancer.

Louis Paulhan en 1908

Dès que les machines sont sorties, lespremiers s’étant élancés, la foule se met àcrier. Lefebvre sur son Wright se livre à desacrobaties au-dessus des tribunes, passant

sous les concurrents en piste et en plein vol, ef-fectuant des huit et rasant la piste, obligeant lesphotographes affolés à se jeter à plat ventre.

Moins spectaculaire mais plus difficile à réali-ser, sur son Blériot XII n° 22 à moteur E.N.V. de 80ch, Blériot reprend à Curtiss le record du monde devitesse, 74,308 km/h sur un tour de piste effectuéen 8 mn 04 secondes et 2/5.

La journée est marquée par la visite du prési-dent de la République, son épouse et ses minis-tres. Le train présidentiel arrive à Bétheny à 15 h55. En descendent messieurs Armand Fallières,Aristide Briand, président du Conseil et chef dugouvernement, Alexandre Millerand, ministre desTravaux publics et des Communications, Jean Du-puy, ministre du commerce, le général Jean Brun,ministre de la Guerre, M et Mme Jean Lanes et di-vers officiers de l’état-major des armées.

Le départ du président de la République estsalué par Bunau-Varilla, le seul à voler encore lesoir de cette journée où le ciel est de nouveausombre, humide et venteux. Le jeune pilote accom-plit un tour complet de piste sous les applaudisse-ments du public.

Autre fait marquant de la journée, Latham estadmiré pour l’élégance de son pilotage : à bord deson Antoinette il survole en vol la machine de De-lagrange « en se penchant par dessus son aéro-plane ». Le dandy des airs a conquis totalement lepublic, subjugué par l’aisance dont il fait preuve auxcommandes de sa machine.

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Le 4ème jourAu programme de ce quatrième jour de

compétition, le Grand prix de la Champagne etde la ville de Reims (2ème séance), le Prix dutour de piste (4ème séance) et le Prix des aéro-nats. Le vent est vif, 10 m/s, souffle en rafales,provoquant des remous. Beaucoup d’appareilsqui sont sortis ne volent pas et regagnent leurhangar quand le vent fraîchit.

Le président de la République et les membres dugouvernement se sont font présenter un biplanWright, le mardi 24 août 1909. (L’Aérophile).

Curtiss tente vainement de reprendre àBlériot le record de vitesse sur un tour depiste, avec 10 km effectués en 8 mn 11 s(74,900 km/h).

Rougier est en passe d’abandonner lacompétition, ayant cassé son moteur Itala.

Fournier sur son biplan Voisin fait un che-val de bois.

Lefebvre fait des virages sur l’aile. (L’Illustration).

Paulhan, grâce à son gros réservoir et auGnome rotatif qui marche comme une horloge,tient l’air pendant 2 h 43 mn 24 s, nouveau re-cord du monde de durée de vol et de durée devol. Il se félicite d’avoir abandonné son moteurAntoinette, il a couvert 133,676 kilomètres : le

record du monde de durée de vol des frères Wright(124, 700 km) est battu ! Farman le regarde d’un airdubitatif. Le petit rototo Gnome serait-il fiable à cepoint ? Dans le Grand Prix de Champagne, Paul-han devance maintenant en effet Latham auteurd’un superbe vol de 31 kilomètres et Lefebvre deplusieurs longueurs.

Distance Temps total Temps au tour10 km 12 mn 16 s 12 mn 16 s20 km 24 mn 10 s 11 mn 53 s30 km 35 mn 58 s 11 mn 48 s40 km 48 mn 13 s 12 mn 14 s50 km 1 h 00 mn 31 s 12 mn 18 s60 km 1 h 12 mn 55 s 12 mn 12 s70 km 1 h 25 mn 08 s 12 mn 12 s80 km 1 h 37 mn 58 s 12 mn 49 s90 km 1 h 50 mn 37 s 12 mn 39 s

100 km 2 h 04 mn 33 s 13 mn 55 s110 km 2 h 16 mn 45 s 12 mn 12 s120 km 2 h 28 mn 36 s 11 mn 51 s130 km 2 h 40 mn 11 mn 24 s

Le tour par tour de Paulhan et son Gnome 50 ch le 25août 1909 à Bétheny. (Source : Aéro-Club de France).

Le brillant ingénieur et pilote Eugène Lefevbre devaittrouver la mort le 7 septembre à Port-Aviation.

Que fait Henri Farman au soir de cette qua-trième journée ? Il s’est enfermé avec ses mécani-ciens dans son stand et il prépare quelque chose :Louis Seguin a tenu promesse, avec un an de re-tard : la veille du meeting il a livré à Farman unmoteur de 50 ch qui pèse moins de 60 kg qui faitmerveille sur la piste aux mains de Paulhan. Far-man se dépêche de faire démonter par ses méca-niciens son lourd Vivinus et d’installer sur sa ma-chine le petit 7-cyl construit à Gennevilliers, avecune hélice Chauvière toute nouvelle, aérodynami-que, la fameuse « intégrale » testée en soufflerie.L’hélice a été taillée à Paris en catastrophe et c’estDick Farman, l’aîné des trois frères, qui s’est char-gé de la convoyer à Bétheny par le train. Pendantles trois premiers jours, le public n’a pas vu lemeilleur aviateur français. Farman et ses mécani-ciens ne sont quasiment pas sortis de leur hangar,le temps de refaire le centrage de la machine. Or, ilne reste que trois jours de compétition.

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La Grande Semaine d’Aviation de la Champagne, Reims du 22 au 29 août 1909

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Avec l’Aurore III Clément-Bayard à Reims, 1909. (Collection Clerget).

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Le jeudiAu programme du jour, le concours de

précision d’atterrissage pour ballons sphéri-ques, le Grand prix de Champagne de durée,le Prix du tour de piste (5ème séance) et en finde journée le Prix des aéronats (5ème séance).Les envolées reprennent de bonne heure parune météo favorable, le ciel étant dégagé.

Latham, sur son Antoinette n° 29 est le hé-ros de cette journée dont le programme nes’annonçait pas passionnant, les élévations deballons (on en voit depuis au moins vingt ans)et celle du dirigeable Colonel-Renard étantdédaignés par le public. Dans la matinée, La-tham effectue un vol long de 70 km à grandevitesse, en 1 h 01 mn 51 s.

Par ses nombreux tours de piste effectuésdans l’après-midi, il reprend à Paulhan la têtedes épreuves de distance avec 154,375 kmparcourus en 2 heures 19 minutes, nouveaurecord du monde de distance. A l’atterrissage,à bout d’essence, il est acclamé pendant dixminutes par les spectateurs et « embrassé fré-nétiquement par des dames ». Ce vol de 150kilomètres semble devoir lui rapporter les50 000 francs du prix d’endurance, mais le ta-lentueux et discret Henry Farman n’a pas en-core pris la piste.

De Lambert ne comptabilise que 116 km,Latham (Antoinette n° 13) 70 km et Curtiss n’afait que 30 km.

Breguet I (moteur Renault) à Bétheny (au centre etci-dessus). Le plan supérieur de voilure, démonté ici,est à calage ou incidence variable. (Musée de l’Air).

Henry Rougier, ancien champion cyclisteet pilote automobile de course (il a disputé lechampionnat du monde 1906 au volant d’uneDe Dietrich et s’est orienté vers l’aviation en1908) qui a monté un moteur neuf tombe aumilieu de la foule avec son Voisin, heureuse-ment sans blesser personne : il a failli heurterun couple qui déjeunait sur l’herbe. Pour lui etsa machine, le meeting semble terminé.

Une fois encore, et ceci malgré son éco-nomie de moteurs, Curtiss est très rapide surun tour : il n’a mis que 8 mn 32 s pour avalerles 10 km de la piste. Il va falloir compter avec

lui dans la Coupe Gordon-Bennett samedi. Blériot,son adversaire le plus opiniâtre, est handicapé parla perte de sa meilleure machine : en tentantd’éviter les gardes à cheval, il a foncé sur les palis-sades et brisé l’hélice de son monoplan le plus ra-pide. Par chance, les spectateurs appuyés à la bar-rière ont eu tout juste le temps de reculer. Cettefois encore, on a échappé de peu à un accident.

Henry Farman sur son premier aéroplane à Reims en1909 a remplacé le moteur Vivinus d’origine automobilepar un moteur plus léger de même puissance : le GnomeOméga de 50 ch. (L’Illustration). Il réussit la performancede l’année, un vol de trois heures, avec cette nouvellemécanique, baptisée « rototo » par les journalistes.

Maurice Farman, photographié en 1909. (Carte postaleancienne).

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Le 26 août 1909, Curtiss dans ses œuvres. (Carte postale ancienne).

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Le 27 aoûtAu programme du sixième jour, le Grand

prix de la Champagne et de la ville de Reims(3ème séance), le Prix du tour de piste (6ème

séance) et le Prix des aéronats (6ème séance).Le temps est beau et le vent s’est calmé.

La journée est marquée par la visite duministre des Travaux publics, Alexandre Mille-rand et par des accidents spectaculaires. Ils’en faut de peu qu’une collision en plein volentre deux aéroplanes ne vienne endeuiller lemeeting. Paulhan décolle son biplan Voisin etcoupe la trajectoire du Blériot de Delagrange,lancé à pleine vitesse. Le premier réussit àéviter le second en piquant ; son avions'écrase au sol. Paulhan s'en sort avec uneblessure au nez. Le beau Voisin n° 20 est dé-moli.

Le Voisin n° 20 de Paulhan accidenté après sa ren-contre avec le Blériot de Delagrange. (Brangier).

Le Farman à moteur Gnome (fin de l’année 1909).

Louis Seguin ne sait pas s’il doit rire oupleurer. Avec un vol de 131 kilomètres accom-pli en 2 heures 43 minutes, Paulhan avec sonpetit sept cylindres Gnome au moment de sonabandon occupe la troisième place en dis-tance, brigue les 10 000 francs du Grand Prixde Champagne et la troisième place du Prixd’altitude, avec 90 mètres. Malgré ses petitesdimensions, l’incroyable rototo tient bon. Au-cun des quatre moteurs Gnome en lice n’acassé. Les cinq moteurs de rechange n’ontpas encore servi. S’il n’avait pas surchargé

son appareil d’un réservoir supplémentaire de 30kg pour voler plus longtemps ni connu un bris deson aile gauche en évitant le Blériot de Delagrange,Paulhan aurait probablement remporté le GrandPrix de la Champagne.

Farman à moteur Gnome portant un passager (fin del’année 1909). (La Vie au Grand Air).

Farman sort enfin de son hangar et prend lapiste vers 16 heures, équipé du rototo. Il décolle endouceur et se met à effectuer régulièrement destours de terrain à trois mètres du sol. Il passe etrepasse inlassablement devant les tribunes. On finitpar ne plus faire attention à lui. Au bout de deuxheures de vol, il a déjà battu le record du monde dedistance de 125 km établi par Wilbur Wright auMans au mois de décembre précédent. Farmanpoursuit sa course à travers les airs.

Après 131 km : la performance de Paulhan estdépassée. Le rototo claque dans l’air et tourne ré-solument rond. Une demi-heure plus tard, Farmanbat le record de Latham du jour précédent. Il voledepuis presque trois heures. S’il parcourt 12 km deplus, il établit le nouveau record du monde. Sonmoteur pétarade et sème son huile tout autour delui mais semble ne jamais devoir s’arrêter. Farmanpoursuit son interminable ronde solitaire jusqu’à latombée de la nuit.

A 19h30, le chronométrage officiel est inter-rompu et l’aviateur continue à tourner régulière-ment, à une vitesse de 70 km/h, aidé par la lumièredes phares d’automobiles allumés à son intention.Finalement, probablement sous le coup de la fati-gue, ou n’ayant plus d’huile, il achève son vol noc-turne, atterrit au milieu du terrain devant la grandetribune et vient saluer les spectateurs. Dès qu’il astoppé sa machine, couvert d’huile, la foule se pré-cipite sur lui et le porte en triomphe.

Farman remporte le Grand Prix de distanceavec les 50 000 francs de prime ; il a volé plus detrois heures sur 180 km. Le rototo a carburé, sansdéfaillance. Grâce à cette petite mécanique, Far-man est devenu le héros de la sixième journée dumeeting de Reims. Il a battu le record du monde dedurée de vol. Louis Seguin est radieux et paie lechampagne à tous les mécaniciens.

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Le samediAu programme ce samedi 28 août 1909, la

Coupe internationale d’aviation Gordon-Bennett, le Prix du tour de piste (7ème et avant-dernière séance), deux épreuves phares et enfin de journée le Prix des aéronats (7ème

séance). Le temps est beau et la foule a enva-hi le terrain.

James Gordon-Bennett en 1902. (L’Aérophile).

La Coupe de vitesse Gordon Bennett sedispute le samedi, avant dernier jour du mee-ting, entre cinq aviateurs « rescapés » desjournées précédentes, Blériot sur son appareilXII n° 22, Latham sur son Antoinette n° 29,Lefebvre qui pilote le Flyer n° 25, Cockburn surson Farman III à moteur Gnome lequel moteurse montre étonnamment aussi rapide qu’il estendurant et Curtiss sur son appareil n° 8.

Chute du Blériot XII le 28 août. Louis Blériot sortitindemne ce cet accident causé par une rupture de« corde à piano » sur son Blériot XII n° 22. Piquantdu nez, l’appareil s’écrasa au sol et son moteurE.N.V. prit feu. Le public fut effrayé, mais Blériot seroula dans l’herbe et se dégagea des flammes. (LaVie au Grand Air 1909).

Au cours de l’épreuve de vitesse, Blériot,qui souffre encore de ses brûlures aux jambesdu début de saison à bord de son Blériot VIII,

et qui a brisé un monoplan la veille, connaît unnouvel incident. Il perd une pale d’hélice qui vientsectionner une corde à piano de sa voilure. Sonrapide Blériot XII s’écrase au sol, le réservoir ex-plose et le moteur E.N.V. prend feu ; heureusementBlériot est indemne. Latham, qu’il a battu lors de latraversée de la Manche quelques semaines aupa-ravant, vient le relever sportivement, sous les ap-plaudissements de la foule.

Le Blériot accidenté le 28 août. (L’Aérophile).

Les essais de la coupe de vitesse sont émail-lés accidents. Louis Breguet réussit à décoller,mais après une centaine de mètres de vol il metson biplan en pylône.

Rapide (trop ?), Cockburn vire trop bas, toucheune meule de foin et s’écrase au sol. C’en est finide ses chances, sa machine étant irréparable.

Lefebvre sur son Wright dont le moteur atteint37 ch grâce à de judicieux réglages (mesurés audynamomètre), doit lutter contre le vent mais atteint64 km/h.

Latham, déporté par le vent, manque un vi-rage.

Blériot remporte la course de vitesse. Il est leplus rapide sur 10 km avec 77 km/h, tandis queCurtiss remporte la Coupe Gordon-Bennett sur 20km et les 25 000 francs de prime.

Louis Breguet apprend à piloter quand se dispute le mee-ting de Bétheny 1909. Sur un appareil de sa fabricationpropulsé par un moteur V8 Renault, il réussit un décollagemais capote à l’atterrissage. (Musée de l’Air).

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Le grand dirigeable Astra Colonel-Renard. (MAE).

A Bétheny, le 27 août, piloté par Kapférer, codirecteur de la Société Astra, le mastodonte effectue un tour de piste(10 km) en 15 mn 39 s, une distance que Blériot et Curtiss couvrent en 8 minutes, avant de regagner son terrain demanœuvre des Dragons.

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Le dimanche 29Au programme en ce dernier jour de compé-

tition, le Prix de la vitesse (2ème séance) qui sedispute sur 30 km, le Prix d’altitude (séance uni-que), le Prix du tour de piste (8ème et dernièreséance) et le Prix des aéronats (8ème et dernièreséance). C’est aussi le jour de la distribution desprix et des podiums. Pour la première fois, onoffre le champagne au vainqueur sur le podium.

Dans le Prix de vitesse (30 km), Curtiss, fortde sa victoire dans la Coupe Gordon-Bennett,est imbattable et il s’adjuge les 10 000 francs duPrix en survolant les trois tours de piste en 25mn 39 s. Au passage, il bat le record du mondede vitesse sur 20 km (75,671 km/h). Il devanceLatham, 26 mn 33 s et Lefebvre en 29 mn 59 s,classé quatrième car Tissandier le 22 août a faitmieux, 28 mn 59 s.

Prix Résultat20 000 francspour quatre prixofferts par Heid-sieck-Monopoleet Louis Roederer1er – 10 000francs2ème –5 000francs3ème – 3 000francs4ème – 2 000francs

1er – G Curtiss, biplan Curtiss,25 mn 39 s2ème - H Latham, Antoinette,26 mn 33 s3ème – P Tissandier, biplanWright 28 mn 59 s4ème – E Lefebvre, biplanWright, 29 mn

Prix de la vitesse sur 30 km (22 au 29 août).

Le Prix d’altitude est remporté par Latham,crédité de 155 mètres (premier record du mondeofficiel pour aéroplanes), devant Farman, 110 m,Paulhan, 90 m et Rougier, 55 m.

Prix Résultat10 000 francsofferts par Moëtet Chandon, unseul prix

H Latham, Antoinette, 155 m2ème H Farman, 110 m, nonclassé

Prix de l’altitude (Dimanche 29 août).

Disputé le samedi 28 août, le Prix des pas-sagers, qui consiste à transporter sur un tour depiste le plus grand nombre de passagers le plusvite possible, est attribué à Farman, qui a effec-tué un tour de piste avec deux passagers à sonbord en 10 mn 39 s, puis un passager en 9 mn52 s, devant Lefevbre, un seul passager, en 11mn 05 s.

Prix Résultat10 000 francsofferts par VeuveClicquot-Ponsardin, unprix

H Farman et deux passagers,10 mn 39 s2ème H Farman avec un passa-ger, 9 mn 52 s, non classé

Prix des passagers, un tour de piste avec le plus grandnombre de passagers (Samedi 28 et dimanche 29août).

Dans le Prix du tour de piste, la performanceétablie le samedi par Blériot (7 mn 47 s) à lamoyenne de 76,955 km/h peut être battue parCurtiss le dimanche 29, car l’Américain est toutproche avec un temps de 7 mn 49 s.

Prix Date Résultats22 août 1 – Lefebvre, 8 mn 58 s

2 – Tissandier, 9 mn 26 s3 – de Lambert, 9 mn 33 s4 – Latham, 9 mn 47 s5 – Cockburn, 11 mn 40 s6 – Paulhan, 10 mn 50 s7 – Sommer, 10 mn 54 s8 – Bunau-Varilla, 13 mn 30

23 août 1 – Curtiss, 8 mn 35 s2 – Blériot, 8 mn 42 s3 – Lefebvre, 8 mn 58 s4 – Farman, 9 mn 6 s5 – Latham, 10 mn 45 s6 – Delagrange, 11 mn 03 s

24 août 1 – Blériot, 8 mn 4 s (*)2 – Curtiss, 8 mn 35 s3 – Lefebvre, 8 mn 58 s

25 août 1 – Blériot, 9 mn 4 s2 – Curtiss, 8 mn 11 s

26 août 1 – Latham, 8 mn 32 s2 – Legagneux, 9 mn 56 s

27 août28 août 1 – Blériot, 7 mn 47 s29 août 1 – Curtiss, 7 mn 49 s

10 000 francs o f-ferts par Pommeryet Greno1er – 7 000 francs2ème – 3 000 francs

1er – L Blériot, Blériot n° 22,7 mn 47 s2ème – G Curtiss, biplanCurtiss, 7 mn 49 s

Prix du tour de piste, meilleur temps sur un tour depiste (22 au 29 août).

Le 29, sous les chronomètres des commis-saires de l’Aéro-Club de France qui enregistrentpour la Fédération Aéronautique Internationale(F.A.I.), Curtiss tente de battre différents recordsdu monde de vitesse sur plusieurs tours de piste.Il établit en 15 mn 27 s le record du monde devitesse sur deux tours (20 km) puis sur trois (30km), en 23 mn 29 s.

Prix Résultat100 000 francs(or) pour six prix :1er – 50 000francs2ème – 25 000francs3ème – 10 000francs4ème – 5 000francs5ème – 5 000francs6ème – 5 000francs

1er – H Farman, biplan Farman,180 km2ème - H Latham, Antoinette n°29, 154,5 km3ème - L Paulhan, biplan Voisin,131 km4ème - de Lambert, biplanWright, 116 km5ème - H Latham, Antoinette n°13, 111 km6ème – P Tissandier, biplanWright, 111 km

Grand Prix de la Champagne et de la ville de Reimsrécompensant la plus grande distance couverte (23 au27 août).

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Au soir du 29 août, les comptes sont vitefaits. Vainqueur du Grand Prix de Champagne etdu Prix des passagers, Henry Farman empoche60 000 francs. Second dans le Grand Prix de laChampagne, vainqueur du Prix d’altitude, seconddans le Prix de la vitesse et troisième dans laCoupe Gordon-Bennett, Latham rafle 48 666francs de primes dans trois disciplines, ce qui estremarquable.

Vainqueur de la Coupe Gordon-Bennett,vainqueur du Prix de vitesse et second du Prixdu tour de piste, Curtiss empoche 38 000 francs.

Prix Résultat12 500 francs auClub gagnant, 25 000francs à l’aviateur

G Curtiss, biplan Curtiss,15 mn 30 s

Coupe Gordon-Bennett, meilleur temps sur deux toursde piste (20 km), samedi 28 août.

Grand perdant dans plusieurs disciplines,vainqueur du Prix du tour de piste et seconddans la Coupe Gordon-Bennett, Blériot engrange12 500 francs, le prix d’un aéroplane.

Paulhan (10 000 francs), de Lambert (5 000francs) et Tissandier (8 000 francs), Lefebvre(3 834 francs), Bunau-Varilla (2 000 francs) etRougier (1 000 francs) se partageant les miet-tes8.

Epreuve de vitesse sur 50 km, le Prix des aé-ronats est remporté le dimanche 29 par le granddirigeable Astra Colonel-Renard (pilote H Kapfé-rer, moteur Panhard-Levassor de 125 ch), de-vant le petit Zodiac III (M. Mallet) piloté par Henryde La Vaulx (moteur Clément-Bayard-Clerget 40ch), dans l’indifférence générale. Le Zodiac ef-fectue quatre sorties, à 10 h, 11 h, 15 h 30 et 18h.

Prix Résultat10 000 francs offertspar G.H. Mumm, unseul prix

H Kapférer sur dirigeable« Colonel Renard », 1 h 19mn 49 s

Prix des aéronats, cinq tours de piste dans le meilleurtemps (22 au 29 août).

Devant le travail considérable abattu par lesmécaniciens dans les stands et sous les hangarsde toile (donc hors de la vue du public), face aumanque d’intérêt manifesté par le public pour lePrix des aéronats, lesquels devaient illuminer detoute leur puissance le meeting, mais ne déclen-chant que des sifflets, constatant la fraîcheur desaéroplanes, les organisateurs décident le 28 decréer le jour suivant un Prix de récompense. CePrix dit des mécaniciens est accordé sous lesconditions suivantes : tout aviateur prenant ledépart entre 15 h et 18 h reçoit pour ses mécani-ciens une prime de cinq francs par kilomètre par-couru. Les escales et les ravitaillements sur lepelouse face au public sont bien sûr autorisés.

Bunau-Varilla et Henry Rougier pour l’écurieVoisin se disputent l’épreuve, le premier abattant 8. Ce premier meeting aérien de l’histoire a été filmé par les

reporters lyonnais de Pathé Cinéma. Une séquence a étémiraculeusement préservée et est encore visible au mu-sée Air France.

100, le second 90 km.

Prix Résultat1er prix – 2 000 francs2ème prix – 1 000francs3ème prix – 500 francs

1er – E Bunau-Varilla (Voi-sin), 100 km2ème H Rougier (Voisin),90 km3ème R Sommer (Farman),non communiqué

Prix des mécaniciens, épreuve de distance avec esca-les.

Conclusion

Alors qu’on s’attendait de la part des aéro-planes à des sauts de puce, cent vingt vols eu-rent lieu durant cette première semaine deChampagne (123 en comptant les aéronats),dont 97 supérieurs à 5 km. Un total de 2 462 ki-lomètres ont été parcourus (soit la distance sé-parant Paris de Moscou). Dix-huit aviateurs etvingt-et-un aéroplanes se sont élevés de terre àplusieurs reprises. Latham à lui seul a parcourudans les différentes épreuves 569 km.

A l’inverse, les dirigeables Zodiac III et AstraColonel Renard, dernier cri de la technique desaérostats, des machines hors de prix, ont fait uneapparition très visible mais sans grand intérêtdans le ciel de Bétheny. Ces lourdes machinessont très lentes et le vent semble les emporter oùil veut. Aucune n’a dépassé 40 km/h sur les 50kilomètres du circuit de vitesse. Les petits aéro-planes leur ont tourné autour sous le regardamusé des milliers de spectateurs.

Le vainqueur du meeting de Reims 1909 estdéfinitivement l’aéroplane ! Il a battu tous les re-cords du monde. Il s’est rendu populaire : Som-mer a fait un tour de piste avec une spectatriceAnglaise, Gertrude Bacon, tandis que Farmandonne son baptême de l’air au ministre PaulPainlevé, futur défenseur de l’aéroplane.

Alors qu’en Grande-Bretagne, en Allemagne,en Italie, en Russie et au Japon aucun appareilde construction nationale n’a encore décollé sesroues du sol, la production française se comportebien. Sur les vingt-cinq appareils présentés,vingt-et-un sont de conception française. Au soirdu 29 août 1909, excepté Curtiss qui a remportéles deux épreuves de vitesse, tous les recordssont détenus par des aéroplanes et des pilotesfrançais. Les moteurs français ont brillé.

Autre conséquence du premier meeting deReims : le capitaine Paul Lucas-Girardville, unpionnier de l’aérostation militaire, adresse au gé-néral Brun, le ministre de la Guerre, un compte-rendu du meeting aérien, comme ce dernier le luiavait demandé, lequel prendra la décisiond’acheter pour l’armée dès 1910 quelques-unsdes meilleurs appareils vus à Bétheny : deuxmonoplans Antoinette, un Blériot XI et deux bi-plans Farman. Leur plus acharné soutien à laChambre sera Paul Painlevé. Le meeting deReims a véritablement laissé des traces profon-des dans les esprits.

Depuis ce meeting aérien, on boit du cham-pagne sur les podiums dans les sports mécani-ques.

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La nacelle du Zodiac III. Clerget qui est le concepteur du moteur est aux commandes. (Collection Clerget).