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Imagerie de la Femme 2007;17:159-160 Éditorial 159 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Éditorial La laparoscopie pour une masse annexielle : un pari ? Jean-François Delaloye Département de gynécologie-obstétrique, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, 1011 Lausanne, Suisse. Correspondance : J.-F. Delaloye, à l’adresse ci-dessus. Email : [email protected] D’un modèle mathématique conçu pour réduire le nombre de laparotomies à un recours systématique à la laparoscopie, les opérateurs ont-ils encore le choix de la voie d’abord ? R. Villet et D. Salet-Lizée font le point aujourd’hui sur la Conduite à tenir devant une masse annexielle chez la femme en âge de procréer et chez la femme ménopau- sée. Cet article me rappelle le 5 e congrès francophone de cœlio-chirurgie de Deauville de 1997. M. Canis venait d’y exposer sa formule mathématique, quand une voix s’est fait entendre dans l’auditoire : « Combien de décès ? » La réponse n’a pas été « zéro » ! S’en est suivie cette phrase sans appel : « Tu joues au casino ce soir et tu perds : c’est ton argent que tu perds. Tu paries sur ton modèle en clinique et tu perds : c’est la patiente qui perd ! » Toute décision de proposer une laparoscopie ou une laparotomie pour une masse annexielle repose sur l’éva- luation clinique et sur l’imagerie. Si la laparoscopie est décidée, la question de la réduction de la masse et de son extraction demeure, certains opérateurs se lançant dans des morcellations sans le faire dans un sac ! Il est faux de parier sur le fait que les lésions malignes sont plus fréquentes après la ménopause. Il est faux de parier sur le fait que les symptômes d’un cancer de stade précoce diffèrent beaucoup de ceux d’un kyste bénin ou probablement bénin. Il est faux de parier sur l’examen clinique, dont on sait qu’il est décevant. La sensibilité de la palpation varie en effet de 15 à 36 % et sa valeur prédictive positive est éva- luée à 26-69 % [1]. Il est faux de parier sur la seule échographie. La sensi- bilité de l’analyse morphologique varie de 85 à 97 % et sa spécificité oscille entre 56 % et 95 % avec un nombre important de faux positifs [2]. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) semble plus pertinente que le scanner dans la caractérisation des masses annexielles classées comme indéterminées à l’échographie [3]. Le scanner abdomino-pelvien, parfois thoraco-abdomino-pelvien, est proposé comme outil d’évaluation des cancers ovariens avérés à l’échographie [4] ou avant de débuter une chimio- thérapie néoadjuvante. « Combien de décès ? » La réponse n’a pas été « zéro » ! Il est faux de parier sur le CA-125. Cet antigène n’est pas spécifique du cancer de l’ovaire. Il peut être élevé pen- dant les règles, en cas de grossesse ou en présence d’un myome, d’une endométriose, d’une annexite, d’une affec- tion hépatique ou pancréatique. À l’inverse, 50 % des patientes porteuses d’un cancer de l’ovaire de stade I ont une valeur de CA-125 normale [5]. Si l’approche laparoscopique est décidée, rappelons- nous que la seule ponction d’un kyste est fausse et que la kystoscopie diagnostique n’a pas de place. Si une kystectomie se justifie en préménopause, c’est une annexectomie bilatérale qu’on propose en postméno- pause. En cas de doute, cher lecteur, ne rougissez pas de pra- tiquer une laparotomie médiane !

La laparoscopie pour une masse annexielle : un pari ?

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Imagerie de la Femme 2007;17:159-160

Éditorial

159

© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Éditorial

La laparoscopie pour une masse annexielle : un pari ?

Jean-François Delaloye

Département de gynécologie-obstétrique, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, 1011 Lausanne, Suisse.

Correspondance : J.-F. Delaloye, à l’adresse ci-dessus. Email : [email protected]

D’

un modèle mathématique conçu pour réduire lenombre de laparotomies à un recours systématique à lalaparoscopie, les opérateurs ont-ils encore le choix de lavoie d’abord ?

R. Villet et D. Salet-Lizée font le point aujourd’huisur la

Conduite à tenir devant une masse annexielle

chez lafemme en âge de procréer et chez la femme ménopau-sée. Cet article me rappelle le 5

e

congrès francophone decœlio-chirurgie de Deauville de 1997. M. Canis venaitd’y exposer sa formule mathématique, quand une voixs’est fait entendre dans l’auditoire : « Combien dedécès ? » La réponse n’a pas été « zéro » ! S’en est suiviecette phrase sans appel : « Tu joues au casino ce soir ettu perds : c’est ton argent que tu perds. Tu paries sur tonmodèle en clinique et tu perds : c’est la patiente quiperd ! »

Toute décision de proposer une laparoscopie ou unelaparotomie pour une masse annexielle repose sur l’éva-luation clinique et sur l’imagerie. Si la laparoscopie estdécidée, la question de la réduction de la masse et de sonextraction demeure, certains opérateurs se lançant dansdes morcellations sans le faire dans un sac !

Il est faux de parier sur le fait que les lésions malignessont plus fréquentes après la ménopause.

Il est faux de parier sur le fait que les symptômes d’uncancer de stade précoce diffèrent beaucoup de ceux d’unkyste bénin ou probablement bénin.

Il est faux de parier sur l’examen clinique, dont on saitqu’il est décevant. La sensibilité de la palpation varie eneffet de 15 à 36 % et sa valeur prédictive positive est éva-luée à 26-69 % [1].

Il est faux de parier sur la seule échographie. La sensi-bilité de l’analyse morphologique varie de 85 à 97 % et saspécificité oscille entre 56 % et 95 % avec un nombreimportant de faux positifs [2]. L’imagerie par résonancemagnétique (IRM) semble plus pertinente que le scannerdans la caractérisation des masses annexielles classéescomme indéterminées à l’échographie [3]. Le scannerabdomino-pelvien, parfois thoraco-abdomino-pelvien, estproposé comme outil d’évaluation des cancers ovariensavérés à l’échographie [4] ou avant de débuter une chimio-thérapie néoadjuvante.

« Combien de décès ? » La réponse n’a pas été « zéro » !

Il est faux de parier sur le CA-125. Cet antigène n’estpas spécifique du cancer de l’ovaire. Il peut être élevé pen-dant les règles, en cas de grossesse ou en présence d’unmyome, d’une endométriose, d’une annexite, d’une affec-tion hépatique ou pancréatique. À l’inverse, 50 % despatientes porteuses d’un cancer de l’ovaire de stade I ontune valeur de CA-125 normale [5].

Si l’approche laparoscopique est décidée, rappelons-nous que la seule ponction d’un kyste est fausse et que lakystoscopie diagnostique n’a pas de place. Si unekystectomie se justifie en préménopause, c’est uneannexectomie bilatérale qu’on propose en postméno-pause.

En cas de doute, cher lecteur, ne rougissez pas de pra-tiquer une laparotomie médiane !

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Références

[1] Padilla LA, Radosevich DM, Milad MP. Accuracy of the pelvicexamination in detecting adnexal masses. Obstet Gynecol 2000;96:593-8.

[2] Jeong YY, Outwater EK, Kang HK. Imaging evaluation of ovarianmasses. Radiographics 2000;20:1445-70.

[3] Kinkel K, Lu Y, Mehdizade A, Pelte MF, Hricak H. Indeterminateovarian mass at US: incremental value of second imaging test for

characterization meta-analysis and Bayesian analysis. Radiology2005;236:85-94.

[4] Forstner R, Hricak H, Occhipinti KA, Powell CB, Frankel SD,Stern JL. Ovarian cancer: staging with CT and MR imaging. Ra-diology 1995;197:619-26.

[5] Malkasian GD Jr, Knapp RC, Lavin PT, Zurawski VR Jr,Podratz KC, Stanhope CR, et al. Preoperative evaluation of serumCA 125 levels in premenopausal and postmenopausal patients withpelvic masses: discrimination of benign from malignant disease.Am J Obstet Gynecol 1988;159:341-6.