2
Les mangas E n cette année 2016, que chacun souhaite sereine, la disparition du livre est annoncée ici et là. Pour- tant, comme le démontre le directeur de la Bibliothèque de Harvard, Robert Darnton, dans sa magistrale Apologie du livre Demain, aujourd’hui, hier (Gallimard, 2010, édition amé- ricaine 2009), le livre reste au cœur du rapport de l’homme au savoir et à la culture, et son avenir s’inscrira dans la coexis- tence avec les nouveaux modes nu- mériques de la connaissance. Un bref rappel : du papyrus au codex puis au livre imprimé, grâce à l’invention de Gutenberg au 15 e siècle, les supports et les pra- tiques n’ont cessé d’évoluer en Oc- cident. Pour ce qui est de l’Asie, les recherches ont montré l’exis- tence d’une histoire parallèle du livre, avec pour berceau la Chine et son rayonnement au-delà des frontières. Or, partout, le passage au 21 e siècle a été marqué par le tournant numérique et la globa- lisation – issus de nouvelles tech- nologies directement connectées au système néo-libéral. Une autre époque s’est ouverte. Pour autant, le livre a-t-il vécu ? La réponse est évidemment négative. Comme dans la « Bibliothèque hy- bride », nouvellement conçue à l’Université de Tokyo, les supports se diversifient pour que la lecture puisse se développer en épousant de nouvelles formes. Mais, dans ce cadre, le livre (ainsi que les supports corrélés, revues ou quo- tidiens), et les espaces spécialisés (bibliothèques, mais aussi librairies ou kiosques), restent évidemment des modèles. L’objectif n’est pas seulement celui de la conserva- tion patrimoniale. Le livre est un objet de savoir et de plaisir, comme l’écrit Nakano Shigeharu, et la bi- bliothèque est un lieu de culture et d’échanges. L’archivage numérique vient compléter et rationaliser le dispositif, il ne peut s’y substituer. Ici il faut insister sur la différence radicale entre le livre et l’écran : ce n’est pas un hasard si les inno- vations technologiques tendent à rapprocher les usages de l’écran vir- tuel de ceux qui caractérisent l’ou- vrage matériel (pages tournantes, signets, etc.). Cette épreuve numé- rique prouve a contrario la vitalité du « format livre » : douce odeur du papier neuf ou plus ancien et toucher de son grain – bruis- sement des pages – caresse vi- suelle des lignes et des couleurs de rayonnages s’étendant à l’in- fini – qualité du silence d’une atmosphère feutrée, parce que partagée. Nos sens aussi sont sollicités, et provoquent une émo- tion unique. Le livre et la lecture forment un hommage à l’être humain, à sa fa- culté essentielle de créer, de penser et d’imaginer. Dans le réseau des Bibliothèques à Paris, la Biblio- thèque de la MCJP joue ainsi un rôle fondamental en direction d’un public mixte, japonais et français. Quel meilleur tremplin pour les re- lations franco-japonaises ? Éloge de la lecture au 21 e siècle C’est au printemps 1999, soit deux ans après l’ouverture de la Maison de la culture du Japon au public, qu’a été lancé le premier numéro de La Lettre de la Bibliothèque. À raison de trois numéros par an, cette publication a souhaité dès le début présenter différentes facettes de notre fonds, mais aussi des pas- serelles vers des événements de la MCJP, voire au-delà, sous des formes variées : l’éditorial, confié à un contributeur extérieur, se fait l’écho des manifestations de la MCJP, ou de l’actualité culturelle tant ici qu’au Japon ; « Regard sur le Fonds », sélection de nouveautés, ainsi que des ar- ticles thématiques font la part belle aux ressources de la bibliothèque ; des « Portraits » ou entretiens sont autant de rencontres avec des écrivains, des traducteurs ou des artistes de la scène. Le pouls de la bibliothèque bat ainsi avec ses éditos en première page au rythme de la saison culturelle de la MCJP (expositions sur Kanazawa, sur les projets d’urbanisme des années 1960, sur le rire, sur les estampes, sur Munakata Shikô…), mais aussi d’hommages (aux japonologues Serge Élisseeff, Bernard Frank, Jean-Jacques Origas, Jean-Jacques Tschudin, et à des figures incontournables telles que le cinéaste Kurosawa Akira, l’écri- vain Inoue Hisashi, par exemple), de l’actualité culturelle japonaise (poésie contemporaine, émergence d’écrivains d’origine étrangère au Japon, le butô, la mode du kawaii, le théâtre contemporain...), voire exceptionnelle- ment de l’actualité tout court (la catastrophe de Fukushima en mars 2011). Les livres et autres documents restent bien entendu au cœur de La Lettre, avec, en plus des recensions d’ouvrages, des focus sur des collections particulières de la bibliothèque (fonds sur le surréalisme et le dadaïsme offert par Madame Vera Linhartová, ouvrages anciens ou de prestige, fonds audiovisuel…), des articles thématiques (romans policiers ou historiques, musique d’Okinawa, documents sur les textiles, réédition de romans fran- çais sur le Japon du début du XX e siècle…), des présentations d’autres bibliothèques possédant un fonds japonais. La Lettre n’aurait pas été la même sans la participation de nom- breuses personnes, issues de la japonologie ou d’horizons culturels et pro- fessionnels variés. Nous remercions de nouveau très chaleureusement tous ces contributeurs qui nous ont fait l’honneur d’ajouter leur pierre à cette publication, animés par leur envie de communiquer leur vision ou leur passion du Japon, de susciter des réflexions nouvelles sur les échanges franco-japonais, et qui ont apporté leur éclairage sur un pan de la culture japonaise. (La liste exhaustive des contributeurs est désormais consultable dans les pages de la Bibliothèque sur le site de la MCJP.) Enfin, grand merci à vous, fidèles lecteurs, pour votre intérêt et votre constant soutien ! Ashita no Joe : shônen (enfants, adolescents) de Chiba Tetsuya, Takamori Asao, 1968-73. Joe Yabuki, 15 ans, est un jeune orphelin roublard et bagarreur. Ses talents au combat attirent l’intérêt de Danpei Tange, ancien boxeur alcoolique qui décide de l’entraîner... Œuvre fondatrice du shônen d’action bâtie sur une solide narration. Son héros n’ayant de cesse de se relever pour combattre devint le symbole de nombreux mouvements étudiants et gauchistes alors en ébullition. Black Jack : shônen de Tezuka Osamu, 1973-83. Chirurgien sans diplôme opérant dans la clandestinité, à la fois génial et ténébreux, Black Jack est un personnage riche et complexe portant un regard aussi humain qu’acéré sur ses semblables. Tezuka, prolifique père du manga « divertis- sant, véhiculant un idéal humaniste » a créé cette série dans l’intention de donner sa propre vision du gekiga – genre d’essence pessimiste alors en plein essor. Du même auteur, voir La vie de Bouddha, L’histoire des 3 Adolf, Le roi Léo, etc. La rose de Versailles : shôjo (fillettes, adolescentes) de Ikeda Riyoko, 1972-73. France, printemps 1770, Marie-Antoinette, fille de l’impéra- trice d’Autriche, se marie à 14 ans avec le futur roi Louis XVI. Amoureuse du conte de Fersen, elle se met en danger, mais est protégée à tout instant par le capitaine de la garde royale, Oscar François de Jarjayes, qui est en fait une femme… Symbole d’un renouveau du shôjo (manga pour jeunes filles) réalisé par des femmes, ce manga a considérablement influencé le genre. La mise en avant du poids des conventions sociales montre les aspirations de liberté, et un cer- tain féminisme de l’auteure. Cette série marque aussi le début d’une ère où manga à succès et anime, assortis de produits dérivés, vont souvent de pair. Dans la même lignée, voir Joséphine impératrice et, dans un tout autre registre, Nana, shôjo actuel et réaliste. Akira : seinen (jeunes adultes) de Ôtomo Katsuhiro, 1982-1990. En 2019, dans un Tôkyô rebâti sur les ruines d’une ville détruite par une explo- sion nucléaire lors d’une 3 e guerre mondiale, des bandes de jeunes drogués sèment la terreur, jusqu’à être un jour imbriqués dans une af- faire politico-militaire qui les divise. Au centre de l’intrigue figure Akira, un enfant aux pouvoirs inexpliqués. Série de science-fiction sortant des sentiers battus, mêlant violence physique et psychique. Premier grand succès en France, il contribua considérablement à l’essor du manga à l’étranger, et devint, avec l’anime qui en découle, une référence auprès d’un public de passionnés. Dans la lignée d’un monde apocalyptique imaginé dans les années 1980, mais beaucoup plus basique : Ken le survivant. Vagabond : seinen de Inoue Takehiko, depuis 1998. En 1600 a lieu la terrible bataille de Sekigahara qui assied le pouvoir du shôgun Tokugawa Ieyasu. Parmi les combattants, Shinmen Takezo est prêt à tout pour survivre. De retour à son village natal, il est rejeté par les habitants et pourchas- sé comme déserteur et criminel. Commence alors sa longue errance avec un unique objectif : devenir le plus grand samouraï du Japon. Surfant sur un regain d’intérêt pour le jidaigeki (manga historique) à la fin des années 1990, ce manga fait ressurgir un samouraï de légende, Miyamoto Musashi, dans une remar- quable adaptation artistique ! Inscrit dans cette mouvance qui s’attache aux héros charismatiques prônant les valeurs ancestrales du Japon, voir en shônen l’intrépide ninja Naruto. Hikaru no go : shônen. Dessins de Obata Takeshi, scénario de Hotta Yumi, 1998-2003. Le jeune Hikaru découvre un jour dans un grenier un plateau de jeu de go. L’objet se révèle hanté par un fantôme nommé Saï, ancien professeur de go d’un empereur sous l’ère Heian. Saï, piégé dans l’esprit de Hikaru, lui donne peu à peu le goût du go. Cette série réussit la gageure d’introduire de manière ludique certains aspects du jeu de go et de son éthique. L’aspect pédagogique du manga se décline en de multiples domaines... Au rayon « sport », on apprendra tout sur le basket ou sur le volley-ball avec Kuroko’s basket et Haikyû, sur le métier de médecin urgentiste avec Dr. Dmat, et sur la musique classique avec le génial Nodame Cantabile. Bride stories : seinen de Mori Kaoru, depuis 2008. L’histoire débute au XIX e siècle dans un petit village d’Asie centrale. Amir, jeune fille de 20 ans, chasseuse accomplie vient de quitter sa tribu pour se marier avec Karluk, 12 ans. Elle découvre d’autres mœurs, mais bientôt son clan veut annuler le mariage pour une alliance plus « prometteuse ». Le lecteur suit en parallèle les tribula- tions jusqu’en Perse de Henry Smith, ethnologue. Ce superbe seinen af- franchi des canons et délais imposés par l’industrie du manga, frappe tant par le soin apporté au graphisme que par sa précision documentaire. Dans la même vague des mangas origi- naux, « globe-trotteurs », Thermæ Romæ réussit le pari de faire un parallèle entre Rome sous l’empire d’Hadrien et la société japonaise contemporaine par le biais d’une tradition commune : le bain. C. C. La bibliothèque a récemment élargi son rayon manga : à l’exclusion du gekiga ou de certains mangas d’auteurs comme ceux de Taniguchi Jirô, voici une présentation de quelques séries jeunesse phares, ayant marqué leur époque et leur lectorat depuis les années 1970. Cécile Sakai, professeur, « J’ai vraiment connu ce bonheur d’avoir appris le plaisir de lire. » Nakano Shigeharu L’art de fréquenter les livres (Hon to tsukiau hô), Chikuma Shobô, 1975 Université Paris Diderot La lettre de la bibliothèque 6 5 1 Bibliothèque Maison de la culture du Japon à Paris 101 bis, quai Branly 75740 Paris cedex 15 Ouverture Du mardi au samedi de 13h à 18h Nocturne le jeudi jusqu’à 20h Fermeture Les dimanches, lundis et jours fériés Tél. 01 44 37 95 50 www.mcjp.fr Notre Lettre en seize années Zoom sur... La Rédaction Chisato Sugita Pascale Doderisse Racha Abazied Cécile Collardey Directeur de la publication Tsutomu Sugiura Conception graphique et maquette La Graphisterie.fr Impression Imprimerie Moutot Dépôt légal : 1 er trimestre 2016 ISSN 1291-2441 Hiver 2016

La lettre de la bibliothèque - N°50

  • Upload
    mcjp

  • View
    228

  • Download
    4

Embed Size (px)

DESCRIPTION

La lettre de la bibliothèque - N°50

Citation preview

Page 1: La lettre de la bibliothèque - N°50

Lesmangas

En cette année 2016, que chacun souhaite sereine, la disparition du livre est annoncée ici et là. Pour-tant, comme le démontre

le directeur de la Bibliothèque de Harvard, Robert Darnton, dans sa magistrale Apologie du livre – Demain, aujourd’hui, hier (Gallimard, 2010, édition amé-ricaine 2009), le livre reste au cœur du rapport de l’homme au savoir et à la culture, et son avenir s’inscrira dans la coexis-tence avec les nouveaux modes nu-mériques de la connaissance. Un bref rappel : du papyrus au codex puis au livre imprimé, grâce à l’invention de Gutenberg au 15e siècle, les supports et les pra-tiques n’ont cessé d’évoluer en Oc-cident. Pour ce qui est de l’Asie, les recherches ont montré l’exis-tence d’une histoire parallèle du livre, avec pour berceau la Chine et son rayonnement au-delà des

frontières. Or, partout, le passage au 21e siècle a été marqué par le tournant numérique et la globa-lisation – issus de nouvelles tech-nologies directement connectées au système néo-libéral. Une autre époque s’est ouverte.

Pour autant, le livre a-t-il vécu ? La réponse est évidemment négative. Comme dans la « Bibliothèque hy-bride », nouvellement conçue à l’Université de Tokyo, les supports se diversifi ent pour que la lecture puisse se développer en épousant de nouvelles formes. Mais, dans ce cadre, le livre (ainsi que les supports corrélés, revues ou quo-tidiens), et les espaces spécialisés (bibliothèques, mais aussi librairies

ou kiosques), restent évidemment des modèles. L’objectif n’est pas seulement celui de la conserva-tion patrimoniale. Le livre est un objet de savoir et de plaisir, comme l’écrit Nakano Shigeharu, et la bi-bliothèque est un lieu de culture et d’échanges. L’archivage numérique vient compléter et rationaliser le dispositif, il ne peut s’y substituer. Ici il faut insister sur la différence radicale entre le livre et l’écran : ce n’est pas un hasard si les inno-vations technologiques tendent à rapprocher les usages de l’écran vir-tuel de ceux qui caractérisent l’ou-vrage matériel (pages tournantes, signets, etc.). Cette épreuve numé-rique prouve a contrario la vitalité du « format livre » : douce odeur du papier neuf ou plus ancien et

toucher de son grain – bruis-sement des pages – caresse vi-suelle des lignes et des couleurs de rayonnages s’étendant à l’in-fi ni – qualité du silence d’une atmosphère feutrée, parce que partagée. Nos sens aussi sont

sollicités, et provoquent une émo-tion unique. Le livre et la lecture forment un hommage à l’être humain, à sa fa-culté essentielle de créer, de penser et d’imaginer. Dans le réseau des Bibliothèques à Paris, la Biblio-thèque de la MCJP joue ainsi un rôle fondamental en direction d’un public mixte, japonais et français. Quel meilleur tremplin pour les re-lations franco-japonaises ? ■

Éloge de la lecture au 21e siècle

C’est au printemps 1999, soit deux ans après l’ouverture de la Maison de la culture du Japon au public, qu’a été lancé le premier numéro de La Lettre de la Bibliothèque.

À raison de trois numéros par an, cette publication a souhaité dès le début présenter différentes facettes de notre fonds, mais aussi des pas-serelles vers des événements de la MCJP, voire au-delà, sous des formes variées : l’éditorial, confi é à un contributeur extérieur, se fait l’écho des manifestations de la MCJP, ou de l’actualité culturelle tant ici qu’au Japon ; « Regard sur le Fonds », sélection de nouveautés, ainsi que des ar-ticles thématiques font la part belle aux ressources de la bibliothèque ; des « Portraits » ou entretiens sont autant de rencontres avec des écrivains, des traducteurs ou des artistes de la scène.

Le pouls de la bibliothèque bat ainsi avec ses éditos en première page au rythme de la saison culturelle de la MCJP (expositions sur Kanazawa, sur les projets d’urbanisme des années 1960, sur le rire, sur les estampes, sur Munakata Shikô…), mais aussi d’hommages (aux japonologues Serge Élisseeff, Bernard Frank, Jean-Jacques Origas, Jean-Jacques Tschudin, et à des fi gures incontournables telles que le cinéaste Kurosawa Akira, l’écri-vain Inoue Hisashi, par exemple), de l’actualité culturelle japonaise (poésie contemporaine, émergence d’écrivains d’origine étrangère au Japon, le butô, la mode du kawaii, le théâtre contemporain...), voire exceptionnelle-ment de l’actualité tout court (la catastrophe de Fukushima en mars 2011).

Les livres et autres documents restent bien entendu au cœur de La Lettre, avec, en plus des recensions d’ouvrages, des focus sur des collections particulières de la bibliothèque (fonds sur le surréalisme et le dadaïsme offert par Madame Vera Linhartová, ouvrages anciens ou de prestige, fonds audiovisuel…), des articles thématiques (romans policiers ou historiques, musique d’Okinawa, documents sur les textiles, réédition de romans fran-çais sur le Japon du début du XXe siècle…), des présentations d’autres bibliothèques possédant un fonds japonais.

La Lettre n’aurait pas été la même sans la participation de nom-breuses personnes, issues de la japonologie ou d’horizons culturels et pro-fessionnels variés. Nous remercions de nouveau très chaleureusement tous ces contributeurs qui nous ont fait l’honneur d’ajouter leur pierre à cette publication, animés par leur envie de communiquer leur vision ou leur passion du Japon, de susciter des réfl exions nouvelles sur les échanges franco-japonais, et qui ont apporté leur éclairage sur un pan de la culture japonaise. (La liste exhaustive des contributeurs est désormais consultable dans les pages de la Bibliothèque sur le site de la MCJP.)

Enfi n, grand merci à vous, fi dèles lecteurs, pour votre intérêt et votre constant soutien !

■ Ashita no Joe : shônen (enfants, adolescents) de Chiba

Tetsuya, Takamori Asao, 1968-73. Joe Yabuki,

15 ans, est un jeune orphelin roublard et bagarreur. Ses talents au combat attirent l’intérêt de Danpei Tange, ancien boxeur alcoolique qui décide de l’entraîner... Œuvre fondatrice du shônen d’action bâtie sur une solide narration. Son héros n’ayant de cesse de se relever pour combattre devint le symbole de nombreux mouvements étudiants et gauchistes alors en ébullition.

■ Black Jack : shônen de Tezuka Osamu,

1973-83. Chirurgien sans diplôme opérant dans la clandestinité, à la fois génial et ténébreux, Black Jack est un personnage riche et complexe portant un regard aussi humain qu’acéré sur ses semblables. Tezuka, prolifi que père du manga « divertis-sant, véhiculant un idéal humaniste » a créé cette série dans l’intention de donner sa propre vision du gekiga – genre d’essence pessimiste alors en plein essor. Du même auteur, voir La vie de Bouddha, L’histoire des 3 Adolf, Le roi Léo, etc.

■ La rose de Versailles : shôjo (fi llettes, adolescentes) de Ikeda Riyoko,

1972-73. France, printemps 1770, Marie-Antoinette, fi lle de l’impéra-

trice d’Autriche, se marie à 14 ans avec le futur roi

Louis XVI. Amoureuse du conte de Fersen,

elle se met en danger, mais est protégée à tout

instant par le capitaine de la garde royale,

Oscar François de Jarjayes,

qui est en fait une femme… Symbole

d’un renouveau du shôjo (manga pour jeunes fi lles) réalisé par des femmes, ce manga a considérablement

infl uencé le genre. La mise en avant du poids des conventions sociales montre les aspirations de liberté, et un cer-

tain féminisme de l’auteure. Cette série marque aussi le début d’une ère où manga à succès et anime, assortis de produits dérivés, vont souvent de pair. Dans la même lignée, voir Joséphine impératrice et, dans un tout autre registre, Nana, shôjo actuel et réaliste.

■ Akira : seinen (jeunes adultes) de

Ôtomo Katsuhiro, 1982-1990. En 2019, dans un Tôkyô rebâti sur les ruines d’une ville détruite par une explo-sion nucléaire lors d’une 3e guerre mondiale, des bandes de jeunes drogués sèment la terreur, jusqu’à être un jour imbriqués dans une af-faire politico-militaire qui les divise. Au centre de l’intrigue fi gure Akira, un enfant aux pouvoirs inexpliqués. Série de science-fi ction sortant des sentiers battus, mêlant violence physique et psychique. Premier grand succès en France, il contribua

considérablement à l’essor du manga à l’étranger, et devint, avec l’anime qui en découle, une référence auprès d’un public de passionnés. Dans la lignée d’un monde apocalyptique imaginé dans les années 1980, mais beaucoup plus basique : Ken le survivant.

■ Vagabond : seinen de Inoue Takehiko,

depuis 1998. En 1600 a lieu la terrible bataille de Sekigahara qui assied le pouvoir du shôgun Tokugawa Ieyasu. Parmi les combattants, Shinmen Takezo est prêt à tout pour survivre. De retour à son village natal, il est rejeté par les habitants et pourchas-sé comme déserteur et criminel. Commence alors sa longue errance avec un unique objectif : devenir le plus grand samouraï du Japon. Surfant sur un regain d’intérêt pour le jidaigeki (manga historique) à la fi n des années 1990, ce manga fait ressurgir un samouraï de légende, Miyamoto Musashi, dans une remar-quable adaptation artistique ! Inscrit dans cette mouvance qui s’attache aux héros charismatiques prônant les valeurs ancestrales du Japon, voir en shônen l’intrépide ninja Naruto.

■ Hikaru no go : shônen. Dessins

de Obata Takeshi, scénario de Hotta Yumi,

1998-2003. Le jeune Hikaru découvre un jour dans un grenier un plateau de jeu de go. L’objet se révèle hanté par un fantôme nommé Saï, ancien professeur de go d’un empereur sous l’ère Heian. Saï, piégé dans l’esprit de Hikaru, lui donne peu à peu le goût du go. Cette série réussit la gageure d’introduire de manière ludique certains aspects du jeu de go et de son éthique. L’aspect pédagogique du manga se décline en de multip les domaines... Au rayon « sport », on apprendra tout sur le

basket ou sur le volley-ball avec Kuroko’s basket et Haikyû, sur le métier de médecin urgentiste avec Dr. Dmat, et sur la musique classique avec le génial Nodame Cantabile.

■ Bride stories : seinen de Mori

Kaoru, depuis 2008. L’histoire débute au XIXe siècle dans un petit village d’Asie centrale. Amir, jeune fi lle de 20 ans, chasseuse accomplie vient de quitter sa tribu pour se marier avec Karluk, 12 ans. Elle découvre d’autres mœurs, mais bientôt son clan veut annuler le mariage pour une alliance plus « prometteuse ». Le lecteur suit en parallèle les tribula-tions jusqu’en Perse de Henry Smith, ethnologue. Ce superbe seinen af-franchi des canons et délais imposés par l’industrie du manga, frappe tant par le soin apporté au graphisme que par sa précision documentaire. Dans la même vague des mangas origi-naux, « globe-trotteurs », Thermæ Romæ réussit le pari de faire un parallèle entre Rome sous l’empire d’Hadrien et la société japonaise contemporaine par le biais d’une tradition commune : le bain.

C. C.

La bibliothèque a récemment élargi son rayon manga : à l’exclusion du gekiga ou de

certains mangas d’auteurs comme ceux de Taniguchi Jirô, voici une présentation de quelques séries jeunesse phares, ayant marqué leur époque et leur lectorat depuis les années 1970.

Cécile Sakai, professeur,

« J’ai vraiment connu ce bonheur d’avoir appris le plaisir de lire. »

Nakano ShigeharuL’art de fréquenter les livres (Hon to tsukiau hô), Chikuma Shobô, 1975

Université Paris Diderot

La lettrede la bibliothèque

6655 11

BibliothèqueMaison de la culture

du Japon à Paris101 bis, quai Branly

75740 Paris cedex 15

OuvertureDu mardi au samedi

de 13h à 18hNocturne le jeudi

jusqu’à 20h

FermetureLes dimanches,

lundis et jours fériésTél. 01 44 37 95 50

www.mcjp.fr

Notre Lettreen seize annéesZoomsur...

La Rédaction

Chisato SugitaPascale Doderisse

Racha AbaziedCécile Collardey

Directeur de la publication

Tsutomu SugiuraConception graphique et maquetteLa Graphisterie.frImpression Imprimerie MoutotDépôt légal : 1er trimestre 2016

ISSN 1291-2441

Hiver 2016

Page 2: La lettre de la bibliothèque - N°50

Il y a trente ans, quand la maison d’édition a été créée, la culture

japonaise était, bien sûr, déjà au cœur de ce que les Français connaissaient de l’Extrême-Orient : en France, fi lms et livres avaient conquis déjà un public que je sentais impatient, comme moi d’en savoir plus. En revanche, de la Chine n’était quasiment proposé, par les éditeurs, que des textes

classiques et orientalistes, car sa littérature contemporaine était alors embryonnaire. Pour moi, les premières années furent des années de formation à la richesse de la littérature japonaise. Et les premiers livres — des anthologies de nouvelles soigneusement élaborées par un groupe de traducteurs autoproclamé « Groupe Kirin » à l’université de Jussieu — furent des premiers succès d’édition qui m’ont rapidement convaincu qu’un lectorat était à conquérir et à convaincre. Un autre choix s’est rapidement imposé à moi : pour organiser un catalogue autour de la littérature japonaise, il fallait en présenter la diversité, créer des passerelles et s’ouvrir à toutes les formes littéraires sans préjugé. Il fallait aussi beaucoup de voyages,

L’agent doit être un facilitateur des diverses étapes qui mènent à la publication en français d’un livre japonais. Il a un rôle de prospection et de conseil, et un rôle administratif. Concrètement, pour la prospection et le conseil, nous cher-chons au Japon des ouvrages qui nous semblent suscep-tibles d’intéresser le lectorat français et de prendre place dans le catalogue de tel ou tel éditeur. Nous pouvons aussi, à la demande d’un éditeur français qui a repéré un ouvrage japonais dont il envisage la publication, rechercher le bon interlocuteur et les mettre en relation. Nous contactons l’éditeur japonais pour vérifi er si un projet de traduction en français de l’ouvrage en question est envisageable, qui sera l’interlocuteur pour les discussions qui suivront (cela peut

être l’éditeur mais aussi l’auteur ou son représentant). Ensuite, nous proposons l’ouvrage à des éditeurs de façon aussi ciblée que possible : présentation détaillée du contenu, de l’auteur, éventuellement extraits de traduction, informations sur les échos au Japon, etc. Si un éditeur confi rme son intérêt, nous précisons les conditions fi nancières, les proposons à l’ayant droit et procédons à la signature d’un contrat que le BCF suivra ensuite tout au long de sa durée de validité, avec suivi des ventes, facturation des droits à l’éditeur français et versement à l’ayant droit, etc.

Mon agence, le Bureau des Copyrights Français (BCF), société privée de droit japo-nais, a été créée en 1952, année où les contrats entre éditeurs japonais et étrangers ont de nouveau pu être signés sans passer par l’occupant américain. C’est sous la direction de son second PDG, Okada Yukihiko, que j’ai commencé à y travailler au début des années 1990 avant de prendre la direction de l’agence en 2004. Le BCF a d’abord agi essentiellement pour la traduction d’ouvrages français au

Vous avez au cours de votre carrière de traductrice traduit plus de 60 textes. Quels ont été ceux que vous avez eu le plus de plaisir à traduire, ou ceux qui vous ont le plus intéressée ?

Ma première traduction, L’Intendant Sanshô de Mori Ôgai (Picquier, 1990) est un beau souvenir… J’ai adoré traduire Nuages fl ottants de Hayashi Fumiko (Rocher), le fi lm que Naruse Mikio en a tiré étant un de mes fi lms culte… Je peux citer aussi La Fin des temps, ma première traduction de Murakami Haruki en 1992. Ou encore Les Bébés de la consigne automatique, chef-d’œuvre fl amboyant de Murakami Ryû… Mais, en fait, j’aime toutes les œuvres que j’ai traduites, sinon je n’aurais pas pu passer autant de temps avec chacune d’elles : traduire, c’est relire le même texte à l’infi ni.

J’ai vécu 15 ans au Japon et je me suis de ce fait intéressée à la culture japonaise. Je m’y suis même plongée avec passion : littérature, cinéma, estampes du monde fl ottant, jardins... ces arts me touchent et me donnent envie d’approfondir toujours plus. J’ai suivi les cours de langue et littérature japonaise de l’université Paris 7, ainsi que les conférences de l’EHESS, pour comprendre la langue et mieux connaître la société et l’Histoire du Japon.

Tout m’attire et m’intéresse dans la littérature japonaise. Des œuvres de Saikaku jusqu’aux publications de Ogawa Yôko ou de Kawakami Hiromi en passant par Natsume Sôseki, Inoue Yasushi, Murakami Haruki, Ôé Kenzaburô et tant d’autres. Ces auteurs me parlent et je me sens en phase avec le monde qu’ils me racontent et la vision qu’ils m’en donnent.

La fi n des temps de Murakami Haruki est un livre qui m’a impressionnée, tout autant que Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants de Ôe Kenzaburô. Des écritures fortes, deux univers marquants. Le livre de Murakami est construit sur les vertiges temporels du rêve et du fantastique, le livre de Ôe refl ète avec lucidité un monde de dureté.

Les ouvrages des romancières contemporaines comme Nagashima Yû, Kirino Natsuo, Ogawa Ito... esquissent le portrait de la femme japonaise dans la société d’aujourd’hui. Les romans policiers et d’anticipation de Higashino Keigo sont un plaisant divertissement. Et si on a envie de se plonger dans Tokyo la fascinante, alors les romans de Ishida Ira ou de Murakami Ryû nous emmènent dans les tréfonds de la ville.Des auteurs français ont écrit de très beaux livres sur le Japon comme la poétique Louange des mousses de Véronique Brindeau et le très juste et émouvant Fukushima, récit d’un désastre de Michaël Ferrier.

La bibliothèque de la MCJP m’apporte énormément ! Je me suis inscrite dès son ouverture en 1997 et, depuis, je m’y rends régulièrement pour emprunter des livres. La bibliothèque représente pour moi le seul lieu dans Paris où je suis sûre de trouver les dernières publications des auteurs japonais. C’est un endroit calme, lumineux, agréable et accueillant. Heureusement que ce lieu existe... ■

Japon, dans la plupart des domaines : littérature, sciences humaines, livres d’art, de cuisine, etc. C’est depuis une quinzaine d’années que j’ai commencé à travail-ler régulièrement aussi dans le sens inverse, pour la publication en France d’ou-vrages japonais, avec l’espoir d’élargir l’éventail des propositions qui, jusque-là, touchaient essentiellement au roman puis au manga : nous avons donc proposé aussi des ouvrages pour la jeunesse (également d’ailleurs dans le sens France-Japon), des ouvrages pratiques (fort appréciés par les éditeurs français pour la qualité de leur illustration et leur précision), des documents (le grand intérêt pour la culture japonaise dans ses multiples aspects permet de proposer des ouvrages touchant à des domaines très divers). J’essaye également de présenter des écrits dans le domaine de la pensée, des textes permettant de découvrir non seulement le Japon mais la vision de ses penseurs sur le monde, pour favoriser, je l’espère, une meilleure « conversation » entre les intellectuels des deux pays. Ce dernier champ n’est pas facile à développer, mais c’est un des domaines où il y a en fait le plus à faire.

Le nombre annuel de traductions du français vers le japonais reste environ 4 fois plus élevé que du japonais vers le français (même si les mangas avec leur nombre élevé de volumes pour certaines séries rend les chiffres parfois trompeurs) et dans des domaines plus variés ; il est vrai que les traductions du japonais vers le fran-çais sont en progression alors qu’elles restent plutôt stable de la France vers le Japon avec, hélas, des ventes plus limitées qu’autrefois. Depuis quelques années le nombre de romans français traduits est très peu important alors que le roman japonais, dans des genres de plus en plus variés susceptibles de toucher un large public, est plutôt bien représenté. Le manga semble avoir atteint son apogée et connaît une sorte de stabilisation qui reste importante, alors que la BD franco- belge, après quelques années qui ont fait penser à un décollage possible, reste fi nalement un genre surtout apprécié des amateurs d’art et de dessin. ■

Corinne Quentin, agent littéraire entre la France et le Japon(Bureau des Copyrights Français)

Y a-t-il des particularités linguistiques ou culturelles diffi ciles à transmettre en langue française ?

On parle toujours des « diffi cultés de traduction », plus rarement du plaisir de traduire… Les diffi cul-tés varient selon les auteurs, les époques, les styles, mais elles font partie intégrante de l’acte de traduire : transmettre des univers propres à une culture donnée en passant par une autre langue, une autre culture, c’est le paradoxe même de la traduction, et c’est aussi ce qui en fait le sel.

Cela dit, globalement, le rapport « direct » que la langue japonaise entretient avec la réalité (les nombreuses onomatopées par exemple) est peut-être ce qu’il y a de plus diffi cile à rendre correcte-ment en français, langue qui a plutôt tendance à l’« abstraction ».

Une traductrice peut-elle être de nos jours initiatrice de projets auprès de l’éditeur ?

Le rôle de découvreur est indissociable de ce métier. Les traducteurs ont toujours proposé des textes aux éditeurs, et le paysage de la littéra-ture japonaise en France leur doit beaucoup. C’est encore vrai aujourd’hui, même si naturellement le contexte de crise du livre rend la tâche plus compliquée.

Pour Haiku du temps présent (Picquier, 2012), j’ai sélectionné des haiku représentatifs de Mayuzumi Madoka et complété chaque traduc-tion par un double commentaire de l’auteur et de moi-même. À l’origine de ce projet, il y avait mon envie de répondre à des interrogations exprimées par les lecteurs des deux anthologies que j’ai pu-bliées chez Gallimard / Poésie avec le poète Zéno Bianu. Le livre a bien marché, mais ce n’est pas toujours le cas : j’ai aussi proposé récemment au Seuil un roman qui m’avait enthousiasmée, L’homme qui pleurait les morts de Tendô Arata, prix Naoki 2009, véritable radioscopie de la so-ciété japonaise à travers le thème de la mort.

Cette œuvre d’un auteur rare, très réputé au Japon et encore inconnu en France, ne s’est pas bien vendue, mais cela n’enlève rien à sa qualité : je suis heureuse qu’elle soit désormais accessible en français. Et je traduis en ce moment (pour Actes Sud) un roman de Hirano Keiichirô, choisi de ma propre initiative parmi les nombreux textes non traduits de cet auteur. Chaque traduction est un pari…

Y a-t-il un / des projet(s) que vous aimeriez défendre particulièrement en France aujourd’hui ?

Je m’intéresse de près au théâtre, j’anime ac-tuellement le comité de traduction de théâtre contemporain japonais de la Maison Antoine Vitez. Le théâtre japonais d’aujourd’hui est un terrain encore à découvrir, comme le roman ja-ponais dans les années 1990. Très peu d’auteurs sont connus ou joués en France, alors qu’il y a de nombreux talents, des tendances très diverses. Je voudrais que des noms comme Sakate Yôji, Noda Hideki, ou Okada Toshiki deviennent familiers au public français.

Mais à vrai dire, j’ai surtout envie de continuer à écrire moi-même, toujours en lien avec le Japon et l’Asie : c’est pour moi une autre façon de « tra-duire » ce que je ressens et de le partager avec les lecteurs français. ■

Contrairement à d’autres littératures traduites, la littérature japonaise n’a jamais souffert d’effets de mode,

et tout particulièrement en France. Son développement a été progressif, régulier et constant comme en témoigne le

catalogue de la maison d’édition. Et les livres japonais ont maintenant une place de choix sur les rayonnages de littérature

étrangère et sur les tables des librairies, en France bien mieux qu’en aucun pays d’Europe. Vous pouvez aussi mesurer le chemin parcouru en France entre les deux Salons du Livre, ceux de 1997 et de 2012 : en quinze ans, les lecteurs nous ont suivi au point de nous permettre de prendre le risque de publier aujourd’hui de jeunes écrivains aussi bien

que des écrivains confi rmés, et d’agrandir notre catalogue à des voix puissantes et originales. Tout a contribué à cela : aussi bien l’arrivée des mangas avec une génération de lecteurs plus jeunes, que des succès de vente qui ne cessent de confi rmer la vitalité de la littérature japonaise d’aujourd’hui. ■

Philippe Picquier, directeur des éditions Philippe Picquier

de rencontres. Des conseillers, des amis aussi, et surtout la complicité de traducteurs remarquables qui conseillent, lisent, commentent, partagent leurs goûts et leurs choix dans l’ombre de ces écrivains japonais.

Corinne Atlan traductrice littéraire

et écrivain

Christine Watanabe, lectrice

Mon premier contact avec le Japon était sur un plan technologique. J’ai eu une moto, une voiture, une montre, un appareil photo et même une guitare, tout « made in Japan ». Je voyais le Japon plutôt comme un pays très industriel. Quelques années après, j’ai commencé à pratiquer l’aïkido. Comme beaucoup d’adeptes des arts martiaux comme le judo, le karaté, le kendo et autres, je m’intéressais à l’histoire et à la culture derrière ces disciplines. Toutefois, à l’époque, je considérais ça comme quelque chose du passé. Ce n’est qu’en allant au Japon la première fois que j’ai vu que la technologie et les traditions coexistaient très bien ensemble. C’est peut-être ça, « la culture japonaise », me suis-je dit. Mais c’est aussi la profondeur dans la simplicité apparente du haiku et la logique simple dans la complexité de la cérémonie du thé. Ce sont ces contrastes qui m’ont mené et qui me mènent toujours à la culture japonaise.

En japonais, j’aime les nouvelles courtes qui sont plus faciles à comprendre, mais parfois on a envie que le récit continue, comme dans les romans de Murakami Haruki.

Y a-t-il des aspects diffi ciles à appréhender ?

La richesse de la langue japonaise avec une multitude de synonymes et parfois l’ambiguïté avec l’absence de pronoms. Ceci dit, dans la bibliothèque, il y a beaucoup de traductions d’œuvres.

J’aime les romans de Abe Kôbô, Kawabata Yasunari, Murakami Haruki et, bien sûr, les livres de référence sur divers aspects de la culture japonaise.

Que vous apporte la bibliothèque ?

L’opportunité de découvrir des œuvres inconnues et d’approfondir mes connaissances sur la culture japonaise. ■

Denis A., lecteur

Photo © N

aoko Tamura

22 33 44

De l’éditeurau lecteur