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1 La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016 Novembre 2016 #31 « Que retiendra-t-on de notre époque ? Les bruits du monde rapportent chaque jour les catastrophes écologiques, le chômage qui ne faiblit pas, les tensions dans les banlieues, les conflits qui s’éternisent. (…) Malgré tout cela, il n’apparaît pas que soit arrivé le bon moment pour agir (…). La solidarité, comme le reste, attendra. Vous, ici présents aujourd’hui, nous avons fortement envie de dire le contraire. Notre époque doit et peut avoir le courage de privilégier l’action plutôt que la fuite ou le repli frileux. Il nous appartient de faire de la solidarité un principe actif, un pont vers l’avenir que ce soit pour les entreprises, les associations ou les citoyens que nous sommes. Chacun de nous peut faire sa part, même modeste pour éteindre l’incendie. C’est précisément ce que vous faites à travers vos engagements associatifs, votre part d’humain... Nous ne pouvons être humains qu’ensemble, car c’est bien de cela que vous témoignez avec vos différentes actions de lutte contre la précarité et l’injustice : l’urgent besoin de renouer avec l’autre, de rendre premier l’art du vivre ensemble. L'objectif de la Fondation est bien là : aider à « construire ensemble un monde partagé », un futur qui, grâce à vous, pourra - un peu mieux - s'ouvrir, s'offrir au plus grand nombre.(...) La Fondation vous invite à partager ce qui fait vos engagements, vos regards sur l'autre, vos convictions, vos énergies. Elle vous invite également à convaincre. Nous ne serons jamais trop nombreux pour bâtir un futur ouvert à tous ». Jean Carré, président de la Fondation Eiffage Numéro spécial Séminaire des parrains du 3 novembre 2016 L'engagement associatif solidaire : un autre domaine d'action Introduction La lettre de la Fondation Eiffage

La lettre de la Fondation Eiffage · l’amitié au travers de tous les gens ». Hydraulique Sans Frontières a mené un projet d’accès à l’eau dans le village de Diam Diam

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1La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

Novembre 2016 #31

« Que retiendra-t-on de notre époque ? Les bruits du monde rapportent chaque jour les catastrophes écologiques, le chômage qui ne faiblit pas, les tensions dans les banlieues, les conflits qui s’éternisent. (…) Malgré tout cela, il n’apparaît pas que soit arrivé le bon moment pour agir (…). La solidarité, comme le reste, attendra.

Vous, ici présents aujourd’hui, nous avons fortement envie de dire le contraire. Notre époque doit et peut avoir le courage de privilégier l’action plutôt que la fuite ou le repli frileux. Il nous appartient de faire de la solidarité un principe actif, un pont vers l’avenir que ce soit pour les entreprises, les associations ou les citoyens que nous sommes. Chacun de nous peut faire sa part, même modeste pour éteindre l’incendie.

C’est précisément ce que vous faites à travers vos engagements associatifs, votre part d’humain... Nous ne pouvons être humains qu’ensemble, car c’est bien de cela que vous témoignez avec vos différentes actions de lutte contre la précarité et l’injustice : l’urgent besoin de renouer avec l’autre, de rendre premier l’art du vivre ensemble.

L'objectif de la Fondation est bien là : aider à « construire ensemble un monde partagé », un futur qui, grâce à vous, pourra - un peu mieux - s'ouvrir, s'offrir au plus grand nombre.(...) La Fondation vous invite à partager ce qui fait vos engagements, vos regards sur l'autre, vos convictions, vos énergies. Elle vous invite également à convaincre.

Nous ne serons jamais trop nombreux pour bâtir un futur ouvert à tous ».

Jean Carré, président de la Fondation Eiffage

Numéro spécial Séminaire des parrains du 3 novembre 2016

L'engagement associatif solidaire : un autre domaine d'action

Introduction

La lettre de la Fondation Eiffage

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2 La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

Thomas Dailly

Responsable administratif et financier, Eiffel Industries

« Emergence a été pour moi une très belle rencontre avec des éducateurs, qui ont mis tout leur talent au service de la communauté. (…) En choisissant le sport et plus particulièrement la boxe comme outil de réinsertion, Emergence a identifié un excellent vecteur (…) plein de belles valeurs : l’effort, l’endurance, la rigueur, le dépassement de soi et enfin la plus importante de toute, le respect. (…) Toutes ces valeurs sont indispensables au monde du travail.

(…) Cette rencontre m’a permis d’avoir un autre regard sur les cités dites sensibles. Ces cités sont pleines de ressources et il s’y dégage une belle énergie positive qui mérite tout notre intérêt. Parrainer cette association m’a fait prendre conscience que le mieux vivre ensemble est l’affaire de chacun et nous pouvons tous, à notre niveau, y contribuer(…) ».

Située au Havre, l’association Emergence a vocation à apaiser les relations dans le quartier du Mont Gaillard, grâce à trois leviers : une salle multisport; de la médiation entre les familles du quartier et les services sociaux ; la remobilisation par le sport pour les demandeurs d’emploi de plus de 25 ans. Ceux-ci bénéficient à la fois d’un coaching sportif et d’un accompagnement personnalisé dans leur recherche d’emploi. Résultat : en 2016, 52 personnes ont été accompagnées avec 80 % de réussite (retour à l’emploi ou formation).

Emergence au Havre

Florent Bonnet

Directeur d'exploitation, Pradeau & Morin

« En 2009, dans le cadre d’un projet d’actions avec l’institut Eiffage, j’ai travaillé sur le thème de l’insertion professionnelle qui engageait notre entreprise et nos entités à recruter des personnes durablement exclues du marché du travail et/ou sans qualification particulière. (…)

Début 2015, j’ai découvert l’association Bouée d’Espoir (...) Le principe d’aider les plus démunis à passer un cap financier dans leur vie personnelle, voire professionnelle, ou l’idée d’insérer dans la vie active ou dans la vie tout court, a fait écho à ce premier engagement. (…)

[De cet engagement], je retiendrais trois choses. La première, c’est une belle rencontre avec des personnes bénévoles et engagées depuis de nombreuses années, qui méritent vraiment le respect. (…)

Basée à Paris, l’association Bouée d’Espoir apporte des aides financières, appelées « bouées » à des personnes en difficulté. Ces personnes ont un cap difficile à passer, un projet spécifique à réaliser et une motivation pour s’en sortir. Dans 80 % des cas, ces aides (350 à 500 euros) permettent aux personnes de sortir de leurs difficultés financières.

Bouée d'Espoir à Paris

Des parrains de la Fondation Eiffage témoignent de leur engagement associatif

Les demandeurs, ce sont des personnes motivées par une idée toute simple, celle de s’en sortir avec une volonté farouche de finalement changer leur destin avec un projet bien précis et motivé. (…)

Enfin, la plus grande satisfaction et le plus grand encouragement qu’on puisse recevoir, c’est le nombre de dossiers traités. (…) [L’association] reçoit aussi des lettres de remerciements, des témoignages sur l’impact de ces aides reçues au quotidien. Ce qui est encore plus satisfaisant, c’est de voir certains bénéficiaires revenir vers l’association afin de rembourser ces aides et donner la même chance à d’autres.

(…) deux mots clés : tremplin ou passerelle vers l’avenir. »

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3La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

Isabelle Guerbois

Responsable paie et administration du personnel, APRR

« Pour ma part, je suis tombée par hasard dans cette association. Un jour, ma fille a décidé d’être intervenante, de donner des cours à ces enfants et d’essayer de faire qu’ils ne décrochent pas (…)

J’accompagnais ma fille et je ne savais pas trop quoi faire en attendant qu’elle donne des cours. Un jour, j’ai osé. J’ai dit « je peux peut-être apporter mon aide. (…) Voilà ! J’ai mis un pied dedans et je vous avoue franchement que je ne le regrette pas (…)

Ce qui en ressort, c’est une énorme fierté de faire partie de cette famille. Cette famille m’a fait connaître d’autres familles associatives. C’est énorme. J’ajouterai autre chose : aujourd’hui, je suis encore plus fière parce que je fais partie de la famille des parrains et des marraines de la Fondation Eiffage et ça c’est un monde que je ne connaissais pas et que j’apprécie parce que c’est un monde d’échanges. Solidaires, vous l’êtes tous et ça renforce encore plus mon engagement ».

L’association Le Phare agit pour la prévention du décrochage scolaire et propose aussi des cours pour adultes à Montcourt-Fromonville, à côté de Nemours. En 2015-2016, elle a accueilli 137 adhérents dans ses cours pour 195 heures de cours par semaine. 80 % des adhérents sont issus des quartiers prioritaires de la communauté de communes de Nemours. Elle fonctionne uniquement avec 23 intervenants bénévoles.

Le Phare à Montcourt-Fromonville

« (…) Retraité du groupe Eiffage, j’ai voulu m’investir dans le parrainage notamment à travers la fondation (…). Pour les jeunes, c’était l’envie d’être utile en tant que retraité et de donner du sens à la vie des autres. (…)

Le deuxième point, c’est d’avoir mené à terme (…) la réussite de ces jeunes puisque, sur dix-neuf jeunes, neuf ont intégré une formation. (…)

Ma motivation, c’était le don de soi et la solidarité entre générations (…). Transmettre ma connaissance des métiers et faire connaissance avec d’autres.

Les jeunes ont besoin de beaucoup d’aide. Nous, en tant qu’anciens, nous pouvons leur apporter énormément de choses concrètes, ce qu’est l’entreprise et la vie d’une entreprise(…) ».

Le Prado Rhône-Alpes accueille 1 000 jeunes issus de la protection de l’enfance. Pour faciliter leur insertion professionnelle, elle a mis en place un parcours de formations qualifiantes aux métiers du BTP adaptée aux difficultés et aux profils de ces jeunes. Pour favoriser la réussite, une première étape de découverte des métiers du BTP permet aux jeunes de confirmer leur goût pour ceux-ci.

Patrick Bedex

Ancien directeur achats, Energie

Le Prado Rhône-Alpes à Lyon

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4La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

Mohamadou Macquillou CamaraTopographe, Infrastructures

« Je suis topographe à Eiffage Sénégal depuis dix-huit ans. Dans le cadre du projet, j’ai assuré la liaison avec les acteurs du projet et les bénéficiaires. Ainsi, en tant que traducteur, mon rôle était de favoriser les échanges entre les partenaires (…) du projet.

Le projet a contribué à une modification substantielle du vécu quotidien des bénéficiaires, en mettant à leur disposition de l’eau potable. Cela va beaucoup soulager les peines des femmes qui ne vont plus passer une grande partie de leur temps pour puiser de l’eau. Personnellement, ma participation au projet en tant qu’acteur m’a procuré une satisfaction indescriptible (…) ».

Philippe Galiegue

Ancien responsable d’agence, Gauthey

« Je suis à la retraite. J’ai du temps libre et je ne voulais pas rester inactif. Je me suis donc investi dans ces actions. Aujourd’hui, c’est tellement prenant et passionnant que le temps commence à manquer.

J’en retire une grande satisfaction. Sans vouloir me donner bonne conscience, je suis heureux grâce à la qualité de l’eau, une meilleure santé et une meilleure hygiène de vie qu’on peut amener dans les villages. (…)

Qu’est-ce qu’un engagement solidaire ? C’est faire preuve d’humilité dans ce qu’on fait. C’est un don de soi (…). C’est surtout apporter du bonheur et de l’amitié au travers de tous les gens ».

Hydraulique Sans Frontières a mené un projet d’accès à l’eau dans le village de Diam Diam dans la région de Kaffrine au Sénégal. Au-delà de l’impact en termes de santé, le projet favorise l’autonomie des femmes, le développement d’activités génératrices de revenus. Six jeunes de Cergy en insertion suivis par l’association Sauvegarde 95 ont pu venir quinze jours sur place pour participer aux travaux en binôme avec des Sénégalais.

Hydraulique Sans Frontières à Diam Diam, Sénégal

Habitat et Humanisme Ile-de-France ouvre une maison intergénérationnelle à Jouy-en-Josas. La Fondation Eiffage soutient le projet et a mobilisé du bénévolat de compétences pour les achats de mobilier de cette maison.

Bénévolat de compétences avec Habitat et Humanisme

Zakia BoudoudouhAcheteuse, Construction

« Participer à ce projet, ça m’a permis de découvrir un nouvel univers que je ne connaissais pas, celui des personnes qui ont connu beaucoup de déboires et de difficultés dans leur vie et qui tentent le tout pour le tout pour se réinsérer. Mine de rien, ça force le respect et l’admiration.

(…) Je ne connaissais pas du tout, ou peu en tout cas, la Fondation Eiffage. Ça met du baume au cœur de se rendre compte qu’on travaille pour une société qui s’investit dans le milieu associatif ».

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5La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

« Vous parliez tout à l’heure de ce qui provoque l’engagement. Pour ma part, ça a été un évènement familial, une catastrophe horrible liée aux accidents de la route en 1980, à une époque où on déplorait 13 000 morts par an, chiffre que personne ne connaissait. (…)

C’était forcément la cause immédiate ; mais la deuxième cause profonde qui a rencontré la première, c’est le tempérament. J’avais familialement et personnellement un tempérament à m’engager dans la chose publique. Mon mari et moi, avec notre famille, avons bien compris l’aspect malheur personnel. Nous avions à l’absorber.

…J’ai décidé de fonder une association (…), plutôt un mouvement d’opinion, …Nous, nous n’allions pas nous-mêmes nous mettre à légiférer, à changer l’industrie automobile, à changer la façon de construire et d’aménager les croisements, d’aménager les entrées en ville. Tout cela, on ne pouvait pas le faire nous-mêmes. C’était plus un instrument de pression qu’on voulait créer.

J’ai listé huit petits points de réflexion La première chose qui me vient en tête, quand on s’engage, c’est qu’il faut choisir sa cause. (…) Vraiment, ce qui m’a soutenue, c’est que j’étais sûre que c’était utile. Je voulais absolument arriver à quelque chose. C’est ça qui m’a tenue pendant vingt-sept ans.

Le bonheur, c’est évidemment de découvrir des gens qu’on n’aurait jamais rencontrés autrement. …J’ai découvert aussi, d’ailleurs, tout ce qu’on peut faire en région et qu’on ne peut pas faire à Paris….découvrir des gens qui avaient vraiment du pouvoir sur leur environnement.

Il existe aussi la satisfaction de tout faire soi-même. Tout faire soi-même, c’est le sort de l’association et c’est assez intéressant.

C’est également une vraie école d’humilité. ….Il faut être très humble avec son sujet. Il est central pour nous et il est la dix-huitième préoccupation pour la plupart des gens qu’on va côtoyer.

… il faut très bien connaître son sujet. Il nous emmène très loin de nos compétences professionnelles souvent. C’est mon meilleur souvenir. Ça fait huit ans que j’ai coupé le cordon ombilical, mais ça reste un souvenir absolument exaltant d’avoir eu à découvrir, voir avec leurs yeux, ce qui était la motivation de l’industrie automobile, des constructeurs de route et d’autoroute, des magistrats, des hommes politiques, de la presse automobile. Ces univers n’avaient absolument rien à voir les uns avec les autres.

Intéresser la presse, ce n’est pas toujours votre sujet. Je pense que beaucoup d’entre vous n’ont pas besoin de la presse. En même temps, par moment, ça peut débloquer les situations…

Je vous donne un autre conseil. Il ne faut pas avoir peur du temps… septième point. Il est nécessaire d’avoir le soutien de sa famille. C’est utile parce que, autrement, ça crée des tensions. Ça crée des frustrations aussi. Si on a une femme ou un mari, il vaut mieux qu’il soit d’accord.

Quand on est sur un dossier précis ou qu’on est leader, il faut préparer sa succession. Autrement, on ne partira jamais. Il faut vraiment travailler, repérer les gens, ne pas leur faire peur en leur disant « tu vas prendre ma succession parce que là, c’est la panique générale ». Il est nécessaire que peu à peu que ça s’impose.

Enfin, en conclusion, je dirais que j’ai la chance d’avoir travaillé sur une cause qui concerne absolument tout le monde y compris les gens qui ne sont pas en voiture ; les piétons sont concernés aussi par ça. Rien de ce qu’on a obtenu n’a été populaire au départ. C’était toujours, « on n’en finit plus avec les amendes et avec les retraits de points ». En même temps, la grande satisfaction, c’est que je pense qu’aucun d’entre nous, y compris les plus hostiles, ne voudrait retourner à la situation des débuts en 1981… »

Geneviève Jurgensen

Membre du conseil d'administration

de la Fondation Eiffage

Grand témoin

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6La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

« Je viens de l’est de la France, de Franche-Comté. J’étais un très mauvais élève. J’ai trouvé que l’éducation et l’animation étaient des secteurs attirants, alors que ma famille travaillait dans le secteur du bâtiment. J’ai décidé d’aller construire autre chose. En l’occurrence, j’étais particulièrement attiré par les gens qui étaient fragilisés, par les cabossés. Je me suis retrouvé éducateur spécialisé, à travailler auprès de sans domiciles fixes.

Rapidement, ça a basculé (…) à l’entrée des années 80. On parle de la fin des Trente Glorieuses. Les gens qui avaient plus ou moins choisi un mode de vie SDF, (…) Les Clochards célestes à la Kérouac, il n’y en avait plus. C’était des gens qui étaient rejetés par toute une série d’entreprises. L’engagement, il est venu de là. On était quelques travailleurs sociaux dans des centres d’hébergement, dans les quartiers où il y avait tellement de difficultés qu’en fait vous aviez deux possibilités : l’une était très simple, c’était de « vite vous casser » de là parce que c’était extrêmement dur et violent, l’autre, c’était à un moment donné d’essayer de réinterpréter différemment le travail que vous étiez en train de faire.

C’est comme ça qu’est né un mouvement qu’on appelle l’insertion par l’activité économique qui était totalement balbutiant, pas reconnu.

Quand j’imagine le premier jardin de Cocagne à la fin des années 80 (…), je vais rencontrer une série de partenaires à qui j’explique le projet. Il fallait voir la tête de ceux qui me recevaient. Ils se disaient « il a pété un plomb ce mec ». (…) Aujourd’hui, c’est génial l’agriculture bio. A l’époque, c’était un truc de post-baba cool, qui n’avait pas digéré mai 68. (…) Donc, il faut être tenace dans ce métier.

Comment devient-on entrepreneur social ? A un moment donné, l’idée de ce premier jardin de Cocagne, c’était très simple : une exploitation maraîchère qui travaille en bio, qui fait travailler des gens en difficulté. On a été les pionniers des paniers qui sont livrés à des adhérents consommateurs, c’est-à-dire des gens, comme vous et moi, qui achètent un panier de légumes bio et de saison.

Aujourd’hui, il y a plus de 5 000 personnes qui y travaillent. Il y a plus de 130 exploitations qui sont montées à peu près dans toute la France, qui chaque fois font travailler 30 ou 40 personnes. On considère aujourd’hui qu’il y a presque 25 000 familles qui, chaque semaine, achètent des paniers de légumes dans les jardins de Cocagne.

On parlait tout à l’heure du pourquoi s’engager. Qu’est-ce qui a alimenté la machine ? C’est un peu ce que disait Hessel quand il disait « indignez-vous ». Au risque de vous choquer, je me fous des gens indignés. Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est comment puiser dans une indignation une force de s’engager pour construire et essayer de changer les choses…. »

Jean-Guy Henckel

Fondateur et directeur du réseau Cocagne

Grand témoin

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7La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

Valérie BonifaceDirecteur de projet, Infrastructures

« (…) Je me rendais bien compte que j’avais un métier que j’aimais, que j’avais choisi. Je l’avais choisi parce que j’avais eu la chance d’avoir les bonnes clés. (…). Il est arrivé un moment où ça devenait nécessaire de partager ces clés. C’est à ce moment-là que j’ai contacté l’association Proxité qui fait du parrainage scolaire.

En fait, il y a deux choses qui m’ont plu dans l’association. La première, c’est un parrainage de long terme. J’ai eu la chance de parrainer un gamin de la 6e à la 3e. Je le voyais deux heures par semaine. (…) Je l’aidais dans ses devoirs. Ce parrainage se faisait dans les antennes de l’association avec l’idée de mettre ces antennes dans des cités ou des quartiers difficiles qui en fait touchaient des quartiers d’affaires. (…) J’aimais bien cette idée que ce soit des actifs des quartiers d’affaires qui aillent accompagner des jeunes scolairement. C’était redonner un peu ce que j’avais eu ».

L’association Proxité aide des jeunes en difficulté à s’insérer dans le monde du travail en Ile-de-France. Elle propose à des bénévoles issus du monde de l’entreprise de parrainer des jeunes en difficulté scolaire ou à la recherche d’un premier emploi.

Parrainage de jeunes avec Proxité en Ile-de-France

Roland LecoqAncien directeur de filiales, Construction

« (…) [Mon épouse] était bénévole au sein du Diaconat. Un jour, le Diaconat, ayant un projet immobilier, m’a sollicité pour venir participer à la réflexion. Au bout de quelques réunions, on m’a proposé d’entrer au Conseil d’Administration. (…) J’étais déjà à la retraite depuis plusieurs années. J’avais le désir de rendre service, bien sûr, comme vous tous. C’était aussi un challenge parce que le Diaconat avait des difficultés sur le plan financier.

(…) Pendant six ans, j’ai donc été le président du Diaconat de Bordeaux. Aujourd’hui, j’en suis un simple administrateur qui continue à accompagner les dossiers immobiliers.

Qu’est-ce que j’en ai retenu ? D’abord, j’ai découvert une population invisible, une population en très grande pauvreté, qui en majorité ne peut pas s’en sortir seule.

Le Diaconat de Bordeaux agit depuis 200 ans pour les personnes démunies dans le domaine de l’accompagnement social, de l’hébergement et du logement. Il a mené une expérimentation sur 15 logements sociaux issus du parc privé.

Etre retraité change-t-il quelque chose par rapport à un engagement associatif ?

(…) Ce qui est positif, c’est qu’il y a de nombreux bénévoles (…). Notre société finalement est assez généreuse. (…)

Globalement, j’ai été très satisfait de cette expérience d’autant que j’ai réussi, en bon entrepreneur, à construire un centre d’hébergement et de réinsertion sociale qui est la propriété du Diaconat alors qu’au départ, il n’y avait ni terrain ni argent.

(…) C’est donc une nouvelle carrière dans le monde associatif que j’ai entreprise ».

Exemples d'engagements associatifs

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8La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

« Bonjour à tous. (…)

Le terme « fondation » a une connotation juridico-fiscale. Quand on est dans nos métiers, c’est beaucoup plus profond que ça. C’est la base de tout. C’est comme ça que la première brique est bien posée et qu’on est capable de monter très haut.

Pour tous les projets que nous faisons (…), j’insiste beaucoup sur l’aspect « bras de levier ». (…) Je crois que le témoignage de Bouée d’Espoir est un très bon exemple. Il ne faut parfois pas grand-chose pour développer. Comme vous le savez, les petits ruisseaux font les grandes rivières. Je pense que c’est ça qui est absolument magnifique.

J’aimerais partager avec vous le fait que ma vision pour le groupe, finalement, c’est ma vision pour la fondation. Plus grand, plus haut, plus fort. Permettez-moi un parallèle puisqu’il y a une longue tradition dans le groupe, qui est donc cet actionnariat salarié. (…) J’ai eu la joie d’animer la première réunion des messagers en mars de cette année. Je crois que cette réunion des parrains, c’est aussi une réunion des messagers. Vous les appelez ambassadeurs. J’aimerais que tous, vous repartiez dans vos entités, dans vos unités avec l’idée de faire connaître la fondation. Elle est, je crois, trop confidentielle. Pourtant, il n’y a rien à cacher puisqu’il n’y a que des pépites. (…) Lors d’une réunion des messagers chez Eiffage, il y a 600 messagers. On peut encore grandir. Si la prochaine est dans deux ans et que vous ramenez chacun un parrain, on aura déjà doublé.

J’aimerais aussi faire ce parallèle. Quand on est engagé dans l’associatif, on dit toujours qu’on donne

de soi. Permettez-moi de vous dire et de partager le fait qu’on reçoit encore plus. Finalement, cet aspect de recevoir plus qu’on donne, c’est peut-être un cadeau. Je pense que ce cadeau est tellement beau qu’il mérite d’être partagé. C’est sûrement le meilleur moyen de faire venir des bataillons de nouveaux parrains et de vocation à travers le groupe.

Je voudrais partager avec vous une initiative. Dans une expérience précédente, pour présenter notre activité à travers le monde, un certain nombre de collaborateurs impliqués, des parrains, avaient créé un recueil qui s’appelait Belles histoires. C’est un recueil que je n’ai jamais vu un client lire sans une trace d’émotion.

Finalement, la fondation, c’est aussi être ancré dans nos territoires, être acteur de ce qu’ils deviennent. On est bâtisseur. J’aimerais dire que j’ai une seule question à partager : peut-on être citoyen aujourd’hui sans être solidaire ? Je pense que ce n’est pas possible. (…)

Je n’ai donc qu’un seul vœu : plus haut, plus fort, plus grand. Permettez-moi juste un petit écho parce que ce sont des gens que j’ai rencontrés dans ma vie et il s’avère que leur film est sorti il y a très peu de temps. Ça s’appelle Les Pépites. C’est l’aventure Des Pallières qui se retrouvent au début de leur retraite sur la décharge de Phnom Penh. Aujourd’hui, c’est 12 000 enfants scolarisés, 28 lignes de formation professionnelle et l’aventure continue, reprise directement par des Cambodgiens. Je crois que tous ces projets, ce ne sont que des pépites qui éclairent le monde. Merci encore. »

Benoît de Ruffray

Président directeur général, Eiffage

Conclusion de la matinée

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9La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

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10La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

Neuf groupes de travail ont échangé sur les thèmes suivants :

Quels sont les facteurs déclenchants de l’engagement ?

Quelles satisfactions retirer de son engagement ?

Comment, vous, marraines et parrains, avez-vous fait le premier pas pour solliciter la Fondation Eiffage ? Y a-t-il selon vous des améliorations à mettre en œuvre ?

Comment amener les non-cadres à solliciter la Fondation Eiffage ?

Comment amener les retraités à solliciter la Fondation Eiffage ?

De quels outils les parrains ont-ils besoin pour assurer leur rôle d’ambassadeurs de la fondation et ainsi contribuer à la faire mieux connaître ?

Articulation entre vie associative, professionnelle et privée : comment concilier les trois ?

Quel est le rôle des parrains ? Jusqu’où peuvent-ils s’engager et que peuvent-ils apporter ?

Brainstorming libre sur l’engagement associatif et solidaire. Quelles conditions créer en entreprise pour favoriser l’engagement associatif et solidaire ?

Ateliers thématiques

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11La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

Mieux faire connaître la Fondation Eiffage

Un objectif serait de mieux faire connaître la Fondation Eiffage des collaborateurs, notamment des non cadres et du personnel de production.

Moyen : communiquer de manière plus large en interne, avec des outils à développer ou à mettre en place par exemple :

• Diffusion de la newsletter de la Fondation à tous les collaborateurs ayant une adresse mail.

• Communiquer de manière systématique dans les journaux internes régionaux sur la Fondation, les projets et les parrains, avec le site, un nom et un numéro de téléphone.

• Communiquer de manière systématique dans les évènements du groupe : challenge sportif, conventions locales, etc...

• Pour toucher les non cadres :

o Information particulière sur la Fondation dans les bulletins de salaire des compagnons.

o Affiches dans les baraques de chantier avec un espace personnalisé pour ajouter un contact local.

• Pour toucher les retraités :

o Développer les liens avec l’association des anciens d’Eiffage (AMEIF).

Rendre la Fondation Eiffage plus accessible localement

Un deuxième objectif serait de rendre la fondation plus accessible localement.

Moyen : développer un réseau de relais régionaux et locaux, à l’instar de ce qui est fait pour l’actionnariat salarié ou la prévention, en s’appuyant par exemple sur des relais managériaux forts dans les DR, le réseau RH, les relais communications des branches, un secrétariat de direction d’agence, des témoins locaux (parrains), le relais des CE, les CCI.

Sur le rôle des parrains

Ce qu'est ou pourrait être le rôle des parrains :

• Une passerelle entre un projet associatif et l’entreprise, entre le CREPI et la fondation.

• Un ambassadeur : intermédiaire référent sur sa région, communiquant auprès de ses collègues.

• Un garant du financement : accompagne un projet avant et après, devoir d’alerte.

Pistes de réflexion pour la Fondation Eiffage

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12 La lettre de la Fondation Eiffage #31 | Novembre 2016

« Deux points de conclusion. L’une est la phrase d’un notable sénégalais que j’avais rencontré au forum social mondial de Dakar : « la qualité de la vie, c’est la qualité de l’engagement ». L’autre, toujours au Sénégal, à Saint-Louis, au musée de l’aviation ; il y a une citation de Latécoère extraordinaire : « nos ingénieurs ont refait tous les calculs. Ils ont vu que c’était impossible ; donc, nous l’avons réalisé. »

Et ce sont aussi vos témoignages de ce jour qui montrent que rien n’est impossible. Bon courage à vous tous et merci beaucoup ».

Benoît de Ruffray

« Vous avez tous exprimé que les collaborateurs retrouvent du sens dans la vie associative... Je crois qu’on peut faire le parallèle. La fondation vis-à-vis du groupe, elle a le même rôle finalement. Elle participe à redonner du sens au groupe.

C’est quoi l’aventure d’un groupe ? C’est plus de 60 000 collaborateurs qui œuvrent tous les jours. Il faut aussi que le groupe redonne du sens. Je pense que la fondation en fait partie. C’est aussi une source d’énormément de fierté et de retour pour le groupe dans ce qu’il représente dans tous les territoires et auprès de tous ses collaborateurs et finalement de ses clients. Je crois que c’est une partie intégrante et un vecteur de nos valeurs. Christian faisait référence à ce groupe de travail qu’on a tous les deux choisi d’appeler « un groupe engagé ». Je crois qu’il n’y a pas plus beau terme que l’engagement quand on parle de vie associative. Pour moi, c’est une fondation, certes, mais aussi finalement une clé de voûte.

Je pense qu’on est à l’aube de vivre une transformation excessivement puissante nourrie par les nouvelles technologies (…) Nos collaborateurs et le groupe doivent constamment penser tout ce qu’ils proposent à leurs clients en se disant « quel est le client final et comment je l’impacte ? » J’imagine que vous aurez fait le même raccourci que moi. La fondation est sûrement l’un des outils les plus puissants pour impacter le client final qui, de plus en plus, interviendra dans les choix de nos clients directs pour savoir si nous sommes capables de leur faire la meilleure offre et leur offrir le meilleur service.

Je pense que la fondation, dans son développement, la manière dont elle va toucher et être prise comme un outil par l’ensemble de nos collaborateurs, est un enjeu majeur qu’il nous faut mettre au bon niveau pour aller encore plus fort. Comme je faisais partie du groupe qui parlait des équilibres entre la vie associative, la vie privée et la vie professionnelle, je pense que des collaborateurs engagés et épanouis, c’est aussi la meilleure garantie de la performance du groupe. Merci à tous ».

Jean Carré

Conclusion de la journée

Evaluation du séminaire

78% des participants ont répondu au questionnaire de satisfaction en ligne.

98% des participants répondants sont très satisfaits ou satisfaits de la plénière de la matinée, et 92% des ateliers et du debriefing de l’après-midi.

Pour contacter la Fondation Eiffage :

3-7, place de l'Europe - 78 140 Vélizy-Villacoublay - 01 71 59 11 18

Jean Carré, président - Xavier Lanthiez, délégué général - Diane Durand, chargée de mission