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La lettre de l'Itésé Lettre trimestrielle d'information de l'Institut de aux scientifiques, aux managers, aux tutelles et aux décideurs TechnicoEconomie des Systèmes Energétiques destinée La lettre de l'Itésé Lettre trimestrielle d'information de l'Institut de aux scientifiques, aux managers, aux tutelles et aux décideurs TechnicoEconomie des Systèmes Energétiques destinée Numéro 26 Automne 2015 Editorial L'Itésé dans la COP 21 Le CEA, acteur majeur de la recherche sur les énergies bascarbone, est fortement impliqué dans la COP 21. En complémentarité avec les travaux sur les technologies du futur, les sciences du climat (avec le LSCE*) et l’économie (avec l’Itésé) jouent un rôle central. Notre Institut s’est mobilisé pour contribuer directement à la COP 21. Un très important travail a été mené en 2014 et 2015 avec nos alliés (CNRS et IFPEN principalement) au sein de l’Alliance de coordination de la recherche pour l’énergie (Ancre). Sous le nom de «Decarbonization Wedges», il consiste à proposer une évaluation des potentiels (les «wedges») des technologies, au plan mondial, pour placer nos émissions de CO 2 sur une trajectoire compatible avec l’objectif des 2°C en 2100. Une nouvelle méthodologie a été construite, en cohérence avec les travaux du Projet «Deep Decarbonazation Pathway» (DDPP) de l’ONU. Notre conclusion majeure est que le potentiel est là à court terme, mais qu’une mobilisation sans précédent doit s’organiser pour réussir ce défi à long terme. Un résumé de cette étude vous est proposé dans cette lettre. Elle sera présentée officiellement à la COP 21. Par ailleurs, nos lecteurs et «followers» réguliers savent que l’Institut a mis l’accent cette année sur l’économie des systèmes hydrogène. Dans cet esprit, nous coordonnons un «side event» dans le Pavillon français de la zone bleue (zone internationale) de la COP 21. Il aura lieu le dernier jour, 11 décembre, de 9h à 11h. JeanGuy Devezeaux de Lavergne Directeur de l'Itésé Sommaire Dossier Technologies bas carbone et scénarios 2°C : "l'étude DW" de l'ANCRE Eclairages Qu'espérer de l'innovation ? La cogénération nucléaire, analyse de l'expérience finlandaise Première évaluation économique de la cogénération nucléaire pour le chauffage urbain en France Brèves Multicriteria Analysis of innovation policies in favor of solar mobility in France by 2030 Rapport OCDE/AIE/AEN "Projected Cost of Generating Electricity 2015 Les marchés de l'uranium vus par l'AIEA Actualités scientifiques/ Vie de l'Unité 2 12 14 16 24 26 27 28 Le chiffre du trimestre Le chiffre du trimestre 62 Milliards de $ C'est le montant estimé par l’OCDE concernant les financements mobilisés en 2014 par les pays développés pour soutenir l’action climatique dans les PED, à comparer avec l’engagement de 100 Mds d’ici 2020. Le chiffre du trimestre

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La lettre de l'I­téséLettre trimestrielle d'information de l'Institut de

aux scientifiques, aux managers, aux tutelles et aux décideursTechnico­Economie des Systèmes Energétiques destinée

La lettre de l'I­téséLettre trimestrielle d'information de l'Institut de

aux scientifiques, aux managers, aux tutelles et aux décideursTechnico­Economie des Systèmes Energétiques destinéeNuméro 26 ­ Automne 2015

La Lettre de l'I-tésé - CEA - Bâtiment 524 - 91191 Gif-sur-Yvette Cedex [email protected] ISSN 2107-6804

Editeur : CEA/DEN/I-tésé - Directeur de la publication : Jean-Guy Devezeaux - Rédacteur en chef : Jean-Guy Devezeaux -Rédacteurs : Vincent Bontems, Jean-Guy Devezeaux, Thierry Duquesnoy, Sophie Gabriel, Frédéric Jasserand, Martin Leurent, Antoine Monnet, Nathalie

Popiolek, les Groupes Programmatiques de l'ANCRE.

Editorial

L'I­tésé dans la COP 21

Le CEA, acteur majeur de la recherche sur les énergies bas­carbone, estfortement impliqué dans la COP 21. En complémentarité avec les travauxsur les technologies du futur, les sciences du climat (avec le LSCE*) etl’économie (avec l’I­tésé) jouent un rôle central.Notre Institut s’est mobilisé pour contribuer directement à la COP 21. Untrès important travail a été mené en 2014 et 2015 avec nos alliés (CNRS etIFPEN principalement) au sein de l’Alliance de coordination de larecherche pour l’énergie (Ancre). Sous le nom de «DecarbonizationWedges», il consiste à proposer une évaluation des potentiels (les«wedges») des technologies, au plan mondial, pour placer nos émissionsde CO2 sur une trajectoire compatible avec l’objectif des 2°C en 2100.Une nouvelle méthodologie a été construite, en cohérence avec lestravaux du Projet «Deep Decarbonazation Pathway» (DDPP) de l’ONU.Notre conclusion majeure est que le potentiel est là à court terme, maisqu’une mobilisation sans précédent doit s’organiser pour réussir ce défi àlong terme. Un résumé de cette étude vous est proposé dans cette lettre.Elle sera présentée officiellement à la COP 21.Par ailleurs, nos lecteurs et «followers» réguliers savent que l’Institut amis l’accent cette année sur l’économie des systèmes hydrogène. Dans cetesprit, nous coordonnons un «side event» dans le Pavillon français de lazone bleue (zone internationale) de la COP 21. Il aura lieu le dernier jour,11 décembre, de 9h à 11h.

Jean­Guy Devezeaux de LavergneDirecteur de l'I­tésé

* Le LSCE est le Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement, unité mixte CEA-CNRSPS : COP 21 oblige, cet édito affirme une biodiversité linguistique d’une origine aisémentidentifiable. Nous nous engageons à pratiquer un recentrage de bon aloi pour la prochaineédition.

SommaireDossierTechnologies bas carbone etscénarios 2°C : "l'étude DW" del'ANCREEclairagesQu'espérer de l'innovation ?La cogénération nucléaire, analyse de l'expériencefinlandaisePremière évaluation économiquede la cogénération nucléaire pourle chauffage urbain en FranceBrèvesMulticriteria Analysis ofinnovation policies in favor ofsolar mobility in France by 2030Rapport OCDE/AIE/AEN "Projected Cost of GeneratingElectricity 2015Les marchés de l'uranium vuspar l'AIEAActualités scientifiques/Vie de l'Unité

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Le chiffre du trimestreLe chiffre du trimestre

62 Milliards de $C'est le montant estimé par l’OCDEconcernant les financementsmobilisés en 2014 par les paysdéveloppés pour soutenir l’actionclimatique dans les PED, à compareravec l’engagement de 100 Mds d’ici2020.

Le chiffre du trimestre

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Technologies bas carbone et scénario 2°C :L’ étude «Decarbonization Wedges» del’ANCREpar L'ANCRE(1)

L’Alliance Nationale de Coordination de la Recherche pour l’Energie (ANCRE) aengagé un exercice sur l’évaluation des technologies bas carbone permettant deréduire les émissions des gaz à effet de serre. Cet exercice, réalisé dans uneperspective internationale, a conduit à mobiliser l’ensemble des GroupesProgrammatiques de l’ANCRE afin de définir, par dires d’experts, la trajectoire dematurité et de déploiement de ces technologies, ainsi que les verrous ouaccélérateurs potentiels. Il s’agit notamment d’identifier les actions à mener entermes de R&D pour rester sur une trajectoire mondiale de 2°C. Ce travail estcomplété par un traitement de l’information collectée par le CNRS­UGA (équipeEDDEN), dans le cadre de l’exercice DDPP (Deep Decarbonization PathwaysProject), engagé par l’IDDRI et le réseau SDSN de l’ONU. Le traitement des“trajectoires de décarbonisation profonde” produites par les équipes nationales deseize pays (représentant 75% des émissions mondiales de CO2) donne une autreévaluation des potentiels d’abattement(2). Ces deux représentations sontcomplémentaires et donnent une vision détaillée et cohérente des potentiels desdifférentes technologies bas carbone qui pourraient permettre de s’inscrire sur unetrajectoire 2°C.Cette étude a été coordonnée par le Groupe Thématique ANCRE «Socio­économieet Prospective» (GP9), animé par Nathalie Alazard­Toux (IFPEN), Patrick Criqui(CNRS­UGA) et Jean­Guy Devezeaux de Lavergne (CEA).L’intégralité de cette étude et les fiches par technologie sont disponibles sur le sitede l’ANCRE (http://www.allianceenergie.fr).

1 ­IntroductionCréée en 2009 suite à une recommandation del’OPECST(3) et à l’initiative des ministres en charge del’Écologie, de l’Énergie et de l’Enseignement supérieur etde la Recherche, l’Alliance Nationale de Coordination dela Recherche pour l’Energie (ANCRE) rassemble tous lesorganismes publics de recherche français concernés par laproblématique de l’énergie. Elle a pour mission de mieuxcoordonner les recherches sur l’énergie menées par lesdifférents organismes publics nationaux. L’ANCREélabore une vision partagée des verrous scientifiques,technologiques, économiques et sociétaux qui entraventles développements industriels et participe à la mise enœuvre de la stratégie française de R&D dans ce secteur.

L’ANCRE a ainsi souhaité contribuer aux réflexionsdéveloppées dans le cadre de la COP 21(4) en apportantun éclairage approfondi sur le rôle des technologies bascarbone aux stratégies de réduction des émissionsmondiales de CO2 permettant de contenir leréchauffement climatique à au plus 2°C en 2100.La réalisation de ce travail a nécessité, de la part desexperts de l’Alliance, l’identification et l’évaluation de ceque S. Pacala et R. Socolow(5) avaient initialement nomméles Stabilization Wedges (wedge pour coin/levierdésignant une tranche d’abattement). Dans la perspectivedes recherches en cours sur la décarbonisation profondedes systèmes énergétiques, le terme retenu aujourd’huidans l’étude ANCRE est “Decarbonization Wedges”.Pour réaliser ce travail, deux approches complémentairesont été développées et analysées conjointement.Une première partie a consisté à travailler sur lestrajectoires construites dans le cadre du projet DeepDecarbonization Pathways (étude DDPP, présentée au

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Sommet sur le Climat des Nations Unis en septembre2014) pour les 16 pays les plus grands émetteurs de CO2soit 75 % des émissions mondiales. Ces trajectoires visentà une décarbonisation profonde du système énergétiquedes pays concernés, en ligne avec une division par deuxdes émissions mondiales de CO2. L’analyse détaillée desperspectives tracées pour chaque pays a permisd’identifier les technologies ou groupes de technologies«bas carbone», prépondérants et de quantifierprécisément leur contribution à l’objectif global.Dans un second temps, l’ensemble des groupesprogrammatiques de l’ANCRE – 5 groupes spécialisés surles technologies d’offres d’énergie, 3 groupes centrés surles technologies de la demande d’énergie et un groupefocalisé sur les technologies liées au stockage de l’énergieet à la gestion des réseaux – ont été mobilisés. De manièreindépendante de la première partie du travail, ils ontidentifié les technologies clefs qui devraient permettre–selon l’état des connaissances actuelles –unedécarbonisation profonde du système énergétiquemondial. Vingt­cinq technologies majeures(6)ont ainsi étélistées et étudiées. Chacune d’entre elles a fait l’objetd’une analyse descriptive comprenant une évaluation :• des développements les plus récents dans les différentesrégions du monde,• de la maturité technologique (indice TRL(7)),• du potentiel de développement,• de la contribution à la réduction des émissions de CO2 àl’horizon 2050.En outre, le travail a permis la mise en évidence desverrous rencontrés pour chacune des filières (R&D,économique, réglementaire, ressources et impactsenvironnementaux, sécurité et faisabilité sociotechnique).Enfin, un travail d’identification des politiques derecherche et d’innovation ainsi que des outilséconomiques qui permettraient d’accélérer ledéveloppement et la diffusion de ces technologies auxplans national et international a été réalisé.Le rapport(8) donne une vision synthétique du travaildirigé dans le cadre de l’ANCRE sur les DecarbonizationWedges (DW) à l’échelle mondiale. Il contribue ainsi àune meilleure caractérisation des solutions et despolitiques qui pourraient permettre de “rendre possiblesles futurs énergétiques aujourd’hui identifiés commesouhaitables”.2 ­ Contribution des différentes technologies à ladécarbonisation : la vision des contributionsnationales DDP2.1 ­Le projet Deep Decarbonization Pathways (DDP)(9)

Ce projet vise à illustrer la façon dont différents payspeuvent poursuivre leurs priorités nationales dedéveloppement tout en réalisant la décarbonisationprofonde de leurs systèmes énergétiques à 2050 en vuedes scénarios 2°C.

Le projet DDP est donc une initiative de recherchecollaborative visant à comprendre et montrer commentengager les transitions vers une économie bas­carbone. Ils’appuie sur 16 équipes de recherche nationales. Ces 16pays représentent les trois quarts des émissions actuellesde CO2 et se caractérisent par différents niveaux dedéveloppement : Afrique du Sud, Allemagne, Australie,Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Etats­Unis, France,Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume Uni etRussie. Chaque équipe de recherche nationale a eu pourmission de réaliser une ou plusieurs trajectoires(pathways) de décarbonisation profonde à l’horizon 2050,en ciblant en premier lieu la faisabilité technique.Les 16 trajectoires initiales illustratives, mises en évidencepar les équipes de recherche, s’appuient à des degrésdivers sur les trois piliers habituels de la décarbonisationprofonde des systèmes énergétiques nationaux :• efficacité énergétique et sobriété,• décarbonisation de l’électricité et autres vecteursénergétiques,• transferts d’usage vers les vecteurs décarbonés.Ces trois piliers sont communs à tous les pays, mais leurcontribution dans les trajectoires de décarbonisation sontvariables du fait de conditions nationales contrastées. Cesdifférences nationales incluent notamment les conditionssocio­économiques et les nouveaux besoins associés à lacroissance économique, la disponibilité des ressourcesénergétiques et les choix de politique nationale en matièrede développement des énergies renouvelables, de lapuissance nucléaire, du CCS et des autres technologiesbas carbone.L’objet de l’analyse sur les trajectoires de décarbonisationprofonde réalisé dans l’exercice DW de l’ANCRE a été deconstruire une typologie permettant de classer les 16 paysen quatre catégories selon leur niveau de développementéconomique et leur intensité carbone, puis d’identifier lesprincipaux leviers ou wedges dans chaque catégorie.2.2 ­La méthodologie pour identifier les principaux «wedges » ou leviers de décarbonisationL’étude DW vise à identifier les principaux levierspermettant d’obtenir des systèmes énergétiques dedécarbonisation profonde. Le concept de «wedges» ouleviers doit être interprété comme une action ou unetechnologie générique permettant d’obtenir uneréduction quantitativement significative des GES etd’évoluer ainsi vers une trajectoire 2°C.La méthodologie développée le CNRS­UGA (équipeEDDEN) cherche, pour chaque secteur, à prendre encompte l’impact des changements dans l’utilisation detechnologies bas carbone, par rapport à un cas deréférence en identifiant trois groupes de facteurs :• l’intensité énergétique sectorielle (bâtiment, transport,industrie) ;

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Dossier• l’intensité carbone sectorielle ;• le mix de production électrique. La mesure des impactsest menée à partir d’une équation de type Kaya sectoriellepermettant de construire une projection “contre­factuelle”à efficacité, intensité et mix constant, mais niveaud’activité changeant, par pas de 10 ans).Les trois groupes de facteurs se retrouvent dans les 17wedges identifiés dans le tableau suivant.

Table 1 –Les 17 “wedges” de DDPP

Figure 1 – DDPP: émissions de CO2– résultats monde

La mise en œuvre de cette méthodologie montre que leswedges implicites de l’étude DDPP permettraientd’atteindre en 2050 une réduction des émissions de CO2

de l’ordre de 40 milliards de tonnes par rapport à laprojection contre­factuelle, ce qui représente une divisionpar un facteur 2 des émissions par rapport à la situationactuelle. Deux facteurs explicatifs sont à mettreparticulièrement en évidence: premièrement, les wedgesde demande sont globalement aussi important que ceuxdu secteur électrique, en particulier dans les premièresdécennies ; deuxièmement, côté demande, leschangements structurels et technologiques dansl’industrie joueront un rôle très important dans le futur.3 ­Contribution des différentes technologies dedécarbonisation: la vision de la communauté derecherche de l’ANCRE3.1 ­L’étude «experts» DW : les facteurs clefsL’objectif du deuxième volet de l’étude, mobilisant lesexperts de l’ANCRE, était d’offrir une vision mondialedes secteurs de demande et des différentes technologiesbas­carbone à 2050, afin d’explorer le potentiel destechnologies clefs. L’hypothèse de politiquestechnologiques proactives a été adoptée, le but étantd’étudier le déploiement des technologies bas carbonedans le cadre de scénarios 2°C.La décarbonisation profonde des économies devracombiner des transformations dans les comportements,les institutions et les technologies : à ce stade, l’étude DWa visé avant tout à décrire le potentiel respectif de cesdernières. Pour ce faire, une grille d’analyse standard(template) a été établie autour de quatre thèmescorrespondant aux dimensions principales destechnologies, ceci afin d’imaginer leur contributionrespective dans la réduction des émissions de CO2 à 2050 :­ Description des technologies ou secteurs avec lesdéveloppements les plus récents dans les différentesrégions du monde ;­ Estimation des niveaux de maturité actuelle destechnologies, leur potentiel de développement etcontribution à la réduction des émissions de CO2 à 2050 ;­ Evaluation des performances et des verrous (R&D,économique, réglementation et régulation, sécurité etsûreté, faisabilité sociotechnique) ;­ Appréciation de la nature des innovations (radicales ouincrémentales) nécessaires pour lever les verrousidentifiés.Cette étude a analysé les potentiels de développementdes technologies, en demandant aux groupesprogrammatiques de l’ANCRE d’identifier les principauxverrous s’opposant à un large développement. Ceux­cidépassent largement le seul domaine technique. Lepotentiel total qui est in fine issu de cet exercice supposeune vision très dynamique de la recherche et del’innovation, de façon à rendre possible des changementsimportants.

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Ainsi, l’étude DW diffère fondamentalement des étudesclassiques de scénarios qui décrivent des trajectoires, alorsque notre étude présente une enveloppe des possibles,dans une hypothèse sous­jacente d’engagement résoluvers un monde bas carbone. L’analyse a été menée en sefondant sur un découpage de 108 technologies,regroupées ensuite dans des grandes familles detechnologie.3.2 ­Capacité de développement des principalestechnologies de décarbonisationUn travail très important d’identification des potentiels dedéveloppement et des niveaux de maturité destechnologies a été effectué par l’ANCRE en amont desdéveloppements présentés ci­après. Il est décrit dans lerapport complet. Nous nous bornerons ici à présenter uneanalyse des verrous, ainsi que des principaux domainesdans lesquels sont attendues des innovations, notammentdes innovations de rupture ou radicales.3.2.1­Les principaux verrous au développement destechnologies bas carboneUne analyse des verrous par famille permet de mieuxapprécier les défis respectifs pour les différentestechnologies. A cet effet, il a été demandé aux experts declasser (du plus fort au moins fort) 6 types de verrous partechnologie. L’importance des verrous n’a donc étéappréciée qu’en termes relatifs.Le graphique suivant indique que le verrou identifiécomme le plus important, toutes technologiesconfondues, est la capacité de ces technologies à sedévelopper dans un monde concurrentiel, avec dessignaux­prix aujourd’hui insuffisants et des difficultésd’accès au financement.Les fluctuations des marchés (y compris ceux des énergiesfossiles) sont aussi perçues comme induisant desincertitudes qui peuvent s’avérer des freins. Encontrepoint de cette évaluation, la réglementationapparait dans cette étude au moins autant comme unrisque que comme une opportunité. Selon les analysesportant sur les différentes technologies, la réglementationapparait nécessaire, mais des doutes majeurs demeurentquant à sa stabilité, prévisibilité et efficacité.La possibilité de fournir un effort massivement accru deR&D est aussi un point majeur. Cette analyse rejoint cellede l’AIE(10) qui a exprimé en juin 2015 qu’il seraitprobablement nécessaire de tripler les dépenses de R&Dpour atteindre les objectifs de la COP. Le quatrièmeverrou est celui de la faisabilité sociale du développementdes technologies, à égalité avec la question des impactssur l’environnement et l’épuisement des ressources.

Figure 2 – Verrous principaux pour DWSource: ANCRENote : cette figure montre les verrous les plus significatifs pourtoutes les technologies sur une échelle linéaire (occurrence desréponses par verrous et rang indiqué dans chaque réponse).Un niveau insuffisant de R&D apparait comme un verrousignificatif pour l’essentiel des technologies, ce qui traduità la fois le fait que des progrès complémentaires sontattendus (voir notamment la section qui suit sur la naturedes innovations et le besoin de ruptures) et que l’effortactuel n’est pas à la hauteur des enjeux. Quelquestechnologies ont déjà un stade de maturité technologiqueélevé, mais des efforts de R&D supplémentaires sontnécessaires pour améliorer les performances et accélérerle déploiement. Les cellules en silicium cristallin parexemple, sont déjà matures, ce qui n’empêche nullementque des efforts très significatifs restent à faire pour destechnologies plus récentes comme les pérovskites.Le verrou «réglementation» apparait également commeun enjeu d’importance, notamment pour lesrenouvelables (biomasse, hydraulique, solaire, éolien) etle CCS. La règlementation existante peut être inadéquate(subventions aux énergies fossiles), ou constituer de fortesbarrières au déploiement des nouvelles solutions (permis,décrets, procédures d’autorisation publique, normesenvironnementales parfois) ; les changements fréquentsdans la réglementation sont également un sujet important(instabilité des tarifs de rachat de l’énergie solaire) ; enfin,des divergences internationales de régulation parfoisfortes conduisent à des inefficacités flagrantes.Une analyse détaillée des verrous par technologie estprésentée dans le rapport complet.3.2.2 ­Innovations radicales et incrémentalesL’analyse précédente est complétée par l’identificationpar les experts de l’ANCRE des types d’innovationnécessaires. Ceux­ci ont qualifié les innovationsattendues, en rupture ou incrémentales, et ont aussi notéle manque de visibilité lorsque c’était le cas. L’analyse

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porte sur l’ensemble de la période, jusqu’à 2050 et doncau­delà de l’horizon des innovations technologiquesincrémentales. On constate que des innovations radicalessont attendues à long terme pour les technologies, maisaussi pour la régulation (en particulier dans le domainedes signaux­prix, des normes et des transferts detechnologie). Des innovations en rupture sont aussiattendues pour la conception et l’organisation desmarchés (marché électriques, marché du carbone,financement, transferts vers les pays du Sud …).

Figure 3 – Innovations radicales et incrémentales par verrouNote : ce graphe illustre le pourcentage d’innovationsestimé pour toutes les technologies (la partie grisecorrespond soit à une non­réponse soit à un besoin faibleen innovation).L’analyse par famille de technologies indique de fortesdisparités, lesquelles doivent être mises en rapportnotamment avec la maturité plus ou moins grande destechniques retenues par les experts. Il peut y avoir ainsiune certaine hétérogénéité selon les familles. Celles quinécessitent les plus fortes ruptures étant la valorisation dela biomasse, le CCS, les réseaux, l’efficacité dansl’industrie et les énergies marines. L’analyse du secteurdu bâtiment devra être poursuivie ultérieurement.

Figure 4 – Innovations radicales et incrémentales selon lesfamilles de technologieSource: ANCRENote : ce graphe illustre le pourcentage d’innovations

estimé pour toutes les technologies (la partie grisecorrespond soit à une non­réponse soit à un besoin faibleen innovation).3.3 ­Evaluation des potentiels des nouvelles technologiespour une décarbonisation profondeUn premier résultat peut être illustré par la comparaisondes réductions d’émission dans l’étude DDPP telsqu’analysées par l’ANCRE et de celles qui apparaissentpossibles à partir de l’analyse des GroupesProgrammatiques de l’ANCRE.Une simple comparaison demeure impossible car lespremiers chiffres décrivent une consolidation effectuéepour 16 pays, et structurée dans des scénarios bouclés,alors que l’analyse de l’ANCRE porte sur des potentielsde technologies à l’échelle mondiale.Ces derniers ont été évalués en supposant une fortedynamique de la recherche et de l’innovation,accompagnée de mesures aptes à promouvoir l’adoptiondes nouvelles technologies.Des changements sociétaux, qui échappent en partie àl’action des gouvernements seront aussi indispensables. Ilfaut également noter que les potentiels identifiés par lesexperts de l’ANCRE sont d’une certaine manièreoptimistes, car situés dans une perspective 2°C, maisprobablement aussi sous­évalués, dans la mesure oùtoutes les technologies susceptibles de contribuer auxréductions d’émission n’ont pu être décrites.Enfin, la méthode de construction de l’indicateur depotentiel par questionnaire, même assisté de nombreusesdiscussions et recoupements, n’est pas exempte desubjectivité. Il faut donc prendre la vision du futur destechnologies par les experts ANCRE comme uneévaluation en ordre de grandeur.La figure suivante montre que le potentiel de réductiond’émissions des technologies identifié par les groupesprogrammatiques de l’ANCRE (environ 50 milliards detonnes de CO2 en 2050) apparait supérieur à l’abattementnécessaire tel que rapporté par DDPP (38 milliards detonnes de CO2 à cette date). C’est un résultat heureux quipeut être interprété simplement par le fait que les expertsde l’ANCRE pensent que le potentiel est compatible avecl’objectif de réduction pour une trajectoire 2°C. Il resteque la «marge» obtenue est faible à mi­parcours du siècleet elle ne laisse alors que peu de marges de manœuvre.Pour les 10 à 15 prochaines années, la plupart destechnologies sont déjà connues et leur potentiel est plusimportant que nécessaire si l’on en croit DDPP : la margeà 2020 est d’environ 200% et celle de 2030 de 100%. Aumilieu du siècle, les besoins de réduction continueront àcroître et les potentiels augmenteront, cependant la margese réduira. A 2050, il n’y aura quasiment plus de degré deliberté.

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La situation sera alors telle que, même si le scénario 2°Cparait techniquement faisable, il ne le sera que souscondition d’efforts en R&D significatifs dans les périodesantérieures. Cette situation ne provient pas d’un faibletaux d’innovation ni d’un manque de nouvellestechnologies même s’il est difficile d’introduire desruptures technologiques : il s’agit en fait d’assurer unéquilibre dynamique entre les besoins de réduction et leprogrès technologique.Les principales technologies d’offre énergétique capablesd’accélérer le passage à la trajectoire 2°C sont par ordre depotentiel de réduction : le solaire (10% du potentiel globalde réduction), l’éolien (9%), les réacteurs nucléaires de3ème génération (8,5%), l’hydraulique (principalementdans les pays du Sud), la biomasse (en prenant en comptela chaleur, les biocarburants et l’électricité) ainsi quetoutes les nouvelles technologies (comme la géothermie etles énergies marines). Le CCS et les technologies destockage joueront également un rôle important dans laréduction des émissions.Concernant les usages finals, les nouvelles technologiesd’efficacité énergétique et de décarbonisation introduitessur la première moitié du siècle auront un impactparticulier dans l’industrie (24% des réductions globales)et les transports (19%). A l’échelle mondiale, l’étudeANCRE suggère que le secteur du bâtiment aurait un rôlemoins important en termes de réductions des émissions(5%).

Figure 5 – Objectifs d’abattement DDPP comparés à ceuxestimés par les experts ANCRENote : les traits en rouges représentent les incertitudes dans lesévaluations DW (ces incertitudes augmentent avec le temps etdépendent de la part des technologies matures ou non matures)Le graphique ci­dessus montre une assez grandecohérence des résultats au regard des profils de chacunedes familles de technologie, malgré les méthodes très

différentes. Pour l’industrie, DDPP indique une réductionrapide des émissions tandis que les experts ANCRE sontplus conservateurs quant au potentiel d’abattement endébut de période ; cette différence peut provenir du faitque, dans l’ANCRE, le déploiement des technologies estessentiel alors que dans DDPP est intégré l’impact duchangement des structures industrielles des pays. Pourles transports, les potentiels identifiés par l’ANCRE sontplus que suffisants pour atteindre les niveauxd’abattement de DDPP.Le tableau suivant fournit une vision plus précise descontributions respectives des abattements de CO2 desdifférentes technologies, dans DW et dans DDPP.

Table 2 ­ Contributions dans l'abbatement dans DW et dansDDPP (en Gt CO2)

Table 3 ­ Impact de la structure des leviers/wedgesdans DW et DDPPLa dynamique des wedges est fondamentale. En effet, ilapparait que les potentiels de réduction d’émissionestimés par les groupes de travail de l’ANCRE débutentplus rapidement que ceux identifiés dans DDPP (c’est àdire dès 2020, cf. Figure 5) : la raison provient de l’inertiedes systèmes techniques et des différentes contraintes

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Dossierprises en compte dans les scénarios de décarbonisation.De plus, les développements technologiques varientd’une technologie à l’autre (voir dans le rapport, lestableaux portant sur les niveaux de maturité).Néanmoins, le développement attendu des technologiesdans leur globalité montre des profils assez cohérentsentre les deux études.

Figure 6 – Dynamique des leviers/wedges dans l’étude DW­Source ANCRE

4 ­Politiques publiques pour accélérer ledéveloppement des technologies bas­carboneL’étude DW s’est intéressée aux moyens de piloter lestrajectoires de mise en œuvre des technologies pouratteindre les potentiels identifiés. Un des points majeursconcerne l’évolution des sociétés, des valeurs, del’organisation sociale (dont celle des villes), des modalitésde l’adaptation au changement climatique. Ce sujetcentral n’est pas abordé ici mais il renvoie notamment auxverrous «non techniques» identifiés plus haut. Une autrequestion centrale est celle de l’innovation et de sa gestion,dans la mesure où les meilleures conditions doivent êtreréunies pour assurer la transition (voir l’article de VincentBontems dans cette Lettre de l’I­tésé).Les politiques de R&D s’arrêtent généralement lors dulancement des innovations sur des technologiquesspécifiques. Cependant le challenge de la décarbonisationinduit en premier lieu un effort considérable au niveau dela demande, avec les leviers «efficacité de la demande» et«transferts d’usage sur des vecteurs bas carbone» dans lestrois principaux secteurs, bâtiment, transport et industrie.Mettre en place ces leviers doit conduire à prendre enconsidération de façon attentive les modes deconsommation des consommateurs finaux, le designréglementaire, les messages d’information et d’appel à lasobriété ainsi que les signaux économiques devantpermettre une meilleure diffusion des solutions bascarbone et des nouvelles habitudes inhérentes.

Deuxièmement, l’objectif de la décarbonisation impliqueégalement une utilisation de plus en plus importante desénergies renouvelables dans la production électrique, enparticulier les sources d’électricité renouvelable variables(ERV, comme le solaire et l’éolien). Ceci implique uneévolution drastique des systèmes électriques afin demaintenir leur stabilité et leur résilience. Les ajustementspermanents entre l’offre et la demande d’électricité dansles systèmes fortement dotés d’énergies renouvelablesvariables supposent une réorganisation et unrenforcement des principaux réseaux avec les super gridset le développement de solutions locales comme les smartgrids afin de permettre une plus grande flexibilité de lademande. Cet ajustement pourra aussi conduire à la miseen place de stockage de masse de l’électricité.Tout comme il existe une dimension systémique de lagestion des énergies renouvelables, l’importance del’action sur la demande implique d’engager la recherchesur les nouveaux systèmes sociotechniques pour l’habitatet les transports au sein de smart cities ou communities.Cette approche est un facteur clef pour compléter lesapproches purement techniques.Bien entendu, un autre point clef sera le montant del’effort mondial en R&D pour les énergies « bas carbone». Sur les quarante dernières années, le montant total de laR&D publique sur l’énergie a varié significativemententre 10 et 20 milliards de dollars par an (en monnaiecourante), mais sur quarante ans elle n’a passignificativement augmenté. Actuellement ce montants’établit autour de 15 milliards de dollars. Les efforts deR&D pour l’énergie semblent être corrélés avec le prix dupétrole. Malheureusement, les inquiétudes croissantesconcernant l’environnement global ne modulent pas defaçon structurelle la dépense publique de R&D surl’énergie. Ceci parait signifier que l’actuelle R&D pourl’énergie n’est pas en adéquation avec les enjeux duchangement climatique .

Figure 7 – Les budgets R&D et les prix du pétroleEn ce qui concerne la structure des dépenses en R&D, deschangements significatifs ont eu lieu depuis le milieu desannées 70, avec un rééquilibrage en faveur des

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technologies non­nucléaires. En 1974, le secteur dunucléaire représentait plus de 75% du total des dépensespubliques de R&D ; en 2014 ce niveau a chuté à 25%, soitau même niveau que les énergies renouvelables. Le resteest dédié aux autres technologies de l’offre et également,de façon plus en plus forte, à l’efficacité énergétique.Pour réussir la transition il faudra donc piloter l’effort etles conditions de cet effort. Parmi les points pertinents, ilconvient de combiner l’identification des principauxleviers/wedges de décarbonisation et d’avoir uneapproche systémique de l’innovation pouvant combinerplusieurs priorités. Cette combinaison d’actions devraitmixer des recherches sur des objets techniques clairementidentifiés, mais aussi sur les solutions transverses etsystémiques et également des recherchestransdisciplinaires contenant une forte dimension ensciences sociales :• Technologies de la demande dans les secteurs bâtiment,transport et industrie, avec un effort particulier surl’efficacité énergétique et sur le déploiement de vecteursénergétiques bas carbone.• Technologies d’offre d’énergie bas ou zéro carbone:solaire, éolien, géothermie, énergies marines, bioénergiesnucléaire et capture, utilisation et stockage du carbone.• Les dimensions sociétales des transitions énergétiques :compréhension des comportements individuels etcollectifs d’un point de vue économique et sociologique ;développement de schémas de gouvernance multi­échelles ou multi­niveaux ; analyse des combinaisonspertinentes d’incitations, de régulations et de critèresnormatifs de performance.• Les solutions transverses à fort contenu en technologiesde l’information et permettant de développer des réseauxénergétiques hybrides et interactifs (électricité, gaz,chaleur) et toutes les solutions permettant d’assurer unajustement de l’offre et de la demande dans des systèmesà forte teneur en énergies renouvelables variables (supergrid, smart grid, stockage).• Le développement de la bioéconomie, à travers les bio­ressources, pour l’énergie et la valorisation matière avecde nouveaux procédés chimiques et les perspectives dedéveloppement vers le recyclage du CO2 et saréutilisation.• Le contenu matière des scénarios de décarbonisation etles besoins de l’offre, avec un focus sur les matériauxstratégiques (terres rares minérales et matériaux rares) etsur les matériaux de structure (fer, ciment, cuivre,aluminium, verre) utilisés par les technologies bascarbone.• L’interface avec l’amont –soit la recherchefondamentale– afin d’identifier les ruptures potentiellesdans les domaines tels que le transport de l’énergie et lestockage, les nanotechnologies, les technologies demesure, le traitement des big data et leur gestion…Ces pistes intéressent tous les pays mais les prioritéspeuvent changer selon les catégories de pays et leurs

caractéristiques spécifiques. Ceci peut conduire à lacréation de clubs de technologies pour des pays ayantidentifié des technologies stratégiques communes et quisont prêts à combiner leurs efforts pour lever les barrièresà une diffusion accélérée.Dans la perspective de décarbonisation profonde de tousles systèmes énergétiques, les politiques de R&D doiventcombiner dimension nationale et internationale. Il estprobable que les politiques de décarbonisationconduiront à une intensification des programmesinternationaux de R&D en termes de coopération. Deplus, l’accroissement de l’importance des financementsinternationaux pour l’atténuation et l’adaptation auchangement climatique sera un des appuis à cettecoopération. A l’horizon 2020, les ordres de grandeursestimés pour ces transferts devraient atteindre :• 10 milliards de dollars par an pour les transferts d’aidepublique des pays du Nord vers les pays du Sud dans lecadre du Green Climate Fund des Nations Unies(UNFCCC) ;• 100 milliards de dollars par an pour les fluxd’investissement publics et privés des pays du Nord versles pays du Sud ;• 1000 milliards de dollars par an représentant le total desinvestissements dans les technologies bas carbone (enpartie par redirection des investissements dans lesénergies fossiles, pour lesquelles les investissementsdiminueront graduellement).La coopération portant sur les opérations de R&D­énergiepublique n’entravera pas la concurrence entre lesindustriels dans la phase de production et decommercialisation. Il est cependant crucial que le cadre decoopération internationale accélère les partenariatsgagnant­gagnant, dans le cadre de marchés ouverts et sedéveloppant rapidement. Ceci demandera probablementune réflexion sur les droits de propriété intellectuelleassociés aux technologies bas­carbone et sur la gestion deces droits dans le cadre de la collaboration internationale.Les droits de propriété intellectuelle sont nécessaires audéveloppement de solutions innovantes mais ils nedoivent pas entraver la diffusion des technologies bas­carbone. Ceci est particulièrement vrai pour les pays lesmoins avancés qui auraient, autrement, de sérieusesdifficultés à réconcilier contraintes internes et priorités dedéveloppement avec le déploiement de ces technologies.5 ­Propos d’étapeL’étude Decarbonization Wedges permet donc d’évaluerd’une part les besoins de développement et d’autre partle potentiel des différentes solutions et technologies bascarbone pour une réduction poussée des émissions deCO2 au niveau mondial. Deux approches ont en effet étédéveloppées : l’une basée sur des scénariostechnologiques élaborés dans le réseau DDPP pour les 16pays les plus gros émetteurs de CO2 de la planète,

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représentant les trois quarts des émissions actuelles;l’autre résulte d’un travail d’évaluation, technologie partechnologie, mené par les experts des différents groupesprogrammatiques de l’ANCRE.Deux principales conclusions ressortent :• l’importance, pour éviter l’émission de 40 à 50milliards de tonnes de CO2 en 2050, de mobiliser unportefeuille large de technologies. Plus d’une centaineont ainsi été identifiées puis regroupées par famille,dont le choix et l’ampleur de la mobilisation varierontsuivant les groupes de pays ;• si le potentiel des technologies existantes estnettement suffisant à court terme pour positionnerl’économie mondiale sur le sentier des 2°C, à plus longterme, sans nouvelle et forte impulsion dans lespolitiques R&D et d’innovation pour l’énergie,l’objectif ne pourra être atteint.Le potentiel d’abattement dépendra autant destechnologies qui portent sur l’offre d’énergie, saproduction (énergies renouvelables, nucléaire, CSC, …),que de celles qui concernent la demande, dont l’efficacitéénergétique et les transferts d’usage vers les vecteursdécarbonés, dans le transport, l’industrie ou le bâtiment.Les deux approches retenues parviennent à desconclusions très proches quant aux technologies qui sous­tendent les potentiels les plus importants. En matière deproduction d’énergie, les technologies du solaire, del’éolien et du nucléaire arrivent en tête dans tous lesgroupes de pays, avec respectivement 10%, 9% et 8,5% dupotentiel d’abattement global. Viennent ensuitel’hydraulique (dans les pays du Sud, principalement), labiomasse, la géothermie et les énergies marines. LeCaptage et Stockage du CO2 (CSC) et les technologies destockage de l’énergie jouent également un rôle important,néanmoins l’importance du CSC est perçue différemmentsuivant les approches (potentiel d’abattement évaluéentre 5 % et 15 %).En matière d’efficacité énergétique et de substitution desfossiles par des vecteurs énergétiques non carbonés(électricité, hydrogène, biocarburants etc.), les principalesperspectives de gains se situent dans l’industrie (24 % del’abattement total mondial) et dans les transports (18 %).Au plan mondial, l’enjeu du secteur du bâtiment apparaitplus réduit, même s’il est important dans certaines zonescomme l’Europe ou le Japon.Le rapport met également en évidence 3 types de freinsau développement des nouvelles technologies del’énergie:• Sur le plan économique : le problème majeur reste, enl’absence de signaux de prix adaptés, une faiblecompétitivité des nouvelles technologies relativement aux

autres technologies énergétiques et un manque decapacités pour financer des solutions structurellementplus intensives en capital.• Dans le domaine réglementaires : les réglementationsexistantes constituent plus souvent un obstacle qu’unélément incitatif car elles sont le plus souvent peuadaptées, inefficaces et trop fluctuantes.• Sur le plan de la recherche et l’innovation : au niveaumondial, les sommes investies dans le secteur de la R&Dénergétique restent largement insuffisantes compte­tenude l’ampleur des enjeux et des externalités positives pourla société.Pour accélérer le déploiement des technologies bascarbone, les principales recommandations de l’ANCREsont :• Accroitre les efforts mondiaux de R&D dans le domainede l’énergie pour améliorer les technologies existantes,leur permettre des gains de compétitivité décisifs, et pourdévelopper les technologies de rupture ;• Intégrer dès le début du processus d’innovation ladimension sciences humaines et sociales afin d’apporterdes solutions répondant aux attentes des territoires et dela société civile, et, dans le même temps, faire évoluer lesréglementations et modes de gouvernance pour unemeilleure intégration et diffusion des nouvellestechnologies ;• Combiner les politiques qui permettent d’accélérer lesdéveloppements technologiques et celles qui agissentplutôt sur la stimulation et la modification de la demandeafin de bénéficier d’une diffusion large des technologieset des effets d’apprentissage associés ;• Mettre en place les mécanismes permettant d’accélérerle transfert des technologies des pays industrialisés versles pays en développement.

(1 ) L. Chevallet, S. Gentier, E. Hache, E. Le Net, Ph. Menanteau et Fr. Thaisont également pris part à ce travail au sein de ce groupe. Les autres groupesthématiques ANCRE ont contribué à ce rapport, notamment Achard, Fr.Allard, O. Authier, A. Babarit, Fr. Badin, F. Bazile, O. Bernard. JP. Birat, P.Brault, A. Burnol, Fr. Carré, F. Delrue, A. Dufour, JL. Duplan, P. Durand, O.Duval, H. Fabriol, P. Ferrant, G. Flamant, L. Forti, J. Garnier, M. Gimenez,O. Goyeneche, N. Hadj Said, Fr. Jasserand, F. Kalaydjian, M. Le Boulluec,J. Legrand, D. Lorne, P. Lucchese, S. Magand, Ph. Malbranche, N.Mermillod, F. Monot, B. Olivier, P. Pacaud, Ph. Papillon, C. Ponsot-Jacquin,D. Quenard, X. Rachez, M. Rapin, Ph. Rocher, B. Sanjuan, V. Sauvant-Moynot, R. Tilagone, S. Vinot. Cette étude n’aurait pas pu être finalisée sansla contribution d’étudiants stagiaires : R. Berthomieu et A. Vajnovszki.(2) Potentiel d’abattement global : potentiel de réduction globale de CO2 parrapport à une trajectoire tendancielle si aucune action en faveur destechnologies bas carbone n’est engagée

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Dossier(3) Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques ettechnologiques.(4) La France accueille et préside la 21 ème Conférence annuelle des Parties –COP21 – de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les ChangementsClimatiques (CCNUCC) dont l’objectif est d’aboutir à un accord basé sur lescontributions nationales (INDC)(4) pour lutter efficacement contre ledérèglement climatique et accélérer la transition vers des sociétés et deséconomies résilientes et sobres en carbone.(5) S. Pacala & R. Socolow (2004), “Stabilization Wedges: Solving theClimate Problem for the Next 50 Years with Current Technologies”, Science(vol. 305).(6) Ces technologies regroupent plus d’une centaine de technologiesélémentaires qui se retrouve en annexe 2 du rapport.(7) Technology Readiness Level(8) ANCRE, Decarbonization Wedges Report, nov2015 disponible àhttp://www.allianceenergie.fr(9) http://unsdsn.org/what-we-do/deep-Decarbonization-pathways/(10) IEA (2015), Energy Technology Perspectives.(11 ) Nemet Gregory F., Kammen Daniel M., (2007); “U.S. energy researchand development: Declining investment, increasing need, and the feasibilityof expansion”, Energy Policy.(12) Online RD&D budget database.(http://www.iea.org/statistics/RDDonlinedataservice/)

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Eclairages

Qu’espèrer de l’innovation ?par Vincent BONTEMS,CEA­IRFU/LARSIM

L’innovation est à l’horizon des politiques de recherche. En 2010, la Commission européennes’est ainsi fixé l’objectif de développer une « Union de l’ innovation » pour 2020. Le documentde référence affirme d’emblée que la compétitivité, l’emploi et le niveau de vie du continenteuropéen dépendent essentiellement de sa capacité à promouvoir l’ innovation, qui est«également le meilleur moyen dont nous disposions pour résoudre les principaux problèmesauxquels notre société est confrontée et qui, chaque jour, se posent de manière plus aigüe, qu’ils’agisse du changement climatique, de la pénurie d’énergie et de la raréfaction des ressources, dela santé ou du vieillissement de la population» (CE, 2010, p. 2). Chargée à la fois de stimulerl’économie et de préserver, sinon d’améliorer, les conditions de vie, l’ innovation, bienqu’invoquée plus de 300 fois en moins de 50 pages, n’est nulle part définie. Pourtant,l’ importance des enjeux soulevés mérite qu’on s’ interroge sur la cohérence de ses diversesorientations. Un passage par l’histoire nous y aidera.

Le verbe «innover» remonte au XIVe siècle : il dérive du baslatin «innovare» qui signifie «renouveler». Il est d’abord

utilisé par les juristes, dans le sens d’ajouter une clause à uncontrat déjà établi, avant de passer dans le langage théologiqueet politique, où il désigne le fait d’introduire une nouveauté dansune chose préexistante. C’est à Francis Bacon (1561-1626),l’inventeur de l’idée de progrès, que l’on doit le premier usagedu mot en rapport avec les sciences et les techniques. Il consacreun chapitre de ses Essais de Morale et de Politique (1625) àmontrer la nécessité d’innover en dépit du risque que celaimplique : «Certainement, chaque médicament est uneinnovation, et celui qui ne s’applique pas de nouveaux remèdesdoit s’attendre à de nouveaux maux ; car le temps est le plusgrand innovateur, et si le temps, bien sûr, change les choses pourle pire, et que la sagesse et le conseil ne les modifient pas pourle meilleur, quelle sera la fin ?». Transparaissent alors trois traitsdistinctifs de la notion d’innovation que l’on retrouve à notreépoque :

1 . le progrès de la connaissance doit se traduire par uneefficacité accrue des remèdes aux maux de la société ;

2. le second est que le temps joue contre nous, si bien que larecherche de l’innovation est une ardente obligation ;3. le troisième est une asymétrie entre le succès et l’échec : sil’innovation produit des effets bénéfiques, ils seront attribués àl’air du temps, alors que si elle produit une aggravation desmaux, ils seront reprochés à l’innovateur.

Francis BaconL’innovation présente donc toujours un danger : Baconrecommande d’avancer prudemment, presque insensiblement, àla manière du temps même.

Que faire alors quand le temps s’accélère ? La pensée del’innovation doit maîtriser des orientations divergentes : elle estun remède en même temps qu’un danger ; elle est comme un«nouveau-né», d’abord fragile et turbulente, et a besoin detemps avant de s’épanouir, mais elle doit parfois aussi répondreà des urgences ; elle doit lutter pour s’imposer et en mêmetemps ne pas faire de vague pour se faire accepter sans heurt.Si l’on veut comprendre le rôle de l’innovation dans le mondecontemporain, il faut encore considérer une autre dimension,

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Eclairages

celle de l’économie. Dans sa Théorie de l’évolution économique(1911), Joseph Schumpeter (1883-1950) explique quel’innovation permet au capitalisme de se renouveler : elle agitcomme «destruction créatrice» de valeur. Penseur libéral, ilattend des innovations qu’elles réintroduisent de la métastabilitédans le système, qu’elles ruinent les situations de rente afin qued’autres entrepreneurs émergent. Un tel processus nécessite lamodification d’au moins un facteur de production :l’introduction d’un nouveau produit ou service, l’utilisation d’unnouveau procédé, l’ouverture d’un nouveau marché, la mise enplace d’une nouvelle organisation ou l’emploi d’une nouvellematière première ou source d’énergie. L’innovationtechnologique est souvent réduite aux deux premiers facteurs(produits et procédés), alors qu’il est flagrant que la rechercheappliquée peut aussi identifier un nouveau débouché pour unetechnologie déjà existante, ou inventer une organisation aumoyen d’une technologie générique, ou encore permettre desprogrès dans le domaine des matériaux ou de l’énergie. Il y amême fort à parier que ces derniers facteurs de productionjoueront un rôle crucial dans la décarbonisation de noséconomies. Il est probable aussi que la destruction créatrice àlaquelle il faut faire appel pour adapter nos sociétés aux défis dela transition énergétique et du changement climatique ne serapas synonyme d’accélération de l’obsolescence : elle désigne aucontraire l’invention de cycles technologiques plus sobres, plusdurables et plus respectueux de l’environnement.

Pour le chercheur, l’innovation est donc devenue un impératifqui mêle la dynamique du renouvellement des connaissancesscientifique à la conscience des responsabilités éthiques,économiques, sociétales et environnementales de la recherche.Faut-il pour autant confondre la figure du chercheur avec cellede l’innovateur ? Schumpeter prenait soin de préciser que touteinnovation ne suppose pas forcément une invention et que toutesles inventions n’ont pas vocation à devenir des innovations.Toutefois, il insistait aussi sur le fait que ce sont les innovationsinduites par les progrès scientifiques qui sont les plussusceptibles de produire des ruptures et de rejaillir en cascadesur toute l’économie. On retrouve chez lui l’idée de Bacon, àsavoir qu’innover est une nécessité, mais il privilégie, quant àlui, les innovations «en grappes» qui bouleversent les structuresen place. Or, c’est dans cette opposition entre innovationsgraduelles et disruptives que réside l’enjeu : l’innovation doit-elle prolonger les cycles en cours, soutenir les structuresexistantes et rendre notre mode de vie pérenne ? Ou bien doit-elle ouvrir des voies radicalement neuves, substituer destechniques inédites à celles héritées du passé et révolutionnernos sociétés ? À cause de cette ambivalence, il arrive que larhétorique de l’innovation prenne la forme d’une injonctionparadoxale : «que tout change pour que rien ne change !».

Certaines innovations ne visent qu’à adapter ingénieusement destechnologies à de nouveaux environnements ou à des usagesdifférents, ce qu’on nomme la «customisation». D’autresprolongent des technologies déjà avancées en les améliorant oules diversifiant. Mais il existe aussi des innovations de francherupture, quand le franchissement d’un seuil dans lesperformances ou la création d’une nouvelle lignée supposel’invention d’un principe inédit de fonctionnement. Même si

l’on invoque le rôle de la sérendipité dans de nombreux caspour expliquer l’innovation, il faut souligner qu’il existe desconditions favorables pour que se produisent de tellesdécouvertes fortuites, en particulier des questions de rythmes.Chaque type d’innovation a ainsi une temporalité propre : lesinnovations adaptatives ont besoin que les chercheurs disposentd’autonomie dans l’organisation de leur temps et de leurscollaborations afin d’explorer librement ; les innovationsincrémentales s’inscrivent, elles, dans une durée cumulative afinde bénéficier de toute l’expérience déjà acquise ; quant auxinnovations de rupture, elles se fixent des objectifs ambitieux(qui dépassent le possible connu) en visant des futurs quioutrepassent l’avenir prévisible.

Autonomie, construction dans la durée, invention d’un nouvelhorizon… Le discours sur l’innovation technologique a beauassigner le plus souvent à la recherche des finalités immédiateset très utilitaires, les ingénieurs et les chercheurs savent qu’ils nerelèveront les défis du XXIe siècle qu’en étant fidèles auxvaleurs de la science et du progrès. Dans la perspective de laCOP 21 , l’ANCRE a exploré un large éventail d’optionstechnologiques dans le domaine énergétique afin de proposerune stratégie d’innovation susceptible d’infléchir les tendancesactuellement insoutenables de notre système de production. Cetexercice de prospective technologique s’inscrit dans un tempséchelonné afin de mobiliser au mieux les différentes formesd’innovation. Il pointe aussi avec lucidité que la concrétisationtechnique des innovations devra s’accompagner d’uneconstruction sociale et économique afin qu’elles ne déçoiventpas les espérances placées en elles.

Joseph Alois Schumpeter

14 La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 26 ­ Automne 201514

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La cogénération nucléaire,Analyse de l’expérience finlandaisepar Martin LEURENT,CEA­I­tésé

Récupérer la chaleur évacuée à la source froide des réacteurs nucléaires a étéenvisagé dès la mise en service des premiers réacteurs, dans les années 1950. Sile potentiel économique et environnemental de la cogénération nucléaire était déjàentrevu, les technologies contemporaines ne permettaient pas de rentabiliser letransport de la chaleur sur de longues distances. Actuellement la question se poseà nouveau puisque les réseaux de chaleur présentent aujourd’hui des profils depertes similaires aux réseaux électriques(1) (environ 2% pour transporter 1500 MWsur 150 Km).

Récemment, plusieurs études ont souligné l’intérêtéconomique de la chaleur nucléaire : en Finlande(2) ,en France(3) , en Pologne(4). L’étude menée en 2009 parFortum à la singularité d’être l’initiative d’un desprincipaux acteurs énergétiques des pays scandinaves.En proposant de faire fonctionner Loviisa 3, un réacteurencore à l’état de projet, en cogénération partielle(minimum 7000 GWh/an de chaleur extraite, pour uneproduction électrique de 1000–1800 MWe) et detransporter la chaleur de Loviisa jusqu’aux réseaux dechaleur de la métropole d’Helsinki (environ 80 Km),Fortum a souligné la capacité industrielle des réacteursnucléaires actuels à fournir de la chaleur pour les réseauxurbains, sans barrières techniques majeures. Celareprésente environ 60% des besoins annuels des réseauxde chaleur de la métropole, et permettrait de réduire de6% les émissions de dioxyde de carbone de toute laFinlande (Fortum, 2009). La demande de permis pourLoviisa 3 a été rejetée, mais l’option de la cogénérationnucléaire reste ouverte pour de futurs projets.La mission menée par Martin Leurent au sein de VTT,organisme de recherche dépendant du ministère ducommerce et de l’Industrie finlandais, a permisd’appréhender empiriquement le contexte socio­technique entourant le projet de cogénération de Fortum.A travers une étude de cas holistique, les facteurs d’échecde ce projet ont été analysés, l’objectif étant de fournir dumatériel de réflexion sur les facteurs clés de succès des

projets futurs. Les données analysées en priorité furentles retranscriptions des entretiens semi­directifs faits avecdes experts de VTT et de Fortum. Le partage d’unquestionnaire en ligne a permis d’obtenir des donnéessecondaires, en plus grand nombre mais de moindrequalité (panel de répondants : 17 de VTT & 7 de Fortum).Les autres parties prenantes du projet (e.g. lamunicipalité d’Helsinki, les gestionnaire de réseaux dechaleur) ont être rencontrées fin novembre 2015, afind’améliorer la compréhension du cas.Une approche contingente, inspirée par la littératureacadémique dédiée aux barrières affectant lesinvestissements d’efficience énergétique au sein desindustries(5)(6) a permis de souligner des aspectssinguliers du problème. Il apparaît que la cogénérationnucléaire est profondément enracinée dans des régimesdominants (e.g. centrales nucléaires dédiées à la seuleproduction électrique, traditions et modèles d’affairesdéjà établis dans la vente de chaleur), rendantl’implémentation pratique de cette technologie trèscomplexe. Parce que ce projet nécessitait de renouveler lerôle et les interactions des acteurs de l’énergie, son succèsfût compromis dès le départ, essentiellement par des«barrières comportementales».L’un des obstacles majeurs, la divergence d’intérêt entreFortum et le principal gestionnaire des réseaux dechaleur d’Helsinki et sa métropole, Helsingin Energia,comprend de nombreux aspects. Si la coopération entreces deux acteurs est requise pour distribuer la chaleur deLoviisa jusqu’aux logements, Helsingin Energiafonctionne institutionnellement selon un modèled’affaire complètement différent (e.g. entreprisepublique, usines de cogénération déjà existantes etutilisant des énergies fossiles et de la biomasse). Letableau ci­dessous récapitule les principaux résultats decette étude de cas et les recommandations qui endécoulent.

Printemps 2010 ­ Numéro 10 ­ La lettre de l'I­tésé 15Printemps 2010 ­ Numéro 10 ­ La lettre de l'I­tésé 15Automne 2015 ­ Numéro 26 ­ La lettre de l'I­tésé

Eclairages

Tableau 1 : Principaux résultats et recommandations tirés del’expérience «Loviisa 3» de Fortum en FinlandeEn particulier, on constate que les parties prenantes neperçoivent pas les obstacles de la même manière. Fortumaccorde un plus grand poids aux politiquesgouvernementales et locales que VTT, tandis que cedernier a tendance à donner une plus grande importanceaux défis techniques (voir Figure 1). Ce résultat soulignel’importance d’une approche qualitative des projetscomplexes nécessitant la coopération de nombreuxacteurs. Il faut être conscient qu’un même problème peutêtre perçu de manière très différente selon les partiesprenantes considérées. Qui plus est, les barrières généréesdu fait de la nécessaire interaction entre plusieurs acteursont un poids perçu supérieur aux barrières purementtechniques (Technical obstacles vs. Political obstacles).

Figure 1: Technical and political obstacles to the Loviisa 3nuclear CHP project(Ranked results from the questionnaire: Always important = 1;often important = 0,67; sometimes important = 0,33;never/seldom important = 0)Pour permettre à une telle technologie de percer, tous lesacteurs doivent s’impliquer. Les autorités publiquespourraient créer un observatoire chargé d’accumuler et depublier la connaissance sur le sujet. Selon le paysconcerné, les autorités publiques pourraient aussi

s’impliquer, plus directement, par exemple engarantissant la liquidité des actifs liés au projet decogénération nucléaire. Garantir la liquidité de ces actifsest important si l'on souhaite faire intervenir desinvestisseurs privés, puisque ceux­ci recherchent souventdes projets présentant des périodes de retour surinvestissement plus courtes que celle associée à un projetde cogénérations nucléaire (10 ans ou plus). En effet, desconditions de marché appropriées doivent être établiesafin de permettre le financement tout au long du projet.On peut envisager pour cela la création d’un fond dédié,ou encore la mise en place de mécanismes d’assurancedits «Strike price», garantissant un certain niveau deretour sur investissement. Si un fond commun est créé,son modèle d’affaires, sa structure de gouvernance et sastructure juridique devront être définies de façonrigoureuse et transparente. L’Agence pour l’EnergieNucléaire pourrait jouer un rôle au regard de lacoopération internationale. La commission européennepourra éventuellement participer au projet, ou du moinsdonner clairement son assentiment, notamment au regarddes règles sur la concurrence. Cette denrière pourraitaussi donner un statut légal à la chaleur fatale, ce quipermettrait aux projets visant à récuperer cette chaleur departiciper aux objectifs politiques de la transitionénergétique.La cogénération nucléaire n’est que l’un des nombreuxmoyens à envisager afin de concilier croissanceéconomique et développement durable. Le parcimmobilier doit être rénové. Le développement desénergies renouvelables, solaires et éoliennes doit êtrepoursuivi. Une évolution des comportements vers uneconsommation plus économe en énergie est grandementsouhaitable. Anticiper et surmonter les facteurs d’échecssoulignés par l’expérience finlandaise est une avancéedans cette direction.

(1 ) Safa, H. Heat recovery from nuclear power plants. Electrical Power andEnergy Systems 42, 2012, 553–559.(2) ISNP. Contribution ofHarri Tuomisto to the International School onNuclear Power. Safety aspects related to deploying nuclear cogeneration fordistrict heating: Case Helsinki, 2014.(3) Jasserand, F. and Devezaux de Lavergne, J.G. Initial Economic AppraisalofNuclear District Heating in France. Proceedings ofGlobal, 2015.(4) Jaskólski, M. and al. Profitability criteria of partial cogeneration innuclear power plant. Rynek Energii, Poland, To be published.(5) Palm, J., Thollander, P., and Rohdin, P. Categorizing Barriers to EnergyEfficiency : An Interdisciplinary Perspective. In : Palm j. (ed). EnergyEfficiency (2010).(6) Cagno, E., Trianni, A., and De Donatis, A. A framework to characterizeenergy efficiency measures. Applied Energy 118 (2014), 207–220.

16Automne 2012 ­ Numéro 17 ­ La lettre de l'I­téséLa lettre de l'I­tésé ­ Numéro 26­ Antomne 201516

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Première évaluation économique de lacogénération nucléaire pour le chauffageurbain en Francepar Frédéric JASSERAND,Jean­Guy DEVEZEAUX DE LAVERGNE,CEA­I­tésé

L’année 2015 est l’occasion pour la France d’affirmer ses ambitions en matière depolitique environnementale. Durant l’été elle a voté la «La loi de transitionénergétique pour la croissance verte», qui précise son engagement dansl’amélioration de ses performances énergétiques et de réduction d’émission deGES [1], et en novembre et décembre elle accueille à Paris la conférenceinternationale COP 21 dédiée aux actions internationales de lutte contre lechangement climatique [2].Le but de cet article est donc de proposer une première approche du potentiel dela cogénération nucléaire pour le chauffage urbain en France vu sous angleéconomique.

La cogénération, technique associant la productionsimultanée d’électricité et de chaleur à partir d’unmême combustible, s’inscrit parfaitement dans cesambitions gouvernementales puisqu’elle permet deréduire très significativement la quantité d’énergieprimaire consommée pour de mêmes usages finaux.Ainsi, cette technique a­t­elle été reconnue comme l’undes moyens d’atteindre les objectifs de division desémissions de GES par un facteur 4 en 2050 par lesprévisionnistes de l’alliance ANCRE qui regroupe lesprincipaux organismes de recherche sur l’énergie enFrance [3].Ces scénarios suggèrent que si de nombreuses unités deproduction thermiques en France fonctionnent encogénération en produisant également de l’électricité,l’utilisation «à l’inverse» des réacteurs nucléairesélectrogènes pour produire également de la chaleurpourrait ouvrir un gisement potentiel très important etactuellement totalement inexploité de plusieurs dizainesde TWhth.1 ­Cogénération nucléaire pour le chauffage urbain1.1 ­Principaux conceptsTous les réacteurs électrogènes français enfonctionnement actuellement sont des REP dont le designa été conçu pour atteindre des rendements électriques quivarient de 32% (palier 900 MWe) à 35% (palier N4 de 1450MWe).L’énergie thermique évacuée à la source froide desréacteurs est principalement dispersée dansl’environnement par le circuit tertiaire sous forme d’eau à

basse température (< 40°C) ou de vapeur d’eau. Auniveau de température de ces rejets, cette énergiethermique ne peut pas être valorisée dans un usageindustriel ou domestique, et il est donc nécessaired’adapter les circuits et leurs échanges afin de récupérerune énergie utilisable… dès lors que l’on accepte unebaisse de la production électrique. En effet, si une partiede la chaleur du circuit secondaire est utilisée à des fins dechauffage à une température supérieure, alors lerendement mécanique (donc électrique) baisse et ladiminution de production associée constitue un coût (coûtd’opportunité) dans le calcul économique de la chaleur.Dans le cas d’un réacteur nucléaire à eau, le ratiod’énergie électrique perdue par rapport à l’énergiethermique récupérée est de l’ordre de 1/5 pour de l’eau à120°C.

Fig. 1. Fonctionnement schématique de la cogénération pour lechauffage urbain (from Tuomisto [4])Evidemment l’utilisation de la cogénération n’estéconomiquement justifiée que si les recettes associées à la

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vente de chaleur sont supérieures aux pertes dues à ladiminution de vente de l’électricité. Dans la mesure où lescourbes de demande dans le temps de la chaleur et del’électricité suivent approximativement la mêmecinétique, ce coût d’opportunité peut être élevé enpériode hivernale lorsque le prix de l’électricité atteint sonmaximum en Europe occidentale.Outre le coût de production, celui de distributionconstitue le plus souvent un frein au développement duchauffage urbain. Indépendamment du fait que lechauffage domestique et tertiaire en France est en bonnepart assuré par l’électricité [5], le coût de déploiement desréseaux de transport et distribution limite de facto lafourniture de chaleur aux zones suffisamment densémentpeuplées et utilisant déjà un mode de chauffagecompatible (chauffage central ou collectif déjà installé).Cet investissement est toutefois pérenne puisque la duréed’exploitation du réseau se chiffre en décennies (parexemple le réseau de chaleur français le plus ancien estcelui de Paris dont les premières canalisations datent de1927 [6]).

Fig. 2. Construction du réseau de transport (from Refuna [7])

1.2 ­Spécificités du chauffage urbain nucléaireLes réacteurs nucléaires de puissance sont généralementéloignés des agglomérations. Si cet éloignement est gérétrès efficacement pour le transport de l’électricité, laquestion du transport de la chaleur sur longue distance,qui nécessite des conduites isolées, apparait nouvelle,même si des projets ont été étudiés dans les années 70pour chauffer Paris et Grenoble par de l’énergienucléaire [8].Les coûts associés peuvent être contenus dans le cas del’utilisation de canalisations à l’air libre, mais lescontraintes environnementales et d’urbanisation incitentle plus souvent l’utilisation de canalisations enterrées entranchées ou en tunnels. L’investissement associé (del’ordre du M€/km) peut alors devenir trop lourd pourpermettre un développement compétitif du transport surlongue distance. De plus un réacteur nucléaire est capablede produire une très grande quantité de chaleur comparéaux unités de production habituelles (CTG(1), UIOM(2) ,etc.) et son indisponibilité (notamment programmée pourle chargement du combustible) est alors plus difficile à

gérer(3) : il faut plutôt raisonner par paire de réacteurs oudisposer d’une réserve de back­up régulièrementsollicitéeLa faisabilité socio­technique pourrait s’avérer aussidélicate. Si l’accident de Fukushima n’a pas modifiésignificativement la perception qu’ont les français del’énergie nucléaire [9], nous ne disposons actuellement ànotre connaissance d’aucune étude sur la faisabilitésociale du développement de cette technique en France.Peut­être des mesures techniques, telle la redondance desbarrières séparant le cœur du réacteur du circuitdomestique (4 barrières entre les 5 circuits pour Beznauen Suisse [10]) peuvent­elles contribuer à cette faisabilité,mais cette question est ouverte.1.3 ­Le chauffage urbain en EuropeComparativement aux pays d’Europe Centrale ou del’Est, la France ne dispose pas de réseaux de chaleur trèsdéveloppés puisqu’ils ne desservent que 7,4% de lapopulation. La région la plus densément fournie est l’Île­de­France (13,6 TWhth dont 5,5 pour Paris), suivie parRhône­Alpes (2,9 TWhth répartis sur 3 principalesagglomérations éloignées les unes des autres). Les autressites de consommation, presque tous situés dans le quartnord­ouest, se limitent à quelques centaines de GWhth paran [11].Pour la seule Île­de­France, qui dispose déjàd’infrastructures, le potentiel de développement desréseaux est toutefois considérable puisqu’il a étérécemment évalué que la chaleur fournie via ces réseauxdevrait doubler pour atteindre 28 TWhth d’ici à 2030 [12].Ce doublement s’explique par un triplement du nombrede foyers connectés conjointement à une améliorationglobale des performances énergétiques du parcimmobilier (la LTE va encourager les travaux derénovation des anciens logements et les nouvellesconstructions respectent des normes plus rigoureuses).La cogénération nucléaire appliquée au chauffage urbainest déjà mise en œuvre dans de nombreux paysd’Europe [10], mais ses spécificités limitent actuellementson utilisation à des projets d’envergure restreinte, que cesoit du point de vue de la chaleur produite (puissance«installée» limitée à moins de 60 MWth) ou duraccordement entre les sites de production et deconsommation (distance de transport ≤ 30 km).L’antériorité de ces réalisations ne préjuge par ailleurs pasde leur faisabilité économique aux conditions actuelles.Des projets de plus grande envergure ont toutefois déjàfait l’objet d’études mais ne sont pas encore en phase deréalisation comme Loviisa­Helsinki (1000 MWth, 60km) [4].(1 ) Centrale Thermique à Gaz(2) Unité d'incénération des ordures Ménagères(3) Analogie avec la difficulté d'implanter un réacteur nucléaire sur un réseaude faible capacité

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1.4 ­ Intérêt du chauffage urbain nucléaire dans laperspective de la transition énergétiqueOn a vu plus haut que l’ANCRE propose et étudiedifférents scénarios prospectifs d’évolution énergétique enFrance [3]. Dans son scénario «vecteurs diversifiés» (DIV),les réseaux de chaleur et la cogénération nucléaireparticipent fortement à la diminution de la consommationd’énergie primaire par le secteur résidentiel/tertiaire. Lescénario DIV table ainsi en 2050 sur la productiond’environ 240 TWh de chaleur, produits par destechnologies «bas carbone», soit pour moitié par des EnR,et pour moitié par cogénération nucléaire.Une des dispositions de la loi de transition énergétiquevise à réduire la part du nucléaire dans la productionélectrique à 50% à l’horizon 2025 contre 75%actuellement [1]. Avec cette disposition, le potentiel trèsimportant d’utilisation des réacteurs pour la cogénérationpermettrait de bénéficier de la disponibilité des réacteurstout en diversifiant la production de chaleur. Cettedémarche est très cohérente avec un prolongement de ladurée d’exploitation des réacteurs de 10 voire 20 ans. Untel prolongement, fréquemment réalisé dans d’autrespays [13] présente un intérêt économique certain puisqueles centrales sont déjà construites et largement amorties etque les montants des travaux de jouvence restent trèsinférieurs à ceux de construction d’une nouvelle unité,ceci même en corrigeant ces montants d’investissementsde la durée prévisible des équipements, évidemmentnettement supérieure dans le cas d’un nouveau réacteur.Dans le cas français, la forte standardisation du parc (58réacteurs constituant 4 «paliers») pourrait permettre unemutualisation d’une partie des coûts liés audéveloppement de la cogénération (études, décrets).2 ­Modèle technico­économique2.1 ­Principaux objectifsLe but de cet article est de proposer une premièresynthèse du potentiel de développement de lacogénération nucléaire pour le chauffage urbain à partirde centrales nucléaires existantes. Pour ce faire, unmodèle technico­économique générique est conçu, quiintègre les principaux éléments caractéristiques de lacogénération et permet de décrire chaque éventualité defourniture de chaleur par une des centrales nationalesselon ses propriétés techniques et d’en déduire desindicateurs économiques afin en particulier d’identifier lesprojets les plus intéressants, selon leur localisation.Notons aussi que le modèle qui suit est adapté à l’étudede la mise en œuvre de la cogénération au sein desréacteurs existants. Il est aussi possible d’examiner cettequestion pour de nouveaux réacteurs, sachant que, dansce cas, le projet permet tout à la fois une meilleureconception d’ensemble, l’absence des perturbations liées

aux modifications d’une tranche en exploitation et unedurée d’exploitation attendue plus longue.2.2 ­Description du modèleNous proposons de structurer l’ensemble des coûtscaractéristiques du projet en trois grandes catégories :1. «Conception» : les dépenses nécessaires à l’étude d’unsite (couple centrale nucléaire – réseau de chauffageurbain) : études techniques, de marché, aspectsréglementaires (dossier de sûreté, enquête publique…)etc. ;2. «Investissement» : les dépenses relatives à laréalisation du projet une fois qu’il a été retenu :modifications de la centrale pour extraire la chaleur (dontcoût lié à l’immobilisation de la production électriquependant les travaux), construction du réseau de transport(achat des tuyaux et installation en tranchées ou tunnels),connexion au réseau de distribution (construction desous­stations accueillant les échangeurs de chaleurs), etc. ;3. «Fonctionnement» : les coûts opérationnels mis enœuvre durant la vie technique du projet (salaires,maintenance, pompage, etc.) et les recettes liées à la ventede chaleur.

Fig. 3. Structure des coûtsParmi les autres postes de coûts, les frais financiers(impôts, taxes, assurances) ne sont pas évalués ici dans lecadre de cette première approche. Inversement,

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d’éventuelles subventions au titre de l’usage d’uneénergie fortement décarbonnée ne sont pas envisagées ici(cf. infra). Un autre poste de coûts non modélisé estconstitué de la mise en place d’un «back­up» (parexemple une centrale thermique à gaz), capable deprendre le relai en cas d’indisponibilité du réacteurnucléaire connecté. Il faut considérer cette question avecsouplesse, selon par exemple que de tels moyens existentdéjà ou que –par exemple – l’équipement de plusieurstranches d’un même site permettrait de limiter les risquesde rupture d’approvisionnement. Le premier cas présentel’avantage de limiter l’investissement en matière depuissance de back­up, puisque des unités de productionsont déjà en place. Leur amortissement et leurfonctionnement quelques centaines d’heure par an, selonles cas, doit toutefois être pris en compte puisqu’elles neseront pas autant sollicitées que ce qui avait été prévu lorsde leur conception.Enfin, l’évaluation économique doit être faite en seprojetant à un horizon de l’ordre de la dizaine d’années,voire plus. A cet horizon, l’effet de mécanismes destinés àrenchérir l’usage d’énergies carbonées (taxe carbone,marché de quotas…) peut être pris en compte, dans lecas où la cogénération nucléaire se substitue à un moyende production émettant des GES (chaufferie au gaz, fioulou UIOM).2.3 ­Paramètres techniquesLes principaux paramètres caractérisant les sites étudiéssont la chaleur produite et la distance de transport entre lesite de production et le réseau de distribution. La duréed’appel de la chaleur sur le site de distribution retenue estde t = 3000 h/an (soit 3 mois à pleine puissance et 3 mois àmi­puissance). Etant définie (par extrapolation à la date decouplage) la chronique de fourniture de la chaleurappelée, on peut dimensionner la puissance thermiquemaximale P (MWth) qui doit être extraite de la centralenucléaire. Couplée à la puissance, la distance de transportD (km) détermine notamment les besoins en termes depompage (la pression du fluide surchauffée doit êtremaintenue entre deux bornes limites) et d’isolation destuyaux de transport (afin de limiter les pertes thermiques).Les pertes de charge et thermiques nécessitent toutefoisde connaître le diamètre (mm) des tuyaux de transport dufluide caloporteur.Dans tous les cas nous avons supposé quele fluidecaloporteur retenu est de l’eau surchauffée à 110°C, à unepression de l’ordre de 10 à 20 bars. L’interface avec leréseau de distribution est supposée ajustée de manière àce que la température de retour soit de 60°C. La ligne detransport est constituée de deux tuyaux (un pour l’aller,un pour le retour) en fonte et calorifugés par un isolant detype polyuréthane couramment utilisé pour ce typed’applications [14].

2.4 ­Evaluation économiqueLes calculs liés à la durée de vie du projet intègrent untaux d’actualisation variant de 3% (qui serait homogèneavec un soutien fort du projet par les instances publiques)à 8% (taux convenant à un investisseur privé).En période hivernale où la chaleur est principalementconsommée, le prix de l’électricité est actuellement aumaximum de 80 €/MWhe sur le marché SPOT (prix enpointe en déc. 2013) et inférieur à 50 €/MWhe sur lemarché à terme [15]. Pour les calculs effectués ici, nousnous plaçons dans une perspective de hausse modéréemais continue du prix de l’électricité, en cohérence avecde très nombreux travaux sur les trajectoires detransitions, tels que ceux de l’ANCRE. Deux hypothèsesseront ainsi retenues : un prix «favorable» à lacogénération de 60 €/MWhe et un second plus prudentde 70 €/MWhe.La chaleur doit être produite à un coût tel qu’elle puisseêtre vendue dans des conditions proches du marchéactuel. En 2014 le prix moyen en France était de70 €/MWhth répartis en 25 € de part fixe (abonnement) et45 € de part variable liée à la consommation [11].Les grandeurs économiques suivantes sont évaluées :montant des investissements (CapEx actualisés etovernight), flux opérationnels (OpEx) et leurs évolutionau cours de la vie du projet (cash­flows). Ces différentesinformations permettent d’évaluer la valeur actuelle nette(VAN) du projet et le temps de retour sur investissement(TRI). L’ensemble des dépenses est également représentésous la forme d’un coût actualisé de la chaleur (LCOH).3 ­Cas d’étude Nogent­Paris3.1 ­Principaux paramètresLa centrale de Nogent­Sur­Seine est constituée de deuxréacteurs de type PWR­1300 MW mis en service en 1987et 1988 respectivement. Ils ont affiché des taux de charge(Kp) de 83 et 80% en 2014 [16].La centrale de Nogent est la plus proche de Paris, elle estdistante de 95 km de Notre­Dame à vol d’oiseau soitenviron 90 km de Créteil en suivant les principaux axesde communication existants. Afin d’optimiser les coûts deconstruction des lignes de transport, on sépare cettedistance en deux composantes. La première située enzone «rurale» serait constituée de lignes de transportprincipales en tranchées. Une fois en zone «urbaine», letracé de la ligne devient plus complexe et sa mise enœuvre délicate, on considère alors que la fin del’acheminement serait réalisée dans un tunnel. Ladistance de base de 90 km reste en toute rigueurhypothétique, les contraintes techniques et de tracéimposeront en réalité un tracé plus important. Deuxhypothèses seront donc étudiées, qui majorentrespectivement les distances de transport de 25 et 50%.

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Fig. 4. Aperçu de la liaison Nogent s/Seine ­ ParisLa région parisienne a consommé, en 2013, 13,6 TWh dechaleur fournis par des installations dont la puissancecumulée est de 10000 MWth [11]. La seule agglomérationparisienne a consommé 5 TWh fournis par la CPCU(Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain) pourParis [17]. Comme première hypothèse on retient unepuissance thermique «de référence» fournie par unréacteur de 1500 MWth ce qui correspond à la fourniturede 4,5 TWhth pour un fonctionnement de 3000 h. Cettevaleur peut paraître élevée en regard de la consommationactuelle mais elle s’inscrit dans les projections de lademande de chaleur sur les décennies à venir. La DRIEE(4)de l’Île­de­France a ainsi évalué l’augmentation de laconsommation à 28 TWhth en 2030 [12]. A cette date, la partde la cogénération nucléaire ne serait alors que de 12,5%dans le Mix total, ce qui reste très raisonnable.Sur ces bases, nous avons calculé le débit massique d’eauet le diamètre des tuyaux afin de minimiser le coût del’investissement.Le Tableau 1 synthétise les principales hypothèsesretenues et les associe à deux scenarios d’étude. Lepremier, dit “Bas” cumule des paramètres défavorablesau calcul économique de la cogénération. Le second, dit“Haut” est au contraire optimiste puisqu’il retient deshypothèses opposées. Ces deux scénarios extrêmes sontsupposés encadrer le modèle réel d’un recours à lachaleur de la centrale de Nogent pour chauffer une partiede l’agglomération parisienne.

Tableau 1 : Hypothèses d'entrée Nogent­Paris

3.2 ­Étude économique : résultatsLe Tableau 2 présente les principaux résultats fournis parles deux scénarios présentés ci­avant :

Tableau 2 : Evaluation économique pour Nogent­ParisLes deux scénarios analysés encadrent le champ despossibles. Le scénario «bas» est clairement défavorable àl’emploi de la cogénération tandis que dans le scénario«haut» la vente de la chaleur produite par le réacteurnucléaire permet de rentabiliser le projet en moins de 15ans. Pour explorer plus en profondeur cet aspect temporeldu projet, la Fig. 5 présente la variation des VAN dechacun des deux scénario sur une durée defonctionnement étendue, ce qui est bien entendu fonctionde la prolongation de la durée d’exploitation desréacteurs.

Fig. 5. Evolution de la VAN en fonction de la durée defourniture de la chaleurCette figure montre que le scénario «bas» pénalisé par uninvestissement plus important (+33% que pour le scénario«haut»), dispose de cash­flows insuffisants qui nepermettent pas de rentabiliser cet investissement sur lelong­terme.(4) Direction Régionale et interdépartementale de l'Environnement et del'Energie

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La durée de fourniture de la chaleur est également reliée àcelle de fonctionnement des réacteurs. Pour Nogent, ledécret d’exploitation des réacteurs de 1300 MWe prévoitune durée de fonctionnement de 40 ans, soit des arrêtsthéoriques vers 2027 et 2028. Les études et travauxnécessaires avant la production de la chaleur pouvantdurer de l’ordre de 10 ans, il apparaît évident que lacogénération sur ce site ne peut être envisagée qu’en casde prolongation de la durée d’exploitation des réacteurs.La question peut aussi être posée en termes d’opportunitéde déployer une nouvelle paire de réacteurs sur ce sitedans le cadre du renouvellement du parc, auquel cas laquasi­totalité des investissements réalisés pour letransport de la chaleur pourrait continuer à être amortieIndépendamment des grandeurs intégrées analysées ci­dessus, la répartition des différents postes de coût estprésentée sur la base du coût moyen actualisé dans laFig. 6 .

Fig. 6. Structure du LCOH pour Nogent­Paris (scénario «bas»)Pour ce projet, la majeure partie des coûts est liée à laconstruction de la ligne de transport. La perte deproduction électrique est également importantepuisqu’elle représente un quart du coût de la chaleur dansle scénario le plus défavorable.4 ­Autres sites4.1 ­Situation actuelleUne fois examiné le cas des réacteurs de Nogent sur Seine,il est intéressant de généraliser l’approche en examinantles autres sites présentant le plus d’intérêt vis­à­vis de lacogénération nucléaire pour le chauffage urbain. Pouraller au plus juste on se focalise en premier lieu sur lesrégions les plus consommatrices de chaleur par lesréseaux. En­dehors de l’Île­de­France il s’agit de Rhône­Alpes, Nord­Pas­de­Calais, Lorraine, Alsace et Centre (cf.Fig. 7).La Fig. 8 présente la localisation des centrales nucléairesfrançaise. On y a fait figurer des cercles d’un rayon de100 km autour de chacune d’elle. Leur répartitionhomogène sur l’ensemble du territoire permet d’envisager

l’usage de la cogénération pour la majorité des principalesagglomérations.

Fig. 7. Chaleur fournie sur des réseaux urbainsen 2013 en France [11]

Fig. 8. Evaluation économique d'autres sites français(scénarios «haut»)Pour évaluer le potentiel économique de la cogénération,une recherche des réseaux de ces régions a été menée, etles principaux sites de consommation (assortis de leurpuissance «raisonnable» que la cogénération pourraitfournir) ont été reliés à la centrale nucléaire la plusproche.Pour chaque site étudié on réalise alors un calcul dérivéde celui présenté plus haut pour Nogent­Paris, enadaptant notamment le calcul du coût de modification dela centrale à la puissance extraite, et en tenant compte dufait que pour tous les projets hors région parisienne unpremier examen laisse augurer qu’il est possible d’éviterle recours à des tunnels .In fine cette étude est plus prospective et ne cherche àfournir en premier lieu que des éléments de réflexionamenant à hiérarchiser les sites, pour retenir ceux quiapparaissent les plus intéressants.

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4.2 ­RésultatsLa Fig. 9 présente un comparatif en relatif des coûtsactualisés de la chaleur (LCOH) évalués pour les plussignificatifs des sites étudiés avec des courbes de niveausituant les zones de compétitivité par rapport aux prixactuel de la chaleur.

Fig. 9. Evaluation économique d’autres sites français (scénario«haut»)Le projet Lyon­Bugey se dégage nettement, il présente unLCOH final inférieur à celui de Paris­Nogent résultantd’un bon compris entre la distance de transport et unepuissance thermique à fournir (300 MWth). Il se révèleainsi être un meilleur candidat au déploiement de lacogénération nucléaire.Il ressort également que la distance n’est pas le seuldéterminant de la viabilité du projet : c’est bienl’adéquation entre cette distance et la puissance fourniequi joue un rôle majeur. Ainsi le potentiel d’emploi de lacogénération pour Metz (35 km de Cattenom) estsupérieur à celui de Dunkerque (15 km de Gravelines) :pour le premier la consommation actuelle de chaleur estcompatible avec l’installation de la cogénération alors quepour le second il faut envisager de doubler cetteconsommation pour atteindre la zone de «viabilité»économique du projet. Il pourrait à ce propos être trèspertinent de mobiliser une partie de la chaleur produitepour alimenter des industries grosses consommatriceslocales, ce qui pourrait améliorer l’économie d’ensemblede façon significative.A l’instar des études réalisées pour l’Île­de­France, desétudes spécifiques peuvent évaluer le potentiel dedéveloppement des réseaux de ces villes. Si de manièresommaire on considère que comme pour la régionparisienne, il est possible d’envisager un doublement dela consommation de chaleur d’ici 2030, un bon nombredes villes présentées sur la Fig. 9 peut atteindre la zoned’intérêt. De plus, une extension de nos travaux pourraprendre en compte le besoin de chaleur industrielle, quidans certaines zones du territoire français peut être

localement supérieur à celui du chauffage du secteurrésidentiel et tertiaire (cf. supra, le cas de Dunkerque).5 ­ConclusionsLe chauffage urbain par cogénération nucléaire estactuellement utilisé dans plusieurs pays d’Europe.L’orientation actuelle de nombreux pays vers unepolitique énergétique volontariste de transition ainsi queles progrès techniques réalisés en matière de transport dela chaleur sur longue distance amènent à réétudier cettetechnologie dans le cadre français. Les premiers résultatsfournis ici, même s’ils sont encore partiels et doivent êtreconfirmés par des analyses complètes, permettentd’espérer un développement significatif de cettetechnologie, en région parisienne, mais aussi dansquelques agglomérations urbaines du reste du pays.Ces résultats demandent validation. Ainsi, les étudesfutures pourraient porter sur l’évaluation du coût duback­up, la prise en compte des potentialités dedéveloppement des réseaux de chaleur existants ouenvisagés, une meilleure caractérisation des coûts decertains éléments prépondérants dans l’analyse (tuyauxde transport et leur installation, modifications de lacentrale...). En règle générale, il faut maintenant menerdes approches d’une part très ciblées sur des cas précis, et,d’autre part, d’échelle nationale. Il faudrait ainsi évaluerau plan du pays les mesures qui permettraient dedépasser les obstacles inhérents à cette technologie, àl’instar des actions menées pour d’autres énergies « bascarbone » dans le cadre de la transition énergétique qui sestructure actuellement en France.Au final, le déploiement de la cogénération nucléaire enFrance, à des fins de chauffage urbain, sera, s’il s’engage,un processus graduel. Cette première analyse montrequ’il peut disposer d’un réel intérêt, étant donné lesperspectives de la transition énergétique, lerenchérissement annoncé de l’énergie fossile à terme, lesprogrès technologiques des techniques de transport.

Eléments de bibliographie[1] http://www.developpement­durable.gouv.fr/­La­transition­energetique­pour­la­.html[2] http://www.cop21.gouv.fr/[3] ANCRE, “Scénarios de l’ANCRE pour la transitionénergétique”, Rapport 2013, Agence Nationale de Coordinationde la Recherche sur l’Energie[4] H. Tuomisto, “ CHP Study for Loviisa Unit 3 in Finland ”,private communication at CEA, 01/31/12[5] ADEME, “Catalogue Climat, Air et Energie”, edition 2014

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[6] “La gestion de la délégation de service public du chauffageparisien”, Rapport d’observations définitives, Ville de Paris (75),Chambre régionale des comptes d’Ile­de­France, 10­UC­0220/S3/2080226/MC (2008)[7] “Geschäftsbericht vom 1. Juli 2003 bis 30. Juni 2004”,REFUNA AG (Regionale Fernwärme Unteres Aaretal)[8] B. Lerouge, « Presentation of a calorigenic swimming­poolreactor and study of its use for urban heating, desalination ofwater, and other industrial applications », Study group of theuse of the heat of reactor by industry and for urban heating;Vienna, Austria; 2 ­ 6 Sep 1974; ORNL­TR­­4259[9] “Baromètre IRSN – La perception des risques et de la sécuritépar les français”, IRSN, 2014[10] IAEA, “Opportunities for cogeneration with nuclearpower”, to be edited[11] FEDENE (Fédération des services énergie environnement)& SNCU (Syndicat National du chauffage urbain et de laclimatisation urbaine), « Enquête nationale sur les réseaux dechaleur et de froid », Rapport 2014[12] DRIEE, “Evaluation du potentiel de développement duchauffage urbain en Île­de­France”, 2012[13] “Nuclear Power Plant Life Management and Longer­termOperation”, OCDE 2006, NEA n°6105[14] R. Narjot, « Réseaux de chaleur », Les Techniques del’Ingénieur, B 2 170[15] Commission de Régulation de l’Energie, www.cre.fr[16] Elecnuc – Les centrales nucléaires dans le monde, Edition2014, CEA/I­tésé, www.cea.fr[17] CPCU, www.cpcu.fr

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Brèves

Multicriteria Analysisof Innovation Policiesin favor of SolarMobility in France by2030Nathalie POPIOLEK,CEA­I­tésé & Paris­Saclay Université

Overview

The present works fit into a project funded by ADEMEin France involving several partners: Institute forTechno­Economics of Energy Systems (I­tésé) and INESof CEA, CSTB, IFPEN and IMRI(1) (cf. Taverdet­PopiolekN. et al., 2013). Here, we are only interested in the lastphase of this project, directed by I­tésé. It consists of ananalysis from the point of view of the public authorities,of various innovation policies for the deployment inFrance by 2030 of electric vehicles powored by solarphotovoltaic electricity (PV). This innovation involvesenhancing the synergy building­mobility by associationof positive energy houses (with PV panels on their roof)to electric vehicles (EVs). The batteries of these vehicleswould be primarily recharged by PV electricity and couldalso be a way for stocking intermittent solar electricity forlater use (cf. Hummel P. et al., 2014, 2013 and Schwan T.et al., 2013).The aim of the project is the implementation of adecision­making model for the public administrationwhich can select the best innovation policies based on anumber of criteria reflecting their major goals in term ofpolicies concerning energy, economics, social consistencyand "factor 4" by 2050 achievement (reduction by 4 ofgreenhouse gas emissions compared to 1990 levels(2) ).MethodsBasically, the approach taken to develop the potentialactions was to identify and strengthen or combinecoherently different innovation policy instruments(policy of supply or demand), environmental and fiscalpolicies (carbon tax, gas tax) and policies of territorialplanning and the social cohesion. As for the constructionof the criteria, it is based on the analysis of the mainobjectives of the public authorities as shown above (onecriterion for each objective) and by adding a criterionreflecting the public cost discounted over the studyperiod of the deployment of any tool. A total of eightcriteria were selected and weighted. The criterion ofreducing greenhouse gases (weight = 30%, expressed in

million tonnes of avoided CO2) was the first, followed bythe one for the minimisation of public spending (weight= 22 %, expressed in millions of euros discounted to2015), the 6 other criteria being equal in the third place(weight = 8%). The weight of the criteria was made basedon a representation of the public interest, guided by theoverall objectives of the R&D program funded byADEME and called "Innovation and factor 4" to whichthe works described here belong. Note that all criteria areevaluated compared to the Business as Usual scenario,reflecting the continuity of the current policy until 2030and in the context of a relatively favourable economicand energy scenario for solar mobility in France duringthe study period: high gas and electricity prices (positiveannual growth rate over [2015, 2050]), low discount rate(5%)).We chose the outranking approach by using ELECTRE ISmethod (Roy B., 1991; Roy B. and Skalka J.M., 1987) inorder to take into account each criterion (j), a threshold ofindifference (qj). This one is related on the one hand, tothe fact that the statistics we use have uncertaintiesbecause they have been projected in time (evaluation ofthe criteria over the period [2015, 2050] taking intoaccount the length of mobilized equipment life) and onthe other hand, to the difficulty for the public authoritiesto express strict preferences for local ranking, on thecriteria, actions with very similar assessments. For eachcriterion, qj was calculated based on the mean andstandard deviation of all the values of the test on allpotential actions. It was not considered as appropriate toevaluate the weak preference, which implies equalitybetween the indifference threshold (qj) and thepreference threshold (pj) for all criteria. Similarly, it wasconsidered for this application, that the public authoritiesdid not apply a veto. Table 1 summarizes the criteriawith their weight and their indifference threshold.The concordance level is set at 0.8 as it is frequently thecase with ELECTRE IS: 80% of weighted criteria mustvote "yes" to the statement "the a policy is better than theb policy" in order to say a outranks b at the global level.The ELECTRE IS software (which also helps eliminatingcircuits present in the outranking graphs) is used bysubset of policies (supply policies, demand policies...) inorder to highlight, for each of them, one or several bestpolicies.

(1 ) ADEME = Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie;INES = Institut national de l’énergie solaire, CEA = Commissariat àl’énergie atomique et aux énergies alternatives, CSTB = Centre scientifiqueet technique du bâtiment; IFPEN = l’IFP Energies nouvelles; IMRI =Institut de management de la recherche et de l’ innovation(2) French Law Pope, July 2005

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Brèves

Table 1: Weight of criteria and indifference thresholdThen ELECTRE IS allows the best of the "winning"policies to be chosen. They are three in number: P1 =R&D Subsidies (PV + EV) + carbon tax; P2 = R&DSubsidies (PV, EV + Smart­Grid) + carbon tax; P3 = Feed­in­tariffs + carbon tax (carbon tax = € 44 / tCO2 in 2015,100 in 2030 and 200 in 2050). Their evaluation criterion isgiven in Table 2.

Table 2 : Policies contained in the kernel and evaluationcriteria

ConclusionsFinally, a demand policy (P3) based on a strengthening ofFeed­in­tariffs in 2015 with a carbon tax, is among thebest policies. It has the disadvantage of not being veryfocused on mobility because it only subsidizes thephotovoltaic electricity. We preferred to recommend tothe public authorities the two ring policies (P1) and (P2)that simultaneously combine a research support in favorof the related technologies and a relatively high carbontax. Such a result is in the same direction as the work witha different methodology (endogenous growth modelsapplied to low­carbon energy technologies) (Taverdet­Popiolek N. et al., 2013).

References

Hummel P. et al. , 2014, “Global Utilities, Autos & Chemicals: Will solar,batteries and electric cars re-shape the electricity system”, 20 August,www.ubs.com/investmentresearchHummel P. et al. , 201 3, “The unsubsidised solar revolution”, 1 5 january,www.ubs.com/investmentresearchSchwan T., Unger R., Bäker B., 201 3, “Modelling and optimization ofrenewable energy supply for electrified vehicle fleet”, EA Systems DresdenGmbH, Institute ofAutomotive Technologies Dresden ! IAD, DresdenUniversity ofTechnology,www.dubrovnik2013.sdewes.org/presentations/SDEWES-2013-1120.pdfRoy B., 1 991 , The outranking approach and the foundations ofELECTREmethods. Theory and decision 31 , 49–73.Roy B., Skalka J.M., 1 987, ELECTRE IS, Aspects Méthodologiques etguide d’utilisation, Document du Lamsade, n°30, Université ParisDauphine, France.Taverdet-Popiolek N., Berwald A., Lafforgue G., 2013, “A note on theinduced effects of carbon prices and R&D subsidies in carbon-freetechnologies”, Energy studies review, mars 2013, Vol. 20, Iss. 2, Art. 4, pp.71 -89.Taverdet-Popiolek N., Quenard D., Thais F., Vinot S., Wiss O., 2013,“Mettre l’ innovation sur la trajectoire du facteur 4: la mobilité solaire en2030”, Revue de l’énergie 611 , 23–40.

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Brèves

Rapport OCDE/AIE/AEN «Projected Cost ofGenerating Electricity2015»Thierry DUQUESNOY,CEA­I­tésé

Fin août 2015, l’OCDE a publié la huitième édition deson rapport quinquennal sur les coûts prévisionnels deproduction de l’électricité. Cette étude prospectiveinternationale a été menée sur plus d’un an et a utilisé lesdonnées transmises par 22 pays ainsi que les synthèses parsecteur réalisées par l’AIE et l’AEN.Les moyens de production envisagés et les résultatscorrespondent à des projets dont les études démarreraientmaintenant pour une mise en service vers 2020, voire au­delà pour les projets à plus long délai de réalisationcomme le nucléaire.Les coûts prévisionnels sont donnés pour des sériesindustrielles et sont calculés «aux bornes de la centrale»afin de pouvoir mener une comparaison entre les diférentsmoyens de production. Par rapport aux éditionsprécédentes, le taux d’actualisation est envisagé sur uneplage de 3 à 10% au lieu des valeurs de 5 et 10%.NucléaireLes constructions actuelles de « têtes de série » degénération III ont nécessité la reconstitution decompétences au sein des supply chains. Les délais et coûtsde construction observés ont pu soulever quelquesinquiétudes sur la compétitivité du nucléaire mais lesprévisions données dans ce rapport pour des réalisationsen séries industrielles gomment ces inquiétudes.La situation du nucléaire est néanmoins contrastée : il estmoyennement cité, 10 pays parmi les 22, mais lorsqu’il estcité c’est très souvent en 1ère place pour les faibles tauxd’actualisation et il reste en 2ème ou 3ème position pour lesvaleurs plus élevées de ce taux. Dans les pays où l’optionnucléaire est retenue elle l’est avec conviction et confiancedans sa compétitivité.RenouvelablesL’éolien terrestre, cité par une grande majorité des pays,présente un gain de compétitivité par rapport à l’étudeprécédente de 2010 mais l’effet d’apprentissage se tassenotablement. Dans plus de la moitié des pays il est en trèsbonne position lorsque le taux d’actualisation est faible. Sacompétitivité diminue pour les taux d’actualisation élevésmais il reste néanmoins dans les premières places.

Le solaire photovoltaïque (PV) est très souvent cité par lespays ayant participé à l’étude. Il présente un gainsignificatif de compétitivité par effet d’apprentissagedepuis 2010. L’étude détaille les coûts de productionattendus suivant qu’il s’agisse d’une exploitation enhabitation, en toiture commerciale ou en grande centraleau sol. Le PV en grande centrale au sol et le plus compétitifmais il reste, pour le moment, cantonné en seconde partiede tableau.L’hydraulique est moyennement citée mais, un peucomme le nucléaire, lorsque les pays ont un potentiel danscette énergie ils la place en 1ère position, y compris pourdes taux d’actualisation élevés.L’éolien en mer n’est pas très souvent retenu et, en termesde compétitivité, il se positionne pour le momentsystématiquement en bas de tableau.FossilesA des fins de comparaison, le prix du carbone a étéuniformisé à 30 USD/t de CO2 pour l’ensemble des pays.Les coûts de production du charbon et du gaz ne sepositionnent bien par rapport aux autres énergies quepour des taux d’actualisation élevés.Le charbon se positionne un peu mieux que le gaz pour lesfaibles taux d’actualisation. Pour les pays qui l’envisagent,il est souvent en seconde position à faible tauxd’actualisation et voit sa compétitivité s’améliorer dès quele taux est un peu plus élevé.Autres apports de l’étudeAu­delà du coût de production, des aspects tels que lefinancement ou la recherche d’un mix électrique optimiséguideront également le choix du type d’investissement.Ces aspects sont bien souvent spécifiques au projet ou aupays concerné, le rapport de l’OCDE/AIE/AEN lesaborde en donnant les éléments méthodologiques utilespour leur évaluation.

www.oecd­nea.org www.iea.org

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Brèves

Les marchés del'uranium vus parl'AIEASophie GABRIEL,Antoine MONNET,CEA­I­tésé

Début Novembre 2015, deux réunions sur lathématique de l’uranium ont eu lieu à l’AIEA àVienne.La première a permis aux délégués du « Groupe Uranium»de faire le point sur l’avancement de la prochaine éditiondu « Livre Rouge» («Uranium : Ressources, Production etDemande», édition conjointe de l’AIEA et del’OCDE/AEN).Le groupe uranium a également partagé ses réflexions surla terminologie utilisée ainsi que sur la qualité desdonnées à fournir aux secrétariats de l’AEN ou de l’AIEA,en vue d’une amélioration continue du Livre Rouge.Cette réunion a également permis de faire le point sur lemarché de l’uranium. Le marasme est évident : laproduction 2014 est en baisse par rapport aux annéesprécédentes et des projets miniers importants sontsuspendus. Seul le Kazakhstan a augmenté sa productionen 2014, mais nettement moins qu’auparavant.Pour soutenir le marché, les producteurs comptent sur lademande asiatique : les nouvelles constructions deréacteurs, les stocks stratégiques qui se constituent enChine et qui ont été annoncés en Inde ainsi que leredémarrage de réacteurs au Japon.La seconde réunion a réuni une trentaine de participantsd’une quinzaine de nationalités différentes pour uneréunion technique sur les méthodes d’estimation desressources d’uranium. Les enjeux sont importants etl’objectif de la réunion était de partager les avancéesrécentes en matière de modélisation des ressources restantà découvrir ainsi que l’application de ces méthodes dansquelques États membres.

Selon que l’objectif de la modélisation porte sur lalocalisation des ressources ou sur les quantités qu’ellesreprésentent, les méthodes présentées permettent derépondre à une ou plusieurs des questions suivantes :«Quelles quantités d’uranium ?», «combien de gisementsà découvrir ?», «où ?», «avec quelle incertitude ?», «à quelcoût ?». À l’issue des discussions, il a été souligné qu’ilserait souhaitable de confronter les résultats obtenus àpartir de différentes méthodes et selon les hypothèsesconsidérées.À l’occasion de cette réunion, Antoine Monnet, en thèse àl’I­tésé, a présenté une méthode d’estimation quantitativedes ressources mondiales d’uranium. Cette méthodes’appuie sur un découpage du monde en 6 régions et letraitement statistique des données issues des gisementsconnus. Ses premiers résultats avaient également étéprésentés à la conférence Global 2015 à Paris enSeptembre. Cette méthode se distingue des autresméthodes présentées à Vienne par l’estimation des coûtsassociés aux ressources : celle­ci joue un rôle central alorsque l’objectif de localisation précise des gisements n’est enrevanche pas considéré.La méthode historiquement développée par l’USGS (« 3­part assessment »), d’abord pour d’autres métaux, est deplus en plus utilisée pour l’estimation des ressourcesd’uranium. Elle a été appliquée au Texas (pour desgisements de type « roll­front »), dans l’Ouest australien(gisements de type « calcrete­hosted »), ou encore enArgentine (plusieurs types de gisement étudiés). Cetteméthode semble se détacher des autres pour un typed’application particulier : l’identification au niveaurégional de parcelles prometteuses et l’estimation desprobabilités d’échec si l’on y intensifie l’exploration. Sicette méthode se généralise, il sera possible de comparerde façon cohérente les ressources non découvertes dansles différentes régions du globe.

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Actualités scientifiquesVie de l'unitéIntervention d’I­tésé au 3rd InternationalSymposium on Energy Challenges & Mechanics

Nathalie Popiolek aparticipé au ThirdInternational Symposium onEnergy Chalenges &Mechanics, Towards : a BigPicture à Aberdeen, Scotland du 7 au 9 juillet 2015. Elle aprésenté dans la session Energy Policy and Economy, Anote on the induced effects of carbon prices and R&Dsubsidies in carbon­free technologies.Cette note sur les effets induits de la taxe carbone et dessubventions à la R&D, analyse les distorsions empêchantle marché de fonctionner de façon optimale. Lesdistorsions étudiées sont les externalitésenvironnementales causées par la consommation desénergies fossiles (effet de serre) et celles qui sont liées à laR&D (les innovateurs ne peuvent pas «récupérer» latotalité des bénéfices de leur investissement dans larecherche). Cette analyse, basée sur l’étude des résultatsde quatre modèles macro­économiques à croissanceendogène, intégrant une fonction dommage climatique,montre que l’effet positif sur le bien­être général, de lataxe carbone est renforcé par la subvention à la R&D enfaveur des technologies énergétiques décarbonées (etréciproquement). Elle montre aussi qu’il est nettementpréférable (pour le bien­être général) d’agir tôt.Les interventions de ce colloque étaient très variées carelles se déclinaient en 25 sessions allant de l’Efficacitéénergétique aux Véhicules électriques, en passant parl’Energie et le développement durable, l’Energienucléaire, les Smart grids… parfois avec une approchetrès technologique.Le point commun de toutes ces présentationspluridisciplinaires et réunissant des experts de chaquecontinent (nombreux américains, chinois, japonais,anglais…) était la prise en compte des défisenvironnementaux et climatiques dans la préparation deschoix énergétiques aujourd’hui et demain.A noter en particulier les interventions :­ en session d’ouverture de Philippe A. Tanguy, Vice­Président, International Scientific Development, Total,Berlin et Paris, avec une matrice croisant les filièresénergétiques, les défis et les marges de progression tanttechnologiques qu’organisationnelles.­ en session parallèle de Patrizia Lombardi,Interuniversity Departement of Urban and RegionalStudies and Planning, Politecnico di Torino, Turin,Coordinatrice du projet européen MILESECURE­2050 quia présenté les nouvelles formes de gouvernance pourconduire la transition énergétique.Ce congrès va sans doute se renouveler en 2016.

I­tésé dans la COP 21 : Intervention à la conférence«Our Common future under Climate Change»

Outre les 2 side­events retenus dans la programmation duPavillon de la France pour la COP 21 et qui serontprésentés le 11 décembre prochain, l'un sur "The lastANCRE study on : Décarbonization Wedges" et l'autresur "Hydrogen technologies : towards a significant role inEnergy Transition to a low carbon Economy", le GP9 del'ANCRE (co­animé par I­tésé) à organisé à Paris en juilletdenier une session dans la conférence scientifique «Notreavenir commun face au changement climatique» (OurCommon Future under Climate Change – CFCC15) qui acouvert tous les domaines scientifiques relatifs auchangement climatique. Cette conférence qui a réuni plusde 2000 participants originaires d’une centaine de pays aété la plus grande conférence scientifique internationaleorganisée avant la COP 21 de Paris. Elle a permis de fairele point sur l’état actuel des connaissances concernanttous les aspects du changement climatique, et a passé enrevue l’ensemble des options d’atténuation etd’adaptation susceptibles d’offrir des solutions durableset équitables à tous les pays et toutes les régions.Patrick Criqui de l’UPMF de Grenoble est intervenu aunom du GP sur le projet «Decarbonization Wedges» encours au sein de l’ANCRE. Il a notamment montré que lestechnologies les plus fréquemment utilisées dans lesanalyses de l’ONU (projet DDPP) pour décarbonerl’électricité, sont le nucléaire, le solaire, l’éolien, la captureet séquestration du carbone (selon les régions, les écartssont importants : le nucléaire sera localisé essentiellementen 2050 dans les pays d’Asie et d’Amérique du Sud à fortdéveloppement).Participation de l'I­tésé à l'audition publique àl’OPECST sur le thème «Innovation et changementclimatique : l’apport de l’évaluation scientifique ettechnologique»

Le 24 septembre 2015, à l’occasion du 30e anniversairedu premier rapport de l’OPECST (OfficeParlementaire de l'Evaluation des Choix Stratégiques etTechniques) et de la présidence française de l’EPTA(European Parliamentary Technology Assessment), s’esttenue une conférence sur le thème « Innovation etchangement climatique : l’apport de l’évaluationscientifique et technologique ». Environ 200 participantssont venus de 30 pays pour cette conférence labelliséeCOP 21.

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Actualités scientifiquesVie de l'unité

Cette conférence organisée autour de quatre tables rondesa donné lieu à deux interventions d’I­tésé.L’ouverture de la journée, au nom de l’ANCRE (et plusprécisément de l’EDDEN, de l’IFPEN/E&V et d’I­tésé),était portée par Patrick Criqui de l'UPMF. Elle s’estfocalisée sur le thème de l’ «Évaluation globale du rôle del’innovation pour réduire les émissions de CO2». Uneseconde intervention de l’I­tésé a porté quant à elle sur lavalorisation du CO2.Elle a été prononcée par ChristineMansilla.Participation d’I­tésé à GLOBAL 2015

La 21ème conférence internatinale­GLOBAL 2015­ qui s’est dérouléeen septembre dernier a accueilli un peumoins de 600 participants. Le sujet decette manifestation mondiale qui s'esttenue à Paris était «Le cycle ducombustible nucléaire pour un avenirfaible en carbone». I­tésé y a organisé letrack 1 qui avait pour titre «Nuclear Energy: IndustryOutlook & Prospects» et qui était consacré à différentsaspects économiques. C’était la première fois dans unemanifestation de ce type que l’Economie disposait de sonpropre «track» montrant l’intérêt croissant des acteurs dunucléaire pour ce que cette discipline peut leur apporteren termes de réflexion, stratégique, de priorisation desactions et d’argumentaire.Sur l’ensemble de la conférence, I­tésé s’est mobilisé trèsfortement et a présenté 6 communications. Il étaitégalement coauteur de 2 autres qui ont aussi étéprésentées. Elles portaient sur les thèmes ressources enuranium, scénarios énergétiques, cogénération,complémentarité entre nucléaire et EnR ainsi que sur lecoût d’un accident nucléaire.Organisation par I­tésé de la journée technique SFENST12/ST8 consacrée à la méthodologie d’estimationdu coût du démantèlement des installationsnucléaires

Le 14 octobre dernier, dans le cadre de la SFEN, lessections techniques ST8 «Economie et Stratégie

Energétique» et ST12 «Déchets et Démantèlement» ontorganisé une journée dédiée à la méthodologieconcernant l’estimation du coût du démantèlement. Cettedernière journée était pilotée par I­tésé.De nombreuses interventions ont ponctués cette journéeprésidée par M. Norbert Ladoux, Professeur à la ToulouseSchool of Economy (TSE). Retenons entre autre celle deM. Denis Baupin, député, qui a présenté l’encadrementlégislatif et la vision de l’OPECST (Office Parlementaired’Evaluation des Choix Scientifiques et Techniques) et,celles de Mme Michèle Pappalardo, magistrat à la Courdes comptes ainsi que celle de M. Charles­Antoine Louetde la DGEC (Direction Générale de l’Energie et duClimat) qui se sont exprimé sur l’évaluation et le contrôlepar les pouvoirs publics.D’autres exposés précis et documentés, éclairant lesdiverses facettes de ce sujet ont eu lieu avec parmi lesindustriels Areva, EDF, Oreka Solutions et le CEA.L’AEN, représenté par M. Marc Deffresnes, est revenu surle retour d’expérience à l’international.Enfin, la table ronde dont le sujet était «la maîtrise del’estimation des coûts du démantèlement avec un focussur l’évolution et perspectives» a clôturé cette journée, quia montré les évolutions récentes du système, vers plus desolidité, de garanties, de précision et de contrôle. DenisBeaupin a en particulier explicité que l’OPECST entendaitrelancer la CNEF, et lui donner une mission élargie.Présentation des travaux I­tésé sur "L'analyse despolitiques publiques en faveur de la mobilité solaire"au 33RD USAEE/IAEE North American

Lors de la 33RD USAEE/IAEE North American quis'est déroulée à Pittsburgh aux USA en octobredernier, Nathalie Popiolek a présenté les résultats de sestravaux concernant l'application de la méthode d'aide à ladécision multicritère au choix des politiques publiques enFrance en faveur du développement de la mobilitésolaire. Le titre de la présentation qui a eu lieu dans lasession 'Energy and the Environment', présidée par MikeTroilo de l'Université de Tulsa (USA) est : "MulticriteriaAnalysis of innovation Policies in Favor of Solar Mobilityin France by 2030".Les autres présentations et sessions plénières ont présentéles nombreux défis du secteur énergétique (défisenvironnementaux, géopolitiques, de compétitivité...) etl'avancé des travaux de recherche pour apporter des

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 26 ­ Automne 2015La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 26 ­ Automne 201530

Actualités scientifiquesVie de l'unitésolutions. L'accent a été mis sur la révolution des ShaleGaz, le Captage et stockage du carbone, l'utilisation del'eau, l'intégration des renouvelables, les véhiculesélectriques, les marchés électriques... et bien sûr lespolitiques d'abattement du CO2 avec notamment la COP 21à Paris. Des travaux similaires à ceux que Nathalieprésentait concernant l'utilisation des batteries desvéhicules électriques pour lisser les pointes deconsommation ont été présentés par Yoshiki Ogawa del'Université de Toyo (Japon). Une analyse micro­économique du Vehicule­to­Grid a été faite par GerardM Freeman de l'Université de Rochester (USA).I­tésé représenté au Conseil Académique

Proposée par le Président du Conseil Académique del'Université Paris­Saclay, Guy Wormser, et ayant reçuavec trois autres collègues l'approbation par vote desConseillers, Nathalie Popiolek a été nommée Vice­Présidente du Conseil Académique, chargée de l'insertionprofessionnelle et de la valorisation.I­tésé co­organisateur du séminaire «La trajectoire des2°C : Quelle contribution des technologies bascarbone ? L’étude Decarbonization Wedges»

Dans le cadre de sa participation au GP9Prospective de l’Alliance de Coordinationde la Recherche sur l’Energie (ANCRE), I­tésé a co­organiséun colloque le vendredi 16 octobre 2015 au Ministère del’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de laRecherche intitulé : «Sur la trajectoire des 2°C : quellecontribution des technologies bas carbone ? L’étudeDecarbonization Wedges»Cet évènement visait, sur la base de deux travaux conduitsen parallèle, à engager des échanges et discussions sur lerôle des technologies, des innovations et de la R&D à 2050dans l’atteinte des trajectoires 2°C (2100).Pour ce faire, le déroulé de la journée a été structuré de lafaçon suivante :• Une introduction du président de ANCRE.• Une présentation des deux projets : DeepDecarbonization Pathways Project, projet onusien quiréunit 16 équipes nationales de recherche dont les paysreprésentent ¾ des émissions mondiales de gaz à effet deserre et l'étude ANCRE Decarbonization Wedges (DW)lancée en septembre 2014 et en cours de finalisation quiporte la vision des experts français des GPs de ANCRE surle potentiel de déploiement et de réduction des émissionsdes technologies bas carbone à l’échelle mondiale (14familles de technologies embrassant plus de 100technologies élémentaires).

• Une vision de la Commission Européenne.• Trois tables rondes pour engager la discussion sur lademande énergétique et les systèmes intégrés, sur l’offred’énergie et sur les leviers d’accélération de ce déploiementdes technologies par une entrée sur les politiquespubliques avec un regard croisé politique (MENESR),industrie, recherche avec une mise en perspectiveFrance/Allemagne.Ce séminaire a accueilli plus d’une centaine de personneset permettra au regard des échanges qui se sont tenus avecla salle de moduler et d’orienter le rapport DW en cours definalisation. Il a validé les conclusions qui montrent enparticulier que le potentiel des technologies sera largementdimensionné vers 2020 et 2030 pour mettre en œuvre lesobjectifs de la Transition, mais que malgré une fortemobilisation, les marges techniques vont se réduirefortement vers 2050. Ces résultats illustrent le besoinmajeur en recherche, notamment en TRL moyens à faiblespour préparer cet horizon. Ils montrent aussi que lenucléaire, avec le solaire, est une des technologies aupotentiel le plus élevé.I­tésé participe au "Dialogue Forum INPRO :Roadmaps for a Transition to Globally SustainableNuclear Energy Systems” à l'AIEAEn octobre dernier, à Vienne s'est tenue à l’AIEA le"Dialogue Forum INPRO" dont l'objet était de discuter du"Collaborative Project ROADMAP" qui ambitionne deconstruire une feuille de route pour la transition vers unsystème nucléaire durable dans une approche «bottom­up» basée sur un questionnaire pays. Le but de cetteapproche est de présenter une vision partagée au niveauinternational de l’évolution vers des cycles et des réacteursinnovants, afin de dégager des actions de collaborationsbilatérales et multilatérales à court/moyen terme.Les différentes présentations des pays présents et del’Agence ont permis de faire ressortir l’intérêt pour lescycles fermés et les réacteurs de 4ème génération, à partir dela seconde moitié du XXIème siècle. A noter aussi l’attrait (àplus court terme) pour des solutions de stockagesupranationales (par exemple, "fuel leasing" ou stockagerégional). Ce dernier point pose la question du cadreinstitutionnel dans lequel ces solutions pourraient sedévelopper de façon pérenne (cohérence avec les loisnationales sur la gestion des déchets et matières) maisaussi de leur articulation avec les cycles fermés.I­tésé au « Café de la prospective »Le jeudi 5 novembre 2015, le Café de la prospective,animé par Philippe Durance, Marc Mousli et RégineMonti, a reçu Nathalie Popiolek d’I­tésé, spécialiste deprospective technologique.Le Café de la prospective se réunit 6 à 7 fois par an ceuxqui s'intéressent à la prospective et plus généralement àtoute forme d'anticipation ou de prise en compte de

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Actualités scientifiquesVie de l'unitél'avenir dans la réflexion, la décision et l'action. C'est unlieu d'écoute et de partage ouvert sur toutes les pratiquescapables d'une analyse réflexive.La prospective technologique remplit plusieurs fonctionsassez spécifiques. Elle cherche, comme toute prospective, àdonner une vision à LT aux activités de recherche. Elle aaussi pour mission d’analyser les chances de succès d’unetechnologie innovante, et d’aider les décideurs à construiredes scénarios montrant quels leviers ils peuvent actionnerpour réaliser au mieux leurs objectifs.

Dans ses travaux, NathaliePopiolek utilise des méthodesinspirées de l’École françaisede prospective, complétéespar des outils dereprésentation comme lemapping de variables. Elleattache aussi beaucoupd’importance à lapersonnalité du décideur, àses valeurs, ses croyances, sesobjectifs et ses moyens. C’estavec lui qu’elle va délimiter etdécrire le système associé à la question posée, avant detravailler sur le futur.Elle a entretenu les invités des concepts, des méthodes etdes outils qu’elle utilise, et en particulier d’une méthodegénérique pouvant traiter aussi bien le futur du cœurartificiel selon CARMAT que celui des semences de blétransgéniques selon l’INRA, et comportant des outilsnouveaux de dialogue avec le décideur.La COP 21 devant se tenir à la fin de l’année à Paris, ledébat s’est majoritairement porté sur les technologiesénergétiques sobres en carbone et sur les programmes deR&D du CEA qui y sont associés.Parution des éditions 2015 de l’Elecnuc et duMémento sur l’énergie

Comme chaque année, l’Itésé vous propose ces deuxlivrets qui fournissent sous forme synthétique denombreuses informations relatives à l’énergie à l’échellemondiale, avec un focus particulier sur la production et leparc nucléaires.Parmi les faits marquants de cette année, on peut citerpour Elecnuc :• la mise en service commercial de 7 réacteurs nucléairesen Chine et un en Inde entraîne une augmentationsignificative de la capacité mondiale installée (+6,3 GWe).La production électrique nucléaire est également en haussede 60 TWh ;• considérant les constructions en cours et les premiersredémarrages de réacteur japonais, cette tendance devraitse poursuivre dans les années à venir et le parc mondial

pourrait retrouver prochainement le niveau qu’il avaitavant la catastrophe de Fukushima­Daishi.S’agissant du Memento, les tendances annuelles sontconservées à l’échelle mondiale, avec un paysageénergétique toujours largement dominé par l’utilisationdes énergies fossiles, malgré une très légère croissance desénergies renouvelables, visible seulement au niveau localdans certaines régions ou pays, en particulier dans ledomaine de l’électricité. Les émissions globales de CO2continuent de progresser (plus de 2% en une année), avecune croissance très forte en Asie. Ce constat corroborel’importance des enjeux de la COP 21 de cette année, parmilesquels celui de l’urgence d’une transition énergétiquevers un mix bas carbone.