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LA LETTRE DU CONSEIL | 11, rue de l’Hôtel-de-Ville | 1204 Genève | tel +(41) 22 310 50 65 | fax +(41) 22 781 45 59 | www.odage.ch | N° 62 - mars 2016

LA LETTRE DU CONSEIL€¦ · Pendant deux jours, quatre-vingt avocats ont offert des services juridiques gratuits à la population, à la Permanence de l’Ordre et sous une très

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LA LETTRE DU CONSEIL

| 11, rue de l’Hôtel-de-Ville | 1204 Genève | tel +(41) 22 310 50 65 | fax +(41) 22 781 45 59 | www.odage.ch |

N° 62 - mars 2016

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Editorial du BâtonnierMe Jean-Marc Carnicé

Discours du Bâtonnier prononcé lors de la remise du Prix Ludovic Trarieux 2015 à Me Walid Abu al-Khair

Communications du Bâtonnier

2015, première édition de «l’Avocat dans la Cité» (26 au 31 octobre 2015)Me Philippe Cottier

Les 120 ans de l’Ordre des avocats (24 au 27 novembre 2015)Me Isabelle Bühler Galladé

Le serment de l’avocat: redondance et désuétudeMe François Canonica

Le Marathon du droit souffle ses dix premières bougiesMe Philipp Fischer

Restrictions budgétaires: les enfants en dangerMe Isabelle Bühler Galladé

Questions choisies concernant la représentation juridique des requérants d’asile dans le cadre de la refonte de la loi sur l’asileMes Léonard Micheli, Arnaud Moutinot, Roxane Sheybani et Brice van Erps

«Shaping the Future of Dispute Resolution & Improving Access to Justice», les Global Pound Conference Series font étape à Genève en septembre 2016Mes Guillaume Tattevin et Birgit Sambeth Glasner

Europe: l’enjeu de l’innovation M. Christophe Donay

Les faillites internationales d’un point de vue suisseMe Ani Homberger

«Swissness»Mes Niels Schindler et Clément Neveceral

Plaidoirie présentée à l’occasion du Concours international de plaidoiries surréalistes du 14 janvier 2016 à BruxellesMe Andrea Höhn

Admissions à l’Ordre des avocats

SOMMAIRE

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EDITORIAL DU BÂTONNIERMe Jean-Marc Carnicé

Mes chers Confrères,

Au moment de remettre ma charge, je veux vous re-mercier de la confiance que vous m’avez témoignée.

Ces deux années passées à la tête de notre Ordre m’ont permis de rencontrer de nombreux avocats, jeunes et moins jeunes, d’écouter leurs préoccu-pations et, parfois, de partager leurs joies et leurs peines.

J’ai instruit près de 400 dossiers et organisé environ 150 séances de conciliation.

Dans 80% des cas, des accords ont été trouvés.

Aplanir les différends entre les Confrères, les aider à résoudre les situations délicates auxquelles ils ont parfois été confrontés a été mon activité quotidienne.

J’ai essayé d’être particulièrement attentif à cet as-pect de ma mission.

J’ai aussi voulu défendre les intérêts collectifs des avocats.

A Genève, j’ai rencontré régulièrement les magis-trats, le Président de la Commission du Barreau et le Conseiller d’Etat en charge de la justice.

J’ai assisté à des perquisitions au sein de cabi-nets d’avocats et participé au tri de pièces, veillant chaque fois à ce que le secret professionnel soit scrupuleusement préservé.

A Berne, j’ai représenté l’Ordre auprès de la Fédé-ration Suisse des Avocats avec laquelle j’ai renforcé nos liens professionnels et amicaux.

J’ai rencontré deux fois par an les Bâtonniers de

Suisse romande, de Berne et du Tessin au sein de la Conférence latine des Bâtonniers dont l’objectif est de partager des expériences, des préoccupations et rechercher ensemble des solutions.

Une Conférence des Bâtonniers lémaniques, réu-nie pour la première fois à Genève sous l’impulsion de notre Ordre, a réuni les Bâtonniers du Valais, de Vaud, de Thonon-les Bains, de Bonneville, d’Annecy, de l’Ain et de Genève. Ensemble nous avons réfléchi aux problèmes transfrontaliers et organisé des conférences.

L’Ordre a conclu un accord avec le Ministère public de la Confédération, le De Officiis, au terme duquel diverses règles de comportement régissant nos rela-tions ont été adoptées.

Enfin, l’Ordre a pris position sur divers projets de loi, tant cantonaux que fédéraux. Ces prises de position, très appréciées et souvent sollicitées par les autori-tés, ont été rédigées par les diverses Commissions de l’Ordre auxquelles je dis ma reconnaissance.

J’ai aussi souhaité que l’Ordre rayonne au cœur de la cité.

Avec l’appui déterminant du Comité du jeune Barreau, l’Ordre a créé un événement exceptionnel: L’Avocat dans la Cité.

Pendant deux jours, quatre-vingt avocats ont offert des services juridiques gratuits à la population, à la Permanence de l’Ordre et sous une très jolie tente, place de la Madeleine. Plus de 350 personnes en ont bénéficié.

Durant une semaine entière, des avocats se sont rendus dans des cycles d’orientation et ont enseigné un certain nombre de valeurs à des jeunes gens de

13 ou 14 ans. A travers un cas pratique, les adoles-cents ont été invités à réfléchir au sens de la loi, à la liberté et aux droits et devoirs de chacun. Ils ont été sensibilisés au fonctionnement de la justice. Cette manifestation a rencontré un grand succès.

J’ai aussi souhaité que l’Ordre célèbre dignement les 120 ans de son existence. Les membres de l’Ordre ont été invités à assister à divers événements, tous de grande qualité. D’abord une conférence très inté-ressante sur la liberté d’expression et de croyance. Ensuite une conférence Berryer qui a rencontré un succès historique, organisée par le Jeune Barreau. Puis une conférence remarquable donnée par Me Robert Badinter en hommage au Bâtonnier Michel Halpérin sur l’affaire Calas. Enfin, la remise du Prix Ludovic Trarieux, pour la première fois à Genève, à un avocat saoudien, Walid Abu al-Khair, condamné pour son engagement en faveur des droits de l’Homme dans son pays.

Ces événements ont été très appréciés.

J’ai invité le Conseil à réfléchir à notre serment et à envisager sa modification dans le but de nous libérer de toute servitude politique ou judiciaire et de mettre l’accent sur l’éthique de notre profession. Il m’est apparu que notre serment ne devait plus être celui d’un auxiliaire de justice mais celui d’un avocat libre, dont la place au sein de la cité devait être reconnue. Le Conseil a voté à l’unanimité en faveur de cette modification.

Enfin, j’ai tenté de faire rayonner notre Ordre à l’étran-ger. Je me suis rendu à Paris, Bruxelles, Madrid, Barcelone, Milan, Toulouse, Lyon, Bordeaux, Nice, Bourg-en-Bresse, Annecy, Thonon. Le Conseil a renforcé les liens de notre Ordre avec l’Espagne, en particulier avec l’Ordre des avocats de Madrid avec lequel une convention de coopération a été signée,

qui permettra notamment l’échange de stagiaires. La présence de Genève à l’étranger est fondamen-tale. Partout j’ai reçu un accueil chaleureux. Partout notre Barreau a été traité comme un grand Barreau, celui d’une capitale européenne importante, celle des Droits humains et de la paix.

J’ai maintenu et renforcé nos liens avec les bar-reaux de Suisse et me suis rendu chaque année à Lausanne, Martigny ou Viège, Neuchâtel, Fribourg, Delémont, Berne et Zurich.

Les défis à relever sont encore nombreux. La tâche est lourde mais passionnante. Je cède la place au Vice-Bâtonnier auquel je souhaite plein succès.

Je remercie le Conseil de l’Ordre qui m’a apporté un soutien inconditionnel, généreux et indispensable. Ses membres ont effectué un immense travail en fa-veur des avocats. Je remercie également le Comité du jeune barreau et son Premier Secrétaire sans le concours desquels aucun des grands projets de ce bâtonnat n’aurait pu aboutir. Ma reconnaissance va aussi à Caroline Bydzovsky, Marie-Laure Sandoz et Mathilde Smith sans le travail desquelles je n’aurais pas pu servir les intérêts de l’Ordre, ainsi qu’à mes amis et mes proches qui m’ont soutenu. Ils se re-connaîtront.

Je prends congé avec l’espoir d’avoir bien servi les intérêts de notre Ordre.

Je vous souhaite à toutes et à tous beaucoup de bonheur et de satisfactions au sein de l’Ordre des avocats de Genève.

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DISCOURS DU BÂTONNIER PRONONCÉ LORS DE LA REMISE DU PRIX LUDOVIC TRARIEUX 2015 À ME WALID ABU AL-KHAIRMe Jean-Marc Carnicé

En ouvrant cette séance solennelle destinée à célébrer les 120 ans de l’Ordre et à remettre le prestigieux Prix international des droits de l’Homme Ludovic-Trarieux à Me Walid Abu al-Khair, je désire tout d’abord remer-cier très chaleureusement tous ceux qui nous font le plaisir d’y assister.

Dans l’impossibilité de pouvoir citer toutes les person-nalités présentes, je souhaite saluer plus particulière-ment:

Monsieur le Procureur général,

Votre présence parmi nous est pour le Barreau la démonstration d’un désir sincère de nous rassem-bler pour la défense de la justice. L’Ordre s’inquiète des restrictions budgétaires annoncées et de leur impact sur le fonctionnement de certaines juridictions. Comme il s’inquiète de la suppression des places de stage au Palais, si importantes pourtant. Nous savons que vous avez à cœur de veiller à ce que l’institution judiciaire ait suffisamment de moyens et reste efficace et de qualité et nous vous en remercions. Vous pouvez compter sur notre appui. A vous, Monsieur le Procu-reur général, j’exprime la gratitude de l’Ordre des avo-cats pour le travail immense que vous accomplissez au service de la Justice genevoise.

Mesdames et Messieurs les magistrats,

L’Ordre et le Conseil se joignent à moi pour vous dire combien ils apprécient votre participation à nos mani-festations. Elle prouve que malgré quelques différends parfois, nous avons su ensemble, grâce aux contacts personnels que nous entretenons, instaurer un dia-logue qui nous a permis d’apaiser les humeurs et de résoudre les conflits. Nous sommes très heureux de vous compter parmi nous aujourd’hui.

Monsieur le représentant de l’Université, Madame la Doyenne de la Faculté de droit et Monsieur le Président de l’Ecole d’avocature,

Nous sommes heureux de vous accueillir à cette séance solennelle. Vous marquez ainsi l’intérêt que l’alma mater porte à l’activité judiciaire.

Mesdames et Messieurs les Bâtonniers de barreaux étrangers et Mesdames et Messieurs les représen-tants de barreaux étrangers,

L’Ordre des avocats de Genève tient à vous expri-mer sa vive reconnaissance pour avoir répondu avec enthousiasme à son invitation. Votre présence nous honore et nous touche. Elle démontre la force des liens qui nous unissent par-delà les frontières.

Monsieur le Président de la Fédération Suisse des Avocats,Mesdames et Messieurs les Bâtonniers des barreaux suisses,

Permettez-moi de vous dire la grande joie que nous éprouvons à vous recevoir. Par votre présence, vous nous permettez de resserrer des liens d’estime, d’ami-tié et d’affection. Nos liens avec la Fédération Suisse des Avocats sont précieux. Me Sergio Giacomini, nous sommes heureux de vous compter parmi nous aujourd’hui.

Monsieur le Bâtonnier Favreau,

Vous êtes le fondateur en 1984 du Prix Ludovic- Trarieux attribué chaque année à un avocat du monde qui a illustré par son œuvre, son activité ou ses souf-frances, la défense des droits de l’Homme, des droits de la défense, la suprématie du droit, la lutte contre les racismes et l’intolérance sous toutes leurs formes. Vous êtes aussi le fondateur de l’Union des avocats

européens et le fondateur de l’Institut des droits de l’Homme des avocats européens dont vous êtes le Président. Votre combat inlassable contre les racismes et l’intolérance sous toutes leurs formes vous honore.Vous êtes un exemple pour nous tous et vous incarnez les valeurs auxquelles nous sommes profondément attachés. Je vous suis infiniment reconnaissant d’avoir choisi Genève pour remettre ce prix prestigieux.

Mesdames et Messieurs les membres du jury du Prix international des droits de l’Homme Ludovic-Trarieux,

Votre engagement en faveur des droits de l’Homme et en particulier des avocats dans la souffrance est re-marquable. Vous ne défendez pas seulement la cause d’un homme mais aussi celle du droit, de la justice et de l’humanité toute entière. L’Ordre des avocats de Genève est fier d’être l’un des membres de ce pres-tigieux jury.

Monsieur le Vice-bâtonnier, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil, Monsieur de Premier secrétaire, Mesdames et Messieurs les membres du Comité du Jeune barreau,

Votre engagement pour l’Ordre des avocats est immense. Le travail accompli par vous tous en vue d’organiser la célébration de nos 120 ans m’a beau-coup touché. Je veux saluer en particulier les jeunes avocats du Comité. Vous avez mis votre énergie et votre talent au service de l’Ordre avec générosité et dévouement. Je sais qu’avec vous, l’Ordre a un bel avenir. Aux plus âgés comme aux plus jeunes, je dis mon immense gratitude et ma profonde affection.

Un dernier merci à la presse dont la présence ici témoigne de son intérêt pour les avocats et pour les droits de l’Homme.

* * *

Les terribles attentats qui ont frappé Paris nous ont profondément bouleversés et affectés. Nos pensées vont aux victimes, à leurs familles et à tous nos amis français. En hommage et en signe de soutien je vous invite à vous lever et observer une minute de silence.

Mesdames et Messieurs,

L’Ordre des avocats a 120 ans.

Il est présent dans la cité. Il participe à son existence, à son devenir et à sa grandeur.

Nous sommes les héritiers et les témoins d’un passé riche en événements, mais parfois aussi en soubre-sauts et anecdotes.

Permettez-moi de revenir brièvement sur notre his-toire.

La première trace écrite qui évoque la présence d’une organisation d’avocats à Genève date du 5 octobre 1450. Les avocats plaidaient devant le juge ecclésias-tique et devaient prêter serment et jurer obéissance à l’église de Genève. C’était avant la Réforme. Il a fallu attendre le milieu du XVIIème siècle pour disposer d’une véritable réglementation de la profession d’avocat avec l’apparition de la matricule, c’est-à-dire l’inscrip-tion au tableau. Pour devenir avocat, il fallait alors trois années d’études sanctionnées par un examen public de deux séances de deux heures devant cinq avo-cats nommés par le Conseil portant sur les matières du droit en général et les édits de la Ville. Je ne suis pas certain que l’examen était plus facile à l’époque qu’aujourd’hui.

En 1727, l’Ordre a créé l’assistance juridique: deux avocats étaient chargés par leurs pairs de plaider d’of-fice, l’un pour les assistés, l’autre pour les prisonniers. Il y avait alors 51 avocats à Genève dont la plupart

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avaient effectué leurs études à Valence. Le corps des avocats était dirigé par un Conseil. Les assemblées étaient consacrées aux élections et il fut décidé «de ne pas se quitter sans résoudre de manger ensemble». En d’autres termes, mes chers Confrères, le banquet est né en 1727.

A la même époque, un fonds fut constitué pour venir en aide aux avocats indigents et à leur famille. C’est l’ancêtre de notre fonds de secours.

Le règlement du XVIIème siècle est resté en vigueur jusqu’à la Révolution.

Les idées françaises étant résolument hostiles aux corporations, la Constitution genevoise de 1794 sup-prima purement et simplement l’Ordre des avocats au profit de fonctionnaires élus par le peuple.

Puis, lors de l’annexion de Genève à la France en 1798, les avocats furent soumis à la loi française qui prévoyait que le défenseur n’était pas tenu de pré-senter la moindre garantie d’aptitude ni de passer un quelconque examen pour devenir avocat. Ce n’est que sous le Consulat en 1804 que fut rétabli l’accès à la profession aux seuls titulaires d’une licence.

C’est le lieu de noter que le serment que nous prêtons aujourd’hui est inspiré d’un décret impérial de 1810 resté en vigueur jusqu’à la Restauration. A l’époque les avocats juraient fidélité à l’empereur. Et chacun sait que l’empereur n’aimait pas beaucoup les avocats.

L’Ordre des avocats fut reconstitué en 1822 et son premier Bâtonnier, que l’on appelait à l’époque Président, fut François Bellot, l’illustre rédacteur de notre ancienne loi de procédure civile.

Lors de la révolution radicale de 1851, l’Ordre des avocats fut à nouveau dissous et tout citoyen âgé

de 25 ans au moins pouvait exercer la profession d’avocat sans la moindre exigence de connaissances juridiques. Les conséquences ayant été évidemment désastreuses, une loi sur la profession d’avocat fut adoptée en 1863 et le principe de l’examen juridique rétabli.

L’Ordre tel que nous le connaissons aujourd’hui a été créé en 1895. Il comptait alors 65 membres.

Un membre a déclaré lors de l’assemblée générale fondatrice: «Il ne s’agit pour le moment que d’une as-sociation entièrement libre, maîtresse d’elle-même et qui se fera justice elle-même. Y entrera qui voudra. Ils seront sûrs d’y trouver de l’aide et de la confraternité.»

Quatre tentatives d’ «officialiser» l’Ordre ont échoué en 1943, 1957, 1959 et 1995.

Contrairement à ce que dit la légende, le premier Bâ-tonnier catholique n’est pas le Bâtonnier Roger Cano-nica mais Me Célestin Martin en 1814 déjà, également député au Grand Conseil.

La première femme avocate admise au Barreau est Me Nelly Favre en 1901.

Lors de sa prestation de serment devant le Conseil d’Etat, le Président Henry Fazy prononça exception-nellement un petit discours de félicitations.

Son admission dans l’Ordre fut accueillie de façon plus glaciale et sans aucun commentaire.

En septembre 1904, le journal du peuple, un journal de gauche, s’indigna que le Président de l’Ordre se fît appeler Bâtonnier. On lui répondit que c’était là la terminologie française adéquate.

En 1910, le Conseil décida de fixer le banquet de l’Ordre le même jour que l’assemblée générale «espé-rant que cette innovation et que la gravité des délibéra-tions ne nuiraient pas à la gaîté et à l’entrain qui doivent régner lors de cette agape où se resserrent les liens d’amitié et d’estime réciproques qui nous unissent et doivent toujours plus nous unir». Le prix du dîner était de 10 francs, vins, cafés et pourboire compris.

En 1914 le Bâtonnier Raisin inaugura, avec le Pro-cureur général Navazza, la fresque de la justice qui orne un mur de la salle B4 du Palais. Cette très belle fresque a été offerte par l’Ordre des avocats au Palais de justice et à l’Etat de Genève. Rares sont ceux qui s’en rappellent. Le Procureur général avait pris la parole pour remercier le Bâtonnier et avait dit ses craintes que «le Palais, dans son austère vétusté, se trouve rajeuni au point d’être doté d’une fresque admi-rable avec la conséquence que sa limite de longévité se trouverait reculée et la réalisation de l’espérance de tous de voir ériger un nouveau Palais différée». Le palais était déjà vétuste il y a 100 ans et avocats et magistrats espéraient déjà à l’époque en voir ériger un nouveau.

En 1915, l’Ordre des avocats célébra ses 20 ans. Il comprenait 112 membres soit le barreau presque tout entier.

En 1916, le Conseil proposa la fermeture des études le samedi après-midi. La mesure ne fut pas bien ac-cueillie par le Palais de justice qui n’entendait pas sup-primer les audiences le week-end.

En 1928 le Bâtonnier Paul Lachenal eut à gérer quelques incidents un peu vifs entre magistrats et avocats. Ils furent attribués avant tout à l’entraînement des tempéraments individuels ou à l’atmosphère par-ticulière des audiences. Les avocats genevois avaient déjà la réputation d’être turbulents.

La même année, le Tribunal fédéral, lors d’une délibé-ration publique, reprocha avec vivacité aux avocats de Genève d’être les seuls en Suisse à ne pas se confor-mer strictement à certaines dispositions de la loi d’or-ganisation judiciaire. Les mémoires des avocats gene-vois étaient, paraît-il, un peu trop créatifs et originaux. Les avocats genevois prenaient déjà trop de libertés.

Le Bâtonnier s’en inquiéta et, «préoccupé de ne pas laisser briller au-delà des limites permises cette auréole d’indépendance qui flatte, reconnaissons-le, notre mentalité spéciale et de Genevois et d’avocats, et de ne pas laisser se créer une nouvelle légende à notre endroit», il demanda au Tribunal fédéral de bien vouloir faire connaître avec précision ses griefs.

On appelait auparavant «légendes à l’endroit de Genève» ce que l’on appelle aujourd’hui, avec moins d’élégance, des «Genferei».

Le Président du Tribunal fédéral s’en remit finalement pour l’application de la loi à la grande sagesse et au sens aigu de la mesure et des proportions du barreau genevois.

En 1931, l’assemblée générale rejeta pour la troisième fois et à une forte majorité une proposition de modifier les Statuts de l’Ordre en vue d’interdire aux avocats affiliés à l’Internationale communiste de faire partie de l’Ordre.

En 1950 l’Ordre des avocats comptait 198 membres dont 6 stagiaires.

En 1980, près de 400 membres et 70 stagiaires.

En 1995, lorsqu’il a fêté ses 100 ans sous le Bâtonnat de Pascal Maurer, l’Ordre comptait 850 membres, 131 avocats stagiaires et 16 avocats étrangers.

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Aujourd’hui, l’Ordre compte plus de 1’500 avocats, une section des avocats de barreaux étrangers qui comprend plus de 60 avocats représentant plus de 13 nationalités différentes et 23 barreaux et 7 Commis-sions très actives.

L’Ordre est incontestablement l’association profes-sionnelle de référence à Genève et nous pouvons tous être fiers d’en être membres et de célébrer cet anni-versaire.

Depuis sa création, l’Ordre des avocats a manifesté un intérêt majeur pour la défense des droits de l’Homme et pour la défense des droits de la défense.

L’Ordre des avocats s’est mobilisé dans le passé contre l’apartheid, sous le Bâtonnat Bonnant. Il a sou-tenu les avocats polonais sous le Bâtonnat Halpérin. Plus récemment il s’est mobilisé en faveur des avocats chinois, des avocats maliens sous l’impulsion de l’ex-cellente Commission des droits de l’Homme. Il s’est mobilisé aussi contre la peine de mort pour trafic de drogue et la répression de l’homosexualité en Afrique. Chaque fois qu’un avocat est empêché d’exercer sa profession avec dignité quelque part dans le monde, que sa vie est en péril, que sa liberté est entravée, l’Ordre des avocats se manifeste.

Aujourd’hui, aux côtés du Bâtonnier Favreau et du jury du Prix Trarieux, il le fait pour venir en aide à un confrère saoudien à qui on ne peut reprocher qu’une seule chose: avoir eu du courage. Celui de s’élever contre les emprisonnements sans charges; celui de se battre contre l’interdiction du vote des femmes.

Notre confrère, Me Walid Abu al-Khair, fondateur de l’Observatoire saoudien des droits de l’Homme, a défendu de nombreuses victimes de violation des droits de l’Homme. Il a été l’avocat de Raif Badawi, le célèbre blogueur saoudien condamné en juillet 2013 à

7 ans de prison et 600 coups de fouet.

Son courage et sa lutte pour les droits les plus élé-mentaires de tous lui ont valu d’être condamné le 6 juillet 2014 à 15 ans de prison pour désobéissance et rupture de l’allégeance au souverain et manque de respect envers les autorités.

Walid Abu al-Khair est détenu et ne peut pas être pré-sent parmi nous aujourd’hui.

Sa femme a été empêchée de quitter l’Arabie saoudite et n’a pas pu venir chercher le Prix remis à son mari.

C’est Me Dan Arschack, avocat aux Etats-Unis, proche de notre confrère saoudien qui recevra le Prix et adressera quelques mots de remerciements à l’as-semblée tout à l’heure.

Me Arschack, soyez le bienvenu à Genève. Vous êtes investi d’une très belle mission.

Je forme le vœu que l’écho médiatique qui sera donné à cette cérémonie permettra d’alléger les souffrances de notre confrère Walid Abu al-Khair.

C’est un privilège et un honneur pour l’Ordre des avo-cats que le Prix international des droits de l’Homme Ludovic-Trarieux qui célèbre lui, cette année, ses 30 ans d’existence, soit remis à Genève.

Monsieur le Bâtonnier Favreau, Mesdames et Mes-sieurs les membres du jury, remettre ce prix si prestigieux dans ce Palais de justice, dans la salle Dominique Poncet, est le plus beau cadeau que vous pouviez faire à l’Ordre des avocats pour ses 120 ans.

1. Séminaire du Conseil

Du 1er au 3 octobre 2015, à l’occasion de leur retraite bisannuelle, les membres du Conseil se sont pen-chés sur la modernisation de l’Ordre, le texte du ser-ment de l’avocat, le sponsoring de l’Ordre et FATCA.

Le prochain séminaire du Conseil se tiendra en mai 2016.

2. L’Avocat dans la Cité

Cet événement s’est déroulé du 26 au 31 octobre 2015.

Tous les jours de la semaine, quarante avocats se sont rendus dans des cycles d’orientation du canton pour prodiguer à des classes composées de jeunes de 13 ou 14 ans un enseignement visant à les sensi-biliser au rôle de la justice dans notre société.

Les 30 et 31 octobre 2015, des membres de l’Ordre ont prodigué des conseils juridiques au public. Ce sont près de 400 consultations qui ont ainsi été données d’une part sous la tente dressée pour l’oc-casion à la Place de la Madeleine et d’autre part à la Permanence de l’Ordre.

Cf. également article de Me Philippe Cottier, p.14

3. Conférence latine des Bâtonniers

Lors de la dernière rencontre de la Conférence la-tine des Bâtonniers le 13 novembre 2015, les dis-cussions entre les différents barreaux romands ont notamment porté sur:− le remplacement temporaire et la substitution en

cas de défense d’office et la rémunération de

l’avocat dans ces cas, – la permanence de l’avocat de la première heure

et l’attribution des mandats pour la défense d’of-fice dans le canton de Berne,

− un point de la situation de l’assistance judiciaire, − le projet de loi fédérale sur les avocats, − l’étendue des communications des autorités de

surveillance des avocats aux Conseils des Ordres s’agissant des affaires instruites respectivement jugées et les rapports entre ces derniers et la médiation judiciaire,

− la résolution des conflits d’intérêts par la direction de la procédure ou l’autorité de surveillance des avocats,

− l’autorité de modération en matière d’honoraires dans les différents cantons,

− les mesures d’économie et l’impact sur le fonc-tionnement de justice (suppression dans le can-ton de Genève des places de stagiaires à l’Etat),

− les listes d’avocats volontaires pour le Ministère public de la Confédération et l’utilisation du logi-ciel de désignation d’office,

− la perception des différents Ordres du site inter-net www.divorce.ch et des autres sites similaires,

− les possibilités d’une mutualisation des efforts des différents Ordres pour la formation des sta-giaires et des apprentis et

− l’existence ou non d’une cérémonie de remise des brevets dans les différents Ordres.

4. Conférence FSA des Bâtonniers

La dernière conférence des Bâtonniers s’est dérou-lée le 13 novembre 2015 à Berne.

A cette occasion, le Bâtonnier a eu l’occasion de présenter à l’ensemble des Bâtonniers suisses la convention De Officiis passée avec le Ministère pu-blic de la confédération en 2015.

COMMUNICATIONS DU BÂTONNIERMe Jean-Marc Carnicé

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5. Célébrations des 120 ans de l’Ordre et remise du Prix Ludovic-Trarieux 2015

Les 120 ans de l’Ordre des avocats ont été célé-brés du 24 au 27 novembre 2015. Les membres de l’Ordre ont ainsi pu participer à une conférence- débat sur la liberté d’expression le 24 novembre, à une Conférence Berryer exceptionnelle opposant anciens Bâtonniers et anciens Premiers Secré-taires le 25 novembre, à une conférence de Robert Badinter en hommage au Bâtonnier Michel Halpérin le 26 novembre et à la remise du Prix international des droits de l’Homme Ludovic-Trarieux 2015 à Me Walid Abu Al-Khair le 27 novembre.

Les festivités se sont achevées le 27 novembre dans une ambiance conviviale par un cocktail dînatoire au Pavillon Sicli.

Cf. également article de Me Isabelle Bühler Galladé, p.19

6. Partenariat avec la banque Pictet & Cie SA

Le 24 septembre 2015, l’Ordre a organisé dans les locaux de la banque Pictet & Cie SA une conférence animée par le Prof. Xavier Oberson et intitulée «Opti-misation fiscale et conseils juridiques: les risques pour l’avocat».

Le 9 décembre 2015, des représentants de l’Ordre ont rencontré des représentants de la banque et ont renouvelé le partenariat pour une année supplémen-taire.

7. Célébration des 20 ans de Juris Conseil Junior

Avec le soutien de l’Ordre des avocats, Juris Conseil Junior a commémoré ses 20 ans le 5 novembre 2015. L’évènement a consisté en une conférence en lien avec la parole de l’enfant en procédure pénale, suivie d’un apéritif et d’une comédie musicale sur le thème des droits de l’enfant.

8. Concours international d’éloquence du Prix Mario Stasi

Le 10 décembre 2015, l’Ordre des avocats a été re-présenté par Me Nicolas Gurtner lors de la finale de la première édition du prix d’éloquence annuel sous le haut patronage du regretté Bâtonnier Mario Stasi.

9. Cérémonie solennelle du brevet d’avocat

La dernière cérémonie solennelle du brevet d’avocat s’est déroulée le 21 décembre 2015, sous le parrai-nage de Me Jean-Marie Crettaz.

10. Concours de plaidoiries surréalistes du Bar-reau de Bruxelles

Le Conseil de l’Ordre félicite Me Andrea Höhn, re-présentant genevois, qui a remporté le 2e prix du Concours international de plaidoiries surréalistes qui s’est déroulé le 14 janvier 2016 à Bruxelles.

Cf. également texte de la plaidoirie de Me Andrea Höhn, p.47

11. Examen par les pairs de la mise en œuvre des normes internationales en matière de trans-parence et d’échange de renseignements à des fins fiscales

Le 20 janvier 2016, à la demande de la Confédé-ration, le Bâtonnier, accompagné de Me Alexander Troller et du Prof. Xavier Oberson, ont été audition-nés par des représentants de l’OCDE en lien avec le secret professionnel de l’avocat.

12. Prises de position sur des projets de lois

L’Ordre des avocats a eu récemment l’occasion de s’exprimer sur les projets de loi suivants:– Projet de loi PL 11577 modifiant la loi d’applica-

tion du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile (LaCC);

– Projet de loi fédérale sur l’amélioration de la pro-tection des victimes de violence;

– Projet de loi PL 11620 modifiant la loi d’applica-tion du code pénal suisse et d’autres lois fédé-rales en matière pénale (LaCP);

– Projet de modification de la loi sur l’assistance administrative en matière fiscale (LAAF);

– Projet de révision des ordonnances sur l’état civil (OEC) et sur les émoluments en matière d’état civil (OEEC);

– Projet de révision de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF).

L’Ordre a en outre été auditionné par la Commission du logement du Grand Conseil sur le projet de loi PL 11735 modifiant la loi sur la procédure administra-

tive (LPA) et par la Commission judiciaire du Grand Conseil sur le projet de loi PL 11733 modifiant la loi d’application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile (LaCC).

Les Commissions et les membres du Conseil sont vivement remerciés pour le travail qu’ils ont accompli à cet égard.

13. Participation à des événements organisés par les Barreaux suisses et étrangers

En novembre et décembre 2015, l’Ordre des avo-cats a assisté aux Rentrées des Barreaux de Paris, Lyon et Annecy. Il a en outre été représenté à la soi-rée annuelle de l’Ordre des avocats bernois et de l’Ordre des avocats jurassiens.

En janvier et février 2016, l’Ordre a été représenté aux Rentrées des Barreaux de Barcelone, Bruxelles, Milan et Tunis.

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N° 62 - mars 2016 15N° 62 - mars 2016 14

À l’initiative du Bâtonnier Jean-Marc Carnicé, 2015 a vu la réalisation de la première édition de l’Avocat dans la Cité. Cette importante manifestation a été rendue possible grâce à l’engagement constant du Conseil de l’Ordre et du Comité du Jeune Barreau. Belle preuve que les projets ambitieux et désinté-ressés peuvent être intergénérationnels. Rassurant pour l’avenir de notre Ordre.

Cette manifestation s’est déroulée du lundi 26 au sa-medi 31 octobre 2015. Elle était composée de deux volets bien distincts mais d’égale importance.

Le premier a vu 40 avocats et avocates, membres de l’Ordre, se rendre individuellement ou par deux dans une classe de 9e de 20 Cycles d’orientation du canton, à la rencontre des élèves afin de les sen-sibiliser au rôle de la Justice dans notre société. Pendant deux heures, sur la base d’un cas pra-tique, élaboré en collaboration avec le Département de l’instruction publique, les élèves ont pu interagir avec les professeur(e)s d’un jour et échanger sur leur conception de la Justice. Les interventions com-mençaient par une explication didactique du cas pratique et se poursuivaient par la résolution dudit cas, chaque élève jouant l’un des rôles des différents intervenants du procès pénal.

Ce volet pédagogique a rencontré un tel succès, tant auprès des élèves qu’auprès des directrices et direc-teurs des Cycles d’orientation, que la Département de l’instruction publique nous a déjà sollicité pour 2016, en souhaitant cette fois que des membres de l’Ordre interviennent dans toutes les classes de 9e du canton, soit 200 au total. Avis aux amatrices et amateurs!

Ce premier volet aurait été impossible à organiser sans le dévouement sans faille de plusieurs collabo-ratrices et collaborateurs du Département. Qu’elles,

qu’ils soient ici vivement et chaleureusement remercié(e)s.

Un grand merci également aux membres de l’Ordre qui ont accepté de relever ce défi et n’ont pas hésité à consacrer une partie de leur temps libre à la prépa-ration et à la résolution du cas pratique soumis à la sagacité des élèves.

Le second volet s’est déroulé dans la Cité les vendredi 30 et samedi 31 octobre. Des consultations gratuites ont été dispensées sous une tente installée sur la Place de la Madeleine et à la Permanence de l’Ordre. Pendant ces deux jours, plus de 370 consultations ont pu ainsi être offertes aux citoyennes et citoyens du canton par 80 avocates et avocats, notamment dans les domaines du droit de la famille, du bail, du travail, des assurances sociales et du droit pénal.

La très grande majorité des consultant(e)s étaient issu(e)s du Jeune Barreau dont le Comité n’a pas ménagé ses efforts pour que cet évènement soit un succès. Qu’il soit également vivement remercié.

Le Conseil veillera à ce que l’Avocat dans la Cité soit pérenne et prend déjà date pour l’édition 2016.

Un évènement d’une telle ampleur n’aurait pas pu être mis sur pieds sans la générosité de la Fédéra-tion Suisse des Avocats, des Bâtonniers Jean-Marc Carnicé, Luc Argand, Marc Bonnant, François Canonica, Benoît Chappuis et Vincent Spira, du Vice-Bâtonnier Grégoire Mangeat, de Mes Robert Assaël, Isabelle Bühler Galladé, Philippe Cottier et Lionel Halpérin et des études BCCC Avocats Sàrl, Lalive, Lenz & Staehelin et Python & Peter.

Un très grand merci pour leur soutien.

Que vive l’Avocat dans la Cité!

2015, PREMIÈRE ÉDITION DE «L’AVOCAT DANS LA CITÉ» (26 AU 31 OCTOBRE 2015)Me Philippe Cottier, membre du Conseil de l’Ordre

LES 120 ANS DE L’ORDRE DES AVOCATS (24 AU 27 NOVEMBRE 2015)Me Isabelle Bühler Galladé, membre du Conseil de l’Ordre

En juin 2015, à l’occasion de la délibération du Prix international des droits de l’Homme Ludovic-Trarieux à Amsterdam, l’Ordre des avocats a eu l’honneur d’être choisi pour organiser la cérémonie de remise du Prix 2015 à notre Confrère Walid Abu Al-Khair.

Le Bâtonnier a souhaité donner à cet événement important, parce qu’il s’agit de récompenser un avo-cat qui souffre dans l’exercice de sa profession, le prestige qu’il méritait.

De cette prémisse est née l’idée d’offrir aux membres de l’Ordre, à ses invités et au public des moments de rencontres et d’échanges autour de valeurs de notre Ordre.

L’occasion d’un anniversaire, les 120 ans de l’Ordre, était un bien joli prétexte.

Au cours de cette semaine de novembre, nous avons ainsi pu assister à un débat de très haute qua-lité sur les libertés d’expression et de croyance. Me Emmanuel Pierrat, Mme Leili Anvar et le Professeur Giorgio Malinverni ont débattu, parfois vivement mais sans jamais polémiquer, de ces libertés fonda-mentales aujourd’hui en danger.

Est arrivé ensuite le temps de l’affrontement de générations qui pourtant se ressemblent lorsqu’il s’agit de plaider et trouver les bons mots. Une salle Dominique Poncet comble pour une Conférence Berryer exceptionnelle organisée par la Jeune Barre opposant d’anciens Bâtonniers à d’anciens Premiers Secrétaires. Des rires, des piques, des critiques et beaucoup d’affection.

Le lendemain, Me Robert Badinter nous a fait l’hon-neur de sa présence pour rendre un hommage mé-rité au Bâtonnier Michel Halpérin en présence des autorités politiques du canton. Soirée de souvenirs

et d’émotion. Moment passionnant et inoubliable lorsque Me Badinter nous a conté l’affaire Calas.

Au cours de la cérémonie solennelle du 27 no-vembre, en présence, notamment, du Procureur gé-néral, de magistrats et d’avocats, d’ici et d’ailleurs, le Bâtonnier a raconté l’histoire de l’Ordre et nous a rappelé son attachement aux droits de l’Homme depuis 120 ans.

Cette cérémonie a été emprunte d’une très grande émotion lorsqu’aux côtés des représentants des membres du jury du Prix Ludovic-Trarieux, le Bâton-nier a remis le Prix 2015 à Me Dan Arschack venu représenter Me Walid Abu Al-Khair, actuellement dé-tenu en Arabie saoudite, condamné à 15 ans d’em-prisonnement pour désobéissance et rupture d’allé-geance au souverain et manque de respect envers les autorités, parce qu’il a eu le courage de lutter pour les droits les plus élémentaires, notamment le vote des femmes et le droit à une justice équitable et impartiale.

Puis nous avons ri des mots de Me Nicolas Gurtner qui nous a offert une défense vive et efficace du Bâ-tonnier Carnicé, critiqué – selon le thème soumis – pour avoir organisé les festivités des 120 ans de l’Ordre des avocats.

Pour clore ces événements, nous avons tous été conviés au Pavillon Sicli pour une soirée festive et chaleureuse.

Mais au-delà de ces rencontres, des rires et de l’émotion partagés, les 120 ans de l’Ordre des avocats ont surtout été l’occasion de rappeler les valeurs qui doivent nous guider: liberté, courage, loyauté, indépendance et humanité.

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N° 62 - mars 2016 17N° 62 - mars 2016 16

L’article 27 de la loi genevoise sur la profession d’avocat s’épanche sur les obligations qui nous contraignent à l’instant d’embrasser la profession.

Il le fait en ces termes:

«Je jure ou je promets solennellement d’exercer ma profession dans le respect des lois avec honneur, dignité, conscience, indépendance et humanité; de ne jamais m’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités; de n’employer sciemment, pour soutenir les causes qui me seront confiées, aucun moyen contraire à la vérité, de ne pas chercher à tromper les juges par aucun artifice, ni par aucune exposition fausse des faits ou de la loi; de m’abste-nir de toute personnalité offensante et de n’avancer aucun fait contre l’honneur et la réputation des par-ties, s’il n’est indispensable à la cause dont je serai chargé; de n’inciter personne, par passion ou par intérêt, à entreprendre ou à poursuivre un procès; de défendre fidèlement et sans compromission les intérêts qui me seront confiés; de ne point rebuter, par des considérations qui me soient personnelles, la cause du faible, de l’étranger et de l’opprimé.»

Unanimement, le Conseil de l’Ordre a considéré que le serment actuel, ici par allégeance à l’autorité, là par redondance, méritait d’être retouché, de façon à ce que soient gravées dans le marbre, elles seules, les valeurs qui font l’avocat et en lesquelles chacun d’entre nous, dans l’universalité de la profession, puisse se reconnaitre.

Ces valeurs sont l’honneur, la dignité, la conscience, l’indépendance, la probité, le courage, la liberté et l’humanité.

Sans elles, oserais-je ajouter sans toutes celles-ci, l’avocat n’est rien et avec elles, le solde du serment actuel devient redondant, voire désuet.

Pour ne citer que cet exemple, si l’avocat conseille ou plaide avec «honneur et dignité», à quoi bon le soumettre à l’obligation de ne pas s’écarter du res-pect dû aux tribunaux et aux autorités.

Son honneur et sa dignité y suffisent de façon si diri-mante que le reste de la formule actuelle devient un acte d’obédience à l’égard de l’autorité qui ne paraît ni nécessaire, ni opportun.

Pareillement, la référence à la «conscience» et à la «probité» suffisent à rappeler que l’avocat agit dans le respect des lois, sans qu’il soit nécessaire de mettre cet avocat en état d’allégeance comme ce fut le cas si longtemps, que ce soit à l’égard de la religion ou du politique.

Encore, l’évocation de «l’humanité» nécessaire dis-pense que soit consignée dans un serment d’avocat l’obligation de ne point refuser la cause du faible, de l’étranger ou de l’opprimé.

Ainsi, le Conseil de l’Ordre a débuté ses travaux, ins-pirés d’ailleurs de ce qui fut excellemment fait, avant nous dans le Canton de Vaud et plus tôt en France, sous l’égide de Monsieur Robert Badinter.

À l’issue de ses travaux, le Conseil souhaite qu’un nouveau serment soit inséré dans la loi, dont les contours seraient constitués d’une formule brève, rappelant les qualités et obligations de l’avocat, ce sans référence à une allégeance à l’autorité.

Et ceci sans bravade, mais par respect de notre vo-cation fondamentale.

L’ébauche de ce serment devrait avoir les contours suivants:

LE SERMENT DE L’AVOCAT: REDONDANCE ET DÉSUÉTUDE?Me François Canonica, ancien Bâtonnier

«Je jure ou je promets solennellement d’exer-cer la profession d’avocat avec honneur, dignité, conscience, indépendance, probité, courage, liberté et humanité».

Ainsi, comme l’a voulu la loi Badinter de 1990, le serment ne serait plus le serment d’un auxiliaire de justice mais celui d’un chevalier du droit et de la jus-tice doté de l’obligation de respecter les valeurs car-dinales en lesquelles il se reconnaît.

Un avocat qui conseille ou plaide avec honneur, di-gnité, conscience, indépendance, probité, courage, liberté et humanité doit pouvoir être dispensé de faire allégeance à la loi ou à l’autorité.

Le Conseil de l’Ordre est parfaitement conscient qu’il lui faudra, avant de déposer un projet de loi, ouvrir une large consultation, soumettre le texte à venir aux membres de l’Ordre, en référer au Procureur géné-ral, ainsi qu’aux autorités politiques, afin de tenter d’obtenir sur ce sujet délicat un large consensus.

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N° 62 - mars 2016 19N° 62 - mars 2016 18

Le 14 novembre 2015, le Marathon du droit a fêté sa première décennie, en présence du Procureur général de la Confédération, M. Michael Lauber.

Dix ans déjà, et vingt éditions, que plusieurs centaines de marathoniens juridiques se présentent, le samedi matin, sur la ligne de départ du marathon de printemps (droit privé) et d’automne (droit public, droit pénal et procédures) pour écouter vingt orateurs sprinteurs leur présenter les dernières nouveautés dans leur domaine juridique respectif. En créant ce nouveau concept de formation en 2005, l’Ordre des avocats de Genève a jeté les bases d’une nouvelle approche de la forma-tion continue des avocats, qui s’est immédiatement avérée indispensable dans un environnement juridique soumis à des changements toujours plus rapides.

La Commission de formation permanente a célébré la 20e édition du Marathon du droit de deux manières.

En premier lieu, la Commission de formation per-manente a proposé aux orateurs d’écrire une brève contribution dans leur domaine de prédilection en choisissant l’une des approches suivantes:

− la photo: un fait juridique marquant des dix der-nières années;

− le film: une évolution juridique intervenue au cours des dix dernières années;

− la rupture: un changement législatif ou de pratique intervenu au cours des dix dernières années; ou

− l’anticipation: une vision prospective sur l’évolu-tion d’un domaine juridique au cours des dix pro-chaines années.

Du droit de la personnalité à la procédure administra-tive, du droit de la protection des données aux contrats bancaires, de l’aménagement du territoire au droit du

travail, plus de 50 orateurs – magistrats, professeurs et avocats – ont répondu à l’appel et ont fait revivre l’esprit du «Marathon du droit» dans un livre de plus de 480 pages. Cet ouvrage, qui a été offert à toutes les personnes qui ont participé aux Marathons du droit du 25 avril et du 14 novembre 2015, peut également être acquis à l’aide d’un bon de commande disponible sur le site Internet de l’Ordre des avocats1.

Le deuxième highlight de cette 20e édition du Mara-thon du droit a été la présence du Procureur général de la Confédération, M. Michael Lauber. Son allocu-tion, qui a notamment porté sur le délicat équilibre entre les libertés fondamentales et la nécessité d’as-surer la sécurité publique, avait une portée toute parti-culière, vu qu’elle est intervenue quelques heures seu-lement après les attentats qui ont endeuillé Paris pour la seconde fois en un an. Le Procureur général de la Confédération a également évoqué la Convention «De Officiis»2, conclue entre l’Ordre des avocats de Ge-nève et le Ministère public de la Confédération et pré-voyant des obligations de comportement réciproques en matière notamment de respect et de courtoisie.

La Commission de formation permanente a été très heureuse d’accueillir 375 participants (un record dans l’histoire du Marathon) à l’occasion de cette matinée de droit et de fête. En 2016, la Commission de forma-tion permanente poursuivra l’objectif qu’elle s’est fixé depuis 2005, à savoir offrir des formations de qualité, adaptées aux exigences de la pratique, calquées sur l’actualité et conciliables avec une activité profession-nelle prenante. Ainsi, une série d’ateliers visant à offrir aux avocats une formation théorique et pratique accé-lérée leur permettant d’acquérir et d’améliorer certains aspects de leurs capacités humaines et relationnelles (ateliers «Soft Skills») sera notamment annoncée très prochainement.

LE MARATHON DU DROIT SOUFFLE SES DIX PREMIÈRES BOUGIESPour la Commission de formation permanente, Me Philipp Fischer

La Commission des droits de l’enfant de l’Ordre des avocats a été interpellée par nos Confrères pratiquant dans le domaine de la représentation et de la défense des droits de l’enfant devant le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (TPAE), section des mineurs.

C’est en lien avec le manque de magistrats et ses conséquences pratiques amplifiées par les restric-tions budgétaires annoncées, visant notamment les ressources en personnel (greffiers, juristes, stagiaires, appel aux juges suppléants), lesquelles auront assuré-ment un impact négatif sur le fonctionnement de cette juridiction et la célérité du traitement des dossiers. Ceci alors même que la population visée, et qui doit être protégée, n’a pas cessé de croître ces dernières années.

Ces restrictions budgétaires péjoreront également les organismes s’occupant d’enfants, notamment le Ser-vice de protection des mineurs et les foyers.

Le nombre de situations signalées et les compétences élargies du TPAE, en particulier à la suite des modifi-cations législatives intervenues récemment – notam-ment les nouvelles dispositions sur l’autorité parentale conjointe entrées en vigueur en juillet 2014 – doivent être considérés.

La section des mineurs du TPAE est en charge des situations des enfants de 0 à 18 ans, auxquelles s’ajoutent les signalements relatifs à la délinquance juvénile avant l’âge de 10 ans.

Ainsi, les domaines de leurs interventions sont aussi vastes que sensibles:

- la filiation;- les mesures de protection (art. 307ss CCS);- pour les parents non mariés, organisation du droit

de visite/autorité parentale conjointe;

- pour les parents mariés, les situations avant le dépôt de requêtes devant le juge matrimonial et les démarches post-divorce;

- la représentation d’enfants dans le cas de suc-cessions/donations;

- la ratification des clauses péril prises par le Ser-vice de protection des mineurs;

- la mise en place de différents types de curatelles, notamment au pénal;

- les réponses à apporter aux divers signalements visant des enfants de 0 à 18 ans;

- la gestion des situations de mineurs migrants.

Or, la section en charge des mineurs du TPAE n’est composée que de trois magistrats. Leurs compé-tences ne sont ici assurément pas remises en ques-tion, bien au contraire. Mais la réalité est que cette juridiction est manifestement sous dotée en effectifs compte tenu du nombre de dossiers attribués: du 1er

janvier au 31 octobre 2015, 3’590 affaires ont été trai-tées, soit environ 1’200 dossiers par Juge.

Il ressort des statistiques, pour les années 2013-2014, une augmentation notable des situations visant les en-fants de 0 à 4 ans et une augmentation significative de suivis d’enfants victimes de violences domestiques et il y a tout lieu de craindre, dans un contexte social ten-du, que cette augmentation ne ralentira pas au cours des prochaines années.

La situation est ainsi particulièrement alarmante et se traduit par le constat au quotidien d’une attente accrue, et parfois extrêmement problématique pour la protection des enfants, avant de recevoir des convo-cations et des décisions.

La situation ne peut perdurer. Il en va de la sécurité publique mais surtout de l’intérêt et de la protection des enfants.

1 https://www.odage.ch/formation-permanente/actualites/regards-de-marathoniens-sur-le-droit-suisse.2 https://www.odage.ch/medias/documents/Actualit%C3%A9s/De%20Officiis%20%20-%20Convention%20sign%C3%A9e%20entre%20le%20

MPC%20et%20l’OdA%20-%2001.09.2015.pdf.

RESTRICTIONS BUDGÉTAIRES: LES ENFANTS EN DANGERPour la Commission des droits de l’enfant, Me Isabelle Bühler Galladé

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N° 62 - mars 2016 21N° 62 - mars 2016 20

C’est ainsi qu’à la demande de la Commission des droits de l’enfant, le Bâtonnier Jean-Marc Carnicé a interpellé le Président de la Commission de gestion, duquel des solutions concrètes sont attendues. Copie de cette lettre a été également adressée au Conseiller d’Etat Pierre Maudet et au Président du TPAE Thierry Wuarin.

La Commission des droits de l’enfant, soutenue par le Bâtonnier Jean-Marc Carnicé et tous les membres du Conseil de l’Ordre, suivra l’évolution de la situation, mais il appartient à chacun de demeurer mobilisé, en particulier ceux d’entre nous qui pratiquent devant cette juridiction.

Le 25 septembre 2015, le Parlement a approuvé le Projet de modification de la loi sur l’asile (ci-après: «P-LAsi») dont le délai référendaire est arrivé à échéance le 14 janvier 2016. Le Projet propose une refonte de la Loi sur l’asile1 ayant pour but d’accé-lérer la procédure d’asile, soit l’examen d’une de-mande de reconnaissance du statut de réfugié. Pour ce faire, le Projet implique notamment une centra-lisation des procédures d’asile au sein des centres d’enregistrement fédéraux, ainsi que la représenta-tion juridique des requérants d’asile lors des étapes déterminantes de leur procédure.

Cette contribution examine les principales caracté-ristiques de la représentation des requérants d’asile et de la rémunération de l’avocat dans le cadre de la nouvelle procédure d’asile.

I. Gestion de la représentation juridique par un prestataire privé

A teneur de l’article 102f P-LAsi, les conseils prodi-gués et la représentation juridique dans les centres de la Confédération seront gérés, dans chaque centre, par un prestataire, entité privée dont la dési-gnation fera l’objet, pour chaque centre, d’un appel d’offres de la Confédération.

Lors de la phase test effectuée à Zurich, ce man-dat a été attribué à l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (ci-après: «OSAR») pour ce qui concerne le centre de la Confédération à Zurich.

L’article 102i P-LAsi énonce les tâches du presta-taire, notamment l’organisation des conseils aux re-

quérants et la désignation des représentants légaux, ce qui a pour but d’assurer la qualité, l’objectivité et l’indépendance des conseils et de la représen-tation2. On peut relever que la proximité apparente du prestataire et des représentants juridiques qu’il mandatera avec les membres du Secrétariat d’Etat aux migrations (ci-après: «SEM»), soit l’autorité déci-sionnelle, peut être de nature à péjorer le rapport de confiance entre le mandant et le mandataire.

De manière générale, le prestataire semble bénéfi-cier d’une importante marge de manœuvre. Les avo-cats désirant défendre les requérants d’asile devront s’adresser au prestataire, celui-ci étant chargé de désigner les mandataires des requérants.

II. Conseils

L’article 102g P-LAsi prévoit le droit des requérants d’asile à être conseillés au sujet de leur procédure d’asile durant leur séjour dans les centres de la Confédération.

Ce conseil constitue une information à laquelle les requérants d’asile ont droit. L’amalgame ne doit donc pas être fait avec un Conseil, synonyme de défenseur.

Les informations dispensées dans le cadre du conseil concernent notamment les droits et obligations du requérant durant la procédure. Cette disposition ne devrait pas dispenser l’autorité de son obligation de notifier formellement au requérant d’asile ses droits et obligations.

QUESTIONS CHOISIES CONCERNANT LA REPRÉSENTATION JURIDIQUE DES REQUÉRANTS D’ASILE DANS LE CADRE DE LA REFONTE DE LA LOI SUR L’ASILEPour la Commission des droits de l’Homme, Mes Léonard Micheli, Arnaud Moutinot, Roxane Sheybani et Brice van Erps

1 LAsi, RS 142.31.2 DFJP, Rapport explicatif, Projet de modification de la loi sur l’asile, Restructuration du domaine de l’asile, juin 2013, ad art. 102i, p. 46. Le Projet de modification ainsi que le Rapport explicatifs sont disponibles sur le lien suivant: https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/aktuell/gesetzgebung/aend_asylg_neustruktur.html.

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N° 62 - mars 2016 23N° 62 - mars 2016 22

Le Projet reste muet quant aux compétences re-quises des personnes habilitées à fournir le conseil. Elle se limite à mentionner que seront habilitées à le faire les personnes qui «à titre professionnel conseillent des requérants». A teneur du Rapport explicatif, cette formulation permet aux «personnes qui jouissent d’une certaine expérience profession-nelle dans le domaine de l’asile, sans pour autant être titulaire d’un diplôme universitaire en droit»3 d’assu-mer le rôle de conseiller, comme c’est le cas actuel-lement. Il incombera ainsi au prestataire, qui doit veiller à la qualité du conseil et de la représentation juridique de fixer des critères de qualité et de veiller à la bonne formation des conseillers. Conditionner, dans la loi, le conseil et la représentation juridique à un critère d’expérience plus qu’au seul critère pro-fessionnel aurait paru plus opportun. Telle qu’elle est, la formulation du Projet de loi paraît exclure, avec la notion de «professionnel», les bénévoles qualifiés.

III. Représentation juridique dans les centres de la Confédération

L’article 102h P-LAsi traite de la représentation juridique à proprement parler. La représentation juridique automatique des requérants d’asile est bienvenue car elle pallie une lacune actuelle affec-tant leurs droits procéduraux, les requérants d’asile n’étant actuellement pas représentés automati-quement. Comme nous le verrons, il est toutefois à regretter que cette défense ne se poursuive pas après l’attribution du requérant d’asile à un canton. Quant à la cohabitation du conseil et du représen-tant avec l’autorité, celle-ci risque d’induire en erreur les requérants d’asile et de mettre à mal le lien de confiance nécessaire à une défense efficace.

Sans créer de monopole de l’avocat, les qualités requises pour être habilité comme représentant sont plus restrictives en ce qu’elles n’ouvrent ce mandat qu’au titulaire d’un diplôme en droit qui, à titre pro-fessionnel, conseille et représente des requérants et qu’à l’avocat. Il appartiendra aux avocats intéressés de se manifester auprès des prestataires en vue d’être désignés par lui.

A. Début de la représentation

L’attribution prévue par le Projet d’un représentant juridique «en vue du premier entretien préparatoire et dans la suite de la procédure d’asile» doit être saluée car elle signifie que l’assistance juridique est appelée à intervenir dès le début de la procédure.

Les termes «en vue de» semblent impliquer que le re-présentant juridique ne devrait pas être désigné à la dernière minute (contrairement aux avocats interve-nant dans le cadre des détentions administratives), mais qu’il devrait au contraire bénéficier du temps nécessaire à la préparation du cas avec le requérant.

Il convient de préciser qu’aucune détention adminis-trative n’intervient à ce stade et que, dès lors, les impératifs de célérité de traitement de la procédure d’asile qui gouvernent le Projet de loi ne sauraient justifier un temps de préparation insuffisant pour le représentant et son client. Le risque demeure néan-moins, à l’instar de ce qui peut être observé dans les procédures en mesures de contraintes devant le Tribunal administratif de première instance.

L’article 102h al. 1 P-LAsi mériterait dès lors d’être clarifié sur ce point, le temps nécessaire à la prépara-tion de la défense ayant fait l’objet d’une abondante

jurisprudence4 ne demandant qu’à être codifiée.

B. Choix du représentant juridique

S’agissant ensuite du choix du représentant juridique, le Projet prévoit, à l’instar des aides juridictionnelles classiques, la possibilité, pour le requérant, de re-noncer aux offices du représentant désigné au profit d’un Conseil choisi (et rémunéré) par lui. Cet élément ne soulève pas de problèmes particuliers, problèmes qui pourraient en revanche survenir s’agissant de la possibilité de changer de mandataire.

Le Projet de loi est muet sur ce point, le Rapport explicatif précisant au sujet de cette disposition que le requérant pourrait le faire pour de justes motifs, citant en exemple les persécutions liées au sexe, qui devraient permettre au requérant de se voir attribuer un représentant du même sexe que lui5.

Pour le surplus, le mécanisme de changement de mandataire n’est absolument pas explicité dans le Projet de loi qui ne comporte aucune précision sur l’autorité compétente, les voies de recours ou autres.

C. Renonciation à l’assistance juridique

Selon l’article 102h al. 1 P-LAsi, un requérant d’asile peut renoncer aux services d’un Conseil juridique gratuit. Cette disposition est potentiellement dan-gereuse dans la mesure où le requérant pourrait se voir encouragé à le faire. Il serait opportun que ce choix n’intervienne qu’après le premier entretien. En d’autres termes, l’attribution d’un représentant juri-

dique serait automatique et ce n’est qu’a posteriori que le requérant serait en droit d’y renoncer.

D. Durée de l’assistance juridique

Pour les cas Dublin6 et les procédures accélérées, le Projet prévoit que l’assistance juridique soit octroyée jusqu’à l’entrée en force de la décision (article 102h al. 2 P-LAsi).

En apparence logique, cette disposition pose néan-moins la question des voies de recours dans les cas Dublin, voies de recours pour lesquelles l’assistance judiciaire est régie par l’article 54 al. 2 de la Loi fédé-rale sur la procédure administrative (ci-après: «PA»), applicable par renvoi de l’article 102m al. 2 P-LAsi. Cette disposition crée une disparité entre les cas Dublin et les autres dont il sera traité dans le cadre de l’analyse de l’article 102m P-LAsi.

S’agissant des procédures étendues, l’assistance ju-ridique perdure jusqu’à ce qu’il soit décidé de suivre une telle procédure, décision prise à l’issue de la première audition du requérant7 et qui implique que l’assistance juridique soit ensuite prise en charge par les cantons en application des articles 102l et 102m P-LAsi.

Cette disposition pose également le problème des suites de la décision négative. En effet, dans le cas où la décision serait suivie d’une détention adminis-trative fondée sur la Loi sur les étrangers8, il paraît cohérent que le mandataire originellement en charge de la procédure d’asile se charge de la défense du

3 DFJP, Rapport explicatif, Projet de modification de la loi sur l’asile, Restructuration du domaine de l’asile, juin 2013, ad art. 102i, p. 46

4 Parmi de très nombreux autres: affaire CrEDH, Penev c. Bulgarie, Arrêt du 7 janvier 2010, Req. No 20494/04, par. 44.5 DFJP, Rapport explicatif, Projet de modification de la loi sur l’asile, Restructuration du domaine de l’asile, juin 2013, ad art. 102h, p. 45. 6 Les causes auxquelles s’applique le Règlement n°604-2013 du 26 juin 2013 (dit «Dublin III»), soit notamment celles relatives à des requérants d’asile

ayant traversé un Etat de l’espace Schengen, sont communément appelées «cas Dublin».7 DFJP, Rapport explicatif, Projet de modification de la loi sur l’asile, Restructuration du domaine de l’asile, juin 2013, ad art. 102h, p. 45. 8 LEtr, RS 142.20.

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requérant devant les autorités compétentes, sauf à obliger un nouveau mandataire à reprendre le dos-sier ab ovo, sous les fortes contraintes de temps propres à ce type de procédure.

E. Indemnisation du représentant

L’article 102k al. 1 P-LAsi énonce de manière non-exhaustive les tâches pour lesquelles le représentant est indemnisé. Chacune de ces tâches est indemni-sée forfaitairement.

Le montant et les conditions d’octroi de l’indemnité seront fixés par le Conseil fédéral (al. 3). Cette ques-tion est largement soustraite au débat démocratique et on peut s’interroger sur la portée d’une indemnité qui, selon la loi, devra être basée sur des «solutions financièrement avantageuses».

De manière générale, l’indemnisation du représen-tant présente les mêmes écueils que l’ensemble du système de représentation des requérants d’asile. En effet, l’Etat verse l’indemnité au prestataire et non au représentant du requérant. Outre les inutiles com-plications qu’engendre un tel procédé, celui-ci prive le représentant ainsi que le requérant de leur qualité pour agir en cas de refus d’indemnisation.

Le Projet ne précise d’ailleurs pas à qui il incombera de décider de l’octroi ou du refus d’indemnisation. Si cette compétence devait appartenir au presta-taire, on notera qu’un tel système accorderait à un organisme indéfini et possiblement privé un pouvoir décisionnel ayant des conséquences directes sur l’accès à la justice. Ici encore, les qualités requises

du prestataire et ses attributions futures sont bien trop incertaines pour prévenir tout risque d’arbitraire. Il s’ensuit que le Projet ne précise pas l’autorité, res-pectivement l’entité, compétente pour décider de l’octroi ou de refus d’indemnisation et ne propose aucune voie de droit pour contester un éventuel refus.

F. Représentation juridique dans le cadre de la procédure de recours

1. Limitation de la représentation aux cas qui ne sont pas d’emblée voués à l’échec

Le Message du Conseil fédéral précise qu’il «convien-dra […] de veiller à limiter la représentation juridique dans des procédures de recours aux cas qui ne sont pas d’emblée voués à l’échec, une éventualité qui devrait, par exemple, concerner de nombreux cas Dublin»9. Cette limitation de la représentation juri-dique appelle deux remarques.

Premièrement, si la notion de «voué à l’échec» est d’ores et déjà usitée à l’envi, elle n’en reste pas moins regrettable. La limite fluctuante qui sépare les cas réellement voués à l’échec de ceux qui consti-tuent le fer de lance de l’évolution jurisprudentielle in-vite à la circonspection. Interdire les seconds revient à scléroser la jurisprudence dans une interprétation du droit limitée à l’évidence. Pareil frein à la défense se méprend, au surplus, sur la capacité du défen-seur d’estimer lui-même la pertinence d’un recours.

Deuxièmement, qu’une telle limite concerne de

nombreux cas Dublin ne saurait être saluée. Le Traité de Dublin10 établit les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile. Ce texte n’a ni la vocation ni la prétention d’établir plus qu’une procé-dure interétatique de répartition des compétences. La Cour européenne des droits de l’Homme a, déjà par deux fois, dû brider son application en raison de violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme dans les pays de destination. Limiter les recours des cas Dublin signifie augmenter consciemment le risque de telles violations.

2. Renonciation au recours

Selon l’article 102h al. 2 P-LAsi, «le représentant légal informe le requérant d’asile au plus tôt s’il n’entend pas interjeter recours». Il appartient donc au représentant légal et non au requérant d’asile de renoncer au recours. Cette disposition s’annonce en contradiction flagrante avec les règles du mandat qui impliquent que le mandant instruise le mandataire qui s’exécute au mieux de ses compétences11.

Il est clair que ce même mandataire aura l’obligation d’avertir son mandant d’un recours voué à l’échec et l’on peut imaginer que l’insistance du mandant à interjeter recours dans ce cas pourrait, suivant les circonstances, constituer un juste motif de résiliation du mandat.

Autoriser en revanche le mandataire à prendre seul la décision de renoncer au recours avec comme unique garde-fou de l’inviter à le faire au plus tôt n’est pas seulement redondant avec l’interdiction de résilia-tion du mandat en temps inopportun12, mais surtout

dangereux en ce qu’il institutionnalise une défense timide. Ce d’autant que sa surveillance paraît tota-lement illusoire dans la mesure où l’on ne voit guère de quelle manière la décision du représentant légal de renoncer à recourir serait sujette à contrôle. A ce titre, il doit être noté que la loi est à nouveau muette sur les motifs qui autoriseraient une telle renonciation et n’est pas plus loquace s’agissant des voies de droit.

IV. Représentation juridique après l’attribution à un canton

L’article 102l P-LAsi régit la représentation juridique après l’attribution du requérant d’asile à un canton. Cette disposition est extrêmement succincte et attri-bue au Conseil fédéral la compétence de préciser les nombreuses notions juridiques indéterminées qu’elle contient. Dès lors, la critique de cette norme se bor-nera au peu qu’elle révèle.

En vertu de l’article 102l P-LAsi, le Conseil fédéral devra énoncer quelles étapes de la procédure de première instance sont déterminantes pour la déci-sion. Seules ces étapes seront indemnisées.

On peine à concevoir quels actes entrepris par un représentant juridique ne sont pas déterminants. Cette disposition le postule néanmoins. Pareil tutorat imposé au défenseur est d’autant moins louable qu’il limite l’accès à la justice. S’il paraît normal d’exclure de l’assistance juridique certaines démarches, tel que l’accompagnement social, ne justifiant pas le concours d’un représentant juridique, il ne saurait être fait usage de cette limitation pour brider le man-

10 Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

11 Art. 394 à 401 CO.12 Art. 404 al. 2 CO.

9 DDFJP, Rapport explicatif, Projet de modification de la loi sur l’asile, Restructuration du domaine de l’asile, juin 2013, ad art. 102k, p. 47; message concernant la modification de la loi sur l’asile, 3 septembre 2014, ad art. 102m, p. 7875.

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dataire dans son activité.

Compte tenu de la diversité et de la singularité des causes, le défenseur doit bénéficier d’une marge de manœuvre complète afin d’assurer son mandat. Les moyens de droit ne sauraient connaître d’autres limites que celles consacrées par la procédure admi-nistrative.

A. Cas d’octroi automatique à l’assistance judiciaire

L’article 102m al. 1 P-LAsi liste de manière stricte-ment exhaustive les cas dans lesquels l’assistance judiciaire est automatique pour autant que le requé-rant d’asile se soit d’ores et déjà vu dispensé de payer les frais de procédure.

Un premier problème concerne les conditions d’une telle dispense qui ne sont aucunement traitées par le Projet.

Le Rapport explicatif suggère, après avoir précisé que la nécessité d’une assistance judiciaire doit être présumée, que les conditions en question seraient, classiquement, l’indigence et les chances de succès d’un recours non voué à l’échec13.

Si tel est bien le cas, l’on comprend qu’une assis-tance judiciaire soit strictement limitée aux cas lis-tés dans cette disposition alors même qu’elle ne serait octroyée qu’en cas d’indigence et de chances de succès raisonnables du recours. L’assistance judiciaire dans le cadre d’un recours disposant de bonnes (voire d’excellentes) chances de succès et

émanant d’un requérant indigent mais ne figurant pas dans la liste des cas prévus par l’article 102m P-LAs14 se verrait ainsi niée, ce qui semble en contra-diction flagrante avec l’article 29 al. 3 de la Consti-tution fédérale de la Confédération suisse (ci-après: «Cst»)15.

L’inconstitutionnalité de cette disposition paraît d’autant plus importante qu’elle nierait l’aide d’un mandataire à une personne pourtant déjà dispensée des frais de procédure et qui aurait donc d’ores et déjà été jugée démunie et présentant un recours non dénué de chances de succès.

A notre sens, l’article 102m P-LAsi devrait être for-mulé de façon à garantir une aide juridictionnelle à toute personne démunie présentant un recours non dépourvu de chances de succès, les cas listés pou-vant être mentionnés comme les cas dans lesquels l’aide d’un mandataire serait automatique.

B. Droit à l’assistance judiciaire pour les procédures Dublin, des procédures de révision et des demandes multiples

L’article 102m al. 2 P-LAsi renvoie le requérant aux conditions d’octroi classiques de l’assistance judi-ciaire fixées à l’article 65 al. 2 PA s’agissant des pro-cédures Dublin, des procédures de révision et des demandes multiples.

On ne voit pas en quoi une distinction devrait être opérée entre les procédures listées à l’alinéa 1 de cette disposition et les autres.

Soit une démarche judiciaire est raisonnable (sur le plan des chances de succès) et son initiant n’a pas les moyens de la financer, et l’assistance judicaire devrait être accordée, soit elle ne l’est pas et elle doit être refusée.

La disparité proposée par le Projet pour ces diffé-rentes démarches paraît contraire à l’article 29 al. 3 Cst ainsi qu’au principe d’égalité.

V. Domicile de notification

Il n’est usuellement pas nécessaire de rappeler l’im-portance du respect des délais de procédure, c’est pourtant ce que le législateur a estimé nécessaire de faire à l’article 102j P-LAsi. Les délais que vise à mettre en place le nouveau P-LAsi dans le cadre de la procédure accélérée sont extrêmement brefs. Le représentant légal dispose de vingt-quatre heures pour donner son avis sur le projet de décision néga-tive16. Tout manquement à ce délai, et toute absence du représentant légal à une étape de la procédure où sa participation est requise vaudra renonciation et n’empêchera pas les actes notifiés par le SEM de déployer leur plein effet.

A la brièveté des délais s’ajoute toutefois un obstacle procédural surprenant, puisque les actes de l’auto-rité ne sont pas notifiés au représentant légal mais au prestataire. C’est à ce dernier qu’il incombe d’assu-rer la transmission en temps utile au représentant, le cas échéant de désigner urgemment un nouveau à même de réagir dans le bref délai.

Toute l’idée du Projet de loi, selon laquelle la qua-lité de la procédure accélérée sera assurée par une

assistance au requérant d’asile, est donc fortement tempérée par cette disposition. La responsabilité du prestataire et du représentant légal – qui devront faire preuve d’une grande disponibilité et d’une grande flexibilité dans leur organisation – est impor-tante, alors que, pour sa part, l’autorité est affranchie de la sienne dès qu’elle a notifié l’acte au prestataire.

On entrevoit aisément les difficultés qu’un tel système va engendrer quant à l’engagement des responsa-bilités des uns et des autres en cas de défaut de réponse du mandataire dans le délai ou d’absence du représentant à une étape-clef de la procédure.

VI. Conclusion

Les pièges actuels de la procédure d’asile sont déjà bien connus de nos confrères qui la pratiquent régulièrement mais aussi des organisations d’aide aux réfugiés qui conseillent ces personnes dans les bureaux juridiques et autres permanences. L’analyse des quelques dispositions qui vous est présentée ici laisse à penser que le praticien qui épaulera les requérants d’asile dans ces procédures accélérées devra faire preuve d’une grande disponibilité et réactivité dans ces affaires. Par ailleurs, vu l’impor-tante marge que la loi lui laisse à cet égard, nous observons que la mise en œuvre de ce système de procédure accélérée – et ses limites et apports –, dépendra grandement du prestataire et de la façon dont il exécutera son mandat, dialoguera avec ou s’imposera face au SEM. Il nous faudra donc at-tendre de connaître le ou les prestataires désignés pour le centre Romand et de voir sa pratique lors des premières procédures accélérées pour mesurer le plein impact de ce nouveau type de procédure sur

13 DDFJP, Rapport explicatif, Projet de modification de la loi sur l’asile, Restructuration du domaine de l’asile, juin 2013, ad art. 102h, p. 24. 14 Tel que par exemple une décision de renvoi pure (le refus d’asile ayant été prononcé antérieurement) ou une décision de refus d’asile non-assorti d’un renvoi).15 Etienne GRISEL, Egalité, les garanties de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, 2e éd., Berne 2009, N 537 et suivants.

16 Ce bref délai est constitutif de la pratique au sein du centre test de Zurich où l’OSAR a été mandatée comme prestataire de janvier 2014 à septembre 2015: https://www.osar.ch/droit-dasile/procedure-dasile/phase-test.html.

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la défense des requérants d’asile.

Il doit également être noté que si le Projet prévoit un certain renforcement de la représentation juri-dique des requérants d’asile dans le cadre des pro-cédures accélérées, ce même Projet tend plutôt à limiter ladite représentation dans la procédure éten-due traitée dans les cantons. Or, c’est précisément dans ces procédures étendues, qui sont par nature des cas limites, que le concours de l’avocat se révèle particulièrement précieux pour le requérant d’asile.

Sur ce point également, le Projet mérite d’être ac-cueilli avec vigilance par les cantons qui conservent leur marge de manœuvre dans ce cadre et devraient faire en sorte que la représentation initiale assurée par le Projet se poursuive dans de bonnes condi-tions s’agissant des suites de la procédure relevant de leur dicastère. Le rôle de l’avocat sera crucial et il lui reviendra de veiller au respect des garanties pro-cédurales fondamentales.

Nous avons le privilège d’accueillir à Genève une Global Pound Conference, le 29 septembre pro-chain (www.globalpoundconference.org). 36 autres villes dans le monde ont déjà répondu présent pour accueillir cet événement, dont l’ambition est de ras-sembler toutes les parties prenantes du monde de la résolution des différends: contentieux, arbitrage, ADR, etc.

La Global Pound Conference Series se veut un lieu d’échanges et de réflexions autour de l’avenir de l’accès à la justice et la qualité de la justice dans le monde en matière civile et commerciale, ce au moyen d’évènements locaux disséminés de par le monde entre mars 2016 (Singapour) et juillet 2017 (Londres).

Une convention-pilote s’est tenue à Londres en octobre 2014, sous l’égide de l’Institut International de Médiation (IMI International Mediation Institute www.imimediation.org).

L’événement a regroupé des parties prenantes venant de plus de 20 pays. Parmi eux, des juristes d’entreprise, avocats, professeurs, juges, arbitres, médiateurs, chambres de commerce et institutions d’arbitrage.

Répondant à des questions au sujet de sujets clés, y est apparu un décalage flagrant entre les at-tentes des diverses catégories de participants. Par exemple, alors que 77% des usagers (entreprises et juristes d’entreprise) se déclaraient favorables à la mise en œuvre de la médiation dès le début d’un litige, seulement 44% des avocats étaient du même avis. De même, près de 80% des usagers se sont prononcés pour une approche proactive des ADR

par les tribunaux et institutions arbitrales, alors que les avocats n’étaient que 56% à y être favorables. Enfin, dans la même veine, 66% des usagers ont déclaré inclure des clauses de médiation obligatoire dans leurs contrats commerciaux, alors que les avo-cats étaient seulement 16% à le faire.1

Quelle que soit la cause de ce décalage, il est révé-lateur d’un problème de communication entre les avocats et leurs clients et, sans doute, d’un manque d’implication de ces derniers dans la nécessaire évo-lution des modes de résolution des différends.

C’est pourquoi, il a été proposé que ces questions soient débattues à une échelle beaucoup plus large, les villes souhaitant y participer pouvant faire acte de candidature.

Et c’est précisément ce débat qu’il nous est pro-posé de mener à Genève en septembre 2016, pour y apporter l’expertise et l’expérience des stakeholders genevois, voire romands, de la réso-lution des différends (usagers, fournisseurs/pres-tataires de services, conseils/experts et autres acteurs). Le programme de la conférence, iden-tique dans chaque ville participante, prévoit un vote électronique pour recueillir l’avis des participants sur quatre thèmes principaux:

− l’accès à la justice et à la résolution des différends;− le fonctionnement actuel du système;− les améliorations possibles; et− les actions pratiques à mettre en œuvre.

Le rapport final, prévu en 2017, fera la synthèse des avis et propositions dans chaque pays participant.

«SHAPING THE FUTURE OF DISPUTE RESOLUTION & IMPROVING ACCESS TO JUSTICE», LES GLOBAL POUND CONFERENCE SERIES FONT ÉTAPE À GENÈVE EN SEPTEMBRE 2016Pour la Commission ADR, Mes Guillaume Tattevin et Birgit Sambeth Glasner

1 Les données obtenues lors de la convention de Londres peuvent être consultés dans: http://globalpoundconference.org/Documents/London%202014%20-%20Final%20data.pdf

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Du fait de son large échantillon de participants, ce rapport servira sans doute de base aux propositions de développements législatifs dans les années à venir. Il ne pourra pas être ignoré.

L’intérêt de participer à l’exercice est donc clair pour ceux qui – comme les membres de l’Ordre des avo-cats de Genève – sont tenus de répondre de la meil-leure manière possible aux besoins de leurs clients. Il s’agit pour les avocats genevois de faire entendre leur voix mais aussi de bénéficier d’un retour d’expé-rience des usagers eux-mêmes.

Plus généralement, cette conférence nous invite à participer en tant qu’acteurs à la définition des moyens de résolution des différends du XXIe siècle. À nous de saisir cette occasion unique pour définir l’orientation que nous souhaitons leur donner.

La Commission ADR de l’Ordre est représentée auprès du Comité Local d’Organisation de la Global Pound Conference de Genève. Elle accueille volon-tiers vos questions et recueille vos suggestions.

Le capitalisme, sorti redynamisé de la crise finan-cière mondiale, est prêt à passer à l’étape suivante de son développement, qui sera tirée par l’innova-tion. Cependant, l’Europe a un problème en matière d’innovation: il est en effet bien plus difficile pour les start-up européennes d’obtenir des financements et de passer à la taille supérieure que pour leurs homo-logues américaines. A moins de trouver une issue à ce problème, les Etats-Unis vont prendre la tête de la prochaine phase d’innovation radicale, ce qui prédestine les entreprises européennes à poursuivre une migration à travers l’Atlantique et condamne l’Europe à un avenir placé sous le signe d’une crois-sance ralentie.

I. Un nouveau choc d’innovation s’annonce

Les chocs d’innovation radicale provoquent un élan durable qui dope la croissance économique. Ainsi, dans les années 1990, l’avènement des nouvelles technologies dans l’informatique et les communica-tions a propulsé la croissance du PIB réel des Etats-Unis à 3,5%, soit un niveau nettement supérieur à son taux de croissance d’équilibre à long terme, se situant à 2,5%. La mollesse de la croissance éco-nomique observée dans les pays développés ces dernières années pourrait être largement imputable à l’absence d’innovations majeures.

Cependant, un nouveau choc d’innovation radicale est peut-être en passe d’émerger. Les véritables ré-volutions technologiques ont besoin de temps pour déployer leurs effets, avant de se traduire par des bénéfices tangibles et durables pour la croissance économique. Toutefois, les prémices d’une telle révolution commencent à apparaître. Nous avons identifié sept secteurs qui pourraient être les sources de la prochaine vague d’innovation radicale: Internet (ex. Internet des objets); le traitement de l’information et des données (ex. big data); l’automatisation (ex.

robotique de pointe); les transports (ex. véhicules sans conducteur); l’énergie (ex. gaz bitumineux); les sciences de la vie (ex. génomique) et les matériaux intelligents (ex. nanotechnologies).

II. L’Europe a un problème avec l’innovation

Les Etats-Unis semblent à même d’ouvrir la voie et vont, par conséquent, consolider leur position de chef de file de l’économie mondiale. Dans les sept sec-teurs répertoriés plus haut, les sociétés américaines représentent les trois quarts des dix premières socié-tés en termes de capitalisation boursière, alors que les entreprises européennes ne comptent que pour 15%. Dans la Silicon Valley, on assiste à l’avènement simultané de plusieurs technologies nouvelles, sou-tenu par des financements importants, qui vont don-ner lieu à une vague de solutions innovantes.

Un vent d’innovation est palpable en Europe éga-lement, notamment dans les grands centres que sont Londres, Cambridge, Stockholm et Berlin. Le contexte propice à l’émergence d’un choc d’inno-vation radicale est cependant bien moins favorable en Europe, où il existe une sorte de partition Nord-Sud, et dans l’ensemble, l’Europe est nettement à la traîne par rapport aux Etats-Unis. L’indice de com-pétitivité mondiale du Forum économique mondial pour 2014-2015 comprend une sous-catégorie qui évalue la capacité d’innovation d’un pays. Dans ce classement en matière d’innovation, les Etats-Unis occupent la quatrième place. La Finlande caracole en tête des 144 pays et quatre autres puissances économiques européennes figurent dans les 10 pre-miers rangs: la Suisse (2e), l’Allemagne (5e), la Suède (6e) et les Pays-Bas (8e). Mais la plupart des pays européens font bien piètre figure: le Royaume-Uni se classe à la 12e place, la France au 19e rang, l’Italie à la 35e position, l’Espagne à la 37e et de nombreux autres pays d’Europe sont encore loin derrière.

EUROPE: L’ENJEU DE L’INNOVATION M. Christophe Donay, Directeur de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéco-nomique auprès de Pictet Wealth Management

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Bilan: les sociétés technologiques européennes bouclent leurs valises et déménagent outre-Atlan- tique pour amorcer leur développement. A titre d’exemples, on peut citer la société de développe-ment logiciel Zendesk, qui s’est établie à San Fran-cisco deux ans après sa fondation à Copenhague, et Huddle, une société du cloud, qui a démarré à Londres avant de déplacer la plupart de ses activités aux Etats-Unis.

III. L’accès au financement, un problème essentiel

L’un des problèmes qui se pose aux entreprises européennes innovantes est celui de la fragmenta-tion, en termes de langues, de médias, de cultures et de réglementations. Cela complique grandement la situation des sociétés désireuses de passer à la taille supérieure. Autre source de difficulté: on sait que l’innovation réussie s’accompagne souvent d’une culture du risque et d’une capacité à assumer l’échec qui sont bien plus développées aux Etats-Unis qu’en Europe. Le droit américain de la faillite favorise aussi l’innovation en facilitant considéra-blement la situation des entrepreneurs, afin qu’ils puissent rebondir après leurs échecs, tout en ayant acquis une précieuse expérience, qui servira à leur prochaine start-up.

Le financement est un autre enjeu majeur. En effet, l’innovation fructueuse – de même que la croissance économique pérenne en général – a besoin d’un système financier qui la soutienne. Il est bien plus facile pour une start-up de trouver un financement aux Etats-Unis qu’en Europe.

Le problème pour l’heure est en partie cyclique. A la suite de la contraction du crédit pendant la crise financière, lorsque le flux de prêts bancaires s’est quasiment tari, le cycle du crédit aux Etats-Unis a

bénéficié d’un énorme appui avec le programme d’assouplissement quantitatif (QE) de la Réserve fédérale américaine si bien qu’il est à présent pleine-ment engagé. L’Europe, à l’inverse, a été beaucoup plus lente à mettre en œuvre son QE, à assainir les banques et à stimuler la progression des prêts. Les prêts bancaires en Europe ont au moins stoppé leur mouvement de contraction et se situent même en zone de légère expansion depuis le printemps der-nier.

On relève cependant des différences plus marquées entre les Etats-Unis et l’Europe. Le capital-risque est bien plus développé aux Etats-Unis qu’en Europe. Ces dernières années, les investisseurs – souvent dotés d’une expérience antérieure du secteur tech-nologique – ont convergé en masse vers la Silicon Valley en quête de la prochaine grande percée in-novante. Les entreprises européennes ont levé 3,3 milliards de dollars auprès de fonds de capital-risque au troisième trimestre de 2015. Cette progression de 31% par rapport à la même période en 2014 est le signe net d’une amélioration cyclique du finance-ment en Europe. On est cependant encore loin des 19 milliards de dollars levés par les sociétés améri-caines durant cette même période, selon des don-nées de Dow Jones VentureSource. En termes de financement par capitaux propres, il n’existe toujours pas d’équivalent en Europe du NASDAQ, le marché réservé aux valeurs technologiques dont la capitali-sation boursière s’élevait à près de 9800 milliards de dollars à fin 2015.

IV. L’Europe doit exploiter ses ressources intellectuelles

À moins de résoudre son problème avec l’innova-tion, l’Europe continuera de perdre certaines de ses sociétés les plus prometteuses, au profit des Etats-Unis, et se placera de plus en plus à la marge de

l’économie mondiale. En l’absence de tout élan d’in-novation majeur, ses perspectives de croissance se révèlent assez sombres. A en croire les tendances actuelles de la croissance sous-jacente, la part de l’Europe dans le PIB mondial pourrait bien diminuer de moitié et passer de 22% à 11% en moins de 20 ans, tandis que la part de la Chine serait multipliée par deux, passant de 11% à 22%, et que celle des Etats-Unis s’établirait aux alentours de 25%.

Les responsables politiques européens ont encore la possibilité de renverser cette tendance, en élimi-nant les obstacles qui font barrage aux start-up et en concevant des politiques favorables à l’innova-tion, notamment en simplifiant l’obtention de finan-cements par les sociétés innovantes. L’Europe ne manque certes pas de têtes bien faites. Ainsi, des pays comme la France possèdent un solide bagage en mathématiques et en ingénierie. Le problème tient au fait que les inventions (les idées nouvelles) ne se transforment pas en innovations (des produits ou solutions commercialisables) faute d’un contexte propice.

Des signes encourageants augurent d’un change-ment. La nouvelle Commission européenne a inscrit le soutien à l’innovation à l’ordre du jour de ses prio-rités. Elle a promis 24 milliards d’euros (27 milliards de dollars) de financements destinés aux sociétés innovantes pour la période 2014-2021. Toutefois, le bilan de l’Europe en matière de réformes de ces dernières années n’est pas prometteur et il y a fort à parier que le fossé de l’innovation avec les Etats-Unis, aussi large soit-il, persistera.

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INTRODUCTION

Le débat n’est pas nouveau, les règles du droit suisse de la faillite internationale doivent être moder-nisées et adaptées au régime applicable chez nos voisins européens. Dans ce domaine, la tension se fait sentir entre différents principes, tels qu’univer-salité des faillites suisses vs territorialité des faillites internationales1, principe général de l’égalité des créanciers dans la faillite vs avantage des créanciers gagistes et privilégiés dans la faillite ancillaire ouverte en Suisse vis-à-vis des créanciers étrangers ou en-core besoin d’appréhender rapidement les biens du débiteur et de neutraliser son pouvoir de disposer vs conditions rigides et lenteur de la procédure de reconnaissance, qui au mieux retardent ou au pire rendent impossible la reconnaissance en Suisse des décisions de faillite étrangères. Un projet de loi révi-sant la LDIP et visant à faciliter la reconnaissance des décisions de faillite et des concordats étrangers est en consultation. L’avant-projet2 prévoit notam-ment la possibilité de renoncer à la procédure ancil-laire en l’absence de créanciers gagistes et privilé-giés en Suisse; il supprime l’exigence de réciprocité et permet entre autres la reconnaissance des déci-sions de faillite rendues au lieu où se trouve le centre des intérêts principaux du débiteur, en plus de celui

où se trouve son siège ou son domicile3. Il s’inspire à plusieurs égards de la loi type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale, qui contient des dispo-sitions générales sur la reconnaissance des procé-dures d’insolvabilité étrangères4.

En Europe, un règlement5, entré en vigueur le 31 mai 2002, établit des normes communes relatives aux procédures d’insolvabilité transfrontalières au sein des pays de l’Union européenne («Règlement européen»), à l’exception du Danemark. Le règle-ment européen est directement applicable et prévoit une reconnaissance immédiate et sans condition dans les Etats membres, sous réserve de l’ordre public6. Dès lors qu’une procédure d’insolvabi-lité s’ouvre dans un Etat membre de l’Union euro-péenne, le liquidateur a la compétence de rechercher des actifs dans l’ensemble de l’espace européen7. Le Règlement européen a notamment pour but de dissuader les débiteurs de transférer leurs avoirs à l’étranger ou d’introduire des procédures judiciaires d’un pays à l’autre afin d’améliorer leur position face à la loi8. A l’heure de la libre circulation des peuples et des patrimoines, l’Europe s’est en bonne logique dotée d’un règlement qui met en place un espace européen de l’insolvabilité9. En matière de faillites, la Suisse ne bénéficie ni de ce règlement, ni de la

LES FAILLITES INTERNATIONALES D’UN POINT DE VUE SUISSEMe Ani Homberger

1 Saverio Lembo, Yvan Jeanneret, La reconnaissance d’une faillite étrangère (art. 166 et ss. LDIP): état des lieux et considérations pratiques, in SJ 2002 II p. 247, 247, ci-après «SJ 2002 II p. 247».

2 Communiqués, Le Conseil fédéral, 14.10.2015, disponible à l’adresse suivante: http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/aktuell/news/2015/2015-10-141.html.

3 Rapport explicatif concernant une modification de la loi sur le droit international privé (faillite et concordat), ci-après «Rapport explicatif», p. 2, dispo-nible à l’adresse suivante: http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/aktuell/news/2015/2015-10-141.html.

4 Rapport explicatif, p. 7; La Suisse n’a pas adopté la Loi type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale.5 Règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, remplacé par le règlement (CE) no 2015/848 du

Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité applicable aux procédures d’insolvabilité ouvertes posté-rieurement au 26 juin 2017. Il a pour but de moderniser l’application des procédures d’insolvabilité transfrontalières issues du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil et de faciliter la restructuration d’entreprises qui connaissent des difficultés financières à un stade précoce; il est disponible à l’adresse suivante: http://eur-lex.europa.eu/homepage.html.

6 Art. 17 Règlement européen; Sylvain Marchand, Poursuite pour dettes et faillites, Du palais de justice à la salle des ventes, 2008, ci-après «Marchand, Poursuite pour dettes et faillites», p. 166.

7 Articles 16 et suivants Règlement européen; Marchand, Poursuite pour dettes et faillites, p. 166.8 Texte intitulé «Procédures d’insolvabilité» relatif au Règlement européen, disponible à l’adresse suivante: http://eur-lex.europa.eu/homepage.html.9 Sylvain Marchand, Les règles du droit suisse de la faillite internationale à l’heure des faillites européennes, in Mélanges en l’honneur de François

Knoepfler, 2005, ci-après «Marchand, Mélanges», p. 111.

Convention de Lugano, qui exclue les faillites de son champ d’application10. En l’absence de convention internationale réglant la reconnaissance des déci-sions de faillite étrangères, les dispositions de la loi fédérale sur le droit international privée («LDIP») s’appliquent, en particulier ses articles 166 et sui-vants11.

I. Champ d’application

Les articles 166 et suivants LDIP s’appliquent à la re-connaissance de toute «décision de faillite étrangère» (art. 166 LDIP). La faillite s’entend généralement comme une procédure globale de liquidation forcée en faveur de tous les créanciers lors de laquelle le débiteur perd le pouvoir de disposer de ses avoirs12. L’article 175 LDIP étend le champ d’application des articles 166 et suivants LDIP aux concordats et pro-cédures analogues homologuées par une juridiction étrangère, ceux-ci étant applicables par analogie13. L’article 175 LDIP s’applique aux concordats de nature judiciaire, en tant qu’institution de l’exécution forcée14. Ainsi, il englobe tous les concordats, soit les accords soumis à homologation par le juge du concordat, pour autant que ces accords aient force obligatoire à l’égard des créanciers dissidents15. L’article 175 LDIP se réfère encore aux «procédures

analogues homologuées par une juridiction étran-gère» et vise toute procédure étrangère qui poursuit les mêmes buts que le concordat16. Malgré le texte de la loi, la jurisprudence et la doctrine majoritaire considèrent que la procédure étrangère peut être reconnue dès qu’elle a été ouverte par l’autorité compétente, déjà au stade de la suspension des poursuites17. L’interprétation extensive du concordat par la jurisprudence et les contours de l’article 175 LDIP qui en découlent devraient ainsi rejoindre ceux du champ d’application du Règlement européen18 et permettre la soustraction des biens sis en Suisse à la mainmise de créanciers individuels19.

II. Point de situation

Le droit des faillites internationales est régi en Suisse par le principe de territorialité; le principe de l’unité de la faillite ne vaut que lorsque plusieurs procé-dures de faillites ont été introduites parallèlement en Suisse20. L’article 197 de la loi fédérale sur la pour-suite pour dettes et la faillite («LP») prévoit en effet que tous les biens saisissables du failli au moment de l’ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent. Il laisse en revanche place au principe de territorialité vis-à-vis des faillites étrangères21. Ainsi, tant qu’une décision

10 Art. 1 II let. b CLug.11 Marchand, Poursuite pour dettes et faillites, p. 161-162; Marchand, Mélanges, p. 114-115. Sous réserve de certains traités internationaux en matière

de faillite qui lient encore certains cantons, dont l’application est marginale et dont l’abrogation formelle est envisagée dans le Rapport explicatif, p. 19.

12 SJ 2002 II p. 247, 253 et réf. citées.13 Les dispositions sur la liquidation de la faillite ancillaire ne sont pas applicables (art. 171 à 174 LDIP). Dans l’hypothèse d’un concordat ou procédure

analogue, le débiteur a qualité pour requérir la reconnaissance à côté de l’administration de la faillite (Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 175 N 21 et réf. citées; SJ 2002 II p. 247, 251 et 255).

14 Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 175 N 8.15 Ibid., N 8-10.16 SJ 2002 II p. 247, 251 et réf. citées.17 Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 175 N 11; SJ 2002 II p. 247, 252 et réf. citée. 18 Marchand, Mélanges, p. 125-126; la liste des procédures concernées par le Règlement européen figure à l’annexe B et comprend notamment

le concordat par abandon d’actif. Le champ d’application du Règlement européen n’est pas immuable et doit être apprécié conformément à la jurisprudence européenne rendue en la matière, qui considère notamment qu’une procédure de «debt restructuring», bien que n’impliquant pas de liquidation d’actifs, tombe sous le coup du Règlement européen (Marchand, Mélanges, p. 125 et réf. citée).

19 SJ 2002 II p. 247, 252 et réf. citées.20 ATF 5A_30/2015 du 23 mars 2015, c. 6.3; Elena Neuroni Naef, Francesco Naef, Droit suisse de la faillite internationale: la faillite d’un système?, in

AJP/PJA 11/2008, p. 1396, ci-après «AJP/PJA 11/2008, p. 1396».21 ATF 5A_30/2015 du 23 mars 2015, c. 6.3.

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de faillite étrangère n’est pas reconnue, elle ne pro-duit pas d’effet en Suisse22. A la requête de l’admi-nistration de la faillite ou d’un créancier23 auprès du tribunal du lieu de situation des biens en Suisse24, une décision de faillite étrangère sera reconnue aux conditions cumulatives suivantes (Art. 166 LDIP)25: la décision de faillite étrangère doit (i) avoir été rendue dans l’Etat du domicile du débiteur, (ii) être exécutoire dans l’Etat où elle a été rendue – sans avoir besoin d’être définitive26, (iii) ne pas être sujette à un motif de refus au sens de l’article 27 LDIP et (iv) remplir la condition de la réciprocité dans l’Etat où la décision a été rendue27. Si les conditions de reconnaissance sont remplies, la décision de faillite étrangère sera alors reconnue et entraînera automatiquement l’ou-verture d’une faillite ancillaire en Suisse, également dite faillite secondaire ou mini-faillite28, ayant pour but de privilégier les créanciers gagistes et les créanciers privilégiés domiciliés en Suisse29.

L’administration étrangère de la faillite n’a aucun droit si elle n’a pas obtenu la reconnaissance en

Suisse - à titre principal - de la décision de faillite étrangère30. En cas de reconnaissance, elle pourra uniquement intenter l’action révocatoire des articles 285 et suivants LP à titre subsidiaire (grâce à l’article 171 LDIP)31, pour autant que l’Office suisse des fail-lites et les créanciers admis à l’état de collocation suisse aient renoncé à une telle action32. Les pour-suites individuelles contre le failli ne seront suspen-dues qu’une fois la décision de faillite étrangère reconnue par le tribunal suisse (Art. 206 LP) et le failli conservera son pouvoir de disposer jusqu’alors. Les mesures conservatoires de l’article 168 LDIP, qui renvoie aux articles 162 à 165 et 170 LP, peuvent être ordonnées dès le dépôt de la requête en recon-naissance en vue d’éviter que le failli ne dispose de ses biens patrimoniaux localisés en Suisse pendant la durée de la procédure de reconnaissance33.

Les mesures conservatoires peuvent être de di-verses natures: prise d’inventaire de tous les biens du débiteur; mise sous scellés; interdiction de payer directement en main du débiteur; interdiction au dé-

22 AJP/PJA 11/2008, p. 1396. 23 SJ 2002 II p. 247, 255 et réf. citées.24 S’il existe des biens dans plusieurs cantons, le tribunal saisi en premier lieu est compétent et ce tribunal peut répondre, pour tout le territoire suisse,

à la question de la reconnaissance (art. 167 LDIP) (Message du Conseil fédéral, FF 1983 I 255, N 210.4). Il suffit que le requérant rende vraisemblable que des droits patrimoniaux du failli sont localisés au for du tribunal saisi; en effet, on ne saura si le failli est titulaire de droits patrimoniaux localisés en Suisse qu’une fois l’inventaire dressé après sommation par voie édictale aux tiers débiteurs et aux tiers détenteurs de s’annoncer (ATF 5P.284/2004 du 19 octobre 2004, c. 4.2 et réf. citées).

25 Article 166 LDIP.26 ATF 126 III 101.27 Article 166 LDIP.28 Communiqués, Le Conseil fédéral, 14.10.2015, disponible à l’adresse suivante: http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/aktuell/news/2015/2015-10-141.html; Rapport explicatif, p. 4.29 Communiqués, Le Conseil fédéral, 14.10.2015, disponible à l’adresse suivante: http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/aktuell/news/2015/2015-10-141.html. 30 Elle n’est pas habilitée à produire une créance dans l’éventuelle faillite d’un débiteur en Suisse ni à ouvrir action en Suisse contre un débiteur présumé

du failli et même si elle a obtenu la reconnaissance en Suisse (à titre principal) de la décision de faillite étrangère, elle n’a pas d’autres attributions et ne peut pas demander un séquestre ou même envoyer un commandement de payer en Suisse pour interrompre un délai de prescription (JdT 2014 II p. 40, 46).

31 L’action révocatoire prévue par l’article 171 LDIP vise à reconstituer la masse active de la faillite ancillaire suisse. Elle ne règle pas l’action révocatoire de la masse en faillite étrangère tendant à récupérer un bien parvenu en Suisse à la suite d’un acte révocable commis au préjudice de la procédure principale. Dans ce cas, il faut admettre, avec une majorité d’auteurs, que l’administration de la faillite étrangère peut exercer l’action révocatoire en Suisse aux fins de reconstituer la masse active de la faillite principale (Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 171 LDIP N 7 et 12), étant précisé qu’une reconnaissance à titre préjudiciel d’une décision de faillite étrangère ne semble pas possible en l’état actuel de la juris-prudence (ATF 134 III 366, 372, c. 5.1.2; Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 29 LDIP N 1; AJP/PJA 11/2008, p. 1396, selon lesquels la reconnaissance à titre préjudiciel devrait être admise).

32 JdT 2014 II p. 40, 46.33 Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 168 N 3-4; SJ 2002 II p. 247, 263.

biteur d’aliéner ses biens; placement des objets de valeur sous la garde de l’office des faillites; annota-tion au registre foncier d’une restriction du droit de disposer des biens immobiliers34. Dans la mesure où les éventuels biens patrimoniaux du failli sis en Suisse ne seront connus avec précision qu’une fois l’inventaire dressé, ces mesures conservatoires rem-plissent le besoin de protection immédiat des créan-ciers35. L’opinion majoritaire dénie en revanche au tri-bunal suisse la possibilité d’ordonner la suspension de poursuites individuelles, notamment en validation d’un séquestre36, le débiteur déclaré en faillite dans un autre pays restant sujet aux poursuites indivi-duelles en cours ou à venir durant la procédure de reconnaissance.

III. Effet de la reconnaissance en Suisse de la décision de faillite étrangère

La faillite ancillaire ouverte en Suisse sera soumise exclusivement au droit suisse et aura pour masse active le patrimoine du débiteur sis en Suisse (Art. 170 I LDIP). Les effets de la faillite sont ceux prévus par le droit suisse (Art. 170 LDIP), avec cette parti-cularité que seuls les créanciers gagistes ayant un gage sur un bien en Suisse et les créanciers non-ga-gistes privilégiés ayant leur domicile en Suisse seront admis à l’état de collocation (Art. 172 LDIP). Cette

procédure privilégie certains créanciers suisses au détriment des créanciers étrangers, leurs préten-tions étant satisfaites en premier lieu sur les biens situés en Suisse; seul le solde éventuel sera transféré à l’étranger37 et ce pour autant que l’état de collo-cation étranger soit reconnu (Art. 173-174 LDIP)38. Contrairement au système suisse, le Règlement européen ne fait pas de distinction entre créanciers nationaux et créanciers étrangers, conformément au principe de non-discrimination qui lui est essentiel39.

IV. Effet de la reconnaissance en Suisse desconcordats et procédures analogues

La reconnaissance d’un concordat étranger a pour effet d’étendre en Suisse l’effet obligatoire du concordat, de façon à empêcher les créanciers de recouvrer en Suisse le solde de leurs créances non couvert par le dividende ou le produit de la réalisa-tion des actifs abandonnés, et ce alors qu’ils ont auparavant, à l’étranger, approuvé le concordat40. Une fois reconnu, le concordat étranger aura un effet obligatoire pour tous les créanciers, à l’exception des créanciers gagistes et des créanciers privilégiés domiciliés en Suisse, indépendamment de l’appro-bation ou de la participation des créanciers à la pro-cédure concordataire à l’étranger, pour autant tou-tefois qu’ils aient eu la possibilité d’y prendre part41.

34 Flavio Cometta, Commentaire romand de la LP, 2005, ad art. 170 N 4.35 SSJ 2002 II p. 247, 263-264; Ces mesures peuvent être requises simultanément au dépôt de la requête en reconnaissance, le requérant devant

rendre vraisemblable que la décision de faillite étrangère est susceptible d’être reconnue (Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 168 N 4-6).

36 Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 168 N 7 et réf. citées.37 Rapport explicatif, p. 4.38 La doctrine considère que les conditions suivantes doivent être réunies pour une reconnaissance de l’état de collocation étranger: il ne doit pas

contrevenir à des principes essentiels du droit suisse en matière d’établissement du passif ni à l’ordre public suisse et les créanciers domiciliés en Suisse doivent avoir été admis équitablement à l’état de collocation étranger (art. 173 III LDIP). Enfin, les créanciers concernés, soit notamment les créanciers chirographaires domiciliés en Suisse, doivent être entendus en vertu de l’article 173 III LDIP. La question de savoir si l’état de collocation doit être passé en force au moment de sa reconnaissance est controversée en doctrine (Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 173 N 6-9 et N 15; Marchand, Mélanges, p. 121 et réf. citées).

39 Art. 39 Règlement européen; Marchand, Mélanges, p. 121-122. Le Règlement européen prévoit ainsi que «tout créancier peut produire sa créance à la procédure principale et à toute procédure secondaire» (art. 32 Règlement européen).

40 ATF 5A_450/2013 du 6 juin 2014, c. 4.2; Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 175 N 29.41 Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 175 N 29.

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Dans certains cas particuliers, la reconnaissance d’un concordat n’emportera pas automatiquement l’ouverture d’un «mini-concordat» en Suisse42.

V. Les améliorations apportées par l’avant-projet

1. Supression de l’exigence de réciprocité

Une décision de faillite étrangère ne peut être recon-nue en Suisse que si la réciprocité est accordée dans l’Etat où elle a été rendue (Article 166 I let. c LDIP). Bien que la doctrine et le Tribunal fédéral préconisent une approche souple en ce sens que le contenu de la loi étrangère ne doit pas forcément être identique au droit suisse43, certains pays au sein de l’Union européenne ne remplissent pas cette condition44. En cas de non-reconnaissance, les créanciers de ces faillites étrangères voient les éventuels actifs situés en Suisse leur échapper45 et le débiteur déclaré en faillite dans un autre pays conserve le pouvoir de dis-poser de ses biens en Suisse, pouvant y faire l’objet de poursuites ainsi que de la réalisation forcée de ses droits patrimoniaux localisés en Suisse46. Le débiteur serait alors considéré comme en faillite dans un pays européen mais en mesure de disposer de ses biens en Suisse, ce qui n’est ni dans l’intérêt des créan-

ciers étrangers, ni dans celui des créanciers suisses, dans la mesure où l’exécution forcée individuelle permet à certains créanciers l’accès aux biens du débiteur au détriment des autres47. Cette situation a par ailleurs mené à des acrobaties de la part des autorités cantonales, privilégiant parfois une solution pratique mais contraire au texte de la loi48. L’avant-projet49 supprime la réciprocité comme condition de reconnaissance des décisions de faillite étrangères, condition qui était unanimement critiquée tant par la doctrine que par la jurisprudence50.

2. Extension au débiteur de la qualité pour requérir la reconnaissance

Le débiteur peut avoir un intérêt légitime à demander la reconnaissance d’une procédure étrangère, no-tamment en cas de procédure d’assainissement, ou pour éviter des poursuites individuelles et une perte de valeur due à l’insolvabilité51. Rappelons que dans l’hypothèse d’un concordat ou d’une procédure analogue, le débiteur a d’ores et déjà la qualité pour requérir la reconnaissance à côté de l’administration de la faillite52. L’avant-projet étend ainsi la qualité pour requérir la reconnaissance d’une décision de faillie étrangère au débiteur (Art. 166 AP-LDIP).

42 Par exemple, à défaut de créanciers privilégiés domiciliés en Suisse, un concordat qui ne tend pas à la réalisation d’actifs mais à leur reprise par une nouvelle société dont les actions seront réparties entre les créanciers en fonction de leurs créances peut être reconnu sans entraîner l’ouverture d’un mini-concordat en Suisse (Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 175 N 31 et réf. citée; ATF 5A_267/2007 du 30 septembre 2008, c. 5; ATF 140 III 379 du 6 juin 2014, c. 4.2.1).

43 SJ 2002 II p. 247, 261 et réf. citées.44 C’est par exemple le cas de l’Autriche, du Danemark, du Portugal ou des Pays-Bas (ATF 5A_30/2015 du 23 mars 2015, c. 6.2; SJ 2002 II p. 247,

250 et 262 et réf. citées).45 Marchand, Mélanges, p. 116. 46 ATF 5A_30/2015 du 23 mars 2015, c. 6.2.47 Rapport explicatif, p. 4.48 Marchand, Mélanges, p. 117, qui décrit un cas dans lequel le tribunal zurichois a contourné la difficulté en restituant les fonds à la masse étrangère

autrichienne malgré l’impossibilité de reconnaître la décision de faillite étrangère faute de réciprocité, au prétexte que les organes du débiteurs en faillite collaboraient avec la faillite.

49 Avant-projet, disponible à l’adresse suivante: http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/aktuell/news/2015/2015-10-141.html. 50 Rapport explicatif, p. 8. 51 Ibid., p. 9.52 Andrea Braconi, Commentaire romand de la LDIP, 2011, ad art. 175 N 21 et réf. citées; SJ 2002 II p. 247, 255 et 257.

3. Extension de la compétence indirecte

Sur le plan international53 et européen54, les juridic-tions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insol-vabilité. Pour pouvoir être reconnue en Suisse, une décision de faillite étrangère doit en revanche avoir été rendue dans l’Etat de domicile du débiteur ou au siège social de la société (Art. 166 I et 21 LDIP). Ainsi, le seul for de faillite admissible est le for du siège statutaire, alors que le Règlement européen permet de renverser la présomption selon laquelle le lieu du siège statutaire est le centre des intérêts principaux55. Il en découle que la Suisse, conformé-ment au principe de l’incorporation consacré par le Tribunal fédéral56, refusera de reconnaître une déci-sion de faillite étrangère rendue au lieu du centre des intérêts principaux d’une société si cela ne coïncide pas avec son siège social, considérant les autori-tés étrangères incompétentes alors même que leur compétence est reconnue dans toute l’Europe57. Avec l’avant-projet, la reconnaissance en Suisse d’une décision de faillite étrangère implique qu’elle ait été rendue soit (i) dans l’Etat de domicile du dé-biteur, soit (ii) dans l’Etat où est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, si celui-ci n’était pas domicilié en Suisse au moment de l’ouverture de la procédure étrangère58. Ainsi, l’avant-projet s’aligne

sur la théorie du siège effectif qui prévaut en droit international. Le centre des intérêts principaux du débiteur doit être entendu comme le lieu où le débi-teur assure habituellement la gestion de ses intérêts et qui est identifiable par les tiers59. Il est présumé être le lieu du siège statutaire pour les sociétés60.

4. Ouverture d’une procédure au lieu de la succursale

La faillite ancillaire englobe tous les biens du failli sis en Suisse, y compris le patrimoine d’une éventuelle succursale, à moins que le débiteur ne soit déjà poursuivi en Suisse sur les droits patrimoniaux de la succursale pour les dettes de cette dernière (Art. 50 al. 1er LP), poursuite qui peut toujours être enta-mée par ailleurs jusqu’à ce que l’état de collocation de la faillite ancillaire devienne définitif (Art. 166 al. 2 LDIP)61. A partir de ce moment, les créanciers chiro-graphaires de la succursale n’auront d’autre choix que de produire leur créance dans la faillite ouverte à l’étranger. Ainsi, les créanciers de la succursale en Suisse sont plus ou moins bien lotis selon la chro-nologie des évènements; si les biens de la succur-sale sont réalisés et le produit de réalisation distribué avant que l’état de collocation de la faillite ancillaire en Suisse ne soit définitif, ils seront désintéressés prioritairement sur les biens de la succursale, dans le cas contraire, ils seront sur un pied d’égalité avec les créanciers de la masse en faillite étrangère62.

53 Article 2 let. b de la Loi type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale.54 Art. 3 Règlement européen; Le règlement (CE) no 2015/848 précise à son article 3 que le centre des intérêts principaux correspond au lieu où le

débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par des tiers.55 Marchand, Mélanges, p. 117-118 et réf. citées.56 Ibid., p. 124; SJ 2002 II p. 247, 256 et réf. citée; ATF 117 II 497 in SJ 1992, p. 209. Le Tribunal fédéral précise dans cet arrêt que l’absence de

référence à la théorie du siège réel ne constitue pas une lacune de la loi.57 Marchand, Mélanges, p. 118-119; SJ 2002 II p. 247, 257-258. 58 Art. 166 I let. c ch. 2 AP-LDIP.59 Ce qui permet de garantir une certaine sécurité juridique des tiers (Rapport explicatif, p. 9).60 Rapport explicatif, p. 9.61 Giorgio A. Bernasconi, La reconnaissance des faillites et des concordats étrangers dans la pratique judiciaire tessinoise, JdT 2014 II p. 40, 45; Mar-

chand, Poursuite pour dettes et faillites, p. 165.62 Marchand, Poursuite pour dettes et faillites, p. 165; Rapport explicatif, p. 10.

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L’avant-projet traite cette problématique en pré-voyant que la faillite d’un débiteur qui a une suc-cursale en Suisse ne peut être ouverte au lieu de la succursale que pour autant qu’aucune requête en reconnaissance d’une décision de faillite étrangère n’ait été déposée au préalable63. Une procédure ouverte au lieu de la succursale l’emportera sur une procédure ancillaire ouverte postérieurement en pa-rallèle64. L’avant-projet vise ainsi à éviter une course de vitesse entre faillite de la succursale en Suisse et reconnaissance de la décision de faillite étrangère65. 5. Renonciation possible à la procédure ancillaire dans certains cas

En l’état actuel du droit, une décision de faillite étran-gère ne peut produire des effets en Suisse que si une décision de reconnaissance a été rendue par le juge suisse. En conséquence, la moindre trace d’actifs en Suisse entraînera l’ouverture d’une faillite secondaire si l’administration étrangère entend les appréhen-der. Depuis plusieurs années, la doctrine préconise la possibilité de renoncer à l’ouverture d’une procé-dure ancillaire en Suisse en l’absence de créancier gagiste ou de créancier privilégié à protéger, tant pour des questions pratiques66 que d’un point de vue de compatibilité avec le Règlement européen67. L’article 174a AP-LDIP prévoit ainsi qu’à la demande

de l’administration de la faillite étrangère, il est pos-sible de renoncer à une procédure ancillaire et de remettre à l’administration de la faillite étrangère les biens situés en Suisse, si aucun créancier gagiste ou non-gagiste privilégié domicilié en Suisse ne s’annonce suite à l’appel aux créanciers (Art. 232 LP)68; dans un tel cas, l’administration de la faillite étrangère sera habilitée à exercer l’ensemble des pouvoirs détenus par le débiteur avant l’ouverture de la faillite69 et les biens sis en Suisse seront imputés à la masse de la faillite étrangère sans besoin d’ou-vrir une procédure ancillaire en Suisse70. Le tribunal suisse est libre de renoncer ou non à poursuivre la procédure ancillaire et peut assortir la renonciation de conditions et de charges71.

6. Autres modifications

L’avant-projet72 supprime la référence à la procédure simplifiée de la faillite ancillaire, sans assemblée des créanciers ni commission de surveillance (Art. 170 III LDIP), pour renvoyer directement à la liquidation sommaire73. Il précise à son article 171 AP-LDIP que les délais pour introduire l’action révocatoire régie par les articles 285 à 292 LP courent dès l’ouverture de la faillite à l’étranger74. Par ailleurs, l’avant-projet permet désormais la reconnaissance de décisions liées à une procédure de faillite, telles les actions ré-vocatoires et les actions en responsabilité contre les

63 Rapport explicatif, p. 5-6.64 Ibid., p. 10.65 Marchand, Poursuite pour dettes et faillites, p. 165.66 Une procédure ancillaire ne vaudrait la peine d’être menée que si la masse patrimoniale atteint au moins CHF 10’000.- (Rapport explicatif, p. 5).67 Voir Art. 3.2 Règlement européen; Marchand, Mélanges, p. 128. 68 Rapport explicatif, p. 13.69 Elle pourra notamment transférer les biens à l’étranger et intenter un procès (art. 174a II AP-LDIP), demander des informations, mener des actes

interruptifs de prescription ou encore intenter une action révocatoire en Suisse (Rapport explicatif, p. 14). 70 Article 174a AP-LDIP; Rapport explicatif, p. 6 et 12-13.71 Art. 174a AP-LDIP; Telles des obligations de faire rapport ou de présenter des comptes (Rapport explicatif, p. 13).72 Art. 170 III AP-LDIP.73 Rapport explicatif, p. 11-12.74 Mettant un terme à la question de savoir si l’article 170 II LDIP (délais qui courent dès la publication de la décision de reconnaissance) s’applique

également à l’action révocatoire (Rapport explicatif, p. 12).

directeurs pour préjudices causés aux créanciers75. La reconnaissance impliquera que la procédure de faillite à l’origine de la décision aura déjà été reconnue en Suisse, ou, si aucune procédure ancillaire n’est ouverte, la reconnaissance et l’exécution des déci-sions liées à la faillite pourra être demandée direc-tement par l’administration de la faillite étrangère76.

Enfin, l’avant-projet consacre de manière générale la coopération et la coordination entre les autorités et les organes impliqués dans plusieurs procédures présentant une connexité matérielle (Art. 174b AP-LDIP)77, tant lorsqu’une procédure ancillaire a lieu parallèlement à une procédure au lieu de la suc-cursale que lorsque plusieurs sociétés d’un même groupe sont touchées par des procédures de faillite en Suisse et à l’étranger78. Ce besoin de coordina-tion existe également dans le cas de procédures de faillite principales ouvertes en Suisse impliquant des procès de droit civil menés à l’étranger, afin d’éviter un deuxième procès en Suisse. Ainsi, avec le nouvel article 244a AP-LP, l’état de collocation mentionnera désormais non uniquement les créances litigieuses faisant l’objet d’un procès en Suisse au moment de

l’ouverture de la faillite suisse mais également celles faisant l’objet d’un procès à l’étranger dont l’issue est attendue dans un délai convenable79.

VI. CONCLUSION

Compte tenu du libre mouvement des capitaux et des activités transfrontières de nombreuses socié-tés, un réel besoin se faisait sentir de se rapprocher de la réalité économique, avec la théorie du siège effectif, et de faciliter la reconnaissance des faillites étrangères. L’avant-projet n’est pas une révolution mais il facilite tout de même la reconnaissance des décisions de faillite étrangères. Une meilleure coor-dination dans les cas d’insolvabilité internationale ne peut que favoriser le sauvetage de sociétés encore viables et maximiser la valeur des actifs du débiteur insolvable, ce qui est dans l’intérêt tant des débiteurs que des créanciers. L’Europe montre l’exemple, avec l’adoption d’un chapitre spécifique dans le règlement (CE) no 2015/84880 qui vise les procédures d’insol-vabilité des membres d’un groupe de sociétés81 et adopte une approche intégrée de la résolution des insolvabilités des membres du groupe.

75 Rapport explicatif, p. 15-16.76 Ibid., p. 16.77 Ibid., p. 15.78 Ibid., p. 15.79 Ibid., p. 16-17. 80 Règlement (CE) no 2015/848 disponible à l’adresse suivante: http://eur-lex.europa.eu/homepage.html. 81 Les groupes de société ne pouvaient jusqu’à présent être soumis au Règlement européen que par le biais d’une interprétation jurisprudentielle, par

exemple en localisant le centre des intérêts principaux des filiales dans l’Etat du siège social de la mère et d’y ouvrir alors la procédure principale. La Cour de Justice des Communautés Européennes a toutefois jugé qu’ «il ressort de cette définition que le centre des intérêts principaux doit être iden-tifié en fonction de critères à la fois objectifs et vérifiables par les tiers. Cette objectivité et cette possibilité de vérification par les tiers sont nécessaires afin de garantir la sécurité juridique et la prévisibilité concernant la détermination de la juridiction compétente pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale. […] Lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social, le simple fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement» (Arrêt de la CJCE (grande chambre) du 2 mai 2006, Affaire C-341/04, Eurofood IFSC Ltd).

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I. Contexte et évolution

Depuis plusieurs années déjà, les produits et les ser-vices qui se targuent d’indications de provenance suisses – tous domaines confondus – ont acquis une notoriété sans pareille aux yeux de consommateurs issus de toutes parts. Si cette réputation à l’échelle mondiale fait désormais la fierté des Suisses, celle-ci étant la preuve indéniable d’une rigueur d’esprit, d’un savoir-faire et d’une qualité certaine, cela ne va pas sans inconvénient. En effet, le «made in Switz-erland», la désignation «Suisse» ou «Swiss», la croix suisse, le Cervin, ou encore Guillaume Tell font vendre1 , et certains l’ont bien compris. Une étude de l’EPFZ a ainsi démontré que la valeur ajoutée des produits typiquement suisses pouvait s’élever jusqu’à 50% pour les produits de luxe et jusqu’à 20% pour les autres produits2. Cette tendance s’ob-serve, du reste, tant à l’étranger qu’en Suisse.

Or, si les consommateurs sont prêts à débourser des sommes plus conséquentes pour les produits suisses, encore faut-il que les labels sur lesquels ils se basent pour faire leurs choix soient fiables. Jusqu’à présent, les critères à respecter pour obtenir cette appellation étaient certes restrictifs, mais pas suffisamment.

Ceci explique une augmentation des comporte-ments frauduleux visant à s’attribuer une indication de provenance suisse, contribuant ainsi à ternir la

qualité des produits et des services suisses, tant sur l’aspect économique que psychologique. Ceci a, d’ailleurs, conduit au dépôt de plusieurs interven-tions parlementaires3 et de plusieurs plaintes des milieux économiques et de consommateurs4.

Le Parlement a réagi en prenant l’initiative, au mois de juin 2006 déjà5, d’embrayer une réforme législa-tive pour pallier ce problème. De fil en aiguille, l’idée fit son chemin et le projet de législation «Swissness» fut adopté par le Parlement le 21 juin 2013. Suite à cela, quatre ordonnances d’exécution accompa-gnant la nouvelle législation ont été promulguées.

Le 2 septembre 2015, le sort du projet Swissness et de ses quatre ordonnances a été définitivement arrêté et leur entrée en vigueur a été fixée au 1er jan-vier 2017.

II. L’objectif

L’objectif de la législation Swissness consiste à ren-forcer la protection des indications de provenance «suisses» et de la croix suisse, tant au niveau na-tional qu’à l’étranger6, par le biais d’une révision de la Loi sur la protection des marques (ci-après: «N-LPM») et de la loi sur la protection des armoiries (ci-après: «N-LPASP»). En d’autres termes, le but est de sauvegarder la valeur attachée à une indication de provenance suisse et à la croix suisse, en établissant

1 FF 2009 7726.2 BOLLIGER Conradin, Produktherkunft Schweiz, Schweizer Inlandkonsumenten und ihre Assoziationen mit und Präferenzen für heimische Agrarer-

zeugnisse, Tagungsband der 18 Jahrestagung der Österreichischen Gesellschaft für Agrarökonomie, 2008.3 Voir not: Interpellation 05.3211 ZUPPIGER («Utilisation abusive de la croix suisse»), postulat 06.3056 HUTTER («Protection de la marque Suisse»),

postulat 06.3174 FETZ («Renforcer la marque Made in Switzerland»).4 Institut fédéral de la propriété intellectuelle, La nouvelle législation «Swissness»: contexte et objectif, 02.09.2015, p. 3, in: «https://www.ige.ch/filead-

min/user_upload/Swissness/f/Swissness_Contexte_et_objectif.pdf».5 FF 2009 7730. 6 FF 2009 7712.

«SWISSNESS»Pour la Commission de droit civil et administratif, Mes Niels Schindler et Clément Neveceral

des critères stricts d’utilisation de ces indications qui permettront de lutter efficacement contre toutes les utilisations abusives. Cette protection restera, en re-vanche, facultative. Ceux qui souhaiteront bénéficier, à titre promotionnel, des indications de provenance devront donc, à l’avenir, respecter les nouveaux cri-tères.

III. La nouvelle législation Swissness

A. Les composantes

Le projet Swissness, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 20177, regroupe la révision partielle de la LPM (N-LPM) et la révision totale de la LPASP (N-LPASP)8.

Ces révisions sont complétées par quatre ordon-nances de mise en œuvre:

1. La révision de l’ordonnance sur la protec-tion des marques (ci-après: «N-OPM», RS 232.111), en lien avec l’art. 48c N-LPM (cf. annexe I).

2. La nouvelle ordonnance sur l’utilisation de l’in-dication de provenance «Suisse» pour les den-rées alimentaires (OIPSD), en lien avec l’art. 48b N-LPM (cf. annexe II).

3. La nouvelle ordonnance sur le registre des indi-cations géographiques et appellations d’ori-gine pour les produits agricoles, en lien avec

l’art. 50a N-LPM (cf. annexe III).

4. La nouvelle ordonnance sur la protection des armoiries de la Suisse et des autres signes pu-blics (OPAP), qui réglera les modalités d’exé-cution de la N-LPASP (cf. annexe IV).

B. Les principales nouveautés

Le cœur du projet Swissness est constitué principa-lement de deux éléments: d’une part, de nouveaux critères précis régissant la provenance géographique des produits et des services, en fonction de diffé-rentes catégories, sont insérés dans la N-LPM (art. 48 à 49a N-LPM). D’autre part, l’utilisation de la croix suisse à des fins de marketing pourra, dorénavant, être apposée sur des produits suisses (not. art. 10 et 11 N-LPASP).

C. Les catégories de produits et leurs critères S’agissant des produits, ceux-ci seront désormais classés en trois catégories et les critères permettant l’utilisation une indication de provenance varieront en fonction de ces catégories.

La première catégorie est celle dite des «produits naturels»9 (art. 48a N-LPM). Pour cette catégorie, le critère de base est celui du lieu de développement et de culture. Ainsi, pour les végétaux, le lieu récolte est déterminant; pour les minéraux, le lieu d’extrac-tion; pour les poissons, au lieu de l’élevage; pour la viande, au lieu où les animaux ont passé la majeure partie de leur existence.

7 Cependant, Swissness déploiera tous ses effets à partir du 1er janvier 2019 seulement, un délai transitoire de deux ans ayant été mis en place.8 Conseil fédéral, Rapport explicatif relatif aux droits d’exécution «Swissness», Quatre ordonnances du Conseil fédéral liées à la révision de la loi fédé-

rale sur la protection des marques et des indications de provenance et de la loi fédérale pour la protection des armoiries publiques et autres signes publics, 20.06.2014, p. 3, in: «https://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/2549/0_Introduction%20explicative_Rapport_FR.pdf».

9 Au sens de l’art. 52b lit. b N-OPM, il s’agit des produits qui sont directement issus de la nature et qui ne sont pas transformés avant d’être mis en circulation.

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La deuxième catégorie est celle des «denrées ali-mentaires»10 (art. 48b N-LPM et OIPSD).

Le critère permettant d’obtenir une indication de provenance est défini en ces termes à l’art. 48b al. 2 N-LPM et art. 3 ss OISPD: «[l]a provenance d’une denrée alimentaire correspond au lieu d’où pro-viennent au moins 80 % du poids des matières pre-mières qui la composent. Pour le lait et les produits laitiers, cette proportion s’élève à 100 % du poids du lait qui les composent». Le poids des matières premières est donc déter-minant. Il faut donc que plus de 80% des matières premières qui composent la denrée proviennent de Suisse. Pour les produits laitiers, la part de lait qui compose le produit doit être du lait suisse à 100%.Néanmoins, des précisions et des adaptations à ce principe sont prévues (art. 48b al. 3 et 4 N-LPM). En effet, encore faut-il savoir quelles matières premières et dans quelles proportions celles-ci devront être prises en compte dans le calcul du pourcentage. Ainsi, ne sont pas pris en compte, dans le calcul des 80%, par exemple, les produits naturels qui ne peuvent être produits au lieu de provenance en rai-son des conditions naturelles et les produits natu-rels qui ne sont temporairement pas disponibles en quantité suffisante au lieu de provenance (art. 48 al. 3 N-LPM). Il ne sera donc pas possible d’apposer l’indication «fromage suisse» sur un fromage qui a été fabriqué en suisse, mais avec du lait étranger (même en partie)11.

Par ailleurs, la proportion des matières premières prise en compte dans le calcul des 80% variera en fonction du taux d’auto-approvisionnement des matières premières pour chaque denrée (art. 48b al. 4 N-LPM). En conséquence, «[s]ont obligatoire-ment prises en compte dans le calcul prévu à l’al. 2 toutes les matières premières pour lesquelles le taux d’auto-approvisionnement en Suisse est d’au moins 50 %. Les matières premières pour lesquelles ce taux se situe entre 20 et 49,9 % ne sont prises en compte que pour moitié. Les matières premières pour lesquelles le taux d’auto-approvisionnement est inférieur à 20 % peuvent être exclues du calcul» (art. 48b al. 4 N-LPM).

Ainsi, lorsqu’une denrée alimentaire est constituée d’un produit naturel qui ne peut être produit en Suisse que de manière limitée (tel que certains fruits), cette matière première ne sera pas prise en compte dans le calcul du pourcentage du poids de la den-rée si le taux d’auto-approvisionnement est inférieur à 20%.

Enfin, la troisième catégorie est celle des «produits industriels»12 (art. 48c N-LPM et art. 52a ss N-OPM).

Le critère permettant d’apposer une indication de provenance est précisé par l’art. 48c N-LPM: «[l]a provenance des autres produits, notamment indus-triels, correspond au lieu où sont générés au moins 60 % de leur coût de revient».

Cela signifie que, à l’avenir, «[t]ous les coûts de fabri-

10 Par renvoi de l’art. 48b al. 1 N-LPM, la définition se trouve à l’art. 3 de la loi sur les denrées alimentaires (LDAI, RS 817.0). Il s’agit des produits nutritifs destinés à la constitution et à l’entretien d’un organisme humain qui ne sont pas des médicaments.

11 Institut fédéral de la propriété intellectuelle, La nouvelle législation «Swissness»: principales nouveautés, 02.09.2015, p. 2, in: «https://www.ige.ch/fileadmin/user_upload/Swissness/f/Swissness_Principales_nouveautes.pdf».

12 Au sens de l’art. 52b lit. a N-OPM, il s’agit de «tous les produits qui n’appartiennent ni à la catégorie des produits naturels, ni à celle des denrées alimentaires, en particulier les produits industriels».

cation (matières premières et mi-ouvrées, pièces dé-tachées, salaires liés aux produits et frais généraux), ainsi que les coûts de recherche et de développe-ment, de même que ceux liés à l’assurance qualité et à la certification sont désormais pris en considé-ration dans le calcul»13 , sous réserve d’adaptations similaires à celles prévues pour les denrées alimen-taires (art. 48c al. 2 et 3 N-LPM).

On observe ainsi que pour les produits naturels transformés, c’est-à-dire les denrées alimentaires et les produits industriels, trois éléments doivent être réunis14:

1. L’activité donnant au produit ses caractéris-tiques essentielles doit avoir lieu en Suisse (fabrication, transformation, assemblage, re-cherche et développement).

2. Un lien physique réel entre le produit et terri-toire suisse doit exister.

3. Un pourcentage minimum des éléments com-posant le produit ou des activités ayant contri-bué à lui donner sa valeur doivent provenir de Suisse.

D. Les services

S’agissant des services, l’art. 49 N-LPM pré-voit qu’une entreprise peut proposer des services «suisses», pour autant qu’elle ait son siège en Suisse et qu’elle soit réellement administrée depuis la Suisse.

Les critères sont donc cumulatifs et non plus alter-natifs.

E. Les registres géographiques

Comme il a déjà été mentionné, la protection confé-rée actuellement par la LPM et la LPASP, tant au ni-veau national qu’international, est quasiment inexis-tante.

Or, une des nouveautés introduites par le projet Swissness consiste à corriger ce déficit en instaurant un registre national des indications géographiques pour les produits non agricoles15 et les marques géo-graphiques16 (art. 50 a N-LPM).

Ainsi, il sera possible d’enregistrer (sur une base vo-lontaire et facultative des utilisateurs) les différentes indications de provenances et les marques géogra-phiques qui seront conformes aux critères définis par les art. 48a à 49 N-LPM, en fonction de la catégorie à laquelle le produit appartient.

Ce registre renforcera ainsi la protection des pro-ducteurs en instaurant une reconnaissance et une protection officielles des lieux et des marques géo-graphiques inscrits en lien avec un produit17.

Ce registre fera donc office de base de données fiable sur laquelle n’importe quel juge pourra se fon-der pour trancher un litige, car chaque indication de provenance correspondra à un titulaire bien précis,

13 Cf. note 17, p. 2 et 3. 14 FF 2009 7731. 15 Les produits agricoles, les produits agricoles transformés, les vins, les produits sylvicoles et les produits sylvicoles transformés pouvant déjà être

enregistrés auprès de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). 16 A titre d’exemple de lieux ou de marques géographiques: les appellations d’origine et les indications géographiques inscrites dans un registre fédéral

(«AOP/IGP» ou «Gruyère» pour le fromage), les appellations viticoles reconnues par les cantons (p. ex. «Epesses» dans le canton de Vaud) et les indications de provenance faisant l’objet d’une ordonnance du Conseil fédéral (p. ex. pour les montres tel que «Genève»).

17 FF 2009 7733.

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mais aussi à une catégorie, ce qui facilitera considé-rablement la mise en œuvre du droit et le contrôle du respect des critères, en cas d’usurpation18. Enfin, à cette protection s’ajoute encore un renver-sement du fardeau de la preuve (art. 51a N-LPM). Désormais «[l]’utilisateur d’une indication de prove-nance [devra] prouver que celle-ci est exacte». Or, ce principe, couplé avec une inscription au registre des indications de provenance, consolidera ce système de protection, tant au niveau national qu’internatio-nal, car une fois l’inscription opérée, la démonstra-tion de l’exactitude de l’indication ne sera qu’une formalité.

F. Croix suisse

Une refonte de la LPASP a aussi été effectuée afin de gommer la législation actuelle qui interdit l’usage de la croix suisse pour les produits commerciaux suisses, alors qu’elle est autorisée pour les services.

C’est pourquoi la nouvelle législation autorisera l’usage de la croix suisse à des fins de commercia-lisation pour tous les produits suisses qui respec-teront les critères fixés aux art. 48a à 49 N-LPM, et pour autant que cela n’induise pas en erreur le consommateur (art. 10 N-LPASP)19. Pour finir, l’usage officiel des armoiries suisses res-tera réservé aux collectivités (art. 8 al. 1 N-LPASP). Il pourra, néanmoins, être utilisé à titre décoratif par les particuliers (art. 8 al. 3 N-LPM).

IV. Conclusion

Dans son ensemble, cette révision qui consistera, non seulement à conserver, mais aussi à renforcer l’image des produits et des services suisses doit donc être saluée. En effet, si les produits et les ser-vices suisses sont si attractifs tant au niveau natio-nal qu’international, c’est parce qu’ils représentent, pour les consommateurs, des valeurs fiables; et cela doit rester ainsi.

C’est pourquoi la nouvelle législation Swissness de-vrait être bien accueillie, tant par les consommateurs – celle-ci augmentant considérablement la transpa-rence vis-à-vis des produits et des services – que par les producteurs, grâce notamment à l’instaura-tion d’un registre des indications et marques géogra-phiques qui leur permettra de mieux défendre leurs droits devant les tribunaux, en cas d’abus.

En revanche, cette révision risque de déplaire à cer-taines entreprises qui n’ont pas leur siège en Suisse ou encore à celles dont les produits sont à la limite des pourcentages requis et qui ne pourront pas se permettre d’augmenter leurs coûts de production pour des raisons d’économie d’échelle.

En effet, le prix des matières premières suisses étant plus élevé que celles provenant de l’étranger, il sera parfois difficile de se résoudre à choisir un fournis-seur local dans le seul but de garder ou d’acquérir une indication de provenance.

Les enjeux sont donc conséquents pour certains producteurs, mais aussi pour les consommateurs qui risquent de voir le prix de certains produits, voire de certains services, majoré en raison de la réper-cussion de l’augmentation des coûts de production.

18 Cf. note 17, p. 3 et 4. 19 Cf. note 17, p. 4.

Sublime

Elle était sublime.

Son teint immaculé et innocent encerclait ses lèvres vermeilles, alors que ses yeux bleus de soie laissaient transparaître la candeur de l’aube.

Ses cheveux étendus couleur ébène évoquaient quant à eux les charmes de l’Ancien Monde.

Elle se tenait làNue Reposant sur un fond ténébreux qui esquissait son inaudible beauté.

Elle s’avança vers moi pour effleurer mon visage de ses doigts argentins.

Elle me susurra: Suis-moi…

C’est alors qu’elle se retourna et disparut dans l’obsurité.

Je me trouvai désormais seul dans mon alcôve mauresque.

Une porte s’ouvrit laissant pénétrer une lumière ambrée que je me rési-gnai à suivre.

Apeuré, mais néanmoins curieux, j’abordai un abon-dant jardin…Son jardin.

Il était tard et le soleil émergeait mièvrement.

La bataille qui opposait les mérovingiens1 aux thermophiles indiens venait de s’achever au sommet du Kolonos et laissait flotter dans l’air un parfum de souffre.

Je parvins à grand-peine à me frayer un chemin dans un épais feuillage de fougères… bien touffffu

et c’est à ce moment-là

qu’un escargot empli d’orgueil dans son armure de pop-corn me coupa la route.

Il glissait, glissait à toute allure sur son cartable de pelures de tomate et se dirigeait inexorablement vers la flaque d’eau où siégeait menaçantun rorqual en compagnie de sa baleine globicéphale.

PLAIDOIRIE PRÉSENTÉE À L’OCCASION DU CONCOURS INTERNATIONAL DE PLAIDOIRIES SURRÉALISTES DU 14 JANVIER 2016 À BRUXELLESMe Andrea Höhn, deuxième lauréat du Concours

1 Les dix mots en gras dans le texte étaient imposés aux candidats du Concours qui devaient les placer dans le discours. Ceux-là avaient le choix entre dix listes de dix mots imposés.

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A l’orée de cette fin tragique qui le guettait, je lui criai:«Saute! Ça ne te protège pas!!».

Insensible à cette recommandation, l’escargot fut happé par la funeste flaque d’eau.Et on ne revit jamais plus… l’escargot

Sylvain: «Driiiing Driiiiiing – Driiiing Driiiiiiing»

Je me précipitai alors dans le baobab pour décro-cher le télephone.- allô? Pas de réponse…- allô?

Soudain, un homme se mit à taper violemment contre la vitre du baobab.

Cheveux gomminés, parfum de supermarché,imaginez le croisement parfait entre Eddy Mitchel et Casimir

DIKKENEK! Ou tu sors ou j’te sors mais faudrait prendre une décision!

Vous l’aurez compris: un homme chic, distingué et non moins courtois.

Il m’indiqua alors qu’un groupe de malfrats venaient de lui voler sa voiture avec septante-mille balles dans la boîte à gants Boîte à gants quiEtait restée dans la voiture…

Faisant preuve d’empathie, je lui cédai ma place dans le baobab.

Après une conversation houleuse, il me confia le dilemme auquel il était confronté.

Chevaucher un cheval ou chevaucher une truie?Lequel le mènera le plus rapidement aux malfrats?

Bah.. La truie ! Elle est si rose…

Fort de ce conseil, il monta la truie et s’en alla, tambour battant, en direction de l’ouest.

Malheureusement, la cuisse droite de la susnommée se perça, laissant s’échapper un gaz létal qui causa la perte de notre cher Claudie.

Fiiiichtre! me dis-je, la culpabilité au veeeentre.C’était une truie d’occasioooon.Comment ai-je pu passer à côté?!

Non loin de là, une chouette antipathique avait guet-té la scène et commença à aboyer violemment.

Elle était verte et me tenait pour responsable de la disparition de son cousin, Claudie LeFaucon.

Ses cris alertèrent les gardiennes du jardin, deux biquettes vêtues de cuir,

nommées Sodome et Gomorrhe, qui, munies de leur gourdin me prirent en chasse.

Souhaitant éviter tout problème d’incontinence, je pris mes jambes à mon cul.

Au bout de cette course acharnée, je me retrouvai aux pieds du Mont Atlas et, dans un tumulte désepéré, j’amorçai son escalade.

Je parvins ainsi à échapper à Sodome et Gomorrhe qui préférèrent rebrousser chemin plutôt que de laisser choir leur gourdin.

Ma quête du sommet dura trois jours et je fus bientôt saisi d’une soif Incommensurable.

Une soif rouge.

C’est alors que sur le sentier de la soif, j’aperçus à quelques paumes de là la femme aux cheveux ébène.

Etait-ce un mirage?

Non ! c’était bien elle montée d’un chignon cette fois.

A la fois languissante et irritable,Elle était légèrement courbée, et cueillait lascivement

les fruits défendus de l’orangerie comme on le ferait un après-midi d’été brûlant.

Sa croupe plantureuse n’avait d’égal que la trajec-toire de ses anses opulentes.

Elle fredonnait au rythme du ruissellement du ciel qui coulait sur ses mains.

Fragile et vulnérable.

Tout en elle n’était que douceur et voluptéTout en elle invitait au désirTout en elle suggérait qu’on paralyse l’horloge du temps pour s’ennivrer du breuvage qui fuyait de ses lèvres néréides.

Je l’avais trouvée Elle, mon phylactère émeraudepour ne plus jamais la laisser s’enfuir.

Ensemble, nous poursuivîmes le sentier au goût de miel jusqu’au sommet

Où rayonnait un tournesol céleste pressé de re-prendre l’écriture du Sefer Torah Qu’un riche mécène lui avait commandé.

SublimeElle était sublime

La TRUIE!

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N° 62 - mars 2016 51N° 62 - mars 2016 50

ADMISSIONS À L’ORDRE DES AVOCATS

SÉANCE D’ADMISSION DU 8 OCTOBRE 2015

Avocats Etude

Gevorg CHAKMISHIAN* LexLab

Guillaume CHOFFAT Etude de Me Anne Reiser

Marie DIDIERLAURENT* Etude de Me Marie Didierlaurent

Patrice LEFÈVRE-PÉARON* JEANTET SUISSE

Aline HENRION-CHARDON* JEANTET SUISSE

Valériane OREAMUNO* Lalive

Anne SINGER* Lenz & Staehelin

Cristina VALENTI* Lenz & Staehelin

Catherine WENIGER Schellenberg Wittmer SA

* membre de la Section des avocats de barreaux étrangers de l’Ordre (SABE)

Avocats stagiaires Etude

Egzona AJDINI Bottge & Associés

Yasmine AL-KHUDRI Rivara Wenger Cordonier & Aubert

Roxane ALLOT Jacquemoud Stanislas

Lea BARACCHINI BCCC Avocats Sàrl

Amin BEN KHALIFA Picot, Street & Associés

Patrick BOLLE SLRG Avocats

Carolina CASTRONUOVO OHER & Associés

Andréas CONUS Lenz & Staehelin

Elodie CORVARO Notter, Mégevand & Associés

Célia CHAMBORDON Picot, Street & Associés

Ludivine DELALOYE Ducrest Heggly Avocats LLC

Delphine DEVAUX Canonica & Associés

Diego DUGERDIL Chabrier Avocats SA

Hector ENTENZA Lalive

Serife GOCMEN Briner & Brunisholz

Steve GOMES Briner & Brunisholz

Luka GROSELJ Schellenberg Wittmer SA

Célian HIRSCH CMS von Erlach Poncet SA

Coraline JENNY Lenz & Staehelin

Nadia Bess LEONOR OHER & Associés

Thibaud MATTHEY-DE-L’ENDROIT BAZ Legal

Antony NILSVANG Avocats Ador & Associés SA

Alice PARMENTIER Mangeat Avocats Sàrl

Julien PRONTERA Kaiser Böhler

Yolande QUINCIEU Barth & Patek

Maude RIEDO Merkt & Associés

Jenna RUBERTI Lalive

Nina SEPE Poncet Turrettini

Alexandra YÉTÉRIAN Python & Peter

SÉANCE D’ADMISSION DU 4 FÉVRIER 2016

Avocats Etude

Aurélien ASSO* Lenz & Staehelin

Carlo CECCARELLI Chabrier Avocats

Laura HALONEN* Lalive

May-Si HAU Meyerlustenberger Lachenal Avocats

Hikmat MALEH Lenz & Staehelin

Tomás Navarro BLAKEMORE* Froriep

Jean-René OETTLI Lenz & Staehelin

Nicolas PELLATON Pestalozzi Avocats SA

Carla PYTHON Python & Schifferli

Liza SANT’ANA LIMA* Sant’Ana Lima Avocats Internationaux

* membre de la Section des avocats de barreaux étrangers de l’Ordre (SABE)

Avocats stagiaires Etude

Nathalie ADANK Lenz & Staehelin

Olivier ADLER Banna & Quinodoz

Butrint AJREDINI Meyer & Zehnder

Josef ALKATOUT Etude de Me Anne Reiser

Viktor ANASTASOVSKI Capt & Wyss

Charles ARCHINARD Etude Emery & Ribeiro

Anne Laure BANDLE Froriep

Tano BARTH Merkt & Associés

Nora BATTISTI Schellenberg Wittmer SA

Luc-Alain BAUMBERGER SJA Avocats SA

Alice BERTHOLON Tribunal de première instance

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N° 62 - mars 2016 53N° 62 - mars 2016 52

Matthias BOURQUI BCCC Avocats Sàrl

Clément BOUVIER Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant

Guillaume BRAIDI Lenz & Staehelin

Julie BRANDT de Pfyffer Avocats

Dayenne BRITO Wasmer Avocats

Hélène BRUDERER Lenz & Staehelin

Julien BUGNA Morvan & Fabjan, avocats immobilier

Valentine BULLIARD CMS von Erlach Poncet SA

Vlora BYTYQI Pyxis Law

Angela CARVALHO Tribunal de première instance

Tomoé Céline CASTELLO Kooger & Mottard

Christophe CAVIN Lenz & Staehelin

Emmanuelle CHMELNITZKY Budin & Associés

Hannah CIPRIANO-FAVRE Meyerlustenberger | Lachenal Avocats

Ada COLELLA Etude de Me Pietro Rigamonti

Caroline DELADOEY Barth & Patek

Tazio DELLO BUONO BMG Avocats

Barnabas DENES BRS Avocats

Olivier FAIVRE Bonnant Warluzel & Associés

Yannick FERNANDEZ Borel & Barbey

Déborah GRÉAUME Budin & Associés

Nicolas GUIRAMAND Poncet Turrettini

Julia HENNINGER Lenz & Staehelin

Garance HUGNENIN-VIRCHAUX de Weck Zoells Kobel

Emilie Jacot-GUILLARMOD Lenz & Staehelin

Christelle JOLIVET RVMH

Toni KERELEZOV Bürgisser Avocats

Philippe KOHLER Borel & Barbey

Elizabeth KUMLI Broto & Crisante

Matthias LANZONI Lenz & Staehelin

Francesco LA SPADA Vecchio Avocats

Sandra LOCHMATTER Wasmer Avocats

Camille LOUP Perréard de Boccard SA

Gabriella MANGHI Service de protection de l’adulte

Alejandro MANIEWICZ WINS Lenz & Staehelin

Raphaël MENETTRIER DE JOLLIN Etude de Me Jean-Marie Crettaz

Paul MICHEL FBT Avocats SA

Kaveh MIRFAKHRAEI Tavernier Tschanz

Sophie MONTALCINI Gros & Waltenspühl

Laureen MORET 100 Rhône Avocats

Yann MOYNAT Stauffer & Associés

Alix MUHEIM Schellenberg Wittmer SA

Frédéric NEY DGE Avocats

Arnaud NUSSBAUMER Lenz & Staehelin

Youmna OSTA GVA Law

Lena PHILLOT Tribunal des mineurs

Laure-Lye PILLONEL Meyerlustenberger | Lachenal Avocats

Laurine ROCHAT Canonica Valticos de Preux + Associés

Valentin ROTEN Baker & McKenzie

Félise ROUILLER Bär & Karrer

Thomas ROULLET Altenurger LTD legal + tax

Maxime STAUB Des Gouttes & Associés

Alexandre STEINER Bär & Karrer

Marie STENGER Froriep

Gemma TAKACS-NAGY Ming Halpérin Burger Inaudi

Audrey TASSO Borel & Barbey

Federico TRABALDO TOGNA Canonica Valticos de Preux + Associés

David VASS Velo Villa & Associés

Fabienne VAZQUEZ SFM Avocats

Romain WAVRE MBLD Associés

Catherine ZBAEREN Vecchio Avocats

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