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Novembre 2012 Vins et spiritueux La lettre n°3 Table des matières Édito 2 Valorisation de la marque viticole et des plantations 3 Alternatives à la transmission de l’entreprise viticole 5 Les contrats dérogatoires au statut du fermage 10 La flavescence dorée de la vigne 14 Les accises, qu’est-ce que c’est ? 16

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Novembre 2012

Vins et spiritueuxLa lettre n°3

Table des matières

édito 2

Valorisation de la marque viticole et des plantations 3

Alternatives à la transmission de l’entreprise viticole 5

Les contrats dérogatoires au statut du fermage 10

La flavescence dorée de la vigne 14

Les accises, qu’est-ce que c’est ? 16

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édito par Arnaud Agostini, Associé

Nous avons aujourd’hui le plaisir de vous présenter la troisième livraison de notre lettre "Vins et Spiritueux".

Cette livraison illustre, nous l’espérons, notre souhait de vous fournir une information diversifiée aussi bien sur des sujets techniques (voir l’article sur la flavescence dorée) que sur toutes les règles, contraintes et évolutions de l’environnement dans lequel évolue la filière Vins et Spiritueux.

A cet égard, gageons que l’évolution de la conjoncture économique, les modifications de règlementation qui en découlent, aussi bien que l’évolution technique, nous donneront régulièrement matière à articles dont nous souhaitons qu’ils vous apportent des informations intéressantes et utiles à l’exercice de vos activités.

Dans cet esprit, notre projet est bien sûr de combiner au mieux vos demandes d’articles de fond et d’articles d’actualité vous permettant aussi d’avoir des informations fiables sur les évolutions récentes.

Nous voudrions aussi, afin que cette lettre « Vins et Spiritueux » soit un véritable lien entre vous et nous, vous inciter à nous faire des retours quant à vos appréciations ou bien tout simplement quant aux thèmes que vous aimeriez que nous traitions.

Bonne lecture de cette troisième édition de notre lettre « Vins et Spiritueux »

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1Vins et spiritueux – La lettre N°3

Valorisation de la marque viticole et des plantationsla série Clarence Dillon, suite et fin ?

Nous avons antérieurement, dans la lettre « Vins et Spiritueux » n°1, attiré l'attention sur l'important arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux du 27 avril 2010 (SA DOMAINE CLARENCE DILLON - CA Bordeaux – 3°chambre, 27 avril 2010, n° 08BX00116), laquelle avait jugé qu'une marque viticole constitue un élément autonome de l'actif et doit, en tant que tel, être évaluée.

Au cas particulier, la Cour en déduisait corrélativement que la valeur d’une plantation, et donc notamment la base de son amortissement, ressortait à 30.500 €/hectare.

Nul n'est besoin d’insister :• sur les multiples implications de cet arrêt

qu’il s’agisse de la fiscalité des bénéfices, des droits d'enregistrement et des plus-values,• sur les légitimes interrogations qu’il a

soulevées.

Ces interrogations sont pendantes et ce n’est pas le dernier arrêt rendu par le Conseil d’État dans cette affaire qui permettra de les taire.

En effet, par un arrêt en date du 2 novembre 2011 (Conseil d'État, 10e et 9e sous-section, 2 novembre 2011 n° 340969, SA Domaine Clarence Dillon), le Conseil d'État saisi du recours en cassation contre l’arrêt de la Cour d'Appel de Bordeaux mis un terme définitif au litige opposant la société Clarence Dillon à l’administration fiscale, à tout le moins devant les juridictions nationales.

La série CLARENCE DILLON prend donc fin mais quelle est exactement cette fin ? et que contient exactement l’arrêt du Conseil d'État ?

Le Conseil d'État valide définitivement et en l'état les principes posés antérieurement par les diverses décisions de justice antérieurement rendues dans cette affaire.

Il en résulte notamment :•que la marque viticole attachée à un

domaine (marque domaniale par opposition à marque commerciale) est un élément incorporel non amortissable qui doit, en tant que tel, être comptabilisé à l'actif de son acquéreur (dans le cas des marques acquises),• que la détermination de sa valeur

d’acquisition, et donc d’inscription au bilan, peut être faite soit par évaluation directe, soit par différence,• que, dans l'impossibilité de réaliser une

évaluation directe, seule l’évaluation par différence peut être appliquée laquelle aboutit à valoriser la marque en soustrayant du coût total d'acquisition de l'exploitation, le prix d'acquisition des éléments d'actif, tant corporels qu'incorporels, dont le coût est connu et au rang desquels figurent les plantations,• que la valorisation des plantations doit être

faite par référence au prix d’acquisition de ces plantations, augmenté des coûts annuels d'entretien des trois années ultérieures.

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VALORISATION DE LA MARQUE VITICOLE ET DES PLANTATIONS

2 Vins et spiritueux – La lettre N°3

De l’ensemble de ces principes, le Conseil d’Etat retient une valeur de plantation/hectare ressortant à 89.600 €, soit :• le coût de la plantation initiale (32.000 €déterminésparréférenceàdes données statistiques professionnelles et sur lequel il n’y avait, au cas particulier, pas de débat entre les parties),• augmenté des coûts d’entretien

annuels sur les trois années suivant la plantation, ces coûts étant évalués à 60 %/an du coût initial à défaut d’éléments probants permettant de retenir une valeur plus élevée, ce pourcentage étant fixé par la Haute Juridiction en raison du fait que l’entretien des terres du domaine La Mission Haut-Brion suppose des nécessités accrues de main d’œuvre.

Une vision optimiste de cet arrêt conduirait à constater que là où la Cour Administrative d'Appel de Bordeaux avait retenu une valeur de plantation plus faible, le Conseil d'État, sur la base d'éléments qu’il qualifie d'objectifs et de démontrés :• porte cette valeur à 89.600 €/hectare,• édicte une règle pouvant présenter une

garantie de sécurité juridique.

Mais, dans le même temps, on ne saurait ignorer que nombre de domaines ont, sur la base d’une analyse économique, comptable et fiscale différente, retenu une valeur de plantation bien supérieure s’exposant de facto à des redressements de la part de l’administration fiscale : ce que nous constatons, dès aujourd’hui, dans notre pratique professionnelle.

On peut être étonné que le Conseil d'État valide la méthodologie initialement retenue par la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX, car il résulte de cette méthodologie que la valeur vénale d'un bien (la plantation) serait déterminée par son coût

d’acquisition, coût d'acquisition établi sur une durée de quatre années.

Or, il n’est pas contestable que ces deux notions (valeur vénale et coût d’acquisition) sont fort éloignées l’une de l’autre, et ce a fortiori dans un environnement légal et réglementaire –la nouvelle réglementation sur les actifs– où un élément d’actif, et subséquemment sa valorisation, doit être identifié et valorisé en considération des flux futurs attendus.

De fait, lorsqu'une entité acquiert des plantations en pleine maturité, elle est d'ores et déjà en mesure avec ce « matériel végétal » de produire un « grandvin»etdoncdefairel'économiedes huit années communément admises comme étant la période de croît de la plantation ; il paraîtrait donc que l’économie ainsi réalisée confère à la plantation acquise, s'agissant de la définition des flux futurs attendus, une valeur objective supérieure à celle de leur coût d'acquisition. Telle était d’ailleurs la thèse de la requérante devant le Conseil d’État.

Le Conseil d’État a-t-il définitivement écarté la pertinence d’un tel raisonnement dans son arrêt du 2 novembre 2011 ?

La réponse nous paraît négative.

En effet, si le juge écarte l’argumentaire de la requérante, c’est au motif que cette dernière a procédé une évaluation des flux futurs attendus en se référant notamment à ses prix de vente de vins sur la période 2004-2007 ; et le Conseil d’État écarte la pertinence de la méthode « compte tenu à la fois du trop grand écart temporel, de près de vingt ans, entre les valeurs de référence et les années en litige, de la grande variabilité des prix des vins, et des conséquences par suite excessives du choix d’un taux d’actualisation dont le dossier ne permet pas de justifier le bien fondé… »

Le juge ne paraît donc pas écarter par principe une évaluation qui serait fondée sur une méthode différente de celle retenue par la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX.

Pour autant, l’administration est désormais en position de force même si l’arrêt du Conseil d’Etat la contraint à réviser relativement à la hausse la valorisation des plantations. Les rectifications qu’elle a déjà entreprises vont continuer à prospérer.

Ceci étant, l'arrêt du Conseil d'État n’est que la clôture de la série CLARENCE DILLON et, comme on vient de le souligner, la possibilité de déterminer une méthode d’évaluation autonome de la marque reste ouverte.

Pour conclure

On ne saurait tirer de cet arrêt la conclusion que, pour un domaine viticole exploitant un grand cru, l'acquisition de terres plantées en vignes aboutit à distinguer, dans le prix d’acquisition :• une marque à hauteur de 20 %,• des plantations à hauteur de 40 %,• des terres à hauteur de 40 %.

Une telle règle serait certes pratique mais, outre le fait qu’elle serait fiscalement pénalisante, elle ne refléterait pas la réalité économique.

Le champ de la réflexion est donc ouvert et il convient désormais de définir une méthode autonome (par opposition à la méthode par différence) de valorisation de la marque.

Ce sera a priori la seule façon de faire évoluer la jurisprudence.

Thierry Droulez Directeur

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La transmission d’entreprise viticole a toujours été un sujet sensible surtout dans certaines régions où la valeur du patrimoine viticole est très élevée et, de ce fait, nécessite non seulement une réflexion en termes d’optimisation fiscale mais crée bien souvent des discussions familiales entre héritiers exploitants et héritiers souhaitant rendre liquide leur capital.

Le sujet de la transmission est un sujet d’autant plus d’actualité que la population viticole vieillit.

Ainsi, si l’on se rapporte aux statistiques de la DRAAF (Direction Régionale de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt) rapportées dans le numéro du mois de mai 2012 de l’Union Girondine, près de 71 000 hectares de vignes, situés dans la région bordelaise, devraient changer de mains et de tête d’ici 10 ansetcelaconcerneraitles3000girondinsde plus de 50 ans, pour lesquels la question de la succession commence à se poser.

Dans la plupart des autres régions viticoles, la tendance est peu ou prou identique.

La transmission de l’entreprise viticole n’est plus seulement un enjeu familial mais devient un véritable enjeu économique pour la filière. A défaut de solution de transmission, un certain nombre d’exploitations viticoles disparaîtra.

Les outils utilisés pour optimiser la transmission familiale, tels que les GFA, les baux à long terme, les donations-partages, les démembrements de propriété… sont aujourd’hui connus de tous.

Il ne nous a pas paru utile ici d’en faire une synthèse, ni d’aborder l’hypothèse de la transmission à des tiers dans le cadre d’une vente de l’entreprise viticole.

L’évolution du monde viticole, son adaptation et sa transformation, le changement de génération nous incitent à faire évoluer les structures et le capital des entreprises viticoles.

Dans ce cadre là, on voit ressurgir des GFA d’investissement jusque là mis en place avec plus ou moins de succès par des institutions financières mais également l’entrée d’investisseurs financiers au capital des entreprises viticoles.

Ces deux schémas (GFA d’investissement, entrée d’un investisseur financier au capital d’une entreprise) constituent, dans certaines hypothèses, non seulement l’opportunité pour l’exploitation viticole de recueillir des capitaux lui permettant les investissements nécessaires à son développement mais peuvent être également utilisés comme moyens de transmission des propriétés et entreprises viticoles.

Notre propos aura donc pour objectif de donner des axes de réflexion aux viticulteurs sur l’organisation de la transmission de leur entreprise : utilisation d’autres moyens que les moyens classiques, en utilisant d’autres schémas que les schémas traditionnels.

Alternatives à la transmission de l’entreprise viticoleLe GFA d’investissement et l’entrée d’un investisseur financier

3Vins et spiritueux – La lettre N°3

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ALTERNATIVES À LA TRANSMISSION DE L’ENTREPRISE VITICOLE

4 Vins et spiritueux – La lettre N°3

Le GFA d’investissementLe GFA d’investissement a longtemps constitué un produit financier vendu par des institutions financières louant les avantages fiscaux de ce placement.

Ce schéma consiste en effet à faire porter le foncier par des tiers acquéreurs de parts de GFA.

Le GFA n’est propriétaire en général que du vignoble, l’exploitant demeurant propriétaire de l’ensemble des bâtiments d’exploitation.

Le GFA consent un bail à long terme au profit de l’exploitant, moyennant un fermage payable en nature, de telle sorte que les associés du GFA reçoivent en guise de paiement du fermage des bouteilles de vin.

Les associés du GFA bénéficient des exonérations en matière d’ISF et de droits de mutation à titre gratuit attachées à la détention de parts de GFA et à l’existence d’un bail à long terme sur les biens ruraux appartenant au GFA.

Si les GFA d’investissement ont eu des succès inégaux du fait notamment de fermages trop élevés acceptés par les fermiers ou de conditions de sortie mal négociées entre détenteurs de parts de GFA et fermiers, ce type de GFA semble aujourd’hui retrouver une deuxième jeunesse et ne plus être abordé comme un simple outil financier ou de défiscalisation.

Bien évidemment, l’attrait fiscal de l’investissement est important pour le tiers acquéreur mais nous remarquons qu’en règle générale, il s’agit avant tout, pour le tiers, d’un investissement plaisir : devenir propriétaire viticole et constituer sa cave crée un sentiment d’appartenance à la propriété d’autant plus renforcé si cette acquisition est faite en parallèle d’une offre oenotouristique…

Pour l’exploitant, ce schéma peut lui permettre non seulement de récupérer des capitaux qu’il investira dans l’exploitation mais aussi de désintéresser ceux de ses associés qui souhaiteraient sortir de l’entreprise viticole et rendre liquide leur capital.

La réussite d’un tel projet nécessite toutefois de prêter une attention particulière à certaines questions.

La valorisation du foncier

Tout comme dans une cession d’entreprise, le vendeur devra déterminer le prix de vente des parts du GFA et donc la valeur des immeubles ruraux détenus par le GFA.

Il s’agit là d’une étape très importante pour le vendeur car ce prix doit non seulement être en cohérence avec le marché mais également permettre au vendeur d’amortir les frais liés à la mise en place de ce schéma.

Le vendeur aura dès lors tout intérêt à s’appuyer sur l’avis d’experts fonciers pour lui permettre de déterminer un prix conforme au marché, de telle sorte à limiter le risque d’échec dans la vente des parts du GFA.

Contrairement à une cession globale de l’entreprise au titre de laquelle s’engage une négociation financière entre un vendeur et un acquéreur, la cession de parts de GFA d’investissement se fera à un prix d’ores et déjà fixé et non négociable.

La mise en vente des parts de GFA pourra prendre différentes formes :•soit elle sera opérée directement par le

propriétaire, ce qui est envisageable si le nombre d’investisseurs est très limité et d’ores et déjà connu du viticulteur ;

• soit la vente pourra être confiée à un mandataire, auquel cas il conviendra d’être extrêmement prudent quant au respect des dispositions légales relatives à l’appel public à l’épargne.

En tout état de cause, s’agissant d’une société civile, il ne sera pas possible de procéder à une offre au public de titres financiers. Les parts de GFA devront être proposées à un cercle restreint d’investisseurs et l’utilisation de procédés commerciaux devra être utilisée avec la plus grande prudence.

Le fermage

L’exploitant paiera un fermage au GFA qui devra répondre à 2 intérêts contradictoires :•satisfaire l’investisseur sur la

rentabilité de son investissement « immobilier»,

• être économiquement supportable par l’exploitant.

Bien évidemment, le fermage devra être fixé dans le respect de l’arrêté préfectoral en vigueur dans la région en cause.

Le fermage sera payé, pour la plus grande partie, en nature mais également, pour une autre partie, en numéraire, de telle sorte que le GFA puisse faire face à ses charges financières annuelles (quote-part de taxes foncières, frais de comptabilité, etc.).

Les règles de calcul de conversion du fermage en nature devront être déterminées avec précision (en particulier, le prix de référence des bouteilles de vins livrées).

Une attention toute particulière devra également être portée à la comptabilisation du fermage dans les comptes de l’exploitant et dans ceux du GFA. Des conséquences comptables, financières et fiscales peuvent résulter des écarts qu’il peut y avoir entre la valeur « fermage » convenue pour calculer le quantum de bouteilles à livrer en paiement du loyer et le prix de vente desdites bouteilles par l’exploitant à ses clients.

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5Vins et spiritueux – La lettre N°3

ALTERNATIVES À LA TRANSMISSION DE L’ENTREPRISE VITICOLE

De la même façon, la documentation juridique concernant le GFA devra être rédigée de telle sorte que la distribution des résultats en nature soit permise et que les règles de calcul de la conversion de la distribution en numéraire en une distribution de bouteilles soient clairement établies.

La difficulté sera notamment de garantir aux investisseurs, propriétaires de parts de GFA, une distribution à peu près linéaire tous les ans du fait des règles sociales soumettant la distribution des résultats à la décision de l’assemblée générale annuelle.

Là également une attention toute particulière devra être portée à la comptabilisation de cette distribution de résultats en nature.

Autres points de vigilance

La mise en place d’un GFA d’investissement suppose non seulement de déterminer très clairement les règles et conditions d’entrée et de fonctionnement du GFA, mais également de prévoir les conditions de sortie des investisseurs.

En effet, certains de ces investisseurs poseront très certainement la question des conditions de leur sortie du GFA, question à laquelle il conviendra de pouvoir apporter des réponses satisfaisantes.

Dans le cadre de structures mises en place par des institutions financières, les conditions de sortie sont généralement d’ores et déjà prévues notamment en ce qui concerne le prix de sortie.

En ce qui concerne les GFA d’investissement de plus petite taille mis en place directement par l’exploitant, les conditions de sortie ne sont pas toujours prévues et la sortie des investisseurs ne pourra se faire alors que dans un cadre conventionnel.

Le développement des activités oenotouristiques aboutit aujourd’hui à adosser à la création d’un GFA d’investissement une ou plusieurs activités oenotouristiques proposées par l’exploitant.

Les investisseurs ont ainsi la possibilité de loger quelques jours sur la propriété, de rencontrer l’exploitant, de suivre des formations sur la dégustation du vin ou autres, etc.

Le développement d’une activité oenotouristique par l’exploitant, parallèlement à la création d’un GFA d’investissement, devra être prise en compte dans le cadre de la mise en place des structures : il devra en effet être tenu compte des éventuelles contraintes juridiques et fiscales de cette activité et, en particulier, si les activités que l’exploitant entend développer ne peuvent pas être considérées comme des activités de nature agricole telles que définies à l’article L 311-1 du Code Rural (à savoir : « sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle, ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation… »).

Retrouvez toute l’expertise des équipes de PwC et Landwell & Associés* en matière de transactions viticoles dans un pocket guide « Sale and purchase of vineyards » (bientôt en français) www.landwell.fr

* Landwell & Associés, société d’avocats, membre du réseau international PwC

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ALTERNATIVES À LA TRANSMISSION DE L’ENTREPRISE VITICOLE

6 Vins et spiritueux – La lettre N°3

L’entrée d’un investisseur financierL’entrée d’un ou plusieurs investisseurs financiers au capital d’une entreprise viticole dans des propriétés, autres que les premiers crus des différentes régions viticoles, constitue une modalité particulière et nouvelle conçue, depuis peu, comme un outil de transmission par certaines institutions financières.

De quoi s’agit-il ?

Un investisseur financier (banque, fonds d’investissement) entre pour une part minoritaire dans le capital de l’entreprise viticole en y apportant du numéraire.

Cet apport de numéraire pourra être utilisé par l’entreprise :• pour financer la sortie totale de

certains héritiers,

• pour financer la sortie partielle de certains associés, ce qui permet de transférer du « cash » auxdits associés,

• pour financer des investissements et le développement de l’exploitation.

Ce schéma se situe donc non seulement dans le cadre d’une transmission d’entreprise mais constitue également un vrai projet d’entreprise.

L’investisseur rentre au capital de l’exploitation à moyen terme (soit pour une durée d’environ 7 à 10 ans), ce qui signifie que la sortie de l’investisseur doit d’ores et déjà être prévue dès son entrée.

Ce schéma s’adresse à des exploitations viticoles présentant un vrai potentiel de développement et de mise en valeur, l’investisseur financier projetant à la sortie de dégager une plus-value. La

direction de l’exploitation devra être capable de présenter un prévisionnel et un plan de développement argumentés pour convaincre l’investisseur de l’intérêt de son investissement.

Une mise en place lourde et complexe

La mise en place de ce schéma pourra s’avérer lourde et complexe à plusieurs niveaux :•préalablement à l’entrée de

l’investisseur financier, il conviendra très certainement de restructurer la propriété et l’exploitation, de telle sorte que tout ou partie du foncier et l’exploitation soient réunis au sein d’une même structure juridique. Les conséquences fiscales et financières de cette opération devront être anticipées pour être, le cas échéant, incluses dans le prévisionnel ;

• dans l’hypothèse d’une sortie totale de certains héritiers, un accord familial devra être trouvé portant sur les conditions financières de la sortie de ces associés : la valorisation de l’entreprise viticole constitue un vrai point de négociation, tant avec l’investisseur financier qu’avec ceux des héritiers associés qui souhaitent sortir. L’investisseur essaiera de minorer la valeur de l’entreprise alors que les associés sortants souhaiteront une valorisation élevée de leurs participations. Un point d’équilibre devra donc être trouvé pour que le projet puisse aboutir ;

• au-delà de la négociation financière, de vraies discussions s’engageront avec l’investisseur financier sur des points tels que les rapports de force entre associés (compétence et pouvoirs des organes de direction, des assemblées générales, détermination des majorités…), la direction de l’entreprise (organisation de la gestion de l’entreprise, nomination du

dirigeant, mise en place d’un conseil d’administration), le contrôle des transferts de titres (droit de préemption, droit de sortie conjointe, clauses d’agrément…) et les conditions de sortie de l’investisseur à moyen terme (délais, valorisation des titres…). Ces différents points donneront lieu à la rédaction d’un pacte d’associés, à laquelle une attention toute particulière devra être apportée.

Le succès de cette opération résidera dans la capacité des associés à anticiper, à préparer leur dossier et à parler d’une même voix à l’investisseur financier. Dans certains cas, il sera recommandé de conclure un pacte familial (sur les conditions familiales de l’opération, sur son déroulement, sur la désignation d’interlocuteurs discutant avec l’investisseur, sur le choix d’un mandataire…).

Points clés pour l’investisseur financier

Les points clés pour l’investisseur financier seront non seulement et, bien évidemment, la marque et le potentiel de l’entreprise, mais également ses capacités de développement et la ou les personnes la dirigeant. Le dynamisme et la compétence/reconnaissance des dirigeants constitueront un des points majeurs de la décision de l’investisseur.

Ce schéma suppose, qu’à moyen terme, les associés familiaux restants soient capables de financer le rachat de la participation de l’investisseur financier à moins que ces derniers ne décident alors de céder la propriété viticole, l’entrée de l’investisseur financier ayant permis son développement et sa mise en valeur.

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7Vins et spiritueux – La lettre N°3

ALTERNATIVES À LA TRANSMISSION DE L’ENTREPRISE VITICOLE

Pour conclure

La gestion des entreprises viticoles s’est adaptée en permanence au monde dans lequel celles-ci évoluent.

De la même façon, la transmission des entreprises s’inspire de schémas plus connus dans les entreprises industrielles et commerciales, en les structurant pour respecter leurs particularités, afin de trouver des solutions répondant à de nouveaux contextes familiaux, économiques et

financiers. Cette transmission constitue toujours une réelle préoccupation sur un plan familial mais aussi un véritable enjeu pour la filière.

Si les schémas classiques offrent encore des solutions satisfaisantes dans la plupart des transmissions, un nombre accru de transmissions est problématique lorsqu’en particulier les objectifs des différents héritiers divergent et que le manque de moyens financiers empêche ceux qui le souhaiteraient de financer la sortie de leurs coassociés. Ces situations

aboutissent bien trop souvent, hélas, à la vente de l’entreprise viticole qui sort alors du giron familial non sans conséquences humaines bien trop souvent douloureuses.

La création de GFA d’investissement ou l’entrée de partenaires financiers dans le capital de l’entreprise viticole, si elles répondent aux objectifs de transmissions recherchés, constituent des pistes à prendre en considération qu’il conviendra d’étudier et d’adapter à chaque cas de transmission.

Paule Cathala Directeur

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8 Vins et spiritueux – La lettre N°3

L’article L 411-1 du Code rural soumet au statut du fermage « toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble agricole en vue de l’exploiter ». Cette définition, on l’aura compris, est suffisamment large pour faire relever de cette législation tous les transferts de jouissance consentis à un tiers y exerçant une activité agricole moyennant le paiement d’un loyer ou d’une redevance au propriétaire de biens immobiliers.

Quand on y ajoute que l’existence d’un contrat écrit n’est pas nécessaire (le bail peut être verbal), que la contrepartie onéreuse peut s’effectuer en nature, voire même en prestations (et pas uniquement en monnaie) et que cette législation est d’ordre public (c'est-à-dire que les parties ne peuvent y déroger), on est en droit de se demander quelle situation pourrait permettre d’y échapper.

Mais pourquoi chercher précisément à y échapper ?

Les réponses sont en fait assez multiples.

Mise en place après-guerre et à une époque où il fallait assurer l’approvisionnement en denrées de la France meurtrie par des années de conflits et d’occupation, la réglementation du statut du fermage a été basée sur une double volonté. D’une part pérenniser la production, via la sécurisation de l’exploitant sur l’outil de production immobilier, et d’autre part protéger ce même exploitant, supposé être en infériorité juridique vis-à-vis du propriétaire terrien.

En ce sens, ce dernier postulat est assez proche de ce qui a présidé à l’élaboration de la règlementation du droit du travail entre le salarié et l’employeur et il n’est pas étonnant que la règlementation du fermage se soit calquée pour certains points sur le droit social, notamment en terme d’organisation judiciaire (Tribunal

paritaire, pas de représentation obligatoire, compétence de la Chambre Sociale, etc.).

La pérennisation de l’exploitant s’est caractérisée par celle de son contrat avec, par exemple, le principe de la durée minimale de 9 ans, celui du droit au renouvellement automatique, du droit de cession du bail à un descendant qui reprend l’exploitation, du droit de préemption en cas de vente mais également de la mise en place de conditions particulièrement draconiennes pour que le bailleur puisse faire jouer son droit de reprise en fin de bail.

La sécurisation de l’exploitant s’est, pour sa part, retrouvée dans le sacro-saint principe d’« ordre public » des règles du statut du fermage, dérogatoire à la liberté contractuelle, c'est-à-dire s’imposant même si les parties en avaient décidé autrement lors de la négociation de leur contrat. C’est le cas notamment du prix du loyer enfermé dans des minima et maxima préfectoraux, de la charge des travaux (grosses réparations ou replantations) ou des indemnités de fin de bail, pour ne prendre que ces exemples.

D’où la tentation des propriétaires d’échapper à ces règles très contraignantes en recherchant des succédanés pouvant y déroger, surtout lorsque l’on sait que, puisque le congé pour vente n’existe pas en baux ruraux, les biens grevés d’un bail rural seront difficilement négociables et leur valeur nécessairement amoindrie.

Même s’il n’est pas dans le propos d’en dresser ici une liste exhaustive, il existe pourtant des contrats dérogatoires ne rentrant pas, ou que partiellement, dans le champ du statut du fermage, même si leurs domaines d’application sont strictement réglementés.

Les contrats dérogatoires au statut du fermage Méfions-nous des faux amis !

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9Vins et spiritueux – La lettre N°3

LES CONTRATS DéROGATOIRES AU STATUT DU FERMAGE

Les contrats dérogatoires prévus par le droit rural échappant totalement ou partiellement au statut du fermageLes contrats du droit rural échappant totalement au statut

La convention d’occupation précaire

Souvent qualifiée de « bail précaire », manifestement le pire des faux amis du fermage, la convention d’occupation précaire est au propriétaire foncier ce que l’amanite des Césars est au chercheur de champignons. Excellente lorsqu’elle ne souffre d’aucun vice mais vénéneuse lorsqu’elle est confondue.

Parée de toutes les qualités, compte tenu de la liberté contractuelle qui y est attachée (prix, durée et conditions parfaitement libres, pas de droit de préemption, ni de droit au renouvellement), c’est le contrat préféré des propriétaires fonciers voulant échapper au statut du fermage.

Pourtant l’article L 411-2 du Code Rural et de la Pêche Maritime fixe une liste limitative de ces conventions et des conditions dans lesquelles elles peuvent être conclues. A l’exception de celles convenues en application de dispositions législatives particulières (conventions S.A.F.E.R, autorisation d’occupation temporaire du domaine public, etc.), elles sont possibles et seulement possibles :• pour la mise en valeur de biens

compris dans une succession en cours de partage judiciaire ou dont le maintien dans l’indivision résulte d’une décision de justice, • pour permettre le maintien temporaire

dans les lieux d’un ancien fermier dont le bail est expiré ou résilié et ne s’est pas renouvelé,

•pour l’exploitation temporaire d’un bien dont l’utilisation principale n’est pas agricole ou dont la destination agricole doit être changée (urbanisation, extraction de carrière, etc.),•pour l’utilisation de forêts ou de biens

relevant du régime forestier ou encore pour assurer l’entretien de terrains situés à proximité d’un immeuble à usage d’habitation et en constituant la dépendance.

En dehors de ces cas très précis, dont les conditions sont strictement appréciées par les juges, toute autre convention sera nécessairement requalifiée en bail soumis au statut du fermage.

Le bail emphytéotique

Prévu par les articles L 451-1 et suivants du Code rural, le bail emphytéotique est un bail rural mais qui échappe au statut du fermage. Il se caractérise par :•sa durée qui doit être au minimum de

plus de 18 ans et au maximum de 99 ans, • son prix (appelé canon) qui doit être

faible, voire modique,• par la faculté du preneur de réaliser

tous les travaux qu’il souhaite, lesquels deviendront la propriété du bailleur à l’échéance du contrat sans ouvrir droit à indemnités au profit du locataire.

C’est toutefois un droit réel immobilier qui est donc librement cessible, susceptible d’hypothèques, saisissable par les créanciers du preneur et pouvant faire l’objet de sous-location.

Ici encore, les juges sont très attentifs à la présence de ces critères dans le contrat et n’hésitent pas à requalifier ce contrat en bail soumis au statut du fermage si l’un ou plusieurs de ceux-ci font défaut.

Le bail à complant

Prévu par les articles L 441-1 et suivants du même Code, le bail à complant est un contrat par lequel le propriétaire d’un terrain nu le concède à un exploitant de vignes (ou à un arboriculteur) pour lui permettre de planter. Il est également possible pour l’exploitation d’un vignoble déjà existant. La contrepartie attribuée au propriétaire est une part de récolte sans participation aux frais. Sa durée est toutefois perpétuelle et le

contrat crée une division de la propriété du fonds. La propriété du sol reste au propriétaire et celle des vignes passe au complanteur qui bénéficie alors d’un droit réel cessible sur celle-ci.

En cas de cessation du contrat, il est opéré un partage : le complanteur recevant ainsi des parcelles en pleine propriété en contrepartie de ses droits.

Ce type de contrat est bien entendu très atypique mais subsiste encore dans certaines régions françaises de l’Aude, des Pyrénées-Orientales, du Languedoc et de la région Nantaise.

Les contrats du droit rural échappant partiellement au statut

Il s’agit ici des contrats qui rentrent dans le statut du fermage mais pour lesquels la loi prévoit que certaines dispositions ne sont pas applicables.

Le bail de petites parcelles

L’article L 411-3 du Code Rural et de la Pêche Maritime prévoit cetypedecontratappelé« bailde petites parcelles ».

Un arrêté préfectoral, dans chaque département français, fixe la superficie maximale par nature de culture des biens qui peuvent être loués tout en bénéficiant de ce régime.

A titre d’exemple et pour la vigne, ces superficies sont d’un hectare en Bordelais (divisé par 2 pour certaines appellations) et souvent bien plus faibles en Champagne, Bourgogne ou en Cognac.

Un contrat portant sur une parcelle (ou un ensemble de parcelles) de vigne inférieur à cette superficie pourra donc bénéficier de ce régime dérogatoire mais sous réserve qu’elle ne constitue ni un « corps de ferme » (ensemble cultural autonome), ni une « partie essentielle de l’exploitation » du preneur (ex : parcelle enclavée dans celles du locataire, parcelle permettant un accès à la voie publique, parcelle nécessaire à un réseau d’irrigation, etc.).

Sous ces réserves, le contrat pourra bénéficier des dérogations autorisées par la loi et les parties pourront :

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LES CONTRATS DéROGATOIRES AU STATUT DU FERMAGE

10 Vins et spiritueux – La lettre N°3

• choisir librement la durée (exception à la durée minimale de 9 ans), s’il y aura ou non un renouvellement (exception au droit au renouvellement du locataire et aux obligations du propriétaire inhérentes à la reprise),• le prix (exception au loyer

règlementé),• les modalités du congé (exception au

congé par huissier délivré au moins 18 mois avant le terme) ou au droit de préemption en cas de vente par le propriétaire.

Les autres dispositions du statut du fermage seront toutefois applicables (ventilation des coûts de replantation et travaux, indemnité en fin de bail pour travaux financés par le locataire, etc.).

Ce type de contrat doit toutefois être bien étudié car strictement interprété par les juges et bien surveillé dans la mesure où les superficies maximales sont parfois modifiées par les autorités règlementaires.

Le bail à longue durée

La loi prévoit également une faculté de dérogation pour les baux d’une

durée initiale supérieure à 25 ans. Tout en restant des « baux ruraux à long terme » bénéficiant des avantages fiscaux en termes d’I.S.F. et de droits de succession ou de donation, ces contrats peuvent prévoir une dérogation au droit au renouvellement du preneur.

En d’autres termes, ils permettent de prévoir que le contrat cessera de plein droit à l’échéance de la durée convenue (si cette durée est d’au moins 25 ans), sans que le bailleur n’ait d’autres obligations que celle d’indemniser le preneur pour les travaux que ce dernier aurait financé (avec l’autorisation de son bailleur, bien sûr).

Il peut également être convenu, sous réserve que la durée du bail soit d’au moins 25 ans et qu’il porte sur une surface minimale, que le contrat s’arrêtera à l’expiration de l’année culturale au cours de laquelle le preneur aura atteint l’âge légal de la retraite.

Ces contrats, dans lesquels il est possible de prévoir une interdiction de cession aux enfants du fermier, n’en restent par moins soumis aux autres règles du statut du fermage, la seule exception résidant donc dans la certitude d’y mettre fin, contrepartie de la durée.

Le bail cessible

Notons enfin le « bail cessible » qui, s’il déroge partiellement à quelques dispositions du statut du fermage, présente surtout pour le fermier la faculté d’être cédé en dehors du cadre familial.

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11Vins et spiritueux – La lettre N°3

LES CONTRATS DéROGATOIRES AU STATUT DU FERMAGE

Les autres contrats échappant au statut du fermageLa cession temporaire d’usufruit

Technique qui connaît un certain succès aujourd’hui, notamment pour son intérêt fiscal dans le cadre d’une acquisition, la cession temporaire d’usufruit se différentie des contrats jusqu’à maintenant mentionnés dans la mesure où c’est un contrat de « vente de jouissance » et pas un contrat de location. Il consiste à vendre la jouissance d’un bien pour une durée déterminée en créant un démembrement conventionnel.

Reposant sur les articles 578 et suivants du Code civil, l’usufruit s’éteindra à l’expiration du temps pour lequel il a été accordé, le propriétaire foncier, qui n’est devenu simple nu-propriétaire que pendant la durée du contrat, retrouvant la pleine propriété de son bien à la date d’échéance.

Cette technique est toutefois peu utilisée par les propriétaires compte tenu de son coût (valeur fiscalement fixée par période de 10 ans, droits et frais de vente, plus-values éventuelles sur la vente d’usufruit) mais également de ses incidences juridiques (notamment problèmes de répartition des devoirs et obligations entre nu-propriétaire et usufruitier).

Le commodat ou prêt à usage

Régie par les articles 1875 à 1891 du Code civil, le commodat ou prêt à usage est un contrat par lequel le propriétaire laisse gratuitement son bien à la disposition d’un exploitant pour une durée déterminée.

La gratuité exclut donc toute qualification de location et corrélativement celle de bail à ferme puisqu’aux termes de l’article L 411-1 du Code Rural et de la Pêche Maritime la mise à disposition doit être « à titre onéreux » pour être ainsi qualifiée.

Il faut toutefois bien comprendre l’étendue de la gratuité. En effet, la moindre contrepartie, qu’elle soit en argent, en nature ou en services entrainera automatiquement la requalification du prêt en location et donc en bail soumis au statut du fermage si l’objet du prêt est de nature agricole.

Il faut toutefois noter que le seul entretien de l’immeuble prêté ne constitue pas une contrepartie propre à entrainer l’onérosité de la mise à disposition et en conséquence la soumission au statut du fermage. En effet et dans le cadre de prêt d’un immeuble, l’entretien courant lié à l’usage de la chose constitue une obligation de l’emprunteur, conformément à l’article 1886 du Code civil.

Toutefois, l’obligation de prise en charge contractuelle par l’emprunteur de travaux sur l’immeuble (replantation par exemple), de charges de la propriété (taxes foncières) ou une contrepartie en services (obligation d’entretenir un autre immeuble du propriétaire) seront considérées comme des contreparties onéreuses requalifiant le contrat.

Ces contrats sont donc à rédiger avec la plus grande attention sachant que, pour ce qui concerne les vignes, ils ne sont pas toujours acceptés par les services de la viticulture.

Le contrat d’entreprise

Dans ces derniers contrats, le propriétaire conserve la maîtrise de son bien tout en ne le cultivant pas directement mais par l’intermédiaire d’une entreprise qui effectuera les travaux nécessaires et les lui facturera.

Le propriétaire reste donc fiscalement et socialement l’exploitant, même si les travaux sont délégués à une entreprise chargée de les effectuer moyennant facturation.

Ici aussi, la prudence s’impose notamment lorsque le prestataire de services est lui-même exploitant ou lorsque la récolte lui est finalement vendue. Il faut en effet rappeler que la loi prévoit une véritable présomption de bail pour toute « cession exclusive des fruits de l’exploitation lorsqu’il appartient à l’acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir. »

Il y aura donc lieu de bien encadrer les relations contractuelles pour éviter les risques de requalification après avoir bien évidemment étudié les conséquences financières du recours à une telle solution qui peuvent être parfois assez lourdes, voire prohibitives dans les appellations à faible valeur ajoutée (fiscalité, coût des cotisations sociales ou autres d’exploitant, coût de la prestation de services, etc.).

Pour conclure

En définitive et quel que soit le régime correspondant le mieux aux attentes du propriétaire, le recours à des contrats dérogatoires au statut du fermage doit toujours être appréhendé avec le maximum de prudence et en s’entourant de la plus grande sécurité juridique, notamment de celle impérative du contrat écrit.

C’est le prix à payer pour la liberté mais en gardant toujours en mémoire que cette liberté sera une liberté surveillée.

Stéphane de Sèze Directeur

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12 Vins et spiritueux – La lettre N°3

La flavescence dorée de la vigne Les enjeux

Cette maladie de quarantaine, sorte de jaunisse de la vigne, est provoquée par un phytoplasme circulant dans la sève qui est transmis par une cicadelle : insecte naturellement inféodé à la vigne. Elle a été identifiée dans le cognaçais en 1997.

Les premières détections et traitements à la fin des années 1990 ont pu laisser croire que cette maladie était maîtrisée. Il n’en est rien. La virulence de sa récente réapparition a alerté tous les acteurs de la filière viticole.

En effet, la non maîtrise de la maladie pourrait conduire à la mise en péril du vignoble. Des plans de "lutte obligatoire" ont été mis en place par arrêtés ministériels ou préfectoraux. Ces arrêtés définissent la notion de périmètre de lutte obligatoire et les modalités de surveillance de la maladie.

La principale mesure de prévention consiste en une détection rapide des ceps contaminés. L’efficacité de cette prévention, imposée par les pouvoirs publics et relayée par les organisations professionnelles viticoles, consiste principalement à inspecter scrupuleusement et annuellement le vignoble entre fin août et fin septembre afin de se donner l’assurance maximale de l’absence de contamination. Les ceps contaminés doivent faire l’objet d’une déclaration et être arrachés avant le 31 mars de l’année suivante.

Les plans de prévention définis par arrêtés préfectoraux sont assez similaires en Charente et en Gironde, sauf que dans ce dernier département il existe un dispositif spécifique pour les contaminations inférieures à 30 pieds par commune. Pour le reste, ces plans consistent à obtenir de la viticulture que les déclarations des symptômes de la maladie soient produites avant le 20 septembre, que les communes contaminées soient classifiées et que les traitements adéquats soient programmés.

Il convient de noter à ce stade que l’autre source possible de contamination est le plant de vigne. Toute la filière viticole est donc bien concernée.

Si la démarche de détection incombe au viticulteur (compter 2 heures pour prospecter un hectare), le coût du diagnostic est pris en charge par l’administration. Il convient de rappeler à ce stade que la flavescence dorée non détectée peut conduire à la destruction d’une parcelle en l’espace de 5 ans et qu’unecontaminationsupérieureà20 %contraint à l’arrachage de la dite parcelle.

C’est bien pour cela que tous les services à l’agriculture se sont mobilisés pour combattre ce fléau :

•Chambre d’Agriculture,• FREDON,• Syndicats professionnels,• Interprofession,• Ministère de l’Agriculture (SRAL)

La détection de la flavescence dorée sur une commune génère donc tout un processus de détermination de la zone de protection avec obligation de traitement pour les communes touchées (trois traitements obligatoires) ainsi que pour les communes périphériques (deux traitements obligatoires). Outre le coût élevé de ces traitements, il convient de reconnaître qu’ils vont à l’encontre des efforts faits en matière de protection de l’environnement.

La vigilance des viticulteurs et l’assistance des services liés à l’agriculture peuvent conduire à l’éradication de la maladie et à la sortie d’une commune du périmètre de lutte comme ce fut le cas à Segonzac en 2010. Tout est possible si la mobilisation et l’anticipation sont bien comprises par tous.

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13Vins et spiritueux – La lettre N°3

LA FLAVESCENCE DORéE DE LA VIGNE

Conséquences économiques et financièresCes conséquences sont graduelles et peuvent s’analyser par étape :•La surveillance du vignoble ne

représente que du temps de travail à consacrer à l’exploration avant les vendanges, il n’y a pas de surcoût en soi.• Le diagnostic en cas de détection de la

maladie est pris en charge.• L’obligation de traitement insecticide

contre la cicadelle vectrice constitue le premier coût supplémentaire qui incrémente le prix de revient de la récolte et impacte donc la marge. Il convient de noter que ces traitements ne sont pas suffisants pour enrayer la progression de la maladie.• L’arrachage des ceps atteints qu’il

convient d’effectuer au plus vite constitue une charge de l’exercice immédiatement déductible.• Si l’avancement de la maladie devait

conduire à l’arrachage de la parcelle (ce qui est obligatoire pour une contamination supérieure à 20%), les conséquences seraient bien plus lourdes. Outre l’amortissement exceptionnel résiduel des ceps arrachés à passer immédiatement en charge, l’ensemble des coûts de replantation constitue une

immobilisation inscrite à l’actif dont le début d’amortissement, et donc la déduction fiscale correspondante, est différée à la première année de production.• Une expansion importante de la

maladie entrainerait une replantation significative qui aurait, sur le plan macro économique, trois conséquences possibles :

- une forte hausse de l’endettement de la viticulture,

- des besoins significatifs en main d’œuvre pour gérer le renouvellement du vignoble,

- un risque d’insuffisance de production qui pourrait freiner le développement des ventes. En effet, le déficit de production des vignes malades ajouté à l’absence de production initiale des vignes replantées pourrait créer une pénurie plus ou moins sévère des approvisionnements.

• Enfin, il ne faut pas négliger l’impact que peut avoir la présence de la maladie sur la valeur des transactions viticoles. Un certificat parasitaire doit être apporté pour la réalisation de la transaction dans bien des cas. Il convient de noter que plus de 50% des communes de l’appellation Cognac sont concernées actuellement par la maladie et que des secteurs comme l’Entre-deux-Mers sont également lourdement impactés.

Pour conclure

Il est important de considérer, comme pour toutes les maladies à contamination, les procédures de prévention proposées par les organismes professionnels supports à la viticulture. L’acte clé consiste par priorité à détecter la flavescence dorée pour mieux la combattre. Il ne faut donc pas hésiter en cas de doute ou de manque d’information à s’adresser à ces interlocuteurs qui sont à votre disposition pour mener à bien ce combat.

Michel Pasquet Associé

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Les accises, qu’est-ce que c’est ?

Depuis l’avènement du Marché Unique en 1993, des directives européennes sont venues préciser le cadre réglementaire des accises, notamment sur les boissons alcoolisées, dans les différents Etats membres de l’Union européenne.

Pour rappel, l’accise est un impôt indirect qui, contrairement aux droits de douane, porte sur une quantité et non sur une valeur. Par principe, elle est prélevée indifféremment sur des produits fabriqués localement et sur des produits importés.

Toutefois, l’accise ne devient exigible qu’au moment de la mise à la consommation des produits qui y sont soumis. En matière de boissons alcoolisées, le principe est que les droits d'accise sont acquittés par les opérateurs et sont répercutés dans le prix de vente au consommateur.

Conformément aux directives européennes, pour éviter aux entreprises d'avoir à faire une avance de trésorerie importante en attendant de récupérer les droits au moment de la vente au consommateur final, leur paiement est reporté le plus tard possible dans la chaîne de distribution. En contrepartie de cet avantage, la réglementation communautaire prévoit la mise en place d'un contrôle des douanes de la filière de ces produits entre le moment de leur production (ou de leur importation) et le moment de la vente au consommateur final. Il est donc impératif pour les opérateurs de bien répondre aux exigences de la réglementation en la matière.

De la même manière, dans le but de faciliter la libre circulation des marchandises concernées au sein du Marché Unique, un régime

de stockage et de circulation en suspension a été prévu. Pour les boissons alcoolisées, depuis le 1er janvier 2011, la circulation intracommunautaire en suspension de droits d'accise a été dématérialisée et doit être couverte par des documents électroniques (passage du DAA (Document d’Accompagnement Administratif) au DAE (Document Administratif Électronique). L'informatisation du suivi des mouvements intracommunautaires des produits soumis à accise a été développée à travers le projet européen EMCS (Excise Movement and Control System) et sa déclinaison française Gamm@ (Gestion de l'Accompagnement des Mouvements de Marchandises soumises à Accise).

Les accises sont acquittées auprès de l’administration des douanes. Cette dernière est habilitée à effectuer des contrôles sur l’activité et, en cas de manquement à la réglementation, à redresser les droits qui auraient dû être versés et à imposer des pénalités qui sont souvent significatives. Il y a donc tout intérêt à vérifier la conformité à la réglementation et notamment les obligations de tenue de comptabilité matières des produits soumis à accises en suspension de droits du fait de leur stockage.

Pour faire le point sur l’ensemble des obligations en matière d’accises et notamment en matière de circulation et de stockage des produits en suspension de droit, PwC projette de mettre en place des sessions de formation animées par des spécialistes de la question. Faites-nous part de votre intérêt pour que nous venions dans votre région.

Bertrand Rabo Directeur

Retrouvez toute l’expertise des équipes de PwC et Landwell & Associés* en matière douanière dans un pocket guide « Les enjeux de la matière douanière en entreprise » www.landwell.fr

* Landwell & Associés, société d’avocats, membre du réseau international PwC

Pocket Guide

Les enjeux de la matière douanière en entreprise

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17Vins et spiritueux – La lettre N°3

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