13
La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 1 La Liberté de Presse en Haïti : Un Effet Dissuasif sur les Journalistes Critiques du Gouvernement Un des plus grands accomplissements en Haïti depuis le 7 février 1986, est d’abord l’exercice de la liberté d’expression, la possibilité pour les hommes, les femmes, les organisations et la société civile de dire sans crainte, ce qu’ils pensent, mais c’est aussi la possibilité pour la presse de diffuser leurs paroles, et de le faire de manière objective… […] Il est de ce fait nécessaire de se battre quotidiennement pour préserver cette liberté. Marie Laurence Jocelyn Lassègue, ancienne Ministre de la Culture de la Communication d’Haïti, lors de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse en 2011 1 September 28, 2012 La liberté d’opinion et d’expression est la pierre d’assise de toute société libre et démocratique. 2 Quinze mois après l’investiture du président haïtien Michel Martelly en mai 2011, suite à des élections controversées, 3 des journalistes en Haïti se sont plaints à maintes reprises de mauvais traitement que les membres du gouvernement leur auraient fait subir. 4 Ce rapport analyse ces plaintes à la lumière des libertés et des protections garanties aux journalistes par le droit internationale et la Loi haïtienne. Les journalistes décrivent une première tendance à l’intimidation, aux menaces, aux arrestations, à la destruction d’équipement, et aux actes de représailles commis par le président Michel Martelly et son administration contre des journalistes progressistes qui les critiquent. Cette tendance contribue à créer une atmosphère de crainte et a un effet dissuasif sur la liberté d’expression des journalistes. Une deuxième tendance à « l’obstruction » envers les journalistes est également décrite. Des journalistes critiques du gouvernement se sont vus refusé des entrevues avec des membres du gouvernement ainsi que l’accès à l’information publique. Ces deux tendances atteignent aux droits des journalistes selon la Loi haïtienne et le droit international relatifs à la liberté d’expression et d’accès à l’information publique. Les journalistes haïtiens qui produisent des rapports investigatifs sont particulièrement visés. Souvent, ils reçoivent des menaces de mort, n’obtiennent qu’un accès restreint à l’information et aucun accès aux ministères ou au palais national, se font poursuivre pour diffamation avec sanctions criminelles, et finissent par voir leur licence révoquée en plus de devoir faire face à un maigre salaire et un manque de formation professionnelle. Ensemble, ces actes envoient aux journalistes et aux acteurs de la société civile qui s’engagent à enquêter sur les attaques, les abus, les irrégularités ou les actes illicites, le message qu’ils pourraient aussi devenir la cible de menaces ou de représailles. Il est important de noter que les conditions d’exercice du métier de journaliste sont meilleures que sous les gouvernements issus de coups d’État entre 1991 et 1994 et entre 2004 et 2006, et que sous la dictature de François et Jean-Claude Duvalier, de 1957 à 1986. Selon Reporters Sans Frontières (RSF), Haïti se retrouve 56ème sur 179 pays dans son classement mondial de la liberté de presse en 2011, soit neuf places après les États-Unis (47ème). 5 Les journalistes interviewés ont généralement convenu que le Président Martelly a amélioré l’accès à l’information publique par rapport à son prédécesseur, le Président René Préval, en accordant plus de conférences de presse et en utilisant fréquemment les médias sociaux. Seule une poignée de meurtres et d’enlèvements de journalistes ont été signalés en Haïti depuis que le Président Martelly est entré en fonction, et son gouvernement n’y a pas été impliqué. Néanmoins, l’agressivité du Président Martelly envers les journalistes depuis le début de sa présidence, s’ajoutant aux menaces, à l’intimidation et aux agressions

La Liberté de Presse en Haïti : Un Effet Dissuasif sur les ... · nombre approximatif de 20 à Port-au-Prince et de 15 autres dans les provinces. L’audience totale de la télévision

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 1

La Liberté de Presse en Haïti : Un Effet Dissuasif sur les Journalistes Critiques du Gouvernement

Un des plus grands accomplissements en Haïti depuis le 7 février 1986, est d’abord l’exercice de la liberté d’expression, la possibilité pour les hommes, les femmes, les organisations et la société civile de dire sans crainte, ce qu’ils pensent, mais c’est aussi la possibilité pour la presse de diffuser leurs paroles, et de le faire de manière objective… […] Il est de ce fait nécessaire de se battre quotidiennement pour préserver cette liberté.

Marie Laurence Jocelyn Lassègue, ancienne Ministre de la Culture de la Communication d’Haïti, lors de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse en 2011 1

September 28, 2012

La liberté d’opinion et d’expression est la pierre d’assise de toute société libre et démocratique.2 Quinze mois après l’investiture du président haïtien Michel Martelly en mai 2011, suite à des élections controversées,3 des journalistes en Haïti se sont plaints à maintes reprises de mauvais traitement que les membres du gouvernement leur auraient fait subir.4 Ce rapport analyse ces plaintes à la lumière des libertés et des protections garanties aux journalistes par le droit internationale et la Loi haïtienne.

Les journalistes décrivent une première tendance à l’intimidation, aux menaces, aux arrestations, à la destruction d’équipement, et aux actes de représailles commis par le président Michel Martelly et son administration contre des journalistes progressistes qui les critiquent. Cette tendance contribue à créer une atmosphère de crainte et a un effet dissuasif sur la liberté d’expression des journalistes.

Une deuxième tendance à « l’obstruction » envers les

journalistes est également décrite. Des journalistes critiques du gouvernement se sont vus refusé des entrevues avec des membres du gouvernement ainsi que l’accès à l’information publique.

Ces deux tendances atteignent aux droits des journalistes selon la Loi haïtienne et le droit international relatifs à la liberté d’expression et d’accès à l’information publique. Les journalistes haïtiens qui produisent des rapports investigatifs sont particulièrement visés. Souvent, ils reçoivent des

menaces de mort, n’obtiennent qu’un accès restreint à l’information et aucun accès aux ministères ou au palais national, se font poursuivre pour diffamation avec sanctions criminelles, et finissent par voir leur licence révoquée en plus de devoir faire face à un maigre salaire et un manque de formation professionnelle. Ensemble, ces actes envoient aux journalistes et aux acteurs de la société civile qui s’engagent à enquêter sur les attaques, les abus, les irrégularités ou les actes illicites, le message qu’ils pourraient aussi devenir la cible de menaces ou de représailles.

Il est important de noter que les conditions d’exercice du métier de journaliste sont meilleures que sous les gouvernements issus de coups d’État entre 1991 et 1994 et entre 2004 et 2006, et que sous la dictature de François et Jean-Claude Duvalier, de 1957 à 1986. Selon Reporters Sans Frontières (RSF), Haïti se retrouve 56ème sur 179 pays dans son classement mondial de la liberté de presse en 2011, soit neuf places après les États-Unis (47ème).5 Les journalistes interviewés ont généralement convenu que le Président Martelly a amélioré l’accès à l’information publique par rapport à son prédécesseur, le Président René Préval, en accordant plus de conférences de presse et en utilisant fréquemment les médias sociaux. Seule une poignée de meurtres et d’enlèvements de journalistes ont été signalés en Haïti depuis que le Président Martelly est entré en fonction, et son gouvernement n’y a pas été impliqué.

Néanmoins, l’agressivité du Président Martelly envers les journalistes depuis le début de sa présidence, s’ajoutant aux menaces, à l’intimidation et aux agressions

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 2

provenant de sources anonymes, est troublante. La liberté d’expression est un vecteur pour la participation civique et le contrôle démocratique de la gestion gouvernementale. Le manque de contrôle efficace « donne lieu à un comportement qui va à l’encontre de l’essence même d’un État démocratique et ouvre la porte à des actes répréhensibles et des abus inacceptables. ».6

La démocratie en Haïti est encore jeune et fragile. Les Haïtiens ont pour la première fois exercé leur droit de vote lors d’élections libres et équitables en 1990, mais ce droit a leur à été arraché par les coups d’État de 1991 et de 2004. Si le gouvernement haïtien souhaite vraiment le renforcement de la démocratie, il faudra qu’il prenne des mesures positives pour remédier aux violations continues de la liberté d’expression et pour protéger les médias.

Le rapport propose les recommandations suivantes pour protéger la liberté d’expression et les journalistes:

1. Sous la direction du Ministère de la justice, les forces de l’ordre et les procureurs doivent prévenir et enquêter sur les cas de menaces et de violences contre les journalistes, punir leurs auteurs et veiller au dédommagement des victimes.

2. Les forces de l’ordre, les acteurs gouvernementaux et le Bureau de la Présidence doivent s’abstenir d’intimider ou menacer des journalistes, ainsi que de détruire leur matériel de presse.

3. La loi haïtienne devrait être amendée pour éliminer les peines de prison pour les cas de diffamation.

4. Tous les organismes publics doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer un accès aisé, rapide, efficace et pratique à l’information publique.

5. Le Palais National est prié de cesser d’exiger des journalistes qu’ils répondent à des questionnaires qui demandent des informations qui n’ont aucun lien avec l’obtention d’un permis pour assister aux conférences de presse.

6. Les Ministères de la Communication et de l’Éducation devraient aider à financer l’éducation et la formation des journalistes.

7. Les valeurs journalistiques et les normes professionnelles devraient être renforcées afin d’assurer le respect pour les journalistes.

8. Les conditions de vie et de travail des journalistes doivent être améliorées.

9. La communauté internationale et les pays donateurs devraient fournir au gouvernement haïtien et à la société civile un appui financier et technique pour s’assurer que tous les objectifs ci-dessus soient atteints.

Méthodologie

Des entrevues en personne ont été réalisées entre le 20 et le 29 juin 2012, à Port-au-Prince par une délégation de la faculté de droit de l’Université de San Francisco.7 Les personnes interrogées étaient neuf journalistes étrangers et haïtiens travaillant à Port-au-Prince ou en périphérie, pour des journaux écrits ou en ligne ainsi que des stations de radio nationales et locales. Chaque entrevue a duré environ une heure.

L’échantillon de l’enquête a été sélectionné parmi une gamme d’agences de presse connues comme étant de droite, centristes et de gauche afin de mesurer la corrélation entre la liberté de la presse et les tendances politiques. Le Président Martelly est considéré par de nombreux Haïtiens comme étant de droite. On lui connait des liens avec la famille du père et du fils François et Jean-Claude Duvalier, anciens dictateurs de droite qui ont instauré un règne de la terreur en Haïti de 1959 à 1986.8 Le Président actuel s’est également positionné publiquement contre l’ancien président Jean-Bertrand Aristide et son parti politique « de gauche » Fanmi Lavalas.

Les noms des agences de presse et des individus interrogés ne sont pas divulgués dans le présent rapport afin de protéger leur anonymat et leur sécurité.

Contexte des Médias en Haïti

La radio est de loin le média le plus populaire pour les nouvelles en Haïti. Plus de 90 pour cent des Haïtiens ont accès à la radio.9 Il y a de nombreuses radios en Haïti, dont la transmission est accessible dans presque tous les coins du pays. Les radios sont peu coûteuses et peuvent fonctionner sans réseau d’électricité.

Les stations de télévision sont moins nombreuses, soit un nombre approximatif de 20 à Port-au-Prince et de 15 autres dans les provinces. L’audience totale de la télévision en Haïti reste inférieure à 10 pour cent de la population en raison du manque d’électricité et ressources.10

Plus de la moitié de la population ont du mal à lire, et la diffusion des journaux est minime. Haïti dispose de deux quotidiens nationaux - Le Nouvelliste, avec un tirage de 15000 exemplaires, et Le Matin (5000 exemplaires), - ainsi que de deux journaux hebdomadaires. Alors que 100 pour cent de la population parle le créole haïtien, et que seulement 20 pour cent parle le Français, aucun

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 3

journal écrit n’existe actuellement en créole.11 Quelques nouvelles en créole sont disponibles en ligne, mais le taux d’utilisation de l’Internet a été estimé à moins de dix (10) pour cent de la population en 2009.12

L’importance générale de la radio la rend particulièrement importante lors d’élections. Les émissions de radio, en particulier les lignes ouvertes, sont les forums les plus importants d’Haïti pour débattre sur les candidats et les partis. En conséquence, les stations de radio deviennent des terrains de contestation pour tout plaidoyer politique, en particulier en période électorale. Les candidats, les fonctionnaires et autres acteurs politiques font plus d’efforts et de dépenses pour obtenir une couverture médiatique à leur avantage. Souvent, ils ont recours à la violence pour décourager la couverture médiatique défavorable. L’historique d’attaques contre des stations de radio haïtiennes en raison de leur manière de couvrir la politique est long.

Un journaliste interviewé a expliqué que les médias ne sont pas représentatifs de la majorité de la population. Ceux qui vivent avec 2 dollars ou moins par jour (environ 80 pour cent de la population) n’ont pas de chaîne de télévision ou de station de radio qui s’adresse leurs besoins et leurs conditions de vie. Un rapport de Reporters Sans Frontières a constaté que le manque de formation professionnelle de nombreux journalistes haïtiens limite la disponibilité d’une couverture médiatique diversifiée et de bonne qualité, tandis que certains secteurs de la population n’ont aucun accès du tout.13

Les Violences déjà subies par la Presse Haïtienne

Le Comité pour la Protection des Journalistes a enregistré neuf meurtres de journalistes de 1992 à 2007.14 En juillet 2012, l’organisation haïtienne SOS Journalistes a rapporté 12 cas de meurtres non résolus depuis 2000. Quelques-uns des cas d’agression et de meurtre les plus flagrants contre des journalistes haïtiens entre 2000 et 2005 sont décrits ci-dessous pour donner un cadre aux menaces historiques auxquelles les médias ont eu à faire face.

Le 3 avril 2000, Jean Dominique, le journaliste radio le plus populaire et le plus influent d’Haïti, a été assassiné. Son assassinat a eu lieu juste avant les élections du 21 mai de la même année. Il a été tué alors qu’il se rendait à sa station de radio, Haïti-Inter, pour les nouvelles du matin. Plus de dix ans plus tard, personne n’a encore

été condamné pour sa mort, mais le principal suspect est Dany Toussaint, à l’époque candidat au Sénat et qui a finalement été élu en mai 2000. Toussaint avait publiquement confronté Dominique sur la manière dont Haïti-Inter assurait la couverture de la politique et, en particulier, des élections. En 1980, Dominique avait été forcé à l’exil en raison de sa position éditoriale critique de la dictature de Duvalier, et sa station de radio a été détruite. Il avait aussi dû fuir le gouvernement putchiste en 1991.

En fin 2003, la station de radio de Frenot Cajuste a été incendiée par des opposants politiques. Cajuste était un procureur qui plus tard devint juge.

Le 30 octobre 2003, Radio Caraïbes, une station de Port-au-Prince, a été attaquée par des hommes armés qui ont tiré de leur voiture au passage. Des témoins ont rapporté que la voiture détenait des plaques d’immatriculation officielles du gouvernement. Le gouvernement a prétendu que les plaques avaient probablement été volées.

Le 14 janvier 2004, des hommes armés ont attaqué un camion qui se trouvait dans une installation d’antennes de transmission située sur une colline surplombant Port-au-Prince, regroupant les antennes d’un éventail de stations de radio et de télévision. L’installation n’hébergeait pas de journalistes ou de stations de diffusion, mais l’attaque a entravé la capacité de diffusion de huit stations de radio, les mettant hors des ondes pendant plusieurs jours avant que des réparations soient faites. Le 21 février 2004, le journaliste Pierre Elisem, directeur et propriétaire de Radio Hispaniola, dans la ville de Trou du Nord, a été atteint d’une balle qui l’a paralysé, et son poste a été incendié. Il fait état de menaces proférées par des partisans du gouvernement en colère à cause de sa critique du gouvernement.

Le 9 février 2005, des hommes armés ont atteint et blessé par balles l’animateur de radio Raoul Saint-Louis alors qu’il était assis dans sa voiture devant la station de Radio Mégastar où il travaillait. Saint-Louis a indiqué qu’il avait reçu des menaces téléphoniques de personnes critiquant sa couverture médiatique du gouvernement.

En juillet 2005, Jacques Roche, qui animait une émission de télévision populaire et écrivait pour le journal Le Matin, a été enlevé et assassiné. Son corps mutilé et menotté a été retrouvé à Port-au-Prince.

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 4

Depuis l’entrée en fonctions du Président Martelly en mai 2011, la presse haïtienne a subi l’hostilité du Président, de ses gardes du corps, des membres du gouvernement et de ses partisans. Alors que certains journalistes pensent qu’ils ont toujours été pris pour cible par les autorités et que rien n’a changé sous l’administration Martelly, d’autres estiment que la multiplication des insultes verbales et de l’hostilité proférées par le Président a créé un climat plus menaçant pour la presse.

Le travail de journaliste en Haïti est particulièrement risqué pour ceux qui critiquent ouvertement le manque de transparence et de redevabilité du gouvernement. Ils font face, dans l’exercice de leur métier, à des menaces de mort et des menaces à leur sécurité; à un manque d’accès à l’information, aux sources du gouvernement et aux conférences de presse au Palais National; aux bas salaires; aux résiliations de contrat, aux révocations de licences et à des poursuites pour diffamation coûteuses à défendre. Ces difficultés ont un impact sur leur vie, leur travail, et leur capacité à se déplacer librement. Selon le Département d’État américain, « quelques journalistes pratiquent l’autocensure lorsqu’il s’agit d’histoires liées au trafic de drogue ou d’allégations de corruption politique ou économique, en raison des tendances aux représailles contre le journalisme d’enquête qu’il y a eu dans le passé, ce qui met en danger les moyens d’existence et éventuellement la sécurité physique des reporters ».15 Beaucoup de journalistes que

nous avons interrogés ont déclaré qu’ils évitaient de quitter leurs maisons pendant la nuit ou d’assister à des évènements publics réunissant de grandes foules où il serait facile d’être la cible d’un assassinat.

De plus, La liberté de la presse en Haïti est contrainte par le manque de ressources à la disposition des forces de l’ordre et du système judiciaire, ainsi que par l’insécurité générale.16

L’assassinat, l’intimidation et/ou les menaces envers les journalistes, ainsi que la destruction de leur matériel de presse, ont pour but de les réduire au silence et constituent à la fois des violations des droits fondamentaux des journalistes et une restriction de la liberté d’expression. Il est du devoir du gouvernement haïtien de non seulement prévenir et, le cas échéant, mener des enquêtes sur de tels faits, mais aussi punir leurs auteurs et veiller à ce que les victimes reçoivent une réparation adéquate.17 Cette obligation s’étend aux actes commis par des acteurs gouvernementaux ainsi que par des «personnes privées ou morales, qui chercheraient à entraver l’exercice de la liberté d’opinion et d’expression ».18

a. Menaces / Intimidation

Selon le Rapporteur Spécial sur la Liberté d’Expression

Résultats du rapport

I. Intimidation, threats, and violence against journalists

Tout Haïtien ou toute haïtienne a le droit d’exprimer librement ses opinions, en toute matière par la voie qu’il choisit. Constitution Haïtienne, Art. 28.

Le journaliste exerce librement sa profession dans le cadre de la loi. Cet exercice ne peut être soumis à aucune autorisation, ni censure sauf en cas de guerre. Constitution Haïtienne, Art. 28-1.

Toute personne a droit à la liberté de pensée et d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, que ce soit oralement ou par écrit, sous une forme imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. Convention américaine relative aux droits de l’homme, Art. 13(1) & Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Art.19(2).

Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. Déclaration universelle des droits de l’homme, Art. 19.

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 5

de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH), l’intimidation et les menaces à l’encontre des journalistes, ainsi que la destruction de matériels de presse, ont généralement pour but d’éliminer les journalistes enquêtant sur les attaques, les abus, les irrégularités ou les actes illégaux de toute nature commises par des fonctionnaires publics, des organisations ou des particuliers. Le Rapporteur Spécial a ajouté que « cela sert à s’assurer que les enquêtes ne soient pas complétées ou qu’elles ne fassent jamais partie d’un débat public comme elles le mériteraient, ou tout simplement comme une forme de représailles envers l’enquête en elle-même ». De tels actes sont utilisés comme un instrument d’intimidation pour envoyer un message à ceux de la société civile qui seraient engagés dans l’investigation de toutes sortes d’attaques, d’abus, d’irrégularités ou d’actes illicites. Cette pratique vise à faire taire la presse dans son rôle de chien de garde ».19

Depuis l’investiture du Président Martelly, la plupart des tactiques d’intimidation décrites par le Rapporteur Spécial ont été utilisées par la police haïtienne, le propriétaire d’un média privé, des partisans présumés du Président et par d’autres responsables gouvernementaux.

Le 22 juin 2011, les animateurs de l’émission « Ils l’ont dit » à la Radio Prévention de Petit-Goâve, Ernest Joseph et Wolf ‘Duralph’ François, ont été arrêtés et emprisonnés, accusés de diffamation, d’atteinte à l’ordre public et de destruction de la propriété publique.20 Les policiers ont scellé l’entrée de la station de radio et confisqué l’émetteur et d’autres équipements qui appartiennent à Joseph. Reporters Sans Frontières a publié un article dénonçant cette arrestation comme un abus de pouvoir et une forme de censure.21 L’emprisonnement peut conduire à la mise en danger de la sécurité physique. Dès sa sortie de prison près d’un mois plus tard, François s’est plaint que les mauvaises conditions de sa détention avaient aggravé son état de santé, et entrainé une pneumonie et une maladie rénale. Il a également affirmé avoir été battu dans sa cellule par d’autres prisonniers.22 Bien que les deux journalistes aient été libérés, des accusations pèsent toujours contre eux.

Le 22 mai 2011, des agents de l’Unité Départementale pour le Maintien de l’Ordre (UDMO) aux Gonaïves ont saccagé et détruit l’équipement de journalistes qui rapportaient sur la visite du Président Martelly à la suite d’un incendie dans le marché publique de Gonaïves.23

Le 5 avril 2011, cinq journalistes ont été révoqués par la Télévision Nationale d’Haïti (TNH) à la suite d’accusations de manque de professionnalisme et d’émission de fausses déclarations publiques après avoir été critiques de Michel Martelly, alors candidat au second tour des élections présidentielles.24 Reporters Sans Frontières a déclaré que le renvoi « semble être un cas de persécution politique et constitue en tant que tel un très mauvais départ pour Michel Martelly, qui a été proclamé président élu il y a une semaine.»25 Reporters Sans Frontières a indiqué que les révocations ont eu lieu peu après une visite du président élu.26 Les journalistes licenciés ont déposé une plainte auprès de l’Unité Anti-corruption, accusant le directeur de la TNH de couverture médiatique tendancieuse et de diffuser de la propagande en faveur de Michel Martelly.27

Le 8 décembre 2010, des individus affirmant travailler pour le candidat Martelly ont saccagé la station locale de Radio Lebon FM aux Cayes, et menacé les journalistes, après la publication de résultats préliminaires pour les élections législatives et présidentielles.28

Un journaliste d’un journal hebdomadaire de gauche critique envers le gouvernement Martelly a reçu des appels menaçants tous les deux ou trois mois depuis l’entrée en fonction du Président Martelly en mai 2011. Un des auteurs de ces appels s’est identifié comme étant Louis-Jodel Chamblain, ancien membre du FRAPH, un groupe paramilitaire qui avait participé au coup d’État de 1991 qui a renversé le Président Jean-Bertrand Aristide. À un moment, l’homme au bout du fil a proféré une menace: « Si vous n’arrêtez pas ce que vous faites, vous allez disparaître -. Nous allons vous faire disparaître ».29 L’identité de l’homme n’a pas été vérifiée.

Le 20 Septembre 2012, trois journalistes du journal Le Nouvelliste ont été arrêtés pour ne pas avoir remis leur matériel de vidéo et de photographie à la demande de policiers qui menaçaient d’effacer leurs images. Les trois journalistes étaient Natasha Bazelais, Jean Marc Abélard et Jeanty Augustin qui étaient en train de filmer la scène d’un accident. Les journalistes sont accusés d’avoir troublé l’ordre public.30

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 6

b. Le manquement du Gouvernement à protéger les Journalistes de la Violence

En septembre, deux assassinats de journalistes ont déjà été signalés pour l’année 2012. Les autorités locales ont bloqué l’enquête et les poursuites dans l’un des cas, et ont été incapable de désigner un suspect dans l’autre.31

En vertu de la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme et d’autres instruments du droit international, les États ont l’obligation de mener des enquêtes efficaces sur les évènements entourant l’assassinat de journalistes et de punir les auteurs de ces crimes.32 La CIDH a affirmé que l’échec d’un État à mener une enquête efficace et approfondie sur l’assassinat d’un journaliste et d’appliquer des sanctions pénales a de graves répercussions sur la société. Les crimes contre les journalistes ont un effet intimidant sur tous les citoyens, car ils « inspirent la peur de dénoncer les attaques, les abus et toutes activités illégales ».33

Cet effet intimidant peut être évité si le gouvernement d’Haïti s’engage dans une action concertée pour punir les responsables d’agressions ou d’assassinat de journalistes. Ainsi, le gouvernement haïtien peut envoyer, l’encontre de la société, le message puissant et direct qu’il n’y aura aucune tolérance envers ceux qui commettent des violations graves du droit à la liberté d’expression.

Le 17 mars 2012, un journaliste a été abattu par un employé d’une municipalité, où le maire fait obstacle à toute enquête ou poursuites par le gouvernement. Le garde du corps du maire de Thomonde a tiré sur Wendy Phele, une correspondante de 21 ans travaillant à Radio Télé Zénith. Elle assistait à un discours public du maire de Thomonde au moment où les tirs ont eu lieu.34 Le procureur s’est entendu avec le maire pour interroger le garde du corps accusé. Suite à cet interrogatoire, il s’apprêtait à l’arrêter, mais le maire s’est interposé et ses partisans ont menacé le procureur. SOS Journalistes, Reporters sans Frontières et d’autres groupes ont fait pression sur le ministère de l’Intérieur pour retirer le maire de ses fonctions et l’empêcher de faire obstacle à la justice, en soulignant que s’il ne le faisait pas, le ministère se rendait complice de la tentative d’assassinat.35 Ils ont également lancé une campagne publique contre plusieurs autorités gouvernementales haïtiennes qu’ils considéraient comme des ennemis et des « prédateurs » de la

liberté de la presse. Un mandat d’arrêt a été délivré et le maire a promis de ramener l’accusé, mais en juillet 2012, l’accusé n’avait toujours pas été arrêté.36

Le 5 mars 2012, Jean Liphete Nelson, directeur de Radio Boukman et directeur-général de l’ONG Hands Together a été assassiné.37 Lancé en 2006, Radio Boukman était le seul média de reportage basé à Cité Soleil, un bidonville défavorisé de Port-au -Prince.38 Quatre autres personnes étaient présentes dans la voiture où se trouvait Nelson quand il a été abattu. Un des passagers a été tué et un autre a été blessé aux deux jambes. Le mobile du meurtre n’a pas été officiellement établi. Toutefois, le Bureau du Rapporteur Spécial pour la Liberté d’Expression a publié un communiqué de presse demandant aux autorités haïtiennes d’étudier la possibilité que sa mort ait été liée aux activités professionnelles du journaliste, en les exhortant à procéder à une enquête approfondie, afin de clarifier les circonstances du crime, d’identifier et de punir les coupables, et de veiller à une compensation juste pour les proches des victimes.39 Quatre semaines avant le meurtre, M. Nelson avait été enlevé et menacé.40

En Décembre 2010, plusieurs incidents ont eu lieu durant lesquels des journalistes ont été harcelés et maltraités au cours de violentes manifestations de rue suite à l’annonce des élections présidentielles et législatives.41

c. Ingérence dans les activités journalistiques

Le gouvernement haïtien doit également interdire et empêcher l’ingérence directe ou indirecte des forces de l’ordre, du Président et de son administration dans le travail des médias ainsi que toute pression exercée sur les journalistes.42 La jouissance pleine et entière du droit à l’expression implique que les médias soient en mesure de recevoir les informations nécessaires pour mener à bien leurs fonctions de diffuseurs les nouvelles. L’ingérence, même lorsque n’étant pas associée à un niveau de violence grave ou à des menaces de violence, viole néanmoins la liberté d’expression en tentant d’empêcher les journalistes d’accomplir leur travail. Le président Martelly lui-même a expulsé des journalistes de conférences de presse et menacé des journalistes qui lui posaient des questions. Tous les journalistes interrogés ont déclaré que le président a été moins

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 7

agressif avec la presse au cours des derniers mois, une tendance qu’ils espèrent voir perdurer.

Le 28 juillet 2011, les gardes de sécurité du Président Martelly ont bousculé et expulsé des journalistes d’une salle de conférence lors d’une visite du président dans la ville de Jacmel.43

Le 27 juillet 2011, le Président Martelly, alors présent au lancement du magazine de voyage Magique Haïti, a accusé la presse d’être responsable de l’image négative d’Haïti à l’étranger et a ordonné à la presse de se taire. Le président a menacé d’utiliser la force contre ceux qui parlaient en mal du pays, y compris la presse.44

Le 9 mars 2011, le candidat à la présidence Martelly a été verbalement agressif envers le journaliste Gotson Pierre durant un débat lors du deuxième tour des élections présidentielles et législatives. Pierre a demandé des explications à Martelly à propos d’allégations concernant une énorme dette contractée aux États-Unis. Martelly a évité la question et Pierre a répondu qu’il n’était pas approprié pour Martelly de ne pas assumer la responsabilité de ses actes en tant que possible prochain président d’Haïti. Martelly s’est mis en colère et a crié sur la foule, en faisant allusion à la possibilité d’une émeute contre les journalistes, semblable à l’émeute qui avait eu lieu en 2006 après les élections du Président René Préval. Pierre et d’autres journalistes présents dans la salle ont interprété les commentaires comme une menace de la part de Martelly d’inciter une émeute violente contre eux s’ils continuaient à le discréditer.

d. Les poursuites pour diffamation en guise de représailles

Une tendance qui inquiète les journalistes est l’augmentation des menaces de poursuites pour diffamation ou celles réellement déposées par le gouvernement haïtien contre la presse pour des déclarations faites à propos des fonctionnaires ou des entités privées dans la sphère publique. La diffamation en Haïti est sanctionnée à la fois au pénal et au civil, donc les journalistes sont privés de leur liberté, ils subissent des dommages civils et doivent payer des frais d’avocats dans un système juridique où la justice est souvent achetée par les élites.

La Commission Interaméricaine a déclaré que la criminalisation du discours autour de fonctionnaires ou de particuliers engagés volontairement dans des affaires d’intérêt public est une sanction disproportionnée par rapport à l’importance du rôle que joue la liberté d’expression et d’information dans un système démocratique. « Ces sanctions ne peuvent évidemment pas être justifiées, en particulier lorsque l’on sait que les sanctions non-pénales suffisent à réparer toute atteinte à la réputation des individus ».45 Dans une démocratie représentative, les fonctionnaires publics, ou toute personne impliquée dans les questions d’intérêt public, doivent être tenus redevables par les hommes et les femmes qu’ils représentent.46

Les journalistes qui ont reçu des citations à comparaître ou des lettres de sommation ou ordonnances de cessation et d’abstention, affirment que les poursuites sont frivoles et représentent en fait des représailles pour leurs opinions politiques ou leur critique du Président Martelly ou d’autres membres du gouvernement. Parmi les quatre procès pour diffamation contre les journalistes rencontrés par les auteurs de ce rapport, trois ont été instigués par le gouvernement haïtien, dont deux ont été déposés auprès du tribunal haïtien et un devant un tribunal américain. Les trois cas ont été abandonnés quand les journalistes ont répondu à la citation ou l’ordonnance de cessation et d’abstention. (Le quatrième cas a été déposé pendant la publication du présent rapport, donc le résultat n’est pas connu.)

En Septembre 2012, le Premier-Ministre d’Haïti a poursuivi en justice le journal hebdomadaire haïtien- américain Haïti Observateur, devant une cour américaine pour diffamation sur sa couverture de la vente d’une entreprise de télécommunications acquise par le gouvernement haïtien.47 Le journal paraît depuis 1971 et désert les communautés de la diaspora haïtienne à New York, en Floride, à Montréal et dans la Caraïbe. L’accusation était que le journal avait faussement et avec malveillance rapporté que le Premier-Ministre, un ancien directeur des télécommunications, avait orchestré la vente de la société, et qu’il avait fixé le prix de vente à 25 millions de dollars en s’attendant à recevoir la « part du lion » des bénéfices.48

En Avril 2012, deux des cinq journalistes qui avaient été licenciés par la Télévision Nationale d’Haïti (TNH) pour manque de professionnalisme et fausses déclarations publiques sur la radio

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 8

critiquant Michel Martelly, alors candidat à la présidence, ont été poursuivis pour diffamation par le directeur de la TNH. (Voir ci-dessus la section (a) Menaces et Intimidation). Ils font face à une peine d’emprisonnement de trois ans et 50 millions de gourdes (1,25 millions de dollars) en dommages et intérêts. En juillet 2012, le procès était en attente à la Cour d’Appel.

IEn Janvier 2012, le site web d’actualités Defend Haiti basé à Orlando, en Floride, qui a comme public la diaspora haïtienne anglophone, a reçu une ordonnance de cessation et d’abstention d’un avocat représentant le gouvernement haïtien. La lettre accusait le site de mener une “campagne de diffamation contre le gouvernement haïtien” et exigeait au site de supprimer l’article ou de faire face à une demande de réparation pour dommage au gouvernement. Defend Haiti a répondu aux accusations par écrit et n’a pas reçu d’autres communications à ce sujet.49 Le fondateur de l’agence de presse a déclaré que, après avoir reçu la lettre, il a cessé de rapporter sur la question qui avait fait l’objet de la plainte du gouvernement. Le fondateur a déclaré que les journalistes en Haïti ont rapporté avoir été harcelés, et il avait peur que sa famille en Haïti soit elle aussi menacée.50

En février 2012, le journal Haïti Liberté a été poursuivi pour diffamation par la Première Dame de la République, Sofia Martelly. Haïti Liberté avait fait état d’un affrontement entre les gardes du Président Martelly et des étudiants de l’Université d’État d’Haïti (UEH). Le Président Martelly avait tenté de participer à un colloque organisé à l’UEH sur l’ethnologie et sur la politique de construction de la nation, à laquelle il n’avait pas été invité. Lorsque les étudiants de l’UEH ont refusé à Martelly de participer à l’évènement, un affrontement entre les étudiants et les partisans de Martelly a éclaté. Cet affrontement s’est soldé par des lancements de gaz lacrymogène, et des coups de feu tirés en l’air.51 Au moins quatre étudiants ont été blessés et des dommages causés aux locaux et à l’équipement de l’université. La Première Dame, Sofia Martelly, a déposé une plainte en diffamation devant un tribunal haïtien contre le journal Haïti Liberté, lui demandant de se rétracter et de supprimer son article sur le conflit à l’UEH. Haïti Liberté a répondu à la citation, et Mme Martelly n’a pas pris d’autres mesures.

Le gouvernement haïtien ne respecte pas ses obligations en vertu de la Constitution haïtienne, Art. 28-1, de protéger la liberté d’opinion et la liberté d’expression des journalistes contre la violence, les menaces, l’intimidation et les représailles commises par le gouvernement haïtien, la police, les autorités locales, et le Président lui-même.

Une presse indépendante et critique est fondamentale pour assurer le respect des autres libertés, et former un système de gouvernement démocratique avec la primauté du Droit. Comme la CIDH l’a expliqué, dans les démocraties telles qu’ Haïti, où les institutions chargées de la surveillance de la conduite et du fonctionnement des autorités sont faibles,’’ la presse est devenue le principal instrument de contrôle et de diffusion de l’information sur les activités gouvernementales.”52

Malgré les menaces et les violences, les journalistes continuent de se battre pour une presse libre. Un célèbre journaliste haïtien a dit: « Les gens savent que s’ils m’intimident, je vais quand même faire [mon travail]. Les gens pourraient me tuer, bien que je n’aie pas dernièrement été exposé à cela. À cause de ce que je fais, je sais que je serais toujours confronté à cela. » Un autre journaliste a fait la remarque : « [Si] nous commençons à avoir peur, nous n’accomplirons rien. ».

II. L’accès à l’information publique

L’accès à l’information détenue par l’État est un droit fondamental pour chaque individu, ainsi que l’un des piliers de la démocratie.53 Comme l’a souligné la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme, « une société qui n’est pas bien informée n’est pas une société qui est vraiment libre. »54 L’accès à l’information est également fondamental au principe de la transparence dans la gouvernance publique.55 En se basant sur ces principes, l’accès à l’information détenue par le gouvernement haïtien est un droit fondamental pour tous et le gouvernement a l’obligation de le garantir. Les Haïtiens ont donc le droit individuel de demander accès à la documentation et aux informations contenues dans les archives publiques ou traitées par le gouvernement.56

Ces obligations mettent le gouvernement haïtien au devoir de ne ménager aucun effort pour assurer un accès facile, rapide, efficace et pratique à l’information publique. Comme indiqué précédemment dans le présent rapport, les Haïtiens ont difficilement accès à l’information en

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 9

général. Seulement vingt pour cent de la population comprend le Français, mais tous les journaux imprimés en Haïti le sont en Français. Moins de dix pour cent de la population à accès à l’Internet ou à la télévision. Ces difficultés renforcent le devoir du gouvernement haïtien de permettre l’accès à l’information publique et de sortir de l’habitude de refuser de fournir ces informations.

a. Réponses évasives du gouvernement sur les informations publiques

Pour certains journalistes progressistes, le gouvernement a rendu presque impossible l’enquête ou la localisation de contrats publics et d’audits en refusant de répondre aux demandes de renseignements, aux demandes de rencontres ou aux appels téléphoniques. Par exemple, les journalistes d’un journal d’enquête en ligne ont retracé une demande provenant d’une institution financière internationale au sujet d’un contrat signé entre le gouvernement haïtien et un autre gouvernement pour un projet de reconstruction après le séisme. Alors que l’article 40 de la Constitution exige que le gouvernement haïtien rende public les accords internationaux, les fonctionnaires ont à plusieurs reprises raccroché au nez des journalistes

qui enquêtaient sur le projet ou ont simplement refusé d’en parler. Le journaliste s’est adressé à un ministère local et on lui a dit que « La Constitution n’est qu’un tas de mots que auquel personne ne prête attention. »57

Selon un journaliste, le gouvernement est plus susceptible d’accorder des entrevues à des journalistes étrangers qu’à des journalistes haïtiens. Par exemple, un ministère a immédiatement accordé une interview à une agence de presse française, alors qu’une équipe de journalistes haïtiens n’a reçu aucune réponse de la part du ministère après avoir fait 12 appels téléphoniques, envoyé une lettre et s’être présenté en personne.58

Un journaliste haïtien rattaché à une agence de presse internationale a indiqué que la capacité d’accéder à l’information est fortement tributaire de l’existence de fortes relations personnelles au sein du gouvernement. Bien qu’il n’ait pas indiqué un déclin de son propre accès à l’information sous l’administration Martelly, il a nuancé sa déclaration en disant qu’il a de bons contacts dans l’administration actuelle et que « Ce n’est jamais une véritable démocratie et [le gouvernement haïtien] n’a jamais estimé qu’il devrait y avoir un accès total à l’information. [Je] [ne peux pas] dire que nous avons un accès moindre que par le passé. Nous sommes à 10%. » Les journalistes de gauche manquent souvent de contacts dans le gouvernement actuel et sont incapables d’accéder à l’information nécessaire pour mener leurs enquêtes.

Pour avoir la permission d’accéder au Palais National à Port-au-Prince pour les conférences de presse, les journalistes sont invités à remplir un formulaire. Le formulaire demande des questions générales d’identification, mais il demande aussi les noms et les adresses des conjoint(e)s, des enfants et des voisins des journalistes. Cette pratique a été documentée dans deux des sept entretiens, ce qui implique que la politique est discriminatoire; cela permet au gouvernement de déterminer quels journalistes peuvent ou non avoir accès à information.59 Les deux journalistes à qui on a demandé des informations sur leur famille n’ont pas soumis le formulaire, en argumentant que ces demandes de renseignements personnels non pertinents leur rappelait les questions indiscrètes posées par les Tontons Macoutes sous la dictature des Duvalier, qui se servaient de ces informations pour persécuter ceux qui critiquaient le gouvernement. Le

Obligation est faite à l’Etat de donner publicité par voie de presse parlée, écrite et télévisée, en langues créole et française aux lois, arrêtés, décrets, accords internationaux, traités, conventions, à tout ce qui touche la vie nationale, exception faite pour les informations relevant de la sécurité nationale. Le journaliste ne peut être forcé de révéler ses sources. Il a toutefois pour devoir d’en vérifier l’authenticité et l’exactitude des informations. Il est également tenu de respecter l’éthique professionnelle. Constitution Haïtienne, Arts. 28 et 40.

La liberté d’expression ne peut être restreinte par des voies ou des moyens indirects, notamment par les monopoles d’Etat ou privés sur le papier journal, les fréquences radioélectriques, les outils ou le matériel de diffusion, ou par toute autre mesure visant à entraver la communication et la circulation des idées et des opinions. Convention américaine relative aux droits de l’homme, Art. 13(3).

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 10

formulaire de demande d’information sur la famille est une nouveauté sous l’administration Martelly.

Lors d’une conférence de presse en février 2012, le journaliste Jackson Alexis de Radio Kiskeya a interrogé le Président Martelly sur les allégations selon lesquelles il aurait renoncé à sa nationalité (ce qui le disqualifierait en tant que Président en vertu de la Constitution Haïtienne). Le Président Martelly a répondu en demandant à Alexis pour quel média il travaillait. Quand Alexis lui a dit qu’il était à Radio Kiskeya, Martelly a déclaré qu’il ne répondrait pas.

En avril 2012, une journaliste en République dominicaine, Nuria Piera, a découvert que le Président Martelly avait reçu 2,5 millions de dollars en pots de vin pour des contrats de reconstruction avec la République dominicaine.60 Une des personnes interrogées a déclaré que les journalistes internationaux et haïtiens n’étaient pas en mesure d’obtenir des informations sur les allégations des représentants du gouvernement en Haïti, et aucune vérification des contrats de reconstruction n’a été mise à la disposition du public haïtien. Les seules informations disponibles aux journalistes investigatifs sont parvenues du gouvernement Dominicain.61

b. La stratégie et les tactiques du gouvernement pour contrôler les médias

Plusieurs journalistes ont parlé d’une réunion interne

initiée par la Première Dame, Sophia Martelly, en février 2012 au Palais national pour explorer la création d’une loi qui règlementerait la presse.62 Certaines des personnes interrogées craignent que l’intention du gouvernement était de contrôler les droits des médias. Les journalistes ont protesté contre la réunion, et il semble qu’aucune autre mesure n’a été prise sur la proposition de loi. L’an dernier, le Président Martelly a également proposé le rétablissement de l’armée nationale avec un Service National de Renseignement (SRN), qui, entre autre, serait chargé de la surveillance des journalistes.63

Il y une inquiétude chez les journalistes sur le fait que l’administration Martelly cherche à contrôler les médias en remplaçant le journalisme d’enquête par sa propre agence d’information. Les personnes interviewées sont généralement d’accord que le président Martelly a amélioré l’accès à l’information

publique par rapport à son prédécesseur, le président Préval en accordant plus de conférences de presse. Le Président Martelly et le Premier-Ministre ont tous deux publié des communiqués officiels et fréquents sur Facebook et Twitter, ce qui est un pas positif vers l’accès et la transparence. Cependant, les journalistes se demandent si l’administration utilise les médias sociaux et les conférences de presse pour contrôler la diffusion de l’information afin de réduire l’influence des médias indépendants.64

Conclusion

La liberté d’expression est une condition nécessaire à la réalisation des principes de transparence et de reddition de comptes qui t, à leur tour, son essentiels pour la promotion et la protection de la démocratie et des droits de l’homme. Le gouvernement haïtien a le devoir de protéger et de promouvoir une presse libre, mais les observations et les expériences personnelles de journalistes révèlent une tendance inquiétante à répondre de manière évasive à la presse, à recourir à l’intimidation et aux attaques contre les journalistes, notamment les journalistes de gauche qui seraient critiques du gouvernement actuel.

D’après un journaliste interviewé:

« Certains journalistes sont tombés, certains ont été tués, certains ont disparu, donc pour [ces journalistes], ils continuent à se battre pour leur pays et pour le peuple haïtien. Ils ont mené un long combat. Le président et le peuple haïtiens ont besoin de comprendre cela. Le gouvernement a besoin de la presse pour exprimer ses préoccupations et ses idées, mais l’État a besoin de journalistes pour enquêter et rapporter sur ces questions. Tous les deux ont le droit de rechercher et d’exprimer la vérité. »

Le nouveau Ministre de la Communication, Jean Gardy, qui a pris ses fonctions en mai 2012, s’est engagé à lutter contre l’extrême pauvreté chez les journalistes et à offert aux travailleurs dans les médias une assurance santé et une l’assurance-vie, ainsi qu’une formation.65 En Septembre 2012, son bureau a initié une rencontre avec le Président et le Premier ministre, plusieurs propriétaires de médias, et l’organisation haïtienne de surveillance des droits des médias SOS Watch pour discuter de la liberté de expression.66 C’est un geste encourageant qui, espérons-le, aboutira à davantage de protection pour les Haïtiens et les journalistes.

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 11

Nicole Phillips, membre du corps professoral de la faculté de droit de l’Université de San Francisco, ainsi que Kate O’Laughlin, Lynn Nguyen et Laura Tran, toutes trois étudiantes à l’USF ont rédigé ce rapport. Mme Phillips est également avocate, employée à l’Institute for Justice & Democracy in Haiti (IJDH). Les auteurs tiennent à remercier Carolyn Boyd, Brian Concannon, Dolores Donovan, et Beatrice Lindstrom pour leurs modifications; Alice Gomez pour son aide avec les citations, et Philip Goldsmith pour la production du rapport.

Recommandations pour la protection de la liberté de la presse en Haïti

1. Sous la direction du Ministère de la justice, les forces de l’ordre et les procureurs doivent prévenir et enquêter sur les cas de menaces et de violences contre les journalistes, punir leurs auteurs et veiller au dédommagement des victimes.

2. Les forces de l’ordre, les acteurs gouvernementaux et le Bureau de la Présidence doivent s’abstenir d’intimider ou menacer des journalistes, ainsi que de détruire leur matériel de presse.

3. La loi haïtienne devrait être amendée pour éliminer les peines de prison pour les cas de diffamation.

4. Tous les organismes publics doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer un accès aisé, rapide, efficace et pratique à l’information publique.

5. Le Palais National est prié de cesser d’exiger des journalistes qu’ils répondent à des questionnaires qui demandent des informations qui n’ont aucun lien avec l’obtention d’un permis pour assister aux conférences de presse.

6. Les Ministères de la Communication et de l’Éducation devraient aider à financer l’éducation et la formation des journalistes.

7. Les valeurs journalistiques et les normes professionnelles devraient être renforcées afin d’assurer le respect pour les journalistes.

8. Les conditions de vie et de travail des journalistes doivent être améliorées.

9. La communauté internationale et les pays donateurs devraient fournir au gouvernement haïtien et à la société civile un appui financier et technique pour s’assurer que tous les objectifs ci-dessus soient atteints.

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 12

1 World Press Freedom Day, Haiti Libre, May 3, 2011, http://www.haitilibre.com/en/news-2861-haiti-communication-world-press-freedom-day.html.

2 Human Rights Comm., 102nd Sess., General Comment 34, Freedoms of Opinion and Expression, U.N. Doc. CCPR/C/GC/34 (July 11-29, 2011) [hereinafter Human Rights Comm.].

3 See Nicole Phillips, Michel Martelly’s Short Honeymoon, tHe FresH outLook, May 3, 2011, available at http://ijdh.org/archives/18518; Nicole Phillips & Nicolas Pascal, Hold New, Open, Fair Elections, MiaMi HeraLD, Jan. 3, 2011, available at http://ijdh.org/archives/16240; Haiti’s November 28 Elections: Trying to Legitimize the Illegitimate (Inst. for Justice & Democracy in Haiti, Boston, Mass.), Nov. 22, 2010, available at http://ijdh.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/11/Election-Report-11-23-2010.pdf.

4 See U.S. Dep’t of State, 2011 Country Reports on Human Rights Practices - Haiti, May 24, 2012, available at http://www.unhcr.org/refworld/docid/4fc75a966a.html [hereinafter Human Rights Practices – Haiti]; See also The Platform of Haitian Human Rights Organizations (POHDH), Déclaration de la POHDH à l’occasion de la Journée Mondiale de la liberté de la presse, May 3, 2012, http://www.pohdh.org/article.php3?id_article=179.

5 Freedom of Press is Progressing in Haiti, Haiti Libre, Jan. 3, 2012, http://www.haitilibre.com/en/news-4837-haiti-politic-freedom-of-the-press-is-progressing-in-haiti.html.

6 See aLicia Pierini, VaLentín Lorences & María inés tornabene, Habeas Data: DerecHo a La intiMiDaD 31 (Editorial Universidad, 1999).

7 The delegation was led by USF law faculty member Nicole Phillips, and included USF students Kate Finch, Aditi Fruitwala, Brit Mark, Kate O’Laughlin, Lynn Nguyen, Samantha Silva, and Laura Tran. Ms. Phillips is also a staff attorney with the Institute for Justice & Democracy in Haiti (IJDH)

8 Nicole Skibola, Sovereignty, Stability and Sweet Mickey: What is Going on in Haiti?, HuFFington Post, Mar. 11, 2011, http://www.huffingtonpost.com/nicole-skibola/post_1816_b_833953.html; Jeb Sprague, Michel Martelly, Stealth Duvalierist, Haiti Liberté, Vol. 4, No. 22, Dec. 15-22, 2010, available at http://www.haiti-liberte.com/archives/volume4-22/MichelMartelly_Stealth_Duvalierist.asp.

9 Freedom House, Freedom in the World 2012 - Haiti, Aug. 22, 2012, available at http://www.unhcr.org/refworld/docid/503c722d28.html.

10 Id.11 June 22, 2012 interview with USF delegation.12 Freedom House, Freedom of the Press 2010 - Haiti, Sept. 30, 2010, available at http://www.unhcr.org/refworld/

docid/4ca44d921e.html. 13 Reporters Without Borders, World Report - Haiti, Aug. 2011, available at http://www.unhcr.org/refworld/docid/4d59463d28.html14 Comm. to Protect Journalists, cPj.org, http://cpj.org/killed/americas/haiti/ (last visited Sept. 23,2012). The names of the

journalists murdered include: Jean-Remy Badio, Robenson Laraque, Ricardo Ortega, Brignol Lindor, Jean Leopold Dominique, Alix Joseph, Jacques Roches, Gerad Denoze, and Robinson Joseph.

15 Human Rights Practices - Haiti, supra note 4.16 Freedom House, Freedom in the World 2012 - Haiti, Aug. 22 , 2012, available at http://www.unhcr.org/refworld/

docid/503c722d28.html.17 IACHR, Declaration of Principles on Freedom of Expression, at ¶9 (2000).18 Human Rights Comm., supra note 2 at ¶7.19 IACHR, Background and Interpretation of the Declaration of Principles of Freedom of Expression, at ¶39, available at http://

www.oas.org/en/iachr/expression/showarticle.asp?artID=132&lID=1.20 Two Petit-Goâve radio journalists arbitrarily detained, rePorters WitHout borDers, June 29, 2011, http://en.rsf.org/haiti-two-

petit-goave-radio-journalists-29-06-2011,40551.html.21 Id.22 Liberation of Wolf « Duralph » François, Haiti Libre, July 19, 2011, http://www.haitilibre.com/en/news-3406-haiti-justice-

liberation-of-wolf-duralph-francois.html. 23 Id.24 RWB requests the intervention of Martelly, rePorters WitHout borDers, Apr. 29, 2011, available at http://www.haitilibre.com/

en/news-2834-haiti-justice-rwb-requests-the-intervention-of-martelly.html [hereinafter Reporters Without Borders]. The five terminated journalists were Jacques Innocent, Guemsly Saint-Preux, Stéphane Cadet, Josias Pierre and former editor in chief Eddy Jackson Alexis.

25 State TV Chief Fires Three Journalists, Brings Criminal Defamation Suit Against Them, rePorters WitHout borDers, Apr. 12, 2011, I http://www.unhcr.org/refworld/docid/4da7fcfb2.html.

26 Reporters Without Borders, supra note 24.27 Id.28 Jacques Desrosiers, Haïti-Presse-Pouvoir : L’AJH scandalisée par l’attitude « grossière » de Martelly à l’égard des journalistes,

aLterPress, Oct. 11, 2011,http://www.alterpresse.org/spip.php?article11702.

La Liberté de Presse en Haïti University of San Francisco & IJDH 13

29 June 20, 2012 interview with USF delegation.30 Three Journalists from Le Nouvelliste Arrested, defend.ht, September 20, 2012, available at http://defend.ht/news/articles/

media/3361-three-journalists-from-le-nouvelliste-arrested.31 See facts immediately below regarding death of Wendy Phele and Jean Liphète Nelson.32 IACHR, supra note 19, at ¶40.33 Miranda v. Mexico, Case 11.739, Inter-Am. Comm’n H.R., Report No. 50/90, OAS/Ser/L/V/II, doc. 57 (1999).34 Wendy Phele continue de réclamer justice, raDio Vision 2000, June 26, 2012, http://radiovision2000haiti.net/public/haitijustice-

wendy-phele-continue-de-reclamer-justice/.35 Thierry Mayard-Paul dans le collimateur des défenseurs de la presse, Le nouVeLListe, June 15, 2012, http://www.lenouvelliste.

com/article4.php?newsid=106185.36 June 26, 2012 interview with USF delegation.37 June 20, 2012 interview with USF delegation; See also http://rjrnewsonline.com/news/regional/reporters-without-borders-

condemns-murder-journalist-haiti. 38 Radio Boukman Resumes Broadcasting Two Weeks After Director’s Murder, rePorters WitHout borDers, Mar. 23, 2012,

available at http://www.unhcr.org/refworld/docid/4f744bf52.html.39 Office of the Special Rapporteur Condemns Murder of Journalist in Haiti, inter-aM. coMM’n H.r., Press Release R26/12, Mar.

8, 2012, http://www.oas.org/en/iachr/expression/showarticle.asp?artID=886&lID=1.40 Two Hands Together Staff Shot and Killed, HanDstogetHer.org, http://www.handstogether.org/news/2012/two-hands-together-

staff-shot-and-killed [last visited September 19, 2012].41 Freedom House, Freedom of the Press 2011 - Haiti, Sept. 23, 2011, available at http://www.unhcr.org/refworld/

docid/4e7c84fb28.html; See alsoMedia get off relatively lightly in post-election rioting, but for how much longer?, rePorters WitHout borDers, Dec. 10, 2010, available at http://www.unhcr.org/refworld/docid/4d071e6617.html.

42 IACHR, Declaration of Principles on Freedom of Expression, at ¶5 (2000), which says, “Direct or indirect interference in or pressure exerted upon any expression, opinion or information transmitted through any means of oral, written, artistic, visual or electronic communication must be prohibited by law.”

43 Desrosiers, supra note 28.44 Id.45 Article XIX, Defining Defamation, Principles of Freedom of Expression and Protection of Reputation, Principle 4.46 IACHR, supra note 19, at ¶43.47 Jennifer Kay, Haiti’s Lamothe sues US newspaper for defamation, associateD Press, Sept. 12, 2012, http://bigstory.ap.org/

article/haitis-lamothe-sues-us-newspaper-defamation-0.48 Id.49 Sara Rafsky, Was letter to Haiti website just part of Martelly’s theatrics? coMM. to Protect journaLists bLog (Feb. 24, 2012),

http://www.cpj.org/blog/2012/02/was-letter-to-haiti-website-just-part-of-martellys.php#more.50 Kay, supra note 45.51 June 20, 2012 interview with USF delegation with USF delegation.52 IACHR, supra note 19, at ¶40.53 IACHR, Declaration of Principles on Freedom of Expression, ¶ 4.54 IACHR, OC 5/85, Series A Nº 5, supra note 15, at ¶ 70.55 See Pierini, Lorences & tornabene, supra note 6.56 IACHR, supra note 19. 57 June 21, 2012 interview with USF delegation.58 Id. 59 June 22, 2012 interview and June 26, 2012 interview with USF delegation.60 Ezra Fieser & Jacqueline Charles, Dominican authorities investigating Haitian contracts of senator, MiaMi HeraLD, Apr. 2,

2012, http://www.miamiherald.com/2012/04/02/2728451/dominican-authorities-investigating.html.61 Id.62 Id.63 Haiti’s army: Back to the future, econoMist (aMericas VieW bLog) (Sept. 30, 2011), http://www.economist.com/blogs/

americasview/2011/09/haiti’s-army; June 26, 2012 interview with USF delegation.64 June 22, 2012 interview with USF delegation. 65 Installation of the New Minister of Communication, Haiti Libre, May 18, 2012, http://www.haitilibre.com/en/news-5676-haiti-

politic-installation-of-the-new-minister-of-communication.html.66 Strengthening of the Freedom of Press and of Structures of the Press, Haiti Libre, Sept. 2, 2012, http://www.haitilibre.com/en/

news-6539-haiti-politic-strengthening-of-the-freedom-of-speech-and-of-structures-of-the-press.html.