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RAPPORT 2012 (sélection) LA LIBERTÉ RELIGIEUSE DANS LE MONDE

la libeRté Religieuse dans le mondereligions.blogs.ouest-france.fr/files/AED-livret.pdf · Editeur Aide à l’Église en Détresse (AED) International Bischof-Kindermann-Str. 23,

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RappoRt 2012(sélection)

la libeRté Religieuse dans le monde

RappoRt 2012

la libeRté Religieuse dans le monde

(sélection)

EditeurAide à l’Église en Détresse (AED) InternationalBischof-Kindermann-Str. 23, 61462 Königstein, Germany

CoordinationAttilio Tamburrini

Président du comité de rédactionPeter Sefton-Williams

Comité de rédactionMarc FromagerReinhard BackesJavier Menendez-RosRoberto Simona

Secrétaire de rédactionNathalie Rüttimann

Ont collaboré à cet ouvragePaolo Affattato, Asia News, P. Stefano Caprio, Rodolfo Casadei, Centro de Libertad Religiosa (CELIR UC) de la P. U. C. de Chile, P. Bernardo Cervellera, Camille Eid, Annie Laurent, Luca Mainoldi, Andrea Morigi, Oscar Sanguinetti

TraductionPhilippe Joas, Claire van der Vliet, Catherine d’Arco, Lyndsay Lincold

RévisionVéronique Belle

GraphismeCentrocopie Verbano - Gruppo CCVVia Nemorense 45 a/b – I-00199 RomeGuy Auroy (France)

Couverture© JS Design

Cartes© Instituto Geografico De Agostini, 2012 – DR

Production du CDCentrocopie Verbano - Gruppo CCVVia Nemorense 45 a/b, 00199 Rome, Italy

© Aide à l’Église en Détresse (AED) InternationalBischof-Kindermann-Str. 23, 61462 Königstein, Germany

n° ISBN : 2-905287-30-6

La reproduction totale ou partielle de ces textes est autorisée, à condition d’en citer la source.

Ce Rapport écrit comporte 20 pays.

Il est accompagné d’un CD avec la version complète du Rapport qui comprend 195 pays.

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Éloge de la laïcité

F orte de son action dans près de 150 pays à travers le monde et de l’ob-servation plus particulière de la situation, dans chacun de ces pays, des différents groupes religieux, l’AED (Aide à l’Église en Détresse) publie

tous les deux ans un Rapport sur la Liberté Religieuse. Même si l’AED est une Œuvre de l’Église catholique, ce Rapport se veut une étude factuelle de la situation de tous les groupes religieux en présence dans un pays, sans parti pris ni jugement. Il n’en demeure pas moins que l’analyse objective de cette situation dans le monde fait clairement apparaître une surreprésentation du christianisme en tant que groupe religieux souffrant des plus grandes limita-tions en termes de liberté religieuse.

Plusieurs raisons peuvent être sans doute avancées pour expliquer ce constat. Tout d’abord, avec deux milliards de fidèles, c’est le groupe religieux le plus important. Qu’il puisse être également le plus concerné par cette question apparaît donc naturel. Ensuite, le christianisme se développe dans un certain nombre de régions du monde, entraînant un bouleversement de l’environ-nement religieux et plus largement culturel de ces régions, ce qui ne va pas toujours sans réactions, parfois violentes. Enfin, force est de constater que le christianisme n’utilise pas la force, même pour se défendre, et qu’il constitue ainsi une proie facile ou un bouc émissaire idéal pour certains groupes extré-mistes.

Cette année encore, nous observons que les principaux motifs de négation de la liberté religieuse sont d’origine idéologique ou religieuse, ce que reflète de manière significative la liste des pays les plus concernés : Arabie Saoudite, Irak, Iran, Pakistan, Soudan, Inde, Corée du Nord, Chine, Vietnam. Cette négation ou restriction peut être le fait des États mais aussi de groupes extré-mistes.

La grande nouveauté cette année provient bien sûr de ce qu’on a appelé le « printemps arabe » et des secousses qui traversent toute cette région. De toute évidence, c’est la question de la liberté religieuse qui apparaît comme étant centrale dans l’évolution de ces pays, ou du moins dans les pistes possi-bles de résolution des conflits.

C’est clairement la question de la citoyenneté qui est posée au Moyen-Orient aujourd’hui, c’est-à-dire la question d’une égale citoyenneté pour tous, quelle que soit son appartenance religieuse. Cela sous-tend une nécessaire liberté

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religieuse pour tous, condition indispensable pour établir une telle égalité. En voici trois illustrations qui concernent la Tunisie, Israël et le Liban, respecti-vement à propos des musulmans, des juifs et des chrétiens.

Avec l’arrivée des islamistes au pouvoir en Tunisie, et leur objectif clairement affiché d’y imposer la loi islamique, certains redoutent l’instauration d’une dictature théocratique. Un grand juriste tunisien, Yadh Ben Achour, lance un cri d’alarme : « Tout ce que le parti au pouvoir a réussi à faire, c’est de transformer notre religion en une véritable maladie sociale. Les Tunisiens ont vécu la religion comme un élément de libération, de cohésion sociale, de spi-ritualité. Ils la vivent aujourd’hui comme un cancer qui dévore le corps social tout entier et qui risque de le jeter dans le sous-développement et la régression généralisée. Si cela continue, la Tunisie ne sera pas simplement déclassée par les agences de notation, le bon Dieu lui-même n’en voudra plus ».

En Israël, Shlomo Sand, historien israélien, affirme : « Notre seule chance de survie est de devenir une vraie république laïque, dans laquelle les juifs resteront majoritaires mais où tous les citoyens seront égaux en droit ».

Même le système libanais, souvent cité en exemple, n’est pas, selon Georges Corm, historien libanais, un modèle d’avenir. Fondé sur l’institutionnalisation politique des appartenances ethniques et religieuses, il favorise le communautarisme qui va à l’encontre de l’égalité citoyenne.

Apparaît donc une certaine unanimité à reconnaître le danger que représente aujourd’hui l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques avec le repli identitaire comme matrice commune et, à contrario, l’unique apparente sortie de cette impasse basée sur la reconnaissance d’une égale citoyenneté, on pourrait dire laïcité, pour tous.

Ce Rapport ne se veut pas un outil militant pour la défense d’intérêts particu-liers mais bien comme un appel, à partir de la gravité de la situation de certains pays, à œuvrer pour un plus grand respect de la liberté religieuse, qui passe selon nous par la mise en place de cette citoyenneté. Ce Rapport pourrait donc s’intituler L’Eloge de la laïcité !

Laïcité bien comprise, à différencier du laïcisme, idéologie agressive qui se veut finalement une religion de la laïcité et qui exerce aujourd’hui un certain attrait. Ce sera, pour certains, la poursuite de combats anticléricaux, l’Église catholique étant principalement ciblée ; pour d’autres, désemparés devant le nouvel environnement religieux avec la croissance de la présence musulmane

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dans notre pays, le moyen d’évacuer artificiellement le défi posé par cette nouvelle donne ; pour tous enfin la volonté d’effacer Dieu de la sphère publi-que. Ce laïcisme ne résoudra en aucune manière les tensions religieuses mais au contraire, en les niant, les poussera paradoxalement à leur paroxysme, ce qui est évidemment l’opposé de ce que cherche à produire ce Rapport.

L’édition complète de ce Rapport est contenue sous forme informatique dans le CD qui accompagne ce livet, dans lequel nous avons retenu une sélection de pays comme support écrit. Cette sélection ne doit évidemment rien au hasard, il s’agit de quelques-uns des pays où la liberté religieuse est le plus en difficulté, mais il ne doit pas occulter les autres pays présents dans l’édition intégrale du Rapport.

Même si cela peut présenter certains avantages, il nous est apparu un peu approximatif d’établir un classement des pays les plus représentatifs de l’ab-sence ou de la limitation de la liberté religieuse. On pourrait en effet établir un ensemble de critères assez objectifs, mais il resterait que chaque pays, voire parfois même chaque région à l’intérieur d’un pays, connaît une situation complexe qui lui est propre, qui ne doit pas nous empêcher de décrire la réa-lité, mais qui rend toute comparaison absolue un peu hasardeuse.

Ce Rapport est dédié à tous ceux qui, aujourd’hui encore, souffrent à travers le monde, quelle que soit leur religion, uniquement parce qu’ils sont croyants. Il ne s’agit donc pas avant tout de chiffres ou de statistiques, mais de personnes qui, nous l’espérons, seront à l’avenir moins discriminées grâce à ce Rapport.

Marc FROMAGER

Directeur AED

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La liberté religieuse : un droit de l’homme fondé sur la dignité humaine

L a liberté religieuse trouve sa source et son fondement dans la dignité de la personne humaine. Pour traiter de la liberté religieuse, il importe donc de garder la personne humaine et sa dignité comme points de référence

essentiels.

A partir de cette référence, la liberté religieuse se manifeste en premier lieu comme un droit de l’homme. Elle comporte aussi, bien entendu, des devoirs, en particulier celui de respecter la liberté des autres. Certes la mise en œuvre effective de la liberté religieuse dépend pour une large part de la manière dont ce devoir est respecté. Mais il serait erroné de considérer que la liberté religieuse de chaque personne trouve sa source dans le devoir des autres de ne pas l’entraver. La liberté religieuse existe d’abord en tant que droit de chaque personne.

La conception de la liberté religieuse en tant que droit de l’homme intimement lié à la dignité humaine a de nombreuses implications. En voici quelques unes.

La première est que la personne humaine est titulaire du droit à la liberté religieuse avant même que ce droit soit garanti par l’État ou par toute autre autorité compétente. Lorsque l’État promulgue des droits de l’homme, en réalité il ne les crée pas, mais il en reconnaît l’existence. Cela ne signifie pas que la reconnaissance étatique soit sans importance. Bien au contraire, dans toute société organisée en vue de promouvoir la dignité humaine, il est essentiel que la démocratie et l’état de droit soient accompagnés de mesures garantissant le respect effectif des droits de l’homme. Le respect des droits de l’homme consti-tue un élément décisif de la légitimité d’un ordre démocratique, et l’un des rôles primordiaux de tout ordre juridique est d’assurer la protection de ces droits. Mais le rôle de l’État, aussi important soit-il, trouve aussi ses limites dans le respect des droits de l’homme. Lorsqu’une mesure étatique contrevient à un droit fondamental de l’homme, la légitimité de cette mesure est en question. Le délicat problème surgit alors de savoir qui est compétent pour en décider. De manière ultime, cette compétence relève de la conscience de chaque individu. L’objection de conscience, au prix parfois de conséquences très douloureuses, devient alors l’expression la plus élevée du choix de la dignité.

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Une deuxième implication de la référence fondamentale à la dignité humaine est que la liberté religieuse ne peut pas être considérée isolément, indépen-damment des autres droits fondamentaux. La dignité humaine concerne tout l’homme. C’est de l’être humain dans son ensemble qu’il s’agit. Les droits de l’homme doivent donc être considérés dans leur ensemble. Ils sont in-divisibles. Une mise en œuvre conjointe, coordonnée, harmonisée conduit à un renforcement mutuel de la garantie de ces droits. La recherche d’une hiérarchie entre les droits est une entreprise délicate. Aussi légitime qu’elle puisse être, lorsqu’elle vise à assurer la meilleure protection des biens les plus élevés tels que la vie ou les biens de l’esprit, elle a parfois conduit à des ordres de priorité qui n’étaient pas respectueux de la dignité de la personne humaine dans son ensemble, par exemple lorsque les droits civils et politiques sont considérés comme secondaires par rapport aux droits économiques, sociaux et culturels, ou inversement. Mais la nécessité d’une approche globale ne doit pas occulter une autre nécessité, celle d’accorder toute l’attention requise à la protection des biens les plus élevés. L’importance essentielle de la dimension spirituelle dans la dignité de la personne humaine requiert une attention parti-culière à la mise en œuvre effective de la liberté religieuse. La liberté religieuse mérite cette attention spéciale, en raison du fait qu’elle a trait à ce qu’il y a de plus élevé en l’homme. Du reste, le respect de cette liberté dans une société donnée constitue un excellent test de la manière dont les droits de l’homme en général sont respectés dans cette société.

Du fait de son ancrage dans la dignité humaine, la liberté religieuse se rapporte non seulement à tout l’homme mais aussi à tout homme. Comme les autres droits de l’homme, elle est donc universelle. Elle ne saurait être relativisée dans une culture au prétexte qu’elle relèverait d’une autre culture. Cela dit, il faut reconnaître que les modalités de la définition et de la mise en œuvre de la liberté religieuse ont évolué au cours des temps et que des circonstances historiques ou sociologiques ont exercé, dans chaque société particulière, une influence sur cette évolution. En conséquence, une société particulière n’est pas nécessairement fondée à vouloir imposer sa manière de concevoir la liberté religieuse. Elle doit être capable d’entrer en dialogue avec des sociétés ayant des conceptions différentes. Mais la nécessité du respect mutuel entre cultures ne saurait conduire à relativiser la liberté religieuse, voire à ne retenir que le plus petit dénominateur commun. Encore une fois, la référence originelle à la dignité de la personne humaine doit servir de toile de fond commune et ne permet pas des approches minimalistes ou exclusivement négatives.

La référence fondamentale à la dignité de la personne humaine a encore une autre implication. Chaque être humain étant non seulement un individu,

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unique et irremplaçable, mais aussi un être sociable par nature, qui dépend vitalement de sa relation aux autres, son appartenance à un groupe humain, à une société organisée est indispensable à son épanouissement. Ses droits n’ont de sens que s’il peut les exercer dans une relation à autrui. En particulier, la liberté religieuse n’a pas de sens si sa portée est limitée au for intérieur de chaque individu. Elle n’a de raison d’être que si elle peut s’exercer dans le contexte sociétal dans lequel vit l’individu. Cette conception a pour corol-laires que des individus partageant la même religion ont le droit de l’exercer en commun et que le groupement qu’ils forment est, lui-même, titulaire de la liberté religieuse. Elle implique aussi que la liberté religieuse doit pouvoir être exercée d’une manière qui soit perceptible dans l’ordre social, dans toute la mesure où la liberté des autres et l’ordre public sont respectés. Dans certaines sociétés occidentales, la liberté religieuse s’est développée principalement, en raison de circonstances historiques particulières au XVIIIe et au XIXe siècles, comme la liberté de ne pas croire. On en a parfois oublié qu’elle comporte aussi la liberté de croire, y compris d’une manière collective et publique.

Conçue de cette manière, la liberté religieuse est une composante essentielle du bien commun, défini come l’ « ensemble de conditions sociales qui per-mettent tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (Gaudium et Spes, 26.1). Une société n’est respectueuse du bien commun que si elle contribue à réaliser les conditions qui permettent à chaque individu de se réaliser au mieux dans toutes les dimensions que comporte sa dignité humaine. Elle évitera donc toute forme de totalitarisme, y compris religieux, et elle ne se satisfera pas non plus d’une approche purement individualiste. La raison d’être et la source de la légitimité des pouvoirs publics étant la recherche du bien commun, l’État et les autres collectivités publiques ont le devoir de respecter et faire respecter la liberté religieuse. Ajoutons que si le devoir de promouvoir le bien commun incombe aux collectivités publiques, il appartient aussi, dans la mesure des possibilités de chacun, aux individus, aux groupements privés et aux corps intermédiaires. La liberté religieuse doit donc être respectée non seulement par l’État mais aussi par les différents acteurs de la vie sociale.

En tant que composante du bien commun, la liberté religieuse bénéficie non seulement à chaque membre de la société mais aussi à la société tout entière. Considérée dans ses dimensions positive (droit de croire) et négative (droit de ne pas croire), la liberté religieuse est à la fois un facteur de paix et de bien être individuel et social. La négation de la dimension spirituelle de la per-sonne humaine ou sa relégation au for intérieur sont incapables de maîtriser les défis que peuvent poser en société les aspirations religieuses naturelles

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des êtres humains, en particulier lorsque celles-ci s’expriment d’une manière perçue comme menaçante par d’autres segments de la société. La solution correspondant aux exigences de la dignité humaine passe au contraire par la reconnaissance et la garantie, non seulement du droit de ne pas croire, mais aussi du droit de croire, individuellement et en groupe, y compris dans une mesure socialement perceptible, dans les seules limites du respect des libertés de ceux qui pensent autrement et de l’ordre public. Les sociétés qui briment la liberté religieuse portent atteinte, non seulement aux individus concernés, mais aussi à la collectivité dans son ensemble. Même si le chemin d’une atti-tude ouverte et constructive est parsemé d’embûches, c’est le seul qui corres-ponde au respect de la dignité de chaque personne et aussi au bien de chaque communauté humaine.

Nicolas MIChEL

Consultant auprès du Conseil Pontifical Justice et Paix.

Professeur de droit à l’Université de Genève et professeur associé à l’Institut de hautes études internationales et du développement.

Ancien conseiller juridique aux Nations-Unies.

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Guide d’utilisation

Méthode et finalité

Ce rapport a été établi avec la contribution d’un groupe de chercheurs, spécia-listes et journalistes qui ont rassemblé et rendues disponibles les informations provenant en général de sources internationales, des rapports des différentes communautés religieuses et des récits des témoins oculaires. Son but est de fournir un tableau général et détaillé de la liberté religieuse dans le monde, avec la plus grande objectivité possible. Il s’efforce de donner la parole aux différen-tes religions, croyances et communautés religieuses, en évitant tout jugement de valeur sur les croyances et les convictions qui sont à la base de leurs pratiques et de leurs enseignements religieux.

L’objectif et l’utilité de ce rapport consistent principalement, à nos yeux, à don-ner une vision d’ensemble des informations, faits, situations et témoignages personnels qui, sinon, risqueraient d’être passés sous silence ou de se perdre dans le bombardement médiatique quotidien. Nous espérons qu’il fournira une image globale des droits et devoirs en matière de liberté de religion, et plus en général de droits humains, objet spécifique du présent rapport.

Structure et articulation

Les fiches pays constatent et décrivent la situation actuelle et les derniers événements ayant trait à la liberté de religion dans les pays considérés. Elles sont articulées comme suit :

- une description sommaire de la situation juridique et institutionnelle du point de vue du droit à la liberté de religion ;

- le signalement de toute amélioration ou détérioration de la situation pendant la période considérée ;

- le signalement des cas d’intolérance ou de persécution de la part des autorités ou d’un groupe religieux contre un autre.

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Sources juridiques et sources d’information consultées

En ce qui concerne les sources d’information en général, une liste est présentée en appendice après chaque section. Comme on peut le voir, les sources religieu-ses citées appartiennent à différentes religions et confessions. Par ailleurs, il y a les rapports fournis par les organisations et agences internationales qui oeuvrent en faveur des droits humains, et en particulier de la liberté de religion. Pour les autres informations recueillies sur place, les sources ne sont pas toujours citées pour des raisons de sécurité personnelle.

Nos remerciements vont tout spécialement à l’équipe du Département Projet de la Direction Internationale d’Aide à l’Église en Détresse, dont le travail précieux de vérification des informations et, dans bien des cas aussi, la connaissance directe des problèmes a contribué de façon déterminante à la réussite de ce projet.

Statistiques

Les statistiques fournies proviennent de différentes sources choisies en fonction de leur crédibilité et de leur fiabilité. Pour certains pays, les statistiques de base, telles que celles sur le nombre d’ha-bitants, se fondent sur une estimation plutôt que sur les recensements, soit que ceux-ci fassent entièrement défaut, soit que leurs résultats ne soient pas fiables du point de vue scientifique. Les chiffres cités sont ceux fournis par les Nations Unies, complétés par ceux de l’AED. La composition religieuse des différents pays est l’aspect le plus complexe et le plus difficile à vérifier, comme le savent bien les spécialistes en la matière. Pour certains pays, il existe des études scientifiques crédibles. Pour d’autres, il faut se fier aux chiffres indiqués par les directs intéressés, qui ne sont pas toujours vérifiables. Devant la nécessité de faire un choix, nous avons décidé d’utiliser, pour les statisti-ques des catholiques, des chrétiens et des autres religions, les estimations du World Christian Database, considéré par les spécialistes de la sociologie des religions comme l’une des sources les plus sures. Dans quelques cas, dûment signalés, nous avons utilisées des estimations de spécialistes qui nous ont paru suffisamment fiables. Les statistiques sur les réfugiés et les déplacés sont empruntées au site Internet du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) et site Internet du Internal Displacement Monitoring Centre du Norwegian Refugee Council (IDMC).

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La liberté religieuse demeure extrêmement limitée en Afghanistan. La Constitution afghane de 2004, qui déclare l’Islam « religion d’État », a de facto établi la loi islamique comme loi du pays. La Constitution ne protège pas explicitement le droit à la liberté de religion et d’expression, mais affirme que « les membres des religions non islamiques sont libres d’exercer leur foi et d’accomplir leurs rites religieux dans les limites des dispositions de la loi ». Toutefois, une disposition établit que « aucune loi ne peut être contraire aux préceptes de l’Islam » et prévoit que le système judiciaire respecte ladite disposition, appliquant la juris-prudence islamique là où il n’y a aucune autre loi. Par ailleurs, toute modification incompatible avec les principes de la religion islamique est interdite1.

Les personnes qui s’écartent de l’orthodoxie dominante sont légalement sanc-tionnées. Les juristes afghans et les organisations de la société civile, bien que prenant de l’importance, n’hésitent pas à confirmer qu’il n’y a aucune garantie pour le respect des droits de l’Homme2. Les citoyens ordinaires ne sont pas autorisés à discuter du rôle de la religion dans la société, du statut des minorités religieuses, ni de l’interprétation des préceptes musulmans.Au niveau judiciaire, la Constitution oblige les juges à être des experts en droit afghan et en jurisprudence islamique. La Cour suprême dispose d’un bureau spécial composé de religieux, la Direction générale, qui délivre des fatwas (édits religieux) sur des sujets religieux, sociaux, moraux et culturels. C’est principale-ment le Conseil des oulémas de Kaboul, un groupe d’influents savants sunnites et d’imams, qui conseille le Président Hamid Karzaï sur les questions juridiques et religieuses. En 2010, le Conseil des oulémas a demandé au Président Karzaï

1 Constitution de l’Afghanistan, 26 janvier 20042 Agence Fides, 26 février 2011

SURFACE652 090 Km2

POPULATION29 117 489

RÉFUGIÉS66

DÉPLACÉS448 000

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Musulmans 99,9%Chrétiens 0,1%

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d’appliquer la charia dans tout le pays, et a émis à plusieurs reprises des décrets restreignant la liberté d’expression, les droits des femmes, et la liberté des médias.Il n’existe absolument aucune liberté de conversion, et en 2011 le gouverne-ment a poursuivi des individus pour des infractions « religieuses » telles que l’apostasie et le blasphème. En outre, les citoyens sont victimes de violences et d’intimidations perpétrées par les talibans et d’autres groupes armés illégaux, qui sont favorables à une stricte observance de l’Islam. Donc, bien que les forces armées internationales soient présentes dans le pays depuis plus de 10 ans, la vie reste généralement difficile pour les minorités religieuses. La loi interdit la diffusion d’une religion autre que l’Islam, et beaucoup de lois discriminent les minorités religieuses.Le Code pénal habilite les tribunaux à se référer à la charia pour les questions qui ne sont explicitement réglementées ni par ce dernier ni par la Constitution, comme par exemple les cas d’apostasie et de conversion. Ces infractions sont donc passibles de la peine de mort. En 2011, bien qu’il n’y ait pas eu d’exécutions officielles pour cas d’apostasie, il faut en revanche noter des cas d’exécution sommaire et deux arrestations de chrétiens pour apostasie.

Apostasie et exécutions sommaires de chrétiens

La petite communauté chrétienne d’Afghanistan est vulnérable, et doit pratiquer en secret et dans la clandestinité – vu qu’il n’y a aucune église sur le sol afghan. Ses membres ont été les cibles de violences et d’arrestations. Les quelques chrétiens afghans qui existent sont des convertis de l’Islam ; ils sont obligés de cacher leur foi sous peine de mort. La situation des chrétiens s’est encore détériorée au cours de l’année 2011, après la retransmission d’une vidéo par Noorin TV en mai 2010, montrant le baptême de quelques ressortissants afghans. Cette vidéo a déclenché une tempête de critiques de la part de l’establishment religieux conservateur : les critiques ont incité le Président Karzaï à préciser que le gouvernement allait débusquer les convertis, légitimant ainsi une « chasse au converti » au cours de l’année 2011. Plus de 20 personnes ont été arrêtées, et par la suite libérées, à l’exception de Saïd Musa. Son cas a attiré l’attention de la communauté et de la presse internationales. Musa a été détenu dans une prison de Kaboul pendant six mois, risquant la peine de mort, avant d’être libéré grâce aux pressions américaine et internationale3. Musa a finalement quitté le pays avec sa famille.Le même sort a touché Shoaib Assadullah : arrêté en octobre 2010, il est resté en prison à Mazar-i-Sharif pendant six mois, sous l’inculpation de « prosélytisme »,

3 Asianews, 25 février 2011

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pour avoir offert une Bible à un ami ; il est sorti en avril 20114.Cependant, la brutale exécution d’Abdul Latif, afghan de la région de Herat converti de l’Islam au Christianisme, a été décrite comme un « exemple » : ainsi qu’en témoigne une vidéo diffusée sur Internet, quatre militants talibans ont décapité le chrétien devant la caméra, à titre d’avertissement pour tous les Afghans qui voudraient « suivre la religion des infidèles »5. Siegbert Stocker et Willi Ehret, deux travailleurs humanitaires chrétiens de l’orga-nisation « Serving in Mission », ont payé de leur vie leur engagement sur le sol afghan : ils ont été enlevés au mois d’août, probablement par des groupes de tali-bans, puis tués6. Toujours en 2010, les talibans ont pris pour cible des travailleurs humanitaires d’organisations chrétiennes, les accusant de faire du prosélytisme chrétien sous couvert de travail social. Pour les chrétiens, la solution est souvent de fuir le pays. Pour éviter la mort ou la persécution, sept familles afghanes, converties au christianisme, se sont réfugiées en Inde où elles risquent toujours d’être expulsées7.

Musulmans chiites et autres minorités

La situation de la minorité musulmane chiite d’Afghanistan s’est considérable-ment améliorée depuis la fin du régime taliban qui persécutait sévèrement les chiites. La majeure partie des chiites afghans font partie du groupe ethnique hazara, autrefois durement discriminé par le reste de la société pour des raisons à la fois politiques, ethniques et religieuses. Aujourd’hui, les musulmans chiites hazaras participent pleinement à la vie publique. Certains d’entre eux occupent même des postes importants au Parlement et dans le gouvernement Karzaï. En 2011, les musulmans chiites ont pu célébrer publiquement et sans incident leurs fêtes traditionnelles.La situation des autres petites communautés religieuses minoritaires comme les hindous et les sikhs s’est également améliorée depuis la chute des talibans. Les hindous et les sikhs sont autorisés à pratiquer leur foi et disposent de leurs pro-pres lieux de culte publics. Aucun incident n’a été rapporté en 2011. Au contraire, la petite communauté Baha’i continue de mener une existence substantiellement clandestine. En 2007, elle a fait l’objet d’une « fatwa » définissant sa foi comme « une forme de blasphème ».

4 International Christian Concern, 20 avril 20115 World Magazine, 22 juin 2011 6 Serving in Mission, 9 septembre 20117 International Christian Concern, 13 mai 2011

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aRabie saoudite

Le royaume wahhabite continue d’être décrit par tous les observateurs inter-nationaux comme un « pays particulièrement préoccupant » (CPC, Country of Particular Concern), en raison de la persistance de graves violations de la liberté religieuse, aussi bien dans les faits que dans la législation.

Le royaume wahhabite a lui aussi été menacé par les révoltes populaires qui ont secoué une grande partie du monde arabe en 2011. Des appels à manifester y ont circulé, via Internet, tandis que des intellectuels et des activistes des Droits de l’Homme adressaient au roi Abdallah des demandes de changements constitutionnels et sociaux. La stratégie adoptée par la monarchie saoudienne pour contrer la menace est double. D’une part, les principaux acteurs de l’ap-pareil religieux wahhabite ont été mobilisés pour désavouer les manifestations qualifiées de « contraires à l’Islam ». Les autorités religieuses wahhabites ont d’abord utilisé les minarets pour mettre en garde contre la colère de Dieu qui pourrait s’abattre sur les croyants ayant participé aux manifestations pacifiques prévues après la prière de midi. En second lieu, les autorités religieuses officiel-les ont mis en garde contre une conspiration iranienne dirigée par les chiites de la Province Orientale pour créer la fitna (discorde) et diviser l’Arabie saoudite. Ils ont eu recours à tout le répertoire des opinions wahhabites anti-chiites, historiquement décrits comme des hérétiques et, plus récemment, comme une cinquième colonne agissant comme agent de l’Iran.À côté de cette stratégie religieuse confessionnelle, les autorités ont utilisé la « méthode du bâton et de la carotte » : menace d’utiliser la force contre ceux qui violent les lois, et distributions d’aides économiques substantielles à la population saoudienne.

SURFACE2 149 690 Km2

POPULATION27 136 977

RÉFUGIÉS572

DÉPLACÉS---

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Musulmans 93%Chrétiens 4,9% Catholiques 3,8% /

Orthodoxes 0,2% / Protestants 0,1%

Anglicans 0,1% / Autres Chr. 0,7%

Autres 2,1%

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Le 6 mars 2011, le Conseil suprême des oulémas saoudiens a défini comme « non islamique » le fait d’appeler – sur le modèle des révolutions arabes – à des manifestations et des pétitions demandant des réformes dans le Royaume. Le Conseil, présidé par le Grand mufti d’Arabie saoudite, a publié une note indiquant que « les manifestations sont interdites dans ce pays et que la façon islamique de réaliser le bien commun est de donner des conseils ». À son tour, le Ministre de l’intérieur a annoncé à la télévision d’État que toute forme de protestation et de marche était interdite en Arabie saoudite, ajoutant que les forces de sécurité feraient usage de tous les moyens pour prévenir toute tentative de mettre en danger l’ordre public. Le Ministre a déclaré que « les règles du Royaume interdisent catégoriquement tout type de manifesta-tion, marche ou sit-in, car ils vont à l’encontre de la charia et des valeurs et traditions de la société saoudienne ». Ces deux annonces faisaient suite à une série de manifestations qui avaient eu lieu dans les régions orientales du pays, principalement peuplées de chiites, et à des appels à suivre l’exemple des révolu-tions tunisienne et égyptienne, qui ont circulé sur les réseaux sociaux d’Internet.

Chrétiens

Ces dernières années, des responsables saoudiens ont multiplié les déclarations dans lesquelles ils affirmaient la possibilité pour les travailleurs non musulmans de célébrer leur culte en privé. Cependant, la notion de « privé » reste vague. Le gouvernement saoudien a répété que, tant que les rassemblements de non-musulmans se feraient en petits groupes et dans des maisons privées, aucun organe de sécurité n’interviendrait. Toutefois, cette position officielle est de toute façon violée dans la mesure où il continue d’y avoir des cas dans lesquels la police religieuse rentre par effraction dans les résidences privées où se tiennent de telles réunions de prière. Un autre motif de préoccupation pour les chrétiens (comme pour tous les non-musulmans qui résident dans le Royaume), soulevé au cours de cette période, est le temps excessif – parfois des semaines –nécessaire pour rapatrier les corps des travailleurs étrangers décédés. L’Arabie saoudite n’autorise pas l’enterrement de non-musulmans sur son propre sol. La question a été soulevée lors de la visite d’une délégation américaine en Arabie saoudite. Au cours de la période examinée par le présent rapport, il y a eu un certain nombre d’arrestations de fidèles chrétiens. Dans certains cas, la nouvelle de l’arrestation n’a pas été diffusée, prétendument pour assurer la réussite des négociations entre le gouvernement et les autorités du pays d’origine, en vue de leur libération.

En janvier 2011, deux chrétiens indiens, Yohan Nese (31 ans) et Vasantha Sekhar

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Vara (28 ans), ont été arrêtés au cours d’une descente de la police religieuse dans une habitation privée de Batha, dans la province de Riyad, où se dérou-lait une réunion de prière. Les deux indiens ont ensuite été condamnés à 45 jours de prison. Pendant leur détention, les deux membres de la congrégation pentecôtiste « Rejoice in the Church of the Lord » ont vécu dans des conditions épouvantables : les policiers ont exercé des pressions sur eux pour les inciter à se convertir à l’Islam, tandis qu’il n’y avait dans leur cellule aucun espace pour s’asseoir, obligeant l’un à rester debout pendant que l’autre dormait. À la nouvelle de l’arrestation, l’Ambassadeur d’Inde a déclaré ne rien pouvoir faire, s’agissant d’une question de religion. Les deux travailleurs ont été libérés de manière inattendue le 12 juillet 2011 et expulsés vers l’Inde le 24 juillet. Pendant son incarcération, Vara a subi des pressions pour qu’il se convertisse à l’Islam.

Le 12 février 2011, un chrétien érythréen, Mussie Eyob, a été arrêté pour avoir parlé du christianisme avec des musulmans dans une mosquée de Djeddah, un « crime » impliquant la peine de mort en Arabie saoudite. Mussie Eyob, à qui des problèmes de santé mentale avaient initialement été diagnostiqués, a été examiné par des médecins qui ont confirmé qu’il était capable de supporter un procès et une condamnation. Il a ensuite été transféré à la célèbre prison de haute sécurité de Briman. En juillet, après 5 mois de prison, il a été expulsé vers l’Érythrée.

En octobre 2011, un travailleur philippin a été arrêté et condamné pour blasphème, sur le fondement d’une dénonciation de son employeur, lequel affirmait que son employé avait insulté le prophète de l’Islam. Les développements de l’affaire ne sont pas connus. Le 15 décembre 2011, la police saoudienne a fait irruption dans une maison où environ 35 chrétiens éthiopiens, principalement des femmes, s’étaient rassemblés pour prier. Beaucoup d’entre eux se sont plaints de mauvais traitements et d’abus pendant les interrogatoires. Les développements de l’affaire ne sont pas connus.

En mars 2012, la fatwa, par laquelle le Grand Mufti d’Arabie saoudite estimait nécessaire de détruire toutes les églises situées dans la péninsule arabique, a suscité des réactions très vives de la part des chrétiens et de la communauté inter-nationale. Le cheikh Abdul-Aziz bin Abdullah Al Sheikh répondait à une demande de clarification faite par une délégation koweïtienne, la « Society of the Revival of Islamic Heritage » (société de renouveau de l’héritage islamique), à propos de la proposition faite par un parlementaire koweïtien d’interdire la construction de nouvelles églises dans le pays. La conclusion du Grand Mufti était que la présence de lieux de culte chrétiens en Arabie « signifie de facto qu’on admet que leur foi est juste ».

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Chiites et ismaelites

Les chiites représentent entre 10 et 15 % de la population saoudienne, mais sont considérés comme des citoyens de seconde zone. Il n’y a aucun ministre chiite au gouvernement, et seuls cinq des 150 membres de la Choura (Conseil consultatif ) sont membres de cette communauté. Très peu de chiites occupent des postes im-portants au sein des organes de l’État, en particulier dans les agences de sécurité. Malgré le peu de progrès enregistrés ces dernières années (comme la permission de célébrer l’Achoura dans la ville de Qatif ), la célébration des fêtes chiites dans d’autres régions, comme Ahsa’ et Dammam, demeure interdite. La question de l’enseignement de la doctrine chiite aux enfants dans les écoles demeure sans solution (il n’y a pas d’alternative à l’enseignement de l’Islam sunnite), de même que la réouverture de certaines mosquées chiites (hussainiya), fermées par le gou-vernement. Étant donné que de nombreux juges saoudiens considèrent les chiites comme des infidèles, ils sont souvent traités plus sévèrement lors des procès.

Le 27 février 2011, le dignitaire chiite Tawfiq al-Ahmar a été arrêté pour avoir sollicité, au cours d’un prêche à Al-Hufuf, l’instauration d’une monarchie constitu-tionnelle et la fin des discriminations à l’égard des chiites. Ahmar a été libéré le 6 mars, à la suite de manifestations organisées par ses partisans au cours desquelles les forces de police ont procédé à l’arrestation de nombreuses personnes.

En mars 2011, dans le sillage des mouvements de protestation qui ont secoué le monde arabe, des centaines de chiites de différentes villes de la région orientale (Safwa, Qatif, al-Ahsa’) ont manifesté pour demander la libération des détenus re-ligieux et politiques de leur communauté. Les autorités ont procédé à l’arrestation de dizaines d’entre eux.

En décembre 2011, un citoyen australien d’origine irakienne a été condamné par les autorités saoudiennes à 500 coups de fouet et un an de prison après avoir été reconnu coupable de blasphème. L’homme âgé de 45 ans, Mansor Almaribe, domicilié dans l’état de Victoria, a été arrêté le 14 novembre dans la ville sainte de Médine alors qu’il faisait le pèlerinage. Ses proches, en Australie, ont signalé que Mansor avait été accusé d’avoir insulté les « compagnons du prophète », alors que sa famille affirme qu’il était en train de prier dans un groupe de pèlerins chiites. L’Ambassadeur d’Australie à Riyad a pris contact avec les autorités locales pour faire un appel « urgent » à la clémence au nom du gouvernement fédéral. « Le gouvernement australien est totalement opposé aux punitions physiques », a déclaré le Département du commerce et des relations extérieures. Finalement, Mansor n’a reçu « que » 75 coups de fouet, et il a été autorisé à porter une veste de cuir pour adoucir les coups.

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En février 2012, le roi Abdallah a gracié l’ismaélite Hadi Al-Mutif, incarcéré de-puis 1994 et accusé d’apostasie. Différents gouvernements et ONG occidentales s’étaient mobilisés en faveur de sa libération depuis des années. Divers

En février 2012, afin d’échapper à l’accusation d’apostasie et de blasphème, le blogueur de 32 ans Hamza Kachgar a quitté l’Arabie saoudite pour se réfugier en Malaisie. Kashgari avait reçu plusieurs menaces de mort pour avoir posté sur Twitter des commentaires jugés non conformes à l’Islam. Après quelques jours, les autorités de Malaisie l’ont renvoyé en Arabie saoudite où il a été enfermé dans une prison de Djeddah dans l’attente de son procès.

En mai 2012, le clergé saoudien a vivement critiqué l’écrivain réformiste koweïtien, Tareq al-Suweidan, lequel, dans une série d’articles, avait pu-bliquement appelé à l’abolition de la peine de mort prévue par la cha-ria pour l’apostat, celui qui abandonne l’Islam pour une autre religion, et à la possibilité de construire des églises dans la péninsule arabique. Le mufti saoudien, Cheikh Abdelaziz Al-Cheikh, s’en est pris à ses propositions en disant que « ces articles sont écrits par une personne qui n’a pas la foi ou ne sait pas ce qu’il dit. Comment pouvons-nous nous opposer à la parole d’Allah ? ». Le Cheikh Saleh al-Fawzani, membre du Comité des oulémas saoudiens, selon laquelle « il n’y a aucun doute que celui qui écrit ces choses se trompe, parce que l’apostasie est une offense contre Dieu », s’est également déclaré opposé aux positions de l’écrivain koweitien.

En mars 2012, l’Arabie saoudite a décidé de renforcer sa guerre contre la sor-cellerie, qui est passible de la peine de mort dans le Royaume. La Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du Vice, en d’autres termes la puissante police religieuse, a signalé avoir créé une « unité opérationnelle », chargée de combattre les sorciers, décrits comme « auteurs majeurs de l’insta-bilité sociale et religieuse dans le pays ». La nouvelle unité est dirigée par le cheikh Adel al-Muqbil, un important dignitaire, et comprend un certain nombre d’autres éminents oulémas. Le président de la police religieuse, le cheikh Abdul-Latif Al-Shaikh, a ordonné la création de ces unités qui visent à « développer l’action sur le terrain pour lutter contre les sorciers et les charlatans dans toutes les régions du Royaume ». Il est écrit dans le communiqué de presse de la Commission : « L’unité a l’ordre d’arrêter immédiatement les sorciers et les charlatans, de les remettre aux autorités compétentes en vue de l’application de la punition divine, et de mettre un terme à leurs actions malveillantes à l’encontre des musulmans ». Les journaux saoudiens parlent d’une augmen-

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tation des cas de « magie noire », qui ont atteint le nombre d’environ 586 ces dernières années. La Commission n’a pas précisé quels actes de sorcellerie étaient considérés comme des crimes, mais les cas signalés impliquent toutes les formes de magie noire, y compris la radiesthésie, l’exorcisme, la multiplica-tion de l’argent par le biais de rituels magiques, la cartomancie, les guérisseurs, la manipulation des os (chiropraticiens, ostéopathes, etc.), la fabrication de potions magiques, l’herboristerie, la chiromancie, les rituels pour attirer les animaux, l’alchimie, la médiumnité et l’empathie. Ces dernières années, plu-sieurs personnes accusées de sorcellerie ont été exécutées en Arabie saoudite.

Points positifs Au cours de la période examinée, le gouvernement saoudien a adopté quelques mesures pour affronter la question des fatwas controversées. En septembre 2010, de nombreux sites Web contenant des fatwas intolérantes et incitant à la haine reli-gieuse, ont été bloqués par décret du roi Abdullah. Le décret a été émis pour éviter l’embarras causé aux autorités saoudiennes par les sentences de religieux ultra-conservateurs, comme celle prononcée en février 2010 par un dignitaire sunnite, le cheikh Abdul-Rahman al-Barrak, qui exhortait au meurtre de toute personne faisant la promotion de la promiscuité entre sexes opposés sur le lieu de travail et dans les établissements d’enseignement. Ce décret limite le droit d’émettre des fatwas aux membres du Conseil des grands oulémas, reconnu par le gouvernement. Par ailleurs, le Conseil des oulémas a émis en mai 2010 une fatwa condam-nant le financement des activités terroristes, tandis qu’en janvier 2011 le cheikh Abdul-Aziz al-Fouzan s’est joint à d’autres oulémas pour demander au gouvernement de mettre fin à la pratique de la prière contre les non-musulmans. Fouzan, membre de la Commission saoudienne des Droits de l’Homme, a déclaré que de telles prières étaient contraires à l’esprit de l’Islam.

En 2011, les fonctionnaires du Ministère des affaires islamiques saoudien ont dé-claré qu’au moins 3.500 imams avaient été licenciés pour avoir pris des positions extrémistes, et plus de 40 000 (sur un total de 75.000 imams) ont été soumis à une formation. Le ministère estime qu’environ 70 % des imams se sont éloignés des positions fanatiques et possèdent les qualifications requises, ajoutant que d’autres efforts sont faits pour rééduquer les 30 % d’imams restants. Les responsables ont également déclaré avoir soumis les membres de la police religieuse à des licencie-ments, des mesures disciplinaires ou des procès pour abus de pouvoir ou pour avoir causé la mort ou des blessures à des citoyens saoudiens.

Cependant, la question des manuels scolaires en usage dans les écoles reste en

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suspens, certains d’entre eux (malgré les révisions effectuées ces dernières années) contenant encore des incitations à la haine des membres d’autres religions ou bran-ches de l’Islam. En novembre 2010, les médias britanniques ont soulevé le problème préoccupant des livres utilisés dans une quarantaine d’écoles saoudiennes situées au Royaume-Uni et en Irlande.

En octobre 2011, les Ministres des affaires étrangères d’Autriche, d’Espagne et d’Ara-bie saoudite ont signé un traité instituant le « Centre International Roi Abdallah pour le dialogue interreligieux et interculturel », dont le siège est à Vienne. Le Centre, qui sera officiellement ouvert en 2012, aura pour fonction principale de fournir un lieu de débat apolitique entre les différentes confessions et au sein des communautés religieuses elles-mêmes, ce qui est considéré comme nécessaire pour construire une paix et une sécurité de long terme. Selon les participants à la cérémonie constitutive, le Centre promouvra les vertus, le respect des êtres humains, quelles que soient leur race ou leur religion, la lutte contre l’intolérance et le racisme, et la compréhension mutuelle sur une base culturelle et religieuse. L’idée de créer ce Centre a été lancée par le souverain saoudien lors de la Conférence mondiale pour le dialogue entre les religions, qui s’est tenue à Madrid en juillet 2008. Tous les frais de création et de fonctionnement du nouvel établissement seront totalement à la charge de l’Arabie saoudite.

Il est peut-être trop tôt pour savoir s’il convient de considérer cela comme un « pas positif », ou comme une simple formalité bureaucratique du complexe royaume saoudien. Le Roi Abdallah a licencié en janvier 2012 le chef de la police religieuse, Abdul-Aziz Humayen, et l’a remplacé par Abdul-Latif bin Abdul-Aziz Al Sheikh, membre de la famille des Al Sheikh qui dirige l’establishment wahhabite. Aucune indication n’a été fournie quant aux raisons de ce changement à la tête du « Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du Vice », nom officiel de la police religieuse. En vérité, le prédécesseur de Al Sheikh avait été choisi lui aussi (en 2009) pour réformer la police religieuse. Il avait engagé des conseillers, rencontré des groupes de défense des Droits de l’Homme et des experts en image afin d’améliorer la réputation de la police après des événements qui avaient indigné l’opinion publique saoudienne. Les agents de la police religieuse veillent à l’application des lois qui réglementent les mœurs civiles, sexuelles et religieuses du pays : ils contrôlent que les magasins soient bien fermés pendant la prière, arrêtent les couples non mariés, arrêtent les femmes qui ne sont pas couvertes de la tête aux pieds, s’assurent que les femmes ne conduisent pas de voitures, etc.

Sources :

The Guardian / BBC / AKI / Asia News / Avvenire / Commission américaine sur la liberté religieuse

internationale (USCIRF) Report 2012 / Voice of the Martyrs / Unipd / ONG “Nessuno Tocchi Caino”

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Chine

L’année 2011 a été marquée, en Chine, par un grand nombre de violations des droits de l’homme et de la liberté religieuse. En plus des outils de contrôle, déjà existants, des communautés officielles (et de la « criminalisation » des activités religieuses non officielles ou souterraines), les problèmes des groupes religieux ont été aggravés par :

a) la crainte de Pékin de voir éclater en Chine un « printemps », dans le style de ceux qui ont anéanti les dictateurs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Les analystes n’ont pas tardé à montrer les similitudes qui existaient entre ces pays et la Chine (gouvernement dictatorial, très grand écart entre les riches et les pauvres, manque de libertés fondamentales, chômage, proportion des jeunes dans la société qui veulent un changement). Cette peur a rendu le régime encore plus suspicieux envers toute activité religieuse non expressément autorisée.

b) le changement imminent de direction politique du pays : le président Hu Jintao et le Premier Ministre Wen Jiabao devraient en effet démissionner en octobre 2012. Xi Jinping et Li Keqiang devraient occuper leurs places respectives. Il s’agit de deux « petits princes », c’est-à-dire les fils de grandes personnalités du parti, connues pour leur pragmatisme et leur engagement à rendre la Chine économiquement et politiquement plus forte. Cependant, les luttes entre les diffé-rentes factions du parti – dont celle de Bo Xilai, un autre « petit prince maoïste » – ont causé de grandes secousses. Afin de mobiliser l’opinion publique intérieure, beaucoup d’entre eux ont repris les expressions, les chansons, les attitudes et

SURFACE9 572 900 Km2

POPULATION1 339 724 852

RÉFUGIÉS301 018

DÉPLACÉS---

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Agnostiques / Athées 39,5%Religion traditionnelle chinoise 32,1%Bouddhistes 13,5%Chrétiens 8,6% Catholiques 1,2% / Protestants 1,9% /Autres Chr. 5,5%

Musulmans 1,6%Animistes 4,3%Autres 0,4%

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les méthodes de Mao Zedong, tentant de montrer leur propre pureté idéologique en attaquant les « ennemis », parmi lesquels les communautés religieuses.

La liste d’arrestations n’a jamais été aussi longue que cette année parmi les chrétiens (catholiques et protestants), musulmans, bouddhistes (tibétains), ainsi que parmi les dissidents, avocats des droits de l’homme, militants démocrates, blogueurs, artistes (comme par exemple Ai Weiwei), et journalistes.

Depuis le début de l’année, la police a reçu de plus grands pouvoirs pour « séques-trer » et détenir pendant des mois les « suspects » pour des faits concernant la sécurité nationale, le terrorisme ou la corruption. Des modifications sont également prévues dans les lois applicables, afin de retirer aux citoyens le droit d’avertir un avocat ou des membres de leur famille en cas d’arrestation. La loi chinoise permet déjà jusqu’à 6 mois de détention en résidence surveillée avant de recevoir une accusation formelle, mais à son propre domicile. La modification de la loi donnerait la possibilité de conduire le « suspect » dans un lieu secret, autre qu’une prison ou un poste de police. Bien que l’amendement n’ait pas encore été voté, il a déjà été appliqué, comme dans le cas d’Ai Weiwei et de nombreuses arrestations de fidèles1.

La Chine a également peur que le mécontentement se cristallise sous une forme religieuse, augmentant les rangs de ceux qui veulent plus de liberté et moins de contrôle. En outre, il y a de plus en plus de dissidents qui découvrent dans la religion – et surtout dans le christianisme – une base idéale pour enraciner et consolider leur engagement. Bon nombre d’entre eux se convertissent et se font baptiser.Les conversions religieuses se produisent même au sein du parti, forçant les officiels à prononcer des condamnations explicites.

Dans le numéro de décembre de la revue « À la recherche de la vérité (Qiu Shi) », liée au parti, Zhu Weiqun, vice président du Front Uni, a lancé un appel menaçant en écrivant que « si nous laissons les membres du parti croire à la religion... cela causera inévitablement des divisions au sein de l’organisation et de l’idéologie du parti ». Zhu Weiqun a fait carrière en s’engageant sur la question du Tibet et en boycottant tout dialogue avec le Dalaï-Lama. On peut lire dans son article aux accents maoïstes : « Toutes les religions, sans exception, sont idéalistes par nature. Et en philosophie, il y a un conflit fondamental entre matérialisme et idéalisme, qui ne peuvent coexister ni au niveau individuel, ni au niveau politique. » Selon Zhu, permettre aux membres du parti d’avoir une foi religieuse minerait le marxisme et l’idéologie du pays, affaiblirait le parti dans sa lutte contre les mouve-

1 AsiaNews.it, 29/08/2011

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ments séparatistes (lire : bouddhistes tibétains et musulmans ouighours) et brouille-rait le rôle du parti dans le contrôle des religions2. Le numéro suivant de « À la recherche de la vérité », à la fin de l’année, contient un article de Hu Jintao dans lequel il s’en prend à « des puissances hostiles » qui cherchent à « occidentaliser » la Chine ; le pays, malgré un statut international important, possède une culture internationale « faible », incapable d’influencer le monde. Il est urgent de « prendre des mesures énergiques » pour lutter contre la colonisation culturelle.Pour le Président chinois et le Secrétaire général du PCC, la « force de la culture chinoise et son influence internationale ne sont pas proportionnelles au statut in-ternational de la Chine ». C’est pourquoi il est important de s’efforcer encore plus de développer la culture chinoise, pour qu’elle réponde « aux besoins spirituels et culturels croissant du peuple ». « Nous devons être conscients – dit-il – de la gravité et de la complexité de ces luttes, et prendre des mesures énergiques pour les prévenir et arriver à une solution ».Selon certains analystes, cette lutte contre les « puissances hostiles » inclut aussi la lutte contre le christianisme et le catholicisme, considérés comme la « quintessence de l’Occident ».Dans l’article, Hu met en garde les cadres contre certaines « puissances internationa-les hostiles qui intensifient leurs efforts pour nous occidentaliser et nous diviser », ciblant en particulier « les domaines idéologiques et culturels ». Les discours des membres du parti définissent souvent le Vatican et le Pape comme des « puissances étrangères » qui cherchent à détruire la Chine « sous le manteau de la religion »3.

Catholiques

En 2011, dans le cas spécifique des catholiques, l’Association patriotique (AP, qui contrôle l’Église officielle), le Front Uni et les représentants de l’Église officielle favorable au régime ont continué de menacer d’ordonner des dizaines de nouveaux évêques sans l’autorisation du Saint-Siège.Anthony Liu Bainian, Président d’honneur de l’Association patriotique nationale, a déclaré qu’en Chine l’Église procéderait à l’ordination de nombreux évêques sans mandat pontifical, « en les élisant et les consacrant elle-même »4. Même l’évêque excommunié Guo Jincai a déclaré qu’en Chine, l’Église ordonnerait des évêques auto-élus pour au moins « sept diocèses »5.

2 Xinhua, 18/12/20113 Qiu Shi, 1/01/20124 Afp, 22/06/20115 China Daily, 22/07/2011

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Au cours de l’année, le Saint-Siège a souvent souligné qu’un mandat pontifical pour l’ordination de nouveaux évêques était essentiel à la foi catholique, et était une nécessité inhérente à la foi. De la même manière, le Saint-Siège a répété – comme l’avait fait le Pape Benoît XVI dans sa lettre aux catholiques chinois de 2007 – que l’objectif de l’Association patriotique (bâtir une Église indépendante et séparée du Pape) était « incompatible » avec la foi catholique. Malgré cela, au cours de l’année, l’AP et le gouvernement n’ont cessé de s’immiscer dans les ordinations épiscopales : certaines ont été annulées, d’autres reportées, d’autre encore ont eu lieu de manière illicite (sans mandat pontifical) ; dans un certain nombre de cas, des évêques excommuniés ont imposé leur présence lors des ordinations régulières, alors que selon la doctrine catholique ils ne pouvaient pas approcher les sacrements. Dans d’autres cas, les évêques fidèles au Pape ont été contraints par la police de prendre part aux ordinations illicites.

Ordinations épiscopales

L’ordination épiscopale du Père Shen Guoan comme évêque de Hankou (Wuhan, Hubei), qui était fixée au 9 juin, a été reportée par le gouvernement, sans motif. Toujours est-il que l’ordination aurait été « illégale », car sans mandat pontifical. Le président d’honneur de l’AP, Anthony Liu Bainian, a exigé que le Vatican « n’interfère pas dans le travail des évêques auto-élus et auto-ordonnés ». Mais la population catholique, les sœurs du diocèse et le candidat lui-même ont ré-sisté et ont refusé d’entériner la décision de l’AP. Les sœurs ont même organisé une manifestation publique pour exiger l’entière liberté religieuse et le respect de la foi catholique6.

L’ordination épiscopale du Père Joseph Sun Jigen comme évêque coadjuteur du diocèse de Handan (Hebei), prévue pour le 29 juin, a été annulée par le gouvernement sans aucun motif. La nomination du Père Sun avait été approuvée par le Saint-Siège et reconnue par le gouvernement chinois. L’évêque désigné, âgé de 43 ans, a été emmené par la police le 26 juin, à la fin d’une retraite spirituelle de cinq jours. Jusqu’à cette date, jour de la Fête-Dieu, le Père Sun avait effectué cette retraite en vue de la cérémonie de consécration épiscopale. Il se trouvait à Weihui, dans la province du Henan, en compagnie du Père Joseph Huai, chancelier diocésain de Handan, et ils avaient l’intention de retourner en-semble dans le diocèse. Soudain, des agents de la sécurité publique du Handan les ont forcés à monter à bord d’un véhicule de police. Quand la voiture de police a atteint Handan, le Père Huai a demandé avec insistance que les deux prêtres soient autorisés à retourner dans leur diocèse. Mais les demandes n’ont

6 Ucanews.com, 1/06/2011

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pas été entendues. Ensuite, après les avoir emmenés dans la ville voisine de Shahe, la police a fait monter le Père Huai dans un autre véhicule et l’a ramené – seul – à Handan. Au contraire, le Père Sun et les policiers ont continué leur voyage vers le Nord, en direction de la ville de Shijiazhuang. Selon des sources locales, l’ordination a été annulée parce qu’aucun accord n’avait été conclu en ce qui concerne les évêques qui devaient assister à la cérémonie. Les prêtres et le nouvel évêque voulaient que tous les prélats invités soient en communion avec le Pape ; l’AP et le Ministère des affaires religieuses voulaient inclure quelques évêques excommuniés7. Mgr Sun Jigen a également été ordonné en secret8.

Le 29 juin, le Père Paul Lei Shiyin a été ordonné évêque de Leshan (Sichuan), sans mandat pontifical. Sept évêques en communion avec le Pape ont participé à la célébration. Sur ordre de l’Association patriotique, la célébration a eu lieu le jour même de la fête des Saints Pierre et Paul. Il s’agissait de la première ordination suite à la publication, par le Saint-Siège, d’une déclaration concernant l’excommunication des membres du clergé ayant participé à des ordinations illicites, que ce soit en recevant ou en donnant l’ordination.

Mgr Lei Shiyin, 48 ans, avait été ordonné prêtre le 30 novembre 1991. Il est actuellement membre de la Conférence consultative politique du peuple chinois, un organisme qui conseille le Parlement chinois. Il est aussi vice-président de l’Association patriotique catholique chinoise, et a été président de l’AP pour la province du Sichuan. Le Vatican avait contacté le candidat en lui demandant de ne pas procéder à l’ordination. Pour le Saint-Siège, le Père Lei Shiyin n’était pas un candidat approprié pour jouer un rôle pastoral. Quelques jours après l’or-dination, la salle de presse du Saint-Siège a annoncé l’excommunication (latae sententia) de l’évêque ordonné et l’éventuelle excommunication des évêques qui y avaient participé9.

Le 14 juillet, le Père Joseph Huang Bingzhang a été ordonné évêque de Shantou (Guangdong) de manière illicite (sans mandat pontifical). Huit évêques en commu-nion avec le Pape ont participé à l’ordination. Certains d’entre eux ont avoué qu’ils avaient été contraints d’y participer. Mgr Paul Pei Junmin, choisi pour présider la célébration, a réussi à résister et à ne pas aller à la cérémonie. Le Vatican n’avait pas donné d’autorisation pour l’ordination, parce que Shantou a déjà un évêque en la personne de Mgr Zhuang Jianjian. Mgr Zhuang a été ordonné secrètement en 2006, avec le mandat du Vatican, mais n’est pas reconnu par le gouvernement et continue d’être entravé par l’Association patriotique. Le Vatican considérait

7 AsiaNews.it, 27/06/20118 UCAN, 11/07/20119 AsiaNews.it, 29/06/2011

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également que le nouveau candidat à l’épiscopat n’était pas « digne », en raison de ses liens trop nombreux avec la politique. Le Père Huang Bingzhang, né en 1967, a étudié au séminaire de Wuchang (Wuhan) à partir de 1985. Ordonné prêtre en 1991, il a été curé de la cathédrale de Saint-Joseph. Depuis 1998, il est parlementaire suppléant à l’Assemblée nationale populaire (Parlement chinois). Il est également vice-président de l’Association patriotique nationale, et président de l’AP provinciale (Guangdong)10. Par ce décret, le Vatican a également rendu publique l’excommunication de l’évêque ordonné et l’éventuelle excommunication des évêques ayant procédé à l’ordination, dans la mesure où ils avaient participé de leur plein gré11.

Le 25 juillet, Xinhua a publié une déclaration du Bureau des affaires religieuses (plus précisément : Administration d’État des Affaires Religieuses, AEAR) condamnant les « menaces déraisonnables et brutales » du Vatican ainsi que « ses accusations contre l’ordination des évêques de l’Église catholique chinoise » et en particulier les ordinations de Leshan (29/06/2011) et Shantou (14/07/2011).L’AEAR affirme que l’excommunication « blesse profondément » les catholiques chinois et « cause beaucoup de tristesse » aux prêtres et laïcs, en utilisant les termes mêmes (« blessures profondes » et « cause beaucoup de tristesse ») que le Vatican avait utilisés pour décrire les réactions de l’Église universelle et du Pape aux ordinations illicites.L’AEAR insiste sur le fait que « les deux nouveaux évêques ordonnés [et excommu-niés, ndr] sont pieux dans leur foi, intègres et compétents, et sont soutenus par leurs prêtres et fidèles laïcs ». Selon l’organisme gouvernemental, le Vatican avait déjà « menacé » d’excommunication des évêques et des prêtres dans les années 1950, c’est pourquoi « les prêtres et laïcs de l’Église catholique chinoise avaient subi un traumatisme historique majeur ». L’AEAR a répondu aux « menaces » du Vatican par une autre menace : « la majorité des prêtres et des laïcs sera encore plus ferme dans le choix de la voie de l’indépendance et de l’auto-organisation, avec des évêques auto-élus et auto-ordonnés »12 . Dans ce qui est considéré par beaucoup comme une vengeance contre les « me-naces » du Vatican, concernant les excommunications des religieux impliqués dans les ordinations épiscopales de Leshan et de Shantou, le Père Franco Mella, de l’Institut Pontifical pour les Missions Étrangères (PIME) a été arrêté à la frontière chinoise en juillet. Après un long interrogatoire, il a été renvoyé à Hong Kong. Le Père Mella, missionnaire PIME basé à Hong Kong, travaillait depuis 20 ans dans une école du Shaanxi. Le cas du Père Mella n’est pas isolé : au cours des semaines qui ont précédé, d’autres prêtres et laïcs de Hong Kong et d’Italie

10 AsiaNews.it, 14/07/201111 AsiaNews.it, 16/07/201112 Xinhua, 25/07/2011

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ont été arrêtés et renvoyés, alors qu’ils étaient en possession d’un visa d’entrée légal. D’autres ont subi l’annulation de leur visa de travail en Chine. Selon des sources hongkongaises, il y a une liste d’au moins 23 personnalités qui pour le gouvernement sont « indésirables », parce qu’elles tissent des contacts entre le Vatican et l’Église en Chine13.

Le 30 novembre, Mgr Pierre Luo Xuegang a été ordonné évêque coadjuteur de Yibin (Sichuan), avec mandat du Pape. Cependant, l’évêque excommunié Paul Lei Shiyin (de Leshan) a également pris part à son ordination, contre la volonté du Saint-Siège qui exige que les évêques excommuniés ne participent pas aux rites catholiques. Le Saint-Siège et les fidèles avaient espéré jusqu’à la fin que Lei Shiyin ne participerait pas, et de nombreuses personnalités du Vatican ne savaient pas qu’il allait venir à la consécration. Lei Shiyin a été le condisciple de Mgr Luo, et évêque d’un diocèse voisin. Il est également président de l’Association patrio-tique du Sichuan et promoteur d’une Église « indépendante » et « patriotique ». Quelques jours avant l’ordination, il avait accordé un entretien dans lequel il déclarait que l’Église en Chine était « adulte » et devait continuer son chemin de façon autonome. Quelques jours plus tard, il s’est vanté d’avoir concélébré avec les autres évêques « comme l’un d’eux ».De peur que sa présence ne suscite de la résistance parmi les fidèles, les autorités ont demandé aux quelque 1000 participants d’entrer dans l’église 3 heures à l’avance et de passer sous un détecteur de métaux. Il leur a également été interdit de prendre des photos ou des vidéos de la cérémonie. Selon les membres du parti, « le Vatican a des espions qui, dès la fin de la cérémonie, envoyent des photos à Rome et dans le monde entier ». Tout au long de la journée, les sites Internet des diocèses de la province du Sichuan ont été bloqués14.

Au cours d’une déclaration, le directeur de la salle de presse du Vatican, Federico Lombardi, a exprimé « du mécontentement et de la consternation » en raison de la présence d’un évêque excommunié à l’ordination du Yibin, ce qui « aggrave sa si-tuation canonique ». « Normalement – continue la déclaration – la présence de Lei Shiyin aurait dû être totalement exclue, et devrait impliquer des conséquences ca-noniques pour les autres évêques participants. Dans le cas présent, il est probable que ces derniers n’aient pas pu l’empêcher sans de sérieux inconvénients. »15.

Pour le Cardinal Joseph Zen, évêque de Hong Kong, lors de l’ordination de Yibin, « nous avons assisté au triomphe du contrôle par l’État de la liberté religieuse des fidèles ». Mgr John Hung, archevêque de Taipei, est lui aussi consterné par les

13 AsiaNews.it, 27/07/201114 AsiaNews.it, 30/11/201115 AsiaNews.it, 30/11/2011

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revendications de Pékin de pouvoir contrôler les ordinations : « les sociétés com-merciales qui ouvrent des bureaux en Chine ont le droit de nommer les personnes de leur choix. En revanche, Pékin veut choisir les évêques de l’Église catholique... En d’autres termes, l’Église a moins de droits qu’un simple magasin ! »16.

Contrôles des rites, institutions religieuses et séminaires

Le gouvernement a menacé de saisir l’orphelinat fondé par Mgr Julius Jia Zhiguo, évêque clandestin de Zhengding. L’expropriation serait une vengeance des auto-rités contre « l’entêtement » du prélat à ne pas vouloir adhérer à l’Association patriotique (AP). En décembre 2010, M. Yin, du Département du Front Uni, M. Guo, du Secrétariat des affaires politiques, M. An, du Bureau des affaires religieuses de Jinzhou, le secrétaire du Parti communiste du village de Wu Qiu, et M. Chen, du Bureau de la sécurité publique de Shijiazhuang, ont emmené Mgr Jia à trois reprises. Ils ont tenté de forcer Mgr Jia à signer un accord visant à confier les orphelins au gouvernement et à disperser les trente religieuses catholiques tra-vaillant à l’orphelinat. Les personnalités du parti ont menacé Mgr Jia de l’emmener pour une autre « session politique » de longue durée s’il ne signait pas l’accord. Dans tous les cas, ils lui ont dit clairement que ses orphelins seraient pris par le gouvernement, avec ou sans signature. Mgr Jia a refusé de signer et s’est adressé à l’Office Central pour les affaires religieuses à Pékin. Mais ce dernier lui a répondu que le problème relevait de la compétence des juridictions locales.Mgr Jia, 75 ans, a passé plus de 15 ans en prison. Depuis 1980, date à laquelle il est devenu évêque clandestin, il a été régulièrement arrêté et maintenu en détention pendant des mois, et a subi des séances d’endoctrinement politique afin qu’il accepte de se soumettre à l’AP17.

La police a isolé le village de Gonghui (province du Hebei), pour empêcher les foules de fidèles catholiques de se réunir pour rendre un dernier hommage à la dépouille de Mgr André Hao Jinli, évêque clandestin de Xiwanzi, mort le 9 mars à l’âge de 95 ans. Le diocèse de Xiwanzi (province du Hebei) est un diocèse de 15.000 fidèles de l’Église clandestine, à 260 km au nord de Pékin, près de la frontière avec la Mongolie intérieure. Depuis le jour de la mort de l’évêque, toutes les routes menant au village ont été fermées, et la date de l’enterrement a été tenue secrète. Mgr Hao était très aimé de sa communauté et a formé de nombreux prêtres de l’Église clandestine. Il a passé au moins 20 ans en prison en raison de sa foi et a subi des décennies d’un contrôle étouffant, mais a toujours refusé d’adhérer à l’Association patriotique18.

16 AsiaNews.it, 1/12/201117 Kung Foundation, 12/01/201118 AsiaNews.it, 12/03/2011

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Le 13 janvier, les séminaristes du Hebei ont réussi, à leur grande satisfaction, à avoir un évêque comme nouveau recteur, et un comité de direction dépourvu de politiciens. En novembre-décembre 2010, 100 séminaristes avaient effectué des grèves et des manifestations pour exiger la démission de Tang Zhaojun, un politicien local, du poste de vice-recteur du séminaire19. Arrestations et tortures

Du 13 janvier au 29 mars, le Père Zhang Guangjun, du diocèse de Xuanhua (Hebei), a subi arrestations et tortures parce qu’il refusait d’adhérer à l’Association patrio-tique. Le 13 janvier, le Père Zhang a été enlevé par des fonctionnaires déguisés en techniciens de contrôle de la compagnie du gaz. Il a été conduit dans un hôtel du comté de Zhuolu, où il a été empêché de dormir pendant 5 nuits. Après une brève période de liberté pour le nouvel an lunaire chinois (février), il a de nouveau été incarcéré le 8 mars, sévèrement battu et torturé.Le 29 mars, sa famille a été autorisée à lui faire quitter la prison afin qu’il reçoive un traitement médical. Il avait des contusions à la tête et aux jambes.En mars, au moins 8 prêtres du même diocèse ont été contraints de subir des sessions obligatoires d’étude de la politique religieuse du gouvernement. Il s’agit de Tian Yongfeng, Pei Youming, Hu Huibing, Liang Aijun, Wang Yongsheng, Yang Quanyi, Gao Jinbao et Zhang Guilin. On estime que depuis les années 1990, plus de 20 prêtres de Xuanhua et de Xiwanzi ont été arrêtés, battus, emprisonnés, contraints de participer à des sessions d’étude pour les forcer à « s’inscrire » et cesser d’être des prêtres de l’Église clandestine20.

Le 9 avril, dans le comté de Yanqing, près de Pékin, deux policiers en civil ont emmené le Père Chen Hailong, de Xuanhua (Hebei), qui était prêtre de l’Église clandestine depuis environ deux ans. Le Père Chen a été tenu à l’isolement pen-dant au moins deux mois dans un « hôtel » inconnu, souffrant de malnutrition jusqu’à l’évanouissement. Les autorités qui l’ont sequestré l’ont interrogé sur les personnalités de l’Église clandestine, et n’ont cessé de chercher à le convaincre d’adhérer à l’Association patriotique et de couper les liens avec le Pape. Pour vaincre la solitude et l’abandon, le Père Chen avait dessiné sur le mur de sa cellule une image de l’Eucharistie, passant beaucoup de temps en prière devant le symbole du Saint Sacrement21. Le 3 août, quatre prêtres de la communauté clandestine de Heze (Caozhou, Shandong) ont été emmenés par la police et enfermés dans la prison du comté de

19 AsiaNews.it, 15/01/201120 AsiaNews.it, 12/04/201121 Ucan, 4/08/2011

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Dongming, où ils ont enduré isolement et malnutrition. L’arrestation-enlèvement a eu lieu pendant la nuit dans une maison de Luquan (comté de Dongming), où les prêtres étaient venus pour une retraite spirituelle avec d’autres prêtres. Les policiers de la sécurité publique avaient escaladé le mur de la maison et étaient entrés sous pretexte « d’attraper des voleurs ». Au lieu de cela, ils ont forcé les prêtres – qui dormaient – à aller avec eux. Actuellement, les quatre hommes – le Père Wang Chengli, 48 ans, administrateur du diocèse de Heze, le Père Zhao Wuji, 50 ans, le Père Li Xianyang, 34 ans et le Père Sun Guichun, 38 ans – sont toujours en prison. Pour l’instant, la police refuse toute demande de visite et ne leur donne pas assez à manger ni à boire, parce qu’elle veut les forcer à signer leur adhésion à l’Association patriotique. Pendant ce temps, des représentants du gouvernement ont tenté de recueillir des preuves pour accuser les prêtres de certains crimes. Certains fidèles ont reçu des propositions de pots-de-vins ou ont été menacés, afin qu’ils se dressent contre les prêtres. Quelques membres de l’Église ont tenté de parler avec les policiers pour organiser la libération des quatre prêtres, mais sans succès. Ils ont tout de même réussi à apprendre que la sûreté nationale, la sûreté publique locale et des membres du Bureau des affaires religieuses avaient fait endurer de longs interrogatoires aux prêtres22. Le 3 septembre, une douzaine d’inconnus ont agressé et roué de coups une reli-gieuse et un prêtre parce qu’ils réclamaient la restitution de deux propriétés qui avaient autrefois appartenu à l’église de Kangding, dans la province méridionale du Sichuan. Mère Xie Yuming a subi des blessures à la tête et au torse et a été transportée à l’hôpital. Le Père Huang Xusong, au contraire, n’a subi que des blessures mineures et n’a pas été hospitalisé. Ils ont tous deux été battus parce qu’ils cherchaient à récupérer les droits de propriété sur deux écoles qui, avant de faire l’objet d’une expropriation par le gouvernement, avaient appartenu au diocèse de Kangding. Confisquées au début des années 1950, selon les règles établies par Deng Xiaoping, les deux propriétés – une ancienne école de latin et une école de garçons – étaient supposées retourner au diocèse. Mais la première a été démolie par le gouvernement, qui a vendu le terrain à une société privée, et la seconde est actuellement utilisée comme dortoir pour les dirigeants du gouvernement du comté de Moxi. Le siège épiscopal de Kangding (préfecture tibétaine de Garze) est actuellement vacant, et le diocèse est administré par ce-lui de Leshan, dont l’actuel évêque, Mgr Lei Shiyin, a été ordonné sans mandat pontifical le 29 juin 2011. La question des biens confisqués à l’Église après la prise du pouvoir par Mao Zedong, et de leur restitution, est très épineuse. En effet, ces dernières années, le gouvernement central a maintes fois affirmé qu’ils devaient retourner à leurs

22 AsiaNews.it, 6/08/2011

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propriétaires légitimes, mais l’Association patriotique et le Ministère des affaires religieuses ont toujours rejeté les demandes de restitution. Au contraire, des membres de l’AP ou du Bureau des affaires religieuses se sont appropriés bon nombre de ces propriétés23.

Condamnations

Le 25 août, le gouvernement chinois a condamné le Père Wang Chengli – adminis-trateur diocésain d’une communauté clandestine du diocèse de Heze (Caozhou) dans la province de Shandong – à deux ans de « rééducation par le travail ». Le Père Wang a été arrêté le 3 août, avec d’autres prêtres, puis ils ont été libérés. Finalement, le prêtre âgé de 48 ans a été transféré du centre de détention de Dongming (à Heze) au centre de rééducation de Jining, à plus de 150 kilomètres. Le gouvernement n’a autorisé ni sa famille ni d’autres personnes à lui rendre visite. Le prêtre a une pression artérielle élevée, et sa famille a peur pour sa santé. Certaines sources catholiques de Heze pensent qu’il a été condamné parce qu’il avait refusé d’adhérer à l’AP. Les mêmes sources soutiennent que la condamnation du Père Wang pourrait être liée à la question de l’ordination de l’évêque officiel de l’Église de Heze. Le Père Wang est né à Yanzhou et dirige depuis quelques années la communauté non officielle de Heze. Ordonné prêtre en 1991, il a célébré en 2011 le 20e anniversaire de son ordination.La « rééducation par le travail » est une sentence administrative imposée par les bureaux de sûreté publique. Elle a pour but de « réformer » les dissidents politiques et religieux, et peut être directement prononcée par les forces de l’ordre, sans procès ni possibilité d’appel24.

Guerre contre le sanctuaire de Sheshan

Comme chaque année, le gouvernement et la police ont imposé des interdictions et des limites aux catholiques de Chine souhaitant se rendre en pèlerinage au Sanctuaire National de Notre-Dame du Sheshan, à l’occasion de sa fête, le 24 mai. Dans le passé, des dizaines de milliers de catholiques officiels et clandestins de partout dans le pays se rendaient ce jour-là en pèlerinage au sanctuaire. En 2007, Benoît XVI a appelé l’Église universelle à une journée mondiale de prière pour l’Église en Chine, à célébrer le 24 mai. Depuis 2008, première année de célébration de la date choisie par le Pape, le gouvernement a continuellement entravé la participation des fidèles catholiques, en bloquant les catholiques clandestins, en limitant le nombre de pélerins d’autres diocèses et en ne permet-tant qu’aux groupes de fidèles de Shanghai d’accomplir le pèlerinage.

23 Ucan, 7/09/201124 AsiaNews.it, 26/08/2011

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Cette année encore, la sécurité a été très forte à Sheshan, avec des policiers, des détecteurs de métaux, des contrôles au moyen de caméras placées un peu partout.L’évêque auxiliaire du diocèse de Shanghai, Mgr Aloysius Jin Luxian, 95 ans, n’a pas participé à la journée, mais a présidé des messes au sanctuaire le 1er et le 11 mai. À l’occasion de cette dernière, l’évêque souhaitait informer les fidèles que le Saint-Siège avait accepté la cause de béatification du premier converti de Shanghai, Paul Xu Guangqi (à l’époque de Matteo Ricci), mais l’Association patriotique le lui a interdit.De même, les prêtres de la communauté clandestine de Shanghai ont été « enlevés par la police pour une promenade touristique aux frais du gouvernement » pour les empêcher d’aller à Sheshan, comme ils avaient prévu. En raison de l’absence des prêtres, aucune communauté clandestine de Shanghai n’a pu célébrer la messe.Après avoir reçu l’interdiction d’aller à Sheshan, bon nombre de communautés ont organisé des prières et des visites aux sanctuaires marials présents dans leurs diocèses.Malgré les difficultés, plusieurs milliers de catholiques ont participé, le jour de la fête, au pèlerinage dirigé par l’évêque auxiliaire de Shanghai, Mgr Xing Wenzhi25. Chrétiens protestants

Depuis plusieurs années, les communautés chrétiennes protestantes de Chine subissent un profond manque de liberté religieuse, qui se traduit par des per-sécutions sévères. Cette année, la main du gouvernement a été encore plus lourde, par peur que des rassemblements incontrôlés de protestants ne cachent les germes d’un « printemps arabe » chinois. Pendant toute l’année, Pekin a vécu dans la peur que des émeutes semblables à celles qui se sont diffusées dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient n’éclatent aussi en Chine. Il faut noter que la grande majorité des protestants – 50 à 80 millions, selon les estimations les plus optimistes – préfère rester en dehors des communautés reconnues et contrôlées par le gouvernement. Dans une tentative pour arrêter leur croissance, Pékin a interdit les rencontres de protestants chinois avec les communautés d’autres pays ; il a également fermé plusieurs sites, détruit des églises, menaçant les propriétaires tentés de louer des espaces aux fidèles. Il y a eu également des avalanches d’arrestations.Néanmoins, les chrétiens protestants ont manifesté une nette résistance aux abus et aux fermetures, réclamant le respect intégral de leurs droits (théori-quement) garantis par la Constitution, jusqu’à interpeller le Parlement chinois (Assemblée nationale populaire, ANP).En mai 2011, un groupe de 17 Églises protestantes a fait circuler une pétition

25 UCAN, 25/05/2011

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adressée à Wu Bangguo, membre du Politburo et Président de l’ANP. C’était la première fois qu’autant de groupes chrétiens présentaient une pétition publique au gouvernement, en dénonçant le fait que « cela fait 60 ans que le droit à la liberté religieuse, garantie par la Constitution aux chrétiens du pays, n’a pas été appliqué ».Non seulement la pétition appelait au respect de la liberté religieuse, confor-mément aux principes de la Constitution, mais elle exhorait aussi à ce que le Parlement adopte une loi garantissant la liberté religieuse, plutôt que d’aban-donner la question à la compétence des gouvernements provinciaux, qui en usent et en abusent. Les Églises ont également déploré la violence des politiques qui, depuis des années, ont fermé ou détruit les églises protestantes « souterraines » ou « domestiques ». La pétition a également accusé la Chine de ne pas respecter la clause de liberté religieuse de la déclaration universelle des droits de l’homme, bien qu’officiellement signée par Pékin. « La liberté religieuse – affirme le document – comprend la liberté de réunion, la liberté d’association, de parole, d’éducation et d’évangélisation ».Les dirigeants des Églises clandestines insistent sur le fait qu’ils sont pleinement chrétiens et citoyens de l’État, qu’ils « aiment la nation », sont désireux de « prier pour le gouvernement » et pour une Chine qui a de plus en plus d’importance et de responsabilités au sein de la communauté internationale26.

Interdiction de voyager

Le 18 janvier, les autorités ont empêché Wang Yi, célèbre leader chrétien « sou-terrain », de prendre l’avion à Chengdu (Sichuan) pour se rendre à Hong Kong où il devait tenir une conférence sur l’organisation et le développement des Églises évangéliques. Wang est un organisateur d’églises « domestiques », et défenseur des droits de l’homme. Wang était avec trois fidèles qui, après quelques heures, ont été libérés et ont pu arriver à Hong Kong. Également libéré après quelques heures, Wang s’est immédiatement rendu à l’aéroport, mais la police l’a de nouveau arrêté et conduit au poste de police. La police de Chengdu a prétendu que le leader chrétien n’était pas en état d’arrestation, mais elle a été incapable de dire pourquoi il avait été arrêté27. Violences contre des lieux de culte et des personnes

Le 23 février, la police de Yangdang, dans la province centrale du Hubei, a détruit par la force le centre juridique chrétien. Au moment de la descente de police, des chrétiens y étudiaient les règlements du Bureau des affaires religieuses. Un

26 AsiaNews.it, 13/05/ 2011 27 Radio Free Asia, 19/01/2011

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groupe composé de plus de 180 agents, dirigés par le chef de la police locale et le fonctionnaire en chef du Bureau des affaires religieuses, a lancé des gaz la-crymogènes et frappé les personnes présentes (dont deux femmes, l’une d’elles très âgée) et a ensuite détruit tous les documents que contenait le centre. Selon des témoins oculaires, « malgré les demandes, personne n’a été transporté à l’hôpital pour y être soigné des coups reçus. Au lieu de cela, plusieurs chrétiens ont été menottés et brutalement battus »28.Au début du mois d’avril, les autorités locales de Guangzhou (Guangdong) ont ordonné à l’Église de Tianyun – qui compte environ 200 fidèles – d’arrêter toute activité religieuse. Une autre église, à Rongguili, qui a 4000 fidèles, s’est retrouvée en difficulté : la municipalité a imposé au propriétaire du terrain sur lequel se trouvait l’église de révoquer le contrat de location29.

En juin, les fidèles de l’église All-Nations Alliance, à Shanghai, et de l’église Liangren, à Guangzhou, se sont rassemblés dans la rue pour prier, en signe de protestation contre leur expulsion des locaux qu’ils avaient loués30.

L’écrivain dissident chrétien Yu Jie s’est enfui aux États-Unis avec sa femme et son enfant de trois ans. Yu craignait pour sa sécurité et celle de sa famille, à la suite de ses critiques du leadership du Parti communiste, et des menaces qu’il avait reçues de la part des autorités. Yu, 38 ans, est l’auteur d’un ouvrage im-portant intitulé « le meilleur acteur chinois : Wen Jiabao », dans lequel il critique l’actuel premier ministre chinois, en l’accusant d’hypocrisie, de donner l’image d’un « gentil grand-père », alors qu’il ne s’occupe en fait que de son pouvoir, sans prendre de risque, en cherchant à échapper à tous les conflits politiques. Le livre a été interdit en Chine, mais il s’est très bien vendu à Hong Kong.Lorsqu’il était à Pekin, Yu était également responsable d’une communauté chrétienne protestante clandestine dont le culte n’a jamais été autorisé. « Le droit de publier à l’étranger m’a même été refusé – ajoute-t-il. J’ai senti que, comme écrivain et comme chrétien, je n’avais plus aucune liberté de m’exprimer et de pratiquer ma foi. J’ai donc choisi de venir aux États-Unis où je peux vivre librement ».Yu est arrivé aux États-Unis le 12 janvier 2012, comme invité d’une communauté chrétienne de Virginie. Il a promis de continuer à écrire et à travailler pour ses amis « écrasés » en Chine31.

28 China Aid, 22/03/201129 AsiaNews.it, 1er /04/2011 30 AsiaNews.it, 22/06/2011 31 Radio Free Asia, 12/01/2012

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La communauté de Shouwang

En avril, l’affaire de « l’Église de Shouwang » a éclaté à Pékin. Il s’agit de la com-munauté protestante la plus nombreuse de la capitale, avec environ 1000 membres, principalement des hommes d’affaires et des universitaires. Le 1er avril, le gouver-nement a imposé au propriétaire de l’immeuble, où les fidèles se rencontraient, d’annuler le contrat de bail. C’était une ancienne salle de cinéma spacieuse, trans-formée en salle de réunion et lieu de culte. Ce n’était pas la première fois que la communauté Shouwang était ciblée. Ces dernières années, les autorités ont menacé les fidèles à plusieurs reprises, et les ont contraints plus de 20 fois à changer de lieu de rencontre. En novembre 2009, alors que l’Église était une fois de plus expulsée de son lieu de rassemblement, les fidèles se sont réunis dans un parc pendant 2 semaines pour y célébrer l’office dominical. L’Église a ensuite acheté 1500 mètres carrés de bureaux dans un bâtiment commercial pour 27 millions de yuans. Mais sous la pression des autorités, le propriétaire a refusé de leur donner les clés, bien que le montant ait déjà été payé. Quelques mois plus tôt, la communauté avait été chassée d’une salle de restaurant où se réunissaient les fidèles, le gouvernement ayant interdit au patron du restaurant de louer cette salle. L’Église a demandé en 2006 à être reconnue, mais n’a reçu aucune réponse. Après une autre expulsion, le pasteur Jin Tianming a déclaré que lui et ses disciples se rassembleraient à l’extérieur, dans un parc. La justice chinoise prévoit une peine pour les réunions non autorisées, mais Jin a expliqué ne pas avoir d’autre choix : « Nous affronterons les conséquences de notre décision ».

Le dimanche 10 avril 2011, la communauté s’est rassemblée sur une place publique du quartier de Haidian (nord de Pékin), pour y célébrer la liturgie. Mais la police est arrivée et a arrêté environ 200 fidèles. La veille, cinq autres pasteurs de la communauté avaient été arrêtés (dont le pasteur Jin Tianming). La majorité d’entre eux ont ensuite été libérés, et il leur a été conseillé de ne plus fréquenter l’Église de Shouwang32.

Une semaine plus tard, le 17 avril, la police a arrêté les leaders et retenu quelque 50 membres de la communauté de Shouwang, à nouveau pour les empêcher d’or-ganiser un office dominical en plein air. Le pasteur Jin Tianming a été arrêté par la police dans la nuit du 16 avril et interrogé pendant 12 heures. Le même jour (16 avril), pendant la nuit, les policiers ont emmené pendant quelques heures le pasteur Li Xiaobai et son épouse, et le lendemain matin, le pasteur Zhang Xiaofeng. Li et Jin ont été placés en résidence surveillée33.

32 China Aid, 16/04/2011 33 AsiaNews.it, 18/04/2011

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La communauté a diffusé un message par Internet dans lequel elle exhortait ses fidèles à célébrer la semaine sainte, même au risque d’être arrêtés. La police a arrêté les fidèles au fur et à mesure qu’ils arrivaient, avant le début de la cérémonie34.

Le premier mai, 30 autres fidèles de l’Église de Shouwang se sont retrouvés en prison, et des dizaines d’autres en résidence surveillée. La police a arrêté les fidèles dès leur arrivée, et les a gardés en prison pendant une ou deux nuits. Les policiers ont également interdit l’accès de la zone à 3 journalistes d’Al-Jazeera, saisissant leurs cassettes vidéo35.

Le 7 mai, 15 autres personnes ont été arrêtées alors qu’elles tentaient de cé-lébrer le service liturgique dans un parc public de la région de Zhongguancun (Haidian). Comme toujours, la police a maintenu les fidèles en garde à vue pendant quelques jours, puis les a libérés. Certains fidèles, une fois sortis de prison, ont déclaré qu’ils étaient « très heureux » d’avoir eu l’occasion de prier et chanter des hymnes dans leur cellule, « et de proclamer l’Évangile aux gardiens de la prison »36.

Le 15 mai, pour la sixième fois consécutive, la police a déployé ses forces pour arrêter 13 membres de l’Église de Shouwang dès qu’ils ont essayé de commencer à prier sur une place de la zone commerciale de Zhongguancun (Haidian). Quelques jours plus tôt, l’Église de Shouwang a déploré que 10 de ses disciples aient perdu leur emploi parce qu’ils avaient refusé d’abandonner la communauté. Plus de 30 autres d’entre eux ont été chassés de leur habitation en location, sous la pression des autorités37.

Le 22 mai, d’autres fidèles de la communauté ont été arrêtés. Parmi eux, il y avait aussi une femme de plus de 80 ans et un enfant de deux ans, libérés après quelques heures. Les autres sont restés quelques jours en prison38.

Le 5 juin, la police a arrêté 20 autres membres de l’Église de Shouwang au moment où ils tentaient de prier ensemble sur une place. Avant le 4 juin, anni-versaire du massacre de la place Tian An Men en 1989, des dizaines de fidèles avaient été convoqués par la police et menacés ou placés en résidence surveillée pendant plusieurs jours afin d’éviter des manifestations et des prières publiques. La police est allée jusqu’à menacer personnellement certains disciples de leur

34 AsiaNews.it, 20/04/2011 35 AsiaNews.it, 2/05/2011 36 AsiaNews.it, 8/05/2011 37 AsiaNews.it, 16/05/2011 38 AsiaNews.it, 23/05/2011

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faire perdre leur emploi. Pour cette raison, quatre dirigeants de l’Église, dont un pasteur et deux diacres, se sont désolidarisés de la décision de se réunir pour prier sur la place39. Dimanche 19 juin, la police a arrêté 15 autres chrétiens de l’Église Shouwang (16 selon d’autres sources), qui avaient tenté d’organiser une réunion de prière sur la place Zhongguancun, à Pekin. Le mouvement patriotique des trois auto-nomies – qui rassemble les communautés protestantes officielles – a envoyé des officiels dans les postes de police pour aider à « éduquer » et « avertir » ces chrétiens, et les pousser à rejoindre l’Église protestante officielle, que les protestants clandestins considèrent comme « servante du parti » et non « de Dieu ». Deux des protestants arrêtés ont été « retenus », tandis que les autres ont été envoyés dans différents postes pour y être interrogés. Ayant reçu un avertissement, ils ont été libérés après quelques heures. Les personnes qui les interrogeaient ont même abordé des sujets théologiques avec eux, pour débattre de la question de savoir si les actions de l’Église de Shouwang étaient en accord avec la foi chrétienne40.

Arrestations

Le 13 mars 2011, 12 chrétiens protestants clandestins se sont rassemblés pour prier chez Weng Zemei, dans le village de Maan (comté de Baihe, Shaanxi). Le chef de la police locale, Xia Huashan, et deux autres policiers, ont interrompu la prière et arrêté les douze membres de la petite communauté. Dix d’entre eux ont été immédiatement libérés, mais deux autres sont toujours en prison : Weng (le propriétaire de la maison) et Zhang Yongkang. La police a également confisqué toutes les Bibles et les livres à caractère religieux41.

Le 26 juillet, à 10 heures du matin, la police chinoise a arrêté 21 leaders chrétiens protestants clandestins en les accusant « d’utiliser une organisation religieuse pour saper le droit national ». Selon des sources locales, des dizaines de poli-ciers ont perturbé une rencontre religieuse dans la ville de Wuhai, en Mongolie intérieure, où se trouvaient quelques pasteurs locaux et d’autres en provenance de Shizuishan, dans la Province de Ningxia. Les leaders chrétiens s’étaient ras-semblés pour planifier les activités estivales de leurs églises respectives.La police a arrêté tout le monde et saisi tout ce qu’elle pouvait : non seulement des Bibles, mais aussi les nattes de bambou sur lesquelles les personnes pré-sentes étaient assises. Les prisonniers ont été emmenés au centre de détention

39 AsiaNews.it, 6/06/2011 40 Radio Free Asia, 22/06/2011 41 AsiaNews.it, 24/03/2011

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de Wuhai : après la visite médicale, 6 d’entre eux ont été libérés pour raison de santé. Cependant, la police a enfreint la loi en n’informant pas les familles des arrestations et en ne remplissant pas les documents appropriés.Les policiers ont même extorqué de l’argent aux familles des leaders chrétiens. En effet, après 15 jours de détention, les policiers se sont présentés aux membres de leurs familles et ont exigé 50 000 yuans (environ 5.000 euros) pour que les détenus soient libérés. Les fonds ayant été collectés avec beaucoup de difficulté, l’affaire a été renvoyée au Bureau de la sécurité publique. C’est là qu’un repré-sentant du gouvernement a encore exigé des familles des dizaines de milliers de yuans pour la libération des pasteurs. De plus, il les a menacés de condamnation aux travaux forcés et d’accusations pénales encore plus graves42.

Le 2 janvier 2012, pour la première fois en 20 mois, le régime de Pekin a confirmé que l’avocat Gao Zhisheng était détenu dans une prison de la province occidentale du Xinjiang. Gao est un chrétien qui défend gratuitement depuis des années toutes les minorités religieuses et sociales en Chine. Arrêté en février 2009, il avait complètement disparu. La confirmation de sa détention a été communiquée à son frère Gao Zhiyi. Selon ce dernier, Zhisheng devrait être dans la prison de Shaya. Cependant, la prison n’a pas pu être jointe par téléphone, et le Bureau de sécurité publique du comté de Shaya prétend ne rien savoir de cette affaire. En décembre, l’Agence de presse officielle chinoise Xinhua a confirmé que Gao avait été à nouveau arrêté, et était coupable « d’avoir violé les termes de sa probation ». Mais elle n’a pas fourni d’autres détails. En envoyant le détenu dans le Xinjiang, une province très éloignée et difficile d’accès, il est clair que les autorités voulaient éviter que le prisonnier ne reçoive des visites. Gao Zhisheng est l’un des dissidents chinois les plus respectés dans le monde. Après une brillante carrière d’avocat et de membre du parti – il avait été nommé l’un des « dix meilleurs avocats de Chine » – il s’est converti au christianisme et a décidé de se consacrer à la défense juridique de tous ceux qui étaient accusés de crimes fabriqués de toutes pièces, parce qu’ils avaient demandé plus de liberté religieuse, de démocratie et de justice43.

Tortures

Jiang Tianyong, avocat chrétien dissident, arrêté par la police le 19 février 2011, a été harcelé pendant deux mois, subissant menaces et tortures.Son « crime » était sa décision de défendre la liberté religieuse des chrétiens, des militants pour la démocratie, des sidéens et des membres du Falun Gong.

42 China Aid, 24/08/2011 43 AsiaNews.it, 2/01/2012

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Il raconte lui-même qu’après avoir été arrêté, il a été emmené dans un lieu inconnu où il a été frappé pendant deux jours consécutifs. Après cela, il a été forcé de rester debout immobile pendant 15 heures, et interrogé par les forces de sécurité. A chaque fois qu’il faisait une « erreur » ou répondait « je ne sais pas », il était menacé et humilié. Sur un ton arrogant, ses bourreaux lui ont expliqué qu’ils pouvaient « faire les choses selon la loi, mais aussi violer la loi, parce que nous avons la permission de faire des choses contre la loi ».Une nuit, alors qu’il recevait des coups de pieds et de poings, il s’est tourné vers son accusateur en lui disant : « Je suis un être humain ; vous êtes un être humain. Pourquoi faire ces choses inhumaines ? ». Furieux, l’homme a plaqué Jiang à terre et lui a répondu : « tu n’es pas un être humain ! ».Jiang Tianyong a été libéré après 60 jours, mais il a dû signer huit engagements. Les policiers l’ont averti que s’il ne respectait pas ses engagements, il serait de nouveau arrêté, et sa femme avec lui.Parmi les engagements que Jiang a dû prendre, il y avait celui de communiquer au Bureau de sécurité les noms de toutes les personnes qu’il rencontrerait et avec lesquelles il discuterait44.

Condamnations

En juillet, le pasteur Shi Enhao, vice-président de la Chinese House Church Alliance (CHCA), a été condamné dans la ville de Suqian (Jiangsu) à 2 ans de rééducation par le travail (laogai), c’est-à-dire aux travaux forcés. Shi avait été arrêté le 31 mars 2011 par la police, et détenu pendant 12 jours. Il a de nouveau été arrêté le 21 juin pour « présomption d’utilisation de la superstition pour compromettre l’application de la loi. » La condamnation au laogai est une forme de détention administrative, qui peut être imposée sans procès ni l’assistance d’un avocat.La CHCA est l’une des plus grandes « Églises domestiques » chinoises, avec plu-sieurs milliers de fidèles. Au cours des mois qui ont précédé la condamnation, la sécurité publique avait ordonné au groupe de suspendre toutes ses réunions, et confisqué des voitures, instruments de musique, et environ 140 000 yuans (soit près de 16.000 euros) de dons. Les policiers ont également menacé les trois filles de Shi et ses gendres45. Pour des raisons encore inconnues, le pasteur Shi Enhao a été libéré au début de 2012, alors qu’il avait été condamné à une année de détention supplémen-taire46.

44 South China Morning Post, 14/09/2011 45 Compass Direct News, 29/07/2011 46 AsiaNews.it, 25/01/2012

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Musulmans

Pour les musulmans chinois, 2011 a été marquée par une escalade de la répres-sion, surtout dans les régions du Xinjiang et du Ningxia, où vivent de grandes communautés islamiques.Cela fait des décennies que les musulmans ouïgours du Xinjiang sont soup-çonnés de séparatisme, et de vouloir se séparer de la Chine pour fonder un Turkestan oriental. C’est pourquoi ils sont également accusés de « terrorisme », et Pékin affirme qu’ils ont des liens avec le réseau al-Qaida. En réalité, les ouïghours demandent une plus grande autonomie dans la gestion économique et politique de la région, qui est de plus en plus colonisée par l’ethnie han (chinoise), désormais majoritaire dans la région. Compte tenu de la situation, la Chine exerce déjà depuis longtemps un contrôle sur les mosquées, les écoles et les familles, interdisant l’enseignement religieux aux mineurs (âgés de moins de 18 ans). Qui plus est, les autorités chinoises n’hésitent pas à appliquer la peine de mort à toute personne osant contester l’ordre social.L’escalade de cette année est due à la peur de Pékin de voir naître dans le pays des mouvements faisant référence au « printemps arabe ». C’est pourquoi la Chine a lancé depuis mars 2011 « de nouvelles et violentes mesures de répres-sion ». Pour Rebiya Kadeer, célèbre dissidente ouïghoure en exil aux États-Unis, « la Chine a changé de tactique : détruire la foi religieuse, l’identité culturelle, la liberté d’expression et la vie économique, mais pas le but : accélérer l’assimi-lation de notre peuple ouighour en Chine – qui serait d’une importance capitale pour le gouvernement chinois ».

A l’approche du Ramadan, la Chine a décidé de sévir contre les « activités religieuses illégales », c’est-à-dire non contrôlées par le régime. L’occasion a été donnée par quelques manifestations d’ouïgours qui se sont terminées en tragédie. Le 19 juillet, un groupe d’ouïgours a manifesté à Hotan contre des arrestations à l’aveugle et la saisie forcée de leurs terres. Selon les autorités chinoises, les manifestants auraient commis « un acte terroriste » en mettant le feu au poste de police de Hotan. Au cours des affrontements, 2 manifestants, 2 otages et un policier sont morts. Le Congrès mondial des ouïghours, basé en Allemagne, a déclaré que la police avait tiré sur des manifestants pacifiques, tuant 20 personnes et en blessant 7047.

Agitant le spectre de la menace terroriste, la Chine est parvenue à influencer les décisions des pays voisins, les obligeant à coopérer à des violations des droits de l’homme et de la liberté religieuse. Le 9 août, avec la complicité du gouver-

47 AsiaNews.it, 19/07/2011

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nement pakistanais, cinq personnes d’ethnie ouïghoure, qui avaient fui la Chine en passant la frontière pakistanaise, ont été renvoyées en Chine. L’extradition a été imposée après les émeutes et les « actes terroristes » à Kashgar et Hotan. Les autorités pakistanaises ont menotté les cinq ouïghours le matin du 9 août et, après les avoir cagoulés, les ont amenés à l’aéroport international Benazir Bhutto où ils ont embarqué sur un vol de la China Southern Airlines à destinations de la Chine. Une femme, Manzokra Mamad, avec sa fille mineure et son fils adolescent, faisaient partie des cinq dissidents48.

En 2011, il y a eu aussi des incidents dans la région du Ningxia, patrie des musulmans Hui, considérés comme très modérés. Le 30 décembre, plus de 1000 policiers dans des engins anti-émeutes se sont affrontés aux villageois de Taoshan, près de la ville de Hexi, qui protestaient contre la démolition de leur mosquée. Les dirigeants officiels de la région confirment la démolition du lieu de culte, qualifié de « structure illégale ». Au cours des affrontements, 50 personnes ont été blessées et 100 autres arrêtées49.

Bouddhistes

Pour les bouddhistes, et plus particulièrement les bouddhistes tibétains, 2011 restera dans les mémoires comme l’année au cours de laquelle le Dalaï-Lama a renoncé à ses pouvoirs politiques sur le Tibet, pour se limiter à une position de chef spirituel. Cette étape reflète son désir de répondre aux critiques de la Chine qui l’accusait d’être un « séparatiste », un homme politique souhaitant détacher le Tibet du reste de la Chine. Et pourtant cela fait longtemps que le Dalaï-Lama ne réclame plus, pour les communautés tibétaines du Tibet, du Sichuan et du Qinghai, que l’autonomie culturelle et religieuse.Pour la Chine, la décision de renoncer à son rôle politique n’est qu’un « truc de la clique du Dalaï-Lama ». En fait, les autorités chinoises continuent de l’accuser de « comploter pour diriger la région tibétaine vers l’indépendance »50.

Il faut dire que la revendication des bouddhistes tibétains d’avoir plus de li-berté religieuse va de pair avec leur demande de protection de la langue et de la culture tibétaines, que la colonisation han met en grave danger. Certains groupes bouddhistes tibétains ajoutent à ces revendications des demandes d’indépendance territoriale.Cette année, Pekin a répondu à ces demandes par un contrôle accru des trois régions peuplées de Tibétains, par des arrestations de moines, de religieuses et

48 Human Right Watch, 1/09/2011 49 Information Centre for human rights and democracy, Hong Kong, 3/01/2012 50 AsiaNews.it, 11/03/2011

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de fidèles, par des attaques de monastères, et des condamnations à la prison et à la peine de mort. C’est le 16 mars 2011 qu’a eu lieu pour la première fois au Tibet une immolation par le feu, en signe de protestation contre la dictature chinoise, et pour réclamer le retour du Dalaï Lama. Bien que cette forme d’action se répande, elle n’arrête pas la répression. Au contraire, la Chine est en train de réussir à influencer la po-litique de ses voisins (Inde et Népal) dans le traitement des Tibétains, obtenant qu’ils soient privés de leurs droits politiques et religieux, ou que l’influence de leurs dirigeants religieux soit contrecarrée.

Campagne de répression

Depuis février 2011, la Chine est déterminée à « résoudre » le problème du Tibet en attaquant le Dalaï-Lama et ses partisans. Lors d’une réunion sur le dévelop-pement du Tibet et des régions tibétaines, Jia Qinling, personnage puissant du Comité permanent du Politburo, a déclaré que le gouvernement communiste chinois devait « faire des efforts nouveaux pour contrer l’influence du Dalaï-Lama au Tibet. Il est nécessaire d’améliorer la vie des Tibétains et de rendre la région plus sûre ». Selon Jia, « il faut traiter soigneusement la situation, mais arrêter la clique du Dalaï-Lama avant qu’elle ne fasse d’autres dommages »51.

Au début du mois de mars, craignant une série de manifestations pour marquer le nouvel an tibétain, la Chine a décrété la fermeture du Tibet aux touristes et aux journalistes, qui auraient pu être les témoins importuns d’actes de répres-sion52.

La fermeture du Tibet au tourisme a duré jusqu’à la fin du mois de juillet, proba-blement pour éviter des troubles à l’approche du 1er juillet, date à laquelle tout le pays a célèbré les 90 ans de la fondation du Parti communiste chinois53.

Auto-immolations

Le 16 mars, Phuntsok, jeune moine de 21 ans du monastère de Kirti (comté de Ngaba) est décédé après s’être immolé par le feu. Il a accompli ce geste en mémoire des manifestations qui avaient éclaté le 16 mars 2008 (quelques mois avant les Jeux olympiques de Pékin), et avaient été réprimées dans le sang par l’armée chinoise, qui avait alors tiré sur une foule non armée, faisant au moins 13 morts près du monastère et plus de 200 dans tout le Tibet. La police et certaines

51 AsiaNews.it, 26/02/2011 52 AsiaNews.it, 8/03/2011 53 AsiaNews.it, 17/06/2011

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personnes ont tenté d’éteindre les flammes sur le corps de Phuntsok. Puis les personnes présentes se sont affrontées avec la police qui voulait emporter le corps. A l’aide de bâtons en métal, les policiers ont frappé plusieurs manifestants, dont des moines de Kirti, puis les ont arrêtés et embarqués. L’abbé du monastère, ainsi que d’autres autorités, ont obtenu de la police la libération des 7 moines, dont certains avaient déjà été arrêtés les jours précédents. La police a également ordonné la fermeture de tous les magasins.Depuis le jour du sacrifice de Phuntsok, le monastère de Kirti (avec ses 2500 moines) est assiégé par les forces de l’ordre qui ne permettent aux moines ni de sortir ni de recevoir des aliments de l’extérieur54.

Depuis le début du mois d’avril, des agents de police patrouillent autour du monastère, et empêchent les moines âgés d’effectuer leur déambulation rituelle autour du monastère (kora). Ils ont construit des postes d’observation et des plates-formes de garde. Selon le Centre tibétain pour les droits de l’homme et la démocratie (TCHRD), plus de 33 personnes ont été arrêtées, dont 24 (huit moines et laïcs) sont encore en détention55. Le 15 août 2011, à 12 h 30, Tsewang Norbu, moine de 29 ans, également connu sous le nom de Norko, s’est immolé par le feu sur le pont de Chume (chinois : Binghelu), dans le centre de la ville de Tawu (chinois : Daofu), qui fait partie de la préfecture autonome de Kandze (chinois : Gandze), dans le Sichuan.Selon des témoins, Tsewang a bu de l’essence, en a aspergé ses vêtements, et y a mis le feu en criant « Nous, Tibétains, voulons la liberté », « Vive le Dalaï-Lama », « Laissez le Dalaï-Lama revenir au Tibet »56.

Le 3 octobre, à 14 heures, un jeune moine tibétain du monastère de Kirti s’est immolé par le feu sur le marché aux fruits et légumes de Ngaba, dans la province du Sichuan. Alors qu’il brûlait, Kalsang, 17 ou 18 ans, serrait dans sa main une photo du Dalaï-Lama en réclamant des droits et la liberté religieuse au Tibet. La police a éteint les flammes, mais la situation du jeune moine reste encore inconnue. Au cours des mois précédents, depuis mars, d’autres jeunes moines de Kirti se sont immolés. Depuis mars, le monastère est soumis à l’isolement et aux contrôles de la police chinoise57.

Le 15 octobre 2011, à Ngaba (province du Sichuan), vers midi, Norbu Dramdul, moine tibétain de 19 ans, s’est immolé par le feu en criant des slogans tels que « Liberté pour le Tibet » et « Laissez revenir le Dalaï-Lama ». La police chinoise a

54 AsiaNews.it, 17/03/2011 55 AsiaNews.it, 12/04/2011 56 Reuters, 15/08/2011 57 Radio Free Asia, 3/10/2011

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éteint les flammes et frappé violemment le jeune homme, puis l’a emmené dans une voiture, comme ont confirmé des témoins oculaires. Il n’y a pas d’informations sur son état actuel. Dramdul était moine au monastère de Kirti58.

Le 18 octobre 2011, le gouvernement tibétain en exil a annoncé qu’une moniale bouddhiste de 20 ans, Tenzin Wagmo, s’était immolée par le feu pour demander la liberté pour le Tibet et le retour du Dalaï-Lama. Son sacrifice a été confirmé par le siège en exil du monastère (masculin) de Kirti, d’où proviennent beaucoup d’autres religieux martyrs. Tenzin était la neuvième personne à se sacrifier depuis le mois de mars précédent, mais la première femme à accomplir ce geste. Le gouvernement en exil en Inde a signalé que la religieuse s’était immolée par le feu près de son monastère, le couvent Mamae Dechen Choekhorling, à environ trois kilomètres de la ville de Ngaba, dans la province du Sichuan. Dans un communi-qué, le gouvernement déclare que la religieuse, embrasée, avait marché dans la rue pendant environ huit minutes, en chantant et hurlant des slogans contre la Chine et en faveur de la liberté au Tibet et du retour du Dalaï-Lama. Son corps, malgré l’interdiction officielle, a été ramené au monastère où les autres sœurs l’ont veillé. Les tensions sont restées très élevées autour du couvent de religieuses de Mamae, le plus grand de la région avec plus de 350 sœurs59.

Le 26 octobre, Radio Free Asia, citant des sources locales, a annoncé qu’un moine tibétain s’était aspergé de kérosène et immolé dans la région du Sichuan, en signe de protestation contre la répression chinoise, en criant « Vive le Dalaï-Lama ! ». Le moine s’appelle Dawa Tsering, 31 ans, et a accompli le geste devant le monastère de Kardze (Ganzi, en chinois), après avoir crié aux moines présents de rester unis contre le gouvernement de Pékin. Les autres moines présents ont déclaré l’avoir entendu crier « Vive le Dalaï-Lama ! ».Les moines ont réussi à sauver le corps des flammes et ont transporté Dawa Tsering à l’hôpital de Kardze, suivis d’un groupe de policiers. Les forces de sécurité sont arrivées en masse à l’hôpital où elles ont bouclé la zone.Un moine présent à l’hôpital a déclaré que Dawa Tsering avait refusé tout traitement, et qu’il avait la peau du visage et du corps brûlée et couverte de pansements. Il a demandé à ce qu’on le laisse mourir60.

Le 1er décembre, un ancien moine tibétain a été hospitalisé après s’être immolé par le feu. L’incident s’est produit à Khamar, dans la région de Chamdo (Ghangu en chinois), près du monastère de Karma. L’homme, Tenzin Phuntsog, 46 ans, a crié des slogans et jeté des prospectus en l’air avant d’accomplir son geste, le

58 AsiaNews.it, 17/10/2011 59 AsiaNews.it, 18/10/2011 60 Radio Free Asia, 25/10/2011

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premier du genre dans la région autonome du Tibet. Auparavant, tous les autres cas avaient eu lieu dans la province du Sichuan.Selon des sources tibétaines en exil en Inde, qui ont pris contact avec la popu-lation locale, « l’ancien moine était très perturbé et frustré par les restrictions imposées au monastère de Karma, et l’emprisonnement de nombreux moines. Certains, parmi les autorités chinoises, ont parlé de la possibilité de fermer le monastère ». Phuntsog était très secoué par cette menace et en avait longue-ment discuté en public61.

Morts suspectes

Chadrel Jampa Trinley Rinpoche, l’abbé ayant présidé la Commission chargée de reconnaître le 11e Panchen Lama, est décédé, probablement à cause d’un poison que lui auraient donné les fonctionnaires du régime chinois chargés de son contrôle depuis 1995. Le religieux, envoyé par le Dalaï-Lama au Tibet, a reconnu dans le jeune Gedhun Choekyi Nyima la réincarnation de Panchen, deuxième plus importante figure spirituelle du bouddhisme tibétain. Après son arrestation, il a été condamné à 6 ans de travaux forcés et à 3 ans de prison. Après sa libération, il a été placé en résidence surveillée.Le 17 mai 1995, Chadrel Jampa Trinley Rinpoche et Jangpa Chung-la ont été ar-rêtés à l’aéroport de Chengdu. Ils étaient respectivement président et secrétaire de la Commission pour la recherche de la réincarnation du Panchen Lama. Ils ont été accusés de « porter atteinte à la sûreté de l’État » et de « diffuser des secrets d’État ». Ils avaient été condamnés en 1997, après deux ans de travaux forcés. Chung-la est mort en novembre 2010 après avoir été longtemps malade, mais privé des soins médicaux nécessaires, alors qu’il était en résidence surveillée62.

Arrestations

Les autorités chinoises ont continué à effectuer fréquemment des arrestations. Voici les cas les plus significatifs :

Le 5 février s’est répandue la nouvelle de l’arrestation de Kalsang Tsultrim, mieux connu sous le nom de Gyitsang Takmig, personnage très engagé dans la préservation de la langue et de la culture tibétaines. Son arrestation a eu lieu en décembre 201063.

Le 19 mai, Gatsetsang Lobsang Choephel, jeune moine du monastère de Kirti, a

61 AsiaNews.it, 2/12/2011 62 AsiaNews.it, 25/11/2011 63 Tchrd, 6/02/2011

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été arrêté parce qu’il avait refusé de se soumettre aux ordres de la police chinoise. Depuis plus d’un mois, le monastère était sous le contrôle des forces de l’ordre qui ne permettaient à personne d’y entrer ni d’en sortir, soumettant tous les moines à la « rééducation patriotique ». Toute personne refusant de se soumettre ou de se déclarer fidèle à la « Nation chinoise » était arrêtée et emmenée. Avant Lobsang Choephel, jeune moine de 27 ans originaire de la région, les moines Lobsang Jinpa et Lobsang Dorjee avaient été emmenés, puis libérés après 10 jours de prison sans inculpation. Les rapports parlent d’arrestations fréquentes de moines, mais les mesu-res de sécurité sévères rendent difficile l’obtention de nouvelles. Le 21 avril, l’armée a emmené environ 300 moines. Seuls 24 d’entre eux ont eu le droit, après quelques semaines, de revenir dans leur famille, dans le comté de Golok Chigdril (Qinghai), tandis qu’on ignore le sort des autres64.

Le 23 juin, plus de 60 Tibétains ont été arrêtés par la police chinoise à Kardze (chinois : Ganzi, dans le sud-ouest de la province du Sichuan). Des moines et la po-pulation locale manifestaient « pour l’indépendance du Tibet, le retour du Dalaï-Lama au Tibet, la liberté religieuse et la libération des moines déjà détenus. » Pekin avait augmenté la sécurité dans la région depuis le 6 juin, au début des protestations65.

Le 12 juillet, les autorités communistes de la province autonome du Tibet ont arrêté 8 moines bouddhistes qui refusaient de participer aux manifestations organisées pour le 90ème anniversaire de la fondation du Parti communiste. La population locale n’a pas non plus voulu participer aux célébrations. La police et certains dirigeants politiques du comté de Nangchen se sont rendus au monastère de Surmang pour annoncer aux religieux qu’ils devaient assister à un cours « d’éducation civique ». Le « cours » avait été imposé après le refus des moines de participer aux célébrations prévues le 1er juillet pour marquer l’anniversaire du PCC. Juste après l’annonce, 8 moines – Karma Samten, Jigtak, Sherab, Gaya Tashi, Urgen Samten, Karma Soepa, Karma Monlam et Dosam – se sont éloignés, en refusant de participer. C’est pour cette raison qu’ils ont été arrêtés et emmenés de force au Centre de détention du comté66. Le 20 août, les autorités chinoises ont arrêté le moine tibétain Jigme Guri (ou Gyatso), alors qu’il séjournait à l’hôtel « Z-hong Yan » dans la ville de Tsoe (Hezou en chinois), dans la préfecture autonome tibétaine de Kanlho (province de Gansu). D’après des sources locales, les policiers ont « fouillé » à fond la chambre qu’il occupait au monastère, saisissant son ordinateur et plusieurs CD. Mais surtout, les agents ont emporté au moins 30 images du Dalaï-Lama (10 grandes et 20 petites), que Gyatso

64 Tchrd, 27/05/2011 65 Radio Free Asia, 25/06/2011 66 AsiaNews.it, 14/07/2011

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conservait dans ses quartiers. D’autres moines étaient présents au moment de l’ar-restation ; les fonctionnaires n’ont fourni aucune explication à leur intervention. Jigme Guri, 44 ans, né dans une famille de paysans pauvres du village de Lhutang, est membre du monastère de Labrang. En 2008, il avait déjà été la cible des autorités chinoises qui l’avaient emprisonné alors qu’il rentrait du marché de la ville. Il a été emprisonné et torturé pendant des mois dans une prison spéciale, soupçonné d’avoir participé à la révolte des moines de 2008. Jigme avait déjà été arrêté 2 autres fois67.

Le 21 novembre, le moine Gyatso, 42 ans, a été tiré de sa cellule et arrêté. Né dans la famille Ratsa, Gyatso était devenu moine très jeune. Il faisait partie des professeurs du monastère de Kirti (Sichuan) avant sa fermeture.Le même jour, le Centre tibétain pour les droits de l’homme et la démocratie a confirmé l’arrestation d’un autre moine, Lobsang Gendun, âgé de 48 ans, érudit du college Kalachakra de Kirti. Son arrestation remonte à la mi-octobre. Les motifs de ces deux arrestations ne sont pas connus. Pendant ce temps, la situation à Kirti et dans la région de Ngaba reste très tendue. Au moins 200 policiers entourent en permanence le monastère pour en contrôler tous les mouvements68.

Condamnations

En mars, Trulku Jangchub et Pesang, deux moines du monastère de Jophu, dans le comté de Jomda (préfecture de Chamdo au Tibet), ont été condamnés respectivement à 3 ans et 2 ans et demi de prison pour avoir protesté contre la confiscation des terres du monastère. À la fin de 2009, les autorités chinoises avaient saisi les terres du monastère de Jophu, « pour raisons de développement ». Les moines ont protesté en revendiquant l’ancienneté de la propriété de la terre, et ont été soutenus par la population locale. En décembre 2009, la police a arrêté Trulku pour avoir dirigé les manifestations, et Pesang a été emprisonné en janvier 2011 pour les mêmes raisons. Selon le Centre tibétain pour les droits de l’homme et la démocratie, les deux moines ont été torturés en prison, au point que Pesang a dû être hospitalisé69.

Au cours de la première moitié de juillet, au moins 13 moines bouddhistes ont été arrêtés et condamnés. Deux d’entre eux – Sonam Choegyal et Sonam Nyima, tous deux âgés de 19 ans – ont été condamnés à 3 ans de prison pour leur rôle dans les manifestations de l’année précédente. On ne connaît pas le sort des autres70.

Le 2 juillet, dans le comté de Kardze (Sichuan), un tribunal a condamné 3 religieuses

67 AsiaNews.it, 25/08/2011 68 AsiaNews.it, 26/11/2011 69 AsiaNews.it, 4/05/2011 70 Tchrd, 11/07/2011

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du monastère de Gyemadrak à 3 ans de prison chacune pour avoir scandé des slo-gans favorables à l’indépendance du Tibet et au Dalaï-Lama. Les religieuses – Jampa Choedon, 31 ans, Sheh Lhamo, 21 ans, et Yangchen aka Tashi Choetso, 28 ans – avaient été arrêtées le 15 juin alors qu’elles manifestaient au marché du comté de Kardze, avec des slogans tels que « Tibet libre », « retour du Dalaï-Lama au Tibet », « longue vie au Dalaï-Lama ». La décision a été rendue quelques jours avant que la Chine ne célèbre les 60 ans de la « libération pacifique » du Tibet (11 juillet 1951), et rappelle, dans un livre blanc publié par Pékin, qu’elle avait amené la paix et la prospérité au pays71.

Le 15 juillet, deux moines tibétains ont été condamnés à trois ans de prison. Ils faisaient tous deux partie du monastère de Kirti, cible importante de la répression chinoise. Les moines, Lobsang Khedup (36 ans) et Lobsang Gyatso (39 ans) avaient été arrêtés en mai 2011 au monastère de Kirti, dans le comté de Ngaba. Le 21 avril 2011, au moment où la police chinoise a arrêté un grand nombre de moines du monastère de Kirti, ces deux moines, avec plusieurs de leurs confrères, se sont réunis au monastère en demandant à la police, soit de ne pas arrêter les deux moines, soit de tous les arrêter72.

À la fin de juillet, Dhonyoe Dorjee, un autre moine du monastère de Kirti, a été condamné à trois ans de prison. Il se trouve actuellement dans la prison de Mein-Yang, près de Chengdu dans le Sichuan. On ne sait rien de son procès, ni le tribunal qui a rendu le jugement, ni la date du procès ni les chefs d’accusation. Dhonyoe Dorjee a été arrêté le 8 avril 2011 dans son monastère, et est détenu au secret depuis lors. Dhonyoe Dorjee, 34 ans, a été ordonné au monastère de Kirti quand il était très jeune73.

Le 20 août, la Cour de Justice de Kandze a condamné à 3 ans de prison Samphel Dhondup, militant tibétain de 23 ans qui avait manifesté au début du mois de juillet aux cris de « liberté pour le Tibet » et « retour du Dalaï-Lama dans son pays ». Deux autres personnes qui avaient manifesté avec lui ont en revanche été libérées immédiatement après leur arrestation. La condamnation de Samphel prouve que la poigne de fer de Pékin sur le Tibet ne se relâche pas.Le Centre tibétain pour les droits de l’homme et la démocratie n’a eu connaissance de la condamnation que le 1er septembre. Selon le TCHRD, les trois activistes avaient été violemment frappés par les agents de la sécurité publique avant l’arrestation. Ils étaient en train de distribuer des tracts où l’on pouvait lire « Liberté pour Tibet », « Vive le Dalaï-Lama », « Que le Dalaï-Lama s’unisse rapidement aux Tibétains »74.

71 Tchrd, 15/07/2011 72 AsiaNews.it, 21/07/2011 73 AsiaNews.it, 28/07/2011 74 AsiaNews.it, 1/09/2011

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Le 29 août, le moine tibétain Tsundue Lobsang a été condamné à 11 ans de prison pour « homicide volontaire » après seulement une journée de procès. En réalité, Tsundue avait aidé le moine Phuntsog à se cacher, alors que ce dernier s’était immolé en signe de protestation et que la police le frappait. Tsundue, 46 ans, du monastère de Kirti (Ngaba, dans le Sichuan), avait été le professeur de son petit-fils Phuntsog qui s’est immolé par le feu le 16 mars. Il était en prison depuis le 12 avril. Selon certains résidents tibétains, Phuntsog n’est pas mort à cause du feu, mais à la suite des blessures causées par les coups75.

Le 30 août, après un procès qui n’a duré que quelques heures, Tsering Tamding et Tenzini, deux moines du monastère de Kirti, ont été condamnés respectivement à 13 ans et 10 ans de prison au motif qu’ils avaient « comploté, incité et assisté » le moine Phuntsog dans sa protestation suicidaire du 16 mars. Ils étaient tous deux détenus depuis mai76.

Vers le 10 septembre, l’Office chinois de sûreté publique de la préfecture de Ngaba a condamné trois autres moines du monastère de Kirti à 3 ans de « rééducation » en camp de travail. Lobsang Dhargye (22 ans), Tsekho (30 ans) et Dorjee (16 ans) auraient aidé le jeune moine Phuntsog lors de son immolation par le feu du 16 mars. Lobsang Dhargye est le frère du moine Phuntsog. Ils ont tous trois été arrêtés le 12 avril77.

À la fin du mois de décembre, bravant la répression et sans peur des conséquences, un groupe de 6000 à 7000 fervents bouddhistes a quitté le Tibet et s’est rendu en Inde pour assister à la Bhodigaya, une grande célébration religieuse dirigée par le Dalaï-Lama. Bien qu’ils aient eu l’autorisation des autorités chinoises, des centaines d’entre eux ont été arrêtés à leur retour et envoyés en camp de travail78.

Annulations de cérémonies

En mai, le gouvernement chinois a d’abord arrêté, puis complètement interdit le Nyung Ne (jeûne rituel observé par les fidèles bouddhistes au mois de Saka Dawa) aux moines et fidèles du monastère de Drepung, l’un des « trois grands » lieux de culte du Tibet.Le Saka Dawa est la période la plus importante pour les disciples du bouddhisme tibétain, car il rappelle la naissance, l’illumination et la mort du Bouddha. Tout au long du mois, 15 jours de jeûne total sont observés au cours desquels les moines, moniales et fidèles passent du temps ensemble à lire les textes sacrés

75 AsiaNews.it, 30/08/2011 76 Tchrd, 30/08/2011 77 AsiaNews.it, 20/08/2011 78 Human Rights Watch, 27/01/2011

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et discuter de religion. Interrompu une fois pendant le soulèvement populaire de 2008, le Nyung Ne avait été célébré – quoique plus discrètement – ces dernières années.Cette année, le monastère avait demandé, à plusieurs reprises, au gouvernement régional la permission d’accomplir sa célébration annuelle, en partie aussi pour permettre une reprise de la vie normale de la région. Le 30 mai, n’ayant reçu aucune réponse, bon nombre de personnes se sont rendues au monastère où les moines préparaient les premières célébrations. La police locale est alors soudainement arrivée et a tout interrompu. Les agents ont identifié les fidèles et les ont renvoyés chez eux, bien que la plupart d’entre eux soient des personnes âgées qui avaient fait un long voyage pour célébrer le Nyung Ne. Les moines ont fermé les portes de leur monastère en signe de protestation et les autorités ont déployé environ 60 agents en tenue anti-émeute79.

Fermeture de monastères

Le 14 août, la police a fait évacuer le couvent de Drepung, à la périphérie de Lhassa. Selon des sources locales, la communauté bénéficiait de nombreuses vocations. Cela a fait peur aux autorités qui ont fermé le couvent et forcé toutes les religieuses à retourner dans leurs districts respectifs.Le sort des 85 moines de l’ancien monastère de Tashi Lhunpu demeure inconnu après leur arrestation en mai. Après la fermeture de leur monastère en 1995, ils avaient réussi à maintenir une forme de « vie communautaire », en s’aidant les uns les autres à trouver du travail comme serveurs, commerçants et chauffeurs, et en soutenant les plus âgés d’entre eux. Malgré les appels de leurs familles, les autorités n’ont pas encore révélé le motif ni leur lieu de détention80.^

Campagnes contre le Dalaï-Lama et le Karmapa Lama

Le 10 mars, le Dalaï-Lama a renoncé à tout pouvoir politique au sein du gou-vernement tibétain en exil, et a appelé à des élections démocratiques pour élire le Parlement et le gouvernement. Tout en restant chef spirituel, il a également suggéré que les futurs Dalaï-Lamas ne soient plus choisis à travers une recon-naissance de réincarnation, mais par un processus permettant à la population de se choisir un chef religieux parmi les moines les plus dévoués à leur mission. Le gouvernement chinois a décrit son choix comme « un truc de la clique du Dalaï-Lama » et l’a accusé de vouloir soutenir « l’indépendance de la région tibétaine »81.

79 Tchrd, 1/06/2011 80 AsiaNews.it, 18/08/2011 81 Associated Press, 10/03/2011

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À la fin de janvier, les autorités indiennes sont entrées dans le monastère de Gyuto, résidence officielle du Karmapa Lama, dans la ville de Dharamsala où se trouvent aussi le gouvernement tibétain en exil et la résidence du Dalaï-Lama. Dans le monastère, la police a saisi pour 560 000 euros en monnaies indienne et étrangères. L’argent était caché dans six valises dans la chambre de Shakti Lama, bras droit du 17ème Karmapa, connu sous le nom de « lama au chapeau noir », et considéré comme l’un des candidats probables à la direction des Tibétains après la mort du Dalaï-Lama. L’opération de police a conduit à d’immenses spéculations sur son rôle, et certaines personnes l’ont accusé de travailler pour la Chine et d’être un espion de Pékin.Le Karmapa Lama s’est enfui du Tibet pour l’Inde en 1999, après une audacieuse évasion à pied à travers l’Himalaya pour rejoindre Dharamsala, où il a reçu une éducation religieuse appropriée. Étant donné que l’actuel Panchen Lama – qui a été choisi par Pékin en 1995 – est mal vu par les Tibétains, le Karmapa Lama pourrait avoir la charge de reconnaître le prochain Dalaï-Lama après la mort de l’actuel. Certains analystes suggèrent que le scandale du Karmapa Lama est lié à la tentative de rouvrir le dialogue politique et commercial entre l’Inde et la Chine82.

Chine – Hong Kong

Le territoire de Hong Kong, bien qu’étant retourné à la Chine en 1997, est une « région économique spéciale » et jouit d’une certaine autonomie par rapport à la mère patrie. Toutefois, l’influence de Pékin a lentement mais inexorablement augmenté depuis 1997 au détriment de la liberté du peuple, y compris dans le domaine religieux.

Éducation nationale

Depuis un certain temps, le gouvernement de Hong Kong tente de contrôler l’éducation qui est fournie sur son territoire. Pekin a suggéré en 2011 une proposition consistant à insérer dans toutes les classes, dès l’école primaire, des cours « d’éducation nationale » qui glorifieraient la culture chinoise, exalteraient les grandes réalisations de la Chine, et augmenteraient le sentiment patriotique de la population. Interrogé sur la façon dont il présenterait les faits et le massacre de Tiananmen (4 juin 1989), le gouvernement a répondu qu’il était « encore trop tôt pour en parler ».En raison de cette ambiguïté, les groupes catholiques et les responsables d’éco-les privées s’opposent à la proposition du gouvernement. Le Cardinal Joseph Zen

82 AsiaNews.it, 28/01/2011 ; 3/02/2011 ; 18/05/2011

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Ze-kiun, évêque émérite de Hong Kong, a déclaré que « les élèves et enseignants doivent s’opposer à ce projet qui est trop vague et tend à exacerber un nationa-lisme extrême… Que signifie éducation nationale ? Qu’est-ce qui sera enseigné ? Veulent-ils un soutien inconditionnel à l’action du Parti communiste ? ».Pour beaucoup, y compris des membres du gouvernement de Hong Kong, ces cours d’éducation nationale constituent un risque de « lavage de cerveau des jeunes »83.

Organes de contrôle dans les écoles

Le diocèse catholique de Hong Kong a perdu son combat pour la liberté d’éducation contre l’ordonnance gouvernementale de 2004 sur l’éducation. Cette ordonnance exige que les écoles financées en partie par le gouvernement introduisent des or-ganismes de contrôle de la gestion administrative et des programmes éducatifs.La loi offre différents avantages aux écoles qui appliquent l’ordonnance : une assurance santé pour le personnel de l’école, de l’élasticité dans la gestion des fonds, une prime annuelle de 350 000 dollars hongkongais (environ 35.000 euros). D’après le texte, cependant, toute école soutenue financièrement par le gouvernement devra mettre en place un comité interne de gestion scolaire (School Management Committee), juridiquement séparé des organes de parrainage, c’est-à-dire des écoles elles-mêmes.Le gouvernement soutient que cela permettra une plus grande transparence et plus de démocratie ; mais pour les gestionnaires de l’école – dont les catholiques et les protestants – il ne s’agit que d’un stratagème pour se mêler de la gestion interne et compromettre la liberté de l’enseignement.De tels comités comprendraient en effet non seulement les parents et les élèves, mais aussi des individus extérieurs au système scolaire, choisis par le gouverne-ment, susceptibles de dévier l’orientation pédagogique des écoles libres.

Le 14 octobre, la Cour suprême de Hong Kong a rejeté l’appel du diocèse contre la nécessité d’introduire le Comité d’organisation dans la gestion de l’école. Les res-ponsables des communautés anglicane et méthodiste se sont également exprimés contre la décision de la Cour suprême, étant eux aussi préoccupés par l’ingérence du gouvernement (et de la Chine) dans l’éducation chrétienne.

Campagne contre le Cardinal Zen

Le Cardinal Joseph Zen a fait l’objet d’une campagne médiatique tendant à saper sa position de défenseur des droits de l’homme et de la liberté religieuse à Hong Kong et en Chine.

83 AsiaNews.it, 26/09/2011

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Juste après la décision de la Cour suprême à propos des écoles, le Cardinal Zen a décidé d’observer trois jours de grève de la faim. « Je tiens à souligner le caractère erroné de la décision de la Cour suprême – a-t-il dit. C’est une grande injustice envers l’Église et le territoire de Hong Kong, qui risque de détruire le système éducatif du territoire, considéré comme l’un des meilleurs de la région, efficace et de haute qualité ». Au début de son jeûne, des blogs sont apparus sur Internet, prétendant révéler le montant des dons reçus ces dernières années par le Cardinal Zen. La somme serait d’environ 3 millions de dollars hongkongais par an (environ 300 000 euros). Les dons auraient été faits par le magnat Jimmy Lai, un converti au catholicisme, partisan de la démocratie en Chine et à Hong Kong.Bien que ces révélations n’accusent personne officiellement, elles cherchent à répandre des soupçons sur le Cardinal Zen, faisant croire qu’il aurait empoché de l’argent pour lui-même ou pour soutenir le mouvement démocratique d’op-position au régime.Lors d’une conférence de presse, le Cardinal a répondu que les dons avaient servi à financer des bourses d’études au profit des catholiques chinois, aider des évêques chinois officiels et clandestins, soutenir les diocèses touchés par des catastrophes naturelles (tsunami, tremblements de terre, inondations), et traduire en chinois des documents théologiques et des textes de l’Église. Si je les avais utilisés pour moi – a-t-il dit en plaisantant – je me serais d’abord acheté une voiture de luxe et j’aurais pris un chauffeur. Au lieu de cela, je continue à utiliser ma vieille voiture et à rouler seul ». Il a également souligné que les dons reçus étaient destinés à être utilisés en lien avec ses « fonctions d’évêque et de chrétien, et non à des fins politiques »84.

84 AsiaNews.it, 19.10/2011 et 20/10/2011

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ConGo (RÉpubLique dÉmoCRatique du)

L’article 13 de la Constitution de 20061 interdit toute discrimination fondée sur la religion, l’origine familiale et les opinions. L’article 22 assure par ailleurs le res-pect intégral de la liberté de religion, avec toutes ses conséquences en termes d’organisation, de liberté d’enseignement, de manifestation de sa religion tant en public qu’en privé, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui.Les organisations religieuses doivent être enregistrées au moyen d’une procédure très simple, afin d’obtenir une exemption de certaines taxes. Cependant, les grou-pes non enregistrés ont également la liberté d’opérer.Dans les écoles publiques, les membres de groupements religieux ont le droit de fournir une instruction religieuse.Des consultations régulières ont lieu entre le gouvernement et les représentants des différents groupes religieux présents dans le pays.Noël est un jour férié.

Le conflit à la frontière orientale

Le grave conflit armé perdure, surtout dans le Nord-Kivu et les autres régions de la frontière orientale. Dans cette zone, des milices locales et infiltrées de l’étranger ont été impliquées dans des raids meurtriers et des pillages.Au cours de l’année 2011, les guérilleros de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA ou « Lord’s Resistance Army », basée en Ouganda) ont mené des attaques dans le nord-est de la RDC, le Soudan du Sud et la République centrafricaine. On compte parmi les nombreuses victimes de la LRA Sœur Jeanne Yegmane,

1 www.wipo.int/wipolex/en/text.jsp?file_id=193675

SURFACE2 344 858 Km2

POPULATION67 827 495

RÉFUGIÉS152 749

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APPARTENANCE RELIGIEUSE

Chrétiens 95,4% Catholiques 52,5% /

Protestants 21,5% /

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L’article 13 de la Constitution de 20061 interdit toute discrimination fondée sur la religion, l’origine familiale et les opinions. L’article 22 assure par ailleurs le respect intégral de la liberté de religion, avec toutes ses conséquences en termes d’organisation, de liberté d’enseignement, de manifestation de sa religion tant en public qu’en privé, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui.

Les organisations religieuses doivent être enregistrées au moyen d’une procédure très simple, a�n d’obtenir une exemption de certaines taxes. Cependant, les groupes non enregistrés ont également la liberté d’opérer.

Dans les écoles publiques, les membres de groupements religieux ont le droit de fournir une instruction religieuse.

Des consultations régulières ont lieu entre le gouvernement et les représentants des différents groupes religieux présents dans le pays.

Noël est un jour férié.

Le conflit à la frontière orientale

Le grave con�it armé perdure, surtout dans le Nord-Kivu et les autres régions de la frontière orientale. Dans cette zone, des milices locales et in�ltrées de l’étranger ont été impliquées dans des raids meurtriers et des pillages.

Au cours de l’année 2011, les guérilleros de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA ou "Lord’s Resistance Army", basée en Ouganda) ont mené des attaques dans le nord-est de la RDC, le Soudan du Sud et la République centrafricaine. On compte parmi les nombreuses victimes de la LRA Sœur Jeanne Yegmane, ophtalmologue, in�rmière, et ancienne Mère supérieure de la Congrégation des "Augustines" (ordre de Saint Augustin) de Dungu, dans le nord-est du pays2.

1 www.wipo.int/wipolex/en/text.jsp?�le_id=1936752 Agence Fides, 18/01/2011

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L’article 13 de la Constitution de 20061 interdit toute discrimination fondée sur la religion, l’origine familiale et les opinions. L’article 22 assure par ailleurs le respect intégral de la liberté de religion, avec toutes ses conséquences en termes d’organisation, de liberté d’enseignement, de manifestation de sa religion tant en public qu’en privé, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui.

Les organisations religieuses doivent être enregistrées au moyen d’une procédure très simple, a�n d’obtenir une exemption de certaines taxes. Cependant, les groupes non enregistrés ont également la liberté d’opérer.

Dans les écoles publiques, les membres de groupements religieux ont le droit de fournir une instruction religieuse.

Des consultations régulières ont lieu entre le gouvernement et les représentants des différents groupes religieux présents dans le pays.

Noël est un jour férié.

Le conflit à la frontière orientale

Le grave con�it armé perdure, surtout dans le Nord-Kivu et les autres régions de la frontière orientale. Dans cette zone, des milices locales et in�ltrées de l’étranger ont été impliquées dans des raids meurtriers et des pillages.

Au cours de l’année 2011, les guérilleros de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA ou "Lord’s Resistance Army", basée en Ouganda) ont mené des attaques dans le nord-est de la RDC, le Soudan du Sud et la République centrafricaine. On compte parmi les nombreuses victimes de la LRA Sœur Jeanne Yegmane, ophtalmologue, in�rmière, et ancienne Mère supérieure de la Congrégation des "Augustines" (ordre de Saint Augustin) de Dungu, dans le nord-est du pays2.

1 www.wipo.int/wipolex/en/text.jsp?�le_id=1936752 Agence Fides, 18/01/2011

SURFACE2 344 858 Km2

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RÉFUGIÉS152 749

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ophtalmologue, infirmière, et ancienne Mère supérieure de la Congrégation des « Augustines » (ordre de Saint Augustin) de Dungu, dans le nord-est du pays2.En juin 2012, afin de trouver une solution au problème du conflit armé sur la frontière orientale, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL, un organisme créé avec la collaboration de l’ONU, l’Union africaine et des donateurs bilatéraux) a inauguré à Goma, capitale du Nord-Kivu, le Centre de renseignement interarmées, chargé de la lutte contre les groupes armés qui opèrent dans la région. Le personnel du Centre est formé par des officiers de renseignement des États de la CIRGL (République démocratique du Congo, Angola, Zambie, Tanzanie, Burundi, Rwanda, Ouganda, République centrafricaine, République du Congo, Kenya, Soudan), et du Soudan du Sud, coordonnés par un général angolais3.Au niveau politique, l’élection présidentielle à deux tours remportée de manière controversée par le Président sortant, Joseph Kabila, a donné lieu à des tensions et des violences4.

2 Agence Fides, 18/01/20113 Agence Fides, 14/06/20124 Agence Fides, 10/12/2011

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Cadre général

La Corée du Nord nie toute liberté religieuse. Dans le pays, il y a quelques lieux de culte chrétiens (une église catholique et deux protestantes) et environ quatre temples bouddhistes. Cependant, ces données ne peuvent pas être confirmées car elles ne concernent que la capitale Pyongyang. Le nombre varie en fonction des témoignages rendus par les visiteurs ayant pu pénétrer dans le pays. L’événement le plus important de 2011 concernant la Corée du Nord, y compris d’un point de vue religieux, est la mort de Kim Jong-il, dictateur au pouvoir depuis 1997. La négation de la liberté religieuse est apparue à la fondation de la Corée du Nord : le régime est en fait une expression du Parti des Travailleurs de Corée (PTC), à son tour inspiré par les principes de l’idéologie politique du « Juche », c’est-à-dire de l’accomplissement personnel. Le PTC a lui-même pris la place du Parti Communiste Coréen (PCC) dont l’histoire est marquée par des luttes intestines entre les factions prosoviétiques et prochinoises, ayant conduit à de sanglantes épurations et répressions. Au contraire, le Juche est la base syncrétique de l’idéologie et du système politique et économique de la Corée du Nord. Il combine des éléments de néoconfucianisme, de maoïsme-nationalisme et de stalinisme, et exprime sans équivoque ses positions idéologiques strictes, isolant de ce fait le pays de la communauté internationale. L’idéologie a conduit au culte de la personnalité et de l’autoritarisme du « Père de la patrie » Kim Il-sung (arrivé au pouvoir en 1948 et décédé en 1994) et proclamé « Président éternel », puis de son fils Kim Jong-il, chef absolu du pays avec le titre officiel de « Cher leader ». Le Juche attribue aux deux Kim (le père et le fils) une nature divine ; voilà pourquoi le pays n’autorise que le culte du chef. Les deux Kim – ainsi que désormais Kim Jong-un, troisième fils de Jong-il et dictateur par

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succession – sont glorifiés dans la littérature, la musique populaire, le théâtre et le cinéma. Il existe aussi une variante Juche du calendrier grégorien qui fait coïncider l’année 1 avec 1912, année de la naissance de Kim Il-sung, dont le corps embaumé se trouve à Pyongyang, dans un mausolée aux dimensions mégalomanes. Kim Il-sung et Kim Jong-il sont vénérés de manière grandiose et mystique dans de nombreux domaines de la vie publique, dans un contexte de véritables rituels religieux, si bien qu’on peut dire qu’en fait, la religion officielle est une sorte de culte du parti de la nation, lié à la dynastie dominante.

Les camps de prisonniers

De nombreux exilés de Corée du Nord ont témoigné de l’existence de camps d’internement ou de rééducation (les Yodok) ; le gouvernement en a nié l’exis-tence à plusieurs reprises. On suppose qu’il y aurait actuellement dans de tels camps 150 000 à 200 000 prisonniers, victimes de torture, viol, meurtre, expériences médicales, travail forcé, avortements forcés, et peines capitales effectuées en secret. À l’intérieur des camps, ceux qui sont emprisonnés pour motifs religieux sont punis plus durement. Portes OuvertesLe nationalisme de Corée du Nord prend racine dans le Chondogyo, une forme de syncrétisme reli-gieux entre bouddhisme, taoïsme, confucianisme, chamanisme et christianisme. Cette religion est née au XIXe siècle pour contrer les activités des missionnaires chrétiens (occidentaux). Les activités religieuses d’autres groupes sont fortement opprimées par l’État, qui se proclame officiellement athée.

Situations des catholiques et des autres confessions chrétiennes

La persécution a commencé en 1953, après la division de la péninsule en deux États. C’est à cette époque que les catholiques ont totalement disparu du pays. La situation des évêques catholiques, qui semblent avoir été supprimés, est particulière : pour le Vatican, ils sont « manquants », mais figurent toujours dans l’annuaire pontifical en tant que titulaires de leurs diocèses. Pour le régime nord-coréen, ils sont au contraire de « parfaits inconnus », et depuis les années 1980, toute demande à leur sujet a été officiellement ignorée. Selon l’adminis-tration ecclésiastique catholique, la Corée du nord se divise géographiquement en trois diocèses – Pyongyang, Chunchon et Hamhung – et l’abbaye territoriale de Tomwok, qui dépend directement du Saint-Siège. Après la fin de la guerre de Corée (de facto en 1953, même si elle n’a jamais été explicitement reconnue par les deux gouvernements) et la division consécutive de la péninsule en deux pays, le Vatican a confié l’administration apostolique des diocèses du Nord aux évêques du Sud. Formellement, les anciens évêques sont toujours sur la liste de l’Annuaire Pontifical. Par exemple, on peut lire pour « Pyongyang »

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le nom de Mgr Francis Hong Yong-ho, qui est né en 1906 et est aujourd’hui « manquant ». Au contraire, dans le cas de Hamhung, le siège est décrit comme vacant. Quant à Chunchon, son territoire diocésain « traverse » la frontière intercoréenne. L’évêque légitime est donc Mgr Lucas Kim Woon-hoe (mais pour les catholiques locaux, le siège est considéré comme « vacant »). La situation des évêques est un miroir fidèle de la situation de l’Église de Corée du Nord. Au milieu du siècle dernier, 30 % des habitants de la capitale, Pyongyang, étaient de confession catholique, contre 1 % dans le reste du pays. Pendant la guerre de Corée (1950-1953), les troupes communistes ont pénétré dans le sud, chassant les missionnaires et religieux étrangers ainsi que les chrétiens coréens. Le régime nord-coréen entendait détruire toute présence chrétienne. Au nord, tous les monastères et les églises ont été détruits ; les moines et les prêtres ont été arrêtés et condamnés à mort. Pendant la guerre, le délégué apostolique de Corée, Patrick James Byrne, a même été arrêté. Evêque et citoyen des États-Unis, il a été condamné à mort, mais la sentence n’a pas été exécutée. Il a été déporté en camp de concentration et est mort après des années de privation. Ce qui est arrivé aux chrétiens au cours des années qui ont suivi la fin de la guerre reste un mystère. Par exemple, on ne connaît toujours pas le sort des 166 prêtres et religieux qui étaient présents dans le Nord à la fin de la guerre. Jusqu’à la fin des années 1980, les fonctionnaires nord-coréens répondaient à toute question à leur sujet : « Ce sont de parfaits inconnus ». Aujourd’hui, l’église du Nord demeure sans clergé ni culte. Selon les données officielles du gouvernement, les catholiques de Corée du Nord sont environ 4000 et les protestants 11 000. Mais d’autres sources affirment que les catholiques « réels » ne seraient pas plus de 200, la plupart d’entre eux étant très âgés. Il n’y a que trois lieux de culte chrétiens autorisés sur tout le territoire de la Corée du Nord : deux protestants et un catholique. Ce dernier est l’église de Changchung, dans la capitale Pyongyang, qui pour de nombreux analystes n’est qu’une « vi-trine » à usage du régime. La communauté chrétienne est soumise à une dure répression par les autorités. Un chrétien est doublement détesté : d’une part accusé de déloyauté envers le régime, et d’autre part soupçonné de liens avec l’Occident. La majorité des fidèles est obligée d’exprimer sa foi en secret. Dans ce pays communiste, être « découvert » en train d’assister à une messe dans un lieu non autorisé peut entraîner une peine d’emprisonnement et, dans le pire des cas, la torture et la peine capitale. Le simple fait de posséder une Bible est même considéré comme une infraction pouvant entraîner la peine capitale. Le 16 juin 2009, une chrétienne de 33 ans, Ri Hyon-ok, a été condamnée à mort et exécutée « pour avoir mis des Bibles en circulation ». Après son exécution, les membres de sa famille ont été envoyés en camp de concentration. La figure de Mgr Hong Yong-ho est emblématique de cette situation. Ordonné prêtre le 25 mai 1933, il a été nommé vicaire apostolique de Pyongyang et évêque titulaire

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d’Auzia le 24 mars 1944 par le Pape Pie XII. Le 29 juin suivant, il a été consacré par Mgr. Boniface Sauer, et co-consacré par Mgr Irénée Hayasaka et par l’arche-vêque Paul Marie Kinam-ro. Le 10 mars 1962, le Pape Jean XXIII décida d’élever le Vicariat de Pyongyang au rang de diocèse, en partie pour protester contre la politique du régime nord-coréen, et de nommer justement comme premier évêque Mgr Hong, qui devenait ainsi un symbole de la persécution contre les ca-tholiques en Corée du Nord et dans les régimes communistes en général. Même si, aujourd’hui, il aurait déjà plus de 100 ans, le Vatican considère qu’il « ne peut être exclu qu’il soit toujours prisonnier dans un camp de rééducation ».

Espérance pour l’avenir

L’Église de Corée ne perd pas espoir : en vue d’une future réunification de la péninsule, les catholiques du Sud sont en train d’organiser des séminaires et des groupes d’action pour aider leurs frères du Nord. À cette fin, les réfugiés nord-coréens qui vivent dans le sud de la péninsule jouent un rôle essentiel. Ils sont « agents de l’évangélisation, pleinement membres de notre société et amis avec lesquels construire l’avenir en commun », comme l’a déclaré Mgr Lucas Kim Woon-hoe, au cours de la 12e rencontre du Réseau épiscopal pour la réconciliation du peuple coréen, dont il est le président. La mort de Kim Jong-il, en décembre 2011, a également eu des aspects purement religieux : selon de nombreuses sources, alors qu’il était à l’agonie, son fils et successeur Kim Jong-un a recherché le soutien de groupes religieux sud-coréen pour obtenir l’aide humanitaire nécessaire pour que le pays puisse survivre.

Les visites de délégations religieuses

Le 10 novembre 2011, un groupe de pasteurs protestants sud-coréens a effec-tué une visite officielle en Corée du Nord. Lors de la visite, approuvée par le gouvernement communiste, le groupe a rencontré son homologue et a tenu une veillée de prière « pour la paix dans la péninsule coréenne ». Les pasteurs ont également visité les églises de Pongsu et Chilgol, deux des très rares lieux de culte laissés ouverts par le régime. Cependant, certaines sources d’AsiaNews soulignent que ces rencontres – manipulées par la propagande du régime – « sont une façon de se rendre compte de la situation et d’ouvrir à des personnes venant de l’extérieur. Elles sont certainement une tentative pour convaincre Séoul d’envoyer à nouveau de l’aide humanitaire, mais pourraient contenir des surprises inattendues ».La visite des pasteurs était leur seconde visite religieuse officielle en une dizaine d’années. En septembre 2011, les dirigeants des sept grandes religions de Corée du Sud se sont rendus dans la partie nord de la péninsule : on a parlé d’un

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voyage sans précédent, dont le but était de remettre les deux côtés de la frontière sur le chemin de la paix et de la réconciliation. La délégation était composée de 24 personnes qui ont atteint la Corée du Nord via la Chine, étant donné qu’il n’y a pas de liens directs entre les deux côtés de la péninsule. Le voyage a été organisé à l’invitation du Conseil nord-coréen des religions, une marionnette entre les mains de Pyongyang, qui fait office de « façade » pour les quelques touristes occidentaux et chinois en visite dans le pays.

Avant de quitter l’aéroport International d’Incheon pour la visite, l’archevêque protestant de Gwangju, Mgr Igino Kim Hee-jong, a lu une déclaration commune au nom de toutes les confessions : « Nous amènerons au Nord les aspirations à la paix de tous les groupes religieux du Sud. Si tous ceux qui aiment la religion dans les deux pays s’unissent, nous espérons parvenir à la paix et créer un pont commun vers la réconciliation ». Le groupe a également remercié le gou-vernement de Séoul de lui avoir permis de faire la visite. Après les provocations militaires de Pyongyang, le gouvernement avait en effet presque interrompu toute relation entre les deux pays.Pour accompagner Mgr Kim, il y avait le révérend Kim Yeong-joo, Secrétaire du Conseil National Coréen des Églises ; le vénérable Jaseung, Président de l’Ordre Jogye du bouddhisme coréen ; le vénérable Kim Ju-won, guide du bouddhisme won ; le Dr. Choi Geun-dok, Président de l’Association confucéenne Sung Kyun Kwan ; Yim Woon-kil, chef du Chondogyo et Han Yang-won, qui est à la tête des religions traditionnelles coréennes.Bien que le voyage ait été organisé avec d’excellentes intentions, une source catholique a expliqué à AsiaNews : « Pyongyang n’a aucune envie de s’ouvrir sincèrement à l’idée de religion », et « parce que si elle le faisait, le régime s’effondrerait après quelques mois. La religion enseigne en premier lieu la liberté et n’est pas bien adaptée aux dictatures. Pour cette raison, même s’il est juste de voir et de vivre les situations autant que possible, je pense qu’il s’agit d’un leurre pour obtenir le plus possible d’aide humanitaire de la part des religieux du Sud ».Le 3 septembre 2011, enfin, une délégation de moines bouddhistes de Corée du Sud, incluant le chef de l’ordre religieux le plus important du pays, le chef Jogye, s’est rendue en Corée du Nord pour célébrer le 1000e anniversaire de la Tripitaka, une des reliques bouddhistes les plus importantes du pays, qui fait partie de l’héritage spirituel de tous les Coréens. La relique se compose de plus de 80 000 blocs de bois, sculptés il y a 1000 ans, qui contiennent toutes les écritures bouddhistes. Elle a été sculptée dans le nord de la Corée, mais était hébergée depuis 1398 au Temple d’Haeinsa, qui se trouve en Corée du Sud. Le ministère de l’unification de Séoul a donné le permis « pour des raisons

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purement religieuses » ; le groupe a rencontré une délégation de fidèles boudd-histes du nord et a visité plusieurs temples, avec l’autorisation de la dictature communiste.La délégation est restée dans le pays jusqu’au samedi 24 septembre.Il s’agissait de la première visite officielle non humanitaire depuis le 24 mai 2010, lorsque Séoul a imposé un embargo total sur toutes les formes de coopération avec le Nord. Séoul considère Pyongyang comme responsable du naufrage d’une corvette du sud – l’attaque ayant causé la mort de 42 marins coréens – et du bombardement d’un îlot où un civil a perdu la vie.

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Cuba

Une situation qui évolue

La situation de transition que traverse le pays est un mélange d’ombres et de lumières. Des progrès remarquables ont été accomplis dans les relations entre le gouvernement et les communautés religieuses, dont l’engagement en faveur de la défense des droits de l’homme a également obtenu de bons résultats sur ce front.Tout au long de l’année 2011, le gouvernement a autorisé d’importantes célébra-tions religieuses publiques, dont le point culminant a eu lieu en mars 2012 avec la visite de Sa Sainteté Benoît XVI sur l’île.

Catholiques

Au cours de cette période, les relations entre l’Église catholique et les autorités ont évolué. Ce changement est le résultat du dialogue accompli entre, d’une part le Cardinal Jaime Ortega et Mgr Dionisio García, archevêque de Santiago de Cuba et Président de la Conférence épiscopale de Cuba, et d’autre part le Général Raúl Castro, Président de Cuba.Le dialogue a commencé grâce à la médiation du Cardinal, qui avait protesté en avril 2010 contre les actes de répression commis à l’encontre des « Dames en blanc (Damas de Blanco) », qui manifestaient chaque dimanche devant l’église Sainte Rita pour exiger la libération de leurs proches, prisonniers d’opinion condamnés à de lourdes peines et reconnus par Amnesty International.La réponse du gouvernement à la protestation du Cardinal a été une invitation, adressée à l’Église, à servir d’intermédiaire entre les autorités et les « Dames en blanc », pour recevoir leurs demandes.

SURFACE110 861 Km2

POPULATION11 241 161

RÉFUGIÉS384

DÉPLACÉS---

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Chrétiens 69,9% Catholiques 52,2% /

Orthodoxes 0,4% /

Protestants 17,3%

Animistes 15,3%Agnostiques / Athées 14,8%

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Cette intervention a eu pour résultat global, en différentes étapes, la libération de plus de 140 prisonniers d’opinion ayant accepté la proposition de sortir de prison et de partir pour l’Espagne1.Au cours de cette période, l’Église a pu inaugurer en novembre 2010, à la Havane, un nouveau séminaire dédié à Saint Charles et Saint Ambroise, dont la première pierre avait été bénie par le Pape Jean-Paul II lors de sa visite à Cuba en 1998. Le Président Raúl Castro a assisté à l’inauguration du séminaire. Il s’agit de la première construction d’un édifice religieux à Cuba depuis la révolution de 19592.Au cours de l’année 2012, l’Église a célébré le jubilé des 400 ans de la découverte de la statue de la Virgen de la Caridad del Cobre, patronne de Cuba. L’Église de Cuba a organisé à partir du 8 août 2009 un pèlerinage national au cours duquel la statue de Notre-Dame de Cobre a traversé tout le pays. Les Cubains, même non catholiques, ont conservé une forte dévotion à l’égard de leur Sainte Patronne. Des millions de personnes sont descendues dans les rues, les ruelles et sur les places, pour prier la Vierge. Le pèlerinage national s’est achevé le 30 décembre 2011 à la Havane, par une célébration publique solennelle3.En raison de l’année du jubilé, le Conseil d’État de Cuba a décidé le 23 décembre 2011 une remise de peine générale qui, conformément à la déclaration faite par le Président Raúl Castro, devrait intéresser 2900 prisonniers4.La visite du Pape Benoît XVI, du 26 au 28 mars 2012, qui a bénéficié d’une immense participation populaire et de la présence des plus hautes autorités de l’État lors de tous les actes importants, contribuera sans doute à laisser plus d’espace à l’exercice de la liberté religieuse dans le pays.

Autres confessions religieuses

La plupart des autres groupes religieux ont reçu un plus grand nombre de permis en vue de l’évangélisation, de l’accomplissement d’activités religieuses et de services de bienfaisance. Les groupes religieux ont également fait savoir qu’il était devenu plus facile d’obtenir un permis du gouvernement pour réparer et entretenir les lieux de culte et autres édifices, tandis que l’obtention de permis de construire de nouveaux bâtiments restait toujours très difficile.

1 www.nacion.com/2011-02-19/Mundo/UltimaHora/Mundo2690358.aspx www.andina.com.pe/Espanol/Noticia.aspx ?Id=Gu8lzi0S2/c=2 Zenit.org, 4/11/20103 www.zenit.org/article-41214?l=spanish4 www.zenit.org/article-41186?l=spanish

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ÉGypte

Le 11 février 2011, un mois après le déclenchement de la révolution populaire, le Président Hosni Moubarak a renoncé au pouvoir, entraînant dans sa chute le gouvernement, qui a été immédiatement remplacé par un cabinet de transition formé des hauts gradés de l’armée égyptienne, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), chargé d’assurer la gestion du pays dans l’attente de la mise en place de nouvelles institutions.Des élections législatives libres ont eu lieu. Elles se sont déroulées du 28 no-vembre 2011 au 11 janvier 2012 pour le renouvellement de l’Assemblée du peuple (Chambre basse), et du 29 janvier au 22 février 2012 pour le renouvellement de la Choura (Sénat ou chambre haute). Les urnes ont donné une large majorité aux partis islamistes, notamment aux frères musulmans et aux salafistes qui, ensemble, ont obtenu 369 sièges sur 508 à l’Assemblée et 150 sur 176 au Sénat. Seuls 4 chrétiens ont été élus à l’Assemblée. Toutefois, les chrétiens sont au total 9 à l’Assemblée en raison d’une pratique très ancienne selon laquelle le pouvoir exécutif a le droit d’y nommer dix membres. C’est ainsi que le CSFA a nommé 5 chrétiens coptes et 5 musulmans1.Il est probable que le Président de la République, Mohamed Morsi, élu en juin 2012, devra tenir compte de ce nouveau paysage politique. Jusqu’à présent, une Assemblée constituante de cent membres a été chargée d’élaborer une nouvelle Constitution pour remplacer celle qui est en vigueur depuis 1971. Il semble évident que, là aussi, ce texte, qui devrait être soumis à un référendum, reflètera amplement les idées sur la base desquelles les islamistes ont été élus.Le droit égyptien relatif à la liberté religieuse restera donc inchangé jusqu’aux prochaines échéances.

1 Agence Fides 7/12/2011

SURFACE1 001 449 Km2

POPULATION79 602 000

RÉFUGIÉS95 087

DÉPLACÉS---

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Musulmans 87,1%Chrétiens 12,2% Catholiques 0,4% / Orthodoxes 11% / Protestants 0,8%

Autres 0,7%

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La situation des coptes n’a connu aucune amélioration, malgré l’espoir qu’avaient fait naître les signes d’unité nationale qui s’étaient manifestés durant les pre-mières semaines de la révolution. Selon Me Naguib Guibraïl, avocat et directeur de la Fédération égyptienne des droits de l’homme, « le Conseil militaire ne se situe pas à égale distance des parties et consulte toujours les salafistes avant de prendre une décision ». À son avis, il faudrait des lois qui affirment l’égalité de tous les citoyens, quelle que soit leur religion2. Lorsque des musulmans sont impliqués dans des agressions antichrétiennes, ils continuent d’être traités avec clémence par la justice. Par exemple, le 20 février 2011, la Cour d’appel de l’État égyptien a acquitté deux des trois personnes sus-pectées du massacre de fidèles chrétiens qui sortaient de l’église après la messe du Noël copte, le 6 janvier 2010, à Nag-Hammadi (province de Qena, Haute-Égypte), une attaque qui avait fait six victimes parmi les coptes. Le troisième suspect a été condamné à mort le 16 janvier, parce qu’il avait tué un passant, musulman comme lui, et non parce qu’il avait participé à l’agression contre les coptes. Cette injustice a été dénoncée par Mgr Cyrille, évêque orthodoxe copte local : « La Cour a prononcé une sentence de mort parce qu’un musulman a été tué, et le système judiciaire égyptien passe en pertes et profits le sang des six coptes assassinés qui n’ont aucune valeur pour la société. Ce verdict attriste les chrétiens du monde entier, car il montre à quoi conduit l’application de la charia islamique par l’État ». Selon George Sobhi, avocat des demandeurs coptes, « tout le monde pensait qu’après la révolution, les choses changeraient, mais (...) ce verdict prouve seulement que les récents discours sur l’égalité, la justice et la liberté pour toutes les religions n’étaient que des paroles vides »3.Il faut aussi signaler que dans les cas d’agression commise par des musulmans contre des coptes, une procédure de justice traditionnelle appelée « session de réconciliation », qui rassemble des représentants des deux parties, est chargée de régler le conflit. Cependant, l’issue est toujours au détriment des plus fai-bles, dans le cas présent, des coptes, auxquels sont imposées des décisions injustes. Les députés chrétiens ont l’intention de demander l’annulation de ces pratiques.

Toutefois, il faut tenir compte des progrès accomplis dans le domaine judiciaire. En juillet 2011, la Cour suprême a rendu un décret permettant aux convertis de l’islam au christianisme de demander l’inscription de leur nouvelle religion sur leur carte d’identité ; jusqu’alors, ils étaient qualifiés d’« ex-musulmans ».Après la chute du régime de Moubarak, les coptes ont subi de nouvelles violen-ces de nature confessionnelle, faisant suite à une année 2010 déjà marquée par une série de manifestations d’hostilité envers les chrétiens.

2 El-Ahram hebdo, Le Caire, 5-11 octobre 20113 Agence AINA, 20 février 2011

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Le 16 novembre 2010, des musulmans ont mis le feu à des maisons appartenant à la famille d’un copte d’un village situé à 450 kilomètres au sud du Caire, en réaction à certaines rumeurs sur son mariage avec une musulmane4.

Le 24 novembre, le gouverneur de Gizeh a envoyé des ouvriers détruire le dôme d’une église en construction dans le quartier de Omraneya. Les autorités coptes étaient en possession d’un permis de construire. Les manifestations de chrétiens qui ont suivi ont été réprimées aussi bien par la police que par les musulmans, faisant deux morts parmi les coptes.

Au cours de la nuit du 31 décembre 2010 au 1er janvier 2011, une bombe a explosé devant l’église orthodoxe copte des Deux Saints à Alexandrie, où une messe venait d’être célébrée. Bilan : 23 morts5.

Les agressions contre les coptes ont atteint des proportions sans précédent en 2011 puis 2012.

Entre le 15 et le 23 février 2011, les forces armées égyptiennes ont attaqué trois monastères coptes. A Saint Bichoï, dans le Wadi Natroun, les attaquants ont blessé deux moines et de nombreux travailleurs. L’armée a ensuite détruit les murs que les moines avaient construits pour se protéger. À Saint Paul, près de la Mer Rouge, des soldats ont attaqué trois moines et ont démoli l’enceinte qui protégeait le portail du monastère6.

Le 23 février 2011, un prêtre copte orthodoxe, le Père Daoud Boutros, a été égorgé à son domicile dans le village de Shotb, près d’Assiout (Haute-Egypte) : il avait été accusé de « prosélytisme » sur un site islamique7.

Le 9 mars 2011, dans les quartiers de Moqattam et Qalaa, au Caire, des pogroms antichrétiens organisés par 15 000 musulmans armés venus des quartiers voisins ont entraîné la mort de 13 chrétiens et blessé 120. Huit maisons, vingt usines de recyclage des déchets et 30 camions de collecte des ordures, propriétés de coptes, ont été incendiés. Au cours de ces incidents, les forces de l’ordre, présentes à l’entrée des quartiers attaqués, non seulement n’ont rien fait pour protéger les chrétiens, mais leur ont même tiré dessus avec des balles réelles8.

4 Agence Fides 17/11/20105 Agence Fides 03/01/20116 Compass direct news, 28/02/20117 Associated Press, 24/02/20118 Agence Fides, 09/03/2011

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Le 14 avril et les dix jours qui ont suivi, des groupes islamistes ont manifesté devant le siège du gouvernorat de Qena (Haute-Égypte), bloquant même le chemin de fer qui relie le Caire au sud du pays, en signe de protestation contre la nomination d’un gouverneur copte, Emad Mikhaël, le seul dans tout le pays. Pour calmer les manifestants, un émissaire du premier ministre a annoncé que le nouveau gouverneur était suspendu de ses fonctions.

Les 7 et 8 mai, des musulmans armés ont pris d’assaut les secteurs chrétiens du quartier d’Imbaba (au Caire) et ont incendié les églises de Saint Ménas et de la Vierge Marie, saccageant les maisons et les magasins qui appartenaient à des chrétiens. Ces derniers se sont défendus, ce qui a conduit à des affrontements qui ont fait 15 morts et 262 blessés. Cette agression aurait été motivée par le fait qu’une chrétienne, mariée à un musulman, aurait abandonné son domicile et aurait trouvé refuge dans l’église de Saint Ménas9.

Début septembre, quelques musulmans ont attaqué le village d’Elmarinab, près de Edfou (province d’Assouan, Haute Égypte), dont l’église paroissiale, dédiée à Saint-Georges, était en cours de restauration, avec un permis régulier émis par le gouverneur. Les assaillants ont imposé l’interruption des travaux à la population, majoritairement chrétienne, en affirmant que le bâtiment n’était rien de plus qu’un centre d’accueil. Ils ont exigé que soit retiré tout ce qui pourrait l’identifier comme un lieu de culte chrétien, des crucifix aux cloches, en passant par le dôme, et ont menacé de la détruire complètement si les coptes n’obéissaient pas10.

En signe de protestation contre ces agressions, mais aussi contre la passivité des forces de police, les coptes ont organisé au début du mois d’octobre 2011 une manifestation pacifique devant le palais de la télévision nationale, sur la place Maspero, au Caire. Ils demandaient également la libération d’un jeune copte, Michael Nabil, emprisonné pour avoir critiqué l’armée sur son blog. Le 16 octobre, cette manifestation a d’abord été perturbée par des groupes d’hommes qui scandaient des slogans religieux musulmans, puis réprimée par les blindés de l’armée (24 morts, 212 blessés), actes qui ont été imputés par le CSFA à une « main étrangère »11.

Le début de l’année 2012 a également été marqué par une série d’agressions antichrétiennes.

9 Compass direct news, 09/05/2011 10 Compass direct news, 30/09/2011 11 AsiaNews, 10/10/2011

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Le 19 janvier, une foule de musulmans salafistes a attaqué les coptes de Kebly-Rahmaniya, près de Nag Hammadi, brûlant des maisons et des boutiques.Le 26 janvier, deux coptes, Mouwad Assaad et son fils Assad Mouwad Assaad, ont été tués à coups de fusils devant leur exploitation commerciale à Bahgoura, près de Nag Hammadi12.Le 27 janvier, dans le village de Sharbat, près d’Alexandrie, à la suite d’une rumeur évoquant une histoire d’amour entre un jeune copte, Mourad Girgis, et une jeune musulmane, des centaines de musulmans armés et enragés se sont dirigés vers la maison du « coupable ». Une fois arrivés, ils ont pillé les magasins gérés par le copte et sa famille, puis ont attaqué des maisons habitées par d’autres coptes. Le 2 février, un « Comité de réconciliation » (Cour traditionnelle), auquel ont participé le gouverneur d’Alexandrie et différents chefs musulmans, a ordonné l’expulsion de huit familles coptes liées à Mourad Girgis. Pour le copte Ishak Ibrahim, habitant de Sharbat, il s’agit là d’une mesure particulièrement injuste : « Il est honteux que les fonctionnaires offrent une façade de légalité à ces crimes, sous la forme d’une réconciliation qui punit les victimes et libère les criminels. Le Député libéral Emad Gad a demandé que l’affaire soit débattue au Parlement, mais il s’est heurté au refus du Président, Saad Katnani, membre des Frères musulmans. Cependant, voyant l’ampleur donnée à l’affaire par la presse internationale, les députés égyptiens ont annulé la sentence d’expulsion, alors que le gouvernement s’engageait à indemniser les victimes »13.

12 AsiaNews, 21/01/2012 ; 27/01/201213 La Croix, 16/02/2012

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En 2011, l’Inde a encore enregistré des épisodes de violence ayant un fondement religieux, bien que la Constitution garantisse une entière liberté de culte à tous les citoyens. Les communautés chrétienne et musulmane sont les plus vulnéra-bles, surtout lorsque les violences liées à la caste d’appartenance viennent se greffer à celles ayant un fondement religieux.Bien que depuis 2008 – année du pogrom antichrétien dans l’Orissa – il n’y ait pas eu de violences sur une large échelle contre des minorités religieuses, le gouvernement indien n’a pas beaucoup avancé en matière de protection et de promotion de la liberté religieuse, et le bilan de l’année dernière est de toute façon dramatique. Rien qu’en 2011, d’après des données récoltées par le Global Council of Indian Christians (GCIC), la minorité chrétienne a été victime de 170 attaques plus ou moins graves de la part de nationalistes hindous. Le Karnataka est la région dans laquelle on enregistre le plus d’attaques, avec 45 incidents. Il est suivi de l’Orissa (25 cas), du Madhya Pradesh (15 cas), du Kerala (10 cas), du Tamil Nadu, du Chhattisgarh, de l’Uttar Pradesh, de l’Andhra Pradesh et du Maharashtra avec 6 cas chacun. A cela s’ajoutent les épisodes isolés et les agressions non enregistrées. Les attaques sont systématiques et de tous types : homicides, mutilations, blessures aux yeux et aux oreilles, souvent avec des dommages permanents ; églises, bibles, crucifix et autres objets religieux détruits, désacralisés ou brûlés ; automobiles, motocyclettes et bicyclettes détruites ; expropriations de maisons et terrains ; tombes profanées. Sajan George, président du GCIC, précise à AsiaNews : « Les agressions ont toutes un fondement religieux et ne respectent même pas les préceptes philosophiques du Bhagavad Gita (texte sacré de l’hindouisme, ndr), qui enseigne à tous les Indiens l’amour et le respect des fidèles de toutes les religions ».

SURFACE3 287 263 Km2

POPULATION1 210 193 422

RÉFUGIÉS185 118

DÉPLACÉS506 000

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Hindous 73,1%Musulmans 13,7Chrétiens 4,7% Catholiques 1,8% / Orthodoxes 0,4% /

Protestants 2,5%

Animistes 4,1%Autres 4,4%

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Les auteurs de tels incidents sont des groupes qui font partie du mouvement nationaliste hindou Sangh Parivar, tels que le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), le Vishwa Hindu Parishad (VHP) ou le Bajrang Dal. Dans la plupart des cas, ces militants justifient leurs attaques par des accusations infondées de prosélytisme et de conversions forcées. Au sein de la communauté chrétienne, les plus frappés sont les membres des Églises protestantes, en particulier les pentecôtistes. Le Bharatiya Janata Party (BJP), parti de la droite nationaliste hindou qui dirige la principale coalition d’opposition, soutient de telles forma-tions.

La lenteur (ou l’absence totale) de la justice pour les victimes des violences en Orissa (2007-2008) et des attaques contre des églises et lieux de culte dans le Karnataka (2008) posent un problème encore plus grave. D’après différentes personnalités chrétiennes, cette situation de « stagnation » juridique a contribué à créer un véritable climat d’impunité, qui encourage les militants ultranationa-listes à tourmenter la communauté chrétienne.

Un rapport de l’organisme australien Institute of Economics and Peace (IEP) place l’Inde parmi les pays les « moins pacifiques » au monde. Sur 153 États examinés dans le Global Peace Index 2011, New Delhi est à la 135e place. Le Père jésuite Felix Raj sj, directeur du collège St. Xavier à Calcutta, désigne l’éducation et la jeunesse comme des solutions à la violence à fondement re-ligieux en Inde : démolition d’églises et de mosquées ; viols de femmes et de religieuses chrétiennes ; assassinats de prêtres et de pasteurs ; reconversions de dalits [intouchables] et de chrétiens issus de minorités tribales. Le Père Jacob Kani, directeur de l’Indian Currents Weekly, ajoute : « Le pays a besoin d’une profonde révision des lois et de leur mécanisme d’application. Le dialogue, et non l’affrontement, doit être le mantra du gouvernement dans ses relations avec tous les niveaux de la société indienne ».

Situation législative

L’Inde est un État laïc et l’article 25 de la Constitution garantit la liberté religieuse comme un droit fondamental, ce qui comprend le droit de pratiquer une religion, la répandre et en changer. Cependant, il existe au niveau local de prétendues lois « anti-conversion » : sur le papier, il s’agit de règles qui inter-disent les conversions ayant lieu « par la force, la coercition ou la fraude ». De facto, elles frappent principalement la communauté chrétienne. Six États sur 28 prévoient une loi contre les conversions : l’Arunachal Pradesh, le Madhya Pradesh, le Chhattisgarh, l’Himachal Pradesh (BJP), le Gujarat et le Rajasthan (Congress). Les experts en droit ainsi que les activistes des droits de l’homme

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considèrent que ces lois sont ambiguës et inutiles, puisque l’article 295A du Code pénal indien sanctionne déjà de graves sanctions ceux qui commettent des « actes délibérés et malveillants, destinés à offenser les sentiments reli-gieux ou une quelconque classe sociale, en insultant sa foi ou ses croyances religieuses ».

Pour l’instant, la Communal Violence Bill (CVB), la loi sur la violence interre-ligieuse voulue par le National Advisory Council (NAC) de Sonia Gandhi, n’a toujours pas avancé. En septembre 2011, le Parlement a bloqué son appro-bation pour la énième fois. On compte parmi ses opposants – en plus du BJP – le All India Trinamool Congress, allié des Gandhi. L’actuel projet de loi confère au gouvernement central le pouvoir d’intervenir directement en cas de violence interreligieuse, y compris en « passant par-dessus » les autorités de l’État. Le Père Cedric Prakash, directeur du centre jésuite Prashant pour les droits de l’homme, la justice et la paix, illustre une des questions les plus controversées, celle de la définition de la « minorité » : « Elle comprend uniquement les minorités religieuses, tribales et de caste du pays. On exclut ainsi la majorité hindoue, soit 80% de la population totale. Mais qu’arriverait-il dans des États comme le Jammu-et-Cachemire où les hindous ne sont que 29 %, contre 66,9 % de musulmans ? ». L’idée d’une loi traitant des attaques à fondement confessionnel est née en 2003, après la mort de plus de deux mille musulmans dans le massacre du Gujarat.

Discriminations et violences socio-religieuses

Selon l’art. 3 de la Constitution sur les Scheduled Castes (SC ou « castes réper-toriées ») de 1950, seuls les dalits hindous jouissent de droits et avantages de type économique, éducatif et social (y compris celui de représentation politique). Par la suite, en 1956 et en 1990, ce statut fut aussi étendu aux bouddhistes et aux sikhs. Au contraire, les dalits convertis au christianisme ou à l’Islam ne peuvent pas jouir des droits prévus pour les SC. Pour éviter la marginalisa-tion, il y a beaucoup de cas de dalits qui se convertissent au bouddhisme ou à l’hindouisme. C’est arrivé le 24 mai 2011 dans le Karnataka. Au cours du Dhamma Dheekshe, une des célébrations pour le Vesakh (2 600e anniversaire de l’illumination du Buddha), au moins deux mille dalits se sont convertis au bouddhisme.La grève de la faim effectuée du 25 au 27 Juillet 2011 par la Conférence épis-copale indienne (CBCI), le National Council of Churches (NCCI), le National Coordination Committee for Dalit Christians (NCCDC) et le National Council of Dalit Christians (NCDC) pour demander au gouvernement d’étendre le statut de caste répertoriée (SC) aux dalits chrétiens et musulmans a été inutile. Le jeûne

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a culminé par une marche de plus de 10 000 personnes à travers les rues de New Delhi.Il est toutefois positif que le 29 avril 2011, la ville de Bangalore, dans l’État du Karnataka, ait élu comme 45e maire, Sharadamma, une femme dalit âgée de 45 ans. Elle est la première intouchable à devenir maire.

Violences antichrétiennes : fausses accusations de prosélytisme et de conversions forcées

De la même manière que l’on retiendra 2008 comme l’année des pogroms dans l’Orissa et des attaques d’églises dans le Karnataka, on se souviendra de 2011 pour les nombreux incidents fondés sur des accusations de prosélytisme et de conversions forcées. Dans la plupart des cas, ce sont des militants de groupes tels que le VHP, le RSS et le Bajrang Dal qui ont perpétré ces violences, avec la connivence plus ou moins explicite des autorités. C’est ce qu’a confirmé à AsiaNews Sajan K George, président du GCIC : « Lors des procès, le nombre élevé d’acquittements des personnes accusées des violences antichrétiennes de 2008 et le faible nombre de condamnations ont encouragé les militants de la droite nationaliste hindoue. Ils sentent qu’ils jouissent d’une totale impunité de la part des forces de l’ordre, c’est pourquoi ils menacent et intimident la minorité chrétienne ».

Le 2 janvier 2011, un groupe d’ultranationalistes hindous du Bajrang Dal a tenté de tuer le Pasteur Isaac Samuel, coordonnateur du Global Council of Indian Christians (GCIC) de Davangere (Karnataka). Les militants ont rejoint l’homme pendant un service religieux, et l’ont frappé avec une hache sous les yeux de sa femme et de ses deux enfants. Par miracle, Samuel est vivant : la lame a manqué sa tête et glissé vers son cou, heurtant son épaule et causant ainsi une blessure profonde. Deux jours plus tard, alors qu’il était encore à l’hôpital, la police locale a arrêté Samuel : Basraj, membre du Bajrang Dal, avait dénoncé le pasteur sur la base de l’art. 153 du Code pénal indien. L’accusation est « de promouvoir l’inimitié entre différents groupes sur une base religieuse ».

Le Vendredi saint a été « noir » pour le Karnataka : des nationalistes hindous du Sangh Parivar ont attaqué les communautés protestantes des districts de Bagalkot et de Davangere. Dans le premier cas, 50 militants armés de bâtons ont interrompu la célébration de la communauté pentecôtiste locale. Puis ils ont attaqué et insulté les deux pasteurs, Ashok Motilal et Gurappa Powar, en les accusant de pratiquer des conversions forcées en échange de rémunérations. Les radicaux hindous n’ont quitté l’édifice qu’après plusieurs heures, en aban-donnant, blessé, le premier des pasteurs. Comme le dénonce Sajan George,

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« tout s’est produit dans l’indifférence totale des autorités, qui ont même rejeté la plainte formellement présentée par la communauté ». À Davangere, des ac-tivistes hindous ont attaqué la communauté protestante de la Bethel Church. Devant 30 fidèles, ils ont frappé le Pasteur Umesh Nayak, ont détruit des bibles et des livres de prières. Après l’assaut, les radicaux hindous ont séquestré les chrétiens dans l’église pendant six heures. La police n’est intervenue que grâce aux pressions du GCIC.

Le 28 juin 2011, dans le district de Hubli (Karnataka), la police a arrêté deux pasteurs pentecôtistes, accusés de conversions forcées par dix membres du Bajrang Dal. Les agents ont enregistré les plaintes sur la base des articles 295A (offense aux sentiments religieux), 447 (violation de la propriété privée) et 341 (coercition illicite) du Code pénal indien. Les militants hindous ont tendu un guet-apens au Pasteur M. Sandeep et au Frère Isaac, au retour d’un office. Après les avoir interrogés et avoir perquisitionné à la recherche d’objets et de textes chrétiens, ils les ont frappés et insultés. Puis les agresseurs ont appelé la police qui a emmené les deux religieux. Selon quelques témoins, les agents les auraient gardés enfermés sans nourriture jusqu’au soir, pour ensuite valider l’arrestation et les accusations.Une autre « honte », comme l’a définie le président du GCIC, a eu lieu dans l’Andhra Pradesh, le 3 juillet 2011. GN Paul, pasteur de l’Église baptiste indépen-dante du village de Munugodu (district de Nalgonda), rentrait à la maison après le service liturgique auquel avaient participé une vingtaine de familles, lorsque quatre radicaux hindous l’ont bloqué et poignardé, le blessant gravement à l’abdomen et à la tête. Grâce à l’intervention opportune de quelques témoins, une ambulance a secouru le révérend Paul qui a été sauvé. Néanmoins, des nationalistes hindous l’avaient déjà menacé à trois reprises avant l’agression, lui ordonnant d’arrêter toute activité d’évangélisation. Personne n’a été arrêté pour l’attaque.Le 20 Juillet, Michael Nayak, pasteur protestant de Balliguda (État de l’Orissa) a disparu. Une semaine plus tard, le 28, son corps a été retrouvé en état de décomposition près du village de Mdikia. L’autopsie parle de mort accidentelle et la police a clos l’affaire sans effectuer d’enquête plus approfondie. Une équipe d’avocats du GCIC est cependant parvenue à des conclusions bien différentes. Michael avait en effet témoigné au tribunal dans un cas de violence survenu pen-dant le pogrom antichrétiens en 2008. L’accusé, un hindou, avait été condamné et avait purgé sa peine. Une fois sorti de prison, il avait noué une relation d’amitié avec le pasteur chrétien, puis au matin du 20 juillet, l’hindou lui avait proposé une excursion en bicyclette jusqu’à Bataguda. Une fois dans la forêt, le « faux ami » poignarda à mort Michael. Dans un premier temps, la pétition du GCIC à la Cour de Balliguda n’a pas réussi à faire transférer l’affaire ni à rouvrir

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l’enquête. Bien que le rapport ait prouvé la totale absence d’écorchure ou de bleu, à l’exception d’une blessure profonde derrière la nuque, les autorités ont tenté de classer l’affaire en tant qu’accident. Cependant, une fois parvenue devant la Cour, la version de la police a été démentie et une nouvelle enquête a été ordonnée.Le mois d’août 2011 s’est achevé par une énième agression contre un pasteur de l’Église pentecôtiste. Dans le district de Thurivarur (État du Tamil Nadu), quelques activistes locaux du Sangh Parivar ont assailli et détruit la Bethel Prayer House et ont frappé le Pasteur Williams Ramados et sa femme. Puis ils ont traîné le couple, ainsi que quelques fidèles, au poste de police local où des agents ont enregistré les plaintes des radicaux hindous, fondées sur différentes sections du Code pénal. Les chrétiens ont passé six jours en prison, avant d’être libérés sous caution, uniquement grâce à l’intervention du Global Council of Indian Christians (GCIC). Comme le raconte Sajan George à AsiaNews, le jour de l’agression « les autorités gouvernementales avaient visité l’église, mesuré sa superficie et déclaré que tout était en règle et appartenait au pasteur. Les activistes ont refusé la décision des autorités et ont attaqué la communauté ».

Septembre 2011 a été un mois difficile pour certaines communautés chrétiennes du Madhya Pradesh et du Karnataka. Le 12 septembre, dans le Madhya Pradesh, cinq activistes hindous du Rashtriya Swayamseval Sangh (RSS) ont insulté, frappé et accusé à tort de conversions forcées quatre pasteurs pentecôtistes, la femme de l’un d’eux et 11 hindous qui devaient bientôt recevoir le baptême. Les militants hindous, armés de bâtons et accompagnés de trois agents de la police locale, ont fait irruption dans la maison où ils priaient. Après l’assaut, les agents ont cherché à convaincre les fidèles d’effectuer des dénonciations mensongères contre l’un des pasteurs. Le groupe s’y est refusé, en déclarant vouloir le baptême et croire au Christ. Le 16 septembre, des dizaines d’ultrana-tionalistes hindous ont attaqué deux communautés chrétiennes dans les districts de Hassam et de Belgaum (État du Karnataka). Dans les deux cas, la police a arrêté les deux pasteurs sur la base d’activités présumées de prosélytisme et de conversions forcées.

Les 12 et 13 novembre 2011, des activistes du Bajrang Dal ont attaqué les mem-bres de deux différentes communautés chrétiennes, la Immanuel Prarthanalaya Church d’Arkalgud et la Bethel Ministry Church, toutes les deux dans le district de Hassan (Karnataka). Dans le premier cas, les hindous ont interrompu le ser-vice de prière, mis en pièces les bibles et appelé la police. Dans le second cas, ils ont attaqué un groupe de six chrétiens qui attendaient à l’arrêt de l’autobus : après les avoir insultés et frappés, les activistes ont traîné les hommes au poste de police de Harehally, où les agents ont émis un mandat d’arrêt contre les six

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chrétiens. Lors des deux incidents, l’accusation était de conversions forcées.Au cours des deux premières semaines de décembre, les États du Karnataka, du Madhya Pradesh et de l’Andhra Pradesh ont enregistré de nouveaux épisodes de violence à fondement religieux. Le 9 décembre, dans le village de Jhabua’s Jhaida (État de l’Andhra Pradesh), le pasteur Ramesh Vasunia de l’Église in-dépendante Faith Calvary Church avait organisé une journée de prière et de jeûne pour femmes. Pendant le service, des dizaines d’activistes du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) et du Vishwa Hindu Parishad (VHP) ont entouré la maison et commencé à lancer des pierres contre les personnes présentes. Puis ils ont mis le feu à trois bibles, déchiré tous les textes religieux chrétiens, mis en pièces une image de Jésus et détruit une croix de bois. Certains d’entre eux ont physiquement attaqué une femme âgée, en lui volant les objets en or qu’elle avait avec elle. Le même soir, le pasteur a été de nouveau frappé et accusé de pratiquer des conversions forcées. Le 11 décembre, des hommes au visage masqué ont interrompu le service de prière de la New Fellowship Gospel Church (Andhra Pradesh) et ont commencé à lancer des pierres sur le pasteur Bangaraiah. En voyant que l’homme perdait beaucoup de sang d’une blessure à la tête, les fidèles sont parvenus à donner l’alarme, tandis que les agresseurs fuyaient sans être inquiétés. Le révérend Bangaraiah a été transporté à l’hôpital public où il a reçu 14 points de suture au visage et à la tête. L’agression a eu lieu dans la totale indifférence des autorités, bien que le poste de police de Nalgonda se situe à quelques pas de l’église. Le jour suivant, dans le district de Mangalore (Karnataka), un groupe d’inconnus a lancé des pierres contre la grotte de Saint Antoine de Padoue, brisant la vitre de protection et endommageant la statue du Saint. La grotte se trouve en face de l’église St. Vincent Ferrier.

L’année 2011 s’est terminée par quatre attaques de radicaux hindous, qui ont toutes eu lieu dans le Karnataka entre le 25 et le 28 décembre. Le soir de Noël, environ 20 activistes d’un groupe local, le Jagaran Vedike, ont attaqué une famille pendant leur dîner. Les hindous ont agressé des hommes, des femmes et des enfants avec des pierres et des bâtons, en les blessant gravement et en les menaçant de mort. Bon nombre de ces derniers ont ensuite été hospitalisés pour fractures des membres et du nez. La femme du pasteur présentait une grave blessure à la poitrine. Les activistes ont fui immédiatement après les violences, tandis que la police rédigeait un rapport, cependant sans entamer d’enquête sur les agresseurs. Le 28 décembre, trois différents incidents se sont produits. À Maripalla (district de Mangalore), des extrémistes hindous ont mis le feu à la crè-che du village. Les chrétiens ont immédiatement dénoncé l’incendie à la police de Bantwal qui a arrêté deux radicaux hindous. Les hommes se sont défendus en soutenant que pendant les célébrations de Noël, les chrétiens pratiquaient

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des conversions forcées. À Mulky (Mangalore), environ 20 extrémistes hindous au visage masqué ont interrompu le service de prière de l’Église pentecôtiste Church of God in Hebron. Armés de pierres et de bâtons, les agresseurs ont brisé des fenêtres, détruit des salles et des véhicules garés en-dehors de l’édifice. Le pasteur I.D. Sanna était à la maison avec sa femme Sarah, ses enfants Prerna et Abhishek et cinq autres personnes ; ils n’ont pas été blessés. Dans le district de Davangere, quelques activistes du Srirama Sene (mouvement local de natio-nalistes hindous) sont entrés dans la maison d’un fidèle de l’Église pentecôtiste Divyadarsana Ministry. Ils y ont malmené le pasteur Raju Doddamani et les personnes présentes, en les accusant de pratiquer des conversions forcées. Puis les agresseurs ont appelé la police de Vidyanagar qui a emmené les chrétiens pour les interroger. Le plus grave, comme le note le président du GCIC, est « la violation de leur dignité d’êtres humains, par l’invasion de l’intimité de leurs maisons, l’attaque des femmes et des enfants, la profanation du caractère sacré de la famille, au moyen de violences physiques et verbales. »

Écoles et institutions chrétiennes : « trop bonnes »

La violence et la persécution de la part des militants de la droite ultranationaliste hindoue s’expriment aussi à travers des attaques d’écoles et d’établissement gérés par l’Église catholique. En Inde, il y a plus de 20 000 établissements scolaires catholiques, dont 66 % en zone rurale, fréquentés par plus de six millions d’élèves. Seuls 23 % des inscrits sont catholiques, les autres sont des garçons et des filles de toutes les castes et confessions religieuses, sans discri-mination. Parmi ces élèves, il y a 55 % de filles qui, dans de nombreux cas, sont destinées à ne même pas terminer l’école primaire. Les agresseurs – souvent membres de mouvements de jeunes extrémistes – dénoncent des tentatives de prosélytisme pendant les cours. En réalité, ces incidents masquent souvent des questions personnelles (refus d’inscriptions, etc.). Dans certains États dirigés par le BJP, on note aussi des tentatives d’introduire dans les programmes scolaires la Bhagavad Gita, le livre sacré des hindous. C’est le cas dans le Karnataka, où à la fin du mois de juillet, Vishveshwar Kaggeri, ministre de l’éducation, a même menacé les minorités en disant : « Qui s’oppose à l’enseignement de la Bhagavad Gita doit quitter notre pays ». Quelques mois plus tard, le 18 novembre, Shivraj Singh Chouhan (BJP), ministre en chef du Madhya Pradesh a déclaré son intention d’introduire l’étude de la Bhagavad Gita dans toutes les écoles de l’État. Il avait déjà lancé la même proposition en 2010.

Entre juin et juillet 2011, quatre écoles catholiques du Madhya Pradesh ont reçu des menaces des nationalistes hindous du Sangh Parivar et ont dû demander la protection des autorités pour plusieurs semaines. Les premières écoles frappées

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étaient la Carmel Convent School (district de Bhel), la Carmel Convent Senior Secondary School (district de Ratanpur) et la Campion School Bairagarh (district de Bhopal). Le calvaire de l’école St. Jude, à Khargone (district de Khandwa), a commencé le 2 juillet. Ici, quelques activistes de l’Akhil Bharatiya Vidyarthi Parishad (ABVP, mouvement de jeunesse du BJP) voulaient forcer l’école à ad-mettre un garçon en cinquième année (=CM2 en France). Le Père John Victor, directeur, avait refusé l’inscription parce que la classe était complète. Pendant plus d’une semaine, les militants ont pris pour cible l’établissement, par des menaces et des intimidations. Seule l’intervention de la police a dispersé les activistes de l’ABVP.

Menaces et attaques contre des églises et des lieux de culte chrétiens

Les agressions de communautés chrétiennes prennent aussi la forme d’attaques physiques et de menaces verbales contre des églises et des lieux de culte. Le 28 mars, le bureau communal du Brihanmumbai Municipal Corporation (BMC) a émis un ordre de démolition de 729 croix se trouvant à Bandra, un faubourg de l’ouest de Mumbai. La décision faisait partie d’un projet de restructuration urbaine qui prévoyait l’élimination des lieux de culte construits après 1964, et considérés comme « illégaux », parce qu’ils entravaient l’agrandissement des routes et l’amélioration du plan de circulation, ou parce qu’ils étaient construits sur des terrains destinés aux services publics. Les groupes catholiques locaux ont essayé de s’opposer à l’ordre de démolition : « Depuis 2003, nous pré-sentions au BMC les documents attestant de la date de construction de ces croix ». Ces tentatives furent vaines : deux jours plus tard, le 3 mars, des excavateurs abattaient quatre croix. Leurs plaques signalétiques portaient leur date de fondation : 1936. Le Ministre en chef a ensuite téléphoné au Cardinal Oswald Gracias, archevêque de Mumbai, pour s’excuser, en soutenant qu’il avait donné des instructions pour que les croix ne soient pas abattues.Dans la nuit du 15 août 2011, un groupe d’inconnus a attaqué l’église syro-malankare de Sainte Marie, à Pune (Maharashtra). Les vandales ont désacralisé l’autel, barbouillé les murs d’insultes, et détruit des images sacrées et des objets de culte. Le groupe a ensuite brûlé l’avant du tabernacle et éparpillé par terre des pages de la bible et d’autres livres de prière. Il s’agissait de la première attaque de la communauté syro-malankare de Pune, qui a toujours vécu en paix et en harmonie avec les autres communautés religieuses, en offrant des services dans le domaine éducatif et une assistance médicale et sociale. Le jour suivant, le Père Varghese Valikodath, curé de la paroisse, a célébré une messe pour purifier l’église. Quelques jours plus tard, une autre église catholique syro-malankare a fait l’objet d’attaques de la part d’extrémistes hindous. Cette fois-ci, la cible était l’église Mother Mary, à Secundrabad, dans l’Andhra Pradesh. Le 25

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août, un groupe de vandales a incendié l’autel, des bibles, crucifix, livres de chants, vêtements et parements, pour ensuite détruire les appareils électroni-ques de l’église. Suite à la plainte déposée par le curé, le Père Felix Thondalil, la police a mis en place un système de sécurité autour de l’édifice, toutefois sans identifier les agresseurs. Construite en 1996, l’église avait déjà subi une attaque semblable en 2007.En septembre, dans le Karnataka, les autorités ont fermé deux lieux de culte pentecôtistes : la Church of God Full of Gospel, dans le district de Bangalore, et la End Times Full Harvest Church, dans le district de Hassan. Dans les deux cas, l’intervention de la police est survenue à la suite de dénonciations effectuées par des groupes ultranationalistes hindous. Ces derniers accusaient les pasteurs chrétiens de ne pas avoir de permis régulier et de pratiquer des conversions forcées.Parfois les offenses deviennent de véritables provocations. Le 6 octobre, plus de 400 fanatiques hindous ont planté un drapeau de couleur safran – couleur officielle de l’hindouisme – sur les restes d’une église catholique détruite lors des pogroms antichrétiens de 2008. Le soir du 3 novembre 2011, à Kankanady, localité voisine de Mangalore (Karnataka), trois jeunes ont profané l’église catholique syro-malabare Saint Alphonse. L’un d’eux, Shibu Maniraj, 24 ans, est entré dans le lieu de culte et a détruit une statue de Jésus-Christ conservée dans la sacristie ; il a profané une bible, endommagé une étole, puis il s’est déshabillé et a mis les vêtements liturgiques avec lesquels il a quitté l’église. En 23 ans d’histoire, l’église Saint Alphonse n’avait jamais subi de dommages ni d’actes de vandalisme.

Jammu-et-Cachemire : des missionnaires chrétiens dans le viseur des fondamentalistes islamistes

L’islam radical n’est pas non plus étranger aux accusations infondées de prosé-lytisme et de conversions forcées, qui se traduisent par des abus, intimidations et violences contre la communauté chrétienne. En 2011, le révérend Chander Mani Khanna, pasteur anglican de l’Église All Saints Church (Church of North India), et le Père Jim Borst, catholique hollandais, missionnaire de Mill Hill, qui vit dans le Cachemire depuis 49 ans, ont été victimes de cette situation. Selon un tribunal islamique, le premier est coupable d’avoir baptisé sept jeunes musulmans contre de l’argent, et le second de faire du prosélytisme dans ses écoles.

Début février 2012, la Haute Cour de l’État a suspendu la procédure pénale contre le révérend Khanna qui, le 29 octobre 2011, avait été accusé par Bahir-ud-din, grand mufti de la vallée du Cachemire en personne, de procéder à des

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conversions forcées. En l’accusant d’avoir poussé sept jeunes musulmans à embrasser le christianisme contre de l’argent, le leader islamique avait convo-qué le révérend Khanna devant un tribunal de la charia le 15 novembre. La communauté chrétienne s’est dès le début opposée à cette requête, vu que dans l’État, les tribunaux de la charia n’ont aucune autorité légale sur les citoyens et ne peuvent qu’émettre des sentences de type civil et administratif sur les musulmans. Cependant, pour éviter les tensions et expliquer ce qui s’était réellement passé, le révérend Khanna s’est présenté à la rencontre. A cette occasion, le grand mufti a montré au pasteur une vidéo présente sur Youtube, dans laquelle le religieux anglican baptisait sept jeunes musulmans. Tout seul, et entouré de 20 personnes, le pasteur a expliqué pendant plus de quatre heures et réaffirmé que les baptêmes qu’il effectuait étaient valides parce qu’ils avaient lieu après un parcours de catéchèse de plus d’un an, demandé par les garçons eux-mêmes.

Le grand mufti a considéré que les explications du révérend Khanna étaient « insatisfaisantes », et la police du Jammu-et-Cachemire a arrêté le pasteur le 19 novembre. En l’absence de lois anti-conversions, les agents ont enregistré l’arrestation du révérend sur la base des articles 153A (personnes qui promeu-vent la discorde, l’inimitié ou la haine sur la base de la religion, de la race, de la résidence, de la langue ou de la caste) et 295A (personnes qui offensent les sentiments religieux d’une quelconque classe sociale, par des actes délibérés et malveillants) du Code pénal indien. Par deux fois (les 27 et 28 novembre), un bataillon d’avocats a envahi le prétoire où se discutait le cas du pasteur, ce qui a forcé le juge à reporter l’audience en vue de sa libération sous caution. En effet, le barreau du Jammu-et-Cachemire avait demandé à ses membres de ne pas assumer la défense du révérend Khanna. Un manifeste affiché en-dehors de la salle d’audience menaçait tout transgresseur de sérieuses conséquences, y compris d’être expulsé du barreau et de ne plus pouvoir exercer la profession dans l’État du Cachemire. Au moment de sa libération, qui a eu lieu dans la nuit du 1er décembre, le révérend Khanna a fait face à un groupe important de manifestants, opposés à sa libération. La police a ensuite arrêté les sept jeunes convertis de l’islam, en les menaçant et en les torturant pour les pous-ser à dénoncer le pasteur. Ils sont tous restés aux côtés du révérend Khanna, réaffirmant avoir choisi, en toute liberté, de se convertir au christianisme. Cependant, trois d’entre eux sont revenus à l’islam par la suite.Quelques jours après la libération du pasteur anglican, le tribunal islamique convoquait à nouveau le Père Jim Borst. Pour la énième fois, le missionnaire catholique hollandais était obligé de répondre d’accusations de prosélytisme et de conversions forcées. Ce missionnaire de Mill Hill, directeur de deux écoles prestigieuses, a en effet été victime de persécutions pendant des années, et a

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déjà reçu deux fois (2010 et 2011) un ordre d’expulsion de la part du gouver-nement de l’État, toujours révoqué par la suite. Certains pensent que derrière ces accusations de prosélytisme à l’encontre du Père Jim Borst se cachent en réalité l’envie et la jalousie des intellectuels islamiques. Les écoles du missionnaire – parmi lesquelles l’école Saint Joseph de Baramulla et l’école Burn Hall de Srinagar – ont un personnel à 99 % musulman et sont réputées pour la qualité de leur enseignement. Leur réputation est telle que différentes autorités islamiques y ont étudié, entre autres Omar Abdullah, actuel chef du gouvernement du Jammu-et-Cachemire, et Mirwaiz Umer Farooq, l’un des fondateurs de l’APHC (All Parties Hurriyat Conference).

Les routes du révérend Khanna et du Père Borst se sont croisées le 13 janvier 2012, lorsque le tribunal de la charia du Cachemire les a tous les deux accusés de prosélytisme et de conversions forcées au christianisme, réclamant leur expulsion. Grâce au GCIC, qui a réclamé l’acquittement du révérend Khanna et du Père Borst, la Haute Cour du Cachemire a finalement annulé au début du mois de février toutes les charges contre les missionnaires chrétiens. Une sentence qui – au moins pour l’instant – met fin à cet incident.

Sœur Valsa, assassinée par la « mafia du charbon »

Au soir du 15 novembre 2011, Sœur Valsa John, 53 ans, religieuse des Sœurs de la Charité de Jésus et Marie, qui était missionnaire au sein de la tribu des Dumka, dans l’État indien du Jharkhand dans le nord-est du pays, a été tuée à coups de pistolet. La police a résolu l’affaire en arrêtant sept personnes, proches des milieux maoïstes, qui opéraient dans les environs. Cependant, des personnalités de la communauté catholique soutiennent que l’arrestation cache une tentative de protéger les intérêts du puissant lobby du charbon, auquel la religieuse s’étaient affrontée à plusieurs reprises dans le passé. Selon les déclarations de l’inspecteur général Arun Oraon, l’homicide aurait eu lieu pour empêcher Sœur Valsa d’aider une jeune femme à porter plainte contre une tentative de viol commise par un certain Edwin Murmu. Parmi les personnes arrêtées se trouvait Ranjan Marandi, connu pour ses rapports avec les maoïstes. Les activistes pour les droits de l’homme et les amis de la religieuse ont répondu vigoureusement en disant : « il y a beaucoup de spécu-lations autour de cet homicide ». Les funérailles de Sœur Valsa ont eu lieu le 17 novembre à la cathédrale de Dumka. Son assassinat a causé beaucoup de douleur et d’émotion au sein la communauté chrétienne qui se souvient de son dévouement pour la mission et le témoignage du Christ parmi les personnes faibles et marginalisées.

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Une justice de demi-mesure

En plus des violences continuelles contre les chrétiens et leurs lieux de culte, il y a l’absence totale (ou presque) de justice pour les victimes des pogroms de 2008. Un seul cas de meurtre sur 20 a débouché sur une condamnation pour homicide. Sur les 3232 plaintes pénales déposées, seules 828 ont été suivies de véritables investigations. Après un écrémage supplémentaire, 327 cas seulement sont arrivés devant un juge, dont 169 s’achevant par un acquittement et 86 par des condamnations, mais uniquement pour des infractions mineures. 90 autres cas attendent encore d’être examinés par un tribunal. John Dayal, secrétaire général de l’All Indian Christians Council, a établi que d’après des données officielles, 1597 poursuites auraient abouti à de complets acquittements. Les mêmes gouvernements d’État mettent un frein à l’accomplissement de la justice, en continuant à nier toute implication dans les violences antichrétiennes de cette période. Le 28 janvier 2011, un rapport de la Commission de la Justice, présidée par l’ancien juge BK Somasekhar, a établi que le Bajrang Dal et son coordonna-teur Mahendra Kumar n’avaient aucune responsabilité dans les attaques contre des églises et lieux de culte dans l’État du Karnataka en 2008. En réponse à ce verdict, MF Saldanha, ancien juge de la Cour Suprême, a mené une enquête indépendante sur les attaques. Sur la base des données recueillies au cours de sa contre-enquête, Saldanha a accusé le Ministre en chef BS Yeddyurappa d’avoir soutenu les atrocités contre la communauté chrétienne. A la suite de ces accusations, le gouvernement du Karnataka a injecté dans son budget 2011-2012 l’équivalent de 7,7 millions d’euros pour la communauté chrétienne. Sur cette somme, 5,4 millions d’euros seront consacrés à des bourses d’étude, des projets de microcrédit et à la construction de salles de rassemblement pour la commu-nauté. Les 2,3 millions d’euros restants iront à la reconstruction d’au moins mille églises. C’est la première fois que le gouvernement du Karnataka alloue des fonds aux chrétiens. Cependant, la communauté voit dans cette décision une tentative de l’apaiser plus que de l’aider.En revanche, dans l’Orissa, les autorités du district de Kandhamal ont alloué 273 000 euros pour la reconstruction des maisons détruites pendant les violences antichrétiennes. L’indemnisation n’a été possible que grâce à la médiation de l’Église locale.

En mars 2011, une femme du village de Girti (dans le district de Kandhamal) a finalement pu porter plainte pour le meurtre de son mari et de leur petite fille de deux ans, qui avait eu lieu en 2008. Lors des pogroms antichrétiens, un groupe de nationalistes hindous avait attaqué les dix familles du village : pendant les affrontements, l’homme avait été torturé puis jeté dans une fosse avec sa fille. Le jour suivant, la femme, avec d’autres villageois, avait trouvé le mari et la

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petite, qui sont morts peu de temps après. À l’époque, la police n’avait pas voulu enregistrer la plainte de la veuve. Aujourd’hui, personne ne vit plus dans le village de Girti : cinq familles (y compris celle de la femme) se sont déplacées à Semingpadar et cinq autres dans un autre village.

Une nouvelle sensationnelle a cependant été rendue publique le 9 mai 2011 : la police de l’Orissa disculpait les chrétiens de l’homicide de Laxmanananda Saraswati, survenu pendant le pogrom de 2008. Après des investigations plus poussées, la section criminelle a retenu l’accusation de 14 militants maoïstes. Selon des sources proches des forces de l’ordre, l’enquête a révélé que les leaders d’extrême gauche avaient formé un « groupe pour exécuter le plan prévoyant le meurtre du leader historique du Vishwa Hindu Parishad (VJP) ». Saraswati s’était en effet distingué depuis les années 60 pour ses campagnes de haine contre les conversions de dalits et ses attaques d’églises, écoles, léproseries, hôpitaux et centres sociaux chrétiens.

Un exemple de la partialité et de l’inefficacité du système légal indien est le cas de Manoj Pradhan, député hindou du BJP, impliqué dans 38 homicides pendant les violences dans le Kandhamal. Parmi ceux-ci, la Cour n’en a pris en compte que six. Après avoir été à plusieurs reprises emprisonné et libéré au cours de l’année 2010, la Cour Suprême de l’Inde l’a de nouveau condamné, le 25 janvier 2011, à sept ans de prison pour le meurtre de Parikhita Digal, en annulant un verdict de juillet de l’année précédente. Le 9 mars suivant, Manoj Pradhan s’est spontanément présenté à la prison, tout en annonçant sa volonté de faire appel.Le 9 mai 2011, la Haute Cour de l’Orissa a accordé la liberté provisoire à deux des dix hommes accusés du viol de la religieuse catholique Meena Barwa au cours du pogrom de 2008. A l’origine, l’enquête de la Crime Branch (CB) impliquait 30 personnes, mais la police n’en a arrêté que 22, dont 17 ont réussi à obtenir la liberté sous caution année après année. Pour Mgr John Barwa, archevêque de Cuttack-Bhubaneshwar, de tels verdicts sont « des défaites du système judiciaire déjà lent, qui martyrise encore plus les personnes qui souffrent. Le scénario semble décourageant et le pessimisme conduit à un avenir de plus en plus sombre. Les blessures sont encore profondes, les cicatrices encore présentes et la guérison ne sera complète que lorsque justice aura été faite ».Le 18 mai, un tribunal de l’Orissa condamnait 13 personnes à cinq ans de prison pour leur implication dans les violences de 2008 dans le Kandhamal. Plus préci-sément, les personnes accusées avaient participé aux troubles en incendiant les maisons du village de Sartaguda.A d’autres occasions, en revanche, il n’y a plus qu’une parodie de justice. C’est le cas d’une sentence prononcée en juillet contre neuf personnes dans le district

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de Kandhamal. Le tribunal les a reconnues coupables d’incendies criminels, assassinats, émeutes et assemblées illégales. Mais pour ces crimes, il ne les a condamnées qu’à des travaux d’intérêt collectif et à une amende de 11 000 roupies (environ 170 euros) chacune.

Cependant, il y a aussi un problème de justice et d’équité dans les cas individuels d’agressions antichrétiennes. Dans la plupart des cas, la police se rend complice de la violence des nationalistes hindous, soit en ne les arrêtant pas, soit pire encore, en arrêtant les victimes innocentes. Selon Sajan George, président du Global Council of Indian Christians (GCIC), « le nombre élevé d’acquittements liés aux violences antichrétiennes de 2008 a contribué à alimenter ce climat d’impunité. Les extrémistes se sentent encouragés, surtout dans ces États dans lesquels ils jouissent de la protection politique du BJP ».

Violence dans le Gujarat : vers une solution

Si le système judiciaire a déçu en 2011, en ce qui concerne les violences antichrétiennes de l’Orissa et du Karnataka, on ne peut pas en dire autant pour les massacres du Gujarat qui ont impliqué en 2002 les communautés hindoue et musulmane. Un tribunal spécial a condamné à mort 11 des 31 musulmans responsables de l’incendie du train survenu à Godhra, dans le Gujarat, le 27 février 2002. Les 20 autres responsables ont été condamnés à la prison à vie. Le 9 novembre 2011, un tribunal spécial de l’État a définitivement condamné à perpétuité 31 des 73 accusés des violences de Sardapura, au cours desquelles 33 musulmans (dont 22 femmes) étaient morts dans un incendie volontaire. Résultat des investigations menées par la Special Investigation Team (SIT), créée par la Cour Suprême Indienne, ce verdict est le premier pour les émeutes survenues après l’incident de Godhra. Les accusés ont été convaincus d’ho-micide, tentative d’homicide, incendie volontaire, émeutes et complots. Sur les 42 acquittés, 11 ont été libérés pour manque de preuve et 31 au bénéfice du doute. Toutefois ils ont dû payer une amende de 25 000 roupies chacun (environ 365 euros) et ont l’interdiction de quitter le pays. L’incident de Sardapura fait partie des nombreux épisodes de violence qui ont suivi l’incendie du train de Godhra du 27 février 2002. Ce jour là, un groupe de musulmans a attaqué et mis le feu à l’express de Sabarmati, à bord duquel se trouvaient des hindous – surtout des femmes, des enfants et des personnes âgées – qui revenaient d’un pèlerinage à Ayodhya. Les violences avaient éclaté à cause de la destruction de la mosquée Babri Majid par des extrémistes hin-dous. L’agression déclencha de violentes émeutes interreligieuses dans tout le Gujarat, dont celle de Sardapura, où dans la nuit du 28, un groupe d’hindous a fait irruption dans la zone de la ville où vivait la communauté musulmane.

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Craignant le pire, certains d’entre eux s’étaient réfugiés chez l’un d’eux, mais le groupe hindou entoura l’habitation et y mit le feu, provoquant la mort de 33 personnes dont 22 femmes. Avec 790 morts musulmans et 254 morts hindous, c’est la communauté musulmane qui a payé le prix le plus élevé dans ce massacre au cours duquel plus de mille personnes ont péri. De plus, 253 personnes sont portées disparues et 523 lieux de culte, dont trois églises, ont été endommagés. 27 901 hindous et 7651 musulmans ont été arrêtés.

Sources :

AsiaNews

Compass News Direct

Global Council of Indian Christians

Global Peace Index 2011

The Times of India

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En proie à l’instabilité chronique qui persiste depuis la chute de l’ancien régime de Saddam Hussein ayant suivi l’invasion américaine (2003), l’État iraquien est encore incapable d’assurer la sécurité de sa propre population. Les membres des minorités ethniques et religieuses, en particulier les chrétiens, sont plus exposés aux violences qui les prennent pour cible en raison de leur identité, causant un exode incessant. Alors qu’ils étaient encore un million jusqu’en 2003, les chrétiens, membres de quatorze églises, ne sont plus aujourd’hui que 300 000. Un certain nombre d’entre eux se sont installés au Kurdistan irakien autonome. Cette région comptait 30 000 chrétiens avant 2003, et en recense aujourd’hui quelque 100 000.

Toutefois, la sécurité n’est pas garantie, comme l’ont prouvé les attentats an-tichrétiens qui ont continué en 2010 et en 2011, notamment à l’initiative des musulmans qui se reconnaissent dans l’Union islamique du Kurdistan, un parti islamique lié aux Frères musulmans. L’insécurité s’est tellement aggravée dans cette province que beaucoup de chrétiens ne s’y installent plus que temporaire-ment. Malgré tout, Mgr Louis Sako, archevêque chaldéen de Kirkouk, a été en mesure d’inaugurer le 7 juillet 2011 une nouvelle église, dédiée à Saint Paul. Elle a été construite dans le village voisin de Sikanayan, sur un terrain donné par le gouvernement de Bagdad. C’est la première fois qu’il a été possible de construire un lieu de culte chrétien en Irak depuis 2003.

Beaucoup d’autres chrétiens ont trouvé refuge dans les pays frontaliers de l’Irak (Jordanie, Liban, Syrie et Turquie), où ils vivent dans des conditions précaires en attendant un visa pour l’occident. Selon Mgr Basile Georges Casmoussa, archevêque syro-catholique émérite de Mossoul, « 80 % de nos jeunes s’en vont

SURFACE438 317 Km2

POPULATION31 466 698

RÉFUGIÉS35 189

DÉPLACÉS1 332 382

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Musulmans 97,3%Chrétiens 1,8% Catholiques 0,7% / Orthodoxes 0,7% / Protestants 0,4%

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ou rêvent de partir »1. Pour Mgr Schlomo Warduni, évêque auxiliaire du Patriarcat chaldéen (Bagdad), « l’émigration détruit notre culture, notre histoire, notre foi, nos églises et nos fidèles. C’est une maladie contagieuse et dangereuse face à laquelle nous ne pouvons rien faire »2.Ces minorités, qui plus est, sont soumises à la charia (loi islamique, qui est la seule source du droit). Cela dévalue les chrétiens et les place donc dans une situation d’inégalité. Les minorités sont sous-représentées, y compris au sein des institutions étatiques. C’est pourquoi, en juillet 2010, un groupe composé de 76 délégués, chrétiens et représentants des autres minorités (yazidis, sabéens), a lancé un appel à l’aide pour encourager le retour des réfugiés, ainsi que certains amendements constitutionnels afin de consolider leurs droits. Mgr Casmoussa a rapporté de nombreux cas d’injustices infligées aux chrétiens. Par exemple l’enseignement religieux à l’école : s’il n’y a qu’un unique élève musulman dans une classe de chrétiens, cet unique élève aura droit à des cours de religion musulmane, mais les chrétiens doivent constituer 51 % des élèves pour avoir le même droit. Quant à la vie culturelle, le gouvernement post Saddam Hussein a annulé l’autorisation accordée aux églises d’ouvrir un musée3. Selon Mgr Casmoussa, « de nombreux fonctionnaires du gouvernement sont contre nous » 4.Les chrétiens sont également confrontés à une réislamisation progressive de la société. Beaucoup de musulmans exigent qu’ils payent un impôt islamique et imposent aux femmes chrétiennes de strictes règles vestimentaires. Selon l’ar-chidiacre Emmanual Youkhana, beaucoup de chrétiennes s’abstiennent de quitter leur domicile sans porter le voile islamique, en raison de la pression sociale. Certaines hautes autorités religieuses musulmanes exigent la séparation entre hommes et femmes à l’université. Enfin, la Faculté de musique de l’Université de Bagdad a été fermée, car la musique est incompatible avec l’interprétation fondamentaliste de la charia5.Sur le site Internet d’un groupe islamique, Ansar El-Islam, on peut trouver une lettre qui dit : « Le Secrétaire général de la brigade islamique a décidé de lancer aux infidèles chrétiens croisés de Bagdad et des autres provinces un ultime avertissement pour qu’ils quittent l’Irak immédiatement et définitivement, et rejoignent Benoît XVI et ses disciples qui ont piétiné les plus grands symboles de l’humanité et de l’islam (…) Désormais, il n’y aura plus de place pour les infidèles chrétiens (...) Nous égorgerons ceux qui resteront » 6.

1 Zenit, 2/05/ 20112 La Croix, 31/10-1/ 11/ 20113 Zenit, 12/09/ 20104 Zenit, 29/05/ 20115 Zenit, 20/01/20116 Zenit, 29/05/ 2011

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Violences antichrétiennes

L’année 2010 a surtout été marquée par l’attentat perpétré à Bagdad dans la cathé-drale syro-catholique dédiée à Notre-Dame du perpétuel secours le 31 octobre, veille de la Toussaint. Au cours de la célébration de la messe, un commando composé d’une douzaine de terroristes armés a pénétré dans l’édifice, tuant d’abord un prêtre et deux fidèles puis prenant en otage les autres prêtres et les trois cents fidèles présents. Les assaillants ont tiré sur la Croix avec leurs mitrailleuses en se moquant d’elle et en disant : « Dites-lui de vous sauver. »L’assaut de la cathédrale par l’armée irakienne, avec le soutien de l’armée américaine, quatre heures après le début de l’attaque, s’est conclu par le bilan suivant : 58 morts parmi les otages, dont deux jeunes prêtres, Wassim Sabih et Thaer Saadallah Boutros, et 67 blessés, dont un prêtre, Rafael Alkotaily.

Cette attaque a été revendiquée par « l’État islamique d’Irak », affilié à Al-Qaida, qui a déclaré : « Tous les chrétiens, leurs organisations et leurs institutions, ainsi que leurs responsables, sont des cibles légitimes pour les moudjahidines (les combat-tants du jihad), où qu’ils se trouvent ». Il s’agit de l’attentat le plus sanglant commis contre la communauté chrétienne en Irak depuis 2003. Il a eu lieu une semaine après la clôture du Synode spécial des évêques pour le Moyen-Orient, qui s’est tenu à Rome du 10 au 24 octobre, présidé par le Pape Benoît XVI. À la fin des travaux, l’Assemblée avait attiré l’attention sur la situation des chrétiens dans la région, en particulier en Irak.Dix jours après cette tragédie, de nombreuses maisons et boutiques appartenant à des chrétiens de Bagdad ont été la cible d’une série d’attaques meurtrières, treize en tout, revendiquées par le même groupe terroriste. Bilan : 6 morts et 33 blessés.Le 30 novembre 2010, Fadi Walid Gabriel, un jeune ingénieur, a été assassiné à Mossoul. En signe de protestation contre ce meurtre, les représentants chrétiens, dont de nombreux évêques, ont quitté la « Conférence sur la coexistence et la tolé-rance sociale », qui était organisée par le ministère irakien des droits de l’homme, et à laquelle ils participaient à Erbil, capitale du Kurdistan. Ils n’y sont retournés qu’après avoir obtenu l’assurance que leur demande de protection serait comprise dans le texte du manifeste publié à la fin de la Conférence7.Dans ce contexte, les responsables des Églises irakiennes de Bagdad, Kirkouk, Mossoul et Bassora ont annoncé l’annulation des messes de minuit, des déjeuners et dîners de fête ainsi que des décorations de Noël.

Les attaques antichrétiennes ont également continué au cours de l’année 2011.Début mai, à Mossoul, Ashur Yacob Issa a été enlevé, et assassiné parce que sa

7 Zenit, 3/12/ 2010

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famille ne pouvait pas payer la rançon de plus de 100 000 dollars réclamée par ses ravisseurs.Le 31 mai, toujours à Mossoul, un fidèle orthodoxe, Arakan Yacob, a également été assassiné.Le 2 août, à Kirkouk, une voiture piégée a explosé devant l’église syro-catho-lique de la Sainte famille : 13 blessés, dont le curé, le Père Imad Yalda. Deux autres voitures piégées ont été trouvées et désactivées par les forces de l’ordre à proximité de sites chrétiens : l’église de Saint-Georges et une école.Le 15 août, dans la même ville, l’église syro-orthodoxe de Saint Éphrem a été gravement endommagée par un engin explosif.Le 2 octobre, à Mossoul, Bassam Paolous, un fidèle chaldéen, a été assassiné à coups de feu dans le restaurant où il travaillait. Il venait de déménager de Telkef, une ville à majorité chrétienne, pour mettre sa famille à l’abri.Les 1er et 2 octobre, deux chrétiens ont été tués à Kirkouk : Bassam Isho et Emmanuel Hanna Polos.Le 11 décembre 2011, Adnan Elia Jakmakji et son épouse Raghad El Tawil ont été assassinés à Mossoul.

Violence endémique

De nombreux attentats doivent également être attribués au conflit sanglant entre chiites et sunnites, qui dure depuis la chute du régime de Saddam Hussein8. Les violences sectaires entre musulmans semblent impossibles à arrêter, surtout à l’occasion des principales fêtes qui rassemblent de grandes foules de fidèles.Même si le nombre d’attaques semble en déclin par rapport à celui des premières années de la guerre, le nombre de victimes reste impressionnant. Par exemple, 132 irakiens sont morts suite à des incidents violents rien qu’en mai 20129.

8 AsiaNews, 10/01/20129 AsiaNews, 13/06/2012

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Situation juridique

Du point de vue politico-religieux, l’Islam chiite se fond dans la structure même de l’État iranien. Comme dispose l’article 4 de la Constitution, « toutes les lois civiles, pénales, financières, économiques, administratives, culturelles, militaires, politiques et autres, de même que tous les règlements doivent reposer sur les préceptes islamiques. Le présent article s’applique de manière absolue et universelle à tous les autres articles de la Constitution ainsi qu’à toute autre norme et règle, et en cette matière, les fuqaha’ (théologiens experts en jurisprudence islamique) qui composent le Conseil de surveillance sont juges ».Parmi les minorités religieuses présentes dans le pays, seules 3 sont reconnues par l’État islamique : les chrétiens, les juifs et les zoroastriens (article 13). Les autres minorités – bahaïs, sunnites, ahmadis, etc. – subissent de fait des discri-minations, et souvent des violences. Les bouddhistes et les hindous ne sont pas non plus reconnus, mais ils n’ont pas fait l’objet de violences. Ils vivent toutefois dans une totale insécurité juridique.

Chrétiens

La Constitution iranienne assure aux communautés chrétiennes reconnues le statut de « minorité protégée » : cela garantit la liberté du culte, d’éducation, et le droit d’être représenté au Parlement, mais toute activité d’évangélisation est condamnée en tant que prosélytisme.

SURFACE1 648 195 Km2

POPULATION74 733 230

RÉFUGIÉS886 468

DÉPLACÉS---

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Musulmans 98,6%Chrétiens 0,5% Catholiques 0,03% / Orthodoxes 0,4% / Protestants 0,07%

Autres 0,9%

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Les actes de violence personnelle contre des membres de minorités religieuses sont rares, mais les conversions de l’islam aux autres religions suscitent de l’hos-tilité. Dans le pays, il y a en général un climat de rhétorique antichrétienne et anti-ba-haïs dans les médias et les discours publics des chefs religieux et des politiciens. En particulier, le régime ne voit pas les chrétiens comme un groupe qui cherche la liberté religieuse, mais comme un outil au service des puissances étrangères. Les dirigeants iraniens décrivent souvent les Églises domestiques protestantes (souterraines) comme une œuvre de « l’ennemi ».L’année 2011 est remplie d’agressions verbales et d’accusations à l’encontre des chrétiens par les leaders politiques et religieux. C’est là le reflet du discours que l’ayatollah Khamenei avait tenu à Qom le 19 octobre 2010, dans lequel il avait déclaré que les ennemis de l’Iran veulent détruire les valeurs sociales et religieuses de la nation, en propageant la religion bahaï et un réseau d’églises chrétiennes domestiques. Le 4 janvier, le gouverneur de Téhéran, Morteza Tamadon, a défini les chrétiens de « tabshiri », c’est-à-dire « missionnaires », et a menacé de nouvelles arrestations lors d’un discours dans lequel il annonçait la capture de dirigeants évangéliques, définissant le mouvement évangélique en Iran comme « déviant ». Pour Tamadon, « comme les talibans afghans, les missionnaires [chrétiens] sont des parasites et ont créé un mouvement déviant et corrompu, avec l’appui de la Grande-Bretagne au nom de la chrétienté, mais leur complot a échoué »1. Le même jour, le Président du Conseil de sécurité pour la province de Téhéran a annoncé l’imminence de nouvelles arrestations. Il a lui aussi accusé des organisations britanniques de vouloir répandre le christianisme en Iran.2 Le 22 juin, prenant la parole au séminaire Mehdi de Qom, Hojatoleslam Tarashioon, directeur général des études comparatives des religions, a déclaré que les « en-nemis de l’Islam » donnaient 50 000 dollars par an à certaines églises domesti-ques. 3 En août, l’Ayatollah Hadi Jahangosha a critiqué le protestantisme, le définissant comme une « distorsion du christianisme ». Il a déploré les effets que les mou-vements évangéliques avaient dans la société et parmi les jeunes. Il a également critiqué les chaînes satellitaires chrétiennes qui détruisaient la société et la culture religieuse iraniennes. « La capitale iranienne – a-t-il ajouté – est plus exposée à ce péril, et certaines personnes ici sont attirées par le christianisme pour des raisons économiques, et d’autres parce qu’elles se sentent marginalisées par la société. »4

1 Associated Press, 11/01/20112 AsiaNews.it, 14/01/2011 ; CDN, 01/02/20113 Mohabat News, CDN 22/06/20114 Mohabat News, 24/08/2011

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Arrestations

De Noël 2010 jusqu’en février 2011, il y a eu une vague d’arrestations dans plu-sieurs villes du pays (Téhéran, Machhad, Karaj, Ahvaz, Chiraz, Rasht, Hamadan et Arak) qui a conduit en prison environ 120 chrétiens protestants. Beaucoup d’entre eux ont été libérés après avoir été interrogés ; d’autres ont été libérés après quelques mois. Selon diverses sources chrétiennes, la raison de ces rafles réside dans le fait que certains discours publics des dirigeants – y com-pris du Grand ayatollah Khamenei – accusent les églises domestiques d’être au service d’intérêts étrangers et de vouloir changer les valeurs religieuses et sociales de l’Iran5. Aucun des chrétiens arrêtés n’a reçu d’accusations précises, mais beaucoup d’entre eux ont connu l’isolement pendant qu’ils étaient en prison, et subi des interrogatoires, des menaces, des insultes verbales, ainsi que des pressions et des coups pour qu’ils abandonnent leur foi. Certains ont passé des mois dans la prison d’Evin (près de Téhéran), considérée comme la plus rude, où ils étaient en cellule avec des membres d’Al-Qaïda et de la vague verte, un mouvement de révolte né après la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad.6

Parmi tous les prisonniers arrêtés entre décembre 2010 et janvier 2011, ceux qui sont restés le plus longtemps en prison sont : Farshid Fathi, 32 ans, marié et père de deux enfants, emprisonné à Evin sans être accusé de quoi que ce soit, mais interrogé à plusieurs reprises pour en savoir plus sur le réseau d’églises domestiques ; Abrahim Firuzi, emprisonné à Robat Karim, près de Téhéran, accusé d’évangélisation, de possession de plusieurs exemplaires de la Bible et (en tant qu’ancien musulman) d’apostasie ; et Noorollah Ghabitizadeh, emprisonné à Dezful (dans l’ouest du pays).7 Le 17 mars, le chrétien protestant Masoud Delijani a été arrêté à Kermanshah.8

Le 15 juillet, deux chrétiens protestants de langue azérie, Vahid Rofegar et Reza Kahnamoei, ont été arrêtés à Tabriz.9 Le 30 juillet, à Téhéran, les autorités ont effectué un raid dans la maison d’une chrétienne, Leila Mohammadi, et l’ont arrêtée. La police a confisqué des livres chrétiens et d’autres matériels chrétiens trouvés dans la maison. Leila Mohammadi a été emmenée à Evin, et accusée de propager le christianisme10.

5 CSW, Mohabat News, Compass Direct News, AsiaNews, and Washington Post6 Compass Direct News, 01/02/2011 ; 23/02/20117 CDN, 22/06/20118 CDN, 22/06/20119 Mohabat News ; CND 01/09/201110 CDN, 01/09/2011

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Condamnation pour apostasie

Au début du mois de juillet 2011, la Cour suprême a suspendu la condamnation à mort pour apostasie du pasteur Youcef Nadarkhani.Membre de l’Église d’Iran, Nadarkhani avait été arrêté le 13 octobre 2009 dans la ville de Rasht alors qu’il tentait d’enregistrer légalement sa communauté. On pense qu’il a été arrêté pour avoir critiqué le monopole islamique dans l’éducation religieuse des enfants en Iran. En effet, il avait été initialement accusé de remettre en question cette politique, mais les accusations sont ensuite devenues celles d’apostasie et de prosélytisme auprès de musulmans.La loi civile iranienne ne prévoit pas le délit d’apostasie, même si la question a fait débat dans le pays pendant un certain temps. La Cour qui l’a condamné en première instance, le tribunal de Rasht (province de Gilan), s’est fondée sur l’article 167 de la Constitution iranienne qui dispose que si le juge ne trouve pas la solution à un litige dans une loi codifiée, il doit « s’appuyer sur les sources valides de l’islam ou les avis valides des autorités religieuses (fatwas) ». Le 13 novembre 2010, Nadarkhani a été condamné à être pendu sur la base de l’article 8 de la Tahrir – olvasileh (un livre de l’ayatollah Khomeini sur la charia), et des fatwas de l’ayatollah Khamenei et de l’ayatollah Makarem Shirazi, l’un des plus influents érudits islamiques du pays.La Cour suprême a reconnu Nadarkhani coupable d’avoir « abandonné l’islam », d’avoir « participé à des célébrations chrétiennes... organisé des prières domestiques, évangélisé. Après avoir été baptisé, il a baptisé d’autres personnes, convertissant des musulmans au christianisme ». Il a également « violé la loi islamique : de sa puberté (15 ans) jusqu’à l’âge de 19 ans, il avait été élevé en tant que musulman dans une maison de musulmans ». De plus, au cours du procès, le pasteur a nié que Mahomet soit un prophète et nié l’autorité de l’islam. Il a déclaré être chrétien et ne plus être musulman ». Comme le pasteur a déclaré qu’il n’avait jamais vraiment été musulman, la Cour suprême a renvoyé l’affaire au tribunal de la province de Gilan pour vérifier ces affirmations : s’il est démontré qu’il était musulman, il devra retourner à l’islam, ou alors la condamnation sera exécutée11.Le 30 septembre 2011, le tribunal de Rasht a confirmé la condamnation à mort. Selon le gouverneur de la province, Gholam Ali Rezvani, cette fois-ci le tribunal n’a pas accusé Nadarkhani de « crimes religieux », mais d’être un « traître sioniste », et d’avoir commis des « crimes contre la sécurité ». L’avocat du pasteur, Mohammad Ali Dadkhah, collaborateur du prix Nobel Shirin Ebadi, confirme au contraire que son client a été inculpé et déclaré coupable d’apostasie.Différents pays occidentaux – USA, Grande-Bretagne, Allemagne, France et Pologne – ont condamné la sentence prononcée contre Nadarkhani et exigé sa libération.12 En mars 2012, le représentant iranien, Mohammad Javad Larijani, a déclaré à

11 AsiaNews.it, 21/07/201112 AsiaNews.it, 01/10/2011

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la Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme, basée à Genève, que la peine de Nadarkhani ne serait pas exécutée : « Ces 33 dernières an-nées – a-t-il dit – depuis la révolution [islamique], personne n’a été mis à mort ou poursuivi pour avoir changé de religion et abandonné l’islam.13 Après plus de mille jours derrière les barreaux, le pasteur Youcef Nadarkhani est finalement sorti de prison le 8 septembre 2012, acquitté de l’accusation d’apo-stasie.

Bahaïs

Le 21 mai 2011, la police iranienne a fait un raid dans 30 maisons situées à Téhéran, Karaj, Ispahan et Chiraz, où elle a arrêté 14 membres de la communauté bahaïe. Dans toutes les maisons, elle a trouvé des gens qui travaillaient pour l’Institut bahaï pour l’enseignement supérieur (BIHE). Le BIHE a été créé en 1987 pour permettre aux jeunes bahaïs d’obtenir des diplômes universitaires, vu qu’ils sont exclus par l’éducation nationale, bien qu’en théorie ils aient le droit d’y accéder. Les enseignants du BIHE sont des Bahaïs auxquels le gouvernement a retiré la possibilité d’exercer leur profession14.Il a été précisé par la suite que seize personnes avaient été arrêtées le 21 mai ; l’une d’entre elles a été immédiatement relâchée ; huit autres ont été libérées après un long interrogatoire.15

Le 27 juillet, neuf semaines après l’arrestation, la nouvelle s’est répandue que 11 des membres arrêtés avaient été accusés de « conspiration contre la sécurité nationale » et de « conspiration contre la République islamique d’Iran ». Ces deux allégations sont liées à la création du BIHE.16 En octobre, la nouvelle s’est répandue que sept éducateurs bahaïs, engagés dans le BIHE et arrêtés en mai, avaient été condamnés par le tribunal révolutionnaire de Téhéran n° 28.17 Deux d’entre eux, Vahid Mahmoudi et Kamran Mortezaie, ont été condamnés à cinq ans de prison ; Ramin Zibaie, Mahmoud Badavam, Farhad Sedghi (professeurs), Riaz Sobhani (consultant) et Nooshin Khadem (assistant) ont été condamnés à quatre ans de prison.Deux autres membres de la communauté liés au BIHE – Kamran Rahimian et Faran Hesami, mari et femme – ont été condamnés en novembre 2011 à quatre ans de prison.18

13 The Huffington Post, 14/3/201214 Baha’i World News Service, 22/05/201115 BWNS, 25/05/201116 BWNS, 27/07/201117 http://news.bahai.org/story/86018 http://news.bahai.org/human-rights/iran/education/profiles

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La Constitution laotienne établit en principe le droit à la pratique religieuse sans aucune restriction ; toutefois, un décret de 2002 signé par le Premier Ministre a introduit une série de conditions permettant au Gouvernement de maintenir un contrôle strict des religions.

Of�ciellement, Vientiane reconnaît quatre religions principales : le bouddhisme, culte le plus répandu dans ce pays du sud-est asiatique, le christianisme, l’islam et le bahaïsme, foi monothéiste née en Iran dans la seconde moitié du 19ème siècle. Le groupe chrétien comprend l’Église catholique, l’Église évangélique du Laos (LEC) et l’Église adventiste du septième jour. Le bouddhisme theravada, le plus répandu au Laos, occupe une position d’importance majeure, jouissant même du complet soutien du gouvernement, et n’est pas soumis à toutes les règles imposées aux autres religions ainsi qu’à leurs �dèles. Pour cette raison, on ne signale pas de violation signi�cative de la liberté religieuse des bouddhistes laotiens ; au contraire, les temples et associations bouddhistes reçoivent des fonds et des subsides du gouvernement pour soutenir leurs activités.

La situation des autres religions et de la minorité Hmong semble au contraire bien différente. La diffusion du christianisme protestant, en particulier parmi les groupes minoritaires, est contrariée avec force parce qu’il est considéré comme une "importation américaine" constituant une "menace" pour le modèle politique et social imposé par le parti communiste, parti unique. À ceci s’ajoute la répression contre les Hmongs, dont de nombreuses églises ont été détruites et beaucoup de �dèles tués. Et ceux qui cherchent refuge en Thaïlande voisine sont très souvent capturés par l’armée de Bangkok et réexpédiés dans leur pays.

Liberté religieuse, une menace qui "crée de l’anarchie"

En janvier 2012, un projet de déclaration de l’Asean sur les droits de l’homme, élaboré au cours des semaines précédentes, a été divulgué. Au sein de l’Association, qui réunit 10 nations du sud-est asiatique (Thaïlande, Brunei,

SURFACE236 800 Km2

POPULATION6 436 093

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Bouddhistes 50,4%Animistes 44,6%Chrétiens 2,9% Catholiques 0,9% / Protestants 2%

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La Constitution laotienne établit en principe le droit à la pratique religieuse sans aucune restriction ; toutefois, un décret de 2002 signé par le Premier Ministre a introduit une série de conditions permettant au Gouvernement de maintenir un contrôle strict des religions.Officiellement, Vientiane reconnaît quatre religions principales : le bouddhisme, culte le plus répandu dans ce pays du sud-est asiatique, le christianisme, l’is-lam et le bahaïsme, foi monothéiste née en Iran dans la seconde moitié du 19e siècle. Le groupe chrétien comprend l’Église catholique, l’Église évangélique du Laos (LEC) et l’Église adventiste du septième jour. Le bouddhisme theravada, le plus répandu au Laos, occupe une position d’importance majeure, jouissant même du complet soutien du gouvernement, et n’est pas soumis à toutes les règles imposées aux autres religions ainsi qu’à leurs fidèles. Pour cette raison, on ne signale pas de violation significative de la liberté religieuse des bouddhistes laotiens ; au contraire, les temples et associations bouddhistes reçoivent des fonds et des subsides du gouvernement pour soutenir leurs activités. La situation des autres religions et de la minorité Hmong semble au contraire bien différente. La diffusion du christianisme protestant, en particulier parmi les groupes minoritaires, est contrariée avec force parce qu’il est considéré comme une « importation américaine » constituant une « menace » pour le modèle politique et social imposé par le parti communiste, parti unique. À ceci s’ajoute la répression contre les Hmongs, dont de nombreuses églises ont été détruites et beaucoup de fidèles tués. Et ceux qui cherchent refuge en Thaïlande voisine sont très souvent capturés par l’armée de Bangkok et réexpédiés dans leur pays.

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La Constitution laotienne établit en principe le droit à la pratique religieuse sans aucune restriction ; toutefois, un décret de 2002 signé par le Premier Ministre a introduit une série de conditions permettant au Gouvernement de maintenir un contrôle strict des religions.

Of�ciellement, Vientiane reconnaît quatre religions principales : le bouddhisme, culte le plus répandu dans ce pays du sud-est asiatique, le christianisme, l’islam et le bahaïsme, foi monothéiste née en Iran dans la seconde moitié du 19ème siècle. Le groupe chrétien comprend l’Église catholique, l’Église évangélique du Laos (LEC) et l’Église adventiste du septième jour. Le bouddhisme theravada, le plus répandu au Laos, occupe une position d’importance majeure, jouissant même du complet soutien du gouvernement, et n’est pas soumis à toutes les règles imposées aux autres religions ainsi qu’à leurs �dèles. Pour cette raison, on ne signale pas de violation signi�cative de la liberté religieuse des bouddhistes laotiens ; au contraire, les temples et associations bouddhistes reçoivent des fonds et des subsides du gouvernement pour soutenir leurs activités.

La situation des autres religions et de la minorité Hmong semble au contraire bien différente. La diffusion du christianisme protestant, en particulier parmi les groupes minoritaires, est contrariée avec force parce qu’il est considéré comme une "importation américaine" constituant une "menace" pour le modèle politique et social imposé par le parti communiste, parti unique. À ceci s’ajoute la répression contre les Hmongs, dont de nombreuses églises ont été détruites et beaucoup de �dèles tués. Et ceux qui cherchent refuge en Thaïlande voisine sont très souvent capturés par l’armée de Bangkok et réexpédiés dans leur pays.

Liberté religieuse, une menace qui "crée de l’anarchie"

En janvier 2012, un projet de déclaration de l’Asean sur les droits de l’homme, élaboré au cours des semaines précédentes, a été divulgué. Au sein de l’Association, qui réunit 10 nations du sud-est asiatique (Thaïlande, Brunei,

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Liberté religieuse, une menace qui « crée de l’anarchie »

En janvier 2012, un projet de déclaration de l’Asean sur les droits de l’homme, élaboré au cours des semaines précédentes, a été divulgué. Au sein de l’Asso-ciation, qui réunit 10 nations du sud-est asiatique (Thaïlande, Brunei, Cambodge, Myanmar, Vietnam, Laos, Singapour, Indonésie, Philippines et Malaisie), le gou-vernement de Vientiane a joué un rôle clé dans la rédaction du projet, et a tenté par tous les moyens « d’atténuer » la charte des droits1. En effet, pour le gouvernement laotien, la reconnaissance et la protection des droits de l’homme peuvent déclencher des « conflits et des divisions » qui finiront par entraîner le pays « dans le chaos et l’anarchie ». Parmi les diverses limites prévues, il y a aussi le contrôle de la « pratique d’un culte ou d’une foi religieuse », qui doit respecter les lois d’une nation dans laquelle « les droits de l’État » sont supérieurs aux « libertés et aux droits des individus. Le projet de document témoigne de la ligne dure exigée par Vientiane – contraire-ment aux autres nations plus libérales, parmi lesquelles la Thaïlande, l’Indonésie et les Philippines – qui entend imposer une série de conditions préalables à l’exercice des droits de l’homme et de la liberté religieuse. Pour le gouvernement laotien, « l’application des droits de l’homme universels » doit tenir compte « des particularismes nationaux et régionaux » et la formule « abstraction faite du système politique, économique et culturel » ne doit pas être insérée. Au contraire, la nation requiert que soit spécifié que « la sécurité nationale, l’ordre et la morale publique » sont supérieurs aux droits des individus, afin d’éviter de provoquer « le chaos et l’anarchie ». Le Laos veut en outre des limites bien précises à la liberté religieuse, qui doit être soumise « aux lois nationales » de chaque État.

Église catholique

Le 29 janvier 2011, l’Église Catholique laotienne a célébré un évènement histori-que : la première ordination sacerdotale en quarante ans, dans le nord du pays, où le contrôle exercé sur les religions par les autorités est plus fort2. En réalité, la cérémonie était prévue pour le 12 décembre de l’année précédente, mais elle a été reportée de deux mois par les fonctionnaires locaux et par l’armée pour des « raisons de sécurité » non spécifiées. Le nouveau prêtre s’appelle Pierre Buntha Silaphet, a 34 ans et est né à Phom Van, dans la province de Sayaboury, dans le nord du Laos. Il appartient au groupe ethnique K’hmù, et plus de mille fidèles de la région ont participé à son ordination. La fête s’est tenue dans son village d’origine, qui fait partie du vicariat de Luang Prabang. Par une

1 Mizzima News, 02/20122 Asia News, 01/2011

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coïncidence surprenante, que la communauté catholique locale définit comme « providentielle », le nom laotien de Pierre est « Buntha », le même que celui du dernier prêtre de l’ethnie K’hmù ordonné à Luang Prabang le 22 février 1970, lors d’une cérémonie présidée par Mgr Alessandro Straccioli, vicaire apostolique au Laos de 1968 à 1975. À la fin de la guerre, lors de l’arrivée au pouvoir du parti communiste, les autorités ont décidé l’expulsion de tous les missionnaires étrangers, sans possibilité de revenir dans le pays. Au lendemain de l’expulsion générale, Mgr Tito Banchong est resté seul dans le vicariat. Voilà pourquoi il a annoncé avec une « joie compréhensible » la nouvelle ordination, qui a été pré-sidée par Mgr Marie-Louis Ling, vicaire apostolique de Paksé, lui aussi d’ethnie K’hmù comme le nouveau prêtre. Le Père Pierre fait partie d’une des familles évangélisées entre 1960 et 1975 par le Père Piero Marie Bonometti, OMI, à Ban Houei Thongnella, dans la province de Luang Prabang. En prévision de la célébration, tous les permis nécessaires ont été accordés par les autorités qui, néanmoins, ont opposé des difficultés et des prétextes rendant ainsi nécessaire de différer la date initialement établie. La veille de l’événement, le gouvernement a officieusement demandé à ce qu’il « ne soit pas accordé trop d’importance » à l’évènement qui devait rester dans les limites « d’une fête de village ». Du reste, le vicariat de Luang Prabang n’a pas de cathédrale depuis 1975.

En juin 2011, le Père Raphael Tran Xuan Nhan, prêtre vietnamien basé au Laos, a dénoncé la « persécution » croissante dans le nord du pays, en particulier à Luang Prabang et le long de la frontière avec le Vietnam3. Selon le récit du missionnaire, ce durcissement est la réponse des autorités aux protestations des fidèles, au cours des semaines précédentes, contre le « contrôle de plus en plus strict » exercé sur les activités religieuses. Le Père Raphael a exprimé sa « sé-rieuse préoccupation » pour l’avenir du vicariat apostolique, où « les catholiques sont surveillés de près et où les vocations commencent à manquer » à cause des décennies de domination du parti communiste qui a systématiquement violé le principe de la liberté religieuse. Ce prêtre, âgé de 57 ans, originaire du diocèse de Vinh, dans le centre du Vietnam, a par ailleurs raconté que « les autorités provinciales cherchaient à limiter les déplacements des catholiques », qui devai-ent « informer les autorités » de leurs projets de voyages, qu’ils soient longs ou courts. À ceci s’ajoute l’obligation imposée par les fonctionnaires du gouverne-ment aux fidèles catholiques d’accomplir, le dimanche, des services socialement utiles ou de petits travaux, ainsi que d’assister à des sessions d’enseignement de l’idéologie communiste, au moment même des offices religieux, dans l’intention évidente de les empêcher d’y participer. De plus, quelques prêtres et religieux ont été forcés d’abandonner le nord et de se réfugier à Vientiane, parce qu’ils étaient suspectés d’être des espions ou bien parce qu’ils donnaient des « leçons

3 Ucanews, 06/2011

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gratuites » d’anglais, une initiative mal vue des autorités locales. La Congrégation pour la Cause des Saints a occasionné joie et consolation aux évêques et aux fidèles laotiens en validant le procès en béatification de 15 martyrs, parmi lesquels des religieux et catéchistes laïcs tués au Laos « par haine de la foi chrétienne » entre 1954 et 1970. Le procès entre donc dans sa se-conde phase par l’ouverture de la procédure officielle auprès de la Congrégation vaticane4.

Autres confessions chrétiennes

Le 4 janvier 2011, vers sept heures du soir, une vingtaine de fonctionnaires du district de police de Hinboun, dans la province centrale de Khammouan, ont arrêté sans chef d’accusation spécifique le pasteur Wanna à son domicile privé, également utilisé comme lieu de culte, en même temps que dix autres responsables et fidèles chrétiens5.L’arrestation a eu lieu alors qu’ils dînaient. Le lendemain, les autorités ont relâché deux fidèles, confirmant la décision d’ar-restation des autres. Selon des sources locales, l’arrestation serait basée sur le fait que les chrétiens effectuaient une « rencontre secrète », n’ayant pas obtenu l’approbation préalable des fonctionnaires gouvernementaux locaux. À la mi-janvier (cf. AsiaNews), les autorités laotiennes ont formalisé le chef d’accusation à l’encontre des trois leaders protestants : les pasteurs Wanna, Chanlai et Kan ont été inculpés de « délit politique » et condamnés à la prison. Des sources locales ont confirmé que les arrestations du début de l’année n’étaient que le dernier épisode d’une série de violations de la liberté religieuse dans la province laotienne de Khammouan. Entretemps, les familles qui fréquentaient leur lieu de culte ont été soumises à des journées entières de « rééducation » et ont été accusées de « collusion avec l’ennemi » historique, les États-Unis.

Fin février 20126, les médias internationaux ont relaté le dramatique événement qui a eu pour protagonistes 65 familles de paysans chrétiens, chassés de chez eux et de leurs terres sur ordre des autorités laotiennes, « parce qu’ils refusaient de renier la foi chrétienne ». Réunis dans un centre de ramassage, ils risquent la famine parce que leurs récoltes ont été détruites et qu’un rigide cordon de sécurité a bloqué tout accès à la zone et empêché le passage de biens et d’ali-ments. Selon des sources locales de Christian Solidarity Worldwide (CSW), les chefs du village ont empêché les paysans de retourner chez eux et de reprendre possession de leurs terres, et les appels de la communauté internationale n’ont même pas permis de résoudre rapidement et positivement cette affaire.

4 Agence Fides, 16/12/20115 Human Rights Watch for Lao Religious Freedom, HRWLRF, 01/20116 Asia News, 25/02/2011

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À la mi-juillet 2011, la situation de deux autres pasteurs protestants, le révérend Walla et le révérend Yohan, arrêtés au début de l’année 2011, a de nouveau fait les gros titres7. Pendant leur période de détention, les autorités leur ont plusieurs fois offert la possibilité de sortir de prison : en échange de la liberté, les deux leaders chrétiens devaient renier la foi chrétienne. La situation du pasteur Walla a été aggravée par le fait que par son travail, il représentait la seule source de revenus de sa famille. En son absence, sa femme et ses neuf enfants ont dû affronter des difficultés et privations de toutes sortes au point que ses enfants – le plus âgé a sept ans – ont dû abandonner l’école et chercher de petits emplois afin de gagner un peu d’argent.

Les jours suivants, toujours en juillet8, les activistes de Human Rights Watch for Lao Religious Freedom (HRWLRF) ont lancé un appel à la libération d’un chrétien laotien âgé de 58 ans, convaincu de « trahison » et de « sédition » à la fin des années 1990. Originaire de la province d’Oudomxay, il s’est converti au christia-nisme en 1997, religion qu’il a embrassée avec enthousiasme, zèle et ferveur. Grâce à son témoignage passionné de la foi chrétienne, plus de 70 personnes ont rapidement décidé – comme lui – de recevoir le baptême, et le magasin d’ha-billement dans lequel il travaillait s’est transformé en une véritable « maison du témoignage » de la foi chrétienne. Toutefois, son activisme a attiré l’attention des autorités qui sont intervenues plusieurs fois en lui intimant l’ordre d’interrompre sa prédication. Enfin, son arrestation et sa condamnation à 12 années de prison ont désespéré sa femme et laissé cinq enfants sans leur père. Sa santé s’est détériorée au cours des années de prison, ce qui a poussé différents activistes et des organisations de défense des droits de l’homme à lancer de nombreuses campagnes pour sa libération, restées jusqu’à présent sans aucun effet. La dernière semaine de septembre, les activistes du groupe HRWLRF ont relaté au moins trois cas de violation de la liberté religieuse survenus au cours de l’été. En juin, cinq familles chrétiennes – 13 personnes en tout – du village de Pornsaad s’étaient réunies chez l’une d’entre elles pour prier Dieu. Pendant l’office, les forces de sécurité laotiennes ont fait irruption dans la maison et ont arrêté les personnes présentes parce « qu’elles n’avaient pas obtenu l’autorisation officielle de se réunir ». Les agents n’ont accompli aucune arrestation à cette occasion, mais ont intimé aux fidèles l’ordre de ne plus se réunir pour prier « sans les per-missions nécessaires » et le consentement du gouvernement local. Le 16 juillet, en revanche, trois familles chrétiennes du village de Nonsawang, dans le district de Thapangthong (province de Savannakhet), ont été expulsées de leur village par le chef local parce « qu’elles n’avaient pas abjuré la foi chrétienne ». Dix per-sonnes au total ont été forcées de quitter leur maison et propriété constituées de

7 Asia News, 19/07/20118 Human Rights Watch for Lao Religious Freedom, HRWLRF, 07/2011

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petites parcelles de terre, qui sont encore aujourd’hui complètement abandonnées. Par ailleurs, des biens qui appartenaient aux familles chrétiennes ont été détruits au moment de l’expulsion. Enfin, le 14 septembre, dans le district de Saybuly, le chef local et un officier de police, avec un responsable pour les affaires religieuses, ont saisi l’église domestique protestante de Dongpaiwan ainsi qu’une parcelle de terre et des produits cultivés près du lieu de culte. Pendant le raid, les autorités ont également retiré et détruit une croix présente sur la façade de l’édifice. Quelques jours avant Noël, le 16 décembre 2011, huit responsables chrétiens ont été arrêtés parce qu’ils avaient « organisé » une célébration en préparation de la fête, événement auquel plus de 200 personnes avaient participé. Des officiers de police se sont rendus dans le village de Boukham (province de Savannakhet) – théâtre de l’incident – pour rencontrer les fonctionnaires locaux et décider des mesures à adopter à l’égard des personnes arrêtées. D’après l’agence Compass Direct News (CDN), les responsables chrétiens auraient reçu du chef du village de Boukham l’autorisation d’organiser les offices de Noël. Malgré cela, les forces de sécurité loca-les ont fait irruption dans l’édifice pendant la célébration, et emmené les huit chefs de la minorité religieuse. Quatre d’entre eux ont été menottés et ont eu les yeux bandés, puis ont été enfermés sans chef d’accusation bien précis. Le 18 décembre, quelques responsables de l’Église évangélique du Laos auraient réussi à négocier la libération de l’un des détenus, du nom de Kingnamosorn, contre le paiement d’une caution d’un million de kip (l’équivalent de 95 euros) ; il faut noter que le salaire mensuel moyen d’un travailleur non spécialisé tourne autour de 40 dollars. Le jour de Noël, toujours dans la province de Savannakhet, une chrétienne est morte de causes naturelles. Le lendemain, les autorités ont empêché que l’enterrement ait lieu selon le rite traditionnel chrétien, ainsi que le relatent les activistes de HRWLRF après avoir recueilli le témoignage du mari ; le chef du village a obligé le mari et les autres membres de la famille à « s’en aller » de la zone et à s’adresser aux autorités de Savannakhet : des sources locales racontent que les chefs du village auraient refusé toute autorisation à des « enterrements selon le rite chrétien ». La femme a été inhumée sans tombe ni croix permettant d’identifier le lieu.

Toutefois, selon l’agence Fides, il y a eu de bonnes nouvelles au début de 2012 pour la communauté protestante laotienne : les autorités civiles de la province de Khammouan ont libéré les deux pasteurs protestants Wanna et Yohan, après une année de prison, même si elles continuent à arrêter d’autres chrétiens et à considérer « illicites » les célébrations de Noël. Au lendemain de la libération, ils ont tous deux déclaré leur intention de reprendre leur activité de guides religieux et la mission d’évangélisation confiée à tout chrétien9.

9 Agence Fides, 9/01/2012

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Depuis l’assassinat de Moammar Kadhafi et la fin de la République arabe de la Jamahiryya, l’incertitude et la confusion prévalent dans la nouvelle organisation politico-institutionnelle de la Libye, y compris en ce qui concerne l’orientation prise par le nouveau régime dans le domaine des droits de l’homme. En particulier, concernant la liberté religieuse, le projet de fonder la nouvelle Constitution sur la loi coranique, la charia, est une source de préoccupations.Les paroles prononcées par Mustafa Abdul Jalil, chef de file du Conseil National de transition, ont suscité de la perplexité parmi les observateurs. Le chef du gouvernement provisoire, qui s’est placé à la tête de la nation, a déclaré lors d’un discours public à Benghazi le 23 octobre 2011 : « En tant que pays musulman, nous avons adopté la charia comme principale source du droit. En conséquence, toute loi qui contrevient aux principes islamiques et à la charia est juridiquement sans effet ». Jalil, pour tenter de rassurer la communauté internationale, a expliqué que son objectif était d’adopter des règles islamiques qui limitent les taux d’intérêts et abolissent l’interdiction de contracter des mariages polygames1.

Parmi les points de rupture avec l’histoire récente du pays, la Libye se préparerait à permettre la création, les activités et la présentation aux élections de partis politiques d’inspiration religieuse, tribale ou ethnique. L’interdiction de tels partis, publiée la semaine précédente, a ensuite été révoquée, comme l’a déclaré Salwa Al-Dgheily, membre du Conseil juridique du gouvernement de transition2.

1 Cnn, 26/10/20112 Agence Reuters, 3/05/2012

SURFACE1 759 540 Km2

POPULATION6 545 619

RÉFUGIÉS7 540

DÉPLACÉS73 937

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Musulmans 96,6%Chrétiens 2,7% Catholiques 1,5% / Orthodoxes 1% / Protestants 0,2%

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Un cas d’intolérance religieuse envers les chrétiens et les juifs a été signalé au début de mars 2012. À Benghazi, un cimetière militaire, où sont enterrés les soldats britanniques et du Commonwealth tombés pendant la Seconde Guerre mondiale, a été profané par une foule furieuse, désireuse de venger une profanation présumée de quelques exemplaires du Coran par des militaires américains en Afghanistan. Quelques croix et une étoile de David présentes sur les tombes ont été brisées, tandis que la foule hurlait des slogans contre les « infidèles », et une croix qui se trouvait à l’entrée du cimetière a été démolie3.Des actes de violence similaires avaient été perpétrés le 13 janvier, toujours à Benghazi, contre les tombes de quelques sages et érudits musulmans de confréries soufies, cibles d’intégristes salafistes qui avaient exhumé les corps et détruit en même temps une école soufie4.

3 Daily Mail, 6/03/2012 4 Reuters Africa, 1er /02/2012

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Au cours de l’année 2011 et des premiers mois de 2012, le gouvernement du Myanmar a mis en place une série de réformes politiques qui ont relancé le pays sur la scène internationale après des décennies de dictature militaire et d’isolement économique. Dans un premier temps, la communauté internationale a accueilli avec scepticisme et réserve les promesses de réformes. Cependant, au fil des mois et des réformes – parmi lesquelles le droit de grève, les premiers pas vers la création d’un syndicat libre, l’atténuation partielle de la censure des médias – les États-Unis et l’Union européenne ont réexaminé leur politique de sanctions économique et commerciale, lesquelles ont été partiellement levées.

En janvier 2012, grâce à un acte de clémence décidé par le Président Thein Sein, plusieurs dissidents birmans de premier plan ont été libérés des prisons du pays après des années de détention. La mesure actuellement en vigueur n’est que la dernière d’une série d’amnisties décrétées par le nouveau gouvernement « civil », visant à revenir pleinement au sein de la communauté internationale1.

En mai 2012, les évêques du Myanmar ont exprimé leur satisfaction et leur espérance en raison du « nouveau pas en avant » accompli par le pays, lorsque la légendaire chef de l’opposition, Aung San Suu Kyi, est officiellement devenue membre du Parlement birman avec d’autres membres de son parti2.

Au contraire, le gouvernement central a rencontré des problèmes majeurs avec les minorités ethniques, mêlant les questions politiques à une répression de nature religieuse et confessionnelle. En effet, la minorité Kachin est, en grande

1 AsiaNews, 07/12/20112 Agence Fides, 02/05/2012

SURFACE676 578 Km2

POPULATION50 495 672

RÉFUGIÉS---

DÉPLACÉS458 000

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Bouddhistes 74,5%Animistes 9,7%Chrétiens 7,9% Catholiques 1,3% / Protestants 6,5% / Anglicans 0,1%

Musulmans 3,8%Autres 4,1%

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majorité, chrétienne. En juin 2011, les affrontements entre les deux factions – l’armée gouvernementale et les milices rebelles – ont repris, conduisant à une telle escalade qu’on a pu craindre le déclenchement d’une véritable guerre civile.

Catholiques birmans entre fêtes et discriminations

En mai 2011, le site Internet d’Ucanews a publié des entretiens avec une série de prêtres birmans, qui ont demandé à garder l’anonymat afin d’éviter les re-présailles des militaires. En effet, si, avec le nouveau gouvernement semi-civil, « les gens sont plus libres », les prêtres ont toutefois souligné que les chrétiens continuaient de « vivre des situations difficiles » et d’être marginalisés. L’un d’eux a relaté la « difficulté » pour obtenir un permis de construire une église ; un prêtre originaire de la province de Shan a ajouté que le christianisme conti-nuait d’être « considéré comme une religion étrangère ». La foi en Christ devient un motif de discrimination, « y compris sur le lieu de travail, en particulier si l’on veut obtenir des postes dans l’administration publique ». « Les fonctionnai-res – ajoute un prêtre de Yangon – trouveront toujours un prétexte pour vous empêcher d’obtenir le poste »3.

Le 16 octobre 2011, un groupe de soldats du bataillon 438 a fait irruption dans une église catholique du village de Namsan Yang, qui fait partie de la munici-palité Waimaw, et en a pris le contrôle. Au moment du raid, 23 personnes, en majorité des femmes et des personnes âgées, étaient présentes dans le lieu de culte pour la messe dominicale. Afin de se protéger des balles, les paroissiens ont dû se réfugier derrière l’autel de la Vierge Marie. L’armée a également frappé sauvagement le curé, âgé de 49 ans, qui était intervenu pour tenter de rétablir le calme et pour protéger les fidèles. Puis les soldats l’ont menotté et arrêté avec quatre autres personnes. Toujours en octobre, les autorités birmanes ont émis un règlement obligeant toutes les églises de l’État de Kachin à fournir une demande écrite – 15 jours à l’avance – au cas où elles voudraient organiser des « séminaires et études de la Bible, catéchisme, prières et récitation du Rosaire ». Les fonctionnaires ont ajouté qu’il appartiendrait au bureau compétent de déli-vrer les autorisations appropriées4.

En dépit de nombreuses difficultés, la communauté catholique birmane a pu célébrer un événement spécial l’année dernière : le centenaire de la cathédrale de Sainte Marie à Yangon, dont la restauration venait de s’achever au terme d’un travail ayant duré plus de trois ans. Dans un entretien accordé la veille de

3 ucanews.com-Myanmar, 13/05/20114 Christian Solidarity Worldwide (Csw,) 21/10/2011

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la célébration, Mgr Charles Bo a déclaré que les festivités étaient une occasion de « réconciliation avec Dieu, avec les autres et de chacun avec sa propre conscience personnelle ». Dans l’entretien, le prélat birman a ajouté que le processus de réconciliation au Myanmar impliquait également les catholiques birmans : « Alors que nous nous apprêtons à reconstruire dans le Christ l’amour perdu, la vérité bafouée, les relations personnelles refroidies, nous devons nous efforcer de reconstruire nos vies, avec des liens d’affection véritable ».Il a demandé de « prier pour le pays, afin que nous vivions dans une nouvelle Jérusalem » où resplendissent – comme la cathédrale rénovée – la liberté et la dignité de l’homme. Il a exprimé l’espoir que les gens « se préparent » par la prière et la dévotion à une ère nouvelle, caractérisée par une « vraie liberté ». La cathédrale de Yangon est le principal lieu de culte du Myanmar et l’un des plus importants de toute l’Asie. Le lieu de culte, construit dans le style gothique, a subi une restauration complète qui a duré trois ans : la météo, les dommages causés par le tremblement de terre de 1930, les bombes de la seconde guerre mondiale et le passage du Cyclone Nargis en 2008, ont rendu nécessaire un programme de restauration qui a pris fin récemment5.

La chef de l’opposition, Aung San Suu Kyi, bien qu’étant de religion bouddhiste, a voulu assister, du début à la fin, à la messe célébrée le 8 décembre, jour de la fête de l’Immaculée Conception. En marge des festivités, le prix Nobel de la paix a également rencontré le Cardinal Renato Raffaele Martino, qui a loué le courage de la « Lady », en l’invitant à continuer à travailler pour le bien du pays. Par ailleurs, à la veille de la célébration, Aung San Suu Kyi, chef du NLD (National League for Democracy), a lancé un appel aux évêques catholiques et protestants de Birmanie, leur demandant de contribuer au renforcement d’un chemin de paix devant conduire à des « réformes durables » et à une vraie démocratie6.

La persécution « politique » des chrétiens Kachin

La répression des minorités ethniques au Myanmar présente également des éléments religieux et la discrimination religieuse tend à être plutôt un ins-trument de répression politique. Cependant, les deux sphères se croisent et finissent par constituer une action de répression de l’armée qui viole la liberté de religion, commet des massacres, des viols et des violences de toutes sortes. Tout cela a lieu tandis que le gouvernement central tente de se présenter sous son « meilleur » jour – favorable au dialogue – à la communauté internationale, afin d’obtenir son estime et son approbation. Le 19 janvier 2011, le portail d’information Compass Direct News a dénoncé

5 AsiaNews, 07/12/20116 AsiaNews, 09/12/2011

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« l’utilisation systématique, par l’armée birmane, du travail forcé, de la torture et du viol » contre l’ethnie Chin, essentiellement chrétienne, dans l’État du même nom dans l’ouest du Myanmar. Dans un rapport intitulé « La vie sous la junte : preuves de crimes contre l’humanité dans l’État de Chin », les militants de Physicians for Human Rights (PHR) ont rapporté des preuves de « l’extraordinaire niveau de violence d’État » contre l’ethnie Chin birmane, chrétienne à 90 % grâce au travail missionnaire réalisé entre la fin du 19ème et la première moitié du XXe siècle. La persécution des chrétiens fait partie inté-grante d’une campagne plus vaste qui vise à créer une société « uniforme » dans laquelle « la seule religion confessée est le bouddhisme ». Une grande part des violences à l’encontre des Chin est due à leur foi chrétienne. C’est à cause d’elle qu’ils ont dû subir des destructions de maisons et de biens, ainsi que des menaces et des meurtres de membres de leurs familles7.

En mai 2011, les chrétiens Kachin ont obtenu leur première victoire dans la bataille qui les oppose au gouvernement, à propos de l’enlèvement de deux croix historiques, situées au sommet d’une montagne dans la zone où le barrage d’Irrawaddy est censé être construit. Ces croix ont plus de 100 ans et ont été construites par deux églises Kachin à Tang Hpre, village situé près du lieu de confluence de deux fleuves8.

Mais la situation dans l’État de Kachin s’est précipitée, au point qu’à la mi-juin 2011, un prêtre du nord a dénoncé la « guerre civile » entre les troupes rebelles et l’armée birmane. Dès les premiers jours, le conflit a causé des milliers de déplacés, dont beaucoup se sont réfugiés dans les églises. L’appel lancé au lendemain des premiers affrontements par l’ONG Christian Solidarity Worldwide (CSW), demandant l’intervention de l’Organisation des Nations Unies et de l’Union européenne pour mettre fin au conflit, est tombé dans l’oreille d’un sourd. Quelques jours plus tard, il s’est avéré que l’affrontement avait été déclenché par l’opposition de la population locale à la construction d’une méga-centrale par une compagnie chinoise, en raison de son impact environnemental dévastateur sur le territoire Kachin, en échange d’une contri-bution énergétique dérisoire pour le pays. En effet, la majeure partie de la production – jusqu’à 90 % – était destinée aux industries de la province chinoise du Sichuan9.

À la fin juin 2011, on parlait déjà de « nettoyage ethnique » et d’« urgence humanitaire », alors que les prêtres et les religieuses s’efforçaient de porter

7 Compass Direct News, 19/01/20118 AsiaNews, 05/05/20119 Agence Fides, 16/06/2011

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secours à la population civile torturée par la guerre et victime d’une répression féroce. Les personnes déplacées étaient environ 20 000, en constante augmen-tation. Au moins 5000 personnes étaient à Laiza (une ville à la frontière avec la Chine), 2000 dans la ville de Shwegu, plus de 10 000 dans les villages de Manwing et de Prang Hku Dung, et des milliers s’étaient éparpillées dans les forêts10.

Un rapport publié par Radio Vatican à la mi-juillet 2011 a évoqué l’utilisation de civils comme « boucliers humains » sur le front par l’armée birmane. Le document, élaboré par Burma Campaing UK, montre que « de nombreux por-teurs ou de simples villageois sont emmenés dans les zones de guerre... et utilisés comme boucliers humains ou démineurs » sans avoir de compétences particulières. Malgré une trêve qui a duré quelques semaines, le conflit a repris en octobre, dans toute sa violence : dans un article publié le 21 octobre 2011, les sources de Fides ont dénoncé les saisies d’églises, les coups portés contre les civils et les viols de femmes et de jeunes filles, perpétrés par l’armée birmane. Quelques jours plus tôt, le 16 octobre, des soldats avaient occupé un lieu de culte et violé en réunion une jeune fille de 19 ans, mettant en place une campagne que la population civile a qualifiée de « nettoyage ethnique »11.

En novembre, l’armée birmane a attaqué un orphelinat situé en territoire Kachin, tuant 10 personnes et en blessant une douzaine. Le lancer d’une grenade a touché un groupe de prière, qui participait à une session d’étude, et endom-magé en même temps trois bâtiments qui ont pris feu. Les raisons d’une telle violence à l’encontre d’un lieu dédié à la solidarité et à l’accueil n’ont jamais été précisées, mais c’est un autre signe de la violence des militaires contre les biens, les activités et les centres des chrétiens Kachin de la région12.

Les moines bouddhistes encore en prison

Malgré les ouvertures du gouvernement, qui a promis des réformes et la dé-mocratie, des centaines de militants des droits de l’homme et, parmi eux, les moines bouddhistes birmans protagonistes de la révolte de 2007 réprimée dans le sang par la junte militaire, sont toujours en prison. Le Bouddhisme Theravada – la religion la plus répandue au Myanmar – continue encore aujourd’hui d’être soigneusement contrôlé par les autorités et d’être « sponsorisé » par un vaste groupe de moines âgés qui évite soigneusement de créer des tensions avec les

10 Agence Fides, 27/06/201111 Agence Fides, 21/10/201112 Christian Post, 14/11/2011

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chefs du gouvernement. Le 27 septembre 2011, quatre ans après la révolution de safran – la couleur des robes des moines – la police est intervenue à plusieurs reprises pour empêcher toute manifestation de rue13.

À la mi-novembre 2011, à Mandalay, une protestation faisant l’éloge de la révo-lution safran a été organisée par cinq moines dirigés par Ashin Sopaka. Les cinq moines ont subi la pression d’un groupe de moines plus âgés, parmi lesquels le président du Sangha Committee local, dans le but de faire cesser les manifesta-tions. Les moines craignaient en effet les représailles du gouvernement et des militaires. Au contraire, selon certaines sources, l’intervention des « anciens » serait le fruit de la stratégie adoptée par le gouvernement, voulant éviter des effusions de sang et une mauvaise publicité aux yeux de la communauté inter-nationale. Le gouvernement a donc « utilisé » les chefs bouddhistes plus âgés pour tenter de « dissuader » les jeunes de continuer leurs manifestations. Les autorités birmanes ont imposé à la presse le silence sur cette question, bloquant la publication de vidéos et de nouvelles dans les principaux médias.Cependant, dans l’après-midi du 16 novembre, au moins 1200 personnes ont écouté les paroles du leader de la protestation, le moine Ashin Sopaka, originaire de Yangon tout comme les autres frères. Dans un discours qui a duré 15 minutes, il a répété les demandes effectuées la veille : la libération de tous les prisonniers politiques, la fin de la guerre entre l’armée et les milices ethniques, la liberté d’expression et de pensée pour les moines. « Nous sommes très satisfaits », a encore déclaré Ashin Sopaka, qui a ajouté qu’il avait « confiance dans le fait que le meilleur allait se produire », tout en étant « prêt au pire ». Des sources locales citées par la Democratic Voice of Burma (DVB) ont rapporté que le même soir les cinq moines avaient quitté la pagode Maha Myatmuni, où la protestation avait commencé, et s’étaient réfugiés au monastère de Masoeyein, également à Mandalay, réputé plus sûr en cas d’intervention des autorités. Ils ont fait le voyage accompagné d’un millier de personnes, prêtes à les protéger contre une attaque des forces de sécurité. Au cours des jours suivants, ils ont abandonné la forme la plus extrême de protestation, afin d’éviter une attaque des autorités14.

Les Rohingyas, minorité musulmane persécutée

Les Rohingyas sont l’une des nombreuses minorités ethniques du Myanmar. Ils vivent principalement dans une région de la Birmanie occidentale près de la frontière avec le Bangladesh, dans le nord de la province de Rakhine (État d’Ara-kan). Ils sont en grande majorité de religion musulmane et la population totale est estimée à environ 3 millions de personnes, dont un million au Myanmar. Ils

13 AsiaNews, 27/11/201114 AsiaNews, 16/11/2011

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ont une culture et une langue distinctes et parlent un dialecte très semblable à celui d’une région du Bangladesh vers laquelle beaucoup d’entre eux ont émigré pour échapper à la persécution de la junte birmane. Ces dernières années, le régime ne leur a pas reconnu le droit à la citoyenneté (ils sont donc apatrides), ni celui à la possession de terres, ni la liberté de mouvement ou de mariage sans une « autorisation spéciale » délivrée par les autorités. Les abus et persécutions des Rohingyas ainsi que leur fuite désespérée vers l’étranger ont également continué en 2011 : les militants de Human Rights Watch (HRW) ont révélé qu’entre le 22 et le 23 janvier 2011, un groupe de 158 person-nes avait atteint la Thaïlande après un long et périlleux voyage en mer à bord de barques surchargées. Arrêtés par les autorités de Bangkok, ils ont été enfermés dans des prisons spéciales réservées aux immigrants, rejoignant 53 autres per-sonnes détenues depuis 2009. Quelques jours plus tard, le 2 février, les militants de HRW dénonçaient la ligne dure suivie par les autorités thaïlandaises, qui ont à plusieurs reprises refusé au commissaire de l’ONU pour les réfugiés le droit d’entrer dans les prisons pour vérifier la situation des Rohingyas et vérifier si parmi les plus de 200 détenus, certains pouvaient bénéficier du statut de réfugié politique. Brad Adams, directeur de Human Rights Watch pour l’Asie, a déclaré : « La persécution dont les Rohingyas font l’objet en Birmanie est atroce, mais Bangkok continue d’ignorer la question ». La tragédie vécue par la minorité musulmane à fait les unes de la presse à la mi-décembre 2011, lorsque plusieurs organisations non gouvernementales ont tiré la sonnette d’alarme en raison des 28 000 réfugiés « qui risquaient d’être expulsés du Bangladesh ». À la mi-décembre, dans le but d’améliorer les relations avec le gouvernement de Dhaka, le Myanmar a accepté le rapatriement de dizaines de milliers de Rohingyas, sans toutefois leur reconnaître de droits, ni la liberté de déplacement. En plus des réfugiés officiellement enregistrés, on estime que plusieurs centaines de milliers de réfugiés rohingyas vivent au Bangladesh comme réfugiés clandestins dans des conditions inhumaines. Depuis janvier 2011, plus de 1310 réfugiés rohingyas non enregistrés ont été expulsés du Bangladesh vers l’ex-Birmanie, où ils sont confrontés à la persécution et aux discriminations.En dépit de l’attention de multiples acteurs de la scène internationale, la si-tuation de la minorité musulmane rohingya dans l’État de l’Arakan (Rakhine) demeure précaire. Bien que le régime birman assure que la crise qui a éclaté en juin 2012 (faisant 78 morts et 60 000 déplacés) est désormais « sous contrôle », de nouvelles violences, début août, entre Arakanais bouddhistes et Rohingyas musulmans ont fait des victimes et à nouveau entraîné la mise en place d’un couvre-feu par l’armée gouvernementale.15

15 Églises d’Asie, 22/08/2012

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Aspects juridiques et institutionnels

La Constitution nigériane reconnaît la liberté religieuse, y comprit la liberté de manifester et diffuser sa propre foi religieuse et celle de se convertir à une autre religion. L’article 38, alinéa premier, dispose que « toute personne aura le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, y compris la liberté de changer de religion ou de croyance, et la liberté (soit seul, soit en communauté avec d’autres, que ce soit en public ou en privé) de manifester et de répandre sa religion ou croyance par le culte, l’enseignement, la pratique et l’observance ».L’article 10, chapitre 1, de la Constitution dispose en outre que « le gouverne-ment de la fédération ou d’un État n’adoptera aucune religion comme religion d’État ». Toutefois, le Nigeria fait partie de l’Organisation des États islamiques (OIC), et douze des 36 États de la fédération nigériane (tous dans le nord du pays : Bauchi, Borno, Gombe, Jigawa, Kaduna, Kano, Katsina, Kebbi, Niger, Sokoto, Yobe, Zamfara) ont commencé à appliquer les principes de la charia (la loi coranique) à partir d’octobre 1999, non seulement dans le domaine du droit de la famille, comme c’était le cas jusqu’à présent, mais aussi dans le domaine pénal. Cela a impliqué l’introduction de nouvelles interdictions et de peines telles que flagellations, amputations et exécutions capitales par lapidation.Pour mettre en œuvre la charia dans la vie quotidienne, au moins cinq États (Bauchi, Zamfara, Niger, Kaduna et Kano) ont créé l’Hisbah, police religieuse qui a parfois été accusée d’appliquer la loi de manière abusive (par exemple, en sai-sissant les boissons alcoolisées sans justification). En principe, les règles civiles et pénales de la charia ne s’appliquent pas aux fidèles des autres religions, de même que les règles musulmanes sur l’apostasie ne s’appliquent pas aux autres religions. Toutefois, la vie des non-musulmans du nord du Nigeria a été affectée

SURFACE923 768 Km2

POPULATION158 258 917

RÉFUGIÉS8 806

DÉPLACÉSIndéterminés

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Chrétiens 45,5% Catholiques 13,3% / Protestants 19,2% Anglicans 13%

Musulmans 45,4%Animistes 8,8%Autres 0,3%

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de nombreuses manières par l’entrée en vigueur de la charia, surtout en ce qui concerne les restrictions à la consommation et à la distribution de boissons alcoolisées et la ségrégation (discrimination des femmes) dans les transports publics, les écoles et l’accès aux cliniques. Les États qui appliquent la charia financent largement les pèlerinages à la Mecque et la construction de mosquées, mais sont beaucoup moins généreux à l’égard des édifices religieux chrétiens et des pèlerinages à Jérusalem. Beaucoup d’Églises chrétiennes dans le nord, et quelques groupes musulmans basés dans le sud du pays, se sont plaints que les autorités locales prétextaient des normes d’urbanisme pour interdire la construction de nouveaux lieux de culte.

Dialogue interreligieux

La Christian Association of Nigeria (CAN) est la principale association œcumé-nique des chrétiens du Nigeria ; elle agit aussi bien en tant qu’organisation collective de défense des droits des chrétiens que pour promouvoir les relations interreligieuses avec les musulmans. Ces dernières années, le plus important forum de dialogue interreligieux et de coopération pour le maintien de la paix religieuse a été le Nigerian Inter-Religious Council (NIREC), composé de 25 repré-sentants musulmans et 25 chrétiens, et conjointement présidé par le Président de la CAN et le sultan de Sokoto, qui est la plus grande autorité musulmane du pays. Malheureusement, le Conseil ne s’est réuni qu’une seule fois en 2011, tandis que ses rendez-vous étaient auparavant trimestriels. L’engagement de gouverneurs d’États du centre et du nord du Nigeria qui ont encouragé les rencontres interconfessionnelles à la suite de graves incidents confessionnels, pour empêcher qu’ils ne se répètent, a au contraire été positif. Dans les États de Kano et de Kaduna, d’importants chefs musulmans ont rendu des visites de solidarité dans des lieux de culte chrétiens frappés par les at-taques de Boko Haram, organisation terroriste d’extrémistes islamistes, et ont rencontré des leaders chrétiens menacés par ces mêmes terroristes. A l’occasion de protestations contre le renchérissement du prix des carburants, les chrétiens ont protégé les musulmans au moment de leur prière. Des chrétiennes et des musulmanes ont protesté au cours d’une manifestation unitaire à Maiduguri, dans l’État de Bauchi, contre les actions de Boko Haram, notoirement présent et actif dans la localité.

Intolérance et discrimination

Les actes d’intolérance et de discrimination religieuse les plus répandus sont ceux déplorés par les différentes communautés chrétiennes présentes dans les États les plus islamisés du Nigeria (qui coïncident presque toujours avec les 12

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États qui ont introduit la charia dans leur législation). Ils comprennent : fausses accusations de blasphème contre l’islam à la suite desquelles des étudiants ou professeurs chrétiens sont contraints d’abandonner l’école qu’ils fréquentent ou dans laquelle ils enseignent ; refus de permis de construire des lieux de culte et cimetières chrétiens, et démolition d’églises considérées comme illégales ; enlèvements et conversions forcées d’adolescents, surtout des filles, qui se concluent par des mariages avec des musulmans ; discrimination au détriment des chrétiens dans les emplois publics et dans la fourniture de services publics ; intimidations et menaces de mort contre les musulmans qui se convertissent au christianisme ; procès contre des chrétiens auprès des tribunaux de la charia malgré l’exemption prévue par la loi ; imposition du code vestimentaire islami-que aux étudiantes chrétiennes dans les écoles publiques ; manipulation des critères d’inscription des élèves dans les écoles et universités publiques afin de ne privilégier l’inscription quede musulmans.Les membres de l’ethnie maguzawa, qui fait partie des haoussas, sont très discriminés parce qu’ils n’adhèrent pas à l’islam comme les autres tribus haoussas. Considérés comme « indigènes » dans les États du nord en vertu de la législation nigériane, les maguzawas (qui sont généralement adeptes de religions traditionnelles ou membres d’Églises chrétiennes) sont discriminés à l’embauche dans la fonction publique et exclus des écoles publiques parce qu’ils n’embrassent pas la foi islamique.

Actes de violence sur fond religieux

De 1999 à la fin de 2011, il y a eu 14 000 nigérians tués au cours de violences interreligieuses entre musulmans et chrétiens. Dans la seule semaine qui a suivi les élections présidentielles du 16 avril 2011, au moins 800 personnes ont été tuées et 65 000 ont été forcées d’abandonner leurs maisons, souvent détruites, à la suite des émeutes qui ont éclaté dans de nombreux États du nord à cause de la victoire du sudiste chrétien Goodluck Jonathan et de la défaite du candidat nordiste musulman Muhammadu Buhari.

Le terrorisme de Boko Haram

Les attaques terroristes de Boko Haram ont augmenté de façon exponentielle en 2011. Leurs cibles principales, outre les institutions fédérales des différents États et leur personnel, sont les églises et résidents chrétiens des États du centre et du nord, avec l’objectif avoué d’éliminer le christianisme de cette partie du territoire nigérian. Juste après avoir commis des attentats contre les églises de cinq villes, le jour de Noël, Boko Haram a répandu des communiqués pour ordonner à tous les chrétiens de quitter les États du centre et du nord du

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Nigeria dans les trois jours s’ils ne voulaient pas être tués. Les attaques ont repris à la fin de l’ultimatum. Même certains chefs musulmans traditionnels, qui avaient publiquement critiqué Boko Haram, sont devenus les cibles d’attentats de l’organisation. Au moins trois d’entre eux ont été assassinés.

Violence postélectorale en avril 2011

Les violences, qui ont suivi les élections présidentielles du 16 avril, ont été déclenchées par des motivations éminemment politiques, mais ont également gravement violé la liberté religieuse dans la mesure où des individus ont été attaqués sur la base de leur appartenance religieuse, et des lieux de culte l’objet d’attaques destructrices. La CAN a relaté qu’au moins 430 églises avaient été endommagées ou détruites. Dans l’État de Kaduna, autrefois tranquille, on signale un grand nombre de victimes, y compris parmi les musulmans.

La situation dans les États de la Middle Belt

Tout au long de l’année 2011, les violences confessionnelles ont eu lieu à une large échelle dans les États de la Middle Belt, et en particulier dans la ville de Jos, capitale de l’État de Plateau. Dans la ville, la séparation entre chrétiens et musulmans est devenue totale, et le moindre incident personnel entre individus de religion différente peut déclencher de vastes violences et un cycle de repré-sailles. Dans les zones rurales de l’État de Plateau, les raids des éleveurs Fulani, musul-mans, contre les villages des paysans Berom, chrétiens, se sont répétés jusqu’à la périphérie même de Jos. Rien que dans la zone de Tafewa Belawa, plus de 70 chrétiens ont été tués au cours de 23 attaques.

Attaques mortelles

La veille de Noël 2010 a été endeuillée par des attentats commis contre des cibles chrétiennes, revendiqués par la secte islamiste terroriste Boko Haram à Maiduguri et à Jos, respectivement capitales des États de Borno et de Plateau. Les attaques dans l’État de Plateau ont déclenché une série de représailles qui ont causé environ 200 morts chrétiens et musulmans au cours du mois de janvier 2011.Aux alentours de Maiduguri, la Victory Baptist Church d’Alemderi et la Church of Christ in Nigeria (COCIN) de Sinimari ont été attaquées le 24 décembre. Six personnes y ont laissé la vie, y compris le pasteur baptiste Bulus Marwa.1

Dans la même journée du 24 décembre, quatre bombes ont explosé à Jos dans

1 Compass Direct News, 28 décembre 2010

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deux quartiers chrétiens de la ville, causant 38 morts. Au cours des représailles qui ont suivi, 8 jeunes musulmans ont été massacrés le 7 janvier dans le village chrétien de Barkin Ladi. Le jour suivant, des groupes de jeunes musulmans ont attaqué des commerçants chrétiens au marché de Dilimi, et le long de la Bauchi Road qui va à Jos. Les victimes – 48 selon la communauté ibo – ont été tuées à coups de machette et de couteau, ou brûlées vives. Dans la même journée, au moins 14 musulmans ont été tués à Jos et aux environs. Certains d’entre eux avaient été capturés à des postes de contrôle improvisés, qui arrêtaient les autobus dans lesquels ils voyageaient, et séparaient les victimes des autres passagers. Le 10 janvier 2011, des hommes armés ont attaqué le village chrétien de Wareng au sud de Jos, y ont brûlé des maisons et tué 11 résidents : quatre femmes et sept mineurs.

D’après les responsables musulmans et chrétiens de Jos, des dizaines de personnes, en majorité des conducteurs de mototaxis, ont disparu au cours du mois de janvier 2011. D’après la liste, 42 résidents musulmans auraient disparu et 51 chrétiens2.Des raids nocturnes dans les villages chrétiens de Farin Lamba et de Fan au cours de la seconde moitié de janvier ont causé huit morts. Dans d’autres villages de la même zone, 13 personnes ont été tuées au cours de cinq attaques durant les deux semaines précédentes3.

Dans la nuit du 26 au 27 janvier, quatre villages chrétiens de la commune de Barkin Ladi ont été attaqués par des hommes armés qui ont causé 14 morts. Les forces spéciales de l’armée ont capturé 29 agresseurs et tué 2 d’entre eux. Un policier d’Abuja (la capitale fédérale) était à la tête des assaillants.Entre le 28 et le 30 janvier, des heurts entre étudiants chrétiens et musulmans à l’intérieur de l’université de Jos ont causé 4 morts et 20 blessés, dont certains à cause de l’intervention des forces armées.

Les violences de l’État de Plateau ont également provoqué de nombreuses protestations de la part de groupes de chrétiens qui ont dénoncé l’insuffisance de la protection policière accordée, voire la complicité de la police avec les assaillants. Le 31 décembre, des milliers de chrétiennes ont effectué une marche de protestation à Jos contre les troupes spéciales de la Special Task Force, accusées de se ranger aux côtés des extrémistes musulmans. On a pu lire dans une annonce publiée par la presse le 24 janvier, et signée par le révérend J.F. Katung et S. Dangana, respectivement vice-président national et secrétaire de la Pentecostal Fellowship of Nigeria (PFN) : « Nous déplorons les nombreux cas dans

2 Human Rights Watch, 27 janvier 20113 allafrica.com, 24 janvier 2011

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lesquels des soldats musulmans ont aidé et participé à des attaque de villages. Dans un État à majorité chrétienne comme celui de Plateau, nous nous demandons pourquoi toute la structure de commandement de la police de l’État est dirigée par des musulmans ».

Dans une déclaration du 23 janvier, le président et le secrétaire de la filiale de l’État de Plateau de l’Association Chrétienne du Nigeria (CAN), les révérends Mwelbish Dafes et Chuwang Davou, ont affirmé : « Il semble ne pas y avoir de sérieuses tentatives de gérer la situation de manière appropriée, aussi bien pour prévenir de futures attaques que pour poursuivre résolument les responsables, dans un but de dissuasion ». De manière plus générale, les responsables chrétiens se plaignent que les attaques de la veille de Noël aient été annoncées depuis longtemps, sans que les dispositifs de sécurité aient été renforcés4.Neuf autres chrétiens de tous âges ont été assassinés près de l’école agricole de Kuru et dans le village de Shekan, tous deux non loin de Jos, dans les nuits du 10 au 12 février5.

Entre le 27 janvier et le 1er février, des heurts dans les territoires des communes de Tafawa Balewa et de Bogoro, dans l’État septentrional de Bauchi, ont causé 96 morts, en majorité chrétiens, et ont laissé 5000 sans-abris. Une dispute entre voisins chrétiens et musulmans a poussé un groupe de chrétiens à attaquer 5 mosquées et 50 maisons de résidents musulmans, ce qui a déclenché une vive réaction de la part des musulmans, avec l’utilisation d’armes cachées depuis longtemps dans des dépôts secrets, et l’intervention de mercenaires. C’est la cinquième fois depuis 1991 que des incidents interreligieux ont lieu à Tafawa Balewa6.

Le 10 mars, d’autres incidents ont été relatés à Tafawa Balewa, résultant de la destruction de 13 églises et 450 maisons. Ils ont provoqué la fuite de 5000 autres personnes7.Le 20 mars, deux attentats contre des églises de Jos ont échoué. Deux terroristes ont perdu la vie lors de l’explosion de la bombe qu’ils prévoyaient de faire sauter près de la Church of Christ in Nigeria, dans le quartier de Nasarawa Gwom, et un autre engin a été désactivé près de la Mountain on Fire Church. Dans la même journée, 3 chrétiens ont été tués et 6 hospitalisés pour des blessures à l’arme blanche8.Entre le 16 et le 20 avril, la violence s’est répandue dans au moins dix États du nord du Nigeria, suite aux élections présidentielles qui ont vu la confirmation du

4 Compass Direct News, 4 février 20115 ICC www.persecution.org, 14 février 20116 Compass Direct News, 15 février 20117 Release International, 22 mars 20118 The Christian Post, 21 mars 2011

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chef d’État sortant, Goodluck Jonathan, un chrétien du sud. Des foules de jeunes musulmans sympathisants du candidat vaincu, le général Muhammadu Buhari, ont attaqué et incendié des maisons, magasins et lieux de culte des partisans du vainqueur, en majorité chrétiens. Au moins 200 églises chrétiennes ont été détruites ou gravement endommagées au cours des attaques.

Deux temples protestants ont été brûlés à Kaduna et à Zaria, où un homme a été tué pendant qu’il cherchait à empêcher la destruction d’un temple ; deux autres églises ont été incendiées à Wusasa, cinq à Katsina et un nombre indéterminé à Kano. Dans l’État de Gombe, des étudiants musulmans mineurs ont pris d’assaut des églises et des vicariats, et brûlé des commerces, tandis que l’évêque angli-can Henry Ndukuba a dû être protégé par deux équipes de police antiémeute9.La maison d’un pasteur et cinq églises, dont l’église catholique Saint Jude, ont été détruites dans l’État de Zamfara. L’église Saint Vincent Ferrer, à Gusau, a également été attaquée et gravement endommagée. Les sœurs dominicaines, actives dans la paroisse, ont dû trouver refuge dans un village voisin10.

Rien que dans l’État de Kaduna, les violences ont causé la mort d’environ 300 chrétiens et la fuite de 14 000 Dans l’État de Katsina, 65 églises ont été brûlées ou endommagées, y compris des églises catholiques telles que Saint-Gabriel à Daura et Sainte-Thérése à Funtua, toutes deux complètement détruites. Même la clinique paroissiale de Malumfashi, située non loin, a été incendiée, et les lits de la pièce principale ont été détruits. Plus de 100 chrétiens, femmes, hommes et enfants, de la ville frontalière de Jiba ont cherché refuge au Niger voisin, d’autres sont partis pour les États du sud dont ils étaient originaires. Sept chrétiens ont été tués et beaucoup d’autres blessés.

Dans l’État de Bauchi, 28 chrétiens, parmi lesquels le révérend Isman Dogari de l’Evangelical Church of West Africa, ont été tués, tandis que 78 bâtiments ecclésiastiques et autres propriétés ont été incendiés entre le 16 et le 19 avril 2011. Dans l’État de Gombe, 38 chrétiens ont été assassinés, 17 églises et 27 édifices privés incendiés, et 11 automobiles détruites. Dans l’État de Jigawa, 17 églises ont été brûlées à Hadeija et sept à Jahun.

Les leaders chrétiens ont demandé une enquête fédérale sur les violences pos-télectorales. « Les violences ont été à la fois politiques et religieuses, parce que les chrétiens, leurs églises et leurs propriétés ont été les principales cibles des destructions accomplies par les auteurs des violences », ont déclaré dans un communiqué de presse du 30 avril le président et le secrétaire de la section

9 ICC www.persecution.org, 21 avril 201110 The Nigerian Voice, 20 avril 2011

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septentrionale de la Christian Association of Nigeria (CAN), Peter Jatau et Saidu Dogo. « La CAN, présente dans les 19 États du nord », poursuit la déclaration, estime « que le temps est venu que le gouvernement fédéral franchisse une étape décisive pour mettre fin aux massacres persistants qui se produisent dans le nord sous la forme du fanatisme religieux, et traduise en justice leurs auteurs ». Mgr Jonas Katung, vice-président national de la Communion Pentecôtiste de la zone nord et centre du Nigeria, a affirmé, dans une déclaration du 29 avril 2011, que les attaques postélectorales représentaient « une descente dans la barbarie » dans laquelle les chrétiens du nord sont devenus des cibles et ont été soumis sans aucune trêve à des actes horribles11.

Les violences postélectorales ont été condamnées par les plus hautes autorités religieuses du pays, y compris par le président national de la CAN, le pasteur Ayo Oritsejafor et le sultan de Sokoto Alhaji Sa’ad Abubakar. Dans une déclaration commune du Nigeria inter-Religious Council (NIREC), ils ont tous deux affirmé que les religions avaient horreur des meurtres d’innocents, et que « avoir recours à la violence était un travestissement de nos enseignements religieux et une trahison de notre appel à la foi (…). Le NIREC implore tous les nigérians d’avoir recours à tous les moyens constitutionnels pour obtenir réparation des préjudices présumés, plutôt que de se faire justice soi-même »12. Dans certains cas, les attaques ont donné lieu à des contre-offensives, accomplies en général par des groupes de jeunes chrétiens, causant des victimes et des dommages parmi la population musulmane.

Le 29 avril 2011 à Dengi, dans l’État de Plateau, une église de l’Evangelical Church Winning All (ECWA), un magasin d’articles musicaux appartenant à un chrétien, et les maisons de cinq familles chrétiennes de différentes confessions, ont été détruits par une bande de musulmans qui s’étaient auparavant plaints que la musique en provenance du magasin dérangeait leur prière.

Durant la nuit du 4 mai, une bande d’extrémistes musulmans a attaqué le village de Kurum dans la province de Bogoro, dans l’État septentrional de Bauchi, en incendiant 20 maisons de chrétiens et en assassinant 16 personnes à coups de machette et d’armes à feu. Les victimes sont un homme, trois femmes et 12 en-fants parfois très jeunes. Parmi ces victimes se trouvent quelques membres de la famille du pasteur James Musa Rike, de la Church of Christ in Nigeria (COCIN) : sa femme Dunes James Rike (35 ans), leur fille Sum James Rike (13 ans) et Fyali James Rike (1 an). Pendant leur longue agonie, le pasteur a fourni un réconfort spirituel à

11 Compass Direct News, 3 mai 201112 Eni News, 20 avril 2011

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sa femme et à sa fille Sum, blessées intentionnellement à l’abdomen13. Le 1er et le 7 juin 2011, l’église catholique St. Patrick, à Maiduguri (État de Borno), a été deux fois attaquée par des terroristes qui ont lancé des engins explosifs, causant en tout 10 morts. Le 1er juin, en plus de l’église catholique, d’autres institutions ont été attaquées, pour un bilan total de 14 morts. Par la suite, 14 suspects ont été arrêtés.

Dans la journée du 7 juin, toujours à Maiduguri, des terroristes du groupe Boko Haram ont tué le révérend David Usman, 45 ans, et Hamman Andrew, respectivement pasteur et secrétaire d’une église affiliée à la Church of Christ in Nigeria (COCIN), dans les quartiers de Railways où se trouve l’église. Le pasteur Usman avait critiqué dans ses sermons les activités terroristes de Boko Haram contre les églises chrétiennes dans l’État de Borno14.L’après-midi du 16 juin, des militants de Boko Haram ont attaqué un lieu de culte de la Church of the Brethren à Damboa, à 87 km de Maiduguri, causant la mort de 4 personnes15.

Des terroristes de Boko Haram ont lancé une bombe contre un édifice de la All Christian Fellowship Mission, à Suleja, dans l’État de Niger, alors que les fidèles sortaient d’un office religieux le 10 Juillet. Trois fidèles ont été tués16.Trois bombes ont explosé, dans la nuit du 30 juillet et au matin du 31 juillet, contre autant d’églises d’un quartier à majorité musulmane de la ville de Jos (État de Plateau). Les explosions ont frappé une église baptiste du quartier Angwan Rimi, qui n’était déjà plus utilisée en raison d’un précédent attentat, une église de la Church of Christ in Nigeria (COCIN) à Sarkin Mangu Street, et un lieu de culte des Assemblies of God dans le quartier de Kwarrarafa17.

De nombreux témoignages affirment que les extrémistes islamiques, qui ont causé la mort de 24 chrétiens dans une série d’attaques contre des villages du centre de l’État de Plateau, dans la première moitié du mois d’août, ont agi avec l’assistance de personnel de l’armée. Les attaques dans le village de Ratsa Foron ont eu lieu les 11 et 15 août, avec un bilan total de 6 chrétiens tués ; toujours le 15 août, des extrémistes musulmans ont assassiné 9 membres d’une même famille chrétienne ainsi qu’un autre chrétien dans le village de Heipang. L’un des survivants de la famille exterminée a témoigné sous serment que des éléments de l’armée avaient participé à l’attaque.

13 Compass Direct News, 10 mai 201114 Compass Direct News 10 juin 201115 Compact Direct News, 13 juillet 201116 Compact Direct News, 19 juillet 201117 Compass Direct News, 2 août 2011

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Le 14 août, des extrémistes musulmans ont tué deux chrétiens et blessé une femme au sein de la communauté de Chwelnyap, près de Jos. Des témoins oculaires ont confirmé la participation d’éléments musulmans de la Special Task Force de l’armée, unité envoyée pour maintenir l’ordre dans la région et mettre fin aux violences sectaires.La participation active ou passive de militaires à des attaques menées par des extrémistes musulmans a même été dénoncée pour les attaques des 20 et 21 août contre les villages de Kwi, Loton et Jwol, où six autres chrétiens ont été tués18.

À l’aube du 21 août, le village chrétien de Fadiya Bakut, dans la province de Zango-Kataf (dans l’État de Kaduna), a été attaqué. Une dizaine de musulmans en provenance de la République du Niger ont attaqué quelques maisons, tuant un adulte et un enfant de 10 ans, Fidelis Ishaku, et blessant trois autres person-nes, dont une femme de 70 ans19.

Le 27 août, dans la ville de Maiduguri, capitale de l’État de Borno, Mark Ojunta, 36 ans, a été assassiné à coups d’arme à feu. Il était pasteur évangélique de la Calvary Ministries (CAPRO), une organisation protestante nigériane spécialisée dans l’évangélisation des musulmans. Après avoir reçu des menaces de mort de la part de Boko Haram, tous les ministres qui travaillaient auprès des ethnies Shuwa Arab, Kotoko et Kanuri ont été évacués de la localité avec leurs familles, mais Mark Ojunta était revenu pour enseigner quelques catéchumènes kotoko. Son nom figurait dans une liste de pasteurs protestants condamnés à mort par Boko Haram20.

Le 29 août, 20 personnes ont été tuées à l’arme blanche, à Jos, au cours d’affron-tements de nature religieuse dans un quartier à majorité chrétienne où quelques musulmans avaient organisé une prière publique au moment du Ramadan. 50 automobiles et 100 motocyclettes ont également été détruites21.

Le 4 septembre, des extrémistes musulmans ont attaqué le village de Tatu près de Heipang, tuant 8 chrétiens, tous membres de la même famille (Chollom Gyang, sa femme Hannatu, et leurs 6 enfants, dont le plus jeune avait l’âge de 3 ans). Ils ont tiré des coups de feu sur les victimes puis les ont massacrées à la machette.

Dans le village de Zakalio, qui fait partie de la province de Jos Nord, des extré-

18 Compass Direct News, 28 août 201119 Compass Direct News, 31 août 201120 Compass Direct News, 17 octobre 2011 21 African Spotlight, 29 août 2011

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mistes musulmans ont tué 7 chrétiens à deux heures du matin le 5 septembre. Le même jour, un autre groupe de musulmans a attaqué les communautés chré-tiennes de Dabwak Kuru et de Farin Lamba (dans les provinces de Jos Sud et de Riyom), tuant 4 personnes.Le 8 septembre, des extrémistes musulmans ont attaqué le village de Tsohon Foron, tuant 10 chrétiens, tous membres de la famille de Danjuma Gyang Tsok. Les survivants ont témoigné que les assaillants étaient assistés par des membres des forces armées.

Dans la soirée du 9 septembre, un commando mixte de militaires et de ci-vils musulmans a attaqué les maisons des résidents locaux chrétiens, dans le village de Vwang Kogot, tuant 14 personnes, y compris une femme enceinte. De nombreuses victimes faisaient partie de la même famille. Les noms des personnes assassinées sont : Mallam Danboyi, Zaka Danboyi, Ngyem Danboyi, Hjan Badung, Naomi Gyang, Rifkatu (15 ans), Patience (9 ans), Ishaku (5 ans), Nerat (4 ans), Dauda Badung (22 ans), Martha Dauda (20 ans), Mary Dauda (6 ans), Isaac Dauda (4 ans) et Mafeng Bulus (18 ans, la femme enceinte).

Le 10 septembre, des extrémistes musulmans ont attaqué le village de Vwang Fwil à trois heures du matin, tuant 13 chrétiens et en blessant beaucoup d’autres. Les personnes assassinées étaient : Danjuma Gyang Tsok (chef de famille des victimes de Tsohon Foron), Polohlis Mwanti, Perewat Polohlis (9 ans), Patience Polohlis (3 ans), Blessing Polohlis (5 ans), Paulina Pam (13 ans), Maimuna Garba, Kale Garba, Hadiza Garba (10 ans) et Aisha Garba (3 ans)22.

Des extrémistes musulmans ont tué trois chrétiens et en ont blessé huit autres dans la nuit du 17 septembre, dans le village d’Ungwan Rana Bitaro, dans la province de Jaba (État de Kaduna). Les assaillants, en tout une quinzaine, ont d’abord traîné leurs victimes hors de chez elles, puis leur ont tiré dessus et les ont frappées à coups de machette. Monday Hassan (55 ans), sa fille de 13 ans Godiya, et son neveu de 35 ans Istifanus Daniel ont été tués. Dans la soirée du 22 septembre, des terroristes présumés du groupe Boko Haram ont assassiné cinq commerçants chrétiens dans la petite ville de Madala, dans l’État de Niger. Les assaillants sont passés de boutique en boutique, en ordonnant aux commerçants de réciter des versets du Coran, passant par les armes ceux qui n’y parvenaient pas. Les personnes assassinées sont Sunday Emmanuel, John Kalu, Uche Nguweze, Oliver Ezemah et une cinquième personne non identifiée23.

22 Compass Direct News, 22 septembre 201123 Compass Direct News, 27 septembre 2011

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Les 3 et 4 novembre, des extrémistes musulmans ont attaqué deux villages situés près de Zonkwa, dans l’État de Kaduna, causant au total la mort de 3 personnes et en blessant 12 autres. Les cibles principales étaient le village de Tabak, où l’église catholique St. Joseph a été attaquée, et le village de Kurmin-Bi. Les deux attaques ont eu lieu vers dix heures du soir. Justina Zugwai Isaac (28 ans) et Hassana Luka (39 ans) ont été tuées lors de la première attaque, et Hassan Peter au cours de la seconde24.

Le 4 novembre, à cinq heures de l’après-midi, un groupe de plus de 200 mem-bres de Boko Haram a attaqué la ville de Damaturu, dans l’État de Yobe, en ciblant les commissariats de police, les casernes de l’armée et les banques, et en perpétrant un massacre dans l’unique quartier chrétien de la localité. À New Jerusalem, où vivaient 15 000 chrétiens, 130 personnes ont été tuées et 10 églises ont été bombardées. Bon nombre des victimes ont été massacrées après que les assaillants ont vérifié leur religion en cherchant à leur faire réciter de force des versets du Coran. Selon des témoignages, des musulmans résidant dans la ville se sont joints aux assaillants25.

Entre le 20 et le 24 novembre 2011, 45 chrétiens de l’ethnie berom ont été tués dans la petite ville de Barkin Ladi et aux alentours, dans l’État de Plateau. Trois chrétiens ont été tués entre le 20 et le 21 novembre, parce qu’ils étaient accusés de vol de bétail. Au cours des deux assauts qui ont suivi, des centaines d’éleveurs fulani, assistés par des membres de l’armée, ont d’abord attaqué un lieu de culte de la Church of Christ in Nigeria (COCIN) le soir du 23 novembre, tuant quatre personnes parmi lesquelles une catéchiste, puis le jour suivant, ils ont attaqué les chrétiens de Barkin Kadi et du village de Kwok, causant 26 morts. L’attaque du 24 novembre a eu lieu après la prière du matin à la mosquée de la secte Izala, et a été conduite au cri de « Allah akbar »26.

À deux heures du matin, le 18 novembre, un raid de musulmans d’un village voisin a causé la mort de quatre chrétiennes (dont trois mineures) dans le village de Gargari, qui fait partie de la province de Bogoro (État de Bauchi). Les victimes sont Laraba Samaila (12 ans), Rifkatu Samaila (48 ans), Gloire Zakka (11 ans) et Martha Zakka (7 ans). Six autres chrétiens ont été blessés.

Le 26 novembre 2011, en fin d’après-midi, un convoi automobile de terroristes de Boko Haram a investi la ville de Geidam dans l’État de Yobe. Après avoir attaqué le poste de police et la principale banque, ils ont déterminé, avec l’aide

24 Compass Direct News, 8 novembre 2011 25 Compass Direct News, 11 novembre 201126 Compass Direct News, 28 novembre 2011

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de résidents locaux, les propriétés, commerces et églises des 700 chrétiens de la localité, et les ont systématiquement détruits. Cinq des huit églises de la ville ont été bombardées : l’église catholique St. Patrick, l’Emmanuel Anglican Church, la Living Faith Church, la Deeper Life Bible Church, et la Cherubim and Seraphim Church. Les édifices détruits se trouvaient dans les quartiers de Kafela, Akodiri Street et low-Cost Housing Estate27.Un mort et 10 blessés (dont 4 graves) est le bilan des trois bombes qu’ont fait exploser des extrémistes musulmans, le soir du 10 décembre, dans trois différents quartiers chrétiens de la ville de Jos (État de Plateau), où était projetée en public une partie de football28.

Dans la nuit du 10 décembre, des éleveurs fulani et d’autres musulmans ont attaqué le quartier chrétien du village de Kukum Gida, dans l’État de Kaduna, tuant une femme et en blessant deux qui faisaient toutes partie de la même famille chrétienne : la victime est Kunam Musa Blak (50 ans), de l’Evangelical Church Winning All (ECWA), comme les 425 autres résidents29.

Le jour de Noël 2011, des terroristes de Boko Haram ont revendiqué des attentats à l’explosif commis contre des églises chrétiennes à Madalla (État de Niger), Jos (État de Plateau), Gadaka et Damaturu (État de Yobe). L’attentat le plus sanglant a été celui de Madalla, où une voiture piégée a causé la mort de 45 personnes et en a blessé 73 autres parmi les fidèles qui sortaient de l’église catholique Sainte Thérèse, à la fin de la messe, y compris les 3 policiers de garde.

Mgr John Olorunfemi Onaiyekan, archevêque d’Abuja (à 60 km de Madalla), a déclaré à l’agence Fides : « J’espère que ces personnes ne sont pas mortes en vain, les nigérians sont en train de réaliser que le terrorisme nous menace tous, chrétiens et musulmans. (…) Le lendemain de Noël, lorsque je me suis rendu avec le Nonce sur le lieu de l’attentat, en présence du Ministre de l’Intérieur, j’ai profité de l’occasion pour lancer un puissant appel, par l’intermédiaire de la presse locale, aux responsables musulmans du Nigeria pour qu’ils fassent quelque chose. Même si les chefs religieux musulmans continuent d’affirmer que les membres de Boko Haram n’appartiennent pas au véritable islam, ils doivent cependant reconnaître qu’il s’agit là de musulmans, peu importe qu’ils soient bons ou mauvais, et que ce sont eux, les chefs, qui sont le plus capable de les identifier, c’est pourquoi ils doivent montrer qu’ils le font ».

L’attaque des églises Mountain of Fire et Miracles Church, à Jos, a causé la mort

27 Compass Direct News, 2 décembre 201128 Compass Direct News, 15 décembre 201129 Compass Direct News, 20 décembre 2011

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d’un policier. Il y a eu quelques blessés mais aucun mort lors des attentats de Gadaka et Damaturu. « Les fidèles ont des raisons d’avoir peur après un incident comme celui-là, mais ils sont affermis par le sang des martyrs et n’ont pas cessé d’aller à la messe », a déclaré le révérend Joseph Akor, responsable de la communication du diocèse de Minna, dont fait partie la paroisse Sainte Thérèse qui a été frappée30.

Le 21 janvier 2012, plusieurs bombes explosent simultanément dans la ville de Kano. Bilan, 194 morts et de nombreux blessés. Le 26 février 2012, un attentat suicide devant une église de Jos fait 3 morts. Le 11 mars 2012, un kamikaze se fait exploser devant une église de Jos, faisant 8 morts. A Pâques 2012, une bombe explose près d’une église protestante à Kaduna, faisant 38 morts et des dizaines de blessés. Le 2 mai 2012, un attentat perpétré devant un marché aux bestiaux fait au moins 34 morts et des dizaines de blessés. Le dimanche 23 septembre 2012, un kamikaze se fait exploser devant une église du nord du pays, l’église ca-tholique St John de la ville de Bauchi, faisant trois morts dont un enfant de 4 ans. La spirale de la violence semble échapper complètement au contrôle du gouver-nement, que l’archevêque de Jos, Mgr Kaïgama, a accusé de ne pas tout mettre en oeuvre pour remédier à la situation.

Sources consultées :allafrica.com

Christian Solidarity Worldwide

Christian Today

Compass Direct News

ENI News

International Christian Concern (www.persecution.org)

International Coalition for religious freedom

jihadwatch.org

Portes OuvertesRelease International

The Christian Post

This Day

United States Commission on International Religious Freedom 2012 Annual Report

U.S. Department of State International Religious Freedom Report july-december 2010

Worldwide Religious News

30 Compass Direct News, 29 décembre 2011

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2011 aura été annus horribilis pour la liberté religieuse au Pakistan. L’année restera dans l’histoire comme l’une des plus violentes, sanglantes et tragiques de l’histoire du pays. Elle a été marquée pour toujours par deux assassinats majeurs : celui du gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, et celui du ministre fédéral pour les minori-tés, le catholique Shahbaz Bhatti. Deux meurtres liés à la liberté religieuse, dans la mesure où les deux leaders (l’un musulman, l’autre chrétien) ont été victimes des extrémistes islamistes parce qu’ils étaient favorables à l’abolition, ou du moins la modification, de la loi dite sur le blasphème. Cette loi (deux articles du Code pénal pakistanais, le 295 b et le 295 c) punit d’emprisonnement à perpétuité ou de peine de mort ceux qui offensent le Coran ou le prophète Mahomet. Depuis son entrée en vigueur (1986), cette loi, d’après laquelle la charge de la preuve n’incombe pas à celui qui accuse, est utilisée pour résoudre des litiges privés, et également comme moyen d’oppression des minorités religieuses. Le cas particulier qui a coûté la vie aux deux leaders pakistanais est celui d’Asia Bibi, une chrétienne condamnée à mort sous la fausse accusation de blasphème.D’après CSW1, une ONG qui surveille les droits de l’homme, la liberté religieuse et le sort des chrétiens dans le monde, l’extrémisme musulman, l’intolérance grandis-sante, le non-droit et l’impunité ont jeté sur la liberté religieuse au Pakistan un voile sombre.

Le cadre légal de la liberté religieuse

La loi sur le blasphème « transfert le pouvoir de l’État aux mains des extrémistes islamistes », a expliqué la Commission « Justice et Paix » des évêques du

1 Christian Solidarity Worldwide, Religious freedom in the shadow of extremism, 1/07/2011

SURFACE796 095 Km2

POPULATION184 753 300

RÉFUGIÉS1 702 700

DÉPLACÉS980 000

APPARTENANCE RELIGIEUSE

Musulmans 96,2%Chrétiens 2,2% Catholiques 0,7% / Protestants 1,2% / Autres Chr. 0,3%

Autres 1,6%

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Pakistan, qui tire la sonnette d’alarme pour le respect de la liberté de conscience et de religion.D’autre part, la loi sur le blasphème a été approuvée sans passer par le parle-ment, à l’époque du dictateur Zia Ul Haq (1977-1988), qui avait lancé un vaste programme d’islamisation de la société et de la nation. La Constitution même du Pakistan, issu de la partition de l’Inde britannique en 1947, avait été établie sur des bases laïques, grâce à l’intuition du père de la Nation, Ali Jinnah. Le Pakistan, la « terre des pures », voulait être une terre pour les musulmans du sous-continent indien, et non une terre musulmane, gouvernée par la charia. Le virage islamiste a donc été ultérieur, et les conséquences s’en font sentir aujourd’hui.Donc au niveau juridique, la question principale de 2011 au Pakistan n’était pas l’adoption de nouvelles mesures de restriction de la liberté religieuse, mais l’absence d’abolition des lois limitant fortement la liberté et les droits des fi-dèles, en alourdissant le système de discrimination et, dans certains cas, de persécution des minorités religieuses.La révision éventuelle ou l’abolition de la loi sur le blasphème, également connue sous le nom de « loi noire », étaient en effet au centre des débats. Sherry Rehman, qui était député du parti du peuple pakistanais, Président du prestigieux « Jinnah Institut » de Karachi, et avait été nommé ambassadeur du Pakistan aux États-Unis, présenta à l’Assemblée Nationale une proposition de loi modificative de la loi sur le blasphème, suite au cas d’Asia Bibi. Cette proposition de loi prévoyait entre autres cinq ans d’emprisonnement au lieu de la peine de mort pour les cas de blasphèmes présumés, des sanctions sévères pour les per-sonnes ayant effectué de fausses accusations de blasphème ou incité à la haine religieuse, la compétence de la Haute Cour pour les affaires de blasphème, et la nécessité de preuves et de garanties avant d’arrêter un accusé2. La proposition a provoqué le soulèvement des groupes et partis religieux extrémistes, culminant lors de l’accusation de blasphème de Rehman lui-même. La proposition de loi a été retirée et le débat a été définitivement clos après l’assassinat de Taseer et Bhatti : l’extrémisme violent, en l’espèce, a eu la primauté sur le droit et la liberté religieuse.Pourtant, tout n’a pas été négatif. L’augmentation de la pression internationale sur le gouvernement pakistanais a eu un certain effet. Au cours de l’année 2011, le Pakistan a changé d’attitude et a renoncé à sa demande de d’interdiction, au niveau international, deconsidérer la diffamation religieuse comme discours interdit. Dans le passé, le Pakistan et d’autres États islamiques avaient promu au niveau international une sorte de « campagne contre le blasphème », dans le but de combattre la diffamation des religions et d’interdire les critiques à l’encontre

2 Agence Fides 23/11/2011

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des religions (surtout de l’Islam). Le vrai risque était qu’à travers le concept de « blasphème », tout débat sur la laïcité soit banni. La résolution adoptée par le Conseil des droits de l’Homme, respectant au contraire le système traditionnel des droits de l’homme et le respect des différentes confessions et religions, note la complémentarité entre la liberté de religion et la liberté d’expression. A l’intérieur de ses frontières, le Pakistan a aboli en 2011 le Ministère fédéral pour les minorités religieuses, mesure faisant partie d’un plan général de décen-tralisation des structures gouvernementales appelé « 18e amendement », visant à transférer des compétences aux Provinces. Par la suite, il a créé un nouveau Ministère fédéral pour l’harmonie interreligieuse, qui a absorbé une partie des responsabilités concernant les minorités religieuses.

Minorités et abus à l’encontre de la liberté religieuse

Les chiffres et les différentes études sont unanimes et sans ambiguïtés en ce qui concerne la situation difficile des minorités religieuses, l’urgence de protéger la liberté religieuse, et la croissance de l’extrémisme. En effet, trois différents rapports publiés par des organisations d’origines diverses sont en parfait accord et parviennent à la même conclusion : il s’agit de Human Rights Commission of Pakistan (HRCP), une des ONG les plus importantes du pays, la Commission « Justice et Paix », expression institutionnelle de l’Église catholique, et le « Jinnah Institute », groupe de réflexion laïc composé d’intellectuels musulmans.Selon la HRCP, en 2011, au moins 161 personnes ont été inculpées et 9 tuées sans procès, à cause d’accusations de blasphème dues à la « loi noire ». Dans le rapport intitulé « les dangers de la foi », la HRCP a établi en 2011 l’assassinat de 18 défenseurs des droits de l’homme et de 16 journalistes, engagés dans un tra-vail de dénonciation des maux de la société, de la corruption et de l’extrémisme islamique, face auxquels « l’État est resté un spectateur muet »3. La Commission Justice et Paix des évêques pakistanais a invité l’observateur spécial de l’ONU sur la tolérance religieuse à visiter le Pakistan, et demandé au gouvernement pakistanais d’abroger la loi sur le blasphème. Le rapport de la Commission, intitulé « Human Rights Monitor 2011 » remarque que les mino-rités religieuses au Pakistan subissent intolérance religieuse et discriminations sociales, attaques d’églises et d’institutions, propagande religieuse fomentant la haine, violations patentes de la liberté religieuse, conversions forcées, expro-priations de leurs terres et de leurs biens4. En ce qui concerne la loi sur le blasphème, le rapport cite au moins 40 citoyens accusés de blasphème en 2011, dont 15 chrétiens, 10 musulmans, 7 hindous

3 Human Rights Commission of Pakistan, Perils of Faith, 12/20114 National Commission for Justice and Peace, Human Rights Monitor 2011, 09/2011

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et 6 ahmadis. Entre 1986 (année où la loi est entrée en vigueur) et 2011, le nombre de personnes accusées de blasphème et assassinées sans procès s’élève à 37, dont 18 chrétiens et 16 musulmans. Au cours de la même période, 1081 personnes ont été accusées de blasphème. Parmi elles, 138 chrétiens, 468 musulmans, 454 ahmadis, et 21 hindous. Le texte demande la création de deux comités permanents, un pour les droits de l’homme et un pour les minorités religieuses, avec des compétences juridiques et une mission de veille concernant cette situation. Le « Jinnah Institute » – prestigieux groupe de réflexion laïc inspiré par le père de la nation, Ali Jinnah – s’est également intéressé à la liberté religieuse en 2011 et à la situation des minorités religieuses, publiant un rapport intitulé « Une ques-tion de foi »5. Le document relate la détérioration de la situation des minorités religieuses ainsi qu’une forte augmentation de la violence contre les minorités. L’Institut, considérant que la condition et la liberté des minorités religieuses du pays sont cruciales, présente au gouvernement 23 recommandations, telles que : abroger la loi sur le blasphème ou au moins la modifier considérablement afin d’empêcher les abus, adopter dans le Code pénal pakistanais de nouveaux articles pour punir l’incitation à la haine religieuse ou à la violence, limiter l’impunité accordée aux dirigeants musulmans qui prêchent dans les mosquées, réformer la police et la magistrature.

Préjudices dans l’instruction

La question cruciale est celle de l’éducation. L’intolérance envers les minorités religieuses est enseignée sur les bancs d’école, répandue dans les manuels utilisés dans les écoles publiques et privées. C’est ce que révèle une étude me-née en 2011 par la Commission internationale sur la liberté religieuse (« United States Commission on International Religious Freedom », USCIRF), organisme indépendant et bipartite du gouvernement fédéral des États-Unis, qui indique que le système scolaire est à la racine du radicalisme islamique généralisé, et aide à comprendre pourquoi le militantisme est souvent soutenu, toléré et même justifié dans le pays6.L’étude, intitulée « Connecting the dots : education and religious discrimination in Pakistan », a analysé plus de 100 manuels des plus petites classes jusqu’à la Terminale (niveaux 1 à 10), dans quatre provinces du Pakistan. En février 2011, les chercheurs ont visité 37 écoles et lycées publics, interrogeant 277 élèves et enseignants, et 19 madrasas (écoles coraniques), où ils ont interrogé 226 étudiants et enseignants.

5 Jinnah Institute, A Question of Faith, 7/06/20116 United States Commission on International Religious Freedom, Connecting the dots : education and religious discrimination in Pakistan, 9/11/2011

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Résultat : les membres des minorités religieuses sont souvent présentés comme des citoyens inférieurs ou de second rang. Les hindous sont décrits de manière répétée comme des extrémistes et ennemis éternels de l’Islam. Les manuels contiennent des références spécifiques aux chrétiens, généralement négatives, et soutiennent l’idée que l’identité islamique du Pakistan est sous la menace constante des forces anti-islamiques. Ces enseignements islamiques se trouvent non seulement dans les livres religieux, mais aussi dans les livres d’histoire, ce qui signifie que les élèves non musulmans sont endoctrinés par des enseigne-ments à contenu islamique, un fait qui viole la Constitution du Pakistan et le principe universel de la liberté religieuse.

Attaques antichrétiennes

Les actes de violence contre des chrétiens et sites chrétiens ont été nombreux en 2011. De nombreux cas sont tenus secret et ne sont pas évoqués dans ,la presse, parce que les victimes chrétiennes évitent souvent de signaler les faits, par peur de représailles. Ceux qui sont rapportés ci-après ne sont donc que les cas les plus médiatisés, qui ont fait surface dans la presse nationale et internationale, et ne sont que la pointe émergée de l’iceberg par opposition à une masse qui reste cachée sous la surface.Le 28 mars 2011, l’église catholique Saint-Thomas, dans la ville de Wah Canntt, à 50 km de Rawalpindi, a été attaquée par un groupe d’hommes armés et a subi des dommages mineurs. Les vandales ont pénétré dans la cour de l’église, ont jeté des pierres contre les lampadaires et les fenêtres, ont essayé de forcer le portail de l’église et y ont mis le feu. Un domestique, alerté par les bruits, a averti la police et le curé7. Le 17 avril 2011, l’église « United Pentecostal Church », à Gujranwala (Pendjab) a été attaquée par une foule de musulmans radicaux qui ont empêché la cé-lébration de la messe du dimanche des rameaux. Les centaines de chrétiens assemblés ont été obligés de fuir, et beaucoup ont été frappés et malmenés. Paradoxalement, 12 chrétiens ont été arrêtés par la police à la suite de l’incident8. Le Pasteur de l’église, Eric Isaac, qui avait demandé la libération de Mushtaq Gill et de son fils Farrukh Mushtaq Gill, arrêtés le 16 avril en raison de fausses accusations de blasphème, était dans la ligne de mire des extrémistes. Michael Javed, un parlementaire catholique, a suscité un tollé quand il a dé-crit les événements de Karachi (province du Sindh), principale ville du sud du Pakistan, comme un « nettoyage ethnico-religieux »9. Dans certaines banlieues des villes de Essa Nagri (où vivent 700 familles chrétiennes), Ayub Goth (avec

7 Agence Fides, 29/03/20118 Agence Fides, 18/04/20119 Agence Fides, 14/01/2012

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environ 300 familles chrétiennes) et Bhittaiabad, des enfants ont été enlevés et torturés, des rançons demandées aux familles, des abus et des violences commises à l’encontre de la communauté chrétienne. Parmi les nombreux exem-ples de violences perpétrées par les membres de mouvements politiques à forte connotation ethnique (pachtoune) et islamique, Michael Javed a signalé l’existence d’authentiques « cellules de torture », où sont détenus les jeunes chrétiens et violées les jeunes chrétiennes. Le but de cette violence est d’élimi-ner la présence chrétienne de la région.Le Pasteur protestant Jamil Sawan10 a été tué à Karachi, ville qui se caractérise par sa violence sectaire. Un commerçant chrétien de 50 ans, Jamil Masih11, a été abattu à bout portant dans le même quartier de Gulshan-e-Iqbal par deux inconnus alors qu’il ouvrait sa boutique.Les chrétiens ont surtout été frappés au Pendjab, province qui constitue le cœur du pays. Parmi les cas les plus connus, il y a celui de Shahbaz Masih, jeune chrétien tué par des musulmans de Kasur12, et celui signalé par la « All Pakistan Minorities Alliance » (APMA) d’Imran Masih, jeune chrétien torturé et tué par son employeur, un riche propriétaire, dans un contexte de discrimination sociale et religieuse13.Les jeunes filles et femmes chrétiennes sont continuellement victimes de mau-vais traitements : Sonia Bibi, une jeune chrétienne de Kasur âgée de 20 ans, a été violée par un groupe de jeunes musulmans. Rebecca Bibi, chrétienne de Lahore âgée de 20 ans qui travaillait comme femme de ménage, a perdu un œil à la suite des coups infligés par son employeuse musulmane14.Un autre cas a particulièrement fait du bruit : celui de Mariah Manisha, jeune femme catholique de Samundari (Faisalabad) assassinée par un musulman qui l’avait enlevée et voulait l’épouser15. La communauté chrétienne locale considère la jeune fille comme « une martyre de la foi » et l’a surnommée la « Maria Goretti du Pakistan ». Après une enquête de la police et la médiation des chefs chrétiens et musulmans, sa famille a pardonné au meurtrier.Les chrétiens font aussi l’objet d’enlèvements. Le pasteur anglican Robin Javed a été séquestré dans la ville d’Attock (Pendjab) en mai 2011, probablement par des groupes fondamentalistes islamiques liés aux talibans.Le 21 septembre 2012, une église luthérienne a été incendiée lors de mani-festations contre le film islamophobe « l’innocence des musulmans », dans la ville de Mardan, au nord du Pakistan. A cette occasion, la foule qui s’en prenait

10 Asianews 17/11/201111 Pakistan Christian Post, 17/11/201112 Legal Evangelical Association Development, 20/11/201113 Agence Fides 10/02/201114 Agence Fides 2/12/201115 Agence Fides 2/12/2011

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au lieu de culte a tenté de se saisir d’un chrétien. L’homme âgé de 18 ans, a été aspergé d’essence. Il a pu s’en sortir grâce à l’intervention de plusieurs personnes venues à son secours.

Les victimes de la loi sur le blasphème

L’injuste loi sur le blasphème a causé de nombreuses victimes. Ainsi qu’il a déjà été mentionné, elle touche les personnes innocentes et les minorités religieuses, notamment par le biais de fausses accusations. La « Legal Evangelical Association Development » (LEAD), une association de chrétiens de toutes confessions, a signalé que l’évêque protestant Mgr Pervaiz Joseph et le pasteur Baber George, habitants de la région de Lahore, avaient été forcés de fuir à l’étranger parce qu’ils avaient été accusés à tort de blasphème et menacés de mort par des islamistes radicaux16. L’évêque était le représentant chrétien de l’organisation internationale Peace Council For Interfaith Harmony (IPCIH).Pour pouvoir trouver et tuer Amanat Masih, un chrétien accusé à tort de blas-phème – il avait été arrêté en 2007 mais ensuite libéré par un tribunal –, un groupe de militants islamistes, dirigés par un imam, a enlevé Shahzad Masih, 23 ans, fils de Amanat Masih, et son épouse Rukhsana Bibi, 20 ans. Ils les ont séquestrés et retenus en otage pendant 10 jours dans leur village natal, Farooqabad, près de Sheikhpura (Pendjab), ils les ont battus et forcés à réciter des prières musulmanes, sous peine de mort17. Andisheh Masih, un jeune ouvrier chrétien de 25 ans, résident de la ville de Qazi, près de Lahore (Pendjab), a été arrêté suite à de fausses accusations de blasphème. Comme le relate la « Masihi Foundation », organisation qui s’occupe des droits des chrétiens, Khurram Masih, maçon de profession, était en train de brûler des morceaux de bois et de papier à la fin de sa journée. Quand le musulman Abdul Majeed a vu le feu, il a commencé à crier que Khurram Masih avait arraché et brûlé des parties du Coran18. Dans le même temps, le cauchemar judiciaire de Ruqqiya Bibi continue. Elle avait été condamnée en 2010 par le tribunal de Kasur (Pendjab) à 25 ans de prison pour avoir profané le Coran, parce qu’elle l’avait touché avec des mains non lavées. Son mari, Munir Masih, a été condamné à la même peine19. Le cas de Rehmat Masih, catholique de Faisalabad âgé de 72 ans, a au contraire eu une fin heureuse : il a été libéré après 2 ans de prison et d’énormes souffrances dus à une fausse accusation de blasphème.Qamar David, catholique condamné à perpétuité pour blasphème, a été retrouvé

16 Agence Fides 15/11/201117 Agence Fides 4/11/201118 Asianews 6/12/201119 Agence Fides 29/10/2011

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mort le 15 mars 2011 dans la prison à Karachi20. L’Église catholique a demandé aux autorités de clarifier l’affaire : il est difficile de croire à la version officielle des faits qui évoque l’infarctus comme cause de décès.Le Pendjab a été l’épicentre des cas de blasphème : ces dernières années, sur 45 personnes accusées de blasphème au Pendjab, 43 ont été exécutées sans procès, avant même l’enregistrement d’une plainte. Les femmes ne sont même pas épargnées : Agnès Nuggo, catholique de Faisalabad âgée de 50 ans, mariée et mère de cinq enfants, a été accusée de blasphème par quelques musulmans, ses voisins, qui revendiquaient la propriété d’un terrain21. Masiah Gill, un chrétien accusé de blasphème et menacé de mort s’il ne se convertissait pas, a dû se cacher pour se sauver. L’incident s’est produit près de Mardan, une ville de la province de Khyber Pakhtunkhwa (dans le nord du Pakistan), et était lié à l’affaire du pasteur Terry Jones qui a brûlé un exemplaire du Coran aux États-Unis. Dans la même province, à cause d’une erreur de prononciation au cours d’un examen scolaire, une jeune chrétienne de 13 ans, Faryal Bhatti, a été accusée de blasphème22. Prétexte pour la frapper, ainsi que toute sa famille du village d’Havelian, près de Abbottabad, son erreur n’était qu’une banale faute de grammaire en langue ourdou. A la place du mot « naat » (poème de louange), adressé au prophète Mahomet, la jeune fille a prononcé « laanat » (qui signifie « malédiction »), ce qui est une erreur commune pour des enfants parce que la forme écrite des deux termes est similaire. Le directeur de l’école, Asif Siddiqui, a expulsé la jeune fille et appelé les chefs religieux musulmans locaux qui ont déposé plainte pour blasphème auprès de la police.Étant donné les nombreux cas, la société civile a relancé la proposition d’un moratoire sur l’application de la loi sur le blasphème. La proposition a obtenu le soutien de Paul Bhatti, conseiller spécial du premier ministre pour les affaires des minorités religieuses, d’intellectuels, d’éditorialistes et d’érudits et militants des droits de l’homme.

Le cas d’Asia Bibi

L’opinion publique internationale a été particulièrement secouée en 2011 par le cas d’Asia Bibi, une mère de famille chrétienne condamnée à mort à la suite d’accusations de blasphème, et enfermée depuis juin 2009 dans la prison de Sheikhpura, dans le Pendjab. Son cas a incité le Pape Benoît XVI à lancer un appel en son nom en novembre 2010. Lorsqu’un leader musulman a mis sa tête à prix, elle a due être transférée dans une cellule d’isolement au début de 2011

20 Assistnews, 15/3/201121 Agence Fides 22/2/201122 The Express Tribune, 25/9/2011

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pour la protéger d’un possible attentat contre sa vie23.Son cas suscite plus d’une interrogation. Elle a été jugée par un tribunal qui était « sous la pression évidente d’extrémistes islamistes », et pour raison de « vendetta personnelle ». En outre, l’investigation est entachée d’un vice de procédure évident : Asia Bibi n’avait pas d’avocat au cours des interrogatoires préliminaires effectués par la police après la plainte. Pour cette raison, toute la procédure pourrait être invalidée. C’est ce qu’a dit en 2011 le « Jinnah Institut » de Karachi, en se référant au fait que, dès le départ, le cas d’Asia Bibi avait été entaché d’irrégularités et de manipulations24. La « Commission nationale sur le statut de la femme », après une réunion en prison avec Asia Bibi, a établi qu’à peine huit jours après l’incident présumé – lorsqu’Asia aurait prononcé les phra-ses blasphématoires – c’est un chef religieux musulman local, Qari Mohammad Salim, qui a officiellement déposé la plainte conduisant à son arrestation, grâce au témoignage de trois femmes. En plus du fait que le Tribunal l’a condamnée sous la pression des extrémistes musulmans en ignorant les événements réelle-ment survenus, Asia Bibi n’a pas eu droit à l’assistance d’un avocat, alors que ce droit est consacré par la Constitution. C’est un fait grave, suffisant pour invalider la sentence.Dans son rapport de 2010, l’ONG Human Rights Watch (HRW), a fourni plus de preuves de l’état lamentable des droits de l’homme au Pakistan. Pour l’organisa-tion de défense des droits de l’homme, le cas d’Asia Bibi est emblématique de la situation de persécution des chrétiens et des minorités religieuses25.Plus de 580 000 personnes dans plus de 100 pays dans le monde ont signé la pétition lancée par l’organisation « Voix des Martyrs » (VOM). Elle appelle le gouvernement pakistanais à libérer Asia Bibi, qui est devenue un symbole des abus permis par la loi sur le blasphème, tandis que certaines ONG ont soumis le dossier au Conseil de l’ONU pour les droits de l’homme.

Shahbaz Bhatti, martyr de la liberté religieuse

2011 restera dans les mémoires pour le meurtre de Shahbaz Bhatti, 42 ans, catholique et Ministre fédéral pour les minorités religieuses, tué le 2 mars à Islamabad. Selon l’enquête préliminaire, il semblerait que l’attentat doive être attribué au groupe de talibans « Tehrik-i-Taliban-Punjab »26. Dans le cadre de son engagement de militant des droits de l’homme et des minorités religieuses, Shahbaz Bhatti avait fondé le « Christian Liberation Front » et la « All Pakistan Minorities Alliance ». C’était un champion de la liberté religieuse et de la lutte

23 Agence Fides 26/1/201124 Agence Fides 15/9/201125 Human Rights Watch, World Report 2011, 31/1/201126 BBC News, 2/3/2011

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pour la révision de la loi sur le blasphème, ce qui lui a coûté la vie. La Conférence des évêques du Pakistan, réunie en assemblée du 20 au 25 mars à Multan, a décidé de demander officiellement au Saint-Siège que le ministre catholique assassiné Shahbaz Bhatti soit proclamé « martyr et protecteur de la liberté religieuse »27. Sa Bible en ourdou a été exposée dans l’église San Bartolomeo, à Rome, sur l’île du Tibre dédiée aux « nouveaux témoins de la foi ». En outre, « si les mots ont un sens, Salman Taseer, gouverneur du Pendjab, âgé de 64 ans, est lui aussi un martyr », affirme l’hebdomadaire britannique « The Tablet28 ». En vrai « témoin », il a été capable de « demander la modification de la loi sur le blasphème » et a inlassablement défendu l’une de ses victimes, Asia Bibi. Les avocats du meurtrier fanatique de Salman Taseer, Mumtaz Qadri (que les groupes radicaux considèrent comme un « héros »), ont fait appel en son nom devant la Cour d’appel d’Islamabad et la Cour a suspendu la peine de mort prononcée par le tribunal antiterroriste de Rawalpindi, jusqu’à l’issue de la procédure d’appel.

Attaques contre des hindous, des ahmadis et des chiites

Les violences sectaires visent également d’autres minorités religieuses, comme les hindous, les minorités musulmanes telles que les adeptes de l’ahmadisme, considéré comme une « secte hérétique », ainsi que l’autre confession islamique orthodoxe, celle des chiites, qui représentent 20 % de la population.Quatre médecins hindous ont été assassinés dans la province du Sindh, dans leur clinique de Chak, ville proche de Shikarpur. L’incident a provoqué la peur et les protestations parmi les minorités religieuses qui ont même fait une « grève de la faim »29.Il y a eu 30 attaques, pour un total de 203 morts, contre les chiites en 201130. Les groupes sunnites radicaux, dans leur dogmatisme, les considèrent en effet comme des « hérétiques » et des « traîtres », indignes de marcher sur la « terre des pures ». En juillet 2011, la Cour suprême du Pakistan a libéré Malik Ishaq, leader du groupe sunnite radical « Lashkar-e-Jhangvi », impliqué dans 44 cas de meurtres de masse. Un pamphlet distribué au Baloutchistan en juin 2011 par des groupes extrémistes sunnites comme « Tehrik-e-Taliban Pakistan », « Lashkar-e Jhangvi » et « Sipah-e Sahaba Pakistan » estime qu’il est « obligatoire de tuer les chiites ».Les ahmadis sont systématiquement victimes d’intimidations et de persécutions. Selon la Constitution du Pakistan, les membres de la minorité ahmadie ne peu-

27 Agence Fides 26/3/201128 The Tablet, 8/1/201129 Agence Fides 8/11/201130 South Asia Intelligence Review, 23/04/ 2012

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vent pas se dire musulmans, ni entrer dans les mosquées, ni même chanter des hymnes au prophète Mahomet.Après l’assassinat de 94 ahmadis en mai 2010 à Lahore, il y a eu une augmen-tation significative de la violence et des persécutions. Au moins 6 ahmadis ont été tués lors d’assassinats ciblés en 2011, et 31 ont survécu à des attaques ou des tentatives de meurtre31. En juin 2011, des brochures dressant la liste des noms et adresses des familles d’ahmadis ont été distribuées dans la ville de Faisalabad, au Pendjab. Elles contenaient des messages d’incitation au meurtre. Quelques mois plus tard, Naseem Ahmed, 55 ans, dont le nom figurait sur cette liste, a été tué à son domicile. Le gouvernement du Pendjab oblige désormais les élèves à révéler s’ils sont « musulmans ou non-musulmans », lors de leurs demandes d’admission à l’école ou au collège. En conséquence, il est fréquent que les ahmadis ne soient pas acceptés ou soient expulsés. Enfin, les talibans ont continué leur campagne terroriste. Inspirés par le courant de pensée deobandi, ils ont attaqué des sanctuaires du courant musulman soufi, jugé trop modéré et spiritualiste. Parmi les incidents les plus graves, l’attaque suicide du sanctuaire soufi Sakhi Sarwar, le 3 avril 2011, dans le district de Dera Ghazi Khan (province du Pendjab) a causé près de 50 morts, dont des femmes et des enfants, et plus de 100 blessés32.

Discriminations des minorités dans la société

L’enracinement du système de discrimination des minorités religieuses a été mis particulièrement en évidence en 2011, lors de la tragédie des inondations qui ont submergé le pays : parmi les populations inondées du Sindh (plus de 5 millions de personnes, dans 22 districts), les familles de dalits chrétiens et hindous, considérés comme intouchables, ont été chassées des camps de réfugiés mis en place par le gouvernement et n’ont pas reçu d’aide humanitaire, comme le dénonce l’Église locale33.Au niveau culturel, les groupes radicaux cherchent à réduire, voire à éliminer l’influence chrétienne au sein de la société : le parti islamique radical Jamiat Ulema-e-Islam a lancé une campagne de sensibilisation demandant l’interdic-tion de la diffusion de la Bible, décrite comme un « livre pornographique et blasphématoire ». Pour parvenir à ses fins, il a formé un recours devant la Cour suprême du Pakistan pour la faire interdire. Et seule l’intervention du ministère fédéral pour l’harmonie religieuse a pu mettre fin à une autre tentative du genre : interdire le mot « Jésus-Christ » dans les SMS (petits messages

31 Jama’at Ahmadiyya Pakistan, Persecution of Ahmadis in Pakistan during the Year 2011, mai 201232 Pakistan Observer, 3/4/201133 Agence Fides 16/9/2011

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sur les téléphones portables), ajouté à une liste de mots interdits qui devait être diffusée aux compagnies de téléphone, comme l’Autorité pakistanaise des télécommunications avait initialement prévu de le faire34. Enfin, à Okara (au Pendjab), un atelier d’imprimerie a refusé de reproduire des images sacrées représentant le visage de Jésus et la Sainte Croix.35

La question des conversions forcées

Les conversions forcées sont une violation grave de la liberté religieuse au Pakistan. La question concerne environ 700 chrétiennes et 250 hindous chaque année, au point que le gouvernement a officiellement décidé de se pencher sur cette question36.Anna (12 ans), une chrétienne de Lahore, a été enlevée pendant huit mois et vio-lée à plusieurs reprises par un gang de militants musulmans, puis convertie de force à l’Islam et contrainte d’épouser un musulman. Les ravisseurs et violeurs d’Anna sont en liberté sous caution parce qu’ils appartiennent au groupe radical islamique Lashkar-e-Tayyaba, interdit pour cause de terrorisme37.Un autre cas emblématique survenu en 2011 est celui de Farah Hatim, jeune catholique enlevée, convertie de force à l’Islam et forcée d’épouser un musulman dans la ville de Rahim Yar Khan. Quelques ONG chrétiennes ont demandé l’inter-vention de la Commission des Nations Unies pour les droits de l’homme38.Sehar Naz, 24 ans, jeune habitante de Faisalabad (Pendjab), a été séquestrée pendant quatre jours et violée à plusieurs reprises par un agent de police, le major Arif Atif Rana, qui, comme il l’a lui-même déclaré, travaille pour les services de renseignements pakistanais (Inter Services Intelligence, ISI)39. En mai 2011, Rebbecca Masih et Saima Masih, deux jeunes chrétiennes, ont été enlevées par un groupe de musulmans et contraintes de se convertir à l’Islam, dans le District de Jhung, près de Faisalabad. Sidra Bibi, chrétienne de 14 ans du district de Sheikhupura, est tombée enceinte après avoir été abusée physiquement et psychologiquement. Ayant réussi à échapper à son bourreau, elle est retournée dans sa famille en état de prostration, mais la police a refusé d’enregistrer sa plainte. Deux autres jeunes chrétiennes, Uzma Bibi, 15 ans, de Gulberg, et Saira Bibi, 20 ans, de Lahore, ont été capturées de force par leurs voisins musulmans, contraintes de se convertir à l’Islam et de se marier selon le rite musulman40.

34 Agence Fides 23/11/201135 Agence Fides 29/9/201136 Agence Fides 10/6/201137 Agence Fides 11/10/201138 Agence Fides 22/8/201139 Agence Fides 29/4/201140 Agence Fides 11/10/2011

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En 2010, deux autres histoires ont fait du bruit : celle de Kiran Nayyaz, jeune fille catholique de 13 ans de Faisalabad, tombée enceinte après une agression sexuelle, et celle de Shazia Bashir, jeune chrétienne de 12 ans violée et assassi-née en janvier 2010.Un rapport présenté par la Commission « Justice et paix » de la Conférence épiscopale vient confirmer l’insoutenable condition des femmes faisant partie de minorités religieuses, lesquelles sont « doublement discriminées et margina-lisées », abusées, harcelées, et souvent contraintes à des conversions forcées. Intitulé « Une vie marginale », le rapport se base sur des entrevues réalisées auprès de plus de 1000 femmes hindoues et chrétiennes de 8 districts du Pendjab et du Sindh, où habitent 95 % des minorités religieuses du Pakistan. Le rapport met en lumière les disparités juridiques, préjudices, conversions forcées et l’absence d’attention politique. Pour cette raison, il y a un besoin urgent de lois portant sur la sphère religieuse et l’égalité des sexes41.

41 Agence Fides 6/3/2012

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Aspects juridiques et institutionnels

Le 9 juillet 2011, la République du Soudan du Sud a proclamé son indépendance sur la base des résultats d’un référendum tenu le 9 janvier 2011. Ce référendum avait été organisé aux termes de l’accord de paix globale conclu en 2005 entre le gouvernement soudanais de Khartoum et le SPLM/SPLA (Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan). Une Constitution provisoire, approuvée par l’Assemblée législative du Soudan du Sud le 7 juillet, est entrée en vigueur, rem-plaçant la Constitution intérimaire du Soudan du Sud appliquée depuis 2005.L’article 8 de la nouvelle Constitution établit la séparation entre l’Église et l’État. Il déclare en outre que toutes les religions seront traitées sur un pied d’égalité et que les croyances religieuses ne pourront pas être utilisées pour créer des divisions. Les droits religieux, définis à l’article 23, comprennent la liberté de culte et d’assemblée, le droit d’édifier des lieux de cultes et de posséder le terrain sur lequel ils se trouvent, le droit pour les différentes dénominations religieuses de créer des institutions caritatives et humanitaires, de diffuser des publications religieuses, de demander et recevoir des donations et contributions privées ou publiques, d’observer leurs fêtes religieuses, et de communiquer avec les indi-vidus et les communautés sur les questions religieuses, tant au plan national qu’international.La Constitution contient également un article conçu pour défendre les religions tra-ditionnelles africaines, qui établit que « les communautés ethniques et culturelles auront le droit (…) de vivre et de développer librement leur culture particulière (…), de pratiquer leurs croyances (…) et d’élever leurs enfants selon leur culture et leurs coutumes respectives, selon cette Constitution et selon la loi ».

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SURFACE644 329 Km2

POPULATION10 000 000

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APPARTENANCE RELIGIEUSE

Chrétiens 60% Animistes 30%Musulmans 10%

Aspects juridiques et institutionnels

Le 9 juillet 2011, la République du Soudan du Sud a proclamé son indépendance sur la base des résultats d’un référendum tenu le 9 janvier 2011. Ce référendum avait été organisé aux termes de l’accord de paix globale conclu en 2005 entre le gouvernement soudanais de Khartoum et le SPLM/SPLA (Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan). Une Constitution provisoire, approuvée par l’Assemblée législative du Soudan du Sud le 7 juillet, est entrée en vigueur, remplaçant la Constitution intérimaire du Soudan du Sud appliquée depuis 2005.

L’article 8 de la nouvelle Constitution établit la séparation entre l’Église et l’État. Il déclare en outre que toutes les religions seront traitées sur un pied d’égalité et que les croyances religieuses ne pourront pas être utilisées pour créer des divisions. Les droits religieux, dé�nis à l’article 23, comprennent la liberté de culte et d’assemblée, le droit d’édi�er des lieux de cultes et de posséder le terrain sur lequel ils se trouvent, le droit pour les différentes dénominations religieuses de créer des institutions caritatives et humanitaires, de diffuser des publications religieuses, de demander et recevoir des donations et contributions privées ou publiques, d’observer leurs fêtes religieuses, et de communiquer avec les individus et les communautés sur les questions religieuses, tant au plan national qu’international.

La Constitution contient également un article conçu pour défendre les religions traditionnelles africaines, qui établit que "les communautés ethniques et culturelles auront le droit (…) de vivre et de développer librement leur culture particulière (…), de pratiquer leurs croyances (…) et d’élever leurs enfants selon leur culture et leurs coutumes respectives, selon cette Constitution et selon la loi".

La Constitution déclare en outre que nul ne peut être exclu d’un parti politique pour des raisons liées à la religion (art. 25), et que les services publics seront fournis à tous les citoyens de façon impartiale et sans aucune discrimination, même religieuse (art. 139).

Chrétiens 60% Animistes 30%Musulmans 10%

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La Constitution déclare en outre que nul ne peut être exclu d’un parti politique pour des raisons liées à la religion (art. 25), et que les services publics seront fournis à tous les citoyens de façon impartiale et sans aucune discrimination, même religieuse (art. 139).La nouvelle Constitution transitoire réaffirme ainsi la pleine liberté de religion établie par la Constitution de 2005, ainsi que la nature laïque de l’État. Mais ceux qui voudraient dénoncer une violation de leur droit constitutionnel à la liberté de religion ne disposent pour le moment d’aucun outil juridique. L’apostasie, le blasphème et la diffamation de la religion ne sont pas passibles de poursuites pénales, et le prosélytisme, tant musulman que chrétien, est autorisé et répandu.La Constitution n’impose pas aux groupes religieux de se faire enregistrer comme ONG pour bénéficier d’exonérations fiscale et douanière, comme c’était le cas dans la précédente législation soudanaise qui, d’ailleurs, n’était pas respectée. Les fêtes religieuses reconnues comme jours de repos sont celles des chrétiens. Cependant lors des manifestations officielles, les cérémonies sont ouvertes à toutes les expressions de prière, dans lesquelles chrétiens et musulmans alter-nent. La coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans est un thème qui revient souvent dans les discours des ministres du gouvernement. Il n’y a pas de ministère des Affaires religieuses et les contacts entre le gouvernement et les représentants des groupes religieux sont confiés à l’un des conseillers du Chef de l’État ou au ministre de la Justice.Le dimanche est considéré comme le jour de repos hebdomadaire. D’après la loi, les musulmans ont droit à deux heures de pause pour la prière du vendredi, mais cette disposition est rarement appliquée par les employeurs. Les calen-driers scolaires sont établis eux aussi en fonction du repos dominical. Les élèves musulmans ne sont pas dispensés des cours lors de leurs festivités qui ne sont pas reconnues au niveau local. Dans toutes les écoles publiques, l’éducation chrétienne fait partie du programme scolaire, mais les élèves musulmans, qui demandent à ne pas y assister, en sont dispensés automatiquement1.

Violations de la liberté de religion

Le 3 mars 2010, alors que le Soudan du Sud s’autogouvernait déjà mais n’était pas encore indépendant, les forces de polices ont fait irruption au siège de Radio Bakhita à Juba. Elles ont interrompu les émissions, fermé les bureaux et gardé à vue pendant une heure la directrice de cette chaîne de radio catholique, la missionnaire combonienne Sœur Cecilia Sierra Salcido. Tout cela à cause d’une interview faite à un candidat aux élections législatives du Soudan du

1 http://www.sudantribune.com/Draft-constitution-of-the-Republic,38679

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Sud. On lui a intimé l’ordre de limiter ses émissions aux questions strictement religieuses sous peine de voir ses installations saisies et sa chaîne de radio fermée définitivement2. La seule violation de la liberté de religion signalée en 2011 a été la suspension temporaire des activités des Témoins de Jéhovah décidée par les gouverneurs de plusieurs régions après qu’ils ont refusé de participer au référendum sur l’autodétermination3.

Le conflit avec le Soudan du Nord

La proclamation de l’indépendance n’a pas résolu tous les problèmes avec la République du Soudan.À la suite de ses revendications sur les zones frontalières et des différends à propos de l’exploitation des ressources pétrolières, Khartoum a lancé des attaques armées et effectué des bombardements, y compris sur les populations civiles du Soudan du Sud.Les observateurs internationaux ont du mal à réaliser à quel point le régime militaire islamique de Khartoum constitue le principal obstacle à la paix dans le pays et entre les deux Soudans. Connaissant la nature de ce régime, auquel ils ont déjà eu affaire, les habitants du Soudan du Sud (ainsi que les populations du Darfour, des monts Nouba, du Nil bleu, d’Abyei, du Soudan oriental, du nord de la Nubie, et en fait tous les citoyens de la région du Soudan) se montrent gé-néralement très prudents en matière de négociations et déterminés à poursuivre la résistance armée4.Lors d’une rencontre qui s’est tenue à Yei, Soudan du Sud, du 9 au 11 mai 2012, quatorze évêques représentant les Églises catholique et épiscopale du Soudan du Sud ont prié et réfléchi ensemble sur les rapports entre ces deux Églises, sur leurs grandes responsabilités en matière d’œcuménisme et sur le rôle que ces Églises peuvent jouer en faveur de la paix et de la compréhension mutuelle entre le Soudan et le Soudan du Sud, tout en déplorant que leurs confrères évêques de la République du Soudan n’aient pas pu participer à cette rencontre en raison de la situation politique5.

2 www.gurtong.net, 3/03/20103 United States Commission on International Religious Freedom 2012, Rapport annuel4 The Citizen (Juba), 15/06/20125 http://groups.google.com/group/sudan-john-ashworth/browse_thread/thread/ daec08a5b42a615f#

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Aspects juridiques et institutionnels

Bien que le Président Omar El Béchir ait officiellement déclaré à trois reprises (décembre 2010, octobre 2011 et janvier 2012) qu’à la suite de la sécession du Soudan du Sud, le Soudan adopterait une nouvelle Constitution entièrement basée sur la charia et dans laquelle l’Islam serait religion d’État, la Constitution nationale provisoire (CNP) de juillet 2005 était toujours en vigueur au moment de la rédaction du présent rapport. Celle-ci établit la liberté de religion dans tout le Soudan, sur la base des protocoles relatifs aux rapports entre État et religion contenus dans l’accord de paix global, signé en janvier 2005, qui a mis fin à 22 ans de guerre civile entre, d’une part, l’Armée/Mouvement de Libération du Peuple du Soudan (SPLA/M) et, d’autre part, le gouvernement islamiste de Khartoum et ses alliés locaux. En juin 2005, les partis d’opposition du nord, réunis au sein de l’Alliance démocratique nationale (NDA), s’étaient également associés à l’accord. La CNP dispose également que dans les 16 provinces du nord du pays – qui constituent l’intégralité du Soudan depuis la sécession du Sud par la déclaration d’indépendance du 9 juillet 2011 – la charia est la source de la législation. Cela a permis au gouvernement d’unité nationale, entré en fonction en juillet 2005, d’adopter une législation qui favorise l’Islam et l’islamisation de la vie sociale et ne respecte pas le pluralisme religieux dans les provinces susmentionnées. La charia, qui est applicable à tous les résidents du pays, quelle que soit leur religion, prévoit jusqu’à la peine de mort pour les musulmans coupables d’apos-tasie de l’Islam. Les châtiments corporels vont de la flagellation ou la mutilation de certains membres (amputations) à la peine capitale par crucifixion, en fonction de la gravité des infractions commises ; la consommation de boissons alcoolisées

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Aspects juridiques et institutionnels

Bien que le Président Omar El Béchir ait of�ciellement déclaré à trois reprises (décembre 2010, octobre 2011 et janvier 2012) qu’à la suite de la sécession du Soudan du Sud, le Soudan adopterait une nouvelle Constitution entièrement basée sur la charia et dans laquelle l’Islam serait religion d’État, la Constitution nationale provisoire (CNP) de juillet 2005 était toujours en vigueur au moment de la rédaction du présent rapport. Celle-ci établit la liberté de religion dans tout le Soudan, sur la base des protocoles relatifs aux rapports entre État et religion contenus dans l’accord de paix global, signé en janvier 2005, qui a mis �n à 22 ans de guerre civile entre, d’une part, l’Armée/Mouvement de Libération du Peuple du Soudan (SPLA/M) et, d’autre part, le gouvernement islamiste de Khartoum et ses alliés locaux. En juin 2005, les partis d’opposition du nord, réunis au sein de l’Alliance démocratique nationale (NDA), s’étaient également associés à l’accord.

La CNP dispose également que dans les 16 provinces du nord du pays – qui constituent l’intégralité du Soudan depuis la sécession du Sud par la déclaration d’indépendance du 9 juillet 2011 – la charia est la source de la législation. Cela a permis au gouvernement d’unité nationale, entré en fonction en juillet 2005, d’adopter une législation qui favorise l’Islam et l’islamisation de la vie sociale et ne respecte pas le pluralisme religieux dans les provinces susmentionnées.

La charia, qui est applicable à tous les résidents du pays, quelle que soit leur religion, prévoit la peine de mort pour les musulmans, comme sanction du crime d’apostasie de l’Islam. Les châtiments corporels vont de la �agellation ou la mutilation de certains membres (amputations) à la peine capitale par cruci�xion, en fonction de la gravité des infractions commises ; la consommation de boissons alcoolisées est interdite et les femmes musulmanes n’ont pas le droit de se marier avec des hommes d’autres religions. Au Soudan indépendant (1956), la peine de mort pour apostasie n’a été prononcée qu’une seule fois, en 1985, contre Mahmoud Mohammed Taha, un réformiste musulman puni comme hérétique.

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Musulmans 93%Chrétiens 5% Animistes 2%

Aspects juridiques et institutionnels

Bien que le Président Omar El Béchir ait of�ciellement déclaré à trois reprises (décembre 2010, octobre 2011 et janvier 2012) qu’à la suite de la sécession du Soudan du Sud, le Soudan adopterait une nouvelle Constitution entièrement basée sur la charia et dans laquelle l’Islam serait religion d’État, la Constitution nationale provisoire (CNP) de juillet 2005 était toujours en vigueur au moment de la rédaction du présent rapport. Celle-ci établit la liberté de religion dans tout le Soudan, sur la base des protocoles relatifs aux rapports entre État et religion contenus dans l’accord de paix global, signé en janvier 2005, qui a mis �n à 22 ans de guerre civile entre, d’une part, l’Armée/Mouvement de Libération du Peuple du Soudan (SPLA/M) et, d’autre part, le gouvernement islamiste de Khartoum et ses alliés locaux. En juin 2005, les partis d’opposition du nord, réunis au sein de l’Alliance démocratique nationale (NDA), s’étaient également associés à l’accord.

La CNP dispose également que dans les 16 provinces du nord du pays – qui constituent l’intégralité du Soudan depuis la sécession du Sud par la déclaration d’indépendance du 9 juillet 2011 – la charia est la source de la législation. Cela a permis au gouvernement d’unité nationale, entré en fonction en juillet 2005, d’adopter une législation qui favorise l’Islam et l’islamisation de la vie sociale et ne respecte pas le pluralisme religieux dans les provinces susmentionnées.

La charia, qui est applicable à tous les résidents du pays, quelle que soit leur religion, prévoit la peine de mort pour les musulmans, comme sanction du crime d’apostasie de l’Islam. Les châtiments corporels vont de la �agellation ou la mutilation de certains membres (amputations) à la peine capitale par cruci�xion, en fonction de la gravité des infractions commises ; la consommation de boissons alcoolisées est interdite et les femmes musulmanes n’ont pas le droit de se marier avec des hommes d’autres religions. Au Soudan indépendant (1956), la peine de mort pour apostasie n’a été prononcée qu’une seule fois, en 1985, contre Mahmoud Mohammed Taha, un réformiste musulman puni comme hérétique.

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est interdite et les femmes musulmanes n’ont pas le droit de se marier avec des hommes d’autres religions. Depuis l’indépendance du Soudan en 1956, la peine de mort pour apostasie n’a été prononcée qu’une seule fois, en 1985, contre Mahmoud Mohammed Taha, un réformiste musulman puni comme hérétique. Habituellement, les musulmans qui se convertissent à une autre religion, ou qui sont soupçonnés de l’avoir fait, sont emprisonnés ou condamnés à une amende, en vertu de l’article 125 du code pénal soudanais, qui interdit la diffamation de la religion, l’incitation à la haine et le mépris envers les croyances religieuses. En général, les convertis sont également soumis à des pressions extrajudiciaires telles que menaces, intimidations, ostracisme, surveillance sociale et contrôle policier. L’émigration devient la seule issue possible. Les sanctions juridiques et pressions extralégales susmentionnées s’appliquent également à ceux qui pratiquent le pro-sélytisme religieux à l’égard de musulmans. Au contraire, la conversion à l’Islam est toujours légale et permise.Les lois sur l’apostasie de l’Islam limitent l’apostolat des missionnaires étrangers et du clergé autochtone, qui se consacrent à la pastorale des personnes déjà chrétiennes, à l’enseignement et aux activités en faveur des réfugiés. Il n’est pas accordé de visa aux missionnaires chrétiens, sauf s’ils limitent leurs activités au social, et dans de nombreux cas les visas sont accordés avec beaucoup de re-tard.Lors d’un séminaire sur le dialogue interreligieux, qui a eu lieu à Khartoum le 20 septembre 2011, Azahry al-Tighani Awad el Sayeed, Ministre fédéral de l’orientation et du patrimoine religieux, a expliqué aux dirigeants des Églises chrétiennes que l’introduction de la charia comme seule loi du pays protégerait pleinement les droits des chrétiens au Soudan1. Pourtant, tout au long de 2011, dans les principales villes du pays, des agents du Ministère fédéral de l’orientation et du patrimoine religieux ont mené des enquêtes sur les activités de l’Église, en se concentrant en particulier sur le nombre et l’iden-tité des fidèles des différentes Églises et sur les sources de financement de leurs programmes. Les représentants chrétiens ont interprété cela comme des collectes de données sensibles, destinées à être transmises aux organes de sécurité d’État, afin d’être utilisées dans le cadre des politiques visant à soumettre entièrement le Soudan à la charia.La CNP considère comme illégale la création de partis politiques appelant à la discrimination sur fondement religieux. Cependant, il n’existe pas d’instruments juridiques disponibles pour ceux qui voudraient dénoncer les violations de leur propre droit constitutionnel à la liberté religieuse.La charia donc s’applique à tous les résidents, quelle que soit leur religion, même si la Constitution peut laisser à la discrétion des tribunaux le traitement de ceux

1 Compass Direct News, 29/09/2011

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qui ne sont pas musulmans. En fait, pour les différentes infractions, on constate des variations dans les peines infligées, en fonction de la religion de l’accusé. Par exemple, la consommation d’alcool est punissable de 40 coups de fouet si le contrevenant est musulman, mais 20 coups de fouet suffisent si le contrevenant est chrétien. Afin de protéger les droits des résidents non musulmans dans le nord du pays, il a été créé en 2007, dans le cadre de l’accord de paix global, une Commission pour les droits des non-musulmans résidant dans la capitale nationale. Elle se compose de représentants du gouvernement d’unité nationale et de religieux chrétiens et musulmans. La Commission a obtenu, en 2007, la libération de centaines de chré-tiennes arrêtées pour avoir brassé artisanalement des boissons alcoolisées, et la restitution d’une partie du cimetière chrétien de Khartoum, qui avait été saisi par les autorités. La Commission a également abordé des thèmes tels que la difficulté pour les chrétiens d’obtenir des permis de construire pour les édifices religieux, le traitement des non-musulmans par les forces de police, la partialité en faveur de l’Islam dans les cours d’histoire, le petit nombre de professeurs de religion chrétienne dans les écoles. Enfin, la Commission a proposé de permettre aux restaurants et détaillants de boissons appartenant à des chrétiens de demeurer ouverts pendant le Ramadan et la prière du vendredi après-midi. Le gouvernement n’a pas réagi aux propositions.Les jours fériés du pays sont toutes les fêtes musulmanes, plus le Noël catholique et protestant (25 décembre) et la Pâque copte. L’Islam occupe un grand espace à la radio et à la télévision d’État, tandis que les chrétiens n’ont droit qu’à une seule apparition à l’occasion de Noël. La loi dispose que les groupes religieux doivent être enregistrés en tant qu’or-ganisations non gouvernementales (ONG) s’ils veulent bénéficier d’exonérations fiscale et douanière. Toutefois, cette règle n’est habituellement ni appliquée ni respectée, et les confessions religieuses fonctionnent sans s’être inscrites comme ONG. Pour la construction de lieux de culte, les groupes religieux sont tenus de demander et d’obtenir l’autorisation du Ministère de l’orientation et du patrimoine religieux, du Ministère de la construction et de la planification, et des bureaux locaux de planification urbaine. De 1975 à 2005, aucune demande de construction d’églises n’a jamais été approuvée dans le nord du Soudan. Beaucoup d’églises ont été construites sans autorisation, et certaines d’entre elles ont été détruites par les autorités, notamment dans les camps de réfugiés, pour les personnes ayant fui la guerre civile du sud. Depuis 2005, trois demandes de construction d’églises ont été approuvées, et les lieux de culte sont en cours de construction. La construction de mosquées est normalement financée et encouragée par l’État, et les permis sont délivrés plus facilement. Pourtant, certains lieux de culte musul-mans ont également été construits sans permis de construire, afin de contourner la bureaucratie.

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La Constitution provisoire interdit explicitement la discrimination sur fondement religieux pour ce qui est des embauches dans la fonction publique, mais de facto, les processus de sélection favorisent les membres et amis du Parti National du Congrès, le parti islamiste au pouvoir à Khartoum. De plus, les musulmans bénéficient d’un traitement préférentiel dans l’accès au système limité de pro-tection sociale, de même qu’en cas de différend judiciaire les opposant à des non-musulmans.Les programmes scolaires du Soudan prévoient que tous les établissements incluent des cours d’éducation islamique en langue arabe, de l’école maternelle à l’université. Même les écoles chrétiennes sont tenues de se conformer à cette loi, et doivent embaucher des enseignants ayant reçu la formation appropriée. En revanche, les écoles publiques ne sont pas tenues de proposer des cours d’éducation religieuse aux élèves non musulmans, lesquels peuvent éventuelle-ment – selon l’école fréquentée – être exemptés d’éducation islamique. Certains responsables chrétiens, tels que l’évêque anglican Mgr Ezekiel Kondo, de l’Église épiscopalienne du Soudan, déplorent l’islamisation des programmes scolaires. Ils regrettent également que les cours d’histoire ignorent complètement la contri-bution chrétienne à l’histoire du pays, à commencer par les antiques royaumes chrétiens de l’actuel Soudan.Le vendredi est le jour de repos hebdomadaire. Les travailleurs chrétiens ont légalement droit à deux heures de pause à consacrer au culte les jours fériés non officiellement reconnus, mais en général les employeurs ne respectent pas cette règle, et les employés ne disposent d’aucun instrument juridique pour faire valoir leurs droits. En revanche, la règle prévoyant des horaires de travail réduits pen-dant le mois de Ramadan est toujours respectée. Dans les écoles, c’est également le vendredi qui est jour férié. Les élèves chrétiens ne sont pas exemptés de cours les jours correspondant à leurs festivités, lesquelles ne sont pas officiellement reconnues.

Violences et actes d’hostilité envers les chrétiens

Le 15 janvier 2011, des individus ont mis le feu à l’église presbytérienne de Wad Madani, à 138 kilomètres au sud-est de Khartoum. L’attaque a causé 2000 livres soudanaises de dommages (560 euros), en raison de la destruction de publica-tions chrétiennes, Bibles en langue locale, chaises, tables et un pupitre. Le feu faisait suite aux menaces verbales réitérées d’extrémistes musulmans contre les fidèles de l’église. Les auteurs de l’attaque n’ont été ni identifiés ni arrêtés, et les chrétiens déplorent l’immobilisme de l’enquête2.Le 9 mai, les officiers de la police soudanaise et des services de renseignement

2 Compass Direct News, 23/08/2011

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ont arrêté Hawa Abdalla Mohammed Saleh, une chrétienne du Darfour vivant dans un camp pour personnes déplacées près d’Al-Fasher. Elle est accusée de prosély-tisme chrétien, ce qui est interdit par la loi, de possession et de distribution non autorisée de Bibles aux résidents du camp, y compris aux mineurs. Finalement, elle a été transférée à Khartoum dans un lieu inconnu. Elle avait déjà été arrêtée en 2009 pour des infractions similaires, et avait dénoncé les tortures subies pendant ses 6 jours de détention3.

Violences dans le Kordofan du sud4

La répression gouvernementale dans la région du Kordofan du Sud, où des af-frontements armés ont lieu depuis le 5 juin 2011 entre l’armée soudanaise et le Mouvement de Libération du Peuple Soudanais (secteur nord), comporte des violences contre la liberté religieuse et des persécutions motivées par la foi chré-tienne de nombreux habitants de la région5. Le 8 juin, des éléments des forces armées soudanaises et des milices musulmanes progouvernementales ont attaqué trois églises chrétiennes de la capitale régio-nale, Kadugli, en pillant et brûlant deux d’entre elles. Au cri de « Allah-u-akbar! », les milices islamiques ont tiré sur les murs extérieurs de l’église catholique, tandis qu’une messe pour la paix avait lieu à l’intérieur, célébrée par le Père Abraham James Lual. Ce dernier a ensuite été arrêté par les militaires devant les fidèles, et accusé d’attiser le peuple contre le gouvernement. Il a été libéré après deux jours de détention au cours desquels il a été torturé et dépouillé de ses effets personnels.Des éléments des forces armées et des milices islamiques ont brûlé des bâtiments appartenant à l’Église épiscopalienne du Soudan (anglicans) et à l’Église du Christ du Soudan. L’Auberge de l’Église épiscopalienne et la résidence de Mgr Andudu Adam Elnail ont été pillées et incendiées, après que tous les biens de valeur qu’elles contenaient ont été volés, y compris un amplificateur, un projecteur, des lits, chaises et deux motocyclettes. Le même jour (8 juin 2011), Nimeri Philip Kalo, séminariste catholique du Grand séminaire St. Paul, a été arrêté par les services secrets militaires près du siège de la Minus (Mission préparatoire des Nations Unies au Soudan), et tué de sang-froid devant des passants qui, à leur tour, ont été menacés par les mêmes agents. Le jeune homme cherchait à quitter la ville, suite aux attaques d’églises. Toujours le même jour, des miliciens islamistes, alliés de l’armée soudanaise, ont attaqué au marché de Kadugli, et tué d’un coup d’épée Adeeb Gismalla Aksam, 33 ans, chauf-feur d’autobus, dont le père était connu en tant que chef de l’Église évangélique

3 Compass Direct News, 24/05/20114 Agence Fides, 11/08/20115 Agence Fides, 23/09/2011

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de Kadugli. Le meurtre a été commis au cri de « Allah-akbar ! ». Au cours des jours qui ont immédiatement suivi, presque tous les bâtiments chrétiens de Kadugli ont été pillés puis complètement détruits. Cela inclut qua-tre églises appartenant respectivement à l’Église catholique, à l’Église du Christ du Soudan, à l’Église épiscopalienne du Soudan et à l’Église presbytérienne du Soudan ; l’armée a également brûlé une structure d’accueil catholique et une école portant le nom du bienheureux Daniel Comboni. Le 12 juin, Mutasim Mirghani Zaki El-deen, gouverneur du Kordofan du nord (ré-gion soudanaise qui jouxte le Kordofan du sud), a déclaré le jihad contre les populations Nuba des deux régions, qui comptent de nombreux chrétiens6. La situation humanitaire est également très grave dans l’Abiyé, une autre zone revendiquée à la fois par le Soudan du nord et du sud. « La population n’a pas encore réintégré Abiyé et ne reçoit qu’une aide sporadique. Les pluies continuent de s’abattre sans cesse sur la région, et les personnes déplacées sont sans pro-tection », déclare Mgr Roko Taban Mousa, administrateur apostolique de Malakal. « Les enfants et les personnes âgées sont les plus touchés par cette situation dramatique : le paludisme et les diarrhées continuent de faire des victimes. Il n’y a donc pas d’amélioration significative de la situation humanitaire. Bien qu’il n’y ait actuellement ni combat, ni bombardement à Abiyé, la ville est encore occupée par l’armée de Khartoum et la population a peur de rentrer », conclut l’administrateur apostolique7.Les personnes ayant survécu aux exécutions sommaires perpétrées par les forces armées soudanaises, lesquelles ont assassiné des dizaines de civils arrêtés en juin dans le Kordofan du Sud, témoignent des motivations antichrétiennes de ces massacres. Un chrétien de Leri-est, près de Kadugli, qui avait été arrêté le 20 juin, a réussi à échapper à ses ravisseurs le 8 juillet peu de temps avant d’être conduit à l’échafaud. Il a témoigné de l’exécution capitale de six autres chrétiens emprisonnés avec lui. « On nous insultait, en disant que la terre où nous nous trouvions était islamique, et qu’il ne nous était pas permis de vivre dans ce pays », raconte le fugitif, converti de l’Islam au Christianisme en 2001, et vivant maintenant dans la clandestinité8.Le 10 juillet 2011, une chrétienne âgée de 16 ans, Hiba Abdelfadil Anglo, a enfin retrouvé sa famille. Elle avait été enlevée le 17 juin 2010 par un gang de criminels. Au cours de sa captivité, elle a été battue, violée et menacée de mort à plusieurs reprises si elle ne se convertissait pas à l’Islam. Enlevée en plein jour, alors qu’elle se rendait au Ministère de l’éducation à Khartoum pour demander les documents nécessaires à son inscription en école secondaire, Hiba a réussi à se libérer seule du village où elle était détenue, à deux heures de route de la capitale. Pendant

6 Compass Direct News, 17/06/ 2011 7 Agence Fides 20/06/20118 Compass Direct News, 29/09/2011

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qu’elle était détenue, ses ravisseurs l’ont empêchée de prier à chaque fois qu’ils la trouvaient en prière. Ikhlas Omer Anglo, mère de Hiba et veuve, a déclaré que, lorsqu’elle s’est rendue au poste de police pour déclarer l’enlèvement de sa fille, les agents lui ont dit de se convertir à l’Islam afin d’améliorer les chances de l’enquête. Les deux femmes sont membres de l’Église presbytérienne évangélique du Soudan, de Khartoum9. Le 18 juillet, à Omdurman (ville située sur la rive du Nil en face de Khartoum), un groupe d’extrémistes islamistes a attaqué la résidence de l’évêque anglican de Kadugli, Mgr. Andudu Adam Elnail, dans le but de le tuer ainsi que deux autres prêtres qu’ils accusaient de soutenir le Mouvement de Libération du Peuple Soudanais (secteur nord), force d’opposition dans le Kordofan du sud. Comme les assaillants n’ont trouvé aucune des personnes qu’ils cherchaient, ils ont laissé une lettre de menace annonçant de nouvelles agressions. Au début du mois d’août, l’évêque s’est rendu aux États-Unis et a demandé asile le 9 septembre en tant que victime de persécutions, en danger de mort10. Le Père Abraham James Lual, prêtre de la paroisse catholique de Kadugli, a été arrêté deux fois et soumis à des interrogatoires musclés les 28 août et 6 septembre. Il avait déjà été arrêté le 6 juin 2011 devant ses fidèles, détenu et torturé pendant deux jours, et dépouillé de tous ses effets personnels11. Le 6 septembre au matin, il a été arrêté et interrogé pendant cinq heures dans les bureaux des forces de sécurité d’El Obeid, tandis que le 28 août, il avait été arrêté et détenu pendant deux jours à Kadugli, dans le Kordofan du Sud, où il était venu évaluer les dommages causés aux structures paroissiales. Au cours de sa détention, le Père Lual a de nouveau été torturé et menacé de mort s’il revenait une seconde fois à Kadugli. Après sa troisième arrestation à El Obeid, le prêtre a dû se cacher12. Toujours à Khartoum, les forces de sécurité ont ordonné aux communautés chré-tiennes de ne plus organiser de Festival biblique, événement qui a eu lieu chaque année jusqu’en 2011 sans jamais rencontrer d’opposition.Tout au long de l’année 2011, les responsables chrétiens ont par ailleurs déploré la rhétorique anti-chrétienne des dirigeants musulmans et des représentants du gouvernement. Dans certaines mosquées, les imams chargés du sermon du ven-dredi ont invité les fidèles musulmans à ne plus avoir aucune sorte de relation avec les chrétiens, au point de s’abstenir de les saluer, parce que ce sont des « infidèles ». Les évêques et prêtres ont également protesté contre les paroles utilisées par les représentants du gouvernement, qui décrivent habituellement les églises comme des institutions étrangères au service de l’Occident.

9 Compass Direct News, 3/08/201110 Compass Direct News, 13/09/201111 Zenit, 23/06/201112 Compass Direct News, 19/09/2011

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Les autorités turques ont maintes fois exprimé leur intention d’améliorer la situation des minorités religieuses, y compris à la suite des pressions exer-cées par les organisations internationales, telle que par exemple la résolution adoptée à Venise en mars 2010 par la Commission pour la liberté religieuse du Conseil de l’Europe, qui demandait à la Turquie une reconnaissance légale des minorités religieuses n’en bénéficiant pas, telle que l’Église catholique latine, et un engagement ferme contre toute discrimination1. Le 27 août 2011, le Premier Ministre, Recep Tayip Erdogan, a annoncé la resti-tution des biens confisqués aux minorités religieuses à l’époque de la création de la République de Turquie moderne (1923), ainsi qu’en 1936 et 1960. Cette annonce, confirmée par un décret publié au Journal officiel, a été adressée aux représentants de 161 fondations religieuses concernées par cette question. Ces fondations appartiennent à trois minorités non musulmanes reconnues par le traité de Lausanne (1923), à savoir la communauté grecque orthodoxe (qui dépend du Patriarcat œcuménique de Constantinople), celle des arméniens apostoliques et la communauté juive. En novembre, la Direction générale des fondations, un organisme gouvernemental, a décidé d’accorder la personnalité juridique à ces fondations2. Le premier ministre leur a donné un an pour présenter leurs demandes de restitution ou de dédommagement, que ces biens soient devenus la propriété de l’État ou aient été vendus à des particuliers. Il s’agit d’églises, de monastères,

1 The Tablet, 27/03/ 20102 Agence Fides, 19/11/ 2011

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cimetières, hôpitaux, écoles, palais habités, fontaines et terrains. Plus d’un millier de ces biens avaient été confisqués à l’Église grecque orthodoxe (représentée par le Patriarcat œcuménique de Constantinople), et une trentaine à l’Église apostoli-que arménienne. La communauté juive, pour sa part, souhaite récupérer tous les cimetières qu’elle possédait avant 1930. Mgr François Yakan, vicaire patriarcal chaldéen, dont le siège est à Istanbul, a protesté contre l’exclusion de son Église du bénéfice de ce décret. En effet cette dernière n’étant pas mentionnée dans le traité de Lausanne, elle ne jouit d’aucune reconnaissance légale en Turquie. Mgr Yakan a annoncé son intention de deman-der, malgré tout, la restitution des biens de son Église, confisqués par l’État. Même situation pour l’Église catholique syriaque, également non mentionnée dans le traité de Lausanne. Elle aussi a l’intention de demander la restitution de certains de ses biens : l’église du Sacré Cœur à Istanbul, le monastère Saint Ephrem et quelques terrains à Mardine.Le gouvernement a décidé de restaurer quelques églises, synagogues et monas-tères présents en Turquie. C’est « une étape positive », a déclaré la Conférence épiscopale turque, après la publication du décret sur la restitution des biens des minorités religieuses. Parmi les lieux de culte dont la restauration a été décidée par les autorités gouvernementales, il y a l’église arménienne catholique de la province de Diyarbakir ; la plus grande synagogue de la province d’Edirne ; l’église grecque de Taksiyarhis sur l’île de Cunda, de nombreux monastères grecs et églises de l’île d’Imbros ; l’église syrienne d’Antioche et l’église gréco-catholique d’Isken-derun. Par ailleurs, l’église grecque orthodoxe de Saint-Nicolas, qui a été démolie en 1960, sera reconstruite à Bodrum (célèbre zone touristique du sud-ouest de la Turquie), selon un accord approuvé par la mairie de Bodrum et les membres du conseil municipal3.Enfin, les restitutions proposées par le gouvernement ne tiennent pas compte de tout ce qui a été soustrait aux Arméniens pendant le génocide de 1915. C’est pourquoi Aram 1er, Patriarche de l’Église apostolique arménienne -dont le siège était autrefois en Cilicie, dans le sud de la Turquie, et a été transféré au Liban après les massacres-, a adressé une lettre ouverte au premier ministre Erdogan, dans laquelle il souligne l’insuffisance de sa décision. Il écrit entre autres : « En ma qualité de chef spirituel et juridique du Patriarcat des arméniens orthodoxes, déraciné de son siège historique et installé au Liban, et en ma qualité de représen-tant des fils de l’Église arménienne, expulsés de Turquie et dispersés à travers le monde, je considère que votre décision du 27 août 2011 est partiale et injuste ». Le 21 février 2012, le Patriarche Bartholomée 1er, actuel primat de l’Église orthodoxe de Constantinople ,a été invité à témoigner à huis clos devant une Commission

3 Agence Fides, 22/10 2011

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parlementaire chargée de préparer le projet d’une nouvelle Constitution. C’est la première fois que l’État turc entreprend une telle initiative depuis l’avènement de la République. Le prélat a remis un document de 18 pages résumant les demandes de l’ensemble des communautés non musulmanes, qui comptent au total environ 100 000 membres : grecque orthodoxe, arménienne, chaldéenne, syriaque, latine et juive. Les représentants de ces mêmes communautés, assistés de quelques juristes, ont élaboré ce document4. Le même jour, Kuryakos Ergün, Président de la Fondation des Syriaques de San Gabriel, a lui aussi été entendu par la Commission parlementaire. Quelques dirigeants des communautés arménienne et juive devraient aussi être entendus, mais rien n’a été annoncé en ce qui concerne une éventuelle audience avec les représentants des Églises chaldéenne et latine ou des communautés protestan-tes présentes en Turquie. Parmi les demandes formulées dans le document présenté à la Commission parlementaire, il y a l’aspiration à l’égalité de traitement pour tous les citoyens turcs ainsi qu’une répartition équitable des fonds publics destinés aux servi-ces religieux et à l’éducation. Le texte insiste sur la réouverture du séminaire arménien d’Istanbul, et du séminaire orthodoxe grec de Halki, fermés par les autorités, respectivement en 1970 et en 1971, au moment où l’enseignement supérieur est devenu un monopole d’État. Étant donné que la loi exige que le Patriarche grec – auquel le gouvernement refuse le titre d’œcuménique – soit un citoyen turc, né et formé en Turquie, cette exigence pose de graves difficultés pour sa succession. Cependant, un adoucissement s’est produit en 2010, avec la possibilité pour les métropolites résidant à l’étranger d’acquérir la nationalité turque. À la fin de cette réunion, Bartholomée Ier a déclaré : « Nous souhaitons que cette Constitution soit la Constitution de tous. Nous ne voulons pas être des citoyens de seconde zone. Nous ne voulons pas de différence de traitement mais l’égalité. Nous voulons la réouverture des écoles de théologie, la liberté de conscience et de religion. Dans le passé, j’ai déjà rendu visite à de nombreux ministres et même au Premier Ministre. Nous avons toujours été reçus avec de bonnes intentions, mais les promesses n’ont pas toujours été tenues »5. Diverses mesures spécifiques en faveur des Églises ont été prises par l’État. En septembre 2010, les Arméniens apostoliques ont obtenu la permission de célébrer une messe dans l’église de la Sainte Croix, située sur l’île d’Aghtamar

4 Agence Fides, 6/02/2012 5 La Croix, 21/02/2012

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(lac de Van, Turquie orientale). Toutefois, les autorités ont interdit que soit placée une croix sur le dôme de ce sanctuaire qui, après avoir été fermé pendant le génocide de 1915, a été restauré et transformé en musée en 2007. En juin et juillet 2011, même les syriaques (non reconnus par le traité de Lausanne) ont obtenu, pour y célébrer le culte, l’autorisation de retourner dans deux de leurs églises, fermées à l’époque du génocide : une à Alexandrette (Iskenderun en turc), capitale de la province du même nom, l’autre à Adiyaman, capitale de la province du même nom et siège métropolitain de l’Église catholique syriaque. C’est la première fois, depuis l’époque de l’Empire Ottoman, que les syriaques ont pu rouvrir leurs églises. Elles ont été immédiatement reconsacrées. Malgré cela, le sort du monastère syriaque-orthodoxe Mar Gabriel (du IVème siècle), situé dans la région du Tur-Abdin (Turquie), où vivent trois moines, quatorze religieuses et une quarantaine d’étudiants chrétiens, n’a pas encore été réglé. Depuis 2008, ils se battent contre des procédures qui contestent à l’Église syriaque orthodoxe la propriété des lieux. Alors que le tribunal cadastral de Mydiat avait donné raison à la fondation Mar-Gabriel en 2009, la Cour de Cassation d’Ankara a ordonné, par l’arrêt du 26 janvier 2011, l’inscription des terres appartenant au monastère au nom du Trésor public. Par ailleurs, l’église Sainte Sophie de Nicée (Iznik en turc), où ont eu lieu deux conciles œcuméniques (en 325 et 787), et qui a été transformée en mosquée en 1331 et en musée en 2007, est redevenue une mosquée en novembre 2011. L’Église latine n’est pas concernée par ces dispositions et ces promesses. Sa non-reconnaissance par le Traité de Lausanne la prive de toute forme d’existence juridique. En outre, elle subit parfois des spoliations arbitraires de quelques-uns de ses biens gérés par des laïcs : orphelinats confisqués, édifices paroissiaux entièrement rasés pour faire place à des hôtels. Voici ce qu’a déclaré Mgr Louis Pelâtre, vicaire apostolique d’Istanbul : « Notre vrai problème reste les proprié-tés foncières. Nous n’avons pas et n’avons jamais eu aucun titre de propriété. Ce n’est pas une situation facile. Je ne suis pas reconnu comme évêque, je peux ouvrir un compte bancaire à mon nom, mais pas au nom de mon diocèse »6.Il convient enfin de noter que, pour la première fois au cours de ces cinquante dernières années, un chrétien a obtenu un siège au Parlement turc. Il s’agit d’Erol Dora, protestant évangélique, élu dans la circonscription de Mardine (sud-est de la Turquie), au moment du renouvellement de l’Assemblée en juin 20117.

6 Entretien accordé à L’œuvre d’Orient, 1er juillet 20117 Agence Fides, 14/06/2011

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Situation générale

En mars 2012, lors d’une conférence de presse sur la liberté religieuse en Ukraine, le Secrétaire général de l’Association ukrainienne pour la liberté religieuse (UARS), Petr Ganulich, a affirmé que le principal problème du pays concernait ses relations avec les Églises et communautés protestantes. « En Ukraine, nous avons une base juridique et législative suffisamment développée, a-t-il affirmé Dans plusieurs domaines, cependant, on constate des restrictions à la liberté de conscience de toutes les confessions, à la liberté religieuse de quelques minorités, aux droits de propriété et droits économiques de certaines associations religieuses. »C’est surtout depuis l’élection du Président Viktor Ianoukovitch, politiquement proche du Kremlin, que les relations entre les autorités et l’Église gréco-catholique se sont détériorées. Le 11 février 2011, à l’occasion de la présentation de sa démission à l’archevêché de Kiev pour raisons de santé, le Cardinal Lubomyr Husar a déclaré : « Les autorités ne veulent pas nous parler, cela fait une année entière qu’il n’y a pas eu de réunion avec le Président et les autres représentants du gouvernement pour discuter de notre situation. C’est un problème qui doit être résolu très calmement et sans être instrumentalisé. »

Mesures législatives

En 2011, le gouvernement ukrainien a pris des mesures concrètes pour améliorer les conditions d’activité des associations religieuses, en leur accordant le droit d’utiliser gratuitement et perpétuellement des terres, et même la possibilité de payer le gaz selon les tarifs des personnes physiques et non ceux des entreprises comme c’était le cas précédemment.

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En mars 2012, lors d’une conférence de presse sur la liberté religieuse en Ukraine, le Secrétaire général de l’Association ukrainienne pour la liberté religieuse (UARS), Petr Ganulich, a af�rmé que le principal problème du pays concernait ses relations avec les Églises et communautés protestantes. À son avis, "en Ukraine, nous avons une base juridique et législative suf�samment développée. Dans plusieurs domaines, cependant, on constate des restrictions à la liberté de conscience de toutes les confessions, à la liberté religieuse de quelques minorités, aux droits de propriété et droits économiques de certaines associations religieuses".

C’est surtout depuis l’élection du Président Viktor Ianoukovitch, politiquement proche du Kremlin, que les relations entre les autorités et l’Église gréco-catholique se sont détériorées. Le 11 février 2011, à l’occasion de la présentation de sa démission à l’archevêché de Kiev pour raisons de santé, le Cardinal Lubomyr Husar a déclaré : "Les autorités ne veulent pas nous parler, cela fait une année entière qu’il n’y a pas eu de réunion avec le Président et les autres représentants du gouvernement pour discuter de notre situation. C’est un problème qui doit être résolu très calmement et sans être instrumentalisé".

Mesures législatives

En 2011, le gouvernement ukrainien a pris des mesures concrètes pour améliorer les conditions d’activité des associations religieuses, en leur accordant le droit d’utiliser gratuitement et perpétuellement des terres, et même la possibilité de payer le gaz selon les tarifs des personnes physiques et non ceux des entreprises comme c’était le cas précédemment.

Le 22 septembre, le Verkhovnaja Rada (Parlement) d’Ukraine a adopté la nouvelle version de la loi sur le statut juridique des étrangers. Elle simpli�e également les procédures pour la délivrance de visas à des prêtres étrangers, qui peuvent

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Situation générale

En mars 2012, lors d’une conférence de presse sur la liberté religieuse en Ukraine, le Secrétaire général de l’Association ukrainienne pour la liberté religieuse (UARS), Petr Ganulich, a af�rmé que le principal problème du pays concernait ses relations avec les Églises et communautés protestantes. À son avis, "en Ukraine, nous avons une base juridique et législative suf�samment développée. Dans plusieurs domaines, cependant, on constate des restrictions à la liberté de conscience de toutes les confessions, à la liberté religieuse de quelques minorités, aux droits de propriété et droits économiques de certaines associations religieuses".

C’est surtout depuis l’élection du Président Viktor Ianoukovitch, politiquement proche du Kremlin, que les relations entre les autorités et l’Église gréco-catholique se sont détériorées. Le 11 février 2011, à l’occasion de la présentation de sa démission à l’archevêché de Kiev pour raisons de santé, le Cardinal Lubomyr Husar a déclaré : "Les autorités ne veulent pas nous parler, cela fait une année entière qu’il n’y a pas eu de réunion avec le Président et les autres représentants du gouvernement pour discuter de notre situation. C’est un problème qui doit être résolu très calmement et sans être instrumentalisé".

Mesures législatives

En 2011, le gouvernement ukrainien a pris des mesures concrètes pour améliorer les conditions d’activité des associations religieuses, en leur accordant le droit d’utiliser gratuitement et perpétuellement des terres, et même la possibilité de payer le gaz selon les tarifs des personnes physiques et non ceux des entreprises comme c’était le cas précédemment.

Le 22 septembre, le Verkhovnaja Rada (Parlement) d’Ukraine a adopté la nouvelle version de la loi sur le statut juridique des étrangers. Elle simpli�e également les procédures pour la délivrance de visas à des prêtres étrangers, qui peuvent

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Le 22 septembre, le Verkhovnaja Rada (Parlement) d’Ukraine a adopté la nouvelle version de la loi sur le statut juridique des étrangers. Elle simplifie également les procédures pour la délivrance de visas à des prêtres étrangers, qui peuvent maintenant obtenir l’autorisation de résider dans le pays « pour prêcher des doctrines religieuses, accomplir les rites religieux ou autres activités canoniques à l’invitation d’associations religieuses. »Le ministère de la défense ukrainien a approuvé en avril 2011 le « projet de prise en charge pastorale » des forces armées ukrainiennes dans le but de garantir aux militaires la liberté de conscience et la liberté religieuse. Le concept d’aumônier militaire a été introduit, nécessitant pour sa réalisation un travail ultérieur avec les différentes Églises et associations religieuses concernées.Au niveau gouvernemental, les relations avec les confessions religieuses ont été confiées au Ministère de la culture, qui a repris les fonctions de l’ex-comité d’État pour les affaires religieuses. L’enregistrement officiel des organisations religieuses a été délégué à l’Office d’enregistrement de l’État. À la suite de ces décisions, la Loi sur les associations religieuses a subi diverses modifications. En 2011, il a également été discuté de la fermeture de la Commission nationale pour la promotion de la défense de la moralité publique, les associations religieuses demandant au contraire son maintien.

Difficultés

Selon les organisations de défense des droits de l’homme, ce sont les administrations locales qui, en Ukraine, créent des obstacles au développement des confessions religieuses minoritaires, au profit de la confession dominante, dans les différentes régions. C’est ce qui est affirmé dans le rapport « Droits de l’Homme en Ukraine en 2011 », présenté le 13 mars 2012 par l’Institut pour la liberté religieuse (IRS) de Kiev. Ces difficultés concernent notamment l’octroi de terres pour la construction de lieux de culte, la restitution à leur propriétaire légitime des églises confisquées par le pouvoir soviétique, et d’autres questions similaires. Toutefois, le rapport souligne que la confession dominante varie d’une région à l’autre, rendant difficile la mise en évidence d’une tendance nationale à ce sujet. De façon générale, les politiciens locaux, pour s’assurer un soutien électoral, ont tendance à soutenir la confession localement la plus populaire.

Sources :

Association ukrainienne pour la liberté religieuse (UARS)

Institut pour la liberté religieuse (IRS), Kiev

Agence d’information “Ukrinform”

Agence d’information CNL-News

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Aspects juridiques et institutionnels

Les lois et la Constitution garantissent théoriquement la liberté religieuse. Cependant le gouvernement, dirigé exclusivement par le Parti communiste, in-terfère et réprime les activités qui échappent au contrôle de l’État. Tout comme en Chine, les autorités ne tolèrent et respectent que les groupes religieux enre-gistrés qui se soumettent aux restrictions imposées par le pouvoir exécutif. La loi de 2004 sur les religions accorde aux citoyens le droit de pratiquer librement leur foi, mais punit tout acte affectant l’harmonie, les traditions et la culture du pays.En 2011, le gouvernement a lancé une proposition de révision du décret gou-vernemental 22/2005 régissant les activités des organisations religieuses. Le 20 mai 2011, Mgr Jean-Baptiste Pham Minh Man, archevêque de Hô-Chi-Minh-ville, a rendu publique une lettre au Premier Ministre, dans laquelle il exprimait des doutes quant au projet de révision censé rétablir le système d’enregistrement obligatoire, annulant de facto les améliorations qu’il contenait.1

Cependant, malgré ces restrictions, des signes positifs ont été enregistrés au cours de la période examinée. Le gouvernement a autorisé la construction de centaines de nouveaux lieux de culte, l’expansion des activités de bienfaisance, et permis des célébrations religieuses rassemblant plus de 100 000 partici-pants2. En 2011, le Saint-Siège et le Vietnam ont rétabli leurs contacts diploma-tiques après plus de 30 ans. Le 10 janvier 2011, le Pape Benoît XVI a nommé Mgr Leopoldo Girelli Nonce Apostolique à Singapour, délégué apostolique en

1 AsiaNews, 23/05/20112 Cfr. US Department of State, International Religious Freedom Report 2011, Vietnam

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Malaisie et à Brunei, et représentant pontifical non-résident pour le Vietnam. Au cours de l’année, il a visité tous les diocèses catholiques du pays. La nomination a coïncidé avec le jubilé de l’Église catholique vietnamienne, marqué par la cérémonie de clôture du 6 janvier 2011 au Sanctuaire marial national de La Vang, qui a attiré plus de 500 000 fidèles3.

Minorités religieuses dans le pays

Le catholicisme est vivant et en pleine expansion. De nouveaux lieux de culte ont été construits ces dernières années et le nombre de personnes entrant dans les séminaires ou les couvents a également augmenté. Les statistiques officielles du Saint-Siège révèlent que ces 5 dernières années, plus de 1500 jeunes ont intégré un séminaire ou un centre de formation pour la vie consacrée, soit une augmentation de 50 %. Le pays compte un cardinal, deux archevêques, vingt-trois évêques diocésains, deux évêques coadjuteurs, quatre évêques auxiliaires, douze évêques émérites et environ 4000 prêtres répartis sur un total de 26 diocèses. Il y a plus de 10 000 lieux de culte, dont sept séminaires et quelques centres de formation pour le clergé.Les deux plus grandes communautés protestantes reconnues par le gouverne-ment sont « l’Église évangélique du Vietnam du sud » et « l’Église évangélique du Vietnam du nord ». Le gouvernement tolère également la Vietnam Baptist Convention, la United World Mission Church, la Vietnam Presbyterian Church, la Vietnam Baptist Society, l’Église adventiste du septième jour, et la Vietnam Christian Fellowship. L’Assemblée de Dieu est également présente dans le pays, mais n’est enregistrée qu’au niveau local et non pas national. Le gouvernement reconnaît également les Témoins de Jéhovah. Ils sont environ 3000 et ont 55 congrégations actives dans 18 provinces. À Hô-Chi-Minh-ville, il y a aussi une synagogue qui dessert une communauté juive de 150 personnes, presque exclusivement de nationalités étrangères.

Cas de violences et restrictions à la liberté religieuse

En raison de leur très grande diffusion et de l’importance de leur engagement dans des œuvres sociales et culturelles au sein de la société, les catholiques et les protestants représentent les groupes religieux les plus persécutés par le gouvernement communiste. Les cas de violation de la liberté religieuse compren-nent des interruptions de messes, emprisonnements de prêtres, destructions d’édifices religieux, confiscations de terrains, agressions de fidèles et sessions forcées d’étude pour les séminaristes et les prêtres.

3 Églises d’Asie, 07/01/2011 ; AsiaNews,10/01/2011

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L’année 2010, qui avait commencé par la destruction du crucifix du cimetière de la paroisse de Dong Chiem (à 70 km au sud de Hanoi), s’est achevée par une série d’attaques contre les chrétiens qui célébraient Noël. Le 19 décembre à Hanoï, environ deux mille protestants avaient prévu une célé-bration au Centre National de Convention du district de Tu Liem, qu’ils avaient loué pour l’occasion. Mais au dernier moment, les responsables de la structure publique leur ont opposé un refus. Les chrétiens ont commencé à prier et chanter devant le bâtiment. Pour disperser la foule, la police a commencé à frapper les gens à l’aide de matraques électriques. Six personnes, dont le Révérend Nguyen Huu Bao, censé conduire la réunion, ont été arrêtées4.Des événements similaires ont eu lieu à Thanh Hoa, Nghe An et Da Nang.Les catholiques ont subi la même hostilité. À Hô-Chi-Minh-ville, les autorités ont fait plusieurs fois irruption dans l’église Notre-Dame du Perpétuel Secours, paroisse tenue par les rédemptoristes. Dans le village de Son Lang, du comté de K’Bang (diocèse de Kontum, Centre du Vietnam), la police a empêché l’évê-que, Mgr Michael Duc Hoang Oanh, de célébrer la messe de Noël avec les montagnards, malgré l’approbation préalable des autorités qui, le 21 décembre, avaient autorisé le prélat à dire la messe dans un village voisin5. Des actes de violence, arrestations et discriminations se sont produits tout au long de l’année 2011. Les cas les plus fréquents concernent les propriétés de l’Église catholique, souvent réclamées par l’État pour satisfaire la soif d’argent du gouvernement et le développement effréné du pays.

Le gouvernement détruit des églises et des couvents pour s’emparer des terrains

Conformément au principe communiste selon lequel « toute la terre appartient au peuple et est gérée par l’État pour le bien-être du peuple », les autorités locales saisissent régulièrement les biens des institutions religieuses pour les transformer en hôtels, restaurants et boîtes de nuit, sans que les victimes puis-sent réagir. La même méthode est appliquée à toutes les minorités ethniques et religieuses qui tentent de s’émanciper grâce à des propriétés foncières.Privés de leur cimetière et de leurs maisons pour faire place à un complexe touristique de luxe, les catholiques de la paroisse de Con Dau (ville de Da Nang) ont encore subi des violences en 2011. Le 26 janvier, le tribunal populaire Da Nang a confirmé l’emprisonnement de six catholiques victimes d’expropriation, qui avaient été impliqués dans des affrontements entre la police et des citoyens en mai 2010, lors de la tentative de confiscation des terres de la paroisse. Les sources locales parlent d’un simu-

4 Églises d’Asie, 22/12/20105 AsiaNews, 27/12/2010

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lacre de procès au cours duquel le tribunal n’a même pas examiné les preuves présentées par l’avocat des six accusés, ce qui leur avait également été refusé en première instance. Pendant les jours qui ont précédé l’appel, les catholiques vietnamiens ont organisé des veillées de prière, surtout dans la paroisse de Thái Hà, à Hanoï, elle aussi victime d’expropriation par le gouvernement6. Le 26 juin, les paroissiens de Con Dau ont envoyé une lettre à la Conférence épiscopale vietnamienne, afin qu’elle raconte leur situation aux catholiques du monde entier. En plus du cimetière, déjà saisi, le gouvernement a confirmé la décision de démolir toutes les maisons situées à proximité de la paroisse. Même l’église, datant du XIXe siècle, sera démolie pour faire place à un complexe hôtelier de luxe.La paroisse de Thái Hà a de nouveau été attaquée en octobre 2011. Auparavant, elle avait été au centre d’un conflit avec les autorités municipales qui s’était terminé par l’expropriation de terrains qui appartenaient à l’Église depuis 1928, et par un simulacre de procès au cours duquel huit catholiques avaient été condamnés. Le 8 octobre 2011, le Père Joseph Nguyễn Văn Phượng, curé de Thái Hà, a été convoqué au siège du Comité populaire de quartier de Dong Da, et in-formé qu’une usine de traitement des eaux usées de l’hôpital de la région serait construite sur des terres appartenant à l’ordre des Rédemptoristes – qui dirigent la paroisse depuis sa création. Au cours des jours qui ont suivi, cinquante fidèles ont organisé une manifestation sur le terrain qui faisait l’objet de l’expropriation. Le curé a écrit au Comité populaire de Dong Da pour lui demander de renoncer à ce projet et de restituer à l’Église les terres qui lui avaient été soustraites. Les manifestations et les appels ont continué pendant tout le mois d’octobre. Le 3 novembre 2011, des centaines de policiers et de soldats avec des chiens et des hommes de main, suivis par une équipe de la télévision d’État, ont attaqué le monastère de Thái Hà. Ils ont fait irruption dans le bâtiment en fracassant la porte. Le Père John Luu Ngoc Quynh, le Frère Vincent Vu Van Bang et le Frère Nguyen Van Tang ont tenté d’arrêter l’assaut, mais ont été frappés et insultés par la police. L’attaque s’est terminée lorsque des milliers de catholiques des paroisses voisines sont intervenus. Bien que l’Archidiocèse de Hanoï7 ait condamné la violence et appelé plusieurs fois au calme, la police a bloqué les routes menant au monastère le 16 novem-bre. La nuit précédente, les autorités locales et les responsables de l’hôpital avaient invité les représentants de la communauté de Thái Hà à une réunion pour régler le différend. En quelques heures, plus de 600 policiers et fonction-naires du gouvernement local sont venus dans la paroisse des rédemptoristes et ont occupé ses terres. Afin d’éviter les manifestations, les forces de l’ordre ont menacé et renvoyé toute personne s’approchant trop de la paroisse. Cependant,

6 AsiaNews, 27/01/20117 Églises d’Asie, 07/11/2011

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des centaines de fidèles ont continué de se rendre à Thái Hà pour prier et vénérer Notre-Dame du Perpétuel Secours. Pour intimider les catholiques, les fonctionnaires du Parti communiste local ont une nouvelle fois fait une descente dans le monastère, brisant le crucifix de Dồng Chiêm, renversant des poubelles sur la statue de la Sainte Vierge et profanant l’Eucharistie qui avait été amenée de la cathédrale de Hanoï8.Le 18 novembre, à Hanoï, des milliers de personnes ont protesté devant le siège du Comité populaire en réclamant justice pour la paroisse de Thái Hà et le monastère attenant des Rédemptoristes, et en dénonçant la campagne de diffamation contre l’Église catholique qui avait été lancée par la télévision d’État9. Le 2 décembre, le Père Joseph Nguyễn Văn Phượng, curé de la paroisse de Thái Hà, et des centaines de paroissiens se sont rendus au siège du Comité populaire de Hanoi pour y présenter une protestation officielle et dénoncer les actes de vandalisme et expropriations illégales. Les autorités les ont reçus et ont écouté leur requête. Cependant, une fois sortis du bâtiment, la police a encerclé le groupe et a arrêté le Père Joseph Nguyễn Văn Võ Văn Phượng, le Père Lương Văn Long, le Frère Vũ văn Bằng et environ 30 paroissiens. Tous les laïcs ont été poussés de force dans un bus et emmenés au camp de restauration de la dignité humaine de Đông Anh. Un autre groupe de laïcs a été arrêté près du lac de Hoàn Kiếm. Les abus contre les rédemptoristes et les paroissiens de Thái Hà ont suscité une vague de solidarité aussi bien au Vietnam qu’à l’étranger. L’archevêque de Hanoï, Mgr Peter Nguyen Van Nhon, a écrit une lettre dans laquelle il défendait les droits des religieux, et Mgr Michael Hoang Duc Oanh, évêque de Kontum, a fait de même. L’évêque émérite de Thai Binh, Mgr Francis Nguyen Van Sang, s’est rendu personnellement à l’église de Thái Hà. Des veillées de prière ont eu lieu à divers endroits au Vietnam, aux États-Unis et en Australie. Un autre cas de violation de la liberté religieuse, en relation avec des expropria-tions de terrains appartenant à l’Église catholique, a concerné la paroisse de Cau Ram, dans le diocèse de Vinh, au nord du Vietnam. En 2009, les autorités y ont saisi des terres pour créer un parc où construire un monument dédié aux soldats de l’armée vietnamienne. Au cours de la guerre du Vietnam, l’église de Cau Ram a été transformée en base militaire, devenant la cible de l’armée des États-Unis. Après la guerre, le gouvernement de Hanoï a déclaré la zone « lieu de mémoire », à « préserver et protéger pour les générations futures, pour se souvenir des crimes de guerre américains ». Le gouvernement a toujours complètement ignoré les demandes de restitution des terres présentées par les catholiques. Au lieu de cela, la zone a d’abord été divisée en parcelles pour la construction d’une route reliant Hanoï à la ville natale de Ho Chi Minh, à 330 km au nord. Les autorités

8 AsiaNews, 24/11/20119 Églises d’Asie, 09/11/2011

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locales ont autorisé la construction d’un complexe résidentiel comprenant des appartements privatifs d’une valeur de plusieurs millions de dollars destinés à des fonctionnaires du gouvernement. Les protestations des catholiques, ces deux dernières années, ont entraîné l’interruption du projet10. Après des années d’appels et de protestations, le gouvernement provincial de Nghe An a décidé le 27 juillet 2011 de créer un parc public avec un monument dédié aux soldats. Tout comme dans le cas de Con Dau et Thái Hà, l’attitude du gouvernement a suscité les protestations des catholiques et des militants pour la liberté religieuse et les droits de l’homme. Le 8 août, plus de 5000 catholiques des paroisses de Cau Ram, Yen Dai et Ke Gai ont organisé à Hanoï une grande manifestation pour demander la fin des expropriations et la restitution des biens de l’Église, et pour dénoncer les opérations secrètes de la police, destinées à arrêter sans mandat de jeunes militants11. La Congrégation des sœurs de St. Paul, dont le couvent est situé au centre de Hanoï, a également été touchée par des expropriations et des démolitions. Le bâtiment avait été presque entièrement confisqué par le gouvernement commu-niste en 1954, mais il y a quelques années, le gouvernement en avait accordé une petite partie aux sœurs, ce qui leur avait permis d’ouvrir un dispensaire pour les pauvres, un foyer pour les orphelins et des structures d’accueil pour jeunes femmes. Cependant, en mai 2011, le gouvernement a menacé de détruire tout le complexe afin de créer un hôpital de quatre étages. Ces dernières années, les sœurs ont demandé aux autorités la permission de récupérer la propriété, mais elles n’ont jamais reçu de réponse12. Ce sont surtout les citoyens ordinaires qui sont victimes d’expropriations, car ils sont souvent impuissants face à l’arrogance des autorités. La seule note positive de 2011, en ce qui concerne les expropriations, est la construction d’une nouvelle église pour les catholiques de Tam Toa. Le bâti-ment historique de la paroisse, partiellement détruit pendant la guerre, avait été proclamé « Mémorial en souvenir des crimes américains ». En 2009, il fut au centre d’attaques répétées contre les catholiques, avec un certain nombre de personnes blessées et d’arrestations. En février 2011, le Comité populaire provincial a décidé d’accorder à l’évêché un terrain au centre de la ville.

Le conflit entre catholiques patriotiques et catholiques fidèles au Pape

Pour combattre l’Église catholique et décourager son action en faveur de la liberté religieuse et des droits de l’homme dans le pays, le gouvernement vietna-

10 AsiaNews, 25/05/201011 Églises d’Asie ; AsiaNews , 08/08/201112 AsiaNews, 18/05/2011

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mien tente depuis des années d’imiter la Chine en établissant une sorte d’Église patriotique indépendante de Rome. Le problème des « prêtres d’État » blesse les catholiques vietnamiens, et est combattu par les prêtres et les autorités ec-clésiastiques qui cherchent à maintenir l’unité et la fidélité au Pape. Ces prêtres d’État sont des religieux qui usent et abusent des biens de l’Église et de leur rôle pour soutenir le Parti communiste, dont ils reçoivent en retour toutes sortes d’aides et qui, par leur comportement, éloignent les fidèles. Sur les quelque 4000 prêtres catholiques vietnamiens, près de 300 ont adhéré au Comité de solidarité des vietnamiens catholiques (CSVC), organisation favorable au régime qui cherche à créer une Église séparée de Rome sur le modèle chinois.La preuve la plus flagrante de la situation a été la décision de plusieurs prêtres de briguer un siège à l’Assemblée populaire lors des élections qui ont eu lieu en mai 2011. En mars, trois prêtres se sont présentés : le Père Tran Manh Cuong, du diocèse de Ban Me Thuot, le Père Le Ngoc Hoan, de Bui Chu, déjà membre du Parlement, et le Père Phan Khac Tu, de l’archidiocèse de Saigon, qui participait pour la première fois aux élections13. C’est la candidature de ce dernier qui a suscité le plus de protestations dans l’opinion publique. En effet, Tu est éditeur de « Les catholiques et le peuple », magazine fondé avec le soutien du gouver-nement en 1975, au moment de l’unification du pays, et qui s’est fait connaître pour ses fréquentes critiques du Pape Jean-Paul II et du Vatican. Pendant sa campagne électorale, il a souligné son implication pendant la guerre, puisqu’il prétend avoir géré durant le conflit une petite usine de grenades à main à utiliser contre les soldats américains. Dans une interview à Vietnam Net, journal pro-gouvernemental, le Père Tu se vante d’avoir géré l’usine à l’intérieur d’une église de Saigon sans éveiller les soupçons du gouvernement sud-vietnamien ni de la CIA. Le prêtre, qui est également membre du Parti communiste, a long-temps été en charge de l’église des Martyrs vietnamiens de Vuon Xoai, l’une des plus grandes de Hô-Chi-Minh-ville. On pense qu’il est le père de deux enfants qu’il aurait eus avec une femme qui a publiquement confirmé sa relation avec lui. Après des pressions réclamant des mesures disciplinaires contre le prêtre, en avril l’archidiocèse a démis le Père Tu de ses fonctions paroissiales14. Malgré les appels lancés par les évêques et les protestations des fidèles qui désertent souvent les messes dites par des « prêtres d’État », le nombre de prêtres qui se sont engagés à soutenir des candidats à l’Assemblée a augmenté entre avril et mai. L’un d’eux, le Père Vincent Pham Van Tuyen, du diocèse de Thai Binh (nord du Vietnam) a suspendu la récitation du Rosaire pour inviter ses paroissiens à participer à une réunion électorale. Le prêtre est un membre éminent du front populaire de la province, et avait été auparavant le curé de Pho Hien, dans la province de Hung Yen, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun

13 AsiaNews, 28/04/201114 AsiaNews, 03/05/2011

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fidèle dans son église. « À partir du moment où le Père Tuyen travaillait pour le gouvernement – a déclaré l’un de ses anciens paroissiens – personne ne voulait plus aller se confesser auprès de lui, de peur qu’il ne rapporte à la police ». « Nous nous demandions si les sacrements administrés par lui étaient valides ou non » et « nous sommes restés pendant des années sans confession ni communion, ce qui nous a peu à peu éloignés de l’Église »15.Au total, sept prêtres ont été élus à l’Assemblée nationale et aux conseils provin-ciaux, lors des élections du 22 mai 2011 : le Père Do Quang Chi à Hô-Chi-Minh-ville et le Père Phan Dinh Son à Can Tho, ville du sud du pays ; le Père Nguyen Van Vinh, le Père Nguyen Van Hau et le Père Hoang Thai Lan, respectivement des diocèses de Nha Trang, Ba Ria et Vinh, qui ont conservé leurs sièges à Khanh Hoa, Ba Ria-Vung Tau et Quang Binh. Vingt autres prêtres ont obtenu des postes de représentation à un niveau inférieur. Cependant, tous les prêtres ayant été candidats aux élections n’ont pas gagné une place au Parlement ou dans un conseil. En plus du Père Phan Khac Tu, le Père Tran Van Qui a également perdu à Hué à cause d’une très forte campagne d’opposition menée par les catholiques locaux, opposés aux candidatures de prêtres. Afin de semer la discorde entre les jeunes prêtres de l’Église fidèle au Pape, le gouvernement ne s’est pas limité à promettre le pouvoir et l’argent. Il a égale-ment utilisé des sessions d’étude sur le Parti communiste, la sécurité nationale, le patriotisme et le rôle des citoyens dans la société. Le 6 avril, le journal Dai Doan Ket (grande unité), voix du Front patriotique vietnamien, a publié un article sur le thème « 191 séminaristes du grand séminaire de St. Quy, dans la province de Can Tho, ont commencé un programme pilote sur la sécurité nationale, qui se tiendra jusqu’au 8 mai ». L’attitude du gouvernement vise à lutter contre l’aug-mentation des inscriptions dans les séminaires qui a suivi l’adoucissement des mesures prises à l’encontre de ces institutions. Depuis 2005, le grand séminaire Saint Joseph de Hanoï peut permettre l’entrée de nouveaux étudiants chaque année, et non plus tous les deux ou trois ans comme c’était le cas auparavant ; le grand séminaire Saint Joseph de Hô-Chi-Minh-ville, rouvert en 1986 après une fermeture de 11 ans, a obtenu le même « privilège » en 2007. Selon les derniers chiffres (datant de 2009), le nombre de jeunes qui étudient dans les six grands séminaires du pays a augmenté de 1580 en 2002 à 2186 en 2009.

Arrestations arbitraires

En 2011, la répression envers toute forme de dissidence et de demande pacifique de réformes démocratiques et de respect des droits de l’homme a continué. Les arrestations, perquisitions et raids se sont intensifiés à l’occasion du 11e congrès

15 AsiaNews, 03/06/2011

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du Parti communiste qui a eu lieu du 12 au 17 janvier. Au cours de cette période, la police a arrêté des dizaines de militants des droits de l’homme, des blogueurs et des journalistes. Parmi eux, Cu Huy Ha Vu, un avocat et défenseur des droits de l’homme, accusé de propagande contre l’État pour avoir publié des articles et avoir accordé des entretiens à des journaux étrangers dans le but de « diffamer l’autorité du gouvernement populaire, en conduisant une guerre psychologique destinée à renverser le régime, et en exigeant un système multipartite ». L’avocat et son épouse sont célèbres parmi les catholiques vietnamiens. En 2010, ils avaient proposé de défendre les parois-siens arrêtés au cours d’affrontements à Con Dau, mais le gouvernement leur en avait refusé l’autorisation. Pendant le simulacre de procès, des veillées de prière et des manifestations pacifiques ont eu lieu à travers tout le Vietnam. Le 4 avril, Ca Huy Ha Vu a été condamné à sept ans de prison après une audience à huis clos qui n’a duré que quatre heures. À l’extérieur du tribunal, des milliers de personnes, dont de nombreux catholiques, ont protesté contre la sentence. Pour éviter les troubles, la police a attaqué les manifestants et arrêté 29 militants catholiques qui étaient venus pour suivre le processus. Le Quoc Quan, un avocat bien connu, faisait partie des personnes en garde à vue. À l’époque, il venait de poser sa candidature au congrès en tant que catholique. Ils ont été libérés le 13 avril 201116. Pendant les jours de détention, les Pères Rédemptoristes ont organisé des messes et des veillées de prière dans tout le pays, en réclamant justice pour Ca Huy Ha Vu et pour les jeunes militants arrêtés et battus juste parce qu’ils voulaient suivre le procès contre l’avocat.

Le 26 juillet 2011, les autorités ont arrêté pour la deuxième fois le Père Nguyen Van Ly, un des membres fondateurs du « Bloc 8406 », un mouvement réclamant la fin du système du parti unique au Vietnam. Emprisonné en 2007 et condamné à 8 ans de prison, le prêtre avait été libéré en mars 2010 en raison de son mauvais état de santé, et placé pendant un an en résidence surveillée au bureau de l’évêque. Depuis sa résidence surveillée, le Père Ly a recommencé à écrire des lettres reprochant au Parti communiste et au gouvernement vietnamien de graves violations des droits de l’homme. Au terme du délai d’un an, la police l’a reconduit à la prison de Hà Nam, dans le district de Kim Bảng (province de Hà Nam)17. Le 24 décembre 2011, Pierre Nguyên Dinh Cuong, un jeune homme d’une pa-roisse de Vinh, a été enlevé alors qu’il se rendait chez un ami médecin. Trois hommes en civil l’ont menotté et emmené dans un taxi. Selon les amis du jeune homme, l’enlèvement devrait être l’œuvre de la sécurité publique, qui n’a pas

16 Églises d’Asie, 08/04/201117 AsiaNews, 26/07/2011

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peur d’utiliser ce genre de méthodes. L’arrestation a eu lieu sans mandat, et les parents de Pierre n’ont même pas été informés du lieu où l’adolescent était détenu. Le jeune homme était impliqué dans les activités caritatives et sociales du Centre Jean-Paul II pour la défense de la vie. Le cas de Pierre Cuong est similaire à celui de 15 autres personnes enlevées, dont neuf sont également originaires du diocèse de Vinh. Certaines de ces personnes avaient exprimé leur soutien à Cu Huy Ha Vu18.

En plus des chrétiens et d’autres groupes religieux, l’État persécute aussi les bouddhistes, dont la religion est majoritaire au Vietnam, et les membres de sectes religieuses considérées comme subversives comme le Falun Gong, mouvement spirituel combinant des éléments de bouddhisme, de taoïsme et de confucianisme, et qui a quelques centaines de membres dans le pays. Le mouvement n’est pas reconnu par le gouvernement de Hanoï, et sous la pression du gouvernement chinois les policiers ont commencé il y a quelques années une rude campagne de répression contre ses disciples. Le 12 novembre 2011, le tribunal de Hanoï a condamné deux activistes du mou-vement, l’un à trois ans et l’autre à deux ans d’emprisonnement. Ils étaient accusés d’avoir collaboré à une émission de radio diffusant des nouvelles en Chine. Vu Duc Trung, 31 ans, et son beau-frère, Le Van Thanh, 36 ans, avaient été arrêtés en juin. Quelques jours plus tôt, la police avait arrêté 40 membres du Falun Gong alors qu’ils protestaient devant le tribunal19.

Le 14 décembre 2011, dans la province de An Giang, dans le sud du pays, deux bouddhistes militants ont été condamnés, l’un à cinq ans et l’autre à trois ans de prison, en raison de leur engagement en faveur du respect de la liberté religieuse. Arrêtés en avril au cours d’une descente de police, Nguyen Van Lia et Tran Hoai An sont membres de l’Église bouddhiste Hoa Hao, reconnue par l’État vietnamien, qui l’a autorisée à pratiquer son culte. Cependant, ces dernières années, un groupe de fidèles a décidé de s’affranchir du mouvement officiel en signe de protestation contre le contrôle exercé par les autorités sur les religions. Selon l’agence Radio Free Asia, les deux militants diffusaient du matériel accusant les autorités communistes de persécuter toute forme de religion non soumise à leur contrôle20. Cependant, le système de répression du gouvernement communiste ne se limite pas à des arrestations arbitraires, des simulacres de procès et des ex-propriations forcées. Les personnes persécutées et emprisonnées par le régime sont souvent également privées de leurs droits fondamentaux, tels que leur

18 Églises d’Asie, 28/12/2011 19 AsiaNews, 12/11/201120 Radio Free Asia, 13/122011 ; AsiaNews, 14/12/2011

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droit de rencontrer les membres de leur famille ou de bénéficier de soins médicaux. Le cas de trois chrétiens protestants de la Agape Baptist Church (ABC), du vil-lage de Lai Tao (My Duc, Hanoï), l’illustre bien. Après avoir été blessés par des voyous lors d’une attaque, ils n’ont pas été autorisés à se rendre à l’hôpital. Lors de l’attaque, l’un d’eux, une femme du nom de Nguyen Thi Lan, a subi une fracture du bassin et des blessures aux organes internes. Thi Lan est une ancienne fonctionnaire du parti communiste local, convertie au christianisme en 2010. Après avoir entendu son témoignage, 50 personnes ont demandé le baptême. Cependant, son travail et son dévouement à proclamer la parole de Dieu ont attiré l’attention de Khoan, un chef de village impliqué avec des criminels et des membres du parti. Accompagné de son fils, il a mené une expédition punitive à la maison de prière chrétienne. Il a sauvagement frappé ses occupants, dont la femme, le pasteur Nguyen Danh Chau, et une troisième personne, leur causant de graves blessures et saccageant la maison. Trois hôpitaux de Hanoï ont refusé de traiter les trois chrétiens, les obligeant à faire un long voyage à Hô-Chi-Minh-ville.

La campagne de répression contre les chrétiens Hmong

Les Hmong, un des 53 groupes ethniques du Vietnam, sont environ 790 000. Ils se concentrent dans le nord-ouest du pays et au Laos. Pendant la guerre, ils ont collaboré avec l’armée des États-Unis et, à la fin du conflit, beaucoup d’en-tre eux ont émigré aux États-Unis. Ceux qui sont restés vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Comme les autres minorités ethniques, les Hmong ont reçu l’enseignement de missionnaires protestants et catholiques, et beaucoup d’en-tre eux se sont convertis. Le gouvernement les persécute depuis des années et les accuse d’être des séparatistes, incités à opérer par des « réactionnaires qui trompent la crédulité populaire en diffusant des rumeurs sur la présence d’un pouvoir surnaturel, et en appelant à un empire hmong indépendant ».Tout au long de l’année 2011, les autorités ont mis en place une campagne d’arrestations et de violence qui a atteint son point culminant entre avril et mai avec la répression de quelques manifestations pacifiques à Muong Nhe, dans la province de Dien Bien.Le 30 avril, environ 8500 protestants chrétiens et animistes de l’ethnie hmong se sont rassemblés pour prier et demander des réformes et la liberté religieuse. Cependant, la manifestation a été interrompue par une violente intervention des forces de sécurité et de l’armée populaire. Le bilan est de 49 morts et de centaines d’arrestations. La plupart des prisonniers ont été déportés dans des localités inconnues du Vietnam et du Laos où, selon Christy Lee, directeur exécutif de Hmong Advance Inc. (HAI) à Washington D.C., « ils pourraient

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être torturés ou tués, ou tout simplement disparaître ». Parmi les personnes arrêtées, il y avait quelques ministres extraordinaires de l’Eucharistie qui des-servaient quatre des communautés catholiques de la région. Environ 1000 catholiques sont enregistrés dans cette région, considérée comme une « zone blanche », ainsi appelée parce qu’elle a le plus haut niveau de répression de la liberté religieuse du pays.21

21 AsiaNews, 09/05/2011

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Information Centre for human rights and democracy, Hong Kong

Information from the Holy See NPC

International Campaign for Tibet

International Christian Concern - www.persecution.org

INTROVIGNE, Massimo. “La difesa dei cristiani perseguitati nelle istituzioni europee” (Defending Christians persecuted by European institutions). Conferenza di chiusura della 2° Giornata sulla Libertà Religiosa nel Mondo (Closing conference of the 2nd Day on Religious Freedom in the World), Madrid, May 11th 2012

Interfax, www.interfax.com

Istituto per la libertà religiosa (IRS), Kiev

Jama’at Ahmadiyya Pakistan, Persecution of Ahmadis in Pakistan during the Year 2011

Jinnah Institute, A Question of Faith

Kung Foundation

La lettre du droit des religions ; www.droitdesreligions.net/ldr.htm

La Misión

Legal Evangelical Association Development, November 20th 2011

National Commission for Justice and Peace, Human Rights Monitor 2011

NGO “Nessuno Tocchi Caino”

181

www.opendoorsUSA.org

OSCE - Organisation for Security and Co-operation in Europe -Wallnerstrasse 6 - 1010 Vienna - Austria - www.osce.org

Perfil

Provincia Eclesiástica de Madrid communiqué

Pontificia Università della Santa Croce – José T. Martín de Agar, I Concordati dal 2000 al 2009

Radio Free Asia - 2025 M Street NW, Suite 300 - Washington, DC 20036 - USA -

www.rfa.org

Radio Free Europe / Radio Liberty - Vinohradska 159A - 100 00 Prague 10 -

Radio Vaticana - Piazza Pia 3 - 00120 Citta del Vaticano - www.radiovaticana.org

Release-Eritrea; www.release-eritrea.com

Release International - PO Box 54 - Orpington BR5 9RT - UK -

www.releaseinternational.org

Serving in Mission

The Constitution of Afghanistan

The Constitution of the Peple’s Republic of Bangladesh

The Institute on Religion & Public Policy

Tibetan Centre for Human Rights and Democracy - www.tchrd.org

Uzbekistan Embassy in Italy

Voice of the Martyrs; www.persecution.com

Voice of Martyrs Canada

William Mallinson, Partition through Foreign Aggression. The Case of Turkey in Cyprus, Modern Greek Studies

Wise Men Center For Strategic Studies

World Council of Churches Consultation on Religious Freedom

Yearbook Supplement Number 20 (2010)

Zimbabwe Inclusive Government Watch www.sokwanele.com/zigwatch

182

BUREAUX NATIONAUX

Allemagne Kirche in Not Lorenzonistr. 62 – D-81545 MunichTel. 0049.89.64.24.88.80e-mail : [email protected]

Australie Aid to the Church in NeedP.O. Box 6245 –Baulkham Hills, NSW. 2153Tel. 0061.2.9679.1929e-mail : [email protected]

Autriche Kirche in NotHernalser Hauptstr. 55 – A-1172 ViennaTel. 0043.1.405.2553e-mail : [email protected]

Belgique Kerk in NoodAbdij van Park 5 – B-3001 LeuvenTel. 0032.1639.50.50e-mail : [email protected]

Brésil Ajuda à Igreja que SofreRua Carlos Vitor Cocozza 149 –São Paulo – 04017-090 – Tel. 0055.11.5904.3740e-mail : [email protected]

Canada Aid to the Church in NeedP. O. Box 670, STN H Montreal, QC - H3G2M6 – Tel. 001.514.932.0552e-mail : [email protected]

Chili Ayuda a la Iglesia que SufreRomán Díaz 97 – Providencia – SantiagoTel. 00562.246.90.60e-mail : [email protected]

Espagne Ayuda a la Iglesia Necesitada Ferrer del Rio 14 – E-28028 MadridTel. 0034.91.72.59.212 e-mail : [email protected]

France Aide à l’Église en Détresse 29, rue du Louvre – F-78750 Mareil-MarlyTel. 0033.1.3917.3010e-mail : [email protected]

Grande-Bretagne Aid to the Church in Need12-14 Benhill Avenue – Sutton, SurreySM1 4DA – Tel. 0044.20.8642.8668e-mail : [email protected]

Irlande Aid to the Church in Need151 St. Mobhi Road – Glasnevin – Dublin 9Tel. 00353.1.83.77.5136e-mail : [email protected]

Italie Aiuto alla Chiesa che Soffre Piazza San Calisto 16 – 00153 RomeTel. 06.69.89.39.11e-mail : [email protected]

Pays-Bas Kerk in NoodPeperstraat 11-13 – NL-5211 KM’s - HertogenboschTel. 0031.73.613.0820

Pologne Pomoc Kościołowi w Potrzebieul. Wiertnicza 142 – PL-02-592 WarsawTel. 0048.22.845.17.09e-mail : [email protected]

Portugal Ajuda à Igreja que SofreRua Professor Orlando Ribeiro, 5 D1600 - 796 LisbonTel. 00351.217.544.000e-mail : [email protected]

Suisse Kirche in NotCysatstr. 6 – CH-6004 LucerneTel. 0041.41.410.46.70e-mail : [email protected]

L’aed dans le mondeSiège internationalACN International – Bischof-Kindermann-Str. 23 D-61462 Königstein im Taunus (Germany)Tel. 0049.6174.2910 – e-mail : [email protected]

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table des matièresIntroduction de Marc Fromager ................................................. P. 05

Introduction de Nicolas Michel .................................................. P. 08

Guide d’utilisation ...................................................................... P. 13

Afghanistan ................................................................................. P. 15

Arabie Saoudite .......................................................................... P. 19

Chine .......................................................................................... P. 27

Congo (Republique Démocratique du) ....................................... P. 61

Corée du Nord .......................................................................... P. 63

Cuba ........................................................................................... P. 69

Egypte ......................................................................................... P. 71

Inde ............................................................................................ P. 77

Irak ............................................................................................. P. 93

Iran ............................................................................................ P. 97

Laos .......................................................................................... P. 103

Libye ......................................................................................... P. 109

Myanmar .................................................................................... P. 111

Nigeria ...................................................................................... P. 119

Pakistan .................................................................................... P. 133

Soudan du Sud ......................................................................... P. 147

Soudan ..................................................................................... P. 151

Turquie ...................................................................................... P. 159

Ukraine ..................................................................................... P. 163

Vietnam ..................................................................................... P. 165

Sources ..................................................................................... P. 177

On pourrait dire que, parmi les droits fondamentaux enracinés dans la dignité humaine, la liberté religieuse jouit d’un statut

spécial. Quand la liberté religieuse est reconnue, la dignité de la personne humaine est respectée à sa racine même, et l’ethos et les institutions des peuples se consolident. A l’inverse, quand la liberté religieuse est niée, quand on essaie d’empêcher une personne de professer sa religion ou sa foi et de vivre en conformité avec elles, la dignité humaine est lésée. Alors se trouvent menacées la justice et la paix, lesquelles se fondent sur l’ordre social juste qui s’édifie à la lumière de la Vérité Suprême et du Souverain Bien.

En ce sens, la liberté religieuse est aussi un acquis de civilisation politique et juridique. C’est un bien essentiel : toute personne doit pouvoir exercer librement le droit de professer et de manifester individuellement ou de manière communautaire, sa religion ou sa foi, aussi bien en public qu’en privé, dans l’enseignement et dans la pratique, dans les publications, dans le culte et dans l’obser-vance des rites. Elle ne devrait pas rencontrer d’obstacles si elle désire, éventuellement, adhérer à une autre religion ou n’en pro-fesser aucune. En ce domaine, la règlementation internationale se révèle emblématique et est un exemple essentiel pour les États, en ce qu’elle ne permet aucune dérogation à la liberté religieuse, sauf l’exigence légitime de l’ordre public pénétré par la justice. La règlementation internationale reconnaît ainsi aux droits de na-ture religieuse le même status que le droit à la vie et à la liberté personnelle, car ils appartiennent au noyau essentiel des droits de l’homme, à ces droits universels et naturels que la loi humaine ne peut jamais nier.

benoît XViMessage pour la journée mondiale de la paix,

“libeRté Religieuse, CHemin VeRs la paiX”, 1er janvier 2011