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© S.A. IPM 2016. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit. Economie L'invité du week-end 30 La Libre Belgique - samedi 16 et dimanche 17 janvier 2016 K oen Nevens avait 25 ans quand il a été engagé comme négocia- teur par la société de services immobiliers Healey & Baker Belgique en 1994. Dans l’équipe “retail”. Un domaine qu’il ne quittera – sur papier du moins – qu’en 2010 pour prendre la tête de la société. La fusion, au niveau mondial, du “petit” britannique Healey & Baker (1 500 per- sonnes) avec le mastodonte américain Cushman & Wakefield (8 000 personnes), en 1998-1999, il la vivra en direct, bien sûr, mais d’assez loin. A l’inverse de celle, l’an dernier, du… “petit” Cushman&Wa- kefield, fermement ancré en Europe et aux Etats-Unis (16000 personnes) avec le grand DTZ, bien établi en Europe et en Asie (27 000 personnes). Une fusion qui aboutira, une fois n’est pas coutume, à l’abandon du nom du plus grand au profit de celui qui l’est un peu moins. Dans ce nouveau Cushman&Wakefield, Koen Nevens a pris du galon. Avant, il était “Belux country head” tout en présidant aux destinées de la Suède et des Pays-Bas au sein du comité de direction EMEA (Eu- rope – Moyen-Orient – Afrique). Depuis la fusion, il porte toujours autant de cas- quettes, mais ses responsabilités se sont accrues. Il dirige toujours les bureaux bel- ges et luxembourgeois, mais une équipe renforcée, passée à quelque 110 person- nes. Il est CEO Northern Region (comp- tant le Benelux, la Scandinavie et l’Alle- magne) et est toujours membre du EMEA Board, mais également du “Global Opera- ting Committee”. Son quotidien ne sera plus le même. “J’ai des fonctions plus inter- nationales et donc… moins de temps pour m’occuper de transactions sur le terrain, sauf pour quelques clients que je connais de- puis plus de 20 ans…” Ce qu’il faisait encore l’an dernier, intervenant personnelle- ment dans deux transactions majeures de l’année, celle du portefeuille Rockspring vendu à la Sir Retail Estates (129 millions d’euros) et celle d’une grande partie du portefeuille d’Equilis cédée à la Société de l’Argayon (75 millions d’euros). “Je conti- nuerai à suivre le marché”, assure-t-il. Koen Nevens Hausse des taux, Brexit, turbulences asiatiques… Même pas peur On dit du marché immobilier belge qu’il est très stable : il monte moins haut en période de boom et descend moins bas en période de crise. N’en est-il pas moins amusant à pratiquer pour un courtier ? Ce n’est pas moins excitant de travailler dans un marché stable que dans un qui serait plus volatil. Ce qui compte c’est qu’il bouge, qu’il s’y passe quelque chose, des ventes et des locations, et c’est le cas du marché belge. 2015 a été mauvaise en bureaux (300 000 m² pris en occupation), bonne en retail (300 000 m², également) et formidable en investissements (plus de 4 milliards d’euros). Et des deals sont sur le feu. Beaucoup de ventes n’ont pas été finali- sées en 2015 qui le seront courant du premier semestre de cette année : la Tour Astro, Méandre, l’ITTower, Ellipse, Médiacité, Docks Bruxsel, plus quelques dossiers encore confidentiels. Je vois 1 milliard d’euros dans le pipeline, moi- tié en retail, moitié en bureaux. Le mar- ché belge ne connaît pas les excès de certains autres marchés d’Europe. Il en- tre généralement avec un an, voire un an et demi de retard dans une crise, et en sort plus tard également. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de corrections. Est-ce un atout ou seulement un argument commercial ? Un atout, car certains propriétaires, comme les fonds de pension ou ceux qui sont côtés en Bourse, n’aiment pas les ex- cès. Et aussi un argument qui continue à bien se vendre. Même si les loyers… baissent ? En Europe, ils augmentent depuis un an. En Belgique, on a atteint un plancher et, d’ici 2017, ils vont augmenter. Les taux d’intérêt sont à la hausse aux Etats- Unis. Or, ce sont les taux bas qui ont porté le marché. Cela vous inquiète ? Pas vraiment et pas à court terme. Parce qu’ils augmentent très petitement (la croissance de l’économie américaine reste fragile) et parce que l’immobilier a l’avantage de naviguer sur deux vagues qui se croisent, celle des locations et celles des investissements. Aujourd’hui, l’“invest” est au sommet. Cela va claire- ment durer un an, peut-être deux ou trois. Si les taux augmentent, il y aura un peu moins de capitaux disponibles. Mais le “spread” entre taux et rende- ments est suffisamment grand pour in- tégrer une hausse. Et puis, les salaires et les loyers vont aussi augmenter… Un crash comme en 2008, je n’y crois pas. Une petite correction, oui. Au niveau international, on est au sommet d’un cycle : l’argent est bon marché, le climat boursier un peu dou- loureux, mais le mar- ché est devenu global. Pour la première fois en Belgique, la quote-part prise par les investis- seurs locaux dans le to- tal des investissements est inférieure à celle des étrangers. Tant en bu- reaux qu’en retail. C’est un signe. Sur toutes les places d’Europe, l’ar- gent vient de partout. Avant, pour lan- cer un deal, on faisait une short list de dix candidats potentiels et c’est souvent l’un d’eux qui achetait. Aujourd’hui, 8 fois sur 10, c’est un investisseur ab- sent de la liste; qui vient de nulle part, de Chine, du Moyen-Orient, des Etats- Unis. Cela a changé le marché euro- péen. Le marché belge aussi ? Ce sont des Coréens qui ont acheté le 53, avenue des Arts et qui achèteront probablement la Tour Astro. Des Chinois qui ont enlevé les shoppings Waasland et Wijnegem. Là où la Belgique détonne, c’est qu’elle n’a pas suscité l’intérêt des Américains. Du fait de sa stabilité sans doute. L’argent US cherche une “value added” et se dirige plutôt vers la France ou les Pays-Bas. Les turbulences sur les marchés asiatiques peuvent-elles avoir des répercussions sur la brique belge ? Si le yuan baisse… Le futur le dira. A priori, je ne pressens pas de problème. Mais même si tous les investisseurs chinois se retiraient d’un coup d’Europe, l’impact serait nul pour la majorité des pays. Les Chinois signent de très grosses opérations (minimum 250 millions d’euros, en moyenne 400 à 500 millions) qui sont rares. En Belgique assurément où, quand on parle d’un gros volume, c’est autour des 200 millions d’euros. Et sur chaque investissement fait par les Chinois récem- ment, il y avait d’autres amateurs qui seraient ravis de racheter le bien. Et le Brexit ? Ce n’est pas inquiétant non plus, du moins pour l’immobilier. Il y a très peu d’investisseurs bri- tanniques en Belgique. Quant aux représenta- tions britanniques, on parle de quelques milliers de mètres car- rés. Impact négligeable. On vit dans une économie qui peut faire le gros dos face aux accidents. A une vague d’investis- seurs succède une autre : les Suédois ont été remplacés par les Allemands, eux- mêmes par les Irlandais, ces derniers par les Asiatiques. Il y a tellement de pression sur la demande que cela ne m’effraye pas. Mais y a-t-il suffisamment d’offres? Quand les bureaux ont flanché, les promoteurs ont fait du résidentiel. Mais il se dit que le rési- dentiel va, lui aussi, faiblir… Ils referont des bureaux… Il est d’ailleurs temps d’en développer de manière spé- culative car le stock va en manquer, sur- tout en centre-ville. Ou ils vont faire des projets mixtes, ce qu’ils font déjà. “L’immobilier belge ne connaît pas d’excès” l La fusion entre Cushman & Wakefield et DTZ est encore chaude. l A Bruxelles, l’entité fusionnée, dirigée par Koen Nevens, n’a pas chômé. l Et ne chômera pas, vu la quantité de deals encore sur le feu. Entretien par Charlotte Mikolajczak “Là où la Belgique détonne, c’est qu’elle n’a pas suscité l’intérêt des Américains.”

La libre belgique 16 janvier 2016 interview de deux pages de koen nevens

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Page 1: La libre belgique 16 janvier 2016 interview de deux pages de koen nevens

© S.A. IPM 2016. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Economie L'invité du week-end

30 La Libre Belgique - samedi 16 et dimanche 17 janvier 2016 31samedi 16 et dimanche 17 janvier 2016 - La Libre Belgique

Koen Nevens avait 25 ans quandil a été engagé comme négocia­teur par la société de servicesimmobiliers Healey&BakerBelgique en 1994. Dans

l’équipe “retail”. Un domaine qu’il nequittera – sur papier du moins – qu’en2010 pour prendre la tête de la société.

La fusion, au niveau mondial, du “petit”britannique Healey&Baker (1500 per­sonnes) avec le mastodonte américainCushman&Wakefield (8000 personnes),en 1998­1999, il la vivra en direct, biensûr, mais d’assez loin. A l’inverse de celle,l’an dernier, du… “petit” Cushman&Wa­kefield, fermement ancré en Europe etaux Etats­Unis (16000 personnes) avec legrand DTZ, bien établi en Europe et enAsie (27000 personnes). Une fusion quiaboutira, une fois n’est pas coutume, àl’abandon du nom du plus grand au profitde celui qui l’est un peu moins.

Dans ce nouveau Cushman&Wakefield,Koen Nevens a pris du galon. Avant, il était“Belux country head” tout en présidantaux destinées de la Suède et des Pays­Basau sein du comité de direction EMEA (Eu­rope – Moyen­Orient – Afrique). Depuis lafusion, il porte toujours autant de cas­quettes, mais ses responsabilités se sontaccrues. Il dirige toujours les bureaux bel­ges et luxembourgeois, mais une équiperenforcée, passée à quelque 110 person­nes. Il est CEO Northern Region (comp­tant le Benelux, la Scandinavie et l’Alle­magne) et est toujours membre du EMEABoard, mais également du “Global Opera­ting Committee”. Son quotidien ne seraplus le même. “J’ai des fonctions plus inter­nationales et donc… moins de temps pourm’occuper de transactions sur le terrain,sauf pour quelques clients que je connais de­puis plus de 20 ans…” Ce qu’il faisait encorel’an dernier, intervenant personnelle­ment dans deux transactions majeures del’année, celle du portefeuille Rockspringvendu à la Sir Retail Estates (129 millionsd’euros) et celle d’une grande partie duportefeuille d’Equilis cédée à la Société del’Argayon (75 millions d’euros). “Je conti­nuerai à suivre le marché”, assure­t­il.

Koen Nevens Hausse des taux, Brexit, turbulencesasiatiques… Même pas peurOn dit du marché immobilier belge qu’il esttrès stable: il monte moins haut en périodede boom et descend moins bas en périodede crise. N’en est-il pas moins amusant àpratiquer pour un courtier?Ce n’est pas moins excitant de travaillerdans un marché stable que dans un quiserait plus volatil. Ce qui compte c’estqu’il bouge, qu’il s’y passe quelquechose, des ventes et des locations, etc’est le cas du marché belge. 2015 a étémauvaise en bureaux (300 000 m² prisen occupation), bonne en retail(300 000 m², également) et formidableen investissements (plus de 4 milliardsd’euros). Et des deals sont sur le feu.Beaucoup de ventes n’ont pas été finali­sées en 2015 qui le seront courant dupremier semestre de cette année : laTour Astro, Méandre, l’IT Tower, Ellipse,Médiacité, Docks Bruxsel, plus quelquesdossiers encore confidentiels. Je vois1 milliard d’euros dans le pipeline, moi­tié en retail, moitié en bureaux. Le mar­ché belge ne connaît pas les excès decertains autres marchés d’Europe. Il en­tre généralement avec un an, voire un anet demi de retard dans une crise, et ensort plus tard également. Ce qui ne veutpas dire qu’il n’y a pas de corrections.

Est-ce un atout ou seulement un argumentcommercial?Un atout, car certains propriétaires,comme les fonds de pension ou ceux quisont côtés en Bourse, n’aiment pas les ex­cès. Et aussi un argument qui continue àbien se vendre.

Même si les loyers… baissent?En Europe, ils augmentent depuis un an.En Belgique, on a atteint un plancher et,d’ici 2017, ils vont augmenter.

Les taux d’intérêt sont à la hausse aux Etats-Unis. Or, ce sont les taux bas qui ont porté lemarché. Cela vous inquiète?Pas vraiment et pas à court terme. Parcequ’ils augmentent très petitement (la

croissance de l’économie américainereste fragile) et parce que l’immobilier al’avantage de naviguer sur deux vaguesqui se croisent, celle des locations etcelles des investissements. Aujourd’hui,l’“invest” est au sommet. Cela va claire­ment durer un an, peut­être deux outrois. Si les taux augmentent, il y auraun peu moins de capitaux disponibles.Mais le “spread” entre taux et rende­ments est suffisamment grand pour in­tégrer une hausse. Et puis, les salaires etles loyers vont aussi augmenter… Uncrash comme en 2008, je n’y crois pas.Une petite correction, oui. Au niveauinternational, on est au sommet d’uncycle : l’argent est bon marché, le climatboursier un peu dou­loureux, mais le mar­ché est devenu global.Pour la première fois enBelgique, la quote­partprise par les investis­seurs locaux dans le to­tal des investissementsest inférieure à celle desétrangers. Tant en bu­reaux qu’en retail. C’estun signe. Sur toutes lesplaces d’Europe, l’ar­gent vient de partout. Avant, pour lan­cer un deal, on faisait une short list dedix candidats potentiels et c’est souventl’un d’eux qui achetait. Aujourd’hui,8 fois sur 10, c’est un investisseur ab­sent de la liste; qui vient de nulle part,de Chine, du Moyen­Orient, des Etats­Unis. Cela a changé le marché euro­péen.

Le marché belge aussi?Ce sont des Coréens qui ont acheté le53, avenue des Arts et qui achèterontprobablement la Tour Astro. Des Chinoisqui ont enlevé les shoppings Waasland etWijnegem. Là où la Belgique détonne,c’est qu’elle n’a pas suscité l’intérêt desAméricains. Du fait de sa stabilité sansdoute. L’argent US cherche une “value

added” et se dirige plutôt vers la Franceou les Pays­Bas.

Les turbulences sur les marchés asiatiquespeuvent-elles avoir des répercussions sur labrique belge? Si le yuan baisse…Le futur le dira. A priori, je ne pressenspas de problème. Mais même si tous lesinvestisseurs chinois se retiraient d’uncoup d’Europe, l’impact serait nul pour lamajorité des pays. Les Chinois signent detrès grosses opérations (minimum250 millions d’euros, en moyenne 400 à500 millions) qui sont rares. En Belgiqueassurément où, quand on parle d’un grosvolume, c’est autour des 200 millionsd’euros. Et sur chaque investissement fait

par les Chinois récem­ment, il y avait d’autresamateurs qui seraientravis de racheter le bien.

Et le Brexit?Ce n’est pas inquiétantnon plus, du moins pourl’immobilier. Il y a trèspeu d’investisseurs bri­tanniques en Belgique.Quant aux représenta­tions britanniques, on

parle de quelques milliers de mètres car­rés. Impact négligeable. On vit dans uneéconomie qui peut faire le gros dos faceaux accidents. A une vague d’investis­seurs succède une autre: les Suédois ontété remplacés par les Allemands, eux­mêmes par les Irlandais, ces derniers parles Asiatiques. Il y a tellement de pressionsur la demande que cela ne m’effraye pas.

Mais y a-t-il suffisamment d’offres? Quandles bureaux ont flanché, les promoteurs ontfait du résidentiel. Mais il se dit que le rési-dentiel va, lui aussi, faiblir…Ils referont des bureaux… Il est d’ailleurstemps d’en développer de manière spé­culative car le stock va en manquer, sur­tout en centre­ville. Ou ils vont faire desprojets mixtes, ce qu’ils font déjà.

“L’immobilierbelge ne connaîtpas d’excès”

l La fusion entreCushman&Wakefield et DTZest encore chaude.

l A Bruxelles, l’entitéfusionnée, dirigéepar Koen Nevens,n’a pas chômé.

l Et ne chômera pas,vu la quantité de dealsencore sur le feu.

Koen Nevens, qui dirige les bureaux belges et luxembourgeois de Cushman&Wakefield, ne croit pas à l’hypothèse d’un crash de l’immobilier professionnel comme ce fut le cas en 2008.

OLIV

IER

PAPE

GNIE

S/CO

LLEC

TIF

HUM

A

Entretien par Charlotte Mikolajczak

Un “Top 3”, pas un “big four”Cushman & Wakefield et DTZ étaient respectivementno3 et no4 mondiaux derrière CBRE et JLL. Quel étaitl’intérêt de créer un troisième plus grand joueur?Avant tout parce que la clientèle, du moins une cer­taine clientèle, est devenue globale et attend de nousun vrai réseau mondial avec un accès au capital mon­dial. A ce titre, les anciens Cushman&Wakefield etDTZ étaient pénalisés. La fusion représente aussi debelles économies d’échelle: c’est plus intéressant del’amortir sur 43000 personnes quesur 16000. Notamment dans l’IT. Nosmétiers changent et nous sommes da­vantage dépendants de bons systèmesIT. C’est d’ailleurs un des gros investis­sements en cours pour la société fu­sionnée. Notre actionnaire a choisi laRolls­Royce des systèmes.

Il y a eu un mouvement de consolida-tion dans ce secteur à la fin des an-nées90. Avec les fusions Richard Ellis/CB, Jones LangWootton/LaSalle, Healey & Baker/Cushman & Wake-field. Cela recommence?Non, cela ne s’est jamais vraiment arrêté. Ici, on parled’une énorme transaction. La plus grande jamaisopérée puisqu’elle réunit 43000 personnes pour unchiffre d’affaires de 5,5 milliards de dollars. Mais il y aeu d’autres opérations entre­temps. On peut mêmedire que CBRE, JLL et Cushman & Wakefield n’ontjamais arrêté de racheter des sociétés et des parts demarché au niveau mondial. A tel point qu’il faudraitpresque que les 4e, 5e, 6e et 7e mondiaux fusionnent

pour se rapprocher du “Top3”. Avec cette fusion, ce“Top3” est donc ficelé. Il n’y aura probablement pasde “big four” comme dans l’audit.

On dit pourtant de l’immobilier qu’il est local…Il faut les deux: une ampleur mondiale et un busi­ness local. Le marché est devenu mondial. Il est im­portant d’être en Chine, en Corée ou aux Etats­Unispour connaître les joueurs chinois, coréens ou amé­

ricains localement et les amener enEurope. Mais sans une connaissanceapprofondie du marché local et sanscontacts locaux, cela ne fonctionnepas non plus.

Qu’est-ce que cette fusion entre Cush-man & Wakefield et DTZ a donné pour laBelgique?Concrètement, une concentration surdeux bureaux, l’un à Bruxelles, l’autre

à Liège. Sur le marché du “letting” (location), on resteleader en “retail” (commerces) et on se renforce en­core plus en “office” (bureaux) où nous étions aussino1. On est devenu quasiment inaccessible en “va­luation”, puisque, selon les critères (surface, chiffred’affaires…), on se prétendait déjà tous les deux… no1.En “capital markets” (investissements), on a élarginos domaines de prédilection: le “core” avec l’ex­Cushman & Wakefield, une expertise plus spécifi­que (résidentiel, hôtels, séniories, développe­ments…) avec l’ex­DTZ. On a toujours une vue ap­profondie du marché, mais plus large.

5,5MILLIARDS

DE DOLLARSTel est le chiffre d’affaires

mondial cumuléde Cushman & Wakefield

et DTZ.

“Mes concurrents se sont empressésde… débaucher mes troupes”Réduction d’emploi. Sur le terrain belge, la fusionCushman & Wakefield a débouché sur des réductionsd’emploi: 130 personnes séparément, 110 ensemble. “C’étaitinévitable, indique Koen Nevens, faisant référence à l’analogiede leurs métiers. La nouvelle agence reste importante,englobant les talents des deux parties, poursuit-il. Sanschangements majeurs: on a analysé les deux équipes, regardéle potentiel de chacun et fait des remaniements.”

Débauchage. Cette période de ballottement, entre l’annonceofficielle de la fusion et sa concrétisation, a duré quelquesix mois. “Une période sous pression, c’est sûr. Et une ambianceassez pénible. Mes concurrents, et c’est de bonne guerre, sesont empressés de débaucher mes troupes et de briser meséquipes. Coups de téléphone par ici, dîners par là. Celan’arrêtait pas. Mais personne de majeur ne nous a quittés. J’ail’équipe que je voulais garder et n’ai perdu aucun hypersenior.”

Coexclusivité. Cette guéguerre n’aura toutefois pas d’impactsur les relations entre les courtiers. “Elles restent correctes,confraternelles. On est concurrent mais on collabore bien”,assure Koen Nevens. Et il n’y aura pas moins decoexclusivité qu’avant. “Au contraire. Le fait d’avoir trois ‘globalplayers’ va, je pense, ouvrir de nouvelles portes à des mandatscoexclusifs. Parce que nous étions, l’un et l’autre, plus réduits auniveau mondial, on voyait parfois un mandat local nouséchapper, malgré l’expertise de nos équipes qui sont parmi lesplus ‘seniors’ du marché.” Pour ce qui est de la réussite sur lechiffre d’affaires, il faudra attendre la fin de l’année.Pour 2015, les commissions récoltées par le duo dépassent les30 millions, dont plus de 24 pour le seul Cushman & Wakefield.

Épinglé

“Làoù la Belgique

détonne,c’est qu’elle

n’a pas suscitél’intérêt

des Américains.”

Page 2: La libre belgique 16 janvier 2016 interview de deux pages de koen nevens

© S.A. IPM 2016. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

31samedi 16 et dimanche 17 janvier 2016 - La Libre Belgique

Koen Nevens, qui dirige les bureaux belges et luxembourgeois de Cushman&Wakefield, ne croit pas à l’hypothèse d’un crash de l’immobilier professionnel comme ce fut le cas en 2008.

OLIV

IER

PAPE

GNIE

S/CO

LLEC

TIF

HUM

A

Un “Top 3”, pas un “big four”Cushman & Wakefield et DTZ étaient respectivementno3 et no4 mondiaux derrière CBRE et JLL. Quel étaitl’intérêt de créer un troisième plus grand joueur?Avant tout parce que la clientèle, du moins une cer­taine clientèle, est devenue globale et attend de nousun vrai réseau mondial avec un accès au capital mon­dial. A ce titre, les anciens Cushman&Wakefield etDTZ étaient pénalisés. La fusion représente aussi debelles économies d’échelle: c’est plus intéressant del’amortir sur 43000 personnes quesur 16000. Notamment dans l’IT. Nosmétiers changent et nous sommes da­vantage dépendants de bons systèmesIT. C’est d’ailleurs un des gros investis­sements en cours pour la société fu­sionnée. Notre actionnaire a choisi laRolls­Royce des systèmes.

Il y a eu un mouvement de consolida-tion dans ce secteur à la fin des an-nées90. Avec les fusions Richard Ellis/CB, Jones LangWootton/LaSalle, Healey & Baker/Cushman & Wake-field. Cela recommence?Non, cela ne s’est jamais vraiment arrêté. Ici, on parled’une énorme transaction. La plus grande jamaisopérée puisqu’elle réunit 43000 personnes pour unchiffre d’affaires de 5,5 milliards de dollars. Mais il y aeu d’autres opérations entre­temps. On peut mêmedire que CBRE, JLL et Cushman & Wakefield n’ontjamais arrêté de racheter des sociétés et des parts demarché au niveau mondial. A tel point qu’il faudraitpresque que les 4e, 5e, 6e et 7e mondiaux fusionnent

pour se rapprocher du “Top3”. Avec cette fusion, ce“Top3” est donc ficelé. Il n’y aura probablement pasde “big four” comme dans l’audit.

On dit pourtant de l’immobilier qu’il est local…Il faut les deux: une ampleur mondiale et un busi­ness local. Le marché est devenu mondial. Il est im­portant d’être en Chine, en Corée ou aux Etats­Unispour connaître les joueurs chinois, coréens ou amé­

ricains localement et les amener enEurope. Mais sans une connaissanceapprofondie du marché local et sanscontacts locaux, cela ne fonctionnepas non plus.

Qu’est-ce que cette fusion entre Cush-man & Wakefield et DTZ a donné pour laBelgique?Concrètement, une concentration surdeux bureaux, l’un à Bruxelles, l’autre

à Liège. Sur le marché du “letting” (location), on resteleader en “retail” (commerces) et on se renforce en­core plus en “office” (bureaux) où nous étions aussino1. On est devenu quasiment inaccessible en “va­luation”, puisque, selon les critères (surface, chiffred’affaires…), on se prétendait déjà tous les deux… no1.En “capital markets” (investissements), on a élarginos domaines de prédilection: le “core” avec l’ex­Cushman & Wakefield, une expertise plus spécifi­que (résidentiel, hôtels, séniories, développe­ments…) avec l’ex­DTZ. On a toujours une vue ap­profondie du marché, mais plus large.

5,5MILLIARDS

DE DOLLARSTel est le chiffre d’affaires

mondial cumuléde Cushman & Wakefield

et DTZ.

“Mes concurrents se sont empressésde… débaucher mes troupes”Réduction d’emploi. Sur le terrain belge, la fusionCushman & Wakefield a débouché sur des réductionsd’emploi: 130 personnes séparément, 110 ensemble. “C’étaitinévitable, indique Koen Nevens, faisant référence à l’analogiede leurs métiers. La nouvelle agence reste importante,englobant les talents des deux parties, poursuit-il. Sanschangements majeurs: on a analysé les deux équipes, regardéle potentiel de chacun et fait des remaniements.”

Débauchage. Cette période de ballottement, entre l’annonceofficielle de la fusion et sa concrétisation, a duré quelquesix mois. “Une période sous pression, c’est sûr. Et une ambianceassez pénible. Mes concurrents, et c’est de bonne guerre, sesont empressés de débaucher mes troupes et de briser meséquipes. Coups de téléphone par ici, dîners par là. Celan’arrêtait pas. Mais personne de majeur ne nous a quittés. J’ail’équipe que je voulais garder et n’ai perdu aucun hypersenior.”

Coexclusivité. Cette guéguerre n’aura toutefois pas d’impactsur les relations entre les courtiers. “Elles restent correctes,confraternelles. On est concurrent mais on collabore bien”,assure Koen Nevens. Et il n’y aura pas moins decoexclusivité qu’avant. “Au contraire. Le fait d’avoir trois ‘globalplayers’ va, je pense, ouvrir de nouvelles portes à des mandatscoexclusifs. Parce que nous étions, l’un et l’autre, plus réduits auniveau mondial, on voyait parfois un mandat local nouséchapper, malgré l’expertise de nos équipes qui sont parmi lesplus ‘seniors’ du marché.” Pour ce qui est de la réussite sur lechiffre d’affaires, il faudra attendre la fin de l’année.Pour 2015, les commissions récoltées par le duo dépassent les30 millions, dont plus de 24 pour le seul Cushman & Wakefield.

Épinglé