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La Littérature se fait avec des mots Jean-PSerre Goldenstein Université du Maine Vérité au de<¿á des Pyrénées, erreur au déla. Blaise Pascal Depuis un certain temps déjá l'enseignement de la littérature est devenu problématique. II ne va plus de soi, en France méme, pour un public qui ne posséde pas toujours les arriére-plans culturéis considérés comme des prérequis par la plupart des universitaires. Ces derniers doivent alors impérativement penser les objectifs d'un enseignement supérieur des Lettres aujourd'hui et ne pas oublier de poser les questions de base qui tendent trop souvent á disparaítre de leurs préoccupations quotidiennes : qu'enseigner en matiére de littérature ? comment ? á qui ? pourquoi ? Si ces questions se formulent tres simplement les réponses en revanche s'avérent on ne peut plus complexes dans une situation d'enseignement de la littérature frangaise et bien davantage encore en contexte de langue étrangére. Les objectifs poursuivis varient selon les publics et les niveaux visés. Ce sont pour l'essentiel des objectifs langagiers (vocabulaire, syntaxe, normes diverses), textuels (généricité, typologie, approche structurelle), culturéis (histoire littéraire et sociale), métadiscursifs (acquisition d'un discours critique et théorique), institutionnels (champ de la production littéraire) qui font appel á des compétences diversifiées et distinctes bien qu'en interrelations constantes 1 . Dans son enseignement, le professeur peut choisir de faire porter l'accent prioritairement soit sur le corpus étudié (la transmission des grandes oeuvres du passé, jugées incontournables, du Moyen Age á nos jours), soit sur la méthodologie á mettre en oeuvre pour étudier des productions parfois moins valorisées dont l'approche répond á d'autres objectifs. I'idéal consisterait évidemment á ne pas séparer les savoirs des savoir-faire. II s'agit par conséquent de développer conjointement des connaissances académiques et des compétences trop souvent négligées : esprit de recherche, d'initiative, (auto)documentation, capacité á batir des hypothéses, travaux sur des documents sociaux diversifiés : publicités littéraires, catalogues de maisons d'édition, couvertures d'ouvrages, émissions "littéraires" radiophoniques ou télévisuelles... Ce faisant on éprouvera peut-étre le sentiment de ne plus "enseigner la Littérature" mais de favoriser l'approche réfléchie de divers discours socialement regus á une époque donnée comme appartenant á une sphére du "littéraire". Ce type de démarche nous oblige á inventer non seulement de nouveaux outils qui viendront compléter ceux qui existent déjá, mais encore des situations qui permettront aux apprenants de prendre en charge partiellement leur propre démarche d'apprentissage. 1 Lire á ce sujet les deux articles d'André IVtitjean, "Linguistique textuelle et didactique des textes littéraires", Les Langues modernes, n° 3, 1990, pp. 47-58 et "Pour une didactique de la littérature", Perspeetives didactiques en fran^ais, Aetes du Colloque de Cerisy : Didactique et pedagogie du frunzáis, recherches actuelles, 1990, collection "Didactique des Textes" publiée par le Centre d'Analyse Syntaxique de l'Université de Metz (diffusion : Pratiques. 8 rué du Patural, F - 57(KK) Metz), pp. 101-127.

La Littérature se fait avec des mots - dialnet.unirioja.es · anecdote. Le peintr Degase qu, s'essayaii á fairt dee s vers di, ut n jour a Mallarm : "Votré e

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La Littérature se fait avec des mots

Jean-PSerre Goldenstein Université du Maine

Vérité au de<¿á des Pyrénées, erreur au déla.

Blaise Pascal

Depuis un certain temps déjá l 'enseignement de la littérature est devenu problématique. II

ne va plus de soi, en France méme, pour un public qui ne posséde pas toujours les arriére-plans

culturéis considérés comme des prérequis par la plupart des universitaires. Ces derniers doivent

alors impérativement penser les objectifs d'un enseignement supérieur des Lettres aujourd'hui

et ne pas oublier de poser les questions de base qui tendent trop souvent á disparaítre de leurs

préoccupations quotidiennes : qu'enseigner en matiére de littérature ? comment ? á qui ?

pourquoi ?

Si ces questions se formulent tres simplement les réponses en revanche s'avérent on ne

peut plus complexes dans une situation d'enseignement de la littérature frangaise et bien

davantage encore en contexte de langue étrangére. Les objectifs poursuivis varient selon les

publics et les niveaux visés. Ce sont pour l'essentiel des objectifs langagiers (vocabulaire,

syntaxe, normes diverses), textuels (généricité, typologie, approche structurelle), culturéis

(histoire littéraire et sociale), métadiscursifs (acquisition d'un discours critique et théorique),

institutionnels (champ de la production littéraire) qui font appel á des compétences diversifiées

et distinctes bien qu'en interrelations constantes1.

Dans son enseignement, le professeur peut choisir de faire porter l'accent prioritairement

soit sur le corpus étudié (la transmission des grandes oeuvres du passé, jugées incontournables,

du Moyen Age á nos jours), soit sur la méthodologie á mettre en oeuvre pour étudier des

productions parfois moins valorisées dont l 'approche répond á d'autres objectifs. I ' idéal

consisterait évidemment á ne pas séparer les savoirs des savoir-faire. II s'agit par conséquent

de développer conjointement des connaissances académiques et des compétences trop souvent

négligées : esprit de recherche, d'initiative, (auto)documentation, capacité á batir des hypothéses,

travaux sur des documents sociaux diversifiés : publicités littéraires, catalogues de maisons

d'édition, couvertures d'ouvrages, émissions "littéraires" radiophoniques ou télévisuelles...

Ce faisant on éprouvera peut-étre le sentiment de ne plus "enseigner la Littérature" mais de

favoriser l 'approche réfléchie de divers discours socialement regus á une époque donnée

comme appartenant á une sphére du "littéraire". Ce type de démarche nous oblige á inventer

non seulement de nouveaux outils qui viendront compléter ceux qui existent déjá, mais

encore des situations qui permettront aux apprenants de prendre en charge partiellement

leur propre démarche d'apprentissage.

1 Lire á ce sujet les deux articles d'André IVtitjean, "Linguistique textuelle et didactique des textes littéraires", Les

Langues modernes, n° 3, 1990, pp. 4 7 - 5 8 et "Pour une didactique de la littérature", Perspeetives didactiques en fran^ais,

Aetes du Colloque de Cerisy : Didactique et pedagogie du frunzáis, recherches actuelles, 1990, collection "Didactique

des Textes" publiée par le Centre d'Analyse Syntaxique de l'Université de Metz (diffusion : Pratiques. 8 rué du Patural,

F - 57(KK) Metz), pp. 101-127.

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La question du discours tenu sur l'objet d'étude est capitale. L'accent mis sur le corpus comporte en germe le risque de la déviation encyclopédique. Celui que Ton met sur la méthodologie invite á succomber á la tentation techniciste. Cette derniére est d'autant plus redoutable que le public du franyais langue étrangére se trouve tres fréquemment doublement étranger : étranger á la langue bien sur mais étranger également á la méthodologie développée en lecture textuelle par la tradition frangaise.

Dans ees conditions, quelle place l 'enseignement du frangais langue étrangére accordera-t-il á la littérature ? Le discours d'admiration n'est plus de mise aujourd'hui. Le développement et la maítrise de compétences de lecture diversifiées semblent étre un objectif raisonnable compte tenu des publics scolarisés comme de la commande sociale globale. II fut un temps oü, par le biais du texte littéraire, on entendait favoriser une éducation morale, esthétique, intellectuelle á travers la divulgation du Bien, du Beau et du Vrai. De nos jours, descendu de son piédestal, le texte littéraire ne doit étre ni survalorisé ni rejeté systématiquement mais pris comme un élément, parmi d'autres, constitutif du fait frangais. On peut fort bien apprendre une langue étrangére en se passant de la fréquentation des grands auteurs qui Pont illustrée. En revanche, l'approche du phénoméne littéraire -outre son intérét intrinséque - nous permet de penser de fayon souvent privilégiée nos rapports á la langue, aux codes culturéis, aux systémes de valeurs propres, ici, á la francité. A cette fin, l'explication de textes ne constitue certainement pas le seul moyen a mettre en oeuvre pour penser la littérature et en favoriser l'approche raisonnée.

Je présenterai des éléments de reflexión ainsi que quelques démarches qui se veulent des apports méthodologiques dans l'apprentissage d'une culture et d'une lecture universitaires. Les propos qui suivent porteront sur les conditions d'une littérature enseignée et se situeront dans ce lieu mixte des pratiques théorisées. J' insisterai sur la nécessité de penser les articulations entre discours théoriques d'horizons parfois tres diversifiés et pratiques effectives d'enseignement. Cette articulation nécessite, selon moi, l'adoption de certaines positions didactiques liées au mode de travail adopté en fonction d'objectifs clairement posés au préalable. Ces différents points trouveront leur illustration dans une série d'activités menées avec des étudiants et souvent proposées dans le cadre de stages de formation en France comme á l'étranger. Je m'efforcerai de faire ressortir la logique de travaux qui tous cherchent á leur fagon á favoriser des lectures plus actives.

La littérature se fait avec des mots

Paul Valéry rapporte á plusieurs reprises sous des formes légérement différentes la méme anecdote. Le peintre Degas, qui s'essayait á faire des vers, dit un jour a Mallarmé : "Votre métier est infernal. Je n'arrive pas a faire ce que j e veux et pourtant, je suis pl<Nin d ' idées. . ." Et Mallarmé lui répondit : "Ce n'est point avec des idées, mon cher Degas, que Ton fait des vers. C'est avec des Mots"2. La prise en compte de cette anecdote sous-tend la plupart des travaux d'iniliation que je propose a des étudiants toujours enclins á rabattre tout texte littéraire sur l'expression d'un "message" de la part d'un écrivain.

Interrogeons done tout d'abord la notion méme de littérature á partir d'un poéme d' André Bretón démarqué d'une page d'annuaire téléphonique et publié dans Clair de terre en 1923

2 Paul Valéry, "Poésie el pensée abslraile", Varíete, (Kuvres, lome I, Gallimard, Bibliollieque de la Pléiade, p. 1324.

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aprés avoirfait Fobjet d'une prépublication dans le n° 2, et dernier, de Cannibale du 25 mai 1920.

J'ai déjá exposé ailleurs3 une démarche qui, á partir de ce poéme particuliérement problématique,

permet une sorte de propédeutique aux études littéraires. Qu'est-ce pour les étudiants que la

littérature, la poésie ? Peut-on lire un texte qui n'adopte pas les canons de la lisibilité reconnue et,

si oui, comment ? Qu'est-ce qu'un auteur, un acte d'écriture légitime ? Un écrivain a-t-il besoin

d'étre "original" ? L'écrit littéraire poursuit-il toujours un but esthétique ? Existe-t-il des critéres

forméis qui le distinguent á coup sur des écrits ordinaires ? Ces questions apparemment simples

n'en demeurent pas moins essentielles. Je tiens qu'il est indispensable que de jeunes étudiants

puissent se les poser au cours de leurs études supérieures et aborder á cette occasion ce qui

reste fréquemment l'impensé de l'enseignement littéraire. Ma premiére préoccupation dans ce

domaine est de les placer autant que faire se peut en position de reflexión critique afin de les

amener á réfléchir sur leurs propres représentations en matiére de littérature comme sur les

principaux opérateurs du discours littéraire qu'ils ont intégrés avant méme leur entrée á

l'Université.

Les textes ordinaires se font aussi avec des mots

Dans un essai célebre aux États-Unis, Stanley Fish4, aprés avoir étudié le sentiment de la

littérature chez le lecteur (Literature in the Reader ) aborde les questions de l 'autorité

interprétative dans la salle de classe et dans la critique littéraire. A la fagon nord-américaine il

pose une question fort pragmatique : "comment reconnaítre un poéme quand on en voit un ?" et

rapporte á cette occasion l'anecdote suivante. Stanley Fish a été amené á donner deux cours

différents dans la méme salle de classe. Le premier portait sur les relations entre linguistique

et critique littéraire, le second sur la poésie religieuse anglaise du XVII' siécle. Lorsque le

second groupe entre dans la classe figure encore sur le tableau le "texte" suivant:

Jacobs-Rosenbaum

Levin

Thorn

Hayes

Ohman (?)

dans lequel un lecteur un tant soit peu informé des recherches langagiéres aura reconnu les

noms de célebres linguistes et d'un critique, dont Fish ne se rappelait pas si le patronyme

contenait un ou deux "n" (d'oü le point d'interrogation). S. Fish a simplement encadré cette

liste et ajouté au sommet du cadre "p. 43" puis a proposé Pensemble aux étudiants du deuxiéme

groupe comme un poéme religieux qu'il leur a demandé d'étudier.

La démarche interprétative s'est immédiatement mise en route : hypothéses sur la spatialité

de Fénoncé (hiéroglyphe ? croix ou autel ?), référence culturelle á l'échelle de Jacob remplacée

dans le poéme par un rosier figurant la Vierge Marie, rose sans épines. N'entrons pas dans le

détail d'une lecture qui, on s'en doute, a permis de récupérer — au prix de quelques distorsions,

voire contorsions — ce que les études littéraires ont appelé au gré des modes successives des

Voir J.-P. Goldenstein. Entrées en littérature, Paris. Hachetle K.LK.. 1990, [>[>. 7-18.

' Stanley Kish, Is There a Texl ¿n This Class? The Authority of ¡nlerpretive Communities, Harvard University Press,

Cambridge, Massaehuselts, London. Kngland. 1980, 3 9 4 p.

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écarts, des traits stylistiques, des agrammaticalités. "Thorn" passe pour une déviation de "thorne" (épine, aisáment référé á la couronne d'épines du Christ), "Levin" pour la tribu de Lévi, "Ohman" pour "amen". D'une opposition entre noms "juifs" et noms "chrétiens" les lecteurs ont inféré une opposition entre Ancien et Nouveau Testament, et done entre loi du peché et loi d 'amour. . . Des lors on ne s'étonnera pas que le décompte des lettres les plus utilisées dans le poéme ait permis de faire apparaítre la présence du Fils rédempteur (S.O.N.). A partir de cette expérience relativement commune, que nous avons tous plus ou moins faite dans notre enseignement, S. Fish se demande sur quel les bases on reeonnaít un poéme lorsqu'on en voit un. Les caractéristiques formelles sont évidemment extrémement importantes mais plus encore le fait de porter un "regard poétique" ("to look with poetry-seeing eyes") sur un énoneé. Autrement dit le lecteur construit partiellement l'objet poétique qu'il est censé simplement interpréter. Partir d'un objet textuel ordinaire peut de la méme fa^on permettre de poser une série de questions centrales telles que : qu'est-ce qui releve de la littérature ? qui valorise tel type de discours social plutót que tel autre ? les eritéres de valorisation proviennent-ils du texte lui-méme ou lui sont-ils extérieurs ? Soit l'exemple de Ténoncé publicitaire suivant relevé sur une affiche du RER en septembre 1989 :

Au Forum des Halles il y a des hommes qui partent acheter de la mousse á raser, et qui reviennent avec des jouets qu'ils donneront aux enfants qu'ils feront avec cette femme qu'ils n'ont pas encore rencontrée.

ON POURRAIT RÉSISTER AU FORUM DES HALLES, SI ON VOULAIT. [Logo]

On voit immédiatement que cet énoneé posséde la forme de la poésie, le style de la poésie et que pourtant ce n'est pas de la poésie. Pourquoi ? On retrouve en lui des constructions valorisées comme poétiques telle ce si prosaique "il y a" qui évoque chez le lecteur lettré Rimbaud :

Au bois il y a un oiseau, son chant vous arréte et vous fait rougir. II y a une horloge qui ne sonne pas. II y a une fondriére avec un nid de bétes blanches. II y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte. II y a une petite voiture abandonnée dans le taillis [...] (Illuminations, "Enfance" III)

ou Apollinaire :

II y a un vaisseau qui a emporté ma bien-aimée II y a dans le ciel six saucisses et la nuit venant on dirait des asticots dont naitraient les étoiles II y a un sous-marin ennemi qui en voulait á mon amour [ ...] (iCalligrammes, "II y a").

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On y lit également le plaisant jeu de la récursivité utilisé par Robert Desnos dans "La Colombe de l'Arche" (Langage cuit):

Maudit soit le pére de l'épouse du forgeron qui forgea le fer de la cognée avec laquelle le bücheron abattit le chéne dans lequel on seulpta le lit oü fut engendré l'arriére-grand-pére de l'homme qui conduisit la voiture dans laquelle ta mere rencontra ton pére!

(novembre 1923)

tout comme la mise en scéne d'un merveilleux quotidien. I'anonymat de l'énoncé n'est pas un signe de non poéticité en soi. La mousse á raser du message publicitaire n'est pas plus prosaique que les asticots d'Apollinaire. En revanche la présence du slogan en guise de signature nous oriente vers un acte d'achat qui vient rendre á cet énoncé l'aspect pragmatique qu'il semblait ne pas posséder. D'autotélique apparemment (jeu des structures, parallélismes, répétitions, clóture de l'énoncé) le texte se lit bien comme hétérotélique : dirigé vers une consommation totalement extérieure au message linguistique lui-méme. En retour, une autre question surgit : contre quoi éehange-t-on de la poésie, de la littérature ?

A l'issue d'une telle sensibilisation qui prend la forme d'une activité en sous-groupes, d'une réflexion collective comme d'un apport d'informations de ma part, les étudiants sont amenés á se poser des questions telles que celles de la lecture d'un texte, de son (non) sens éventuel, de la création littéraire, de l'originalité, de la figure de l'auteur, des instances de légitimation, etc., toutes notions généralement tenues comme allant de soi par le discours standard sur la littérature. La démarche définitoire de la "littérature" s'avérant vite aporétique, j 'adopte avec Thomas Aronr> une attitude pragmatique qui consiste á se demander : "Comment lisons-nous un texte quand nous le lisons comme littéraire ?" et á constater que : "Lire un texte comme littéraire, c'est s'attendre á ce que tout élément y fasse signe ". II s'agit, on le voit, dans cette perspective, de favoriser le développement d'une activité questionnante tenue pour essentielle dans l'hygiéne de l'enseignement des Lettres.

Des outils de base au "discours de VÉcole sur les textes"

Une activité trop négligée á mon sens consiste á rapidement donner une connaissance des outils de base á la disposition de nos étudiants et dont nous nous servons bien entendu nous-mémes. II s'agit alors d'organiser le plus tót possible dans l'année une visite commentée de la bibliothéque universitaire en expliquant ses modes de fonctionnement ainsi que les différents lieux de documentation á leur disposition. Ce travail me semble trop généralement sous-estimé par des universitaires rompus á ees pratiques et qui ne parviennent méme pas á

:> Thomas Aron, Littérature et littérarité: un essai de mise au point, Armales litléraires de l'Lniversilé de Besan^on n° 292, Paris, Les Belles Leltres, 1984, p. 21 et 48.

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imaginer que la consultation d'un ouvrage de référence n'est pas un geste habituel pour la

plupart des jeunes étudiants frais émoulus de l 'enseignement secondaire. Le geste le plus

élémentaire de leeture peut pourtant, parfois, étre á l'origine de curieuses difficultés. Qu'on en

juge par cet exemple, authentique, d'un lycéen frangais qui déeouvre dans son manuel scolaire

un extrait du fameux poéme d'Apollinaire "Zone" (Alcools, 1913) :

[ . . .] Seúl en Europe tu n'es pas antique ó Christianisme

L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X2[. . .J

et qui lit oralement le segment pourvu d'un appel de note: "Pape Pie "x au carré" . Je pose

que l'enseignement de la littérature passe aussi aujourd'hui par la prise en compte de tels

gestes. II faut tout mettre en oeuvre pour que chaqué étudiant soit le plus rapidement capable

de connaítre l'existence, puis d'utiliser de fagon pertinente les ouvrages de référence les plus

courants (dictionnaires de langue, dictionnaires encyclopédiques, dietionnaires de littérature,

bibliographies, principales revues de littérature et de linguistique...). Une telle démarche

s'inscrit bien entendu dans un contrat pédagogique qui postule que, chacun étant informé de

ce dont il pourra avoir besoin, les exigences du professeur seront a la hauteur de la formation

initiale explicitement donnée.

Un faux texte de Rimbaud permet d'aborder par la pratique la question aujourd'hui

fameuse du discours de l'Ecole sur les textes. II s'agit de l'extrait d 'une oeuvre attribuée á

Rimbaud, La Chasse spirituelle(\ présenté par mes soins (spatialisation, typographie, appareil

para-textuel : chapeau, notes, questions.. .) á la fagon d'un célebre manuel scolaire connu de

tous les anciens lycéens frangais. Jean Paulhan, au moment de l'affaire Rimbaud que nous

allons évoquer á présent, suggérait "que les pastiches soient inclus dans le programme scolaire"

(cf. B. Morrissette, op. cit., p. 105). Je crois en effet que cette activité, bien maítrisée, est

susceptible de développer les connaissances de nos étudiants. J'ai pour ma part proposé un

travail sur le montage que j 'avais effectué en leur demandant simplement de commenter le

texte distribué sans leur révéler qu'il s'agissait d'un faux puis, la mystification étant dévoilée,

d'opérer une leeture dédoublée du texte et du métatexte en les considérant d'abord comme

vrais, puis comme faux, et de réfléchir sur les mises en condition de leeture que cet exercice

imposait.

De quoi s'agissait-il au juste ? On sait que Rimbaud a peu publié ses textes lui-méme et que

de nombreuses ceuvres, et non des moindres, nous sont connues grace au role de Verlaine

éditeur de son ami. Verlaine parle quelque part d'un "manuscrit dont le titre nous échappe et

qui contenait d'étranges mysticités et les plus aigus apergus psychologiques", manuscrit

malheureusement égaré qui correspond probablement á ce qu'une autre source appelle "un

manuscrit sous pli cachete, intitulé Ixi Chasse spirituelle, par Arthur Rimbaud." Or, le 19 mai

1949, la page littéraire de Combat publie "un inédit sensationnel" d'Arthur Rimbaud, "un

document littéraire exceptionnel que l'on croyait perdu depuis 1872". Au méme moment paraít

au Mercure de France le texte intégral de la Chasse spirituelle préfacé par Pascal Pia. Des le 21

mai le Fígaro met en doute l 'authenticité du texte et en attribue la paternité á deux jeunes

comédiens, Mllr Akakia-Viala et Nicolás Bataille. Ces derniers avoueront en effet par la suite

avoir forgé ce faux Rimbaud qui déclencha alors un scandale littéraire bien parisién á grand

" Voir Bruce MorrissetU*. ¡AI Ixttaillc Rimbaud. Paris, A.(i. (Ni/.rt, 1959. 4 0 4 p.

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renfort de let tres ouvertes (André Bretón dénonee d ' emblée "un faux de carac té re partieuliérement méprisable" ; il publiera ensuite Flagrant délit), d'invectives, d'émissions radiophoniques, etc.

Ces divers épisodes dont le livre de B. Morrissette fournit le détail minutieux, présente en creux une remarquable image de la littérature et de la critique comme institutions. De ce point de vue, le pastiche constitue un précieux outil de littérature critique. Relevons tout d'abord le pouvoir de fascination qu'exerce l'oeuvre inconnue d'un auteur connu sur l'imagination (Fimaginaire ?) des amateurs. La question de l'horizon d'attente est primordiale ici. On accueille différemment un texte vieux d'une centaine d'années selon qu'il est signé Rimbaud, Léon Valade ou bien qu'il reste anonyme. Par ailleurs, le pastiche, des qu'il sort de l'ombre et se propose au public, touche á la question de la propriété littéraire, pose le probléme des droits d'auteur et engage la responsabilité juridique de l'éditeur. Le faux en outre fait ressortir avec acuité la question de la valeur littéraire. Faut-il admirer ou pas ? Qui décide en pareil cas ? La critique ? Mais sur quels critéres fonde-t-elle son opinion ? Qu'est-ce qu'un génie ? A quoi reconnaít-on l'originalité d'un texte ? un chef-d'ceuvre ? Dans le cas présent, les jugements critiques (ce n'est pas assez Rimbaud vs c'est trop Rimbaud pour étre du Rimbaud) permettent, pour l'essentiel, de réaliser qu'un écrivain reconnu est tendanciellement convié á s'autoparodier inlassablement tout en restant dans les limites du supportable exclusivement - faute de quoi il tombe dans la fabrique, elle-méme dévalorisée - , sans jamais briser l'univers de référence qu'il s'est constitué.

Favoriser une attitude critique

Dans la perspective tracée précédemment de leeture active de textes primaires comme secondaires, un retour sur le poéme d'André Bretón cherche á placer les étudiants, dont beaucoup sont de futurs professeurs, en position de proposition critique face aux manuels scolaires actuellement sur le marché. Le manuel assure en effet, on le sait, une importante fonction de courroie de transmission idéologique entre des textes dument sélectionnés — selon des modalités qu'il convient d'étudier de prés — et des lecteurs, généralement inconscients du role de guidage que représente cet outil avec lequel ils sont familiarisés depuis l'enfance. 11 s'agit par conséquent d'inverser le type de préoccupations habituellement de mise dans une faculté de I ,ettres. Non pas, comment pouvons-nous lire un texte marginal, mais pourquoi ce type de texte est-il absent des manuels scolaires et comment nous y prendrions-nous si un hypothétique éditeur nous donnait carte blanche pour réaliser l'ouvrage idéal en nous laissant totale liberté de choix ? Les étudiants á qui j'ai proposé ce travail devaient réaliser un dossier á partir des consignes suivantes :

• Expliquez de fagon argumentée pourquoi on ne trouve jamais de textes comme "PSTT" dans aucun manuel scolaire. • Rassemblez les grandes lignes de ce que vous proposeriez á partir de ce texte dans un manuel de morceaux choisis de l 'enseignement secondaire que vous réaliseriez (mise en page ? notes ? questions ? illustration[sl ? documents divers ? etc.) en fonction d'objectifs á préciser.

André Bretón figure bien dans les principaux ouvrages aujourd'hui disponibles mais jamais un jeune lecteur ne pourrait imaginer qu'il a participé si activement á une crise majeure dans la littérature.

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Dans le cadre d'une réflexion sur une littérature enseignée, nous réfléchissons á la notion de littérature programmée par le biais de toute une série de classifications majoritairement historiques, génériques et thématiques. "PSTT" de par sa longueur correspond parfaitement au calibrage standard du texte littéraire enseigné. On sait que, de ce point de vue, le sonnet représente le type textuel privilégié d'un compilateur de belles pages comme il a représenté également, reconnaissons-le, le terrain d'élection des grandes analyses structurales des années 1960-1970. Toutes les autres questions que l'on est amené á se poser dans la perspective d'une éventuelle introduction de ce poéme dans un manuel scolaire permettent de faire découvrir par les utilisateurs eux-mémes les principaux opérateurs du discours sur la littérature. Tels sont les acquis susceptibles d'étre favorisés dans le cadre d'une contre-pédagogie par la contre-lecture d'une contre-littérature.

On a touché au sonnet

La poésie moderne fournit une riche base de réflexion dans la mesure oü tres fréquemment le contrat antérieur, passé implicitement entre l'auteur et le lecteur sur la base d'une compétence textuelle commune, est rompu. Désormais l'écrivain impose une compétence textuelle unilatérale arbitraire, sa compétence. Ce faisant, il refuse de se soumettre á l'ordre normatif du discours constitué, astreint aux exigences de la communication quotidienne, qui ne figure plus l'horizon ultime de la poésie. Je propose par exemple de lire les avatars du sonnet comme forme poétique avec "Un sonnet avec la maniere de s'en servir" de Tristan Corbiére, un "Pseudo sonnet" de Georges Fourest et une production de Man Ray á mi-chemin entre le (non) texte et le graphisme. II s'agit, á partir du texte de Tristan Corbiére de s'interroger sur le poéme en tant que sonnet, en tant que dénonciation du sonnet, puis de mener une réflexion sur l'insertion possible de ce texte dans une séquence didactique. Cela conduit á travailler sur la structure du sonnet en général et les particularités de celui-ci, á situer le sonnet de Corbiére dans l'état des pratiques littéraires du XIX'' siécle, á penser l'insertion de cette piéce dans une série de textes en fonction d' objectifs déterminés.

L'utilisation du Dictionnaire de poétique et de rhétorique de Henri Morier (Presses Universitaires de France, 1981) permet de reprendre les grandes lignes de ce qu'il convient de savoir sur ce type de poéme á forme fixe et de s'interroger par la suite sur la position de Corbiére concernant la liberté ou l'autonomie du poete. On constate rapidement que le poéme de Corbiére est bien un sonnet isométrique (14 vers, 4 blocs typographiques, 2 quatrains, 2 tercets) mais un sonnet qui ne respecte pas les regles canoniques du genre. Henri Morier présente sous le nom de "faux" sonnets, ou sonnets "licencieux", ceux qui, comme celui dont nous parlons, offrent un schéma de rime irrégulier. "lis sont pratiqués, écrit-il, tantót par faiblesse artisanale, tantót par fantaisie délibérée, ou dans le dessein de créer des effets." ( op. cit. pp. 1010-1011) On rappelle, avec Morier, que le "Sonnet d'Automne" de Baudelaire ne comporte que deux rimes. II y a de forte chance pour qu'aucun étudiant, élevé dans l'admiration inconditionnelle de Baudelaire, n'ait l'idée de mettre en cause la compétence poétique de ce dernier. II faut done se demander á quoi peut bien correspondre pareille anomalie dans le sonnet de Corbiére.

Cette conférence n'a pas pour objet la présentation détaillée de ce texte travaillé avec minutie á partir de son titre surprenant, de son épigraphe (un alexandrin supplémentaire!) et de ses diverses composantes dans le souci constant d'évaluer les effets stylistiques d'une écriture

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ironique qui s'insurge contre les regles trop contraignantes de la poétique traditionnelle et

n'hésite pas á recourir aux agrammaticalités, au sens oü M. Riffaterre emploie ce terme, les

plus surprenantes. Le poéme serait done une machine qui transmet entre un émetteur et un

récepteur des signaux dont le sens est convenu ? Le poete, un vulgaire manipulateur astreint

au seul respect d'une formule mathématique ? Le lecteur, un décodeur ? Les différentes regles

de la versification, des signaux uniquement conventionnels ? Cette piéce qui n'hésite pas á

convoquer intertextuellement Moliere et la fameuse scéne du Misanthrope (I, 2) au cours de

laquelle Alceste est sommé de juger de la qualité du sonnet d'Oronte ("Sonnet — c'est un

sonnet —") autorise une séquence didactique centrée autour de la notion des normes poétiques

et de leur évaluation au cours des ages. En partant d'un sonnet de Ronsard ou de Du Bellay, en

passant par le sonnet d'Oronte sans préciser dans un premier temps son origine afín de ne pas

imposer a priori le jugement dépréciatif de Moliere, puis en passant par un (faux) sonnet

baudelairien et par les textes de Fourest et de Man Ray7. Le professeur fournit ainsi aux étudiants

la possibilité concrete de comprendre comment, á une époque donnée, on a touché au sonnet

et de se demander pourquoi en n'oubliant pas, au passage, que Corbiére, avec "Le Crapaud", a

écrit une sorte de "sonnet inverse" composé de deux tercets suivis de deux quatrains.

Penser les modes de travail

Ce type de réalisation met en cause ce que Marcel Lesne a appelé les modes de travail

pédagogique 8. L'intérét de l'étude de M. Lesne est de permettre á quiconque est amené á

enseigner quelque chose á quelqu'un de prendre un mínimum de recul théorique afín de penser

les dimensions impliquées par une pratique empirique. Si l'on pose que l'étudiant est á la fois

objet de socialisation, agent de socialisation et peut étre également sujet de sa propre

socialisation, on est amené á réfléchir sur un certain nombre de points capitaux parmi lesquels

le rapport au savoir et au pouvoir. A cette fin, M. Lesne construit trois types théoriques de

démarches pédagogiques, qui n'existent pas á l'état pur dans la réalité, qu'il nomme MTP. Le

premier, MTP1, de type transmissif, á orientation normative est caractéristique de nos cours

magistraux. Un spécialiste, reconnu par Finstitution universitaire, transmet avant tout un corps

de savoirs académiques. Le second, MTP2, de type incitatif, á orientation personnelle, se centre

davantage "sur les personnes en formation en tant qu' individus doués ou susceptibles

d'autonomie" (op. cit. , p. 63) et leurs besoins propres au risque de ce M. Lesne n'hésite pas á

qualifier de "coup de baguette idéologique". Le troisiéme, MTP3, de type appropriatif, se centre

sur l'insertion d'individus susceptibles d'agir par eux-mémes sur le fonetionnement social. Ma

propre pratique essaie tant bien que mal de batir un mixte entre le premier et le second modele.

Une conversation privée avec M. Lesne m'a d'ailleurs appris que, dans l'esprit de Fessayiste, il

s'agissait davantage d'élaborer une grille théorique d'analyse des pratiques d'enseignement

que de promouvoir la réalisation systématique d'un MTP3, extrémement difficile á mettre en

oeuvre concrétement.

Une conscience des différents MTP reste toutefois extrémement utile pour celui qui

entend favoriser une rénovation de l 'enseignement en général et, en ce qui nous concerne,

de la lit térature enseignée. Je n'en donnerai qu 'un exemple á partir d 'un travail effectué

7 Voir J.-P. Goldenstein, "Mais oü esl done passé le texle ¡s Frangais dans le monde, n° 230 , janvier 1990, pp.

63-66.

" Marcel Lesne, Travail pédagogique el formation d'adulles , Paris, P.U.K., coll. 'Tédueateur", n° 58, 1977, 185 p.

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avec des collégiens. 11 s'agissait pour moi d 'amener des eleves de 13-14 ans á aequérir face á un livre des gestes de lecture tels qu'un adulte peut les posséder : manipulation de l 'ohjet-livre, coup d'oeil á la quatriéme de couverlure, á la table des matiéres, altention flottante prétée á quelques titres, á quelques mots saisis au hasard d 'une lecture en diagonale, decisión de lire. La seule consigne était, á partir du recueil intégral de Paroles de Jacques Prévert, de sélectionner un poéme qui avait attiré l 'attention pour une raison ou pour une autre et de se meltre en condition de le présenter au reste du groupe-classe. Deux eleves ont choisi:

LES PARIS STUPIDES

Un certain Blaise Pascal etc etc

II entrait dans ce choix, de toute évidence, une part de provocation q u e j e n 'entendais pas censurer. Restait á lire ce texte si court dont le titre, en capitales d ' imprimerie, ne permettait pas á mes jeunes lecteurs de distinguer la ville, capitale de la France, du "par i" pascalien dont, par ailleurs, ils n'avaient bien sur jamais entendu parler. Je leur ai done demandé d 'effectuer une recherche encyclopédique afin de savoir si le "certain Blaise Pascal" référait á un personnage authent ique ou seulement fictionnel puis, le renseignement ayant été trouvé, de voir quel pouvait étre le rapport entre ce Blaise Pascal et "LES PARIS STUPIDES". Ces jeunes éléves ont done été amenés á découvrir l 'existence du pari pascalien qui, ayant été reproduit par mes soins, a fait l 'objet d 'une présentation, fatalement superficiel le vu l'áge du public visé. Un tel exemple montre á l 'évidence que c'est le MTP adopté qui a permis á cette situation d 'advenir par le jeu de la dynamique mise en place par le professeur.

Conclusión

On l'aura peut-étre compris, mon souci majeur dans la formation des étudiants á la réeeption littéraire réside dans le choix des modes de travail pédagogique et dans la fa^on dont on pense les rapports entre savoirs et savoir-faire afin de faire parliciper l 'apprenant lui-méme á l'acquisition de ses propres savoirs. II ne s'agit finalement de rien d'autre que de contribuer, dans la mesure du possible, á la réalisation du vieux réve valéryen : faire un leeteur actif en apprenant á lire dans tous les sens du terme — technique, matériel, institutionnel, culturel, historique... Chacun est invité, étudiants comme enseignants, á dépasser son propre stade d'analphabétisme, son seuil d'incompétenee. Je milite pour ma part pour un enseignement qui cherche á responsabiliser l'apprenant, á le placer le plus rapidement possible en situation de " r e c h e r c h e " . II s 'agi t par conséquen t bien á te rme d ' e s s a y e r de fa i re de lui un "étudiant-chercheur" eapable d'adopter une attitude avant tout questionnanle afin de contribuer á ce que l'appropriation de savoirs sur l'objet littéraire ne se réduise pas á une suite de réponses sans questions.

Bien d'autres aetivités (travaux menés sur des couvertures de romans, sur des titres et des incipit romanesques, lecture de récits complets fondee sur des eritéres de pertinence múltiples, langagiers, historiques, textuels) permettent de problématisei l'approche d'un certain nombre

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de phénoménes littéraires dans la perspective non pas du F.L.E. (frangais langue étrangére) mais de ce que Claudette Oriol-Boyer<) a excellemment suggéré d'appeler F.L.L.E.: frangais langue et littérature étrangéres.

'' Claudette Oriol-Boyer. "Pour une didactitjue (hi frangais langue et littérature étrangéres", / y Frunzáis dans le monde, n° 237. 1990, pp. 56-63.

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