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Didier PIRE Oct. 2014 Maître de conférences à l’Université de Liège (ULg)
Avocat au barreau de Liège
La loi du 30 juillet 2013 portant création d’un tribunal de la famille
et de la jeunesse
I. GENERALITES
La loi portant création d’un tribunal de la famille est attendue depuis longtemps pour mettre
un terme au morcellement hallucinant des différentes compétences dans le contentieux
familial.1
Pour rappel, avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi (1er septembre 2014) :
- pour les personnes mariées qui ne divorcent pas, le contentieux conjugal était, pour
l’essentiel, de la compétence du juge de paix ;
- dès qu’une instance en divorce était introduite, c’était le juge des référés qui devenait
compétent ;
- pour le divorce proprement dit, c’était le tribunal de première instance;
- lorsque le divorce était coulé en force de chose jugée, le tribunal de la jeunesse
devenait compétent pour ce qui concerne les questions d’autorité parentale et
d’hébergement des enfants, le juge de paix pour les aliments (sauf connexité avec le
précédent), et le tribunal civil pour ce qui concerne la liquidation partage ;
- pour les cohabitants légaux: compétence du juge de paix;
- pour les personnes qui n’ont jamais été mariées: tribunal de la jeunesse pour les
questions relatives à l’autorité parentale et l’hébergement des enfants et tribunal civil
en cas de partage patrimonial.
La loi du 30 juillet 2013 portant création d’un tribunal de la famille et de la jeunesse a été
publiée au Moniteur belge du 27 septembre 2013. Elle est entrée en vigueur le 1er septembre
2014.
II. ORGANISATION JUDICIAIRE
L’article 76 du code judiciaire est modifié.
Le tribunal de 1ère
instance contient une nouvelle section appelée « tribunal de la famille et de
la jeunesse ». Celle-ci se compose des chambres de la famille, des chambres de règlement à
l’amiable (qui constituent le tribunal de la famille) et des chambres de la jeunesse (qui
constituent le tribunal de la jeunesse).2
1 Quant aux travaux préparatoires voy. Doc. Ch. N° 53/0682 et Doc. Senat 5-1189; voy. pour plus de
détails lire D. PIRE, «La loi du 30 juillet 2013 portant création du tribunal de la famille et de la
jeunesse», Act. dr. fam., 2013, pp. 170 et s.; J.-P. MASSON, « La loi du 30 juillet 2013 portant création
d’un tribunal de la famille et de la jeunesse », J.T., 2014, pp. 181 et s.; ouvrage collectif, Le tribunal de
la famille et de la jeunesse, Bruxelles, ULB, Bruxelles, Larcier et Limal, Anthemis, 2014; A.
Desmarets, Le tribunal de la famille et de la jeunesse - Premier commentaire d'une réforme tant
attendue, Kluwer, Diegem, 2014. La nouvelle loi a fait d’objet d’une « loi réparatrice » : il s’agit de la
loi du 08 mai 2014 portant modification et coordination de diverses lois en matière de justice Moniteur
belge du 14 mai 2014 : V. notre article “Tribunal de la famille : loi réparatrice” Act.dr.fam. 2014, p
178; quant aux travaux préparatoires : voy. Doc.ch. 53-3356/007. 2 Nous traiterons ici du tribunal de la famille (compétences civiles.) Le tribunal de la jeunesse
continuera à exercer les compétences dites « protectionnelles » (mineurs en danger et mineurs «
délinquants ») que nous n’aborderons pas
2
La loi institue les chambres de règlement à l’amiable au tribunal (art. 76, § 1er C. jud.) et à la
Cour (art. 101, § 1er, C. jud). En vertu de l’article 79, al. 6 du Code judiciaire, le juge qui
siège à la chambre de règlement à l’amiable ne peut jamais siéger pour les dossiers dont il a
connu dans les autres chambres du tribunal de la famille ou de la jeunesse. Le but est d’éviter
que l’impartialité du juge chargé de trancher le litige ne soit affectée par son rôle antérieur en
tant que juge conciliateur.
Les juges au tribunal de la famille et de la jeunesse doivent avoir suivi une formation
spécialisée organisée par l’Institut de formation judiciaire (art. 259 sexies, al. 3). Il en va de
même pour les magistrats de la cour d’appel (art. 259 sexies, 2°).
Il est inséré dans l’article 138 bis du Code judiciaire un paragraphe 1er/1 en vertu duquel le
tribunal de la famille statue après avoir entendu le ministère public en ses avis ou réquisitions
sur toutes les demandes relatives aux mineurs et toutes les matières où la loi requiert son
intervention.
Le rôle du ministère public est également élargi devant le juge de paix notamment pour les
causes communicables visées par l’article 764, 2° (« les demandes relatives à la présomption
ou la déclaration d'absence et à la déclaration judiciaire de décès; à la tutelle d'un mineur; à
l'administration des biens d'une personne qui fait l'objet d'une mesure de protection prise en
application de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades
mentaux. »). Innovation importante, le ministère public pourra lui communiquer son avis par
écrit (C. jud., art. 765.)
III. COMPETENCE
1. Compétence matérielle du tribunal de la famille 3
Le tribunal de la famille hérite de toutes les compétences précédemment éparpillées entre les
différentes juridictions 4.
L’article 572 bis du Code judiciaire constitue la clé de voute de la nouvelle loi.
Il confie au tribunal de la famille, notamment:
- les demandes relatives à l’état des personnes (572 bis, 1°) : mariage, divorce, filiation,
adoption, etc. ;
- les demandes relatives à la cohabitation légale (2° et 3°) 5 ;
- toutes les compétences civiles qui concernent les enfants : les demandes relatives à
l’autorité parentale, l’hébergement ou les droits aux relations personnelles (4°),
enlèvement international d’enfant (6°), etc. ;
3 En cas de renvoi pour connexité ou litispendance, l’article 565 du Code judiciaire est modifié :
le tribunal de la famille est préféré à tout autre, 4 Voy. D. PIRE, «La loi du 30 juillet 2013 …”, o.c., pp. 176 et s., nos 28 et s. ; J. SAUVAGE,
«L’agencement des compétences», in Le tribunal de la famille et de la jeunesse, Bruxelles, ouvrage
collectif, ULB, Larcier et Anthemis, 2014, pp. 35 et s 5 Non seulement les mesures provisoires en cas de séparation des cohabitants légaux (art. 1479 du code
civil : cet article est d’ailleurs modifié pour ce qui concerne la pérénité des effets des décisions relatives
aux enfants) mais aussi les demandes relatives à la validité de la cohabitation légale – loi du 2 juin
2013
3
- les demandes liées aux obligations alimentaires (7°) à l’exception de celles qui sont
liées au droit au revenu d’intégration sociale qui reste de la compétence du juge de
paix (art. 591, 14° mais on ne sait pas pourquoi !) ;
- des demandes relatives aux régimes matrimoniaux, aux successions, aux donations
entre vifs ou aux testaments (572 bis, 9°) ;
- des demandes en partage (10°) ;
- l’interdiction temporaire de résidence en cas de violence domestique (11°) ;
- certains litiges en matière d’allocations familiales, notamment la détermination du ou
des allocataire(s) des allocations familiales relatives à des enfants dont les parents ne
vivent plus ensemble, ainsi que des requêtes en opposition au paiement à
l’allocataire (572 bis, 8°);
- l’appel en matière de protection de la personne des malades mentaux (577, al. 3) ;
- la matière de petits héritages (loi du 16 mai 1900: voy. art. 251 de la loi du 30 juillet
2013);
- la matière de régime successoral des exploitations agricoles (loi du 29 août 1988:
voy. art. 255 et s.);
- la matière des actes de l’état civil des agents diplomatiques et consulaires (loi du 12
juillet 1931: voy. art.260 de la loi);
On relèvera que le tribunal de la famille n’est pas compétent pour les cohabitants de fait 6 :
mais cette restriction n’est relative qu’à leurs relations personnelles puisque le tribunal est
compétent pour les litiges relatifs à leurs enfants (572 bis, 4°) ou au partage de leurs biens
(572 bis, 10°).
2. Nouvelles compétences du juge de paix
La compétence générale du juge de paix est majorée puisqu’elle passe de 1.860 € à 2.500 €
(art. 590 C. jud).7
Le juge de paix se voit attribuer d’autres compétences par la loi du 30 juillet 2013 :
- les contestations en matière de funérailles et sépultures (C. jud., art. 591, 7°);
- les demandes de mesure de protection judiciaire visées aux articles 1238 à 1252 du
Code judiciaire (art. 594, 16/1) : il s’agit des dispositions du Code judiciaire telles
que modifiées par la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d’incapacité et
instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine également
entrée en vigueur le 1er juin 20148 ;
- les demandes de désignation d’un curateur conformément à l’article 936 du Code
civil (art. 594, 19°) : désignation d’un curateur pour un sourd-muet qui ne sait pas
écrire ;
- la matière de l’absence (art. 112 et s. C. civ. - et article 594, 16/2 du Code judiciaire ;
- la désignation de séquestre (art. 597 modifié par l’art.135 de la loi; cette matière est
soustraite à la compétence du président du tribunal – art. 584 C. jud. modifié par
l’art.129 de la loi).
6 Malgré de vifs débats à la Chambre, voy. le rapport fait au nom de la Commission de la justice de la
Chambre, Doc.Ch. 53-0682/015, p. 17 et 86; au Sénat, doc. n° 5/1189/7, p. 149 7 L’article 590 est également complété de manière à permettre au Roi d’adapter ce montant sans qu’il
puisse dépasser l’indexation annuelle. 8 Voyez amendement n°274, Doc. Ch. 53-0682/020.
4
Le taux du ressort est également majoré. Pour pouvoir faire appel d’une décision du juge de
paix ou du tribunal de police, il faudra que l’enjeu du litige dépasse 1.860 € et pour faire
appel d’une décision du tribunal de première instance ou du tribunal de commerce il faudra
que l’enjeu du litige dépasse 2.500 € (au lieu de 1.240 et 1.860 € actuellement – art. 617 du C.
jud.).
3. Référé présidentiel
L’article 584 du Code judiciaire est modifié. Un alinéa est inséré entre les alinéas 1er et 2
stipulant: «Si l’affaire est de la compétence du tribunal de la famille, le président n’est saisi
qu’en cas d’absolue nécessité».
A contrario, cela veut dire que le président du tribunal de 1ère instance devra renvoyer les
causes urgentes qui relèvent de la compétence du tribunal de la famille à celui-ci. Il s’agit
d’une dérogation au principe de la plénitude de juridiction du président du tribunal de
première instance.
4. Compétence territoriale 9
Si le litige a déjà fait l’objet d’une procédure, l’article 629bis §1er du Code judiciaire prévoit
que le dossier reste de la compétence du tribunal précédemment saisi. La règle est d’ordre
public (voy. le §8, initio). Le but du législateur est de consacrer le principe suivant lequel
certaines affaires doivent être attribuées au tribunal de la famille le mieux informé de
l’historique du dossier. Il s’agit de la traduction du principe «une famille – un juge – un
dossier»
Si le litige est relatif à l’autorité parentale, l’hébergement et les obligations alimentaires à
l’égard d’un enfant mineur, l’article 629bis §2, prévoit la compétence territoriale du tribunal
du domicile de cet enfant (lieu d’inscription aux registres de la population) et défaut de
domicile, résidence effective du mineur. 10
En vertu du § 6, et sous réserve du § 1er (dossier préexistant), les causes comportant plusieurs
demandes dont une au moins est visée au § 2 (enfant mineur) sont de la compétence
territoriale du tribunal de la famille du domicile ou de la résidence habituelle du mineur
Les causes relatives aux actes de l’état civil, celles visées aux articles 633sexies et 633septies
(enlèvement d’enfant), celles relatives à une adoption ou relatives aux successions, testaments
et donations sont portées devant le tribunal de la famille compétent selon le Code judiciaire
(art. 629 bis, §3)
Quant aux pensions alimentaires (hors litige avec enfants) elles peuvent être portées devant le
tribunal de la famille du domicile du demandeur, à l’exception des demandes tendant à
réduire ou à supprimer ces pensions alimentaires.
9 Le texte résulte d’un amendement au Sénat, (v. doc.S., n° 5-1189/4) qui réécrit, mais pas toujours
avec bonheur celui qui avait été adopté à la Chambre 10
S’il y a plusieurs enfants mineurs communs, le tribunal premièrement saisi est compétent
5
Pour les autres demandes : article 629 bis, § 5 : « A l’exception de celles relatives aux §§ 1er
à 4, les demandes sont portées devant le tribunal de la famille du domicile du défendeur ou du
lieu de la dernière résidence conjugale. » 11
Toutes ces règles peuvent être écartées par le tribunal en vertu de l’article 629 bis § 7 :
« Le tribunal de la famille décide de renvoyer le dossier au tribunal de la famille d’un autre
arrondissement si l’intérêt de l’enfant le commande. (…) »
Enfin, le §8 de l’article dispose : «Sous réserve du § 1er, les parties peuvent, de commun
accord, déterminer le tribunal de la famille qui sera compétent pour traiter de leur dossier
familial».
Cette règle est impérative ce qui signifie que les parties peuvent choisir leur tribunal mais
dans le respect de l’article 630 du code judiciaire c’est-à-dire qu’elles ne pourront pas le faire
par une convention antérieure à la naissance du litige. En revanche, si elles décident de
plaider devant le tribunal de leur choix, et que celui-ci n’est normalement pas compétent, le
juge ne pourra pas décliner sa compétence.
Il faut cependant tenir compte :
- du § 1er (qui est d’ordre public – v. supra) ;
- de la possibilité pour le juge de renvoyer d’office la cause dans l’intérêt du mineur (§
7).
5. Compétence territoriale du juge de paix
«Art. 629quater. Dans les causes concernant des mineurs, la compétence territoriale du juge
de paix est déterminée par le domicile et, à défaut, par la résidence habituelle du mineur.»
IV. Procédure 12
1. Introduction de la demande
En règle, la procédure sera introduite par citation (article 700 du Code judiciaire) ou par
requête conjointe (art. 706). La requête contradictoire (art. 1034 bis et ss.) est possible
lorsqu’un texte la prévoit.
Principale nouveauté à cet égard : toutes les demandes relatives aux mesures urgentes et
provisoires pourront être introduites par requête (art. 1253 ter/4, §2, al. 1er C. jud.)
Lorsque la demande est introduite par requête, l’audience d’introduction doit intervenir dans
les 15 jours à dater du dépôt de la requête (ibid., al. 4) La citation restera cependant
intéressante puisque l’article 1253 ter/4, § 2, alinéa 3 dispose: «Si la cause est introduite par
citation le délai visé à l’article 1035, alinéa 2 est d’application» c’est-à-dire le délai de
11
Il s’agit de la règle autrefois applicable en matière de divorce pour désunion irrémédiable (C. Jud.,
art. 628, 1° qui n’est pas abrogé mais est complété par les mots “sans préjudice de l’article 629 bis” -
art. 139 de la loi) 12
Voy. D. PIRE, o.c. Act. dr. fam., 2013, pp. 182 et s., nos 48 et s. ; F. LALIERE, Les trois niveaux
des règles de procédure, in Le tribunal de la famille et de la jeunesse, Bruxelles, ouvrage collectif,
ULB, Larcier et Anthemis, 2014, pp. 85 et s
6
citation de 2 jours. Les plaideurs pressés recourront donc à la citation comme précédemment
dans le cadre des mesures urgentes et provisoires.
2. Le dossier familial 13
Nouvelle concrétisation du principe « une famille – un dossier – juge », la loi institue un
dossier familial unique pour tout le contentieux opposant les mêmes parties.
L’article 725 bis du Code judiciaire dispose:
« § 1er Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, les demandes soumises au tribunal
de la famille entre des parties qui, soit ont au moins un enfant mineur commun, soit sont ou
ont été mariées, soit sont ou ont été des cohabitants légaux sont jointes en un seul dossier
appelé dossier familial».
Sont elles aussi jointes au dossier familial visé à l’alinéa 1er, les causes relatives à un enfant
dont la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un seul parent, ainsi que les causes relatives aux
relations personnelles visées à l’article 375bis du Code civil.
§ 2 Le dossier familial est ouvert dès la première demande introduite au tribunal de la famille.
Sous réserve des numéros de rôle attribués à toute cause conformément à l’article 720, il est
attribué un numéro spécifique au dossier familial. Ce numéro est mentionné sur tous les actes
introductifs d’instance, conclusions et autres pièces du dossier.
Sous réserve des éléments visés à l’article 721, le dossier familial est composé de toutes les
causes successives concernant les mêmes parties et leurs enfants communs nés ou à naître.
En cas de renvoi d’un tribunal de la famille à un autre, conformément à l’article 629bis, § 7,
le dossier familial complet est transféré sans délai.».
3. Médiation et conciliation14
La loi favorise la médiation et la conciliation par divers mécanismes.
L’article 1253 ter/1 du code judiciaire dispose tout d’abord que dès qu’une demande est
introduite, le greffier informe les parties de la possibilité de la médiation, de la conciliation et
de tout autre mode de résolution amiable des conflits en leur envoyant immédiatement le texte
des articles 1730 à 1737 du Code judiciaire accompagné d’une brochure d’information
concernant la médiation contenant la liste des médiateurs agréés ainsi que les renseignements
concernant les séances d’information à cet égard.
Ensuite, - et c’est la principale nouveauté à ce sujet - le mécanisme de la conciliation est
renforcé par la création des chambres de règlement à l’amiable au sein du tribunal et de la
Cour d’appel.
L’article 731 du Code judiciaire est modifié.
13
Voy. V. WYART, Une famille – un dossier – un juge,in Le tribunal de la famille et de la jeunesse,
Bruxelles, ouvrage collectif, ULB, Larcier et Anthemis, 2014, pp. 115 et s 14
Voy. N. UYTTENDAELE, Le règlement amiable des conflits familiaux, in Le tribunal de la famille
et de la jeunesse, Bruxelles, ouvrage collectif, ULB, Larcier et Anthemis, 2014, pp. 67 et s
7
La demande de conciliation peut être introduite directement devant la chambre de règlement à
l’amiable. Celle-ci peut également être saisie si l’affaire fait déjà l’objet d’un contentieux.
L’alinéa 4 précise qu’en matière familiale, le tribunal de la famille doit, à l’audience
d’introduction, informer les parties de la possibilité de résoudre leur litige par le biais de la
conciliation, de la médiation ou de tout autre mode de résolution amiable des conflits.
L’alinéa 5 ajoute qu’à la demande des parties, ou si le magistrat l’estime opportun, le dossier
est alors renvoyé à la chambre de règlement à l’amiable du tribunal de la famille : il n’y a
donc pas de renvoi obligatoire mais il peut se faire d’office.
A défaut d’accord, devant la chambre de règlement à l’amiable (ou en cas d’accord partiel),
celle-ci renvoie le dossier à la chambre de la famille devant laquelle le dossier a été introduit
(art. 731, al. 6)
Tout au long de l’instance, les parties ou le magistrat ont la possibilité de solliciter le renvoi
de la cause devant la chambre de règlement à l’amiable (alinéa 7).
Si un accord total ou partiel intervient, il est constaté par un procès-verbal revêtu de la
formule exécutoire.
Tout ce qui se dit ou s’écrit au cours des audiences de règlement à l’amiable est confidentiel
(art. 731, al. 9) : la confidentialité est requise pour que les parties aient l’occasion de régler
leurs problèmes en profondeur15
.
4. Comparution des parties
L’article 1253 ter/2 du Code judiciaire précise les exigences requises quant à la comparution
des parties.
Le texte fait une distinction selon le type de matières. Tout d’abord, en vertu du premier
alinéa, la comparution personnelle des parties est obligatoire à l’audience d’introduction
lorsque les débats portent sur les mesures provisoires, plus précisément celles visées par
l’article 1253 ter/4, § 2, 1° à 4° (v. infra.)
Pour ce qui concerne les causes concernant les enfants mineurs, l’alinéa 2 ajoute que les
parties sont tenues non seulement de comparaître à l’audience d’introduction mais aussi à
l’audience où sont discutées les questions concernant les enfants et aux audiences de
plaidoirie.
Enfin, dans tous les cas, en cas de circonstances exceptionnelles, le juge peut autoriser une
dérogation à l’obligation de comparution (art. 1253 ter/2, alinéa 3).
Les sanctions sont prévues à l’article 1253 ter/2, alinéa 4 : «Si le demandeur ne comparaît
pas en personne, le juge, selon les circonstances qu’il apprécie, déclare le demandeur déchu
de sa demande ou renvoie la cause au rôle particulier de la chambre 16
. Dans ce dernier cas la
15
Doc. Ch. 53-0682/010, p. 9.
16
La sanction de la déchéance est une aberration, disproportionnée et donc discriminatoire : pourquoi
en matière familiale et pas dans toutes les autres procédures civile? On suppose que les juges n’en
useront pas, et préfèreront le renvoi au rôle déjà suffisamment embarrassant pour les plaideurs dans
bien des cas
8
cause peut être ramenée à l’audience dans un délai de quinze jours à la demande d’une des
parties».
Quant au défendeur, s’il ne comparaît pas, le juge peut, une nouvelle fois sauf circonstances
exceptionnelles, soit rendre un jugement par défaut, soit remettre l’affaire à un mois.
Enfin, en cas d’accord des parties rédigé par un avocat, un notaire ou un médiateur agréé sur
toutes les demandes formulées dans l’acte introductif d’instance, la comparution personnelle
des parties n’est pas requise. Le tribunal homologue l’accord des parties si celui-ci n’est pas
manifestement contraire à l’intérêt de l’enfant mais le juge peut toujours ordonner la
comparution personnelle soit d’office, soit à la demande du ministère public (art. 1253 ter/2,
alinéa 5).
5. Mesures urgentes
La matière est réglée par le nouvel article 1253 ter/4 du code judiciaire.
L’urgence invoquée et l’urgence réputée sont de la compétence du tribunal de la famille: le
président du tribunal de première instance n’est plus compétent qu’en cas d’absolue nécessité
(C. jud., art. 584 – v. supra).
Lorsque l’urgence est invoquée, le tribunal de la famille statue en référé (art. 1253 ter/4, §
1er) mais à défaut d’urgence le juge renvoie la cause à une audience ordinaire (art. 1253 ter/4,
§ 1er, alinéa 2). 17
Le paragraphe 2 de l’article 1253 ter/4 indique les cas où les procédures sont réputées
urgentes et ce, d’après les travaux préparatoires, de manière irréfragable 18
.
Il s’agit des causes relatives :
1° aux résidences séparées;
2° à l’autorité parentale;
3° au droit d’hébergement et au droit aux relations personnelles avec un enfant mineur;
4° aux obligations alimentaires;
5° aux enlèvements internationaux d’enfants;
6° aux autorisations à mariage visées à l’article 167 du Code civil et les refus de cohabitation
légale visés à l’article 1476quater, alinéa 5, du Code civil;
7° aux mesures provisoires ordonnées sur la base de l’article 1253ter/5
Il est statué selon les formes de la procédure en référé (art. 1035 et s. C. jud.) mais la
procédure peut être introduite par requête contradictoire, citation ou comparution volontaire.
Le dernier alinéa de l’article 1253 ter/4, § 2 précise que si les causes visées à l’alinéa 1er sont
introduites en même temps que d’autres causes, le tribunal de la famille peut décider
d’appliquer la procédure décrite dans cet article à ces autres demandes.
17
Contrairement à la sanction de droit commun : lorsque le juge des référés conctate le défaut
d’urgence, il rejette la demande (G. de LEVAL et F. GEORGES, Précis de droit judiciaire, t. I, Les
institutions judiciaires : organisation et éléments de compétence, ULg et Bruxelles, Larcier, 2010, p.
392, n° 607) 18
Doc. Ch. 53-0682/007, p. 26
9
6. Mesures prises
Le nouvel article 1253 ter/5 indique les mesures qui peuvent être prises par le tribunal de la
famille dans le cadre des demandes urgentes.
Le tribunal de la famille peut « notamment » (la liste est donc exemplative) prendre les
mesures suivantes:
1° ordonner ou modifier toute disposition relative à l’autorité parentale, à l’hébergement et au
droit aux relations personnelles;
2° fixer, modifier ou supprimer les pensions alimentaires;
3° fixer les résidences séparées des époux et des cohabitants légaux;19
4° interdire à un des époux, pendant la durée qu’il fixe, d’aliéner, d’hypothéquer ou d’engager
des biens mobiliers ou immobiliers propres ou communs sans le consentement du conjoint; il
peut interdire le déplacement des meubles ou en attribuer l’usage personnel à un des deux
époux;
5° obliger l’époux qui possède les biens mobiliers à donner caution ou à justifier d’une
solvabilité suffisante;
6° utiliser les mêmes pouvoirs que ceux qui lui sont attribués à l’article 221 du Code civil;20
7° fixer la résidence conjugale des époux en cas de désaccord 21
.
7. Mesures d’investigations
L’article 1253 ter/6 du Code judiciaire traite des mesures d’investigations mises à la
disposition du tribunal de la famille dans les affaires concernant les mineurs.
Le tribunal peut notamment procéder à toutes investigations utiles pour connaître la
personnalité de l’enfant, le milieu où il est élevé afin de déterminer son intérêt et les moyens
appropriés à son éducation ou à son traitement.
Il peut faire procéder à une étude sociale par l’intermédiaire du service social compétent (les
maisons de justice) et soumettre l’enfant à un examen médico- psychologique lorsque le
dossier qui lui est soumis ne lui paraît pas suffisant.
19
L’alinéa trois dispose : « En ce qui concerne la fixation des résidences séparées visées à l'alinéa 2, 3°,
si un époux ou un cohabitant légal se rend coupable, à l'égard de son conjoint, d'un fait visé à l'article
375, 398 à 400, 402, 403 ou 405 du Code pénal ou a tenté de commettre un fait visé à l'article 375, 393,
394 ou 397 du même Code, ou s'il existe des indications sérieuses de tels comportements, l'autre époux
ou cohabitant légal se verra attribuer, s'il en fait la demande et sauf circonstances exceptionnelles, la
jouissance de la résidence conjugale ou commune. » Il s’agit de privilégier le partenaire victime de
violence conjugale. 20
Le dernier alinéa rappelle que dans le cas visé à l’alinéa 1er, 6°, le jugement du tribunal peut être as-
sorti de la délégation de sommes. (forme de saisie sur salaire simplifiée) ; celle-ci est exécutée par une
notification (gratuite) par pli judiciaire (envoyé au débiteur des revenus du débirentier défaillant par le
greffe) 21
On relèvera que la loi réparatrice du 8 mai 2014 (MB 14 mai 2014) a supprimé le “8°” de cet article
qui prévoyait que le juge pouvait également prendre à titre provisoire des mesures sur la base des
articles 1209 à 1212 du code judiciaire c’est-à-dire dans le cadre de la procédure de liquidation et
partage. Ceci n’exclut pas le recours à l’article 19, alinéa 2 du code judiciaire qui permet à tout moment
au tribunal de prendre des mesures provisoires même en cas de liquidation partage : voy. sur ce point
RENCHON, Quelques problématiques de liquidation et partage in Etats généraux du droit de la
famille, BRUYLANT et ANTHEMIS, 2014, p. 181 qui contredit à juste titre selon nous, la thèse
contraire développée par M. François BALDOT (L’applicabilité de l’article 19, alinéa 2 du code
judiciaire aux nouvelles procédures de liquidation partage, Act. Dr. Fam. 2013, p. 154)
10
8. Audition des mineurs 22
L’article 1004/1 du code judiciaire pose le principe en son paragraphe 1er que tout mineur a
le droit d’être entendu par un juge dans les matières relatives à l’autorité parentale, au droit
d’hébergement ainsi qu’au droit aux relations personnelles. Il peut cependant refuser d’être
entendu.
La procédure est modulée selon l’âge de l’enfant (12 ans).
L’article 1004/1, § 2 indique que le mineur de moins de 12 ans est entendu à sa demande, à la
demande des parties, du ministre public ou d’office par le juge. En vertu du §3, le juge peut
par décision motivée par les circonstances de la cause, refuser de l’entendre sauf lorsque la
demande émane de l’enfant ou du ministère public. Un formulaire d’information est adressé
au mineur : il est établi par arrêté royal (art. 1004/2.) 23
L’article 1004/1, § 3 précise que le mineur qui a atteint l’âge de 12 ans est informé par le juge
(le cas échéant à l’adresse de chacun de ses parents) de son droit à être entendu conformément
à l’article 1004/2.
L’article 1004/1, § 4 prévoit que si le mineur a déjà été entendu au cours de la procédure ou
dans une instance précédente, même devant un autre tribunal, le juge peut ne pas accéder à la
demande d’audition si aucun élément nouveau ne la justifie.
L’article 1004/1, § 6 dispose que le juge entend le mineur en un lieu qu’il considère comme
approprié.
A moins que le juge n’y déroge par une décision motivée, l’entretien a lieu hors la présence
de quiconque.24
L’article 1004/1, § 6, alinéa 2 indique qu’un rapport de l’entretien est joint au dossier de la
procédure. Ce rapport relate les dires du mineur.
9. Saisine permanente et éléments nouveaux
Le mécanisme de la saisine permanente est applicable pour les causes réputées urgentes
(c’est-à-dire celles qui sont visées à l’article 1253 ter/4, § 2 – voy. supra).
Cela veut dire que ces causes restent inscrites au rôle du tribunal de la famille sans limite de
temps.
En cas d’éléments nouveaux, le texte prévoit que la même cause peut être ramenée devant le
tribunal dans un délai de 15 jours par conclusions ou par demande écrite déposées ou
adressées au greffe.
22
Quant aux travaux préparatoires ils ont été menés au Sénat lors de l’examen d’une autre proposition
(voy. Doc. Sénat n° 5-115) qui a été “intégrée” dans la réforme du 30 jui!llet 2013 23
V. Arrêté royal du 23 août 2014 établissant le modèle de formulaire d'information visé à l'article
1004/2 du Code judiciaire, M. B. 24 août 2014, p. 64852. 24
Il a été dit lors des travaux préparatoires que même le greffier serait absent (déclaration du
représentant de la Ministre de la justice, Doc. Ch. 53-0682/15.) A nos yeux, la manière dont le texte est
rédigé n’exclut pas la présence du greffier puisque l’article 168 du Code judiciaire indique: «Le greffier
(...) assiste en qualité de greffier les magistrats dans les actes de son ministère». En conséquence, pour
que le greffier n’assiste pas à l’audition, il faudrait que le texte le prévoie explicitement ce qui n’est pas
le cas
11
Cela veut donc dire qu’il ne faut plus réintroduire de nouvelle procédure.
L’article 1253 ter/7, § 2 dispose cependant qu’en cas de recours inapproprié au mécanisme de
la saisine permanente, le juge peut exercer la faculté qui lui est attribuée à l’article 780 bis,
c’est-à-dire condamner à une amende la partie qui abuse de la procédure (sans préjudice de
dommages et intérêts au bénéfice de l’autre partie).
10. Exécution provisoire
L’article 1398/1 du Code judiciaire dispose que sauf règle spéciale, les décisions prises par le
tribunal de la famille sont exécutoires par provision.
Le §3 indique que l’exécution provisoire n’a pas lieu, pour les décisions touchant à l’état des
personnes, sauf en ce qui concerne les décisions interlocutoires ou d’avant dire droit.
V. MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES
1. Divorce par consentement mutuel
Les formalités relatives au divorce par consentement mutuel avaient été allégées par la loi de
2007 réformant le divorce. La procédure l’est encore par la loi de 2013.
Tout d’abord, la seconde comparution est supprimée (abrog. de l’art 1294 par l’article 221 de
la loi)
Ensuite, l’article 1289 nouveau prévoit que si les époux sont séparés depuis plus de 6 mois au
jour du dépôt de la requête, la procédure se déroule par écrit sauf si la comparution
personnelle est ordonnée par le tribunal soit d’office, soit à la demande du Procureur du Roi
ou d’une des parties. (§ 3)
Si les époux ne sont pas séparés depuis plus de 6 mois au jour du dépôt de la requête, ils sont
alors tenus de comparaître ensemble et en personne devant le tribunal de la famille dans le
mois à compter du jour du dépôt de la requête et font au tribunal la déclaration de leur volonté
(art. 1289, § 2 nouveau).
Dans tous les cas, le tribunal peut, en cas de circonstance exceptionnelle, autoriser le ou les
époux à se faire représenter par un avocat ou un notaire (art. 1289, § 4).
2. Les mesures patrimoniales prises pendant l’instance en divorce pour désunion
irrémédiable
a) Effet des décisions prises par le juge des mesures urgentes sur la liquidation-partage
Fréquemment, pendant la procédure en divorce, un des époux occupe seul l’immeuble
familial : il est alors redevable à l’autre d’une indemnité d’occupation due à dater de la
demande (C. jud., art. 1278). Souvent, à ce stade de la procédure, le juge qui statue sur les
mesures urgentes (tribunal de la famille et auparavant, le juge de paix - C.civ., art 223- ou le
juge des référés – C.jud., art.1280) ne précise rien. Mais quid lorsque la décision indique que
l’occupation se fait « gratuitement » ou, plus précisément, en compensation avec le devoir de
secours qui pourrait être dû par l’époux non-occupant (devoir qui subsiste quant à lui jusqu’à
la dissolution du mariage)? Selon certains auteurs et décisions, avant l’entrée en vigueur de la
loi du 30 juillet 2013, le président du tribunal était compétent pour décider si l’occupation a
12
un caractère alimentaire (et dès lors l’occupant ne doit pas verser d’indemnité d’occupation au
moment de la liquidation-partage) 25
.
Selon d’autres, mais aussi, semble-t-il, la Cour de cassation 26
, le président n’était pas
compétent pour prendre cette décision, car il n’était pas toujours à même d’intégrer dans le
calcul tous les revenus des biens indivis qui ne seront déterminés qu’ultérieurement. D’après
ces opinions, la question relève du compte d’indivision post-communautaire, et donc de la
liquidation du régime matrimonial. C’est le notaire ou le juge liquidateur qui décidera
ultérieurement si l’époux qui a occupé gratuitement le logement pendant l’instance en divorce
devra ou non imputer cet avantage sur sa part dans les revenus indivis 27
.
La nouvelle loi ne met pas un terme à controverse. D’après une partie de la doctrine 28
, en raison du regroupement des compétences, il ne pourra plus être soutenu que lors d’une
procédure en divorce, les ‘mesures provisoires ‘ ne seraient ordonnées que pour la durée de
l’instance en divorce : elles seront, au contraire, ordonnées jusqu’à ce que le tribunal de la
famille statue à titre définitif, à moins que, pour telle ou telle raison précise liée aux
circonstances de la cause, le juge estime devoir fixer à l’une ou l’autre de ces mesures
provisoires, telle ou telle limitation dans le temps.
En sens contraire29
, il est soutenu que si le tribunal de la famille se prononce après le divorce
à titre définitif, c’est que les premières mesures qu’il avait prononcées ne l’étaient pas : à
l’occasion de ce réexamen du dossier, le juge, désormais pleinement informé, pourra revenir
sur les mesures antérieures, en appliquant par exemple la méthode de l’imputation avalisée
par la Cour de cassation
b) Effet dans le temps des décisions prises par le juge des mesures urgentes quant aux
biens des époux
Les mesures relatives aux époux 30
sont quant à elles caduques de plein droit, et ce
dès le moment où le jugement prononçant le divorce est passé en force de chose jugée31
. Cette
25
Voy. not. en ce sens, J.-L. RENCHON, « La jouissance du logement familial après la séparation du
couple », in Le logement familial, Bruxelles, Story-Scientia, 1999, p. 181, n° 49 ; J.-E. BEERNAERT,
« Les indemnités d’occupation », Rev. dr. U.L.B., 2003, p. 151 ; A. DUELZ, J.-Chr. BROUWERS et Q.
FISCHER, Le droit du divorce, 4e éd., Bruxelles, Larcier, 2009, p. 197, n° 272 ; Bruxelles, 13 févr. 2002,
J.T., 2002, p. 386 ; Liège, 23 mai 2005, J.L.M.B., 2006, p. 1004, note M.D.. 26 Cass., 18 mai 2009, et Cass., 2 févr. 2011, précité ; voy. encore Cass., 2 févr. 2012, Pas., 2012, p. 243 ; RABG, 2012, p. 817, note A. RENIERS ; T. Fam., 2012, p. 207, note L. VOET; T. Not., 2012, p. 537, note S. VAN OOSTHUYSE; R.W., 2012-2013, p. 1212, somm.; Act. dr. fam., 2013, p. 63 : « La seule circonstance que le président du tribunal de 1ère instance a statué dans son ordonnance prise en application de l’article 1280 du code judiciaire, sur la contribution des parties dans les frais d’entretien et d’éducation des enfants et sur la contribution dans les charges relatives au crédit de logement des parties, et qu’il a attribué la jouissance exclusive de l’habitation familiale au défendeur, n’implique pas que le juge qui statue sur la liquidation-partage ne peut décider que l’époux qui avait seul la jouissance du logement familial au cours de la procédure en divorce, était redevable d’une récompense pour cette jouissance ». 27
Voy. en ce sens, Y.-H. LELEU, Droit des personnes et des familles, coll. Faculté de Droit de l’ULg,
2e éd., Bruxelles, Larcier, 2010, p. 487, n° 477 et nombr. réf. citées.
28 Voy. not. J.-L. RENCHON, note sous Bruxelles, 8 avril 2012, Rev. trim. dr. fam., 2013, p. 946.
29 F. DEGUEL « Les mesures provisoires à portée liquidatives », in Actes du colloque : Le tribunal de
la famille et de la jeunesse réforme attendue, progrès décisif ?, Liège, 3 avril 2014, Unité de droit
familial, université de Liège (à paraître in Patrimonium 2014 sous le titre : « Les mesures provisoires à
portée liquidative : fin d’une controverse avec le tribunal de la famille ? ». 30
Contrairement à ce qui est prévu par l’article 302 du code civil pour ce qui concerne les mesures
relatives aux enfants
13
solution est évidente – et la loi de 2013 n’y change rien – pour ce qui concerne le devoir de
secours entre époux, qui disparaît en même temps que le mariage (sans préjudice d’une
demande de pension alimentaire après divorce fondée sur l’article 301 du code civil bien
entendu). Mais d’après la Cour de cassation, elle s’applique aux autres mesures relatives aux
époux, notamment en ce qui concerne leurs biens32
.
D’après Monsieur RENCHON, 33
cette solution n’est plus applicable depuis la
réforme, puisque c’est un seul et même juge qui statuera à la fois sur les mesures urgentes ou
réputées urgentes avant, pendant et après la dissolution du régime matrimonial.
3. Suppression de l’exigence de preuve de la responsabilité du débiteur du devoir
de secours
Précédemment, lorsqu’un époux invoquait l’article 213 (devoir de secours) ou 221
(obligation de contribuer aux charges du mariage) du Code civil, il devait, pour obtenir une
pension alimentaire (ou une délégation de sommes) prouver que la séparation était imputable
à l’autre. En revanche, dès qu’une procédure en divorce était engagée, la demande de devoir
de secours ou de contribution aux charges du mariage fondée sur les mêmes dispositions mais
introduite devant le juge des référés (compétent en vertu de l’article 1280 du Code judiciaire)
ne se voyait pas imposer de telles exigences – sauf rares exceptions.
L’article 27 de la loi modifie l’article 221 du Code civil dont l’alinéa 2 est rédigé de
la manière suivante: «A défaut par l’un des époux de satisfaire à cette obligation
(contribution aux charges du mariage), l’autre époux peut sans qu’il soit besoin de prouver
une faute quelconque, sans préjudice du droit des tiers, se faire autoriser par le tribunal de la
famille à percevoir à l’exclusion de son conjoint…les revenus de celui-ci…».
En conséquence, quel que soit le choix de la procédure (avant le divorce ou pendant
le divorce) la solution est à présent identique : le demandeur ne doit plus prouver de faute
pour obtenir un devoir de secours (la doctrine dominante considérant toutefois que le
défendeur peut s’opposer à la demande en invoquant une faute grave, comme en cas de
demande de pension alimentaire après divorce – C. civ., art. 301)
31
Cass., 10 juin 1977, Pas., 1977, I, p. 1036; E. VIEUJEAN, «Procès en divorce et mesures provisoires»,
R.C.J.B., 1982, p. 449 et les réf. cit.; voy. égal. Y.-H. LELEU, Droit des personnes et des familles, coll.
Faculté de Droit de l’ULg, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2010, note 257.
32 Cass., 23 déc. 2010, Pas., 2010, p. 3313 ; Rev. trim. dr. fam., 2012, p. 972
33 Quelques problématiques des liquidations et partages, in Etats généraux du droit de la famille,
Famille et droit et Avocats.be, Bruylant et Anthemis, 2014, p. 165 et s.