La Main de l Auteur Et l Esprit de l Imprimeur Xvie Xviiie Siecle

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    C O L L E C T I O N

    F O L I O H I S T O I R E

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    Roger Chartier

    La main delauteur et lesprit

    de limprimeurXVI

    e

    -XVIIIe

    sicle

    Gallimard

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    Premires versions des chapitres qui composent ce volume

    CHAPITRE I

    . Pouvoirs de limprim Limprim et ses pouvoirs (XVe-XVIIIesicles) , inLimprim et ses pouvoirsdans les langues romanes, sous la direction de Ricardo Saez, Rennes, PressesUniversitaires de Rennes, 2009, p. 21-37.

    CHAPITRE II. La main de lauteur A mo do autor : arquivos literrios, crtica e edio , Escritos trs.

    Revista do Centro de Pesquisa da Casa Rui Barbosa, Ano 3, n. 3, 2009, p. 7-22,et Die Hand des Autors. Literaturarchive, Kritik und Edition ,Jahrbuch der

    deutschen Schillergesellschaft, LIV, 2010, p. 496-511.

    CHAPITRE III. Traduire La Europa castellana durante el tiempo del Quijote, inEspaa en tiem-

    pos del Quijote, bajo la direccin de Antonio Feros y Juan Gelabert, Madrid,Taurus Historia, 2004, p. 129-158.

    CHAPITRE IV. Textes sans frontirestude indite

    CHAPITRE V. Prliminaires Paratesto e preliminari. Cervantes e Avellaneda , inI Dintorni del testo,

    a cura di Marco Santoro e Maria Gioia Tavoni, Roma, Edizioni dell Ateneo,2005, p. 137-148.

    CHAPITRE VI. Du livre la scne LeDon QuichottedAntnio Jos da Silva, les marionnettes du Bairo Alto

    et les prisons de lInquisition , in Jewish Culture in Early Modern Europe.Essays in Honor of David B. Ruderman, edited by Richard I. Cohen, NatalieB. Dohrmann, Adam Shear and Elchanan Reiner, Pittsburgh, University ofPittsburgh Press, and Cincinnati, Hebrew Union College Press, 2014, p. 216-225 (version abrge).

    CHAPITRE VII. Les temps des uvres Hamlet 1676. Les temps de luvre , inLe Temps des uvres. Mmoire et

    prfiguration, sous la direction de Jacques Neefs, Vincennes, Presses Univer-sitaires de Vincennes, 2001, p. 143-154.

    CHAPITRE VIII. Ponctuations Capter la parole vive , in Parole et musique. Aux origines du dialogue

    humain, Colloque annuel 2008 du Collge de France, sous la direction deStanislas Dehaene et Christine Petit, Paris, Odile Jacob, 2009, p. 169-182.

    CHAPITRE IX. De la scne au livre diter Shakespeare (1623-2004) ,Ecdotica, 1, 2004, p. 7-23.

    CHAPITRE X

    . crit et mmoire Mmoire et oubli. Lire avec Ricur , Paul Ricur et les scienceshumaines, sous la direction de Christian Delacroix, Franois Dosse et PatrickGarcia, Paris, La Dcouverte, 2007, p. 231-248.

    ditions Gallimard, 2015.L art d crire (dtail).

    Gravure Encyclopdietire deL

    deDiderotetDAlembert.

    Photo J acques Boyer/ Roger-Viollet.

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    Roger Chartier est Professeur au Collge de France,Directeur dtudes lcole des hautes tudes en sciencessociales et Professeur invit lUniversit de Pennsylvanie.Ses recherches portent sur lhistoire des textes, des livres et

    des lectures dans lEurope de la premire modernit, entreXVI

    eet XVIIIesicles.En ces dernires annes, ses tudes ont privilgi les

    migrations de certaines uvres entre langues, genres etpublics.

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    AVANT-PROPOS

    Escucho a los muertos con los ojos . couterles morts avec les yeux. Ce vers de Quevedo paratdsigner avec acuit, non seulement le respect

    du pote pour les anciens matres, mais aussi larelation quentretiennent les historiens avec leshommes et les femmes du pass dont ils veulentcomprendre et faire comprendre les souf-frances et les esprances, les raisons et les drai-sons, les dcisions et les frustrations. Seuls leshistoriens des temps trs contemporains, grceaux techniques de lenqute orale, peuvent donnerune coute littrale aux mots mmes de ceux etcelles dont ils crivent lhistoire. Les autres, tousles autres, doivent couter les morts seulementavec leurs yeux et retrouver les paroles anciennesdans les crits qui en ont conserv la trace.

    Pour le dsespoir des historiens, ces traces, lais-ses sur le papyrus ou la pierre, le parchemin oule papier, nenregistrent le plus souvent, et pour leplus grand nombre, que des silences les silencesde ceux qui nont jamais crit, les silences de ceuxdont les paroles, les penses ou les actes taient

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    sans importance pour les matres de lcriture.

    Rares, en effet, sont les documents o, en dpitdes trahisons imposes par les transcriptions desscribes, des juges ou des lettrs, les historienspeuvent entendre les mots des morts, obligs dire leurs croyances et leurs gestes, rappelerleurs actions, raconter leur vie. En leur absence,les historiens ne peuvent que saffronter un dfi

    paradoxal et redoutable : couter des voix muettes.Mais la relation aux morts qui habitent le pass

    peut-elle se rduire la lecture des crits quilsont composs ou qui parlent deux mme sans le

    vouloir ? videmment pas. Dabord, parce quetravail de lhistorien doit aussi reconstruire ce

    que les individus ou les socits ignorent delles-mmes. En ce sens, lattention porte aux tracesdes vouloirs et des sentiments ne peut tre sparede lanalyse des contraintes non sues, des dter-minations non perues quimposent, en chaquemoment historique, lordre des choses et celui desmots. Ensuite, parce quen ces dernires annes,les historiens ont pris conscience quils navaientpas le monopole de la reprsentation du pass etque sa prsence pouvait tre porte par des rela-tions lhistoire infiniment plus puissantes queleurs propres crits. Les morts hantent la mmoire ou les mmoires. Pour celles-ci, aller leur ren-

    contre nest pas les couter avec les yeux, mais lesretrouver, sans la mdiation de lcrit, dans lim-mdiatet du souvenir, la qute de lanamnse oules constructions des mmoires collectives.

    Les historiens doivent aussi admettre, de bonou mauvais gr, que la force et lnergie des fables

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    et des fictions sont capables de redonner vie aux

    mes mortes. Cette volont dmiurgique caract-rise peut-tre la littrature toute entire, avant ouaprs le moment historique o le mot commence dsigner ce que aujourdhui nous considronscomme littrature et qui suppose que soientnoues les notions doriginalit esthtique et de pro-prit intellectuelle. Mais, ds avant le XVIIIesicle,

    la rsurrection littraire des morts prend un sensplus littral lorsque certains genres semparentdu pass. Il en va ainsi avec le souffle inspir delpope, la minutie narrative et descriptive duroman historique, ou bien, lorsque les acteurs delhistoire se trouvent, pour un temps, rincarns

    sur la scne par ceux du thtre. Certaines uvresde fiction et la mmoire vive, collective ou indi-viduelle, donnent ainsi au pass une prsencesouvent plus forte que celle propose par les livresdhistoire. Mieux comprendre ces concurrencesou ces comptitions est lun des premiers objetsde ce livre.

    Moins obsds quils ne le furent par la mise enquestion du statut de connaissance de leur disci-pline, une fois reconnue la parent entre les figureset formules de son criture et celles manies parles rcits de la fiction, les historiens, et dautres quiles ont aides dans leur rflexion, ont pu affronter

    plus sereinement le dfi lanc par la pluralitdes reprsentations du pass qui habitent notretemps. De l, dans les dix essais ici runis, lim-portance donne des uvres littraires majeuresqui ont faonn au fil des sicles les manires depenser et de sentir, pour reprendre une expression

    Avant-propos 11

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    de Marc Bloch, de ceux et celles qui les ont lues

    ou entendues.Ces uvres, Don Quichotte ou les pices deShakespeare, furent composes, joues, publieset appropries dans un temps qui nest plus lentre. Les replacer dans leur historicit propre estlun des buts de cet ouvrage. Pour ce faire, il sat-tache reprer les discontinuits les plus fon-

    damentales qui ont transform les modes decirculation de lcrit, littraire ou non. La plus vi-dente de ces mutations est lie une inventiontechnique : celle de limprimerie par Gutenbergau milieu du XVesicle. Constater son importancedcisive ne doit pas, toutefois, faire oublier que

    dautres rvolutions ont eu autant, sinon plusdimportance dans la longue dure de lhistoire dela culture crite occidentale : ainsi, aux premierssicles de lre chrtienne, lapparition duneforme nouvelle de livre, le codex, fait de feuillesplies et assembles ; ainsi, plusieurs reprisesdans le cours des sicles, les mutations des maniresde lire, que lon a pu qualifier de rvolutions .Par ailleurs, la vigoureuse survivance de la publi-cation manuscrite lge de la presse imprimeroblige rvaluer les pouvoirs de limprim et les situer entre utilit et inquitude.

    Moins spectaculaire, mais sans doute plus essen-

    tielle pour notre propos, est au cours duXVIII

    esicle, plus tt ici, plus tard l, lmergencedun ordre des discours qui se fonde sur lindivi-dualisation de lcriture, loriginalit des uvres etle sacre de lcrivain, selon lexpression de PaulBnichou. Larticulation de ces trois notions, dci-

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    sive pour la dfinition de la proprit littraire,

    trouvera une forme acheve la fin duXVIII

    e

    sicle,avec la ftichisation du manuscrit autographe etlobsession pour la main de lauteur, devenuegarante de lauthenticit et de lunit de luvre dis-perse entre ses diffrentes ditions. Cette nouvelleconomie de lcriture rompt avec un ordre ancienqui reposait sur de tout autres pratiques : la fr-

    quence de lcriture en collaboration, le remploidhistoires dj racontes, de lieux communs par-tags, de formules rptes, ou encore, les conti-nuelles rvisions et continuations duvrestoujours ouvertes. Cest dans ce paradigme delcriture de fiction que Shakespeare a compos ses

    pices et que Cervants a critDon Quichotte.Lindiquer nest pas oublier que, pour lun etlautre, commence trs tt le processus de canoni-sation qui fait de leurs uvres des monuments.Mais ce processus va durablement de pair avecla forte conscience de la dimension collective detoutes les productions textuelles (et pas seulementthtrales) et la faible reconnaissance de lcri-

    vain comme tel. Ses manuscrits ne mritent pasconservation, ses uvres ne sont pas sa proprit,ses expriences ne nourrissent aucune biographielittraire, mais seulement des recueils danec-dotes. Il en va autrement lorsque laffirmation de

    loriginalit cratrice entrelacera lexistence etlcriture, situera les uvres dans la trame biogra-phique et fera des souffrances ou des flicits delcrivain la matrice mme de son criture.

    On pourra stonner quun historien se risqueainsi en littrature. Cette audace renvoie, dabord,

    Avant-propos 13

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    lide que les textes, tous les textes, mmeHamlet

    ouDon Quichotte, ont une matrialit. Thtrauxou non, ils sont lus haute voix, rcits, jous, etles voix qui les disent leur donnent le corps sonorequi les porte leurs auditeurs. Mais ce corps-l esthors de porte de lhistorien qui coute les mortsavec les yeux. Ce qui lui vient du pass est un autrecorps, typographique celui-l. Hamlet ou Don

    Quichotte, dont ne subsiste aucun manuscrit auto-graphe, ont pour nous la matrialit de leur ins-cription imprime dans les livres, ou livrets, et surles pages qui les ont donn lire leurs lecteursanciens. Plusieurs essais de ce livre tente de dchif-frer les significations construites par les formes

    mmes de ces inscriptions.Ils sattachent plusieurs matrialits. Celle dulivre, dabord, qui rassemble ou dissmine, selonquil runit les uvres dun mme auteur ou quilles dmembre en citations qui font la matire desrecueils de lieux communs, des anthologies dex-traits ou des morceaux choisis. Au XVIe et XVIIesicles, le livre, quel quil soit, ne commence pasavec le texte quil publie. Il souvre avec un ensemblede pices prliminaires qui manifestent de mul-tiples relations impliquant le pouvoir du prince, lesexigences du patronage, les lois du march et lesrapports entre les auteurs et leurs lecteurs. Les

    significations attribues aux uvres dpendent pourpartie du porche qui conduit le lecteur jusquautexte et qui guide, sans la contraindre absolument,la lecture qui doit en tre faite.

    Cette matrialit du livre est insparable decelle du texte, si lon entend par l les formes de

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    son inscription manuscrite ou imprime qui, tout

    en fixant luvre lui donnent mobilit et instabi-lit. La mme uvre, en effet, nest plus la mmequand changent sa langue, sa ponctuation, sonformat ou sa mise en page. Ces mutations majeuresrenvoient aux premiers lecteurs des uvres : lestraducteurs les interprtent en mobilisant lesrpertoires lexicaux, esthtiques et culturels qui

    sont les leurs et ceux de leurs publics ; lescorrecteurs tablissent le texte destin limpres-sion, imposant la copie quils ont reue divisionsdu texte, ponctuation des phrases et graphies desmots ; les compositeurs, ou typographes, parleurs habitudes et prfrences, contribuent, leur

    tour, la matrialit du texte. Dans certains cas,la chane des interventions qui modlent le textene sinterrompt pas avec les pages imprimes,mais il faut pour cela quun lecteur ait introduitsa propre criture dans la composition imprimedu livre quil possde. Dans cet ouvrage, ces pro-cessus qui donnent leurs formes aux uvres sontanalyss partir des exemples particuliers pro-poss par les traducteurs franais des auteursespagnols, par un acteur anglais qui revenait lalourde tche dinterprter sur la scne le rle duPrince de Danemark et par les correcteurs ettypographes employs par les matres imprimeurs

    du Sicle dOr.Cest la complexit mme du processus de

    publication qui a inspir le titre de ce livre o secroisent la main de lauteur et lesprit de limpri-meur. Ce chiasme, peut-tre inattendu, entendmontrer que, si chaque dcision prise dans late-

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    lier typographique, mme la plus mcanique,

    implique lusage de la raison et de lentendement,inversement, la cration littraire toujours saffronte une premire matrialit, celle de la page enattente dcriture. Ce constat justifie la tentativequi associe troitement histoire culturelle et cri-tique textuelle. Elle est aussi lune des raisons quiexpliquent la prsence forte et rcurrente de lEs-

    pagne des XVIeet XVIIesicles dans les essais quicomposent cet ouvrage.

    Cette prsence nest pas due seulement ungot de lecteur pour les uvres du Sicle dOr ouaux tudes que jai pralablement consacres auBuscnde Quevedo, lArte nuevo de hacer come-

    dias en este tiempo de Lope de Vega ou certainspisodes de Don Quichotte par exemple, ladcouverte du librillo de memoria de Cardeniosur un chemin de la Sierra Morena ou la visitedune imprimerie de Barcelone par lhidalgo. Ellesenracine dans les ralits historiques elles-mmes.Au Sicle dOr, lEspagne est, comme lcrivitFernand Braudel, un pays raill, honni, craint etadmir tout la fois , un pays dont la langue estla plus parfaite, ou la moins imparfaite, et obrillent les genres les plus sduisants de lcrituredimagination : le roman de chevalerie, lautobio-graphie picaresque, la commedia nouvelle et,

    inclassable dans les genres tablis, leDon Quichotte.Si elle a souvent retenu notre attention dans leschapitres de ce livre, cest aussi parce que lesmatres des ateliers typographiques y dploient lesmtaphores qui font du livre une crature humaineet de Dieu le premier des imprimeurs, dans le

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    mme temps o les crivains construisent leurs

    histoires en semparant des ralits les plus humblesde lcriture et de la publication, surgies dans unmonde encore domin par la parole vive, laconversation populaire ou lettre et les hritagesou les techniques de la mmoire. Cest la ren-contre difficile entre la mmoire analphabte deSancho et la bibliothque mmorielle de don Qui-

    chotte qui donne leur force aux chapitres de laSierra Morena deDon Quichotte, lus ici en faisantprofit des distinctions labores dans le grandlivre de Paul Ricur.

    Habits par de grandes ombres du pass, lesessais de ce livre voudrait aussi contribuer aux

    interrogations inspires par les mutations contem-poraines de la culture crite. La textualit num-rique bouscule, en effet, les catgories et lespratiques qui taient le socle de lordre des dis-cours, et des livres, dans lequel furent imagines,publies et reues les uvres ici tudies. Lesquestions sont alors nombreuses. Quest-ce quun livre quand il nest plus, la fois et indissocia-blement, texte et objet ? Comment la perceptiondes uvres et la comprhension de leur sens setrouvent-elles modifies par la lecture dunitstextuelles singulires, radicalement dtaches dela narration ou de largumentation dont elles sont

    une composante ? Comment concevoir lditionlectronique des uvres anciennes, celle de Sha-kespeare ou Cervants par exemple, puisque celle-ci permet de rendre visible la pluralit et linstabilithistoriques des textes, forcment ignores par leschoix quimposent les ditions imprimes, mais

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    dans une forme dinscription et de rception de

    lcrit tout fait trangre la forme et la mat-rialit des livres qui les ont proposs leurs lec-teurs du pass ou, pour un temps encore, duprsent ?

    Ces questions ne sont pas abordes de frontdans cet ouvrage. Dautres le font mieux que je nepourrais. Mais elles sont prsentes, explicitement

    ou implicitement, dans tous les essais. Soit parceque le monde numrique modifie dores et dj ladiscipline historique, en proposant de nouvellesformes de publication, en transformant les proc-dures de la dmonstration et les techniques de lapreuve, et, finalement en permettant une relation

    nouvelle, mieux informe et plus critique, entre lelecteur et le texte. Soit parce que la mise en vi-dence des catgories et des pratiques de la culturecrite dont nous avons hrit permet de mieuxsituer les mutations du temps prsent. Entre les

    jugements apocalyptiques qui les identifient commela mort de lcrit et les apprciations bnignes quiperoivent de rassurantes continuits, il est uneautre voie possible et ncessaire. Elle sappuiesur lhistoire, non pas pour noncer dincertainesprophties, mais pour mieux comprendre lacoexistence actuelle (et sans doute durable) entrediffrentes modalits de lcrit, manuscrit, imprim

    et lectronique, et surtout pour reprer avec plusde rigueur comment et pourquoi sont mises enquestion dans le monde numrique les notionsqui ont fond la dfinition de luvre commeuvre, la relation entre lcriture et lindividualitet la proprit intellectuelle.

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    Pour un auteur, mme historien, se relire est

    toujours une preuve. Les essais ici rassemblsont t revus soigneusement afin den corriger leserreurs et dy ajouter les rfrences ncessaires des ouvrages et articles parus aprs leur publica-tion. crits aujourdhui, ces textes seraient sansdoute diffrents, mais ils resteraient inscrits dansla mme trajectoire de recherche et de rflexion.

    Jai toujours pens, et pense encore, que le travailde lhistorien est m par une double exigence. Ildoit proposer des interprtations neuves de pro-blmes bien dlimits, de textes ou de corpusminutieusement tudis. Mais il doit, aussi, entreren dialogue avec ses voisins de la philosophie, de

    la critique littraire et des sciences sociales. Cest cette condition que lhistoire peut suggrer denouveaux modes de comprhension et aider laconnaissance critique du prsent.

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