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1 La messianité et la divinité de Jésus de Nazareth selon l’évangile de Marc Jean-Marie Hyacinthe QUENUM 1 , SJ L’évangile de Marc est un témoignage de foi sur le mystère ineffable de Dieu révélé à travers la figure historique de Jésus de Nazareth reconnu comme Messie, Fils de Dieu, Fils de l’homme, Serviteur souffrant délivré de la mort, sauveur et libérateur de l’humanité. Le récit de l’évangéliste Marc est la proclamation de l’heureuse annonce du salut de l’humanité par l’envoyé spécial de Dieu qui est Dieu lui-même en personne et en qui le mal et la mort sont définitivement vaincus à travers sa passion et son exaltation. Dans un style journalistique, rude et abrupt, l’évangéliste Marc rend compte de façon simple et directe les paroles et les actions de Jésus de Nazareth dans un arrangement narratif illustrant sa théologie du salut. Dans un texte profondément structuré par la tradition apostolique, l’évangéliste Marc puise sa manière originale de raconter l’histoire du salut du « roi des Juifs » en la personne de Jésus de Nazareth, le Christ, le fils de l’homme souffrant et exalté après sa mort humiliante sur la croix. L’histoire du salut de l’humanité que raconte Marc comme un porte- parole de la tradition apostolique se situe au premier siècle dans les années 28 à 30. Elle est l’écho de la prédication des apôtres sur les paroles 2 et les actes de Jésus de Nazareth expliqués aux communautés chrétiennes 1 Jean-Marie Hyacinthe QUENUM est docteur en théologie, auteur de nombreux articles sur la théologie africaine et maître des novices Jésuites à Bafoussam au Cameroun. Il a enseigné la théologie au Tchad, au Kenya et aux États-Unis d’Amérique. Il est l’auteur de trois volumes, Le Dieu de la solidarité qui vient à l’africain, les éditions de l’UCAO, Abidjan, 2005, Conciles christologiques et communion fraternelle, dans l’Église, famille de Dieu en Afrique subsaharienne, EDILIVRE, Paris, 2016, Le charme de la vie religieuse. La beauté de la vie consacrée, EDILIVRE, Paris, 2016. 2 L’évangile de Marc contient 671 versets. 498 versets rapportent les paroles et actions de Jésus en présence de ses disciples.

La messianité et la divinité de Jésus selon l'évangile de Marc

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La messianité et la divinité de Jésus de Nazareth selon l’évangile de Marc

Jean-Marie Hyacinthe QUENUM1, SJ

L’évangile de Marc est un témoignage de foi sur le mystère ineffable de Dieu révélé à travers la figure historique de Jésus de Nazareth reconnu comme Messie, Fils de Dieu, Fils de l’homme, Serviteur souffrant délivré de la mort, sauveur et libérateur de l’humanité.

Le récit de l’évangéliste Marc est la proclamation de l’heureuse annonce du salut de l’humanité par l’envoyé spécial de Dieu qui est Dieu lui-même en personne et en qui le mal et la mort sont définitivement vaincus à travers sa passion et son exaltation.

Dans un style journalistique, rude et abrupt, l’évangéliste Marc rend compte de façon simple et directe les paroles et les actions de Jésus de Nazareth dans un arrangement narratif illustrant sa théologie du salut.

Dans un texte profondément structuré par la tradition apostolique, l’évangéliste Marc puise sa manière originale de raconter l’histoire du salut du « roi des Juifs » en la personne de Jésus de Nazareth, le Christ, le fils de l’homme souffrant et exalté après sa mort humiliante sur la croix.

L’histoire du salut de l’humanité que raconte Marc comme un porte-parole de la tradition apostolique se situe au premier siècle dans les années 28 à 30.

Elle est l’écho de la prédication des apôtres sur les paroles2 et les actes de Jésus de Nazareth expliqués aux communautés chrétiennes naissantes dans les années 30 à 60 à travers la catéchèse, la liturgie et les manuels missionnaires.

L’histoire du salut racontée n’est ni une biographie de Jésus ni une histoire scientifique de ses faits et gestes.

Elle est plutôt un effort pastoral pour transmettre le message religieux de salut de Jésus de Nazareth aux générations de chrétiens dans les années 60 à 100.

Ce message religieux du salut est celui de l’avènement d’un nouveau roi, « le roi des Juifs »qui réalisera les promesses divines de paix, de justice, d’ordre et de bonheur.

Plus grand qu’Auguste César, le « roi des Juifs » est Dieu en personne précédé de son messager Jean Baptiste qui renoue avec la tradition prophétique après quatre siècles de silence de Dieu en Palestine.

1 Jean-Marie Hyacinthe QUENUM est docteur en théologie, auteur de nombreux articles sur la théologie africaine et maître des novices Jésuites à Bafoussam au Cameroun. Il a enseigné la théologie au Tchad, au Kenya et aux États-Unis d’Amérique. Il est l’auteur de trois volumes, Le Dieu de la solidarité qui vient à l’africain, les éditions de l’UCAO, Abidjan, 2005, Conciles christologiques et communion fraternelle, dans l’Église, famille de Dieu en Afrique subsaharienne, EDILIVRE, Paris, 2016, Le charme de la vie religieuse. La beauté de la vie consacrée, EDILIVRE, Paris, 2016. 2 L’évangile de Marc contient 671 versets. 498 versets rapportent les paroles et actions de Jésus en présence de ses disciples.

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Destiné aux pagano-chrétiens convertis et persécutés à Rome, l’évangile de Marc porte sans doute les traces d’évènements douloureux et tragiques qui invitaient l’auteur à actualiser l’enseignement de Jésus de Nazareth afin de donner un sens aux conflits qui secouaient les communautés chrétiennes confrontées aux situations d’opposition et aux rudes épreuves imposées par Néron.

Écrit à Rome dans les années 67 à 70, l’évangile de Marc connu dans les bibles chrétiennes comme le deuxième évangile est le plus ancien des évangiles.

Son auteur serait un certain Jean surnommé « Marc 3» (Actes des Apôtres 12,12 ; 13,5 15, 37 ; Colossiens 4, 10, première épître de Pierre 5, 13).

L’auteur serait un écrivain d’origine Juive, dépositaire des souvenirs de l’apôtre Pierre, ou collaborateur de l’apôtre Paul4.

Par son évangile, l’auteur invente un genre littéraire nouveau où Jésus le « Christ » et « Fils de Dieu » est à la fois un personnage du passé dont on raconte le ministère public et la mort et quelqu’un d’actif et de présent aux communautés chrétiennes comme ressuscité d’entre les morts.

L’évangile de Marc donne le cadre à un arrangement narratif où le lecteur peut s’identifier aux disciples de Jésus pour interpréter de manière progressive ses titres de « Christ » et de « Fils de Dieu ».

Le principe intégrateur du récit de Marc est la présentation mystique de Jésus dont l’identité est insaisissable et l’objet d’une expérience de long compagnonnage, d’intuitions spirituelles et d’inspiration divine.

L’évangile de Marc met en valeur à la fois l’humanité et la divinité de Jésus de Nazareth.

Selon l’évangéliste Marc, Jésus de Nazareth tout en étant un homme authentique revendique une intimité divine en se désignant ou en se faisant proclamer comme « Fils de Dieu ».

Les possédés à qui il impose le silence, reconnaissent ses prérogatives divines (Marc 3, 11, 5, 7).

Cette intimité singulière de Jésus de Nazareth avec Dieu dont il a la faveur exceptionnelle le désigne comme le « Fils de l’homme5 » selon sa manière habituelle de parler.

Après sa résurrection d’entre les morts les disciples parviendront à la pleine confession de sa divinité.

Jésus de Nazareth est révélé dans l’évangile de Marc comme un homme compatissant, aimable et comme un serviteur souffrant qui donne entièrement et totalement sa vie pour arracher l’humanité aux forces du mal et de la mort.

3 PAPIAS vers 140 et Saint Irénée plus tard reconnaîtront en Jean-Marc l’auteur de l’évangile selon saint Marc. 4 Cet homme qui a déserté Paul et Barnabé durant leur premier voyage missionnaire sera plus tard utile à Paul et à la communauté chrétienne de Rome. 5 Le titre « Fils de l’homme » apparaît dans Daniel 7, 13 comme un être céleste associé à Yahvé et à son règne.

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Jésus de Nazareth est présenté comme un roi humain, bienfaiteur de l’humanité souffrante, protecteur des pauvres, des marginaux, des possédés et des malades, nourrissant les foules et combattant les ennemis de la nature humaine : Satan, le péché, l’ignorance, la peur et la mort.

Jésus de Nazareth ne révèle le mystère ineffable de la présence de Dieu en sa personne qu’à travers son humanité fragile, vulnérable et compatissante.

Jésus de Nazareth est pour l’évangéliste Marc, l’envoyé spécial de Dieu dont l’enseignement et les actes de puissance établissent le règne de Dieu.

Jésus de Nazareth est le messie promis par Dieu à Israël et au monde. Il n’est ni un libérateur politique ni un messie nationaliste. Plus qu’un homme ordinaire, Jésus de Nazareth de mille manières insinua que le mystère de Dieu était présent en lui.

Ce mystère fera l’objet de la découverte progressive de ses disciples qui parviendront à une foi ultérieure en sa divinité.

Le messianisme de Jésus de Nazareth est étroitement associé au rôle du Serviteur souffrant d’Isaïe qui donne sa vie pour la multitude en traversant et en absorbant les forces du mal et de la mort pour les vaincre par sa résurrection.

L’identité messianique de Jésus de Nazareth est voilée jusqu’à sa victoire finale sur les forces du mal et de la mort.

Notre recherche sur l’évangile de Marc sera une relecture du texte néotestamentaire et non un commentaire exégétique. Il s’articulera sur trois points :

1. La révélation progressive de la présence du mystère ineffable de Dieu dans la personne et la mission de Jésus de Nazareth, figure emblématique du messie souffrant délivré de la mort pour le salut de l’humanité.

2. La destinée messianique et la divinité de Jésus de Nazareth voilées dans ses paroles et actes de puissance qui arrachent l’humanité au pouvoir du mal et de la mort.

3. Le rôle et la fonction des disciples dans le dévoilement de l’ineffable présence du mystère de Dieu en Jésus de Nazareth « Christ » et « Fils de Dieu » dans l’évangile de Marc.

1. La révélation progressive de la présence du mystère ineffable de Dieu dans la personne et la mission de Jésus de Nazareth, figure emblématique du messie souffrant délivré de la mort pour le salut de l’humanité

L’activité de Jésus de Nazareth comme prédicateur itinérant du règne de Dieu est décrite dans les évangiles de Marc, Matthieu, Luc et Jean6.

6 Les évangélistes Marc, Matthieu, Luc et Jean inspirés par l’Esprit Saint donnent différentes versions de la bonne nouvelle du salut en Jésus en fonction des besoins de leurs communautés respectives.

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Les évangiles, loin d’être des biographies au sens moderne du terme, s’ingénient comme genre littéraire original de bonne nouvelle écrite à témoigner de la naissance de la foi en un Juif marginal du Judaïsme du second temple.

Cet homme d’origine modeste semblable à ses contemporains a inspiré la tradition apostolique du Nouveau Testament qui voit en lui l’accomplissement des promesses messianiques des Écritures hébraïques.

L’importance donnée à Jésus de Nazareth par le Nouveau Testament est surprenante quand on sait qu’à la fin de son ministère, il fut rejeté de façon humiliante par les autorités religieuses de la Palestine et condamné par le gouverneur de la province romaine de Judée à la mort par crucifixion.

Pourtant le prestige de Jésus de Nazareth après sa mort violente et humiliante par crucifixion et l’admiration que suscite sa vie morale et spirituelle sur son fond d’expérience religieuse d’un Dieu d’amour de la bible hébraïque nous conduisent à explorer le témoignage de foi de l’évangéliste Marc en vue d’une relecture systématique de cette figure historique emblématique de la foi chrétienne.

Notre recherche sur l’évangile de Marc est située dans le prolongement des travaux scientifiques du professeur Rudolf SCHNACKENBURG7 , de B. STANDAERT8 , de Jean RADERMAKERS9, de Camille FOCANT10 et de Paul LAMARCHE11.

Elle vise à favoriser la lecture spirituelle de ce texte normatif pour la foi chrétienne.

En effet, l’évangile de Marc est un message de salut proposé de la part de Dieu par Jésus de Nazareth aux Juifs et aux païens.

Il appartient au genre littéraire de la bonne nouvelle écrite destinée à l’ensemble de l’humanité.

Dans cette bonne nouvelle écrite, Jésus de Nazareth est proclamé comme le propre « Fils de Dieu » et le dernier envoyé de Dieu à la suite des patriarches, rois, sages et prophètes d’Israël.

L’évangile de Marc contient les paroles et actes de Jésus de Nazareth accomplissant de façon voilée et énigmatique les promesses de salut contenues dans les Écritures hébraïques.

L’espace organisé dans lequel se meut Jésus au cours de son ministère public est la Galilée, avec des sorties hors de Galilée, en Judée et en territoires païens et la passion et résurrection à Jérusalem (Marc 1. 14-9 ; 1,1-13 ; 7, 24-31 ; 8, 27 ; 8, 10 ; 11-13 ; 14-16).

La première phrase de l’évangile de Marc : « Commencement de l’Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu » suggère la genèse d’une nouvelle page de l’histoire sainte.

7 Rudolf SCHNACKENBURG, L’évangile selon Marc, Paris, 1973. 8 B. STANDAERT, L’évangile selon Marc, commentaire. Cerf, 1983. 9 Jean RADERMAKERS, La bonne nouvelle de Jésus, Bruxelles, 1974. 10 Camille FOCANT, L’évangile selon Marc. Collection Commentaire biblique, Cerf, 2004. 11 Paul LAMARCHE, Évangile de Marc, GABALDA, 1996.

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Cette nouvelle page de l’histoire sainte commence avec l’annonce du message joyeux de la libération prochaine de l’humanité par Jésus, prophète de Galilée qui est « Christ »et « Fils de Dieu ».

Jésus, le prophète de Galilée, est le « Christ ». Il est l’homme consacré et envoyé par Dieu pour établir sur la terre, son règne12.

En tant que « Fils de Dieu », Jésus le prophète de Galilée a une relation spéciale et unique avec Dieu.

L’évangile de Marc est structuré autour des deux titres « Christ » et « Fils de Dieu »

La première partie du livre conduira le lecteur à reconnaître avec Pierre et les disciples que Jésus, le prophète de Galilée est le « Christ » (Marc 8, 29). Jésus lui-même approuvera de façon évasive ce titre durant son procès devant le Sanhédrin (Marc 14, 61-62).

La seconde partie du livre fera découvrir au lecteur à travers la déclaration du centurion Romain au pied de la croix que Jésus, le prophète de Galilée est le « Fils de Dieu ». (Marc 15, 39).

Jésus, le prophète de Galilée sera confirmé « Fils de Dieu » dans les scènes évangéliques du baptême et de la transfiguration (Marc 1, 11 ; 9, 7). Il sera reconnu comme « Fils de Dieu » par ses disciples après sa résurrection d’entre les morts.

La résurrection de Jésus d’entre les morts est un fait transhistorique qui signale le passage de Jésus de la mort à la vie éternelle. Ce fait de foi est attesté par le tombeau vide de Jésus ressuscité et le messager divin qui annonce son apparition à ses disciples en Galilée (Marc 16, 1-8).

Ainsi l’évangile de Marc annonce la joyeuse nouvelle de la messianité et de la divinité de Jésus sur le fond du scandale et du paradoxe de la croix.

Avant d’entrer dans la vie publique, Jésus le prophète de Galilée, « Fils de Dieu » apparu en la personne du « Christ » est précédé par Jean Baptiste qui lui prépare la route selon les passages de la bible hébraïque (Exode 23,20 ; Malachie 3, 1, 3, 23 ; Isaïe 40,3).

Jean Baptiste tout en étant inférieur à Jésus le Christ dans l’ordre de leurs missions respectives, a déclenché un mouvement populaire qui engageait les foules à une conversion des mœurs à travers le rite d’immersion du corps dans l’eau vive de la vallée désertique du Jourdain.

Les foules accédaient au pardon de Dieu à travers le rite de la purification proposé par Jean Baptiste qui vivait en ascète comme le prophète Élie (2ROIS 1, 8).

L’évangéliste Marc décrit Jean Baptiste comme le précurseur de Jésus. Il précède Jésus, le « Christ », celui qui baptise dans l’Esprit Saint et celui qui accorde le pardon de façon définitive et irrévocable. Préparant la venue du Messie, Jean Baptiste est conscient de son rôle de précurseur et l’admet sans

12 Le peuple d’Israël attendait un roi idéal qui serait fidèle à l’alliance. Marc annonce que Jésus de Nazareth est ce messie de la tradition hébraïque qui réaliserait l’attente du peuple d’Israël au-delà d’une espérance économique, sociale et politique.

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complexe. « Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je baptise dans l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. » (Marc 1, 7-8).

L’évangéliste raconte ensuite un évènement majeur dans la vie de Jésus : son baptême (Marc 1, 9-11). Il met en scène l’originalité du baptême de Jésus en utilisant les images et les symboles bibliques faisant allusion à l’exode relu dans la perspective d’espérance postexilique du prophète Isaïe.

Par son baptême13, Jésus est le nouveau Moïse sur qui repose l’Esprit Saint ; Il est celui qui conduira le peuple de Dieu de l’esclavage du péché à la terre promise où Dieu règne dans la vie des pécheurs convertis vivant en frères, se servant mutuellement dans la communion et dans la paix.

Jésus baptisé est revêtu d’autorité divine par l’Esprit Saint sur Satan, sur le péché et sur les pécheurs.

Cette autorité cosmique au-delà des forces d’un homme ordinaire permettra à Jésus de Nazareth d’avoir une maîtrise surnaturelle sur les éléments de la nature, sur les maladies et sur les mauvais esprits14. Dieu règne dans les vies humaines quand Jésus, le prophète de Galilée restreint le champ d’opérations de Satan en guérissant les malades, en libérant les possédés, en pardonnant les péchés et en transformant les pécheurs en disciples.

L’autorité divine de Jésus de Nazareth est immense. Jésus de Nazareth possède sans mesure le don de guérison instantanée, sans convalescence, à travers, la parole, le toucher ou l’imposition des mains.

Les guérisons opérées par Jésus de Nazareth dans plusieurs cas, ne sont pas directement liées à la foi du malade, mais à la compassion du prophète de Galilée.

Jésus de Nazareth guérit toutes les maladies organiques sans exception. Les malades sont guéris totalement et reprennent sans délai leurs activités quotidiennes. Aucune maladie ne résiste au pouvoir divin de Jésus de Nazareth. Le pouvoir divin de Jésus de Nazareth recrée et restaure les corps souffrants et rétablissent leur vitalité.

Durant le « printemps Galiléen », Jésus de Nazareth a banni la maladie en Palestine.

En Jésus baptisé et remontant des eaux du Jourdain, Dieu communique à nouveau avec la terre. L’esprit est donné à Jésus de manière discrète et sans mesure pour la rémission des péchés et pour

13 Sur le plan anthropologique, le baptême de Jésus est un rite de passage où Jésus assume la responsabilité de sa mission prophétique, messianique et divine. Le don de l’Esprit Saint préside à ce passage de Jésus à sa vocation qui le rend solidaire de ses contemporains en assumant un rite populaire et le sépare d’eux par sa tâche nouvelle de pasteur rassemblant le peuple de Dieu pour un nouvel exode. Aussi Marc le compare t’-il à Moïse. 14 Jésus chasse les mauvais esprits dans quatre scènes évangéliques chez Marc : le possédé de Capharnaüm (Marc 1, 21-28), le possédé de GÉRASA (Marc 5, 1-20), la fille possédée d’une Syro-Phénicienne (Marc 7, 24-30) et l’enfant épileptique possédé (Marc 9, 14-29).

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établir Jésus comme « Christ » et prophète d’un monde nouveau habité en personne par le « Fils de Dieu ».

La voix de Dieu se fait entendre déclarant Jésus, le fils unique qu’il aime (Genèse 22, 2 ; Isaïe 42, 1).

Le baptême de Jésus peut être interprété comme une investiture prophétique et messianique.

Jésus est le serviteur dont les actes de mission sont énoncés dans le poème d’Isaïe (Isaïe 42, 6-7). Il ne plonge pas son corps dans l’eau vive du Jourdain pour être purifié mais pour être officiellement envoyé pour annoncer la proximité du règne de Dieu.

De la lumière de la théophanie baptismale, Jésus poussé par l’Esprit Saint, passe aux rudes épreuves du désert de Juda pour revivre l’itinéraire spirituel du peuple de Dieu au désert du Sinaï.

Dans son expérience du désert, Jésus vainqueur des forces du mal anticipe l’ère messianique prophétisée par Isaïe (Isaïe 11, 6). Jésus est le messie qui vit en harmonie avec Dieu au sein d’une création enfin réconciliée dans ses composantes antagonistes. Le combat spirituel de Jésus l’a préparé à annoncer le règne de Dieu dans la confiance totale à celui qui l’a envoyé pour la renaissance de l’humanité dévoyée par les idoles de la toute puissance et de la violence meurtrière.

A partir de Marc 1, 14, Jésus proclame la proximité du règne de Dieu et en donne les signes par ses paroles et ses actes de compassion.

Pour réunir le peuple de Dieu autour de lui, Jésus appelle ses premiers disciples (Marc 1, 16-20). Jésus enseigne avec autorité (Marc 1, 21-28). Ému de compassion, il opère des guérisons instantanées à la requête des bénéficiaires ou de leur entourage (Marc 1, 21-28 ; 40-45).

Jésus est aussi présenté durant le « printemps Galiléen » comme un homme de prière et d’actions de puissance (Marc 1, 35-39). Par la prière, Jésus de Nazareth se soumet à son Père céleste de qui il reçoit de l’Esprit Saint qui repose en lui et sur lui, inspiration, force et orientation.

Aussi le lecteur de Marc peut-il deviner que Jésus de Nazareth est non seulement un homme de Dieu, ou un ami de Dieu, mais le « Fils de Dieu » de la même essence que le Père et l’Esprit Saint.

L’activité de Jésus suscite des controverses avec les scribes et les pharisiens (Marc 2, 1-3, 12).

Les conflits avec les chefs religieux naissent à partir des actes atypiques de Jésus comme le pardon accordé à un paralysé, le repas avec les pécheurs publics, son attitude face au jeûne, sa liberté face aux régulations du sabbat et la guérison de l’homme à la main paralysée qui suscite l’indignation légaliste (Marc 2, 1-12 ; 2, 13-17 ; 2, 18-22 ; 2, 23-28 ; 3, 1-16).

Tous ces actes et paroles de Jésus suggèrent au lecteur de l’évangile de Marc que le prophète de Galilée n’est pas un simple interprète de la Loi.

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« Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamant la bonne nouvelle de Dieu ; il disait « les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle. »

Continuant d’une manière originale l’activité prophétique de Jean Baptiste, Jésus de Nazareth se rend dans sa province du Nord de la Palestine, terre de mission par excellence où vivaient Juifs et païens réalisant ainsi la prophétie d’Isaïe (Isaïe 8, 23-9, 1).

En Jésus, Dieu visite son peuple et son règne est proclamé afin que tous se convertissent et croient à la bonne nouvelle du salut qui s’est rapproché.

Jésus de Nazareth s’était engagé dans un ministère porteur de vie et d’accomplissement des Écritures hébraïques. Il dévoile l’intention profonde des saintes Écritures en les arrachant à une interprétation légaliste. Il met les textes et les pratiques religieuses de son temps en lien avec la vie concrète de ses contemporains.

En s’exprimant librement sur la tradition religieuse de son peuple, Jésus de Nazareth se révèle comme l’envoyé de Dieu qui privilégie les relations humaines comme le mode de saisie de son mystère.

Le mystère de Jésus est celui d’un homme porteur d’une parole vivante et libre qui peut être entendue dans les situations de vulnérabilité, de manque et de pauvreté existentielle.

Jésus, le prophète de Galilée est l’homme en dialogue avec Dieu et en dialogue avec ses contemporains pour raconter par sa vie l’histoire du « Fils de Dieu » qu’il est.

Jésus dans l’évangile de Marc est cette parole qui annonce le règne de Dieu. Il est la Parole qui guérit les malades et exorcise les mauvais esprits. En tant que Parole qui libère des commentaires sclérosés de la Loi et de la tradition des anciens, Jésus, le prophète de Galilée est celui qui révèle le sens caché des Écritures hébraïques en les menant à leur accomplissement dans sa personne de « Christ ».

C’est cette Parole vivante et dérangeante que l’évangéliste Marc transmet dans sa bonne nouvelle écrite.

Jésus, le prophète de Galilée est la Parole authentique de Dieu en lutte avec Satan15 dont la voix se substitue à la voix de Dieu afin de maintenir les hommes qui l’écoutent dans l’esclavage du mal et de la mort.

Dans son ministère de la Parole et des actes de compassion en Galilée, Jésus attire les foules et sa réputation de prophète et de messie s’établit sur l’autorité de ses actes de compassion et sur

15 Satan est la personnification des forces du mal. Dans la perspective biblique, Satan est une créature qui se présente comme un adversaire de Dieu (Job 1-2). En luttant contre Satan, Jésus de Nazareth est confronté au mal qui se manifeste dans la vie de l’humanité à travers des désordres physiques, psychologiques et spirituels.

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l’autorité de son enseignement nouveau éloigné de la pédagogie des Scribes et des Pharisiens (Marc 3, 7-12).

Cependant Jésus de Nazareth dont la puissance irrésistible durant le « printemps Galiléen » suscite l’étonnement et l’enthousiasme des foules, la panique des esprits mauvais qui le reconnaissent comme « le Saint de Dieu » ou le « Fils de Dieu » impose un silence absolu à ceux qui voudraient dévoiler prématurément son identité messianique et divine (Marc 1, 25. 34. 43 ; 3, 11-12 ; 5, 43 ; 7, 36 ; 8, 26-30 ; 9, 9).

Par le « secret messianique » imposé aux « esprits mauvais », aux foules, aux bénéficiaires de sa compassion et à ses disciples, Jésus de Nazareth refusait de s’enfermer dans une conception trop humaine de sa messianité.

Le messie conçu par les divers courants du Judaïsme était soit un libérateur politique et nationaliste ou soit un réformateur religieux qui aurait à cœur de défendre les intérêts ethniques des Juifs en rétablissant la royauté de David ou en restaurant le culte du Dieu d’Israël autour de la loi avec un système sacrificiel plus fidèle à la lettre de la loi.

Jésus de Nazareth n’était pas ce type de messie. Il est le nouveau roi de la création nouvelle qui a pour sujets les pécheurs convertis et pardonnés soustraits à la domination de Satan grâce à sa destinée de serviteur souffrant qui meurt crucifié pour ressusciter et vaincre les forces du mal et de la mort.

2. La destinée messianique et divine de Jésus de Nazareth voilée dans ses paroles et actes de puissance qui arrachent l’humanité au pouvoir du mal et de la mort

Jésus de Nazareth est la présence humaine du mystère ineffable de Dieu dans le monde16.

Avant Jésus de Nazareth, les Juifs pieux adoraient Yahvé, le Dieu unique, transcendant, omnipotent, omniprésent, omniscient, éternel et indicible.

Aucun Juif n’était autorisé à reproduire l’image de ce Dieu.

Aucun Juif ne pouvait prononcer le nom de ce Dieu qui était sans commune mesure avec la créature.

Le miracle de la foi chrétienne est d’avoir reconnu en un homme de sang et de chair la présence humaine du mystère ineffable de Dieu.

Cet homme, Jésus de Nazareth, crucifié et ressuscité d’entre les morts est la manifestation de l’intérêt que Yahvé porte à sa création.

16 COUCHOUD P.-L, Le mystère de Jésus, Paris, RIEDER, 1926.

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Yahvé sauve Jésus de Nazareth de la mort et lui confère les honneurs divins parce qu’il est de même nature que celui qui est à l’origine de toutes réalités.

Les disciples de Jésus de Nazareth reçoivent après la mort et la résurrection de leur maître la révélation extraordinaire que le prophète de Galilée n’est autre que le « Fils de Dieu » en personne qui par condescendance est venu partager la condition humaine comme la parole de Dieu des origines incarnée dans l’histoire humaine.

Cette Parole éternelle devient par l’action de l’Esprit Saint le visage humain de Dieu dans l’histoire humaine.

Jésus de Nazareth est ainsi le propre « fils de Dieu » offert pour élever l’humanité au partage de la vie divine.

Resitué dans le contexte du Judaïsme du second temple, Jésus de Nazareth peut être perçu comme un Juif marginal qui n’était pas engagé dans la libération politique de son peuple. Il n’était pas non plus un réformateur du Judaïsme de son temps. Il est selon l’évangile de Marc, l’homme en qui le mystère ineffable de Dieu est présent comme l’un des membres de l’humanité souffrante victorieuse des forces du mal et de la mort.

La vie et la mort de Jésus de Nazareth témoignent de l’intervention gracieuse de Dieu dans l’histoire humaine.

Réellement homme et réellement Dieu, Jésus de Nazareth est le prophète eschatologique qui proclame et réalise la délivrance de l’humanité du mal et de la mort.

Le mal selon l’évangéliste Marc est cette privation du bien causée par l’emprise de Satan sur le monde.

En effet les Actes des Apôtres, 10, 38 résume la présence humaine du mystère ineffable de Dieu en Jésus et avec Jésus : « Jésus de Nazareth, ses débuts en Galilée, après le baptême proclamé par Jean; comment Dieu l’a oint de l’Esprit Saint et de puissance, lui qui a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable ; car Dieu était avec lui. »

Jésus est cet homme authentique sur qui repose l’Esprit de Dieu. Il a passé dans l’histoire humaine en faisant le bien et en libérant l’humanité des forces du mal par son enseignement nouveau et par ses actes de compassion.

Les Juifs contemporains de Jésus de Nazareth qui étaient de stricts monothéistes ne pouvaient pas admettre sa divinité. Aussi l’accusèrent-ils de blasphème et le firent condamner par crucifixion pour avoir insinué qu’il était le messie promis des Écritures hébraïques.

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Parce que Dieu était avec lui et en lui de façon mystérieuse Jésus de Nazareth a vaincu la mort et a répandu son Esprit sur toute chair.

Les disciples de Jésus attendent son retour glorieux à la fin des temps comme juge universel.

Ainsi le mystère ineffable de la présence humaine de Dieu en Jésus de Nazareth ne fut révélé à ses disciples qu’après sa résurrection quand l’Esprit Saint leur fut donné. Ils comprennent alors que Jésus de Nazareth est au sens strict le « Fils de Dieu » (1 Corinthiens 12, 3). Il est aussi le messie de la nouvelle création.

L’évangile de Marc est un récit de témoignage religieux sur Jésus de Nazareth confessé comme « Christ » et comme « Fils de Dieu ».

Fondée sur le témoignage apostolique, la foi en la messianité et à la divinité de Jésus de Nazareth est le reflet de la conviction fervente de l’Église primitive qui proclame son adhésion et son attachement à la personne divine du prophète assassiné et ressuscité de Galilée.

3. Le rôle et la fonction des disciples dans le dévoilement de l’ineffable présence du mystère de Dieu en Jésus « Christ » et « Fils de Dieu » dans l’évangile de Marc

Le disciple de Jésus de Nazareth appelé à venir à sa suite joue un rôle important dans le dévoilement de l’ineffable présence du mystère de Dieu en son maître.

Accompagnant Jésus de Nazareth et uni à lui, le disciple est celui à qui est révélée l’ineffable présence du mystère de Dieu.

Le privilège du disciple est de suivre un prédicateur itinérant qui dévoile le mystère du règne de Dieu à travers un enseignement public et des activités thaumaturgiques.

Le disciple est celui qui adhère avec docilité à l’enseignement et à la personne de Jésus « Christ » et « Fils de Dieu ».

Jésus de Nazareth en tant que maître se distingue des autres maîtres du Judaïsme (Marc 9,5 ; 11, 21, 14,45 ; 10, 51).

Il n’était pas affilié aux deux écoles rivales de HILLEL et de SCHAMMAÏ.

Il fondait son enseignement religieux sur l’autorité de sa personne passionnément convaincue d’être la Parole de Dieu.

Il était le prophète eschatologique ultime par excellence de l’avènement du règne de Dieu. Il était à l’origine d’une expérience religieuse extraordinaire qui accomplit la loi, les prophètes et les aspirations des psaumes.

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Jésus de Nazareth fait de la relation maître disciple le centre de la révélation du mystère de la présence de Dieu en lui.

Séparé de la foule, le disciple instruit parvient à l’intelligence du règne de Dieu dans la communauté de destin avec le maître.

Les conflits du maître avec les autorités religieuses du Judaïsme aboutissent à la définition du disciple de Jésus de Nazareth.

Le disciple de Jésus de Nazareth est la personne qui croit à l’évangile, suit le maître qui est la Parole définitive de Dieu et perd sa vie pour la faire passer comme le maître de la mort à la vie éternelle (Marc8, 35).

Le disciple de Jésus de Nazareth est celui qui écoute la bonne nouvelle de la plénitude des temps et l’irruption du règne de Dieu dans la personne de son maître qui n’est point un interprète de la loi mais celui qui l’accomplit.

Pour le disciple, Jésus de Nazareth est la personne en qui Dieu agit à travers ses paroles et ses actes de puissance. Il est celui qui éduque la foi de ses disciples à reconnaître en lui le sauveur et le libérateur de l’humanité.

Jésus de Nazareth est la main victorieuse de Dieu tendue vers l’humanité (Marc 7, 37). Jésus de Nazareth donne à ses disciples l’intelligence de l’avènement du règne de Dieu en sa personne à travers les paraboles et les instructions particulières (Marc 8, 27-30 ; 9, 9-13, 31, 33-50 ; 10, 13-16, 23-31, 35-45 ; 13).

Le disciple participe à la puissance et à la mission de Jésus de Nazareth par sa vie de foi et par son espérance messianique.

Conclusion :

L’évangile de Marc nous met en présence d’un homme authentique en communion personnelle avec Dieu à travers le don sans mesure de l’Esprit Saint qui le lie de façon singulière à la réalité ultime, origine de toutes choses.

Cet homme authentique, Jésus de Nazareth est le Fils éternel de Dieu qui s’est anéanti, en prenant la condition d’homme et en épousant la destinée tragique du Serviteur souffrant d’Isaïe.

Le ministère public de cet homme-Dieu devenu prophète de Galilée manifesta l’amour de Dieu pour l’humanité souffrante qu’il porte jusqu’au calvaire en subissant une mort injuste et infâmante.

Le miracle de la foi chrétienne est d’avoir reconnu en cet Homme-Dieu l’intervention gracieuse de Dieu dans l’histoire humaine pour associer l’humanité à la vie même de Dieu.

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En Jésus de Nazareth mort et ressuscité, l’humanité savoure déjà la promesse de vie éternelle ancrée sur la nouvelle création où il n’y aura plus de mort, de pleurs, de cris et de peines .