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5S30 Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 5S28-5S32 Maladies respiratoires : l’année 2004 en perspective deux périodes de deux semaines d’intervalle. Tous ont eu des test cutanés allergiques, une mesure du NO dans l’air expiré, la mesure du DEP, une spirométrie associée soit à une épreuve de réversibilité bronchique, soit à un test de provocation bronchique avec une solution hyperosmolaire et un test aux corticoïdes (30 mg de prednisone per os pen- dant les 14 jours séparant la deuxième et la troisième visite). En se basant sur les critères énoncés dans les recom- mandations du GINA, les auteurs ont finalement formel- lement posé le diagnostic d’asthme chez 17 des 47 sujets, les 30 sujets restants étant considérés comme non asthma- tiques. En utilisant la méthode d’analyse des courbes ROC (du terme anglais receiver-operator characteristic ) [3], les auteurs ont ensuite montré que la mesure du NO expiré et le comptage des polynucléaires éosinophiles dans l’expec- toration induite étaient les deux tests les plus discriminants associant à la fois une grande sensibilité à une bonne spé- cificité, contrairement aux autres tests jugés comme peu sensibles malgré une excellente spécificité ( tableau I ). Compte tenu de l’aspect relativement moins invasif de la mesure du NO expiré par rapport à l’expectoration induite, les auteurs ont considéré que la mesure du NO expiré représente à l’heure actuelle le test optimal pour explorer un asthme. Commentaires La mesure du NO expiré est une technique que pos- sèdent aujourd’hui de nombreuses équipes. La littérature scientifique qui lui est consacrée est, jusqu’à ce jour, riche de plus de 1000 articles publiés dans des journaux à comité de lecture, dont plus de la moitié est consacrée à la mesure du NO expiré dans l’asthme. Aussi, peut-on considérer comme paradoxal l’attitude consistant à considérer ce test comme faisant encore partie du domaine de la recherche clinique. Le passage de ce test dans l’évaluation et le suivi de l’asthme en routine est probablement proche, aidé en cela par d’autres études à venir, semblables à celle de Smith et coll. que nous venons d’analyser. Références 1 Service des recommandations professionnelles de l’Anaes : recomman- dations pour le suivi médical des patients asthmatiques adultes et ado- lescents. Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 175-84. 2 Delclaux C, Dinh-Xuan AT : Art – et artefacts – de la mesure du NO expiré dans l’asthme. Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 209-11. 3 Perneger T, Perrier A : Analyse d’un test diagnostique : courbe ROC ou « receiver operating characteristic ». Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 398-401. ********** La mesure du transfert couplé NO/CO permet de faire la part entre réduction du volume capillaire pulmonaire et épaississement membranaire dans la sarcoïdose Phansalkar AR, Hanson CM, Shakir AR, Johnson RL Jr, Hsia CCW. Nitric oxide diffusing capacity and alveolar microvascular recruitment in sarcoidosis. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : 1034-40. Introduction Le transfert de l’oxygène de l’air ambiant vers le sang est mesuré en routine par la capacité de diffusion pulmo- naire au monoxyde de carbone (D LCO ) [1]. La mesure de la capacité de diffusion pulmonaire (D L ) à un gaz X donné (D LX ) explore en fait deux composantes distinctes : la dif- fusion membranaire (D M ) et le volume capillaire (Vc), liées l’une et l’autre à D L par l’équation : 1/D L = 1/D M + 1/Θ Vc (où D M est la capacité de diffusion membranaire, Θ la vitesse de réaction du gaz avec l’hémoglobine et Vc le volume capillaire). Ainsi, l’altération d’une de ces deux composantes suffit pour affecter D L , alors qu’une anomalie de cette dernière ne permet pas d’en préciser l’origine (membranaire et/ou capillaire). Il est néanmoins possible de faire la part entre D M et Vc par la méthode de double diffusion, en utilisant un seul gaz (le CO) à deux pressions partielles alvéolaires d’oxygène (PAO 2 ) différentes, selon la méthode de Roughton-Forster [2] ou en combinant l’utilisation de deux gaz, CO et NO, à une même PAO 2 (méthode de Roughton-Forster modifiée) [3]. Cette méthode, associant la mesure des transferts alvéolo-capillaires du NO et du CO, décrite en 1987, par Guénard et coll. [3], est maintenant réalisable en routine, grâce au développement d’ap- pareils de mesure appropriés. Les applications de la mesure du transfert couplé NO/CO sont nombreuses, et pourraient four- nir des informations utiles notamment dans les atteintes Tableau I. Sensibilité et spécificité des différents tests diagnostiques. (D’après Smith et coll., Am J Respir Crit Care Med 2004). Tests Sensibilité Spécificité DEP (variabilité > 20 %) 0 100 VEMS (< 80 % de la théorique) 0 100 VEMS/CVF (< 70 %) 35 100 Amélioration du VEMS (> 15 %) après test aux corticoïdes oraux 12 100 Taux d’éosinophiles (> 3 %) dans le crachat induit 86 88 NO expiré (> 20 ppb) 88 79

La mesure du transfert couplé NO/CO permet de faire la part entre réduction du volume capillaire pulmonaire et épaississement membranaire dans la sarcoïdose

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Page 1: La mesure du transfert couplé NO/CO permet de faire la part entre réduction du volume capillaire pulmonaire et épaississement membranaire dans la sarcoïdose

5S30 Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 5S28-5S32

Maladies respiratoires : l’année 2004 en perspective

deux périodes de deux semaines d’intervalle. Tous ont eudes test cutanés allergiques, une mesure du NO dans l’airexpiré, la mesure du DEP, une spirométrie associée soit àune épreuve de réversibilité bronchique, soit à un test deprovocation bronchique avec une solution hyperosmolaireet un test aux corticoïdes (30 mg de prednisone per os pen-dant les 14 jours séparant la deuxième et la troisièmevisite).

En se basant sur les critères énoncés dans les recom-mandations du GINA, les auteurs ont finalement formel-lement posé le diagnostic d’asthme chez 17 des 47 sujets,les 30 sujets restants étant considérés comme non asthma-tiques. En utilisant la méthode d’analyse des courbes ROC(du terme anglais receiver-operator characteristic) [3], lesauteurs ont ensuite montré que la mesure du NO expiré etle comptage des polynucléaires éosinophiles dans l’expec-toration induite étaient les deux tests les plus discriminantsassociant à la fois une grande sensibilité à une bonne spé-cificité, contrairement aux autres tests jugés comme peusensibles malgré une excellente spécificité (tableau I).Compte tenu de l’aspect relativement moins invasif de lamesure du NO expiré par rapport à l’expectoration induite,les auteurs ont considéré que la mesure du NO expiréreprésente à l’heure actuelle le test optimal pour explorerun asthme.

Commentaires

La mesure du NO expiré est une technique que pos-sèdent aujourd’hui de nombreuses équipes. La littératurescientifique qui lui est consacrée est, jusqu’à ce jour, richede plus de 1000 articles publiés dans des journaux à comitéde lecture, dont plus de la moitié est consacrée à la mesuredu NO expiré dans l’asthme. Aussi, peut-on considérercomme paradoxal l’attitude consistant à considérer ce testcomme faisant encore partie du domaine de la rechercheclinique. Le passage de ce test dans l’évaluation et le suivi

de l’asthme en routine est probablement proche, aidé encela par d’autres études à venir, semblables à celle de Smithet coll. que nous venons d’analyser.

Références

1 Service des recommandations professionnelles de l’Anaes : recomman-dations pour le suivi médical des patients asthmatiques adultes et ado-lescents. Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 175-84.

2 Delclaux C, Dinh-Xuan AT : Art – et artefacts – de la mesure du NOexpiré dans l’asthme. Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 209-11.

3 Perneger T, Perrier A : Analyse d’un test diagnostique : courbe ROC ou« receiver operating characteristic ». Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 398-401.

**********

La mesure du transfert couplé NO/CO permet de faire la part entre réductiondu volume capillaire pulmonaire etépaississement membranaire dans la sarcoïdose

Phansalkar AR, Hanson CM, Shakir AR, JohnsonRL Jr, Hsia CCW.Nitric oxide diffusing capacity and alveolarmicrovascular recruitment in sarcoidosis. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : 1034-40.

Introduction

Le transfert de l’oxygène de l’air ambiant vers le sangest mesuré en routine par la capacité de diffusion pulmo-naire au monoxyde de carbone (DLCO) [1]. La mesure dela capacité de diffusion pulmonaire (DL) à un gaz X donné(DLX) explore en fait deux composantes distinctes : la dif-fusion membranaire (DM) et le volume capillaire (Vc), liéesl’une et l’autre à DL par l’équation : 1/DL = 1/DM + 1/Θ Vc(où DM est la capacité de diffusion membranaire, Θ lavitesse de réaction du gaz avec l’hémoglobine et Vc levolume capillaire). Ainsi, l’altération d’une de ces deuxcomposantes suffit pour affecter DL, alors qu’une anomaliede cette dernière ne permet pas d’en préciser l’origine(membranaire et/ou capillaire).

Il est néanmoins possible de faire la part entre DM et Vcpar la méthode de double diffusion, en utilisant un seul gaz (leCO) à deux pressions partielles alvéolaires d’oxygène (PAO2)différentes, selon la méthode de Roughton-Forster [2] ou encombinant l’utilisation de deux gaz, CO et NO, à une mêmePAO2 (méthode de Roughton-Forster modifiée) [3]. Cetteméthode, associant la mesure des transferts alvéolo-capillairesdu NO et du CO, décrite en 1987, par Guénard et coll. [3], estmaintenant réalisable en routine, grâce au développement d’ap-pareils de mesure appropriés. Les applications de la mesure dutransfert couplé NO/CO sont nombreuses, et pourraient four-nir des informations utiles notamment dans les atteintes

Tableau I.

Sensibilité et spécificité des différents tests diagnostiques. (D’après Smithet coll., Am J Respir Crit Care Med 2004).

Tests Sensibilité Spécificité

DEP (variabilité > 20 %) 0 100

VEMS (< 80 % de la théorique) 0 100

VEMS/CVF (< 70 %) 35 100

Amélioration du VEMS (> 15 %)

après test aux corticoïdes oraux 12 100

Taux d’éosinophiles (> 3 %)

dans le crachat induit 86 88

NO expiré (> 20 ppb) 88 79

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Physiologie et explorations fonctionnelles respiratoires

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interstitielles pulmonaires des connectivites, les fibrosespulmonaires idiopathiques et l’hypertension artérielle pul-monaire sévère.

Méthodes et résultats

Les auteurs ont utilisé les deux méthodes pour mesurerDLCO, DLNO, DMCO et Vc chez 25 malades atteints de sar-coïdose pulmonaire (stade II – III), et chez 18 sujetstémoins (dont 12 ont été déjà décrits dans une précédenteétude [4]). Ces paramètres ont été mesurés au repos cheztous les sujets, puis à l’exercice chez 16 des 25 maladesatteints de sarcoïdose et chez les 18 sujets témoins. Lesauteurs ont trouvé une très nette diminution de la DMCOchez des malades atteints de sarcoïdose, accompagnéed’une diminution, beaucoup plus modeste, du Vc chez lesmêmes malades, tant au repos qu’à différents niveauxd’exercice musculaire.

Commentaires

Ces résultats suggèrent que l’épaississement de lamembrane alvéolo-capillaire demeure le principal facteurresponsable de la diminution de la capacité de diffusionpulmonaire au gaz dans la sarcoïdose. La réduction du litcapillaire pulmonaire, bien que présente, joue probable-ment un rôle beaucoup plus modeste dans la physiopatho-logie des troubles des échanges gazeux dans la sarcoïdosepulmonaire. La détermination concomitante de DM et deVc a permis de préciser les anomalies dues respectivementà un épaississement de la membrane alvéolo-capillaire et àune diminution du lit capillaire pulmonaire dans la sar-coïdose. La même approche pourrait être appliquée àd’autres affections, entraînant des troubles des échangesgazeux et une diminution de la DLCO, et pour lesquellesles parts respectives des atteintes membranaires et capil-laires restent à déterminer.

Références

1 Hughes JMB, Bates DV : Historical review: the carbon monoxide dif-fusing capacity (DLCO) and its membrane (DM) and red cell (Θ .Vc)components. Respir Physiol Neurobiol 2003 ; 138 : 115-42.

2 Roughton FJW, Forster RE : Relative importance of diffusion and che-mical reaction rates in determining the rate of exchange of gases in thehuman lung, with special reference to true diffusing capacity of the pul-monary membrane and volume of blood in lung capillaries. J Appl Phy-siol 1957 ; 11 : 290-302.

3 Guénard H, Varène N, Vaida P : Determination of lung capillary bloodvolume and membrane diffusing capacity in man by the measurementsof NO and CO transfer. Respir Physiol 1987 ; 70 : 113-20.

4 Tamhane RM, Johnson RL Jr, Hsia CCW : Pulmonary membrane dif-fusing capacity and capillary blood volume measured during exercisefrom nitric oxide uptake. Chest 2001 ;120 :1850-6.

**********

Diagnostic de la dyskinésie ciliaire primitive par la mesure du NO nasal

Corbelli R, Bringolf-Isler B, Amacher A, Sasse B,Spycher M, Hammer J.Nasal nitric oxide measurements to screen childrenfor primary ciliary dyskinesia. Chest 2004 ; 126 : 1054-9.

Introduction

La dyskinésie ciliaire primitive (DCP) est caractériséepar des anomalies structurelles et fonctionnelles des cils, cequi entrave l'épuration muco-ciliaire et entraîne des suppura-tions bronchiques et des bronchectasies. Les anomalies ciliairessont également à l’origine de nombreux symptômes et dys-fonctionnements extra-pulmonaires, notamment descéphalées, des rhinites chroniques et une diminution del'olfaction, des otites, des anomalies cornéennes et une sté-rilité masculine. La coexistence de bronchectasies, d’unsitus inversus et des sinusites caractérise une forme parti-culière de dyskinésie ciliaire primitive, le syndrome de Kar-tagener, où l’absence de synthèse de monoxyde d’azote(NO) a été notifiée depuis plus de 10 ans [1]. Le NO estmesuré dans l’air expiré dans de nombreuses études pourmieux comprendre la physiopathologie de certaines mala-dies bronchiques comme l’asthme et la mucoviscidose [2].Bien que l’utilité pratique de ce test, notamment dansl’aide diagnostique qu’il pourrait apporter aux cliniciens,soit probable, la mesure du NO expiré reste pour l’instantun outil d’investigation clinique réservé à quelques centresspécialisés. Le passage de ce test en routine se fera d’autantplus rapidement qu’il y aura de plus en plus de preuves enfaveur de son intérêt en pratique. Dans cette optique, cetteétude de Corbelli et coll. mérite que l’on s’y intéresse plusparticulièrement.

Méthodes et résultats

Les auteurs ont mesuré le NO dans les cavités nasales (NOnasal) et dans l’air expiré par la bouche (NO expiré) chez 34grands enfants et adolescents suspectés d’être porteurs de DCP.Le diagnostic positif de l’atteinte ciliaire était basé sur l’examenhistologique de la structure des cils sur les pièces de biopsies de lamuqueuse nasale. Ainsi, 17 des 34 enfants étaient effectivementatteints de DCP. La mesure du NO nasal a montré qu’il existaitune très nette diminution du NO nasal chez les 17 patients ayantune biopsie positive pour la DCP par rapport aux 17 autrespatients dont la biopsie était négative et par rapport à 24 témoinssains (tableau I). Les auteurs ont également montré que l’on peutexclure de façon quasi certaine le diagnostic de DCP lorsque lavaleur du NO nasal dépasse 105 parties par milliard (ppb). Lesmêmes tendances ont été observées pour la mesure du NOexpiré, avec cependant des différences moins nettes entre les 3groupes de sujets.