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1/1 LA MISE EN OEUVRE DE L'EXPERTISE JUDICIAIRE EN MATIERE CIVILE Madame CESARO-PAUTROT Vice-Présidente Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence Maître HUGUES du Barreau d’Aix-en-Provence Intervention du 14.6.2011 Formation UCECAAP PLAN SOMMAIRE Introduction : sources de la matière, double regard du juge et de l'avocat, annonce du plan I/ DESIGNATION et MISSION de L'EXPERT : A/ DESIGNATION la juridiction qui désigne : référé et fond liberté de choix unicité ou pluralité la décision B/ RECUSATION C/ CHANGEMENT D/ LA MISSION de L'EXPERT II/ LES OPERATIONS D'EXPERTISE : A/ LES PRINCIPES A RESPECTER : par l'expert, par les parties, B/ DEROULEMENT de L'EXPERTISE: 1°) formalités préparatoires : notification de la décision, acceptation ou refus, consignation de la provision, notification du versement de la consignation, 2°) les opérations d'expertise : rôle respectif de l'expert, des parties et du juge, les convocations, le recueil d'informations: pièces et « sachants » le recours au « sapiteur » le collaborateur ou l'assistant de l'expert, définition du « programme » expertal, extension de mission: - quant aux parties, - quant aux diligences à effectuer, - les relations avec le juge mandant, conclusion: le mandat du juge et la nature des opérations d'expertise, la maîtrise du temps et le respect des délais, indications bibliographiques.

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LA MISE EN OEUVRE DE L'EXPERTISE JUDICIAIRE EN MATIERE CIVILE

Madame CESARO-PAUTROT

Vice-Présidente Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence

Maître HUGUES du Barreau d’Aix-en-Provence

Intervention du 14.6.2011 Formation UCECAAP

PLAN SOMMAIRE Introduction : sources de la matière, double regard du juge et de l'avocat, annonce du plan

I/ DESIGNATION et MISSION de L'EXPERT : A/ DESIGNATION

la juridiction qui désigne : référé et fond liberté de choix unicité ou pluralité la décision

B/ RECUSATION C/ CHANGEMENT D/ LA MISSION de L'EXPERT II/ LES OPERATIONS D'EXPERTISE : A/ LES PRINCIPES A RESPECTER :

par l'expert, par les parties,

B/ DEROULEMENT de L'EXPERTISE: 1°) formalités préparatoires :

notification de la décision, acceptation ou refus, consignation de la provision, notification du versement de la consignation,

2°) les opérations d'expertise : rôle respectif de l'expert, des parties et du juge, les convocations, le recueil d'informations: pièces et « sachants » le recours au « sapiteur » le collaborateur ou l'assistant de l'expert, définition du « programme » expertal,

extension de mission: - quant aux parties, - quant aux diligences à effectuer, - les relations avec le juge mandant,

conclusion:

le mandat du juge et la nature des opérations d'expertise, la maîtrise du temps et le respect des délais,

indications bibliographiques.

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INTRODUCTION :

Avec Maître Laurent Hugues, nous allons parler, non pas de l’ensemble des problèmes concernant l’expertise judiciaire, mais seulement , en matière civile, de la mise en oeuvre de l’expertise judiciaire, sous le double regard des deux praticiens que nous sommes juge et avocat. Et tout d’abord, quelles sont les sources de la matière, ce qui nous permettra par la suite de déterminer l’objet de notre exposé en annonçant son plan. Les sources de la matière : ** le code de procédure civile en premier lieu essentiellement les articles 232 à 284-1 :

la désignation de l'expert, art 264 à 272, les opérations d’expertise, art 273 à 281, l'avis de l'expert art 281à 284-1,

** la jurisprudence, c’est-à-dire les décisions prises par les juridictions et surtout par la première d’entre elles, la Cour de Cassation ** ce que l’on peut appeler les usages où la coutume, c’est-à-dire un ensemble de pratiques professionnelles déclinées au plan national par un protocole national signé entre le Conseil National des Barreaux et le Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice et au plan local, selon les ressorts, par des protocoles dits de bonne pratique. de quoi allons-nous vous parler aujourd’hui ? Annonce du plan D’abord de la désignation et de la mission de l’expert, ensuite des opérations d’expertise elle-même : étant rappelé que nous ne saurions être exhaustifs puisque d’autres modules de formation traitent notamment des écrits de l’expert judiciaire.

I/ DESIGNATION et MISSION de L'EXPERT : il s'agit ici de répondre à plusieurs questions:

-- pourquoi une expertise ? -- qui désigne l'expert ? -- pourquoi est-il désigné ?

Nous verrons donc successivement les questions suivantes :

-- désignation, -- récusation, -- changement, -- mission de l'expert

A/ DESIGNATION : A-1. La juridiction qui désigne : -- à titre exceptionnel, désignation par ordonnance sur requête (article 145 du code de procédure civile),

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-- la juridiction des référés, il s'agit d'une procédure rapide, souple (sans ministère d'avocat obligatoire même devant le tribunal de grande instance) les juges des référés sont :

soit le président du tribunal de grande instance, soit les présidents de juridiction comme les tribunaux d'instance ou les tribunaux de commerce.

-- la juridiction du fond: Juridictions du premier degré : c'est d'abord ce que l'on appelle communément le tribunal : tribunal de grande instance, tribunal d'instance, tribunal de commerce, conseils de prud'hommes, ou lorsqu'il existe, le magistrat chargé de la mise en état : il s'agit du juge de la mise en état du tribunal de grande instance.

Juridictions du second degré : il s'agit de la cour d'appel. A.2. Liberté de choix du juge : L'article 232 du code de procédure civile énonce que le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien. Ainsi, le juge a la possibilité de nommer ; - un constatant (article 249 du CPC) qui ne portera « aucun avis sur les

conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter », - un consultant (article 256 du CPC) « lorsqu’une question purement technique ne

requiert pas d’investigations complexes », - un expert pour les situations les plus délicates et complexes (art. 263 du CPC),

« dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge ».

Il peut désigner toute personne même non inscrite sur la liste établie par la cour d’appel. Il existe des listes d'experts qui ont une valeur d'information. L'article 2 de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, dans sa rédaction issue de la réforme du 11 février 2004 , énonce : «il est établi pour l'information des juges : -- une liste nationale des experts judiciaires, dressée par le bureau de la cour de cassation, -- une liste des experts judiciaires, dressée par chaque cour d'appel.

A.3. Unicité ou pluralité :

L’article 264 indique qu'« il n’est désigné qu’une seule personne à titre d’expert à moins que le juge n’estime nécessaire d’en nommer plusieurs ». En cas de pluralité d'experts, l’article 282 énonce qu'« il n’est rédigé qu’un seul rapport… (et qu') en cas de divergence chacun indique son opinion »

A.4. La décision La décision expose les circonstances qui rendent nécessaire l’expertise et, s’il y a

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lieu la nomination de plusieurs experts (art. 265), nomme le ou les experts, énonce les chefs de mission, impartit le délai dans lequel l’expert devra déposer son avis.

L’article 266 indique que la décision « peut fixer une date à laquelle l’expert et les parties se présenteront devant le juge qui l’a rendue ou devant le juge du contrôle pour que soient précisées la mission et, s’il y a lieu, le calendrier des opérations »,

L'article 269 du code de procédure civile concerne la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, il énonce :

« le juge qui ordonne l'expertise ou le juge chargé du contrôle fixe, lors de la nomination de l'expert ou dès qu'il est en mesure de le faire, le montant d'une provision à valoir sur la rémunération de l'expert aussi proche que possible de sa rémunération définitive prévisible. Il désigne la ou les parties qui devront consigner la provision au greffe de la juridiction dans le délai qu'il détermine ; si plusieurs parties sont désignées, il indique dans quelle proportion chacune des parties devra consigner. Il aménage, s'il y a lieu les échéances dont la consignation peut être assortie ».

B/ RECUSATION **causes de récusation: L’article 234 du CPC prévoit que « les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes raisons que les juges » C’est à l’article 341 du CPC que ces raisons sont définies et il suffit de remplacer le terme juge par celui d'expert : 1. Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ; 2. Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou

donataire de l'une des parties 3. Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son

conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement 4. S'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son

conjoint 5. S'il a précédemment connu de l'affaire comme expert ou s'il a conseillé l'une

des parties 6. Si l’expert ou son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties 7. S'il existe un lien de subordination entre l’expert ou son conjoint et l'une des

parties ou son conjoint 8. S'il y a amitié ou inimitié notoire entre l’expert et l'une des parties. Cette liste n’est pas limitative et la cour de cassation dans un arrêt du 5 décembre 2002, rendu au visa de l’article 6.1 de la CEDH (Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4.11.1950) a considéré que l’énumération de ce texte n’épuise pas nécessairement l’exigence d’impartialité requise de tout expert judiciaire, laquelle doit s’apprécier objectivement. **procédure de récusation:

Elle est régie par les articles 234, alinéas deux et trois, et 235 du code de procédure civile.

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, Elle se déroule devant le juge qui a désigné ou devant celui qui est chargé du contrôle. En cas de récusation, il est pourvu « au remplacement du technicien » C/ LE REMPLACEMENT de L'EXPERT L'article 235 énonce que « le juge peut également, à la demande des parties ou d’office, remplacer le technicien qui manquerait à ses devoirs, après avoir provoqué ses explications » Il y a notamment manquements aux devoirs du technicien pouvant justifier son remplacement, si l’expert ne respecte pas le contradictoire, les délais impartis ou s’il ne répond pas aux relances du magistrat chargé du contrôle. Des problèmes de santé ou d'autres causes qui ne permettent plus à l’expert d’accomplir sa mission, même temporairement, peuvent également fonder un remplacement.

D/ LA MISSION de L'EXPERT: L'expert doit accomplir personnellement sa mission (article 233 alinéa 1er du code de procédure civile). Cependant, si le technicien désigné est une personne morale, son représentant légal soumet à l'agrément du juge le nom de la ou des personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci et en son nom, l'exécution de la mesure (alinéa 2 du même texte) Cette mission ne peut porter que sur une question de fait, conformément à l’article 232, et non sur une question de droit. L’article 238 précise que « le technicien doit donner son avis sur les points pour l’examen desquels il a été nommé. Il ne peut répondre à d’autres questions sauf accord écrit des parties. Il ne doit jamais porter d'appréciation d'ordre juridique » il y a le principe, mais aussi son application c'est-à-dire les réalités. Il n'est pas interdit à un expert de fournir des éléments d'information d'un préjudice, de suggérer des pourcentages de responsabilité, de fournir des éléments qui permettront au juge d'imputer tel ou tel dommage à l'une des parties plutôt qu'à une autre. En cas d’accord des parties pour répondre à d’autres questions, il est préférable d'en informer le juge du contrôle. En effet, l’article 236 prévoit que la mission peut être accrue ou restreinte par le juge chargé du contrôle. Il n'entre pas dans la mission de l'expert de concilier les parties (art. 240 du code de procédure civile). Si les parties viennent à se concilier, l'expert constate que sa mission est devenue sans objet ; et il en fait rapport au juge (art. 281 alinéa premier).

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La mission s’accomplit sous le contrôle du juge qui a nommé l’expert ou du juge chargé du contrôle des expertises, Il existe des missions types, surtout en référé : en matière médicale (préjudice corporel) ou en matière de construction. Après cette première partie consacrée à la désignation et à l'admission de l'expert, voyons maintenant comment se déroulent les opérations d'expertise. II/ LES OPERATIONS D'EXPERTISE : il y a :

-- des principes à respecter, -- un mode opératoire.

A/ LES PRINCIPES A RESPECTER :

-- par l'expert, -- par les parties,

A.1. Principes à respecter par l'expert; il s'agit des devoirs de l'expert, ** L’expert doit accomplir personnellement sa mission, (art. 233 du CPC), il ne peut sous-traiter une expertise. S’il s’agit d’une personne morale, son représentant soumettra à l’agrément du juge le nom des personnes physiques qui assureront l’exécution de la mesure.

** l'expert doit accomplir sa mission avec:

-- conscience, -- objectivité, -- impartialité.

c'est en effet ce qu'énonce l'article 237, lorsqu'il stipule que l'expert commis « doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité »

** L’expert doit respecter les délais impartis (art. 239 du CPC et 6.1 de la CEDH se référant à la notion de «délai raisonnable»),

** l'expert doit respecter le contradictoire (art. 14 à 16 du CPC), Ainsi les parties doivent, sauf exceptions, être convoquées à toutes les réunions d'expertise, Au terme de la première ou deuxième réunion, l’expert doit indiquer quelles sont les personnes concernées par le litige, qui ne sont pas dans la cause, pour permettre au demandeur de saisir le tribunal pour que l’expertise leur soit opposable. Les parties doivent avoir communication des pièces et documents utilisés par l'expert, des déclarations recueillies par lui auprès des « sachants », il n'est pas concevable que l'expert procède à des diligences du début à la fin de sa mission, sans jamais avoir convoqué les parties ou sans leur avoir rendu compte de certaines opérations techniques auxquelles il a pu

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procéder hors leur présence,

**ajoutons que l'expert doit adapter ses diligences à l'objet du litige ; Il n'est pas concevable qu'il multiplie les réunions ou les transports sur les lieux. Ainsi, dans une simple affaire de fuite d'eau dans une copropriété, que j'ai eu à connaître, il est possible de s'interroger sur la pertinence de 8 «accédits».

A.2. Principes à respecter par les parties:

**le principe du contradictoire, L’article 15 du code de procédure civile énonce que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense » C’est souvent cette diffusion mutuelle de pièces que l’expert aura beaucoup de mal à faire respecter, notamment dans les expertises où les parties ne sont pas représentées par un avocat.

** le respect et le sens de la mesure : L'article 24 alinéa premier du code de procédure civile, énonce que «les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice ». Dans la mesure où l'expert est le mandataire du juge, il appartient aux parties de respecter son travail ainsi que sa personne et de faire preuve de mesure à son égard, ce qui n'exclut nullement la possibilité de formuler auprès de lui toutes les observations appropriées. ** le concours aux mesures d'instruction: L’article 11 du code de procédure civile énonce que les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction, sauf au juge à tirer toutes conséquences d'une abstention ou d'un refus,

Après les principes à respecter relativement aux opérations d'expertise, voyons maintenant le déroulement de l'expertise lui-même,

B/ LE DEROULEMENT de L'EXPERTISE: L'expertise judiciaire ne concerne pas que les parties et l'expert. C'est en quelque sorte une « procédure » où chacun joue un rôle :

-- le juge et son greffier, -- l'expert, -- les parties.

Nous allons le voir en ce qui concerne:

-- les formalités préparatoires, -- les opérations d'expertise elles-mêmes.

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B 1 Formalités préparatoires :

** Notification de la décision: Dès le prononcé de la décision nommant l'expert, le secrétaire de la juridiction lui en notifie copie par tout moyen (art. 267 al 1er du C.P.C.)

** Acceptation ou refus L'article 267 alinéa du CPC énonce que « l’expert doit faire connaître, sans délai au juge son acceptation », ce qui veut dire également son éventuel refus, en précisant notamment les motifs de ce refus, Pour un expert inscrit sur une liste, un refus systématique de toutes les missions n'est en effet pas concevable et pourrait constituer une cause de non réinscription,

** Consignation de la provision Sauf s'il y a aide juridictionnelle, le juge qui ordonne une expertise indique dans sa décision, le montant de la provision à consigner, à valoir sur la rémunération de l'expert, le nom de la partie qui en a la charge et le délai pour le faire.

** Notification de la consignation de la provision : Le greffier informe l'expert de la consignation de la provision. A réception, l’expert commence ses opérations, sauf si le juge lui a déjà enjoint de les entreprendre immédiatement (en cas d’urgence et pour des problèmes de sécurité, art. 267 alinéa 2 du C.P.C.) B 2. Les opérations d'expertise : Il appartient au technicien désigné de « maîtriser » les opérations d'expertise. Dans certaines circonstances, le recours au juge n'est pas exclu.

** la convocation des parties L’article 160 du CPC prévoit que les parties (comme les tiers) sont convoquées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR). Les avocats des parties sont avisés par lettre simple, fax ou courriel, Il est possible de prévoir des convocations verbales. La présence des parties n’est en principe pas utile au cours de certaines investigations techniques (analyse chimique, examen de comptes).

** réunions, accédits et transport sur les lieux C'est l'expert qui définit leur nombre et leur pertinence, Il est souvent indiqué à l’expert, dans les décisions le désignant, qu'il a l’obligation de faire part aux parties, après la première ou la deuxième réunion, de son programme d’investigations et, éventuellement, du coût de l’expertise. Dans certains cas, il est indispensable que les parties ne soient pas informée, A défaut, l’expertise serait inutile. Ultérieurement, l’expert devra rendre compte aux parties de ses constatations.

** Le recueil d'informations

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o auprès des parties, o auprès des tiers.

L’article 243 du CPC permet au technicien de demander communication de tous documents aux parties et aux tiers, sauf au juge à les ordonner en cas de difficultés.

o Les informations recueillies auprès des tiers, les « sachants » L'article 242 alinéa premier du code de procédure civile permet au technicien de recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leurs nom, prénom, demeure et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles.

** Le recours au « sapiteur » :

Il s'agit de l'avis d'un autre technicien, que l’on appelle le “sapiteur”. L’article 278 du CPC prévoit la possibilité pour l’expert de recourir à un autre technicien « seulement dans une spécialité distincte de la sienne ». Mais le recours au sapiteur ne doit pas être pour l’expert un moyen de « sous-traiter » sa mission. C'est l'expert qui choisit ce technicien. L'avis du sapiteur sera joint au rapport de l’expert. Préalablement il aura été transmis aux parties pour leur permettre de faire valoir leurs observations.

** Le collaborateur ou l'assistant de l'expert : L’article 278-1 du CPC, dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 2005, prévoit pour l’expert la faculté de “se faire assister dans l’accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité”. Dans ce cas, l’article 282 du CPC, dernier alinéa, énonce que “le rapport mentionne les nom et qualités des personnes qui ont prêté leur concours.”

** la modification de la mission de l'expert :

Il peut y avoir extension de la mission, quant aux parties et quant aux diligences à effectuer. L'article 236 du CPC énonce que le juge qui a commis le technicien ou le juge chargé du contrôle peut accroître ou restreindre la mission confiée au technicien.

Cependant, pour étendre la mission du technicien ou confier une mission complémentaire à un autre technicien, le juge doit préalablement recueillir les observations du technicien commis (art. 245 alinéa 3 du CPC). Enfin, s'il y a accord écrit des parties, le technicien a la possibilité de répondre à d'autres questions que celles posées (art. 238 alinéa 2 du CPC). Il pourrait être utile de solliciter une prolongation de délai et une consignation complémentaire, dont la charge pourra faire débat.

** Les relations avec le juge mandant :

Le technicien est investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification. Il a reçu un mandat judiciaire. Il a l'obligation de rendre compte au juge en l'informant de l'avancement de ses opérations et des diligences accomplies (art. 273).

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Il doit rendre compte au juge des difficultés qui font obstacle à l'accomplissement de sa mission et lui indiquer si une extension de mission s'avère nécessaire (art. 279). Si le coût prévisible des travaux excède le montant de la provision fixée, il appartient au technicien de demander au juge la consignation d'une provision complémentaire, en indiquant le montant prévisible de ses frais et honoraires et en prenant soin d’adresser copie de sa demande aux parties ou à leur avocat. Le juge chargé du contrôle peut assister aux opérations du technicien, provoquer ses explications et lui impartir des délais (art. 241), il a déjà été indiqué précédemment que l'expert a l'obligation de respecter les délais impartis, en vertu de l'article 239. La pratique révèle que les ordonnances de prorogation interviennent très régulièrement dès lors qu'une demande motivée est formulée par l'expert et qu'elle paraît légitime au juge. Le juge peut demander à l'expert de compléter son avis (art. 245). Rappelons que le juge n'est pas lié par l'avis du technicien.

CONCLUSION :

Ce rapide exposé vous a montré ce qu’était le mandat donné par un juge à un technicien pour accomplir des opérations techniques. Vous avez remarqué combien les règles de procédure étaient capitales pour fixer les modalités et le périmètre d’intervention de l’expert judiciaire. Outre l’ensemble des obligations générales pesant sur lui : conscience, impartialité et objectivité, il ne doit pas oublier la nécessité de respecter les délais et de maîtriser, autant qu’il le peut, le temps de l’expertise. Il y a nécessairement une incidence sur le temps judiciaire et donc sur la durée de procédure.

Il ne doit pas échapper au technicien qu’il doit accomplir ses diligences en respectant, ce qui est appelé en droit européen, le délai raisonnable. Quand une expertise judiciaire dure 7 ans.... voire 9 ans..... , comme je l’ai vu dans ma pratique professionnelle, sans que cette durée soit totalement justifiée, il faut s’interroger sur la pertinence du travail expertal. Vaste question me direz-vous. Je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir lors des questions. Quelques pistes bibliographiques pour conclure : La littérature en matière d’expertise est assez abondante. Vous pouvez bien sûr consulter un certain nombre de sites sur Internet dont le site de l’UCECAAP et celui de la Cour de Cassation.

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Parmi les ouvrages récents : Citons d’abord un livre écrit par un expert judiciaire et un avocat : L’expert et l’expertise judiciaire en France théorie pratique formation de Gérard ROUSSEAU et Patrick de FONTBRESSIN éditions BRUYLANT 2008

Le droit de l’expertise 2009 – 2010 sous la direction de Tony MOUSSA collection Dalloz action éditions Dalloz, parution novembre 2008 ce livre de 552 pages traite aussi bien de l’expertise en matière civile, pénale qu’administrative

Dans un format plus réduit citons aux éditions Dalloz Le guide des expertises judiciaires paru en 2008

Enfin, écrit par un magistrat Michel ZAVARO Le guide de l’expertise judiciaire annales des loyers numéro spécial