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La Morale laïque contre l'Ordre moralby Jean Baubérot

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La Morale laïque contre l'Ordre moral by Jean BaubérotReview by: Françoise ChampionArchives de sciences sociales des religions, 42e Année, No. 100 (Oct. - Dec., 1997), pp. 64-66Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30127349 .

Accessed: 15/06/2014 13:43

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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

mations, souvent d6plor~es par les auteurs qui y voient une certaine uniformisation alimen- taire et la perte des 6quilibres traditionnels (nu- tritionnels comme 6conomiques).

Signalons que la plupart des articles sont l'occasion d'une description d~taill~e de gestes, de techniques culinaires, ou de recettes, et s'accompagnent de magnifiques photos. Tout ceci fait de cet ouvrage une veritable an- thologie des cuisines du monde.

Sophie Nizard.

100.4 BAUBEROT (Jean).

La Morale laique contre l'Ordre moral. Pa- ris, Le Seuil, 1997, 364 p.

Comment l'&cole laique a-t-elle pu s'impo- ser ? Avant tout grace au cours d'1 instruction morale et civique1 dont la r6ussite est, en termes d'intervention d'acteurs historiques precis i mettre au compte d'une part, de Jules Ferry (et de ses proches), d'autre part, des ins- tituteurs et institutrices, 1ces femmes et ces hommes ordinaires, peu pay6s, disperses par- tout dans la France profonde, persuades de leur valeur et conscients de leur r61e social, (qui) ont su faire collectivement preuve d'un certain genie>. On r6sistera i l'envie de parler de J. Ferry comme g6nie politique >>, qualificatif qui peut, aujourd'hui, avoir quelques connota- tions du cit6 de la ruse alors que l'entreprise politique de J. Ferry a 6t6 limpide autant que peut l'8tre une entreprise politique. En effet, Ferry a clairement expose ce qu'il comptait faire; globalement, il a effectivement accompli ce qu'il avait annonc6 et, imm6diatement ou i

terme, il a atteint les objectifs qu'il s'6tait fixes >. Cette action politique fut tout i la fois guidde par de fortes convictions, un sens aigu de la r6alit6 et des rapports de force et, partant, du pragmatisme.

J. B. ouvre son dossier en 1880 avec les ex- pulsions des religieux refusant de fermer leurs 6coles de la <<contre-r~volution>>: Ferry est contre la <libert6 de la guerre civile et veut que Force reste a la R~publique. Mais s'il veut limiter la libert6 de l'enseignement ou plut8t la libert6 des 1sophistes de la libert6 i ou- trance 1, s'il combat le cl6ricalisme, il n'est pas contre la religion et veut un total respect de la libert6 de conscience et de la libert6 des 1phres de familles 1. Il ne veut pas que la loi lai'que soit une <<loi de combat >. En meme temps que d'6tablir la lai'citd, il veut la paix civile, preserver l'unit6 nationale. II le mon- trera aussi bien lors des divers conflits qui marquent l'6tablissement de la laicit6 scolaire

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que dans l'6tablissement des programmes, tout particulibrement ceux de la morale. Mais il ne gagnera pas toujours contre les lai'ques intran- sigeants: si une journ~e de la semaine est r6- serv6e au cat6chisme, il l'aurait fort bien vu, lui, se d6rouler dans les locaux scolaires.

Des divers 6l1ments empiriques du dossier <<Jules Ferry>> (J. B. a travaill6 sur les << Archives J. Ferry 1) tels que retraces par J. B. et de ses diffrrentes analyses (outre ce que j'ai ddji soulignd) j'insisterai ici sur: - la conviction centrale de J. Ferry: une laY- cite agnostique refusant toute forme de religion civile, rdvolutionnaire i la Rousseau ou chr&- tienne a-confessionnelle A l'am6ricaine telle celle vers laquelle inclinait Buisson; - I'examen par J. Ferry des situations 6tran- gbres, anglo-saxonnes notamment, pourtant a priori fort loign~es de la situation frangaise; - le refus, dans le cours de morale, de toute incursion sur les bases de la morale ; - d'oi la c6lbre recommandation i l'institu- teur de seulement chercher i 1 faire entrer dans la pratique des 6coles primaires (...) la bonne vieille morale de nos pbres, la n6tre, la v6tre, car nous n'en avons qu'une 1. J. Ferry exprime li i la fois sa volont6 de pacifier les esprits mais aussi sa conviction profonde de l'unicit6 de la morale et de son ind~pendance i l'6gard des religions : Ce ne sont pas les dogmes qui ont soutenu la morale, mais tout au contraire, la morale qui a fait que les dogmes se sont maintenus affirme-t-il ainsi en 1875 (J. Ferry ne parle pas de 1 morale lai'que 1 mais de 1 mo- rale ~ tout court); - I'esprit de compromis marque aussi de son sceau la morale enseignde i l'6cole la'que. No- tamment sur cette question des dogmes, ligne de partage fondamentale entre l'Eglise catho- lique et les rdpublicains, puisque J. Ferry veut 1i aussi que les instituteurs s'abstiennent de toute critique; - la creation de la morale lafque s'inscrit en porte-A-faux du systime des cultes reconnus car c<faire de l'instituteur, devenu religieuse- ment autonome, un maitre de morale revenait i op6rer un basculement, i mettre en place une nouvelle logique oi la religion n'6tait plus source de la morale commune, devenait peu ou prou i terme, une affaire priv6e . La consti- tution d'une morale ind~pendante porte en elle une culture qui ne donne plus sens au Concor- dat, au systime des cultes reconnus, et, avant meme la separation de l'Eglise et de l'Etat, in- troduit dBji au second seuil de lai'cisation 1.

J. B. analyse la dynamique socio-historique dans laquelle vient s'inscrire la politique de J. F. : la radicalisation culturelle du conflit des deux France - ici la figure de P. Larousse qui

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n'dtait nullement au ddpart un anticlrical mais bien plut8t un moyenneur>> exemplaire - et les diffdrentes forces qui s'affrontent dans cette guerre des deux France. Quoiqu'il en fit de la violence des affrontements, on n'a pas eu affaire de la part du camp catholique i une opposition globale et frontale comme en Bel- gique: la <(querelle des manuels>> fut en fait un conflit pacificateur, en ce sens que la mise k l'index de 4 manuels sur 65, signifiait, de fait, acceptation de tous les autres.

Quel est done le contenu de la morale laique qui se veut << culturellement hdgdmonique mais non dominatrice >> ? C'est P travers l'analyse du contenu de 210 cahiers d'dcoliers que J. B., non seulement rdpond prdcisdment B cette question, mais nous montre concretement l'oeuvre le travail d'inculcation opdr6 par les instituteurs :dans la plupart des cas, les de- voirs qu'ils donnent P leurs 6l1ves ne compor- tent pas seulement un sujet de rdflexion morale mais aussi le plan que ceux-ci doivent suivre, c'est-h-dire, en fait, I'argumentaire des normes de conduites moralement bonnes. Contre le prejuge qui s'est constitud, depuis maintenant plusieurs decennies, de la morale la'que comme banale si ce n'est nai've, comme simple sdcularisation de la morale chrdtienne, J.B. nous convainc de la snouveaut 1n, de la 1force 1, de la 1contestation des mentalitds1 qu'elle reprdsentait (en n'oubliant aucunement tous ses manquements: le colonialisme, les femmes citoyennes de seconde zone, la divi- sion sociale entdrinde par l'dcole lai'que...). La force de la morale la'que tient P ce qu'il ne s'agit pas d'une morale abstraite de principes et de r~gles gdndrales mais d'une morale au quotidien, appelant non seulement les 6l1ves P faire leur examen moral mais aussi P porter un regard critique sur leur entourage; c'est dga- lement une dducation aux sentiments. La nou- veautd de la morale tient P ses contenus: la rdfdrence aux droits de l'homme P commencer par le droit P la libertd de conscience, la di- gnitd en soi de l'homme, la valeur du monde des hommes, la loi comme oeuvre d'une ddmo- cratie dlaborde, le travail comme seule source de la richesse...; et aussi des <choses>> plus triviales telle celle du droit P choisir son md- tier, de rompre avec les pesanteurs de la cou- tume. Nouveautd de cette morale aussi parce que ces 1 devoirs >>, dont la pr~gnance semblait faire de la morale laique un double de la mo- rale chrdtienne, dtaient fondds tout autrement que dans celle-ci. En effet les devoirs dtaient tout d'abord fondds dans les droits de l'autre - le message est sans cesse rdpdtd -; ils dtaient aussi fondds sur la croyance au possible et nd- cessaire perfectionnement de l'homme par le

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

ddveloppement de sa conscience morale (dd- sormais sans autre appui qu'elle-m~me), de sa dignitd morale - il s'agit 1 de la notion cld de la morale lafque. Oi l'on voit que la ques- tion des 1bases de la morale >> tait en fait cen- tralement abordde... mais P travers ce qui pouvait sembler consensuel: le respect d'au- trui. De m~me qu'avec les devoirs envers Dieu, 1elle cherche un Dieu consensuel, commun aux diffdrentes religions (...) un Dieu sans vi- sage qui ne se rdvile pas... >>. Cette morale n'en prdtend pas moins vouloir former les jeunes P 1<la socidtd lai'que et ddmocratique >>.

Ce dossier historique est passionnant et sa reprise thdorique dans un chapitre spdcifique permet de bien saisir jusqu'aux enjeux actuels de la la1icitd frangaise. L'analyse de la laicitd (rdalitd double, a la fois politico-juridique inscrite dans la loi et politico-iddologique) comme fondamentale tension entre libertd de conscience et libertd de pensde est tout P fait convaincante. La discussion des analyses de Claude Nicolet, inventeur >> du concept >> de <libertd de pense >> donne quelques points de vue intdressants sur la Rdpublique frangaise dans sa diffdrence par rapport P la <ddmocra- tie >> et par rapport P la Rdpublique amdricaine. Se pose alors la question de la <<religion ci- vile>>. Li encore la rdflexion de J. B. sur les deux formes de religion civile et ses analyses sur les tentatives de religion civile h la fran- gaise (P travers le systhme des cultes reconnus) condamnds P l'dchec du fait de l'absence d'un large consensus, sont dclairantes. J. B. articule ces nouvelles analyses i ses prdcddentes sur les seuils de laicisation et sur le pacte la'que pour nous donner une analyse d'ensemble de l'dtablissement de la laicitd depuis Napoldon et Portalis jusqu't la veille de la Premibre Guerre mondiale.

Dans ses chapitres introductif et conclusif J. B. se risque i allier << les propos de l'histo- rien et ceux du citoyen>> et nous livre selon ses propres termes un <essai>> sur la question qui donne son titre au livre, la question de la morale. Oi J. B. en arrive i conclure i l'exi- gence, aujourd'hui comme hier, d'une socidtd en < bonne santd morale >> pour dviter un Ordre moral. On remarquera que pour ce qui concerne la socidtd actuelle, J. B. ne nous parle pas de l'dcole et de ses programmes d'dduca- tion civique et morale, mais de l'dtat moral de notre soci6t6 en g~n6ral, ce qui le mine im- mddiatement i la question de l'individualisme contemporain en notre pdriode de <modernitd tardive>>. Cette qualification de notre moder- nitd pr~sente, retenue en rdfdrence aux ana- lyses de 1'<< antiquitd tardive >> de Peter Brown, est fort intdressante. Mais c'est dire alors l'am-

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pleur de ce qui nous sdpare de la p6riode 6tu- di6e par J.B. (1880-1914). C'est dire aussi qu'on ne peut gudre isoler, comme tend i le faire J. B., une << question morale >> proprement dite et, en la matibre qui le prdoccupe- la constitution d'une nouvelle morale laYque-, (trop) miser sur une d6marche volontariste. J.B. nous donne d'ailleurs quelques pistes pour resituer l'action volontaire de J. Ferry et des r6publicains dans le travail de transforma- tion en profondeur des <<mentalit6s >> qui s'est op6r6 au cours du sidcle.

Quoiqu'il en soit, voici un ouvrage qui r6us- sit a nous rendre parfaitement compr6hensible et proche le moment fondateur de notre R6pu- blique, en mame temps qu'il nous aide i penser notre pr6sent si diffdrent de ce moment fonda- teur.

Frangoise Champion.

100.5 BEDESCHI (Lorenzo).

II modernismo italiano. Voci e volti. Cinisello Balsamo, Edizioni San Paolo, 1995, 260 p. (index).

L.B., longtemps professeur a l'Universit6 d'Urbino oi il a fond6 le Centre pour l'histoire du modernisme, publie ici une remarquable synthdse sur le modernisme en Italie, fruit de ses recherches infatigables, de sa connaissance sans failles de la bibliographie et des sources, qu'il s'est efforc6 de rassembler i Urbino, ain- si que de sa magnifique maitrise d'une ques- tion qui reste fort complexe.

L'ouvrage s'organise en deux versants comme annonc6 dans le titre. Le premier, le plus long (pp. 19-150), se veut descriptif et th6matique: on y trouve le r6cit des 6v6ne- ments en Italie o1i la crise moderniste a pris une connotation particulidre, car le positionne- ment des catholiques dans la soci6t6 et dans l'Eglise 6tait fortement marqu6 par l'unifica- tion nationale r6alis6e contre l'Eglise. L'auteur montre toute la richesse mais aussi le caractdre bouillonnant et ddsordonn6 des intuitions, des propositions, des initiatives, des organisations, dans un pays oi le modernisme ne touchait pas que l'ex6gdse et la thdologie, mais investissait le champ politique et social pour offrir aux ca- tholiques une alternative h l'intransigeance face a la culture libdrale et a la culture mar- xiste. L. B. montre 6galement I'ampleur de la r6pression au sein d'une Eglise dominde par une Curie romaine presque exclusivement ita- lienne. L'6piscopat fut fortement atteint par une 6puration impressionnante. Du reste l'A. ne cache pas vouloir rendre hommage a travers

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son livre aux victimes des d6nonciations et des calomnies comme l'avait fait le cardinal Mi- chele Pellegrino, archev~que de Turin, lors du concile Vatican II.

La deuxidme partie (pp. 151-249) propose les portraits de cinq protagonistes de la crise moderniste en Italie (dans la partie pr6c6dente une large place est faite a Antonio Fogazzaro et a son roman II Santo). Sont ainsi pr6sent6es des personnalit6s particulidrement repr6senta- tives des enjeux et des difficult6s v6cues, mais pour certaines peu connues, ayant fait l'objet de peu d'6tudes; c'est dire l'int6r~t des don- n6es ici rassembl6es : le pdre Giovanni Semeria, le mieux connu du groupe retenu par L. B., barnabite, originaire de la r6gion de Gdnes (1867-1931) est l'une des figures les plus im- portantes du modernisme italien; Giuseppe Olinto Marella (1882-1966), prdtre de Bo- logne, li6 a Romolo Murri, fut interdit de messe pendant seize ans; Adolfo Lepri (1881- 1948), magistrat et homme de culture, 6tait trds li6 a Houtin dont les archives d6pos6es a la Bibliothdque Nationale conservent <<quatre- vingt dix-huit lettres trds longues et extrdme- ment 6loquentes;>> Mario Augusto Martini (1885-1962), un Florentin, fut lui aussi un proche de Murri; Guido Manzelli (1888-1960), un jeune romagnole qui cr6a un groupe d6mo- crate chr6tien et ouvrit une nouvelle p6riode.

A travers ces hommes, on pergoit mieux ce qui caract6rise le modernisme italien, trds li6 en fait a l'expdrience politique, en revanche peu spdculatif et qui n'a pas produit d'oeuvres trds originales par rapport a Loisy, Tyrrell ou Blondel.

Le livre de L. B. est done d'un grand int6rdt car il apporte une pierre notable a la connais- sance de la gdographie europ6enne du moder- nisme. On n'en regrette que plus les nombreuses fautes qui 6gratignent les noms propres, particulidrement dans les notes infra- paginales qui rendent celles-ci difficiles a uti- liser par un non-sp6cialiste.

Jean-Dominique Durand.

100.6 BEFFA (Marie-Lise), EVEN (Marie-Dominique), 6ds.

Variations chamaniques, 2 vol. formant Etudes mongoles et sib~riennes. Nanterre, Universit6 de Paris X, cahier 25/1994 (1996), 185 p., et cahier 26/1995 (1996), 207 p. (pr6- face de Roberte Hamayon).

Au premier tome, des mat6riaux originaux, r6unis aprds la chute du communisme dans des r6gions anciennement chamaniques, Sib6rie et

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