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Mélanges de la Casa de Velázquez La mosaïque cosmologique de Mérida: étude technique et stylistique. (I) Mlle Janine Lancha Citer ce document / Cite this document : Lancha Janine. La mosaïque cosmologique de Mérida: étude technique et stylistique. (I). In: Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 19, 1983. pp. 17-68. doi : 10.3406/casa.1983.2386 http://www.persee.fr/doc/casa_0076-230x_1983_num_19_1_2386 Document généré le 15/10/2015

La Mosaïque Cosmologique de Mérida

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Estudio sobre el mosaico romano del MANR de Mérida

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Mélanges de la Casa deVelázquez

La mosaïque cosmologique de Mérida: étude technique etstylistique. (I)Mlle Janine Lancha

Citer ce document / Cite this document :

Lancha Janine. La mosaïque cosmologique de Mérida: étude technique et stylistique. (I). In: Mélanges de la Casa de

Velázquez, tome 19, 1983. pp. 17-68.

doi : 10.3406/casa.1983.2386

http://www.persee.fr/doc/casa_0076-230x_1983_num_19_1_2386

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LA MOSAÏQUE COSMOLOGIQUE DE MERIDA: ETUDE TECHNIQUE ET STYLISTIQUE. (I)

Par Janine LANCHA Membre de la Section Scientifique

avec diverses contributions (v. Appendices)

Entre le 25 octobre et le 8 novembre 1966, E. Garcia Sandoval mit au jour cette mosaïque, dans la maison romaine dite du mithraeum à 100 m au sud de

Abréviations d'ouvrages et d'articles fréquemment cités :

Lorenzo Abad Casai, Pintura romana en Mérida, Augusta Emerila, Madrid, 1976, p. 163-184, = Abad, Emerita. Antonio Blanco Frejeiro, El mosaico de Mérida con la alegoria de Saeculum Aureum, Estudios sobre el mundo helenislico. Anales de la Universidad Hispalense, série Filosofia y Letras n° 8, Seville, 1971, p. 15 1-178 = Blanco. /£>., Los mosaicos romanos de Mérida, Augusta Emerita, Madrid, 1976, p. 183-198 = Blanco, Emerita. ID.. Mosaicos romanos de Mérida, Madrid, 1978 = Blanco, Mosaicos. Eugenio Garcia Sandoval, El mosaico cosmogônico de Mérida, Xl° Congreso nacional de arqueologia, Mérida, 1968, Câceres, 1969, p.743-768 Garcia Sandoval I. ID., El mosaico cosmogônico de Mérida, BSA A, XXXIV, XXXV, 1969, p.9- 29 = Garcia Sandoval II. Gilbert Charles Picard, Observations sur la mosaïque de Mérida, CMGR II, Paris, 1975, p.l 19-124 = Picard, Mosaïque cosmologique. E. Alfôldi-Rosenbaum, Technische und stilistische Beobachtungen zum kosmologischen Mosaik von Mérida und seiner Umrahmung, dans A. Alfoldi et alii, Aion in Mérida und Aphrodisias, Mayence, 1979, p. 26-34 = Alfôldi, Aion. Marie-Henriette Quet, La mosaïque cosmologique de Mérida. Extrait de Conimbriga, XVIII, 1979 et XIX, 1980, Paris, 1981 = M. H. Quet.

Les abréviations des titres de revues sont celles de l'Année Philologique, et de la Revue des Etudes anciennes pour certaines revues espagnoles; par ailleurs, CMGR I ou II = Colloque international pour l'étude de la mosaïque antique, La mosaïque gréco-romaine. I, 1965, II, 1975, Paris.

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la Plaza de Toros1. Depuis cette date, les exégèses se sont succédé2 ; la dernière en date, due à M. H. Quet, s'est imposée par l'intelligence et l'érudition de sa démonstration. Ses "propositions de lecture" fournissent un dossier qui emporte, à nos yeux, la conviction: la mosaïque nous offre l'image de Yoikouménè, sous le pouvoir bénéfique de Rome, et elle transmet un message à la fois idéologique et culturel d'une rare cohérence. L'harmonie de l'univers s'y trouve représentée dans un tableau savant et concret à la fois, où la forme et la couleur séduisent d'emblée le spectateur.

Le livre de M. H. Quet est né, dit-elle,3 "d'une exclamation spontanée de reconnaissance devant le pavement : Dion, Aelius Aristide...". L'étude qui suit est née, quant à elle, d'une question : comment une œuvre de cette qualité a-t- elle été réalisée? Cette question est restée, à ce jour, sans réponse satisfaisante, nous semble-t-il, c'est pourquoi nous proposons ici un essai de réponse.

M. H. Quet note en effet (p. 16, 47) qu'elle ne fera pas d'analyse iconographique formelle; qu'il faudrait pouvoir faire l'étude de la palette du mosaïste et de son art d'utiliser les couleurs aux divers registres (p. 1 79, n.735) ; elle demande (p. 187, n.758) l'origine et la date du vêtement de l'enfant qui accompagne Aestas et signale très brièvement, à la suite d'A. Blanco4, les quelques restaurations modernes qu'elle a observées dans la mosaïque: tesselles dorées, tête et torse de Nilus, corps de Copiae, une partie du fond marin, les verts de Natura, quelques tesselles sur le front et dans la couronne de Mons, la tunique de l'enfant qu'Aestas tient par le bras.

Que le lecteur se rassure: pas plus que M. H. Quet, nous ne tenterons "la quête impossible des modèles" (p. 209) mais, en caractérisant la technique et le style des figures, nous espérons entrevoir la main du ou des mosaïste(s).

Historique de la dépose et de la restauration.

La mosaïque se trouve encore actuellement5 dans la pièce qu'elle ornait dans l'Antiquité, mais elle n'est pas véritablement in situ : déposée pendant

1 . Les fouilles de Mérida dépendaient alors de l'U niversité de Madrid, et étaient placées sous la direction du Professeur M. Almagro.

2. La bibliographie concernant la mosaïque a été récemment rassemblée et discutée par M. H. Quet (M. H. Quet, p. 1-19).

3. M. H. Quet, p. 13 note 4. 4. Cf. Blanco, Emerita, p. 193; ID., Mosaicos, n° 17 p.35 sq. 5. Nous devons à l'amabilité de M. J.M. Saenz de Buruaga, Directeur du Musée de Mérida,

un renseignement concernant l'avenir proche de la mosaïque. Il y aurait un projet de la déposer de nouveau et de l'exposer verticalement comme un tableau sur un mur du nouveau musée archéologique de Mérida, selon une suggestion d'A. Blanco. Une copie serait alors placée dans la pièce qu'orne la mosaïque, dans la maison du mithraeum.

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l'hiver 1968, elle fut entreposée dans la pièce voisine, aux peintures de troisième style, et restaurée peu à peu, au fur et à mesure de son installation dans la pièce où elle avait été trouvée, mais sur un nouveau lit de pose. Toutes les restaurations furent effectuées à cette occasion, en trois mois, dans l'hiver 1968. Du lit de pose d'origine rien n'a été conservé. La mosaïque est actuellement replacée sur un lit de 10 cm de chaux mêlée à une faible quantité de ciment, selon une suggestion du regretté A. Garcia y Bellido, comme a bien voulu nous le préciser oralement E. Garcia Sandoval. Avant de mettre la mosaïque en place, on a creusé jusqu'à 0,60 m de profondeur pour installer une chape de ciment ; entre la chape et le lit de pose moderne de la mosaïque, un coussin d'air a été ménagé pour isoler les tesselles de l'humidité. La grande lacune à droite a été comblée par du ciment, pour consolider l'ensemble du pavement.

L'inventeur et les restaurateurs6 durent alors tamiser la terre pour y récupérer les tesselles qui n'adhéraient plus au nucleus, et creuser le sol pour installer la chape de ciment. Ils affirment n'avoir rien trouvé d'autre, comme matériel archéologique, que les quelques fragments de céramique et de lampes7 mentionnés dans Garcia-Sandoval, I p. 767. Il dit n'avoir remarqué aucun vestige de sol antérieur au pavement. D'après A. Diaz-Pintiado, il y aurait eu au centre de la pièce un effondrement important, qui avait été comblé pour poser la mosaïque, dans l'Antiquité8. Il se souvient encore très bien avoir vu en place des vestiges d'une peinture murale, à 14 cm au-dessous du niveau de la mosaïque cosmologique. Cette peinture est antérieure à celle qui couvre encore aujourd'hui les quatre murs de la pièce et dont la couleur, beige à décor rectiligne rouge, diffère considérablement de la peinture antérieure, signalée par A. Diaz-Pintiado. D'ailleurs, trois fragments de la peinture antérieure9 sont encore visibles aujourd'hui, dans l'angle sud-ouest et le long du mur ouest, mais ils ne sont plus au même niveau par rapport à la

Le mosaïste F. Cruzado Moro et son élève, A. Diaz-Pintiado. F. Cruzado reçut 500 pesetas par jour pour ce travail. En dépit de la bonne volonté du personnel du Musée archéologique de Mérida, ces tessons sont restés introuvables. Un autre élément de l'histoire de cette partie de la maison est fourni par la présence de tuiles de construction antiques, sur la mosaïque, dans la partie centrale, visibles sur une diapositive prise à la découverte. Ces tuiles témoignent d'une occupation tardive de la pièce par des squatters; elles étaient elles-mêmes recouvertes par des tuiles du type tegula, provenant de l'effondrement du toit. Ces fragments ne sont pas mentionnés dans Abad, Emerita. Ils mesurent 0,72 x 0,17m; 0,07 x 0,17m; 0,20 x 0,03m. L. Abad émet simplement l'hypothèse que la mosaïque cosmologique aurait succédé à un pavement antérieur ; d'autre part, le fouilleur affirme n'avoir pas trouvé de trace d'un pavement antérieur.

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mosaïque qu'ils pouvaient l'être avant la dépose et le remaniement occasionnés par la restauration du pavement. Il s'agit d'éléments d'une plinthe de couleur uniforme, bleu sombre, avec une bande crème (fig. 1).

La superposition de deux peintures murales dans cette pièce nous donne quelques éléments de chronologie relative très précieux, faute d'éléments de datation absolue. Il semble qu'il y ait eu quatre moments dans la décoration et l'utilisation de cette pièce : du premier nous ne connaissons que les fragments de la première peinture murale, auquel peut avoir correspondu tout simplement un sol de terre battue ; mais l'espace entre la base de la plinthe de la peinture antérieure et le niveau de la mosaïque est si réduit — 0, 14 m d'après les souvenirs d'A. Diaz-Pintiado — que l'on est amené à faire deux hypothèses10 :

— la mosaïque correspond à la peinture antérieure, mais il faudrait, pour en être sûr, pouvoir vérifier que la peinture comportait une plinthe haute pour compenser la diminution de hauteur entraînée par la mosaïque. Or, ce type de vérification est impossible, dans l'état actuel des choses.

— on constate, de manière générale, que la peinture n'était exécutée avant la mosaïque — selon la recommandation de Vitruve — que dans la moitié des cas connus à ce jour. La mosaïque cosmologique peut donc aussi bien n'avoir pas été posée en même temps que la première peinture qui a décoré la pièce, mais on n'a aucun élément pour affirmer qu'elle est contemporaine de la deuxième peinture. En l'absence d'une coupe précisant les niveaux des deux peintures successives par rapport à la mosaïque, il faut se résoudre à ignorer la chronologie exacte de la mosaïque par rapport aux peintures; toutefois, on peut remarquer que l'espace de 0, 14 m entre la base de la première peinture et la surface de la mosaïque cosmologique correspond à peu près à l'épaisseur de son lit de pose. Il y a donc quelque probabilité que la mosaïque n'ait pas été posée beaucoup plus tard que la première peinture et que, même si une cinquantaine d'années les sépare, la peinture ait continué d'être utilisée après la pose de la mosaïque.

Ces divers états de la pièce ne sont d'ailleurs pas surprenants dans une maison qui, de la même façon que la maison de l'amphithéâtre, a connu une longue histoire, depuis sa première implantation au premier siècle, attestée par la peinture murale de troisième style de la "pièce aux peintures" (publiée dans Abad, Emerita, p. 166, où l'A. signale par ailleurs des cas de peintures superposées dans d'autres pièces de la maison du mithraeum, trois niveaux

10. Nous devons à l'amitié d'H. Eristovet C. Allag, de nous avoir éclairée sur ce point délicat. Qu'elles en soient chaleureusement remerciées.

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Fig. 1 — Vue de la peinture antérieure, dans l'angle sud-ouest de la pièce (cliché de l'A.).

dans la pièce 8, deux niveaux dans la pièce 9) jusqu'à son abandon définitif à date tardive11.

La pièce qu'orne la mosaïque est orientée est-ouest, et s'ouvre sur le côté ouest du péristyle, dans l'aile nord de cette vaste maison encore incomplètement fouillée. Elle conserve en partie ses murs antiques12 qui

11. Il ne semble pas inutile de préciser que le nom donné à la maison par l'inventeur, maison du mithraeum, ne signifie absolument pas que la maison ait comporté un mithraeum ou ait été trouvée près d'un mithraeum. Cette dénomination veut simplement rappeler la découverte, en 1902, de statues "mithriaques" actuellement exposées au musée de la ville. Ces statues, et l'inscription de M. Valerius Secundus (Vives, n° 278) donnant la date de 1 55 ap. J.C., ont fait supposer l'existence d'un mithraeum dans leur proximité immédiate. Ce lieu de culte n'a pas été trouvé lors de la construction de la Plaza de Toros. M. Bendala Galân, Professeur à l'Université Autonome de Madrid, projette de reprendre bientôt les fouilles dans ce secteur. Par ailleurs, le plan publié dans Garcia Sandoval II, sans n°, entre la p. 16 et la p. 17, est plus complet. Dans Alfoldi, Aion. le même plan, mis au net, ne comporte ni les thermes de la maison, ni la voie romaine à l'est. L'entrée n'est pas encore découverte.

12. D'autres types de construction à Mérida, par exemple la maçonnerie et Yopus vittatum dans la maison de l'Alcazaba. Sur ce point, voir l'article d'A. Balil, "Sobre laarquitectura doméstica en Emerita", Augusta Emerita, p. 75-96. Il signale à juste titre notre ignorance de l'architecture privée à Mérida jusqu'à la fin du second s., et la réutilisation des maisons au Bas-Empire, plutôt que la construction ex novo.

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associent pisé et lit de briques, avec des blocs de granit dans les angles, sur une hauteur de 1,89 m.

Le mur sud est percé d'une large baie. Les murs antiques ont été exhaussés en moellons de parpaing, et un toit moderne incliné, en duralite, recouvre la pièce, à 2,20 m de hauteur.

On voit donc que la restauration de la mosaïque présente l'avantage d'être réversible; les conditions de conservation, en revanche, ne facilitent pas l'étude du pavement {Cf. infra, p. 24-30),

Deux dernières précisions sur l'histoire du pavement depuis 1966: la mosaïque n'a pas été grattée en surface lors de la restauration ; on voit encore des traces de résidus organiques noircis qui se sont concentrés dans les interstices entre les tesselles, dessinant comme des lignes de contour14 (fig. 2). Les tesselles autres que les tesselles de verre ont reçu une couche de vernis polyester qui leur donne un aspect lisse assez trompeur.

Il n'existe pas de dossier photographique complet et systématique préalable à la restauration en 1 968 15. Un dessin d'ensemble, qui a longtemps tenu lieu de vue d'ensemble orthogonale (impossible à réaliser avec les moyens photographiques courants) fut exécuté après la restauration16 par P. Palol alors directeur du département d'archéologie de l'Université de Valladolid. Ce dessin a été successivement utilisé par E. Garcia Sandoval, G. Ch. Picard17, A. Blanco18 et M. H. Quet19.

Ainsi, pendant longtemps, la mosaïque originelle n'a pas été vraiment

13. Epaisseur du pisé : 0,23m, hauteur du lit de briques : 1,24m, longueur des briques : 0,29 à 0,3 1 m sur 0,60m de large. Ce type de construction revient dans l'ensemble des pièces de la maison.

14. Dans le fond, au-dessus des ailes d'Aeternitas, sous le bras droit de Polum et dans le vêtement de Caelum; dans le fond, au-dessus du socle soutenu par Polum, à droite de Caelum; dans le voile de Natura, à gauche de l'inscription nommant la déesse.

15. E. Garcia Sandoval prit lui-même, en 1966, quelques diapositives en couleurs, composées de vues d'ensemble fortement déformées et de quelques vues de détail. En 1967, lorsque la mosaïque fut consolidée, in situ, avec du ciment pour combler la grande lacune de la partie droite, il prit une seconde série de diapositives dans de mauvaises conditions de lumière, et avec déformation. Enfin, en 1968, après restauration des fonds et des personnages, il prit une troisième série de diapositives de la mosaïque telle qu'on peut la voir aujourd'hui. Toutefois, dans son étude de la mosaïque (Garcia Sandoval I et II) il publie des photographies de détail intéressantes, en noir et blanc malheureusement, et souvent déformées (Garcia Sandoval I, pi. II à VIII, ID. II pi. I, II, IV, V, Via).

1 6. Ce dessin a été publié pour la première fois par Garcia Sandoval, dans Garcia Sandoval II, en dépliant entre la p. 16 et la p. 17.

17. Dans Picard, "Mosaïque cosmologique", pi. XLIII, 1. 18. Dans Blanco, Emerita, fig. 1, p. 194, ID., Mosaicos, fig. 1. 19. Dans M. H. Quet, pi. I.

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Fig. 2 — Détail des traces de résidus organiques autour des tesselles, dans le voile de Natura (cliché de l'A.)

FIGURE A) B)

Fig. 4 a-b.— Principe optique de la prise de vue photogrammétrique.

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connue des chercheurs. En ce qui concerne les photographies, on ne disposait jusqu'en 1978 que des vues publiées par l'inventeur {cf. note 15) d'une vue d'ensemble très déformée20 et de vues partielles en couleurs21. En 1978, A. Blanco améliora cette situation, ayant bénéficié de la campagne photographique de l'Institut archéologique allemand de Madrid22. Enfin, dans E. Alfôldi, Aion, on trouve un dessin linéaire de l'ensemble du pavement à l'échelle 1/ 10e, des vues d'ensemble déformées (pi. 15, 17, 20) et de bonnes vues de détails (pi. 2 à 14, 16, 18, 19), ainsi que trois vues en couleurs, l'une sombre (pi. 1) l'autre déformée (pi. 2) et la troisième une vue partielle également déformée (pi. 3). Par ailleurs, E. Alfôldi a le grand mérite d'attirer pour la première fois l'attention visuelle sur l'étendue des restaurations (fig. 4 ibid.) et de proposer une restitution pour Eurus, Pontus, Portus et pour le dieu fleuve non-identifié dans le registre maritime, à droite (fig. 1 et 2 ibid.). Toutefois, le dessin d'ensemble qu'elle publie n'est pas exhaustif en ce qui concerne les lacunes et les restaurations, elle ne signale pas du tout sur ce dessin l'importance des zones ayant souffert du feu, et la restitution proposée fig. 2 n'est pas absolument convaincante.

C'est pourquoi il nous a semblé que le travail préliminaire à toute étude stylistique devait comporter un renouvellement de la documentation graphique et photographique. Une mission effectuée par les ingénieurs topographes du Service de photogrammétrie de l'Institut géographique espagnol et nous-même a permis la réalisation de la photographie orthogonale, après rectification selon les points d'appui, que nous publions (fig. 3, dépliant hors-texte). L'échelle de la photographie est 1/ 10e. Nous regrettons de ne pouvoir publier cette photographie en couleurs. La technique adoptée est décrite par F. Garcia Lâzaro, l'un des ingénieurs topographes ayant réalisé la prise de vue, dans l'Appendice A, p.55-58.

En ce qui concerne le dessin que nous publions h.t. (dépliant A), dû à A. Almazân, il se caractérise par la précision du relevé à l'échelle l/5e, d'après photographie rectifiée et diapositive couleur 13x18 de la mosaïque. Ce dessin a été volontairement limité au tableau figuré tel que l'on peut le voir aujourd'hui, la technique employée est celle du pointillé qui rend avec fidélité les lignes de tesselles, mais surtout les volumes et, dans une certaine mesure, les couleurs : les parties où la densité des points est faible correspondant aux zones claires et les zones blanches correspondant aux tesselles dorées. Venant

20. Dans Blanco, Emerita. pi. LXXIX. 21. Dans M. H. Quel, pi. II à VII et dans Blanco, Mosakos. pi. 99 et 100. 22. Dans Blanco, Mosakos, pi. 29, 30 à 39.

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Fig. 5 — Dispositif de prise de vue, en place (cliché de l'A.).

s'ajouter à ce dessin, une surcharge différenciée permet d'apprécier les lacunes qui existaient à la découverte, l'étendue des traces d'incendie ou d'altérations par le feu, et les restaurations modernes (dépliant B).

Ce dessin étant suffisamment démonstratif, nous voudrions non pas énumérer les restaurations, mais les distinguer en trois groupes :

1er groupe : restaurations modernes correspondant à des lacunes nettes dans la mosaïque à la découverte; on peut alors parler de créations ex nihilo: — la main gauche de Pharus

la main droite d'Aestas — la tunique de l'enfant qu'Aestas tient par la main — la partie supérieure droite du buste d'Aeternitas. Sur ce dernier point,

nous voudrions rectifier une affirmation erronée d'E. Alfôldi, dans Aion, p. 31 : la tête d'Aeîernitas n'a pas été séparée du torse du personnage. Les vues prises à la découverte montrent l'exactitude de la position de la tête par rapport au buste dans la mosaïque actuelle. En revanche, le restaurateur est moins sûr de la position de la tête de Pontus (?) par rapport au reste du corps conservé, la distance exacte par rapport à la jambe du personnage n'ayant pas été mesurée avant la dépose.

— les 2/3 inférieurs de l'attribut de Coneordia (une corne d'abondance?) — la moitié inférieure de la paume de la main gauche de Caelum

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0 10 20 30 40 50 100 cm.

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Dépliant A: dessin de la mosaïque (A. Almazân del.). 100 cm.

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Illustration non autorisée à la diffusion lig. 3: Vue orthogonale de la mosaïque après rectification (cliché I.G.Pv Madrid). 0 W 20 30 40 50 100 cm.

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ig. 6 — Emplacement des points d'appui pour la rectification.

— des vides limités dans les cheveux d'Occasus et dans le dos du même personnage — la pince de homard à droite sur la tête à'Oceanus, et une lacune dans le torse du

même personnage — une lacune dans un anneau du Ketos, monstre marin, attribut d'Oceanus — 3 lacunes dans le manteau de Portus — quelques vides circonscrits dans la couronne de Morts — 2 lacunes dans les plis du manteau de Natura, de Nilus, à? Euphrates — des lacunes dans le fond marin, à droite de l'étendard de Navigia — la majeure partie du filet rouge sombre de la bordure du tableau sur 2 côtés — les 2/3 supérieurs du torse de la figure à l'ancre.

La majorité de ces restaurations sont exécutées avec des tesselles antiques qui furent ramassées au moment de la dépose, ou provenant d'autres mosaïques de Mérida. Seule la' dernière citée de ces restaurations est nettement perceptible pour le spectateur: la dimension et la couleur des tesselles manifestent clairement une restauration moderne.

2e groupe: les restaurations de zones antiques existant au moment de la découverte mais si endommagées qu'elles ne purent être conservées. Il s'agit de

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tesselles qui s'effritaient et qu'il ne fut pas possible de déposer, vu leur très faible épaisseur. — les tesselles de verre des plis du manteau de Natura, la presque totalité du

bord du voile de Natura et quelques zones plus limitées dans les autres plis du voile

— toutes les tesselles de verre dorées23 — les tesselles de verre bleu turquoise dans les filets d'eau qui s'échappent de

l'urne <£ Euphrates — le torse et le visage de Nilus (avec tesselles d'origine) — 2 zones de la partie gauche du fond marin — les 3/4 du manteau de Nilus et de Portus — les 9/10 du manteau de Pontus — la partie inférieure de l'étendard de Navigia — le torse et les jambes de Pharus, recomposés avec les tesselles d'origine.

3e groupe: l'avant-bras gauche de Tranquillitas, dont rien ne justifiait la restauration, à première vue.

4e groupe : les lacunes antiques qui ont été comblées par du ciment, en divers points du pavement.

5e groupe : les restaurations antiques. Elles n'ont pas été signalées jusqu'ici, mais nous en apercevons au moins

trois :

— dans la partie antique du torse de la figure à l'ancre, la partie inférieure est exécutée en tesselles très fines, de 2 à 3 mm de côté, disposées en lignes parallèles à la courbe du monticule de Pharus, puis la direction des lignes de tesselles change et leur dimension est de 5 à 6 mm de côté. On a là deux moments distincts dans l'exécution du personnage : la partie en tesselles de 5 à 6 mm est une restauration antique assez bien faite. D'autre part, le monticule présente sur sa partie gauche une zone rose saumon assez insolite: ce

23. . Elles ont été fournies, comme toutes les autres tesselles de verre de la mosaïque restaurée, par la maison Padrô, à Barcelone. A ce sujet, il faut rejeter l'hypothèse d'E. Alfôldi (dans Aion, p. 29) selon laquelle les tesselles modernes dorées remplaceraient des tesselles d'origine de couleur jaune, de la même couleur que celles de l'orifice de la cruche tenue par Euphrates; les diapositives prises à la découverte montrent clairement des traces de tesselles dorées, et le restaurateur A. Diaz-Pintiado est formel : il n'a remplacé en tesselles dorées que les tesselles incolores portant des traces de feuille d'or, dont aucune n'a pu être gardée telle quelle, vu son mauvais état de conservation.

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changement de couleur à l'intérieur d'une zone jaune clair n'a aucune logique formelle, si l'on examine l'ensemble du monticule, où la séparation entre zone éclairée à gauche (jaune clair) et zone dans l'ombre à droite (marron foncé) est clairement indiquée par une ligne transversale. Il est donc probable que les tesselles roses aient indûment remplacé les tesselles jaunes qui s'étaient détachées par le simple effet de l'usure sans doute.

— dans la partie inférieure droite, la succession des socles, en tesselles de couleur et de matériaux disparates (galet de rivière, calcaire, marbre) témoigne d'une zone remaniée après coup, où l'on ne retrouve plus rien de la cohérence et de l'ordonnance originelles.

— le socle rocheux sur lequel se dressait probablement Aeternitas, dont il ne reste que des éléments séparés entre l'inscription Aestas et le mât à voiles tenu par l'enfant, image de la coudée de Nilus. La restauration moderne a accentué par ailleurs le caractère étrange de la composition (fig. 7,a et b).

On constatera également sur le dessin B h.t. l'étendue des zones ayant souffert du feu dans la mosaïque. Elles affectent aussi bien le fond que les personnages mais les tesselles, de calcaire, de marbre ou de verre n'ont pas réagi chimiquement de la même manière à l'action du feu. Pour résumer les données reportées sur le dessin, on peut distinguer:

— dans le registre inférieur: la partie gauche du torse d'Oceanus, ses yeux et son front, sa conque, le torse de Tranquillitas (du nombril à l'aine), la jambe, le bras et la corne d'abondance de Copiae.

— dans le registre médian : la partie gauche du fond, l'espace compris entre les jambes de l'enfant accompagnant Aestas et la tête de Portus, la partie centrale de la tunique $ Aestas, le visage, la main et le sein droits, la partie inférieure du vêtement de Natura, le visage et l'épaule de Portus, les cheveux de Nilus.

— dans le registre supérieur : les 3/ 4 de Chaos, la partie gauche du visage et du torse de Caelum, Coneordia, les chevaux d'Occasus, la partie droite du socle soutenu par Polum, Polum lui-même presque tout entier.

Pour résumer, l'altération des tesselles par le feu concerne au moins la moitié des tesselles de la mosaïque parvenue jusqu'à nous, si l'on tient compte par ailleurs de l'importante lacune à droite, on prend conscience du fait que nous ne pouvons avoir qu'une idée partielle de la palette du mosaïste.

Cette altération a deux causes différentes; la première est l'incendie, responsable d'altérations mineures, étant donné la température assez faible

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Illustration non autorisée à la diffusion

Illustration non autorisée à la diffusion

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Fig. 7. a— Détail de la partie située entre les pieds à'Aestas et les voiles tenues par Nilus (Cliché E. Garcia Sandoval).

Fig. 7,b — Voiles tenues par Nilus: état actuel (cliché de l'A.).

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des flammes et la durée réduite de la combustion des poutres du toit, écroulées sur la mosaïque. Les tesselles voient alors leur couleur originelle assombrie et le calcaire se vitrifie quelquefois24. La seconde est plus circonscrite25; elle est due à l'action prolongée d'un feu à haute température, comme en produisent les braseros à faible distance du sol, ou des feux activés à même le sol. Sur le corps de Concordia en particulier se trouvait encore, au moment de la découverte, une plaque de plomb carbonisée qui adhérait aux tesselles. On est donc tenté de penser à une réutilisation anarchique de la pièce à date tardive. La grande lacune de la partie droite date probablement de cette dernière occupation.

On relève les principaux types d'altération suivants dans les couleurs de tesselles de marbre et de calcaire :

— la couleur jaune paille vire au rouge orangé — la couleur grise vire au marron clair — la couleur gris-blanc vire au vert kaki clair — la couleur beige clair vire au rose pâle.

Nous avons pu constater ces altérations sur la partie supérieure de quelques tesselles-témoins. La partie inférieure, en revanche, conserve sa couleur d'origine.

Les tesselles de verre, à la différence des autres, conservent leur couleur d'origine mais, d'après le témoignage des fouilleurs, elles avaient tendance à s'effriter. Si l'on ajoute cette caractéristique à l'usure générale des tesselles de verre dans la mosaïque, justement signalée par E. Alfôldi (Aion, p. 29), on conçoit que les restaurateurs aient été tentés de remplacer de nombreuses tesselles de verre pourtant visibles à la découverte, en particulier dans le fond marin,

Etude technique.

E. Alfôldi a eu le mérite d'attirer l'attention sur cet aspect fondamental de

24. Rien ne permet de fixer la date de cet incendie, qui peut avoir été simplement accidentel. Historiquement, "l'heure espagnole" arrive en 260 avec les invasions franques, selon M. Almagro (dans le Symposion de ciudades augusteas, "La topografia de Augusta Emerita", Madrid, 1976, p.209), en 409 pour J. Arcé, dans son article "Mérida tardorromana", (284- 409) in Homenaje a Sâenz de Buruaga, Madrid, 1982, p.214 et 226. Sur ce point controversé de la "crise" espagnole cf. encore J. Arcé, "La crisis del siglo III d.c. en Hispania", Hispania antigua, 1978, p.263.

25. Elle comprend le personnage de Concordia, le socle tenu par Polum, le torse de Natura et le rocher sur lequel s'appuie Oceanus.

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LA MOSAÏQUE COSMOLOGIQUE DE MERIDA (I) 31

l'étude de la mosaïque26, mais nous aimerions revenir sur quelques points et apporter des données nouvelles sur d'autres.

Il faut reconnaître que ce type d'approche n'est pas facile, bien que les spécialistes soient unanimes à en reconnaître la nécessité, depuis le premier Colloque international pour l'étude de la mosaïque antique en 196327. Au second Colloque, en 1971, L. Berger et M. Joos firent la démonstration de l'utilité d'une telle étude des pavements antiques28. La préoccupation de plus en plus grande pour la sauvegarde des mosaïques antiques s'est traduite par la création d'une revue intitulée "Mosaïque"29. Il n'est pas de restauration cohérente en effet, sans une étude préalable de la nature et de la résistance du matériau à traiter. En Espagne, D. Fernândez-Galiano, qui a consacré une étude à une centaine d'échantillons de tesselles de mosaïques d'Alcalâ de Henares30 fait figure de pionnier en ce domaine. Nous aimerions avancer dans cette direction, en étendant le champ des recherches aux tesselles de verre, exceptionnellement nombreuses dans la mosaïque cosmologique.

Dans les remarques qui vont suivre, nous avons utilisé deux types de données, les unes pétrographiques, les autres spectrographiques. Nous voudrions simplement faire quelques observations préliminaires à leur sujet. La trentaine d'échantillons de calcaires et de marbres et la vingtaine de tesselles de verre31 de couleurs différentes qui ont été analysées représentent

26. Dans E. Alfôldi, Aion, p.26-34. Toutefois, l'A. n'a procédé à aucune analyse de matériau, de sorte qu'elle signale à tort des tesselles de verre dans la tresse, ne précise pas la proportion des marbres par rapport aux calcaires, et réduit singulièrement la palette des tesselles de verre (bleu, vert, pourpre, carmin). Il faut saluer au passage le rôle de pionniers dans ce domaine que jouèrent S. Aurigemma en 1923 {ID., I mosaici di Zliten, Milan, 1923, p.235-299) et D. Levi en 1947 {ID., Antioch Mosaic Pavements, Princeton, 1947, p.630 sq.).

27. V. sur ce point les observations pertinentes de Ph. Bruneau dans son compte-rendu du 1er Colloque international pour l'étude de la mosaïque antique, paru dans la REG, 1 966, p.714et s.

28. Cf. L. Berger et M. Joos, "Observations stylistiques, techniques et pétrographiques sur la ' mosaïque aux gladiateurs d'Augst", CMGR, II, Vienne (1971), Paris, 1975, p. 265 et s.

29. Le n° 1 de la revue est consacré à la détérioration et à la conservation des pavements en mosaïque, il est paru en 1 977 à Rome, le n° 2 à la sauvegarde des mosaïques, et est paru en 1981 à Rome. (Publications de l'ICCROM).

30. D. Fernândez-Galiano et M. Concepciôn Lopez de Azcona, "Mosaicos romanos de Alcalâ de Henares : arqueologia y petrografia de teselas", Las Ciencias, Madrid, XLIV, 2, 1979, p. 11 3- 122.

31. On aura remarqué que nous employons le terme tesselle de verre et non pâte de verre. Comme nous le signale amicalement M. A. Lopez Vazquez, la pâte de verre désigne le résultat de la fusion du verre à faible température. Les tesselles de verre, opaque ou translucide, sont obtenues au contraire par la fusion à haute température (1.000° au moins).

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32 JANINE LANCHA

une quantité tout-à-fait négligeable par rapport à la masse globale de tesselles de la mosaïque. Ce genre de prélèvement, effectué dans les zones les moins en vue, ne nuit pas vraiment à l'intégrité du pavement. D'autre part, la nécessité de faire des lames minces dans les tesselles de calcaire et de marbre à partir d'échantillons de 2 à 3 mm d'épaisseur rend la destruction de la tesselle inévitable. En revanche, les tesselles de verre ont fait l'objet d'une simple analyse spectrographique qui ne leur cause aucun dommage. Restituées au Musée de Mérida, elles peuvent être remises en place à la première occasion, étant donné qu'elles sont accompagnées d'une fiche précisant leur provenance exacte dans la mosaïque.

Dans les deux cas — calcaires et marbres/ tesselles de verre — on peut dire que plus de la moitié des nuances de couleur ont été analysées, ce qui constitue une base suffisante pour tirer des conclusions valables pour l'ensemble. En effet, parmi les tesselles de calcaire et de marbre, nous avons choisi des tesselles de couleur nettement différenciée, au lieu de prélever différentes nuances d'une seule couleur; nous pensions avoir ainsi plus de chance d'identifier des tesselles provenant de carrières différentes32.

Les tesselles de verre33

Les résultats des analyses d'échantillons, dues au Laboratoire de l'Institut

32. Nous n'ignorons pas cependant les surprises que peut réserver l'analyse d'échantillons de couleur différente, mais en réalité de même structure pétrographique, surtout dans le cas d'éléments de très petites dimensions, comme c'est le cas des tesselles, débitées à partir de "morceaux choisis" de roches de couleur.

33. Sur la fabrication du verre dans l'Antiquité on peut consulter, outre l'article "vetro", dans Y Encklopedia deU'arte antka, classua e orientale, Rome, 1966, dû à D.B. Harden, et le Supplément, paru en 1970, dû à F. Coarelli, deux articles parus dans le JGS, l'un en 1963, p. 54-67, surtout p.65 (R.J. Charleston, "Glass "cakes" as raw materials and article of commerce"), l'autre en 1978 p.9-33 (ID., "Glass furnaces through the ages"). D'autre part, D.B. Harden a consacré récemment un article de synthèse au verre d'époque romaine ("Ancient glass II : Roman", AntJ, 126, 1979, p. 44-77 avec une ample bibliographie p.67- 77). Enfin, K.T. Erim et Joyce Reynolds, dans leur article "The Aphrodisias copy of Diocletian's Edict on maximum prices", JRS, 1973, p.99-110, commentent avec pertinence les lignes consacrées, dans cette version de l'Edit, au prix du verre, dont deux provenances seulement sont citées: Alexandrie et la Judée, qui étaient encore les grands centres exportateurs au temps de Dioclétien. A propos du lapis specularis, beaucoup moins cher que les objets fabriqués, les A. proposent une explication intéressante: il s'agirait de blocs ou de plaques de verre de couleur naturelle la moins chère, qui étaient utilisés ensuite pour fabriquer les vitres sur place, ou pour donner la matière première des tesselles de verre qu'utilisaient les mosaïstes. Dans son article cité supra, R.J. Charleston (1963, p.65) fait également allusion au commerce de plaques de verre de couleurs variées pour servir de matière première aux mosaïstes. Enfin, des remarques intéressantes sont

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LA MOSAÏQUE COSMOLOGIQUE DE MERIDA (I) 33

de la céramique et du verre (CSIC) sont présentés en Appendice B, p. 58-60 par M. A. Lopez Vazquez, qui s'est limité ici à deux exemples sur 20.

La variété des couleurs des tesselles de verre employées dans la mosaïque et la masse que ces tesselles représentent pourraient laisser supposer la fabrication sur place du matériau34, ou du moins dans une ville d'Espagne. On ne dispose pour l'instant que d'indications très sommaires sur l'existence d'ateliers de verriers à Matarô, Italica et Mérida35. En ce qui concerne plus précisément la fabrication de tesselles de verre, c'est-à-dire celle de la fritte facile à débiter en tesselles par le mosaïste ou par le verrier qui le fournissait en tesselles de ce type, nous ignorons tout ou presque. Etant donné la palette étendue des tesselles de verre dans cette mosaïque, et l'éclat des couleurs des tesselles — qui suppose une parfaite maîtrise de la décoloration du verre — on est amené à faire l'hypothèse suivante : les colorants nécessaires n'étant pas disponibles en Espagne — par exemple, le lapis lazuli pour le bleu cobalt — il était sans doute plus économique d'importer le produit fini en petits blocs (de 10 à 20 cm3). Le pays choisi était probablement la Syrie où ce produit était fabriqué traditionnellement dans les meilleures conditions, en grande quantité

faites à ce sujet par H. Bullinger, dans son article "Die verwendung von Farbigen Glas in zwei mosaiken des 3 Jh. n. Chr. aus Bad Kreuznach", Actes du Vile Congrès de l'Assoc. intern, pour l'histoire du verre, Berlin, 1977, p.41-49.

34. En ce qui concerne l'analyse spectrographique des tesselles de verre, D.B. Harden remarque par ailleurs qu'elle n'a pas encore été entreprise et il regrette cette lacune.

35. Sur la fabrication du verre en Espagne on peut voir l'article de J. Lang et J. Price, "Iron tubes from a Late Roman glassmaking site at Mérida in Spain", Journal of archaeological science, 1975, 2, p.289-296, dans lequel les A. remarquent le caractère exceptionnel de la découverte de ces tubes à souffler le verre, seuls instruments de verriers connus à ce jour en Espagne pour l'époque romaine. Par ailleurs, un four de verrier a été découvert dans la villa de Torre Lauder (Matarô) et l'auteur de la publication émet l'hypothèse que le verre à vitre, découvert en abondance dans la villa, était fabriqué sur place ((/. M. Ribas Bertrân, La villa romana de la Torre Llauder de Matarô, Excavaciones arqueolôgicas en Espana, n° 47, 1 963, p. 1 6 et fig. p. 1 2. En dernier lieu, C. Fernandez Castro cite également cette villa dans son étude Villas romanas en Espana, Madrid, 1982, p.88 et fig. 70, 80B, elle situe sur le plan non pas un mais quatre fours conformément aux découvertes récentes sur le site (cf. M. Ribas Bertrân, N.A.H. Arq. I, 1972, p. 1 18- 180 et fig. 8 p. 130). Enfin, les fouilles de la villa de Val de Torres de Jarama (Madrid) ont mis au jour un four de verrier de la fin du Ve s. (cf. L. Caballero et alii, "Enigmas de la ocupaciôn romana", Revis ta de arqueologia, 22, 1982, p.60. Un atelier de verrier à Italica, cf. J.M. Luzôn Nogué, La Italica de Adriano, Seville, 1975, p.63-64. Cf. à propos des ateliers de verriers à Mérida, M. del Pilar Caldera de Castro, "Aspectos del vidrio romano en Mérida", Homenaje a Sâenz de Buruaga, Madrid, 1982, p. 137-144). D'après l'A. les ateliers éméritains seraient florissants aux 1er et Ile s. et connaîtraient une période de moindre activité au Ille s. Voir également l'article de R. Lequément, "Sondages archéologiques à Mérida", N.A.H. Arq., 1977, p. 147-163. L'A. Signale la découverte de scories de verre très abondantes, faisant supposer l'existence d'un atelier de verriers, dans une couche augustéenne, non loin de la maison du mithraeum.

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34 JANINE LANCHA

donc moins cher. Il est assez frappant de remarquer que, dans la mosaïque, la couleur la moins représentée est précisément celle qui était la plus facile à obtenir, puisque c'est la couleur naturelle du verre non décoloré, c'est-à-dire le bleu-vert clair.

Les tesselles à feuille d'or en sandwich, employées ici avec une relative abondance, n'ont pas pu être analysées directement. Sur les photographies prises à la découverte, on distingue par endroits des traces de ces tesselles, en particulier dans le nimbe d'Occasus, mais aucun de ces éléments n'a pu être conservé. Relativement rares dans les mosaïques antiques avant l'époque byzantine, les tesselles à feuille d'or ne sont pas pour autant inconnues. On en trouve à Mérida même dans les bracelets et le collier de Vénus, dans la mosaïque des vendanges de la maison de l'amphithéâtre (dans Blanco, Mosaicos n° 39, où la mosaïque est attribuée au Hle s.). Des tesselles de ce type étaient employées également en Gaule, à Vienne, dans la lyre de la mosaïque d'Orphée36; cette mosaïque est datée par le contexte archéologique de la fin du Ilnd s. Dans une zone géographique plus proche de Mérida, il faut signaler aussi la réserve de 200 tesselles dorées et en verre de diverses couleurs trouvée dans une cachette à Volubilis37. Le nombre de tesselles dorées dans la mosaïque est de 100 environ, si l'on admet que les dimensions des tesselles modernes sont sensiblement les mêmes que celles des tesselles antiques qu'elles remplacent.

L'emploi de tesselles de verre à feuille d'or n'est donc pas exceptionnel en soi; ce qui est exceptionnel à Mérida, c'est l'emploi important qui en est fait. L'éclat qu'elles donnent à la mosaïque entre pour une bonne part dans la lumière étrange, quasiment "mystique" pour reprendre une expression de M. H. Quet, qui éclaire le pavement. Il est difficile de préciser, enfin, si l'usure de ces tesselles, qui sont plus fragiles que les autres tant est mince la plaquette de verre translucide posée sur la feuille d'or, était déjà effective dans la dernière période d'utilisation de la pièce dans l'Antiquité. La trouvaille de Volubilis nous prouve, par ailleurs, que, toutes couleurs confondues, les tesselles de verre étaient assez précieuses pour qu'on les cache en temps de troubles, comme c'était le cas pour les monnaies. On peut ainsi apprécier, comparativement, le relatif investissement financier consenti par le commanditaire de la mosaïque cosmologique; la masse globale exclut d'emblée la possibilité de voir dans ces tesselles de verre du matériau de réemploi.

36. Dans J. Lancha, Recueil général des mosaïques de la Gaule, t. III, 2, Vienne, Paris, 198 1, n° 282.

37. Cf. A. Jodin, "Tesselles de mosaïque d'or à Volubilis", BAM, VIII, 1968-1972, p.209-214.

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LA MOSAÏQUE COSMOLOGIQUE DE MERIDA (I) 35

La gamme de couleurs en tesselles de verre est aussi étendue, sinon plus, que dans les tesselles de marbre et de calcaire. Si les bleus et les verts dominent, on trouve aussi des couleurs rares comme le rouge, le jaune, le blanc, le noir et l'or. Au lieu d'être employées parcimonieusement pour rehausser un ornement, un détail du vêtement ou de l'anatomie, elles se trouvent largement utilisées, tant dans les figures que dans les fonds, dans les bordures comme dans les ornements végétaux.

Toutefois, l'usage des tesselles de verre polychromes n'a rien d'exceptionnel en Espagne. Pour se limiter à quelques exemples caractéristiques, on peut citer, à Mérida, des tesselles bleues, vertes et dorées dans la mosaïque de Vénus, dans la maison de l'amphithéâtre, et dans la mosaïque des poissons de la même maison (tesselles de couleur bleue, verte, rouge, citrouille, jaune), des tesselles bleues, vertes, rouges et noires dans la mosaïque d'Eros, dans la maison du mithraeum, dans les ailerons de la tabula ansata de la mosaïque de Seleucus et Anthus (dans Blanco, Mosaicos, n° 9). A date tardive, les tesselles de verre sont visiblement fabriquées selon un autre procédé, qui leur donne un aspect opaque et des couleurs plus pâles, mais elles continuent d'être assez largement employées. Toujours à Mérida, on en trouve dans la mosaïque des cochers exposée à l'Alcazaba (dans Blanco, Mosaicos, n° 43B), dans la mosaïque des Victoires conduisant un cocher, découverte en 1982 rue Holguin à Mérida, et actuellement exposée à l'Alcazaba (inédite) et dans la mosaïque signée Annius Ponius (dans Blanco, Mosaicos, n° 15). On voit donc qu'il s'agit bien d'une pratique des ateliers éméritains, et non d'un apport ponctuel de mosaïstes venus d'ailleurs. En dehors de Mérida, et pour se limiter à quelques exemples choisis à dessin dans une large fourchette chronologique, on voit utilisées des tesselles de verre dans la mosaïque des mois de l'année trouvée à Hellin38, datée de la première moitié du Ille s. par H. Stern, dans la mosaïque de Méduse, de Palencia, exposée au Musée Arch. Nat. de Madrid, sous le n° d'Inv. 3618 (cf. T. Ortega y Frias, AEA., Noticiario, XXXVIII, 1965, p.86-95), dans la mosaïque de Vénus d'Italica, datée de l'époque sévérienne par A. M.a. Canto39 et dans la mosaïque des Muses d'Arrôniz, datée du IVe ou du Ve s. etc.

Analyse pétrographique

Pour les données pétrographiques, nous renvoyons aux analyses et aux

38. Elle a été publiée par H. Stern, "La mosaïque de Hellin (Albacete)", M M AI, 1 965, p. 39-59. 39. Cf. A. M. a. Canto, "El mosaico del nacimiento de Venus de Italica", Habis, 7, 1976, p.293-

338.

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36 JANINE LANCHA

conclusions d'A. Alvarez et M. Mayer, placées en Appendice (Appendice C, p. 60-68).

Les variétés de calcaires, de quartzites et de marbres identifiées à ce jour permettent de tirer les conclusions suivantes :

La proportion très forte de calcaires et quartzites par rapport aux marbres ne laisse pas de surprendre40, elle nous montre à l'évidence que le choix du mosaïste a été dicté par l'étendue de la gamme de couleurs disponible dans ce matériau. On trouve en effet plus facilement dans les calcaires des blocs compacts d'une couleur uniforme, que dans les marbres, où les veines viennent interférer sur la couleur du fond. Une autre considération a pu jouer également : le prix de revient, moins élevé en utilisant des calcaires que du marbre; de plus, le calcaire est plus facile à couper que le marbre. Le marbre utilisé dans la mosaïque provient des carrières d'Almaden de la Plata, en Andalousie orientale. Quant aux calcaires, ils proviennent tous de la région avoisinante; en particulier, le rouge grenat est extrait d'une roche que l'on trouve en superficie dans les carrières de marbre d'Alconera. Par ailleurs, les principales couleurs de la palette de cette mosaïque reviennent dans Yemblema d'Eros, trouvé dans une pièce de la même maison (dans Blanco, Mosaicos, n° 24) et dans la plupart des mosaïques polychromes exposées à FAlcazaba. Cette simple remarque permet donc de situer la mosaïque dans son contexte local au sens étroit du mot; elle manifeste clairement que même pour des pavements exceptionnels comme c'est ici le cas, le mosaïste avait recours aux matériaux disponibles sur place.

Quelques caractères communs à toutes les tesselles de ce pavement se dégagent :

— leur dimension jamais supérieure à 5 mm de côté — leur faible épaisseur (2 à 3 mm pour les tesselles de marbre et de calcaire, 5

mm au maximum pour les tesselles de verre) — leur usure, d'autant plus grande que la surface de la tesselle est plus petite

(dans les mains, les visages des personnages) — l'usure provoque un élargissement des interstices entre les tesselles qui,

d'une part, rend la mosaïque fragile, et d'autre part nuit à une "lecture" facile des figures

40. A ce sujet, on peut voir également les remarques de F. Braemer dans "L'ornementation des établissements ruraux en Gaule et dans les regions limitrophes", Caesarodunum, XVII, 1982, p.55 et l'article de C. Balmelle et S. Doussau, "Mosaïque à l'Océan de Maubourguet", Gallia, 1982, p. 154.

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LA MOSAÏQUE COSMOLOGIQUE DE MERIDA (I) 37

— la forme des tesselles est extrêmement variée — la technique de pose n'est pas uniforme — la répartition numérique, entre tesselles de verre et tesselles de marbre ou

de calcaire, est presqu'égale, ce qui constitue un hapax non seulement à Mérida, mais dans l'histoire de la mosaïque romaine d'Occident avant le IVes.

— la fragilité des tesselles de verre se note à leur surface poreuse et à la fréquence des bords arrondis.

La palette du mosaïste

Ayant défini la nature du matériau il nous reste à examiner la palette du mosaïste du point de vue du choix de la combinaison des couleurs. Précisons d'abord que toutes les couleurs ont été observées sur tesselle mouillée, par respect d'une convention généralement admise dans l'étude des mosaïques. A la différence des peintures murales, la mosaïque de pavement était soumise à des lavages fréquents qui créaient un fond d'humidité suffisant pour donner aux couleurs tout leur éclat. C'est pourquoi nous jugeons inutile de distinguer, comme le fait A. Barbet pour la peinture41 la couleur sèche de la couleur humide.

Notre démarche a comporté deux étapes. La première a consisté en un examen optique simple de la couleur des tesselles, avec comme point de référence dans l'appréciation des couleurs, la gamme des 47 teintes des couleurs Caran d'Ache, affectées chacune d'un numéro42; il est facile d'acquérir cette gamme de couleurs chez un marchand de couleurs pour peintres. Ce premier niveau de définition des couleurs a permis de regrouper les plus employées et d'avoir une première idée des dominantes de la palette. La seconde étape a consisté, grâce à la généreuse proposition de M. Max Guy, dans la numérisation de l'ensemble du pavement, tesselle par tesselle, confiée à un ordinateur. Il va de soi que nous avons préalablement exclu de nos

41. . P. Gros, A. Barbet, Bolsena, les architectures, Rome, 1971, p.322. L'A distingue 19 couleurs selon le code Munsell.

42. Blanc: 1, Gris: 3 tons (2, 3, 5), Noir: 9, Or: 12, Jaune: 5 tons (10, 20, 3 1,35, 240), Rouge:6 tons (30, 50, 60, 70, 80, 90), Rose : 9 tons (51,81, 100, 101, 105, 1 10, 1 11, 120, 23 1), Bleu : 9 tons(131, 140, 141, 159, 160, 161, 170, 171), Vert: 9 tons (180, 210, 220, 229, 230, 23 1,245, 247, 249), Marron : 4 tons (49, 59, 65, 69). Les teintes et numéros sont ceux de la table de couleurs Caran d'Ache. On remarquera que les analyses pétrographiques comportent la notation de couleur correspondante dans le code Munsell, dont disposaient nos collègues catalans. Nous n'avons pu étendre ces références à l'ensemble des tesselles de pierre du pavement, ni aux tesselles de verre.

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38 JANINE LANCHA

comptages les zones restaurées, et que nous avons tenu compte de l'altération des couleurs par le feu.

L'information ainsi obtenue a gagné en précision par rapport à la première démarche, mais elle a surtout comporté une dimension numérique précieuse, impossible à obtenir par d'autres moyens. Nous n'avons malheureusement pas disposé de ces données dans les délais qui nous permettent de les exploiter dans cette première partie de l'article; nous les réservons donc pour la deuxième partie, à paraître ultérieurement.

Avant d'aborder l'étude stylistique, nous aimerions attirer l'attention sur deux points négligés jusqu'ici, à savoir la paléographie des inscriptions dans la mosaïque, et l'organisation du fond coloré sur lequel elles se détachent.

Toutes les inscriptions sont exécutées en tesselles de calcaire blanc; elles désignent des personnages divins ou des abstractions personnifiées43 dont le mosaïste connaissait les noms en grec44 mais qu'il nomme ici en latin. Il nous a semblé intéressant de comparer la graphie adoptée dans la mosaïque cosmologique avec celle d'autres inscriptions sur mosaïque en Espagne et au Portugal, et de préférence datées, par le contexte archéologique ou, à défaut, par l'analyse stylistique.

Deux remarques préliminaires au sujet de ces inscriptions : étant donné leur caractère spécifique — nous nous trouvons devant des termes grecs traduits en latin — on est en droit de penser que la graphie adoptée est celle de l'époque où a été exécutée la mosaïque. On échappe ainsi au danger relevé ajuste titre par le Père Mouterde dans les inscriptions musives45, à savoir que l'examen des

43. Cf. M. H. Quel, p.25. 44 Ce cas se présente dans 4 mosaïques romaines d'Espagne, à ce jour : dans la mosaïque des

philosophes, découverte au printemps 1982, rue Holguin, qui nous a été aimablement signalée par son inventeur, J.M. Alvarez Martinez; dans une mosaïque découverte en 1982 à Valladolid, par T. Mananes : elle représente des guerriers grecs; dans une mosaïque avec l'inscription grecque ERYTHRI ZESAES (en caractères latins) citée par L.A. Garcia Moreno (également dans J. Vives, Inscripciones cristianas de la Espana romana, Barcelone, 1971, n° 425) dans son article, "Colonias de comerciantes orientales en la Peninsula ibérica", Habis, 3, 1972, p. 139; dans une mosaïque de la villa Fernân Nùnezà Cordoue, publiée par J.M. Blâzquez, Mosaicos de Côrdoba, Jaén, Malaga, Madrid, 1981, n° 32, où deux personnages sont ainsi désignés: METOIK2P et ...MÎ2N D. Fernândez- Galiano a démontré récemment qu'il s'agissait de deux Saisons, l'Automne et l'Hiver (METOIK2PON) (XEIMS2N), dans son article "Nuevas interpretaciones iconogrâfîcas sobre mosaicos hispanorromanos", Museos, 1, 1982, p. 17-27. Enfin, dans la mosaïque de la naissance de Vénus d'Italica, on lit le nom du Vent EUROS en grec, dans une mosaïque datée de l'époque sévérienne par l'A. Selon une hypothèse très vraisemblable de l'A., le mosaïste a copié un carton grec du sujet, d'où l'inscription correspondante en grec. Dans la même mosaïque, on lit toutefois, dans un autre panneau, l'inscription ARETHUSA en latin.

45. Dans Emir Chehab, Mosaïques du Liban, BMB, 1958, p.50.

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lettres n'y fournit pas la date de la mosaïque mais celle du modèle copié parle mosaïste en même temps que le sujet figuré correspondant. D'autre part, il faut signaler des restaurations dans certaines d'entre elles, par exemple Tranquillitas (refaite en entier), Copiae, Pharus; dans ces trois cas, on peut toutefois utiliser les photographies prises à la découverte pour avoir une idée de la graphie d'origine46. Dans neuf autres inscriptions, une à trois lettres sont refaites47. Dans deux cas une restauration antique a remplacé une lettre ou un trait de lettre par des tesselles de la couleur du fond du tableau (B de NEBVLA, E dans ORIENS et AESTAS). Si l'on se reporte à la liste ci- dessous, où nous avons regroupé les différentes inscriptions de la mosaïque, le tout étant dessiné à la même échelle, on est amené à tirer les conclusions suivantes (fig. 8).

On est d'abord frappé par la souplesse dans la disposition des inscriptions, et par les légères variantes dans l'exécution d'une même lettre. Il est clair que ces lettres n'ont pas été dessinées à la règle ni au compas, bien qu'appartenant à la catégorie de l'écriture monumentale48; elles ont été dessinées par un "ordinator", en lettres capitales, selon un "ductus" comparable à celui du scribe écrivant sur papyrus. Il est vraiment regrettable que l'inventeur n'ait pas observé le lit de pose de la mosaïque lors de la dépose. Il y aurait certainement distingué le tracé préparatoire des lettres, incisé à la pointe sèche ou plus probablement dessiné au pinceau, à la peinture rouge, dans la partie supérieure du nucleus*9.

En tout état de cause, l'échantillonnage de lettres est presque complet, seules les lettres D, F, Q, ne sont pas employées dans les inscriptions. Si l'on tient compte du caractère particulier des inscriptions sur mosaïque, à cause de la maniabilité assez réduite du matériau pour tracer l'inscription on remarque plusieurs traits dans cette écriture.

Le mosaïste a d'abord exécuté les lettres, puis le fond, en suivant une ligne horizontale pas toujours régulière. Tantôt cette ligne s'adapte à l'espace réduit choisi pour l'inscription (NATVRA / NIX / AVTVMNVS / OCCASVS)

46. Cf. Garcia Sandoval I, pi. IV, 3 et pi. VIII. 47. Cf. les indications portées sur le dessin hors-texte (dessin B). 48. Cf. J. Mallon, Paléographie romaine, Scripturae monumentaet studia, III, Madrid, 1952,

p.61 & 1 13. Dans la mosaïque de Mérida, les lettres ont de 2 à 3 cm de hauteur. Dans la partie grecque de l'Empire, D. Levi a fourni, en appendice de ses Antioch Mosaic Pavements, Princeton, 1947, un tableau comparatif des lettres dans les inscriptions sur mosaïque à Antioche (D. Levi, o.L, p.627).

49. Cf. J. d'Encarnacâo et alii, "O mosaico do Oceano de Faro", Anais do Municipio de Faro, X, 1981, p.230.

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Fig. 8. — Tableau des inscriptions de la mosaïque cosmologique (état actuel) (A. Almazan del.).

tantôt elle suit une ligne légèrement oblique ascendante comparable à celle de l'écriture à la main (A ESTAS / EVRVS / SAECVLVM) tantôt elle suit la ligne du vêtement du personnage (OCEAN VS / NVBS / NOTVS). Autant de preuves de l'exécution du fond après celle des personnages. On est sensible aussi au soin apporté à l'exécution des lettres, visible dans la taille des tesselles en rectangles oblongs, en parallélépipèdes, en triangles, selon le trait de la lettre à former. La dimension des lettres est assez régulière : 2 cm de hauteur sauf pour quelques-unes, de 3 cm de haut (P, H, C, E, Z). Les lignes courbes et arrondies sont soignées. De manière générale, les lettres sont élancées et l'espacement entre elles est faible et assez régulier. On note une seule ligature, dans A VTVMNVS, le seul mot coupé en deux, faute d'espace, et la ligature n'est pas bien exécutée. On remarque un autre caractère assez général : les

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bases et les extrémités des lettres sont accentuées par une tesselle plus grosse ou par plusieurs tesselles, sans doute pour accentuer le caractère monumental de l'écriture, et rendre les apices.

Si l'on compare la graphie adoptée dans ce pavement avec celle d'autres mosaïques de Mérida, d'Espagne et du Portugal en général, on relève d'emblée des différences sensibles. A Mérida, cinq mosaïques présentent des inscriptions en latin50, à Italica, deux en latin et une en grec51, à Jaen et à Malaga52 une mosaïque présente une inscription en latin, et à Hellin, la mosaïque des mois nous donne les noms des mois et des Saisons53. Enfin, la mosaïque d'Océan récemment découverte à Faro (Algarve, Portugal)54 nous donne la plus longue et la plus intéressante des inscriptions sur mosaïque d'époque impériale découverte jusqu'ici dans la Péninsule.

Ce rapide tour d'horizon montre que l'essentiel des points de comparaison disponibles est fourni par des mosaïques de la deuxième moitié du Ille s. ou du IVe s. Sur les caractères du Ile s. et de la première moitié du Ille s., nous manquons de données à l'heure actuelle. Il est clair toutefois que les caractères de la mosaïque cosmologique se différencient nettement de ceux des inscriptions du IVe s. Nous sommes donc amenée à les attribuer, pour l'instant, au Ille s. au plus tard.

50. Dans Blanco, Mosaicos, le n° 2 (inscription Partenosf.) attribué au Ille s. par l'A., le n° 5 (inscription Baritto coloniae felix) attribué au Ile s., le n° 43B (inscriptions Paulus nica, Marcianus nicha (sic) attribué à la deuxième moitié du Ile s. par l'A. mais que nous placerions plutôt, par le style de l'exécution et le choix du sujet, au Ille ou au IVe s., le n° 65 (inscription Hestas, Autumnus, atribuée au IVe s.). Le dernier pavement à inscription en latin est encore inédit, il a été trouvé dans la même maison que la mosaïque des philosophes citée supra note 44, on y voit deux chevaux d'un quadrige précédé par une Victoire, avec le nom du cheval vainqueur: Narcissus lequel porte sur l'encolure l'inscription ERAE et sur la patte gauche l'inscription ELD. Un autre fragment du même pavement nous montre un chasseur nommé Marianus. Ces deux fragments de la mosaïque ont une facture tardive qui nous les fait attribuer au IVe s., en particulier, les sujets se détachent sur un fond blanc en écailles.

51. Dans Blanco, Mosaicos romanos de Italica (I), Madrid, 1978, n° 7, mosaïque avec inscription Perisoterus, datée par l'A. de la fin du Ile s. ou du début du Ille s.

52. Une autre mosaïque de Jaén, n° 5 1 dans J. M. Blâzquez, Mosaicos romanos de Côrdoba, Jaén y Malaga, Madrid, 1981, et n° 53 ibid. (Malaga), avec l'inscription Bellerofons; il s'agit d'une mosaïque de chasse typique, par son sujet et son style, du IVe s.

53. Une mosaïque d'Hellin (Albacete), publiée par H. Stern (cf. supra note 39) donne les noms des mois et des Saisons, elle est attribuée par l'A. au Ille s.

54. Cf. supra note 49, et aussi notre communication à la lia Reunion de economia antigua de la Peninsula ibérica, Barcelone, 1982, sous presse, avec pour titre "Les mosaïstes dans la vie économique de la Péninsule ibérique du 1er au Vie s. : état de la question et quelques hypothèses".

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Les ornements végétaux et le fond du tableau

Nous ne reviendrons pas sur la bordure géométrique, qui a été récemment étudiée par E. Alfoldi55. La bordure extérieure du tableau figuré, si l'on va de l'extérieur vers l'intérieur, est une tresse de 4 brins qui ne constitue pas un motif original et datable en soi; on peut noter toutefois le soin de son exécution : le mosaïste a employé quatre tons de tesselles de calcaire et de marbre, tous présents dans le tableau figuré (jaune 35, rouge 5 1 et 80, gris clair veiné de noir). Le détail de la tesselle blanche dans l'œillet est une variante de la tresse qui revient identique en bordure de la mosaïque des vendanges, dans la maison de l'amphithéâtre, et dans une tresse à 3 brins autour du panneau central de la mosaïque de chassé d'El Hinojal56. Dans tous ces exemples éméritains, la tresse se détache sur fond noir.

Une seconde bordure, en tesselles de verre rouge, borde le tableau sur trois côtés, après un triple filet blanc. A notre connaissance, c'est le seul exemple d'emploi de tesselles de verre d'une seule couleur en si grande quantité dans un motif d'encadrement. Si le mosaïste a employé la couleur rouge au lieu du noir, habituel dans ce genre de bordure, ce ne peut être par manque de calcaire noir, on le voit, en effet, largement employé dans la bordure géométrique. Il est donc très probable que le choix de la couleur rouge soit délibéré, pour une harmonie de tons avec le vert et le bleu du fond, mais surtout pour respecter une tradition de la mosaïque orientale rivalisant avec la peinture57.

Dans les deux encoignures de la partie supérieure du tableau, la même touffe d'acanthe se déploie, à quelques différences près ; celle de gauche est presqu'entièrement conservée58. Elle comprend un culot d'acanthe d'où s'élèvent une large tige centrale surmontée d'une feuille en ourlet, et deux tiges latérales symétriques, terminées par une vrille (fig. 9). Les couleurs employées sont le vert, plusieurs tons de bleu, le noir en calcaire (vitrifié par le feu), sur fond de calcaire blanc crème.

Curieusement, l'enroulement de la tige latérale est coupé par le bord du tapis, mais la boucle de la volute est figurée tout-de-même. Les feuilles sont stylisées, de dimensions moyennes, à nervure centrale rouge foncé. Dans l'encoignure de droite le schéma adopté n'est pas exactement le même. On

55. Cf. Alfoldi, Aion, p.32. '..'•. r'v/; • 56. Dans Blanco, Mosaicos, n° 39, pi. 72-73, et n° 65, pi. 98. 57. Cf. la bibliographie sur ce point a été récemment rassemblée par D. Fernândez-Galiano,

art. cité, p.23 et sa note 37. Nous voudrions simplement y ajouter le livre de W. Ehlich, Bild und Rahmen im Altertum, Berlin 1955, et XEAA, o.L, s.v. comice.

58. Cf. Alfoldi, Aion, p.29 et p.34 note 30.

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Fig. 9. — Détail de la touffe d'acanthe dans l'angle supérieur gauche (cliché de l'A.).

relève des différences dans la feuille supérieure, traitée en bouquet de feuilles, et dans la forme même des feuilles, plus grandes et moins allongées. Comme dans le culot d'acanthe de gauche, seules des tesselles de verre sont employées. Cependant, en dépit de la lacune qui limite le champ des comparaisons, il est difficile d'attribuer les deux décors végétaux au même mosaïste, et peut-être même à la même époque. Nous pourrions formuler l'hypothèse selon laquelle le culot d'acanthe à droite serait en grande partie une restauration antique, exécutée avec soin mais d'une autre venue que celui de gauche59. La lacune importante nous empêche de préciser cette hypothèse. On aurait ainsi une preuve supplémentaire de la durée d'utilisation du pavement.

Ce décor végétal inséré dans un cadre géométrique et traité isolément reçoit ici un traitement soigné mais peu élaboré. Il ne présente ni volutes complètes, ni gaines, ni fleurs. Assez peu fréquemment traitée pour elle-même, la touffe

59. Cf. sur ce point les remarques de W.A. Daszewski, Nea-Paphos II, La mosaïque de Thésée, Varsovie, 1977, p. 14 sq. et de F. Baratte, "Remarques sur les restaurations antiques dans la mosaïque", in Table-ronde "Mosaïque, découverte et restauration", Paris, 1979, Bull. AIEMA, 8, 1980, p.81-85.

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d'acanthe est au contraire un motif classique de point de départ d'un rinceau. Telle est sans doute l'origine du carton utilisé ici par le mosaïste, et il l'a tronqué pour l'adapter à l'encoignure. La touffe d'acanthe ainsi traitée revient dans une mosaïque d'Autun60 où elle orne un trapèze. Les autres exemples de touffes d'acanthe comparables ont été rassemblés par M. Blanchard dans la notice du Recueil correspondant à ce numéro. Nous pourrions y ajouter celles des numéros 340, 362, 368, 395 du Recueil, III, 2 à Vienne. Tous ces exemples sont datés du Ile s. ou du Ille s. L'exemple du rinceau de la mosaïque du Châtelard, qu'E. Alfoldi rapproche de l'exemple de Mérida (Aion, p. 34) est daté de l'époque sévérienne, comme les autres exemples cités par l'A. (ibid. p. 34 n.30). Dans un autre contexte artistique, il faut citer, après E. Alfoldi, le beau rinceau peuplé issu d'une touffe d'acanthe, également placé dans une encoignure, de la villa de Dar Bue Ammèra à Zliten61. Il est évident que le carton suivi par le mosaïste de Mérida est plus proche des exemples de la Gaule que de celui de Zliten, qui reflète la grande tradition illusionniste hellénistique. Nous ne voulons pas dire pour autant que le mosaïste de Mérida ait utilisé un carton gaulois; pour rendre un poncif du décor végétal, il a adopté une solution à mi-chemin entre l'illusionnisme hellénistique et la stylisation exagérée, que l'on observe dans les exemples gaulois et suisse cités supra. Nous devrons nous demander s'il en va de même dans le traitement des figures. ,,

Dans le contexte plus étroit de l'Hispanie, il faut préciser par ailleurs que la touffe d'acanthe n'est pas un décor fréquent. A notre connaissance, rien de comparable à l'exemple éméritain n'a été découvert à ce jour en Espagne, en dépit de la banalité assez grande du motif. A Mérida, il n'y a guère que la mosaïque des vendanges, dans la maison de l'amphithéâtre, qui puisse donner une idée de l'adaptation locale du décor couvrant végétal. On est fort loin de l'exubérance de l'école africaine en ce domaine, qui atteint un sommet dans l'école de Timgad62.

Une grande part de la séduction exercée sur le spectateur par ce pavement vient du fond coloré sur lequel se détachent les figures. Ce fond est tout-à-fait insolite et mérite une tentative d'explication. Il donne d'emblée au tableau un cachet d'étrangeté ; on éprouve en effet une impression toute différente devant les autres mosaïques de Mérida, ou les mosaïques des provinces occidentales

60. H. Stern, M. Blanchard-Lemée, Recueil des mosaïques de la Gaule, II, 2, n° 233. 61. Dans S. Aurigemma, L' Italia in Africa, Tripolitania, vol. I, / monument i d'arte

decorativa, I mosaici, Rome, 1960, pi. 160 et 170. 62. Dans S. Germain, Les mosaïques de Timgad, Paris, 1969, passim.

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en général, qui, à de très rares exceptions près, présentent un fond abstrait beige clair, parfaitement neutre, dont la monotonie n'est rompue que par l'indication d'éléments du paysage ou de l'architecture. Rien de tel ici: le paysage n'est pas présent en tant que tel, mais par les figures qui en personnifient certains aspects (les Vents, les nuages, le ciel, les Saisons, la Nature, les fleuves, le phare, l'Océan, la navigation). D'autre part, certains éléments comme les rochers sur lesquels s'appuient l'Océan et l'Euphrate, le monticule de Pharus, le socle du siège sur lequel sont assis respectivement Pontus et un dieu fleuve, le trône de Caelum posé sur le socle que soutient Polum, ne constituent en aucun cas des points de repère de la composition, dont la véritable logique interne est ailleurs.

Nous commencerons par en donner une description rapide, d'après les vues prises à la découverte. Les couleurs choisies par le mosaïste sont au nombre de 9: bleu cobalt, bleu turquoise, bleu lavande, gris-bleu, vert clair, vert malachite, marron foncé, gris, gris clair; la combinaison des couleurs par registre va de 3 (dans le registre médian : gris, gris clair, marron foncé) à 4 (dans le registre inférieur: bleu turquoise, bleu cobalt, bleu gris, vert malachite) ou 5 dans le registre supérieur : bleu turquoise, bleu cobalt, bleu lavande, vert clair, vert malachite). On constate toutefois que la répartition des zones colorées à l'intérieur de chaque registre n'a rien de mécanique, on ne voit aucune ligne de démarcation parallèle à la largeur ou à la longueur du pavement. D'autre part, la place occupée par les personnages et le groupement de ces personnages fait que le fond est beaucoup plus apparent dans les registres inférieur et supérieur que dans le registre médian. Nous reviendrons infra sur le choix des couleurs et nous voudrions commenter brièvement la répartition des zones de couleur dans chaque registre (fig. 10).

Au registre inférieur, la combinaison de couleurs la plus variée se situe de part et d'autre du monticule de Pharus. D'autre part, on observe une sorte de dégradé, de haut en bas, à droite du bras d' Euphrates, et entre le bras et le torse de Nilus, dégradé qui va du bleu cobalt au bleu turquoise. Avec une réserve due à la lacune de la partie droite du registre, il semble que le bleu cobalt ait été uniformément la couleur du fond dans la partie inférieure, jusqu'à une hauteur de 0,30 m, puis on a une large zone bleu turquoise et, à la limite supérieure du registre, sur de faibles surfaces, des zones bleu gris, bleu cobalt et vert clair. Les figures du Nil et de l'Euphrate présentent la particularité de servir de point de liaison entre le registre inférieur et le registre médian. Les couleurs du fond des deux registres se confondent un peu, à la hauteur des fleuves, l'espace compris entre la pince droite de la tête d'Océan et la main droite du Nil est gris clair, couleur de fond du registre médian, comme la ligne de sol sur laquelle le même dieu appuie la main. Mais, immédiatement au- dessus, on a la couleur gris bleu du registre inférieur qui réapparaît, et il en va

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(d'après E. Alfôldi, A ion, fig. 4)

1- Bleu cobalt 4- Bleu lavande 2- Bleu turquoise 5- Gris 3- Bleu Gris 6- Gris clair

7- Marron foncé 8- Vert clair 9- Vert malachite

Fig. 10. — Les couleurs du fond de la mosaïque.

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de même pour le faible espace entre le bras droit et le torse de l'Euphrate.

On note le même souci de continuité dans le passage du registre médian au registre supérieur, dans le fond vert malachite de l'inscription Autumnus et à gauche de Natura.

Dans le registre médian, les couleurs propres au fond terrestre sont le gris (partie gauche), le gris clair (partie droite, à partir de la jambe gauche de l'enfant) et le marron foncé (partie supérieure, entre le bouquet et l'enfant et la limite supérieure du voile de Natura). Les couleurs choisies pour servir de fond au registre terrestre sont ternes, même si on en est réduit à les imaginer, étant donné l'altération presque générale des tesselles par l'incendie dans cette partie de la mosaïque. On observe toutefois, comme dans les deux autres registres, le souci de distinguer deux zones par la couleur du fond : le gris, le marron.

Enfin, dans le registre supérieur, les zones de couleur du fond se détachent encore plus nettement, étant donné le caractère plus aéré de la composition. La limite inférieure a un tracé assez sinueux, depuis la gauche du voile de Natura jusqu'à la pointe du pied d'Eurus. Dans ce que nous serions tentée d'appeler ces "franges" ou ces marges, la couleur se distingue de celle de la zone dans laquelle elles s'insèrent : vert malachite ou vert clair dans une zone bleu turquoise. Dans son ensemble, le registre supérieur comprend deux zones de couleur, une ligne horizontale parallèle au petit côté du tableau, au niveau de la ligne supérieure du socle soutenu par Polum, établit une séparation entre une zone inférieure bleu turquoise et une zone supérieure vert clair.

On remarque enfin un dernier caractère dans la disposition des zones colorées du fond. Certaines figures se détachent sur un fond de couleur différente de celle de la zone à laquelle elles appartiennent. Par exemple, Saeculum et Occasus sont représentés sur fond vert malachite, à l'intérieur d'une zone vert clair, et une ligne verticale vert clair sur la bordure rattache Natura et la roue du char (TOriens au registre céleste, alors que, spatialement, ils se trouvent dans le registre terrestre comme l'ajustement remarqué M. H. Quet. Nous sommes donc loin de la couleur comme simple toile de fond ou comme reflet de la réalité. Comment comprendre, dès lors, la lumière qui éclaire ces figures? Ce problème n'a pas été soulevé jusqu'ici, à notre connaissance.

11 faut écarter d'emblée l'explication selon laquelle on aurait ici une simple

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résurgence des fonds colorés habituels dans la mosaïque hellénistique63, puisque le fond de la mosaïque cosmologique n'est pas uniforme et qu'il couvre une superficie de 4x5 m. Elle n'est donc pas comparable aux emblemata hellénistiques à fond sombre, ni aux tableaux centraux de faibles dimensions des mosaïques d'époque impériale. On ne peut pas voir non plus d'équivalence entre le fond de la mosaïque cosmologique et celui $ emblemata à fond différencié, de couleurs suggérant un espace, comme dans Yemblema aux colombes de Délos64 ou dans Yemblema du Musée national de Naples (Inv. n° 9985) identifié par L. Kahil et alii comme une scène de la Théophorouménè de Ménandre65. Les zones de couleur y jouent le rôle de toile de fond architectural en suggérant la profondeur de zones dans l'ombre par rapport à d'autres, de couleur claire, qui seraient mises en valeur par la lumière.

Cette conception de l'espace, construit en quelque sorte par la couleur du fond, n'est pas du tout propre à la peinture romaine qui, à partir du troisième style pompéien, opte pour une tripartition rigide de la paroi, et pour une couleur de fond uniforme de la partie médiane. Dans la mosaïque romaine, on ne trouve pas davantage de parallèle exact pour cette relation du fond coloré avec des figures. Le seul exemple de mosaïque à trois registres qui, par son sujet, sa conception d'ensemble et son exécution soit en partie comparable à la

63. On en connaît de nombreux exemples, depuis les mosaïques de galets de Pella (cf. sur ce point, en dernier lieu, l'étude de D. Salzmann, Untersuchungen zu den antiken Kieselmosaiken, Berlin, 1982, n° 36, 37, 38 à Erétrie, 64 et 65 à Corinthe, 77, 78, 87 à Olynthe, 96, 98, 101, 103, 104 à Pella, 107auPirée, 117, 117, 118àSicyone, 112, 114 à Rhodes) jusqu'à celle du rapt de Ganymède à Morgantina (Sicile) et à celles de Délos (cf. Ph. Bruneau, Exploration archéologique de Délos, Les mosaïques, Paris, 1972, n° 69, 169, 279, 293, 328). Sous l'Empire, il n'y a plus que des exemples sporadiques de fond uniforme coloré, dans 4 provinces orientales et occidentales, en Syrie (Antioche, House of the red pavement), pièce 1, dans D. Levi, o.l, pi. XI II) en Tripolitaine (à Sillin, près de Leptis Magna, dans une mosaïque à fond rouge, avec scènes de bestiaires et d'acrobates, présentée pour la première fois par M. Mahjoub, Directeur du Musée de Leptis Magna, au Ille Colloque international de l'AIEM A, Ravenne, 1979, en Gaule (à Lyon, Recueil, II, 1 n° 48, à Autun, Recueil, II,2n° 233, à Sens, Recueil, II, 3 n° 418, à Ouzouër-sur-Trézée, Recueil, II, 3 n° 468, à Vienne, Recueil, III, 2 n° 331 et 349. Dans tous ces exemples, il s'agit du fond de tableaux centraux de type "emblema", à l'exception du n° 331 à Vienne. En Germanie, le tableau central de la mosaïque du char du Soleil et des signes du Zodiaque à Munster-Sarmsheim (dans K. Parlasca, Die rômischen Mosaiken in Deutschland, Mayence, 1958, p. 84-85 et p. 123). Ces différents pavements sont attribués au Ile et au Ille s.

64. Ph. Bruneau, o.l., n° 168 pi. h.t. en couleurs. 65. Cf. S. Charitonidis, L. Kahil et R. Ginouvès, Les mosaïques de la maison du Ménandre à

Mytilène, Berne, 1970, p.48 et pl.6-2.

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mosaïque cosmologique est la mosaïque des Travaux des champs de Cherchel66.

Toutefois, on ne peut établir de véritable comparaison entre les deux œuvres; la mosaïque de Cherchel, dans une composition de type "boustrophédon" développe différentes scènes sur un fond blanc abstrait où paysages et personnages sont autant de "découpages", pour reprendre l'expression de R. Bianchi Bandinelli, et que l'on retrouve, selon de judicieux rapprochement du savant italien, dans des mosaïques d'Apamée du IVe et du Ve s. En conséquence, R. Bianchi Bandinelli suppose l'existence d'une grande peinture du Ille s. dans un grand centre urbain oriental, dont on aurait un écho sur les mosaïques du bassin méridional de la Méditerranée pendant trois siècles.

Rien de tel pour la mosaïque de Mérida. Les différents savants qui l'ont étudiée s'accordent à voir en elle un hapax, par sa composition et son style. C'est pourquoi, à notre avis — et nous différons sur ce point de G. Ch. Picard, (Picard, Mosaïque cosmologique, p. 120) — le modèle de cette mosaïque, s'il existe, n'a pas pu être une peinture célèbre de la partie orientale de l'Empire. Si tel était le cas, s'agissant d'une composition aussi exceptionnelle, elle aurait certainement été reprise dans les peintures et mosaïques cosmologiques connues dans la partie orientale de l'Empire, la peinture décrite par Jean de Gaza et la mosaïque de Chabba Philippopolis68.

A ces deux exemples nous pouvons d'ailleurs maintenant ajouter une peinture inédite — à notre connaissance — dont le sujet est proche de celui de la peinture de Gaza. Il s'agit d'une peinture romaine ornant la voûte d'un édifice en Tripolitaine69, probablement découverte lors d'anciennes fouilles italiennes (fig. 1 1 ). Comme dans la peinture décrite par Jean de Gaza, la composition est circulaire, avec au centre Caelum portant le sceptre, sur fond étoile, et, dans un cercle concentrique, les bustes des douze planètes alternant avec les signes du Zodiaque. Dans un second cercle concentrique, on voit un personnage féminin à demi allongé, vêtu d'un manteau à partir de la taille et d'un voile gonflé, en arrière du buste, un karpos permet d'identifier ce personnage avec la Nature ou la Terre. D'un second personnage symétrique à celui-ci, il ne reste qu'un fragment. Nous reviendrons infra sur cette peinture, nous contentant

66. Dans R. Bianchi Bandinelli, Rome, la fin de l'art antique, Paris, 1970, p.232etfig. 254. Cf. G. Ch. Picard, art. cité, p. 124.

67. Dans J. Balty, Mosaïques de Syrie, Bruxelles, 1977, n° 9, p. 28. 68. Sur ce point, voir, en dernier lieu, M. H. Quel, p.23 et pi. IX. 69. Cliché n° 230-D des Archives photographiques du Service des Antiquités de Libye. Nous

remercions la Direction des Antiquité libyennes pour la photographie aimablement mise à notre disposition.

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Fig. 1 1 . — Peinture romaine de Libye (cliché n° 230-D des Archives de la Direction des Antiquités libyennes) (dessin).

pour l'instant de signaler le contraste qu'elle offre avec la composition de la mosaïque de Mérida; le fond est différent également: fond sombre, étoile, naturaliste de la peinture de Tripolitaine, fond coloré différencié de la mosaïque cosmologique.

Les couleurs choisies pour le fond de la mosaïque cosmologique ont pour effet de créer un espace autour des figures, et non seulement de signaler l'élément dans lequel ils se situent. Les différents tons de bleu dans le registre inférieur, les gris dans le registre médian et les verts du registre supérieur n'ont pas ici de valeur descriptive. Ils sont choisis arbitrairement, en particulier dans le registre supérieur, de la même façon que dans les emblemata pompéiens à

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scènes de poissons étudiés par P.G.P. Meyboom70. Ce dernier a très bien montré que le mosaïste, dans ces emblemata, n'a pas choisi les couleurs — sombres au premier plan, claires au-delà — pour indiquer la profondeur de l'eau ou sa couleur en surface (ID. art cité, p.62 et s.) mais pour rendre sensible la différence de distance par rapport au spectateur, c'est-à-dire la perspective. Utilisant le même moyen, le mosaïste de Mérida a donc très bien suggéré l'éloignement progressif des figures par rapport à ceux qui les regardent. Aux différents plans correspondent des couleurs différentes du fond ; c'est le fond qui met véritablement les figures "en perspective". On voit que le procédé adopté, qui semble propre aux mosaïques, remonte à une tradition hellénistique, mais n'implique pas du tout que la mosaïque ait été la copie d'une peinture célèbre.

Certes, comme le remarque M. H. Quet (p. 125 et s.) le mouvement inhérent à la composition selon deux axes (l'axe des pôles et l'axe des luminaires) donne à la mosaïque une dynamique particulière. Mais l'utilisation du fond coloré crée, pour une bonne part, à nos yeux, la perspective. Le même procédé est employé dans quelques mosaïques d'Antioche et d'Alexandrette (actuelle Iskenderun) — l'une représente Thétis et Oceanus(D. Levi, A. M. P., pi. CLIX, b, Maison de Ménandre, niveau inférieur, d'époque antonine) une autre Oceanus (ID., ibid, House of the Calendar, pi. VI, datée également de la période antonine) une troisième Amour conduit par des Psychés (ID, ibid, House of the Boat of Psyches, pi. XXXVII, datée entre 286 et 312). On trouve deux autres exemples à Alexandrette, dans deux mosaïques actuellement exposées au Musée d'Antioche, représentant l'une Aréthuse, l'autre Thétis et Oceanus7 K

70. Cf. P.G.P. Meyboom, "I mosaici pompeiani con figure di pesci", MNIR, XXXIX, 1977, p.49-93.

71. Mosaïque d'Oceanus et Thétys, provenant d'Alexandrette (Iskenderun actuel) et exposée au Musée d'Antioche, mentionnée dans le Short guide of Hatay Museum, Antakya, 1964, p. 8 n° 8, et dans Sùheylâ Keskil, Hatay Mùzesi Rehberi, Ankara, 1964, p.322, n° d'Inv. 9095, n° 8. Mosaïque d'Aréthuse, provenant également d'Alexandrette, et exposée au Musée d'Antioche, mentionnée dans le Short guide..., p.8, n° 6, et dans Siiheylâ Keskil, Hatay..., n° d'Inv. 9096, n° 6. Les deux mosaïques figurent également dans l'ouvrage du Lt. Colonel P. Jacquot, Antioche, centre de tourisme, I, Antioche, 1931. Dans les guides turcs, ces deux mosaïques sont attribuées au Ve s. sans critère archéologique précis. En fait, comme nous le signale très aimablement Madame J. Balty — à laquelle nous adressons ici nos remerciements pour ses précieux renseignements bibliographiques — ces dates ne reposent sur aucune donnée et les mosaïques semblent pouvoir être légitimement attribuées au Ille s. Mme. J. Balty fait par ailleurs allusion à ces deux pavements dans son article "La mosaïque antique au Proche-Orient I", A.N.R. W., 1981, 12, 2, p.408, n.393.

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Dans ces différents exemples, on note le rôle important joué par la couleur, de manière indépendante, sans le support du dessin. Le registre médian, de couleur gris-clair dans la majeure partie conservée, contribue largement à éloigner du spectateur les figures de la moitié supérieure du tableau72, lesquelles se détachent sur un fond bleu turquoise et vert n'ayant pas la fonction de symboliser la voûte céleste ni l'éther.

Pour nous résumer, les données archéologiques encore disponibles pour dater cette mosaïque — le rapport entre la mosaïque et les différentes peintures ayant orné la pièce — sont d'un faible secours : tout-au-plus nous permettent- elles de conclure que la mosaïque a servi pendant une longue période. L'étude technique que nous avons entreprise en grande partie pour essayer de préciser la date du pavement a apporté, en revanche, des données précieuses. En effet, en l'absence d'un dossier archéologique complet établi lors de la fouille, seules les données stylistiques avaient été utilisées pour dater la mosaïque de la période antonine73. De son côté, M. H. Quet distingue entre la date du réfèrent culturel de la mosaïque, qu'elle fixe à l'époque antonine, et celle de la mosaïque elle-même, qu'elle laisse en suspens74, tout en exprimant la probabilité d'une datation antonine (M. H. Quet, p. 167). J. Arcé vient de proposer d'y voir une œuvre commanditée par Vettius Agorius Praetextalus, consularis Lusitaniae sous l'empereur Julien75. Or, les analyses de tesselles de verre ont montré la possibilité de choisir entre ces deux dates, surtout si on les associe à l'usure générale des tesselles de verre que nous avons constatée, preuve d'une utilisation assez longue du pavement.

D'autre part, la paléographie des inscriptions permet de situer les caractères choisis au Ille s. au plus tard.

Il faut donc exclure la possibilité d'une datation au I Ve s. Il est plus difficile, en revanche, de préciser la fourchette chronologique de 150 ans environ (138- 300 ap. J.C.) pendant lesquels la mosaïque peut avoir été exécutée. Les

72. On est tenté d'évoquer à ce sujet les écrits théoriques des peintres modernes qui ont le mieux explicité le rôle indépendant de la couleur par rapport à la ligne, par exemple H. Matisse, Ecrits et Propos sur l'art, Paris, 1972, p. 197-207.

73. A la suite d'E. Garcia Sandoval, qui proposait une datation de la période antonine — appuyée sur des critères archéologiques peu nombreux, et des critères stylistiques — A. Blanco et E. Alfôldi ont maintenu cette datation {cf. Blanco, p. 173 et Blanco, Emerita, p. 184; E. Alfôldi, Aion, p. 34). Dans A. Canto, o.L, p.334 n° 163, une datation sévérienne est avancée comme hypothèse, par suite d'un rapprochement avec la mosaïque de la naissance de Vénus à Italica.

74. M. H. Quet, p.225 et s. 75. J. Arcé a récemment avancé cette hypothèse, à la suite d'une analyse historique du I Ve s.,

dans "Mérida tardorromana", Homenaje a J. Sâenz de Buruaga, Madrid, 1982, p.221.

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résultats des analyses pétrographiques ne nous sont d'aucun secours sur ce point. L'analyse spectrographique des tesselles de verre nous incline à dater le pavement du Ille s., ainsi que les rapprochements avec les mosaïques syriennes à fond coloré. Dans l'état actuel de nos connaissances, le courant du Ille s. nous paraît être la date la plus probable de la mosaïque. L'emploi de pierres locales, bon marché, taillées en tesselles de faible épaisseur (3 mm) semble indiquer que le commanditaire ne disposait pas de revenus très importants. D'autre part, le coût des tesselles de verre, importées ou fabriquées sur place, est difficile à évaluer; parmi celles-ci, les tesselles dorées étaient sans doute plus coûteuses. De toute manière, le marbre, qui était le seul matériau de luxe, est très parcimonieusement utilisé, et dans une seule variété, hispanique au demeurant. Ces éléments nous invitent à placer la mosaïque dans un contexte historique de relative récession économique. Le seul débours important pour le commanditaire a été le paiement du travail du ou des mosaïste(s) et de son (leur) équipe, puisqu'il s'agissait d'un (de) véritable(s) pictor(es) imaginarius(ii).

La seule méthode supplémentaire à notre disposition sera l'analyse stylistique systématique des figures, d'après les données fournies par la numérisation du pavement, qui fera l'objet de la seconde partie de cet article, à paraître ultérieurement.

Je ne saurais trop remercier, pour leur aide généreuse, les différentes personnes qui, en Espagne et en France, ont bien voulu, avec moi, s'intéresser à la mosaïque de Mérida et faire de la coopération franco-espagnole une réalité vivante :

— M.J. Morencos Tevar, Directeur de l'I.G.N. espagnol, MM. D. Clavo et L. Sacristân Maria, respectivement Directeur et Sous-Directeur du service de photogrammétrie à l'I.G.N., MM. F.J. Garcia Lâzaro, A. Llanos Vina, V. Pena Pita, ingénieurs topographes à l'I.G.N., M. 1. Guisado Ruiz, photographe du service de photogrammétrie.

— Ma reconnaissance la plus sincère va ensuite à M. D. Ozanam, Directeur de la Casa de Velâzquez, qui a généreusement créé les conditions nécessaires à l'exécution du dessin de la mosaïque, publié h.t. Je dois des remerciements tout particuliers à M. A. Almazân, dessinateur à la Sous-Direction d'architecture du ministère de la Culture, pour avoir réalisé ce dessin avec le soin et le talent que chacun peut apprécier.

Je voudrais dire aussi un chaleureux merci à mes collègues espagnols et français: M. M. Mayer, professeur à l'U niversité Autonome de Barcelone et A. Alvarez, professeur de géologie à la même université, pour leur analyse des calcaires et marbres de la mosaïque.

M. M. Lôpez- Vâzquez, archéologue à Madrid, pour son analyse des tesselles de verre. Mais comment oublier les travaux et les jours éméritains, rendus possibles et agréables par M.

J.M. Alvarez Saénz de Buruaga, Directeur du musée de la "Rome hispanique" et par son fils, M. J.M. Alvarez Martinez? A tous deux va ma reconnaissance la plus sincère pour leur accueil toujours chaleureux.

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Je voudrais également remercier deux personnes, toujours à Mérida: M. E. Garcia Sandoval, l'inventeur de la mosaïque, qui a généreusement mis à ma disposition ses archives photographiques, et M. J.A. Diaz Pintiado, chef des travaux au Musée d'art romain de la ville, qui restaura en son temps la mosaïque, sous la direction de M. F. Cruzado Moro. Ma gratitude va également à M. H. Schubart, Directeur de l'Institut archéologique allemand de Madrid, et à M. M. Blech, chercheur au même Institut, qui ont bien voulu me faciliter l'accès à la photothèque du DAI (Md), et encore à M. L. Caballero, conservateur du département d'antiquités romaines et visigothiques au Musée Archéologique National, pour son autorisation d'étudier les inscriptions sur les mosaïques exposées au musée.

Enfin, je dois à la curiosité scientifique et à la générosité de M. Max Guy, directeur du laboratoire de télédétection au G.D.T.A. (CNES Toulouse) la numérisation du tableau figuré, ce qui constitue, sauf erreur, une nouveauté dans la recherche archéologique consacrée aux mosaïques antiques.

. Cette longue liste de remerciements est-elle autre chose, en fait, qu'un hommage collectif rendu au(x) mosaïste(s) antique(s) auteur(s) de ce pavement admirable?

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APENDICE A: EL LEVANTAMIENTO FOTOGRAMETRICO DEL MOSAICO ROMANO DE LA "CASA DEL MITREO"

Par F. Garcia-Lâzaro, Ingénieur topographe à l'I.G.N. (Madrid).

Segûn su definiciôn mâs frecuente, la Fotogrametria es la "Técnica y arte que permite la determinaciôn de la geometria de un objeto", v.g., su forma, dimensiones y posiciôn en el espacio, partiendo de fotografias del mismo.

El caso mâs frecuente es que el objeto tenga très dimensiones. Para conseguir définir su geometria por métodos fotogramétricos es entonces necesario disponer de dos fotografias del mismo tomadas desde puntos de vista diferentes. Cada fotografia puede considerarse formada por la intersecciôn, con el piano del negativo, de un haz de rayos luminosos que, procedentes de los puntos del objeto, pasan por el centro ôptico del objetivo de la câmara. Dicho haz de rayos es el que impresiona el material sensible.

Ocasionalmente, el objeto cuyo levantamiento fotogramétrico se desea puede no ser tridimensional, sino piano. Entonces se simplifican mucho las operaciones necesarias para obtener sus datos geométricps partiendo de fotografias. En el caso limite, si el piano del negativo de la câmara es paralelo al piano que constituye el objeto, la relaciôn entre la fotografia y el objeto es de semejanza, y la propia fotografia puede utilizarse como "mapa", siempre que pueda determinarse su escala (fig. 4,a,b).

En lugar de recurrir a la expresiôn matemâtica de la transformaciôn perspectiva puede ser mâs conveniente transformar la fotografia obtenida de modo que se obtenga de ella una copia o ampliaciôn en la cual se hayan eliminado las deformaciones debidas a la falta de paralelismo entre el objetivo piano y el piano del negativo. Esto puede conseguirse mediante proyectores ôpticos, denominados rectificadores, dotados de movimientos que permiten ajustar las proyecciones de los puntos de apoyo a sus posiciones conocidas por determinaciones previas sobre el objeto; la Geometria proyectiva demuestra que cuando se han ajustado très puntos, quedan ajustados todos los demâs. Normalmente se emplean cuatro puntos, como comprobaciôn y medio para determinar la precision del trabajo.

El levantamiento del piano de un mosaico tal como el de la "Casa del Mitreo", situado sobre una superficie prâcticamente plana, con desniveles no superiores al centimetro, es un caso especialmente favorable para la aplicaciôn del procedimiento arriba descrito. El Instituto Geogrâfico Nacional de Espana recibiô el encargo del levantamiento de dicho mosaico a

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las escalas de 1:5 y 1:10. Lo ideal habria sido efectuar el trabajo con un solo fotograma.

Entre las câmaras de que dispone el Instituto Geogrâfico, la mas idônea para este trabajo es la UMK 10/ 1318 de Zeiss-Jenazo, de focal nominal 100 mm y formato de plaça 13x18 cm. Esta câmara esta prevista para utilizarse sobre un soporte que permite orientarla en cualquier direcciôn horizontal y con una inclinacion del eje ôptico variable de 15° hacia abajo hasta 90° hacia arriba, pero no permite fotografias de eje vertical dirigidas hacia abajo. Fué preciso construir un soporte de madera provisto de un orificio y de tornillos nivelantes para poder hacer este tipo de fotografias. Sumadas las alturas del soporte y de la câmara dan unos 30 cm. La altura del objetivo era, pues, de unos 2,20 m. Como la distancia focal de la câmara es de unos 100 mm, la escala aproximada de las fotografias séria de

f 100 1 p _ — _ H 2200 22

El formato util de cada fotograma es de unos 11x16 cm, que a la citada escala representan en el terreno

1 1 x 22 = 242 cm = 2,42 m. 16 x 22 = 352 cm = 3,52 m.

En consecuencia, se precisaban cuatro fotogramas para el recubrimiento del mosaico.

La câmara va dotada de un mecanismo de disparo eléctrico que, a la vez, acciona la iluminaciôn de los datos de distancia principal y punto principal en cada fotografia; los contactos para la alimentation de dicho dispositivo son las uniones de la câmara con su soporte, y como la câmara iba a utilizarse fuera del mismo fué necesario preparar unos cables de prolongaciôn provistos de terminales que encajasen perfectamente en las citadas uniones (fig. 5).

Para colocar el conjunto de câmara y soporte de madera en disposiciôn de toma de fotografias se dispusieron dos tablones apoyados en estructuras metâlicas, uno a cada lado del mosaico y, sobre ellos, otros dos tablones situados transversalmente encima de los cuales se colocaba el soporte. Los tablones transversales podian desplazarse sobre los longitudinales, y la câmara sobre los tablones transversales; de este modo, cada fotografia podia centrarse sobre el punto del mosaico que se deseara con la ayuda de una plomada. La verticalidad del eje de toma se conseguia horizontalizando el soporte, por medio de sus tornillos nivelantes. No era necesaria una horizontalidad rigurosa, toda vez que la fotografia habia de pasar por un

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proceso de rectificaciôn. Para tal proceso son necesarios puntos de apoyo, con un minimo de très por fotografia, con un total de nueve puntos, que se replantearon con anterioridad a las tomas fotogrâficas y se senalizaron mediante cruces de cinta adhesiva de 0,5 mm de ancho, de color naranja dispuestas sobre cuadradillos blancos de 1 cm. de lado, igualmente adhesivos y que se situaban pegados al suelo. En conjunto, estas senales permitian una identificaciôn sin ambigûedades de cada punto en las fotografias a la par que una determinaciôn topogrâfica précisa. A los puntos se les diô una disposiciôn rectangular, marcândose los ângulos entre sus alineaciones con un teodolito Wild T-l A y midiéndose las distancias con una cinta metâlica contrastada; el teodolito sirviô ademâs para comprobar la planeidad del mosaico: los desniveles de los puntos comprobados con respecto a un piano medio no superan el centimetro. De modo que no hay inconveniente alguno en considerar piano al mosaico a los efectos de su levantamiento planimétrico. El error en la posiciôn de un punto de apoyo puede estimarse en =/ 1 mm respecto al sistema cartesiano definido por las alineaciones entre los propios puntos. («g- 6).

La edificaciôn en que se encuentra el mosaico tiene gran numéro de aberturas, y su puerta no es maciza, sino de rejilla. En el mes de julio, en que se realizaron los trabajos, resultaba prâcticamente imposible impedir de modo eficaz la entrada de luz solar en el recinto del mosaico. La mezcla de luz solar y luz artificial se habria traducido en desvios cromâticos de las diapositivas de color, completamente inadmisibles dada la finalidad de las mismas. Por otra parte, la iluminaciôn solar no era lo suficientemente uniforme como para utilizarla en diapositivas equilibradas para luz de dia prescindiendo de la luz artificial. Para evitar todos estos inconvenientes, se optô por trabajar de noche.

Para las operaciones de rectificaciôn de las fotografias en bianco y negro, con las que se habia de obtener el piano del mosaico, se utilize el instrumento rectificador SEG V de Zeiss. Este instrumento esta dotado de un dispositivo electrônico que régula automâticamente el mantenimiento de la condiciôn perspectiva y garantiza la posiciôn correcta del punto principal con respecto al eje ôptico del objetivo sin necesidad de variar manualmente la posiciôn del cliché, con lo cual las operaciones de ajuste quedan notoriamente simplificadas.

El f otopiano se realize en las escalas de 1/5 y 1/ 10. Los nueve puntos de apoyo se situaron por sus coordenadas sobre sendas hojas de poliéster indéformable a las citadas escalas, ajustândose cada una de las cuatro fotografias que componian la cobertura del mosaico sobre sus correspon- dientes cuatro puntos. Se analizaron cuatro versiones fotogrâficas, dos a cada escala, en diapositiva y papel; los materiales fotogrâficos empleados fueron:

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Pelicula Dupont de alto contraste para las diapositivas a escala 1/5, pelicula Valcalith, también de alto contraste, para las diapositivas a escala 1/10 y papel Kodak TP 5 RC para las versiones en papel. Todos los materiales empleados son de soporte dimensionalmente estable, de manera que en cualquier momento pueden efectuarse mediciones sobre los mismos. Junto con los fotoplanos se entregô la hoja con los puntos de apoyo, para que sobre ella pudiera calcarse un dibujo de linea sin problemas de ajuste.

APENDICE B : ANALISIS ESPECTROGRAFICO DE TESELAS DE VIDRIO

Par M. A. Lôpez-Vâzquez, Collaborateur du Musée archéologique national (Madrid)

Los anâlisis fisico-quimicos de dos teselas de color diferente se llevaron a cabo mediante el espectrôgrafo de arco y tuvieron por objeto determinar las concentraciones de los distintos elementos quimicos y estudiar las concentraciones de los ôxidos para matizar la cronologia.

Segûn los estudios del Dr. Sayre1 los ôxidos proprios al vidrio antiguo son los siguientes: MgO, K2O, MnO, Sb2O5 y PbO. y sus mârgenes de desviaciôn estândard en época romana son:

-MgO : (1,47-0,73%) K2O : (0,63—0,22%) MnO : (1,60—0,10%) Sb2O5 : (0,089—0,018%) PbO ; (0,057—0,0033%)

Ya que este dato sigue sin satisfacer desde el punto de vista cronolôgico, deberemos servirnos de los criterios del Dr. Ray W. Smith2 que valoran la importancia de los ôxidos de Mn Sb como décolorantes. Segûn Smith, el Mn fué el ûnico décolorante utilizado en Italia y las provincias hasta el siglo primero después de Cristo, momento en que se introdujo el Sb. Ambos décolorantes se utilizaronjuntos o por separado hasta el siglo IV d.C. en que el Sb comienza un proceso de decadencia que termina con su desapariciôn definitiva en el siglo V d.C.

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Descripciôn del material:

n° 1 : fragmento de tesela de vidrio translûcido, en descomposiciôn avanzada, facilitada por un picado superficial medio; color: mezcla acromatica del negro, campo del verde. Noo C30 A3O3. Dimensiones: 0,9x0,5 cm

n° 2: fragmento de tesela de vidrio translûcido, en descomposiciôn media, con ligero picado superficial; color: mezcla acromâtica del negro, campo del azul-violeta. N40 M50 C903. Dimensiones: 0,9x0,8 cm.

Anâlisis fisico-qufmico:

Porcentaje de concentraciones de los ôxidos. n° l:MgO 1,37

K20 0,53 MnO 0,39 Sb2O5 0,089 PbO 0,042

n°2:MgO 1,43 K20 0,60 MnO 1,75 Sb2O5 0,020 PbO 0,043

Conclusiones cronolôgicas:

En base a lo expuesto mas arriba observamos que las concentraciones de los ôxidos encajan en los parâmetros de desviaciôn estândard propuestos por el Dr. Sayre, salvo en el caso del MnO del n° 2 en que es sensiblemente superior. Esta cifra no déjà de ser lôgica ya que corresponde a una concentration mas fuerte del MnO utilizada como colorante para conseguir el tono azul que caracteriza la pieza.

De las muestras analizadas solo nos sirve para apuntar una cronologia la n° 1 en que observamos que la concentraciôn de Sb2O5 présenta el valor mâximo, segûn los parâmetros del Dr. Sayre, es decir se utilize este ôxido como décolorante, por lo tanto se fabricô antes del siglo IV d.C. Podemos matizar un poco mas esta cronologia apuntando el hecho de que la concentraciôn de MnO présenta un valor muy bajo, lo que indica que el vidrio se fabricô en un momento de auge del Sb2O5; nos inclinamos, aunque con ciertas réservas, a fechar el momento de la fabricaciôn del vidrio en torno a los anos centrales del siglo III d.C.

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1. E.V. Sayre, R.W. Smith, Science 133, 1.824-26, 1.962; R.W. Smith "Estudio analitico del vidrio antiguo", Ciencia en arqueologia, p. 643-644.

2. R.W. Smith, o.L, p.645. 3. Segûn el Côdigo de colores de H. Kuppers, Allas de los colores, Madrid, 1979.

APENDICE C: ANALISIS PETROGRAFICO

Par A. Alvarez i Pérez et Marc Mayer, Professeurs à l'Université Autonome de Barcelone.

La identificaciôn de las muestras ha sido llevada a cabo mediante observacion microscopica de lamina delgada, que ha permitido establecer los caractères petrogenéticos. Para la identificaciôn de los materiales se ha utilizado la comparaciôn con muestras de referencia perfectamente determinadas. Para el material local se han utilizado los criterios habituales en petrologia.

El muestreo ha sido realizado sobre materiales lapideos y atendiendo a diferencias de color, sometido siempre a la limitaciôn impuesta por la necesidad de conservar intactas las partes esenciales del mosaico. Hay que senalar que la gama de colores présente en el mosaico no queda agotada en este trabajo, puesto que se excluyen las teselas que no son de material lapideo y que cubren una buena gama de colores. La seleccion de color y de materiales ha sido realizada por J. Lancha y posteriormente comprobado y completado, sobre el propio mosaico, por uno de nosotros. Un estudio mâs riguroso requeriria la aplicaciôn a importantes sectores del mismo de una seleccion basada en una tabla internacional de colores. Los colores que damos han sido tornados de las tablas tipificadas "Rock color Chart", editada por The Geological Society of America, Boulder, Colorado, 1975.

Falta también a este estudio, y por razones obvias, un câlculo de la superficie ocupada por cada material y su cuantificaciôn porcentual. Parece, con todo, que pesé a estas limitaciones el muestreo es vâlido por lo que a seleccion de material y variedades concierne.

Colorido

Teniendo en cuenta nuestra limitaciôn a materiales pétreos, la gama de colores que proponemos no alcanza, desde luego, la riqueza cromâtica del mosaico. Segûn el color y los diversos tipos de material podemos considerar los apartados siguientes:

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a) gama del blanco-gris-negro. Disponemos de dos tonalidades:

negro (N2), cuarcita negro intenso (NI), caliza con ostrâcodos

ello indica la utilizaciôn de recursos locales, ya que la cuarcita proviene del paleozoico y la caliza del terciario, ambos bien representados en los alrededores de Mérida.

b) gama de los pardos amarillentos (10 YR). Hallamos très tonalidades: — pardo amarillento pâlido (10 YR 6/2): mârmol de Almadén de la Plata,

caliza con ostrâcodos, calizas ooliticas, calcarenita oolitica y caliza ankeritica.

— pardo amarillento medio (10 YR 5/4): micritas, microesparita margosa, calizas con ostrâcodos, calcarenita oolitica.

— pardo amarillento oscuro (10 YR 2/2): caliza con ostrâcodos. el material es también local, como en la gama anterior, siendo el mârmol de Almadén de la Plata el mas alejado. la calidad del color, dentro de cada tonalidad, dépende de la calidad de la pieza y son, por lo tanto, mas brillantes las teselas de material mâs noble.

c) gama de los pardos grisâceos (5 YR). v Comprende dos tonalidades: — pardo grisâceo (5 YR 3/2): calizas dolomiticas y caliza con ostrâcodos. — pardo medio (5 YR 3/4): brecha calcârea. materiales locales del entorno inmediato de Mérida.

d) gama de los colores rojizos (5 R). Tenemos tan solo una tonalidad rojo grisâcea (5 R 4/2) que corresponde a una caliza con ostrâcodos muy ferruginosa. Cabe sospechar la presencia de otras tonalidades y materiales no recogidos, quizâ en funciôn de su situaciôn en el mosaico. Material local.

e) gama de los amarillos (5 Y). Aparece una tonalidad amarillo grisâcea (5 Y 7/2) que pertenece a una micrita. Material local.

Podemos senalar que el material es de origen local o de zonas muy cercanas (mârmol de Almadén de la Plata). Todos ellos afloran en superficie, en grandes extensiones, y son de fâcil e inmediata obtenciôn.

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62 JANINE LANCHA

Materiales

El estudio microscôpico de los materiales lapideos ha permitido establecer el origen local de todos ellos. Agrupados desde un punto de vista petrologico dan origen a varios grupos:

1. MARMOL

Almadén de la Plata

Para su identificaciôn se han utilizado las muestras Ped-12 y Cov-3 de nuestra colecciôn. a) Mârmol tipo Ped-12

Grano medio con zonas de grano mucho mas pequeno; es muy clara la diferencia entre ambos tamanos de grano. Abundantes lineas de exfoliaciôn y maclas. Muestras 451 (Nubs) y 425 (Cenefa). Ambas son de color pardo amarillento pâlido (10 YR 6/2).

b) Mârmol tipo Cov-3 Grano uniforme medio con bordes ameboides. Abundan las maclas sobre las lineas de exfoliaciôn. Cuarzo algo abundante. Granos pequenos y diseminados de piritas y magnetitas. Calcita microgranuda entre los granos de mayor tamano. Algunas laminillas de mica. Muestra 452 (fig. 12,a) (borde debajo de Pontus) Color pardo amarillento oscuro (10 YR 4/2).

2. CALIZAS

Micritas

Calizas de grano muy fino, mas o menos recristalizado. Matriz homogénea sin restos de sedimentaciôn. Oxidos de hierro. Granos de cuarzo autigeno. Estilolitos rellenos de minérales de hierro. Algunos grandes cristales de calcita recristalizada. Muestra 416 (Caballo de Occasus) de color gris amarillento (5 Y 7/2). Muestras 426 (Cenefa) y 432 (Pierna de Pontus) (fig. 12,b) de color pardo amarillento oscuro (10 YR 4/2).

Microesparita margosa

Caliza micritica con abundantes zonas con calcita esparitica (recristalizada en grandes plaças). La matriz micritica se halla impregnada de minérales

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arcillosos. Abundan las cavidades vacias que dan a la roca un marcado carâcter poroso. Restos de posibles fôsiles dificiles de identificar, formados por un material fibroso, tal vez aragonito. Muestra 443 (borde geométrico) de color pardo amarillento medio (10 YR 5/4).

Calizas con ostrâcodos

Calizas margosas con conchas de ostrâcodos rellenas de calcita clara de grano medio recristalizada. Matriz calcârea de grano muy fino con minérales de arcilla diseminados y abundantes. La compactaciôn alrededor de las conchas de ostrâcodos origina la curvatura de las laminillas arcillosas. Estratificaciôn residual bastante marcada. Probablemente son del Eoceno. Muestra 415 (rueda del carro ée Oriens) de color rojo grisâceo (5 R 4/2). Muestra 427 (cenefa), color grisâceo (5 YR 3/2). Muestra 423 (cenefa), color pardo amarillento pâlido (10 YR 6/2). Muestras 418 (Aestas), 428 (fondo a la derecha), 429 (Aeternitas), 434 (Aestas), 435 (Euphrates), 437 (borde geométrico), 439 (rueda del carro de Oriens), 441 (acanto) y 453 (fondo del Euphrates), todas estas son de color pardo amarillento medio (10 YR 5/4). Muestra 454 (monte de Pharus), color pardo amarillento oscuro (10 YR4/2). Muestra 442 (acanto), color pardo amarillento muy oscuro (10 YR 2/2). Muestra 456 (borde), color negro (NI). La muestra 415 esta muy recristalizada con ostrâcodos poco visibles. Abundantes venillas de calcita recristalizada de tamano de grano medio. Las muestras 418 y 439 presentan los ostrâcodos impregnados de minérales de hierro, lo mismo que la generalidad de la roca. Las muestras 435, 437 (fig. 12,c) y 453 presentan ademâs de los ostrâcodos restos de fragmentos de conchas de bivalvos.

Calizas ooliticas

Oolitos calcareos con nûcleos también calcâreos, redondeados en su mayoria (menos del 25% ovalados o déformes). Bien clasificados en cuanto a su tamano. Cemento calcâreo y matriz micritica. Son del Terciario cercano a Mérida. Muestras 436 (Pontus), 438 (fig. 12,d) (rocas del Euphrates) y 458 (monte de Pharus), de color pardo amarillento pâlido (10 YR 6/2). La muestra 436 présenta algunos restos de fôsiles.

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Cakareniias ooliticas

Calizas mas o menos clâsticas, que contienen fragmentos orgânicos, trozos pequenos de rocas carbonatadas antiguas y oolitos. Matriz de calcita micritica impregnada de minérales de arcilla. Granos de cuarzo autigeno desarrollado en las cavidades de la roca. Muestras 421 (cenefa), 422 (cenefa), 430 (estandarte de Navigia), 433 (Aeslas) y 455 (borde), color pardo amarillento pâlido (10 YR 6/2). Muestra 43 1 (brazo de Pontus) de color pardo amarillento medio (10 YR 5/4). La muestra 422 présenta abundancia de fôsiles y oolitos no redondeados de tamano muy diverse

Calizas dolomilicas

Calizas con abundantes puntos de dolomitizaciôn. El todavia imperfecto desarrollo de los cristales e dolomita da un aspecto difuminado a la roca vista al microscopio. Cuarzo autigeno. Abundante grafito y restos de materia orgânica. Oxidos de hierro. Muestras 420 {Mons) y 457 (acanto), color pardo grisâceo (5 YR 3/2).

Caliza ankeritica

Caliza fuertemente impregnada de oxidos de hierro, que han reaccionado con la calcita de la matriz y ha dado lugar a granos de ankerita/siderita, recristalizada a tamano mediano o grande. Abundantes granos de magnetita y pirita. Muestra 424 (cenefa) de color pardo amarillento pâlido (10 YR 6/2).

Brecha calcârea

Brecha con clastos formados por rocas calcâreas antiguas de granulaciones distintas, rodeados por una matriz de calcita finamente granuda e impregnada de minérales de arcilla. Estilolitos y fracturas rellenas de oxidos de hierro. Algunos granos de cuarzo autigeno. Muestra 419 (fig. 12,e) {Mons) de color pardo medio (5 YR 3/4).

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3. CUARCITAS

Grano pequeno con bordes ameboides de reacciôn. Oxidos de hierro que rodean los granos de cuarzo. Extinciôn ondulante. Laminillas de mica. Minérales detriticos: hornblenda, apatito y magnetita. Son del Paleozoico. Muestra 440 (fig. 12,f) (Pontus), 444 (capa de Pontus) y 445 (fondo de Pontus) de color pardo amarillento oscuro (10 YR 4/2).

Fig. 12,a.— Echantillon 452. NC .60 x. Marbre type Almadén de la Plata.

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Fig. I2,b. — Echantillon 432 .NC .60 x. Micrite à stylolithe remplie d'oxydes de fer.

Fig. 12,c— Echantillon 437. NC .60 x. Ostracodes (de forme arrondie) dans une matrice micritique avec inclusion de minéraux argileux.

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Fig. 12,d.-Echantillon 438. NC JOCx/Oolithes très grossis, disposés en couches concentriques autour d'un noyau. Matrice calcaire très transparente.

VbonrfH Abondance de minéraux argileux. très

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Fig. 12,f.— Echantillon 444. NC. 60 x. Quartzite formée de grains très anguleux, de taille moyenne.