9
Les dossiers pédagogiques « Théâtre » et « Arts du cirque » du réseau SCÉRÉN en partenariat avec le Nouveau Théâtre d’Angers. Une collection coordonnée par le CRDP de l’académie de Paris. 153 novembre 2012 La Mouette Texte d’Anton Tchekhov Mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia Au Nouveau Théâtre d’Angers du 14 au 24 novembre 2012  Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE Édito Après  un  échec  à  Saint-Pétersbourg  en  1896,  La Mouette de  Tchekhov  connaît  un  immense  succès  lorsque  Stanislavski  la  met  en  scène  au  théâtre  d’Art  de  Moscou.  Lors  de  la  première,  le  17  décembre  1898,  le  public  est  tellement  ému  qu’à  la  fin  de  la  représentation  un  long  silence  précède  un  tonnerre  d’applaudissements.  Les  spectateurs ont l’impression d’assister à une nouvelle forme de théâtre qui les touche  profondément. Cette révolution tient à l’écriture de Tchekhov qui, sous l’apparente  banalité des répliques, raconte si bien l’âme humaine mais aussi à Stanislavski qui  est en train d’inventer l’art de la mise en scène.  Frédéric Bélier-Garcia, directeur du Nouveau Théâtre d’Angers depuis 2007, a mis en  scène beaucoup de textes contemporains, entre autres les comédies grinçantes d’Ha- nokh Levin, mais peu de pièces classiques. Avec La Mouette, il aborde Tchekhov pour  la première fois (annexe 1). Quand on essaie de comprendre quel parti pris sera le  sien, on entend dire que « ce ne sera pas russe » ou « peu dix-neuvième ».  Il souhaite  surtout que le spectateur d’aujourd’hui puisse se reconnaître dans des personnages  que « le rêve est prêt à emporter vers le meilleur mais qui, comme de grands oiseaux  incapables de voler, demeurent dans ce décor, dans ce théâtre qui flétrit en eux au  fil des actes et des années ». Le parcours suivant permet aux élèves de pénétrer dans  les coulisses de la création par des recherches proposées au fil des rencontres avec  les artistes de La Mouette. À noter que deux visions de La Mouette s’offrent cette année dans la collection Pièce  (Dé)montée,  celle  de  Frédéric  Bélier-Garcia  et  celle  d’Arthur  Nauzyciel,  consultable  en ligne à l’adresse : http://crdp.ac-paris.fr/piece-demontee/piece/index.php?id=la-mouette Retrouvez sur 4 http://crdp.ac-paris.fr l’ensemble des dossiers « Pièce (dé)montée » Avant de voir le spectacle : la représentation en appétit ! Le choix de la traduction [page 2] Les personnages ou la confrontation… [page 3] Les costumes de La Mouette [page 5] L’espace de La Mouette, une scénographie… [page 6] Le sous-texte ou le courant souterrain [page 7] L’affiche, premier regard sur la représentation [page 8] Après la représentation : pistes de travail Les souvenirs de la représentation… [page 10] Le jeu amoureux [page 11] Le jeu choral [page 11] La bande sonore [page 13] La fonction des objets [page 14] La scénographie : une mise en abîme du théâtre [page 15] L’évolution du personnage à travers le costume [page 16] La construction du personnage par l’acteur [page 17] Annexes [page 19]

La Mouette Mise en scène de Frédéric Bélier-Garciaedition.crdp-nantes.fr/fileadmin/edition/edition_num/pieces__de_montees/dossier_pedago/...2 n° 153 novembre 2012 Avant de voir

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La Mouette Mise en scène de Frédéric Bélier-Garciaedition.crdp-nantes.fr/fileadmin/edition/edition_num/pieces__de_montees/dossier_pedago/...2 n° 153 novembre 2012 Avant de voir

Les dossiers pédagogiques « Théâtre » et « Arts du cirque » du réseau SCÉRÉN en partenariat avec le Nouveau Théâtre d’Angers. Une collection coordonnée par le CRDP de l’académie de Paris.

n° 153 novembre 2012

La MouetteTexte d’Anton TchekhovMise en scène de Frédéric Bélier-Garcia

Au Nouveau Théâtre d’Angers du 14 au 24 novembre 2012 Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE

ÉditoAprès  un  échec  à  Saint-Pétersbourg  en  1896,  La Mouette  de  Tchekhov  connaît  un immense  succès  lorsque  Stanislavski  la met  en  scène  au  théâtre  d’Art  de Moscou. Lors de  la première,  le 17 décembre 1898,  le public est  tellement ému qu’à  la  fin de  la  représentation  un  long  silence  précède  un  tonnerre  d’applaudissements.  Les spectateurs ont l’impression d’assister à une nouvelle forme de théâtre qui les touche profondément. Cette  révolution tient à  l’écriture de Tchekhov qui, sous  l’apparente banalité des répliques, raconte si bien l’âme humaine mais aussi à Stanislavski qui est en train d’inventer l’art de la mise en scène. Frédéric Bélier-Garcia, directeur du Nouveau Théâtre d’Angers depuis 2007, a mis en scène beaucoup de textes contemporains, entre autres les comédies grinçantes d’Ha-nokh Levin, mais peu de pièces classiques. Avec La Mouette, il aborde Tchekhov pour la première fois (annexe 1). Quand on essaie de comprendre quel parti pris sera le sien, on entend dire que « ce ne sera pas russe » ou « peu dix-neuvième ».  Il souhaite surtout que le spectateur d’aujourd’hui puisse se reconnaître dans des personnages que « le rêve est prêt à emporter vers le meilleur mais qui, comme de grands oiseaux incapables de voler, demeurent dans ce décor, dans ce théâtre qui flétrit en eux au fil des actes et des années ». Le parcours suivant permet aux élèves de pénétrer dans les coulisses de la création par des recherches proposées au fil des rencontres avec les artistes de La Mouette.À noter que deux visions de La Mouette s’offrent cette année dans la collection Pièce (Dé)montée,  celle de  Frédéric Bélier-Garcia  et  celle d’Arthur Nauzyciel,  consultable en ligne à l’adresse :http://crdp.ac-paris.fr/piece-demontee/piece/index.php?id=la-mouette

Retrouvez sur4http://crdp.ac-paris.fr l’ensemble des dossiers « Pièce (dé)montée »

Avant de voir le spectacle : la représentation en appétit !

Le choix de la traduction [page 2]

Les personnages ou la confrontation… [page 3]

Les costumes de La Mouette [page 5]

L’espace de La Mouette, une scénographie… [page 6]

Le sous-texte ou le courant souterrain [page 7]

L’affiche, premier regard sur la représentation [page 8]

Après la représentation : pistes de travail

Les souvenirs de la représentation… [page 10]

Le jeu amoureux [page 11]

Le jeu choral [page 11]

La bande sonore [page 13]

La fonction des objets [page 14]

La scénographie : une mise en abîme du théâtre [page 15]

L’évolution du personnage à travers le costume [page 16]

La construction du personnage par l’acteur [page 17]

Annexes [page 19]

Page 2: La Mouette Mise en scène de Frédéric Bélier-Garciaedition.crdp-nantes.fr/fileadmin/edition/edition_num/pieces__de_montees/dossier_pedago/...2 n° 153 novembre 2012 Avant de voir

2

n°  153 novembre 2012

Avant de voir le spectacle

La représentation en appétit !

Frédéric  Bélier-Garcia,  metteur  en  scène  de  La Mouette,  opte  pour  la  traduction d’Antoine  Vitez 1  plutôt  que  pour  celle  d’André  Markowicz  qu’a  choisie  Arthur Nauzyciel  dans  sa  mise  en  scène  pour  la  cour  d’honneur  du  festival   d’Avignon (2012). Pourquoi ?Frédéric Bélier-Garcia : « La traduction de Vitez est plus simple. Tchekhov a un grand souci  de  la  simplicité  de  la  langue.  La magie  de  son  théâtre  ne  vient  pas  d’une complexité  de  la  langue  comme  chez  Shakespeare,  Claudel  ou  Racine  mais  elle 

est dans l’aller-retour entre texte et sous-texte, elle vient d’une sorte de quotidienneté qui est toujours un peu symbolique. Et Vitez retranscrit bien cette simplicité de la langue présente dans le théâtre comme dans les nouvelles de Tchekhov ».

1. Toutes les citations du texte, sauf mention contraire, sont issues de la 

traduction d’Antoine Vitez : La Mouette, Anton Tchekhov, et sont © Actes Sud, 

1984. La pagination se réfère à l’édition au Livre de poche de ce texte.  

Les disdascalies sont en italique.

Le choix de la traduction

ActivitéComparer les deux traductions de La Mouette

Objectif : faire prendre conscience de la singularité de la traduction choisie.

b À la lumière de cette réflexion sur la langue de Tchekhov et sur la traduction de Vitez, l’enseignant demande aux élèves d’observer les deux traductions d’un passage de l’acte III (annexe 2) où Arkadina essaie de convaincre Trigorine de rester avec elle alors qu’elle sent qu’il lui échappe. Sans préciser

quelle version est de Markowicz ou de Vitez, le professeur demande à deux élèves de se mettre debout, chacun ayant en main une traduction différente et de l’adresser à un camarade de la classe : à chaque signe de ponctuation, l’élève lecteur s’arrête puis écoute l’autre élève dire le même texte dans la deuxième traduction. Ils ne doivent pas spécialement mettre d’intention mais faire simplement entendre les mots et laisser du silence entre chaque signe de ponctuation. À la fin, la classe entière se prononce sur le vocabulaire, la construction des phrases qui ont semblé « plus simples ».

« Ça m’est égal, je n’ai pas honte de mon amour pour toi. (Elle lui baise les mains). Mon trésor, tête folle, tu veux faire des bêtises, mais je ne veux pas,  je ne te  laisserai pas… (Elle rit). Tu es à moi… Tu es à moi… Ce front est à moi, et ces  yeux  à moi,  et  ces  beaux  cheveux de  soie 

sont aussi à moi… Tu es tout à moi. Tu as tant de  talent,  d’intelligence,  tu  es  le  meilleur  de tous  les  écrivains  d’aujourd’hui,  tu  es  l’unique espoir de la Russie… tu as tant de sincérité, de simplicité, de fraîcheur, d’humour sain… »

Traduction d’Antoine Vitez

« Tant  mieux  je  n’ai  pas  honte  de  mon  amour pour toi. (Elle lui baise les mains). Mon trésor, ma  tête  brûlée,  tu  veux  faire  des  folies,  mais moi,  je  ne  veux  pas,  je  ne  te  laisserai  pas… (Elle rit).  Tu  es  à moi…  à moi…  Et  ce  front, il est à moi, et ces yeux, ils sont à moi, et ces 

cheveux splendides, ces cheveux soyeux, ils sont aussi à moi… Tu es tout à moi. Tu es si doué, si intelligent, le plus grand des écrivains de notre temps,  tu es  le  seul espoir de  la Russie. Tu as tant  de  sincérité,  de  simplicité,  de  fraîcheur, d’humour salubre… »

Traduction d’André Markowicz

© Photo d’équipe NTA Maquette

Page 3: La Mouette Mise en scène de Frédéric Bélier-Garciaedition.crdp-nantes.fr/fileadmin/edition/edition_num/pieces__de_montees/dossier_pedago/...2 n° 153 novembre 2012 Avant de voir

3

n°  153 novembre 2012

On  peut  remarquer  par  exemple  que  l’adjectif  « sain »  qui  définit  l’humour  dans  la  traduction  de Vitez est moins recherché que « salubre », étonnant adjectif accolé à « humour » dans la traduction de Markowicz. La mise en valeur emphatique du sujet, systématique chez Markowicz, crée aussi une insistance sur les différentes parties du corps de Trigorine absente de la traduction de Vitez.

Les personnages ou la confrontation de deux générations

Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE

Comment  Frédéric  Bélier-Garcia  choisit-il  des acteurs pour jouer des personnages appartenant à deux générations différentes ? 

À  la  question  du  choix  d’une  actrice  comme Nicole  Garcia  pour  jouer  Arkadina,  Frédéric Bélier-Garcia répond : « Je ne veux pas jouer sur la  notoriété,  plutôt  sur  l’âge  et  l’appartenance à  des  générations  différentes.  La  génération « du dessus », celle des acteurs que  j’ai  choisis pour  jouer Arkadina, Paulina et Sorine est une génération qui a commencé au théâtre, et dans 

un  théâtre  d’avant-garde,  il  y  a  quarante  ans dans les années 1970 et qui progressivement a eu une notoriété au cinéma. La génération « du dessous », celle des acteurs jouant Medvedenko, Macha,  Nina,  Treplev  est  composée  d’acteurs sortis en même temps des conservatoires et qui font  des  recherches  dans  le  domaine  théâtral surtout.  Or  l’histoire  de  La Mouette  est  une histoire de générations : le triomphe des parents sur  les  enfants,  des  parents  qui  refusent  de passer  la  main,  la  victoire  d’une  génération passée sur la génération présente ».

ActivitéLire à haute voix la liste des personnages

Objectif : se familiariser avec les noms russes  des  personnages  et  comprendre  leurs  rela-tions (générations différentes).

b Lire à voix haute avec onze voix (nombre de personnages) la didascalie initiale en

faisant sonner les noms russes, à la manière d’un majordome, pour se familiariser avec le nom des personnages (annexe 3).

b En s’appuyant sur la définition qu’en fait Tchekhov, demander aux élèves quels personnages seront joués par les acteurs plus âgés et par les acteurs plus jeunes.

Page 4: La Mouette Mise en scène de Frédéric Bélier-Garciaedition.crdp-nantes.fr/fileadmin/edition/edition_num/pieces__de_montees/dossier_pedago/...2 n° 153 novembre 2012 Avant de voir

4

n°  153 novembre 2012

2. Vinaver Michel, Écritures dramatiques, Actes Sud, 1993.

ActivitéJouer une scène de conflit entre deux générations

Objectif : comprendre que la parole au théâtre est action et pas simple conversation.

À  propos  du  fonctionnement  de  la  parole  au théâtre,  le  dramaturge  Michel  Vinaver 2  parle d’un  « duel »  quand  les  personnages  entrent dans  un  conflit  et  précise  que  quatre  figures sont  alors  utilisées :  l’attaque,  la  défense,  la riposte  et  l’esquive.  Il  parle  en  revanche  d’un « duo »  quand  domine  dans  la  parole  la  figure du « mouvement vers » l’autre. 

b Après avoir défini ces mots avec les élèves (attaque, défense…), l’enseignant peut demander de repérer ces figures dans l’extrait entre Arkadina et Treplev (annexe 4) et de voir comment le duo initial entre mère et fils se transforme en duel pour s’achever à nouveau en duo.

b Une fois les figures repérées, l’enseignant peut demander à sept élèves de dire chacun une réplique de Treplev à tour de rôle (idem pour Arkadina) en traduisant les figures repérées par la manière de dire. 

Par  exemple,  dire  avec  beaucoup  de  douceur les  « mouvements  vers »,  avec  violence  les « attaques » et avec fermeté les « défenses ». Il faut veiller à ne  jamais précipiter  la parole et respecter vraiment les silences marqués par les signes de ponctuation.

On peut  rappeler à  l’occasion de  la  lecture de cette  scène  que  « La Mouette  est  une  vaste paraphrase  d’Hamlet »,  comme  le  dit  Antoine Vitez. Dans cet extrait, la jalousie incestueuse de  Treplev  à  propos  de  Trigorine,  amant  de sa  mère  Arkadina,  rappelle  des  scènes  entre Hamlet et sa mère Gertrude. 

b On demande aux élèves d’analyser dans cet extrait les deux causes du conflit entre la mère et son fils : la jalousie de Treplev envers Trigorine, mais aussi une conception différente du théâtre.

Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE

Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE

Page 5: La Mouette Mise en scène de Frédéric Bélier-Garciaedition.crdp-nantes.fr/fileadmin/edition/edition_num/pieces__de_montees/dossier_pedago/...2 n° 153 novembre 2012 Avant de voir

5

n°  153 novembre 2012

Les costumes de La Mouette

Frédéric Bélier-Garcia  s’est entouré de deux costumières  (Catherine et Sarah Leterrier, mère et fille) pour créer les costumes de La Mouette (entretien avec Catherine Leterrier, annexe 5).Pour  cette  création,  les  costumières  ont  créé  plus  d’une  vingtaine  de  costumes  car  certains  personnages changent plusieurs fois de tenue durant les quatre actes.

Catherine  Leterrier  révèle une  source d’inspira-tion importante pour la création des costumes, le  peintre  Vuillard :  « Dans  La Mouette,  les personnages  sont  au  début  pleins  d’espoir,  ils seront  dans  les  couleurs  et  tissus  unis.  Puis petit à petit, comme la vie ne leur permet pas de 

réaliser  leurs  rêves,  les  imprimés des costumes deviendront de plus en plus présents voire sur-dimensionnés et donneront l’impression de faire rentrer  les  personnages  dans  le  décor  comme s’ils étaient enserrés dans leur espace ».

Le costumier et le peintre

ActivitéObserver un tableau

Objectif : prendre conscience des sources d’inspiration des costumiers.

b L’enseignant peut proposer l’étude d’un tableau d’Édouard Vuillard  (Intérieur à la table à ouvrage, 1893) qui a inspiré les cos-tumières et demander aux élèves d’analyser la manière dont le peintre crée cette confu-sion entre personnages et décor.

Costume et personnage

ActivitéObserver des maquettes de costume

Objectif : découvrir comment un costume révèle un personnage.

b L’enseignant interroge les élèves sur les codes vestimentaires en général et sur la façon dont tel ou tel vêtement traduit à la fois l’appartenance sociale d’un individu et sa psychologie.

À partir de maquettes de costumes dessinées par Sarah Leterrier (annexe 6), les élèves réfléchis-sent  à  la manière  dont  ces  costumes  révèlent socialement  et  psychologiquement  un  person-nage. Dans un premier temps, les élèves mènent cette réflexion sans référence aux personnages de  La Mouette.  Puis  ils  essaient  d’imaginer,  à partir des maquettes et de quelques répliques, à quel personnage de La Mouette correspond tel ou  tel  costume.  Dix  élèves  lisent  chacun  une réplique  caractérisant  un  personnage  (annexe 7). Chacun des dix élèves choisit auparavant sa place dans la classe (debout ou assis), lit silen-cieusement sa réplique, fixe son regard sur une personne (proche ou lointaine dans l’espace de la classe) et adresse sa réplique. Les répliques sont  dites  dans  l’ordre,  avec  le  plus  de  sincé-rité  possible  et  en  respectant  la  ponctuation par  un  vrai  silence  de  quelques  secondes.  On rappelle aux élèves qu’ils ont à leur disposition quatre  émotions  majeures :  la  peur,  la  colère, la tristesse et la joie. Ils choisissent l’émotion qu’ils veulent pour dire leur réplique après avoir annoncé le nom de leur personnage.

© DANY PORCHÉ© DANY PORCHÉ

Page 6: La Mouette Mise en scène de Frédéric Bélier-Garciaedition.crdp-nantes.fr/fileadmin/edition/edition_num/pieces__de_montees/dossier_pedago/...2 n° 153 novembre 2012 Avant de voir

6

n°  153 novembre 2012

L’espace de La Mouette, une scénographie entre intérieur et extérieur

Interrogée sur ses choix scénographiques, Sophie  Perez  répond  (annexe  8) :  « La Mouette  parle  de  la  mise  en  abîme  du théâtre.  À  partir  de  là,  la  scénographie est réversible : la maison, dont l’intérieur est très réaliste, est représentée par des châssis qui, une  fois  retournés, évoque-ront  des  châssis  de  théâtre.  Tout  peut se  moduler.  Une  pièce  de  maison  peut devenir un bout d’île, l’île un intérieur. Il faut  que  la  scénographie  soit  envisagée comme un objet de théâtre ».

Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE

ActivitéLire les quatre didascalies initiales des quatre actes

Objectif : repérer les espaces intérieurs et extérieurs.

Les  didascalies  initiales  des  quatre  actes  sont écrites à la manière d’un romancier naturaliste (Tchekhov  a  lu  Maupassant  et  Flaubert : Arkadina  lit  d’ailleurs  un  texte de Maupassant au début de l’acte II, Sur l’eau). Elles décrivent 

l’espace  où  évoluent  les  personnages  mais sont  aussi  à  interpréter  de  façon  symbolique. Ainsi  de  l’acte   I  à  l’acte  IV un  espace  semble triompher  de  l’autre :  l’espace  intérieur  ou l’espace extérieur ? (annexe 9)

b On invite les élèves à se demander ce que cette évolution de l’espace révèle du destin des personnages.

L’enseignant  peut  trouver  des  éléments  de réponses chez Georges Banu 3, auteur de nom-

breuses  recherches  sur  le théâtre de Tchekhov. Il dit à  propos  de  l’espace  de La Mouette :  « une  action extérieure  s’enferme  pro-gressivement  dans  une maison,  jusqu’à  aboutir  à une chambre barricadée ».

3. Banu Georges, « Rupture dans  l’espace de La Mouette », 

Le Texte et la Scène, Institut d’études théâtrales, 1978.

ActivitéDessiner la première image de La Mouette (comment représenter le théâtre dans le théâtre)

Objectif : s’initier à la scénographie

b L’enseignant demande aux élèves (par groupe de quatre) d’imaginer, à partir de la didascalie initiale de l’acte I et des deux premières répliques de la pièce, quelle serait, selon eux, la première image du spectacle.

L’enseignant rappelle que dans ce premier acte Treplev  va  jouer  sa  nouvelle  pièce  devant  sa mère et les autres personnages, ce qui explique la présence de l’estrade et du rideau. Il précise aussi que le théâtre n’est pas le cinéma, qu’il ne peut tout montrer et fait appel à l’imagination du spectateur  (un arbre  suggère une  forêt…). Les  élèves dessinent  sur  une  feuille  de dessin avec  des  crayons  de  couleurs  cette  première image à partir de leurs réponses aux questions suivantes :

© Photo d’équipe NTA

Page 7: La Mouette Mise en scène de Frédéric Bélier-Garciaedition.crdp-nantes.fr/fileadmin/edition/edition_num/pieces__de_montees/dossier_pedago/...2 n° 153 novembre 2012 Avant de voir

7

n°  153 novembre 2012

Quel cadre de scène choisir parmi les  six  proposés  (annexe  10) ? carrés  ou  rectangles  aux  formes plus  ou  moins  allongées  et  aux points  de  fuite  plus  ou  moins centrés ? Ces six cadres sont pro-posés par le scénographe Yannis Kokkos  pour  une  initiation  à  la scénographie 4.  Ils  permettent de  préciser  les  différents  choix de  dimensions  et  de  perspec-tives  scéniques  (scène  réduite ou profonde, cadre de scène bas ou élevé…) Quels  éléments  semblent  essentiels  parmi tous ceux évoqués par Tchekhov (parc ? allée ? estrade ? buissons ? rideau ?). Qu’est-ce qui est au premier ou au second plan ?Enfin, où se trouvent dans cette scénographie les  deux  personnages  qui  parlent  au  début ? (Medvedenko : « Pourquoi êtes-vous toujours en noir ? » Macha : « C’est le deuil de ma vie. Je suis malheureuse. ») Sont-ils au centre ? sur le côté cour  ou  côté  jardin ?  au  lointain ?  en  avant-scène ? et pourquoi les rêver là ?

b L’enseignant propose de dessiner les deux personnages à l’endroit souhaité sous formes de simples silhouettes pour figurer l’échelle humaine. Puis chaque groupe présente sa proposition argumentée et ses choix.

b Pour aller plus loin, on peut demander à certains élèves (seuls ou en groupes) de choisir quatre cadres identiques ou diffé-rents pour les quatre actes et de voir com-ment la scénographie évolue de l’acte I à IV et comment l’intérieur envahit petit à petit l’extérieur.

4. Cités et présentés par D. Porché dans 10 rendez-vous avec Yannis Kokkos,

Actes Sud/ANRAT, 2005, p. 81.

Le sous-texte ou le courant souterrain

« Cette dramaturgie sans action [celle de Tchekhov] repose, souligne Peter Stein, non sur ce qui est  dit mais  sur  la manière de  le dire.  Ce qui  change,  ce ne  sont pas  les mots, mais  le moyen ou la manière de les dire, de les prononcer. Tel est le fameux sous-texte ou “courant souterrain”. Les acteurs du théâtre de Tchekhov, grâce au sous-texte, ont reçu des rôles tout à fait nouveaux. Puisque ce qui  importait n’était plus  le contenu du texte mais bien davantage  la manière de  le dire — l’interprétation, le jeu ont pris une telle importance que l’acteur est devenu un coauteur. Tchekhov a laissé tellement d’espace, de liberté entre les propositions, les bouts de propositions et même entre  les mots,  que  l’acteur peut  remplir  ces  vides de  son état psychologique, de  son moi. C’est le plus grand cadeau que Tchekhov a fait aux acteurs. Mais cela ne signifie pas qu’il soit facile de le jouer. »

ActivitéJouer une scène selon deux hypothèses de lecture en imaginant un sous-texte différent

Objectif : mesurer l’importance des choix du metteur en scène et de l’acteur.

Frédéric  Bélier-Garcia  présente  la  difficulté d’interpréter cette scène : « On ne sait, dit-il, si Trigorine revient dans la maison vraiment pour voir  Nina  et  donne  le  prétexte  de  la  canne  à pêche ou s’il vient effectivement rechercher sa canne à pêche et a déjà oublié le rendez-vous avec Nina ». 

b L’enseignant propose de lire cet extrait (annexe 11) selon deux hypothèses de lec-ture :– ou Trigorine revient pour voir Nina sous le prétexte de la canne à pêche.– ou Trigorine revient pour chercher la canne à pêche et a déjà oublié Nina.

Dans  les  deux  hypothèses,  le  sous-texte  est bien différent : les points de suspension, ponc-tuation  très  fréquente  chez  Tchekhov,  sont  à lire différemment. Quatre élèves (deux garçons et  deux  filles  si  possible)  joueront  les  deux versions de ce duo selon  les deux hypothèses. Pendant  que  les  élèves  joueurs  apprennent  le texte, le reste de la classe imagine et écrit ce 

© Photo d’équipe NTA

Page 8: La Mouette Mise en scène de Frédéric Bélier-Garciaedition.crdp-nantes.fr/fileadmin/edition/edition_num/pieces__de_montees/dossier_pedago/...2 n° 153 novembre 2012 Avant de voir

8

n°  153 novembre 2012

5. La diagonale est une ligne dont le metteur en scène Antoine Vitez dit 

qu’elle est « dramatique », c’est-à-dire qu’elle crée une tension : « Une ligne est 

dramatique dans la mesure où elle est biaise. Les dialogues peuvent être  diagonaux mais jamais latéraux »,  

cité par Dany Porché, op. cit., p. 75.

L’affiche, premier regard sur la représentation

ActivitéAnalyser l’affiche de La Mouette

Objectif : découvrir la portée symbolique de l’affiche.

b L’enseignant demande aux élèves d’ob-server l’affiche du spectacle de  La Mouette (annexe 12). Relever les informations tex-tuelles (titre, auteur, équipe artistique, producteurs, tournée), le choix des polices et des couleurs. Analyser la photo (Nicole Garcia jouant Arkadina) et la position du corps.

Que peut raconter à un spectateur qui n’a pas lu la pièce cette photo de l’actrice Nicole Garcia ? Analyser  le  mouvement  des  bras,  le  corsage porté,  les  franges plumetées au poignet et au col. L’enseignant aide les élèves à découvrir la portée symbolique de la photo à partir de leur interprétation  des  différentes  occurrences  du mot « mouette » dans  les  répliques de  la pièce 

(annexe 12). N’y a-t-il pas ressemblance entre une  mouette  et  le  cliché  de  l’actrice ?  Quels sont les éléments de cette analogie ? Mais alors que dans le texte de Tchekhov, c’est Nina (jouée par Ophélia Kolb) qui est continuellement asso-ciée  à  une  mouette,  sur  l’affiche  c’est  Nicole Garcia  jouant  Arkadina  qui  apparaît  de  profil. Que peut nous révéler ce choix : simple volonté de  mettre  sur  l’affiche  une  actrice  connue  du public ?  Ou  plus  profondément  désir  de  repré-senter  les  rêves  de  Nina,  devenir  une  actrice connue comme Arkadina, quitte à se brûler les ailes ?  Ou  intention  de  montrer  le  pouvoir  de l’ancienne génération qui occupe l’espace visuel et empêche la jeune génération d’être visible ? Ou  encore  souhait  de  Frédéric  Bélier-Garcia de montrer qu’il met en scène sa mère, Nicole Garcia,  dans  une  pièce  qui  traite  d’un  conflit violent entre une mère actrice et son fils auteur de  pièces  d’avant-garde ?  Autant  d’interpréta-tions qui ouvrent  les portes de  l’imaginaire et rendent sensible au choix de mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia (annexes 13 et 14).

qui n’est pas dit dans les points de suspension.Si on écoutait  le monologue  inté-rieur de Nina et de Trigorine dans la  première  et  dans  la  deuxième hypothèse, qu’entendrions-nous ?L’enseignant  crée  un  espace  scé-nique  en  dégageant  une  diago-nale 5  qui  va  d’une  porte  de  la classe  au  coin  opposé.  Un  bâton censé représenter la canne à pêche est placé près de la porte. Celui qui joue Trigorine entre par cette porte et l’actrice qui joue Nina est assise à l’opposé de cette entrée.

Les  deux  interprétations  de  la  scène  sont jouées  successivement :  les  élèves  proposent des  mouvements  sur  cette  diagonale  qui  tra-duisent  leurs  émotions.  Au  début,  ils  doivent être aux extrémités de la diagonale et à la fin, très  proches  mais  ils  ne  se  déplacent  que  sur cette  diagonale :  qui  avance  vers  l’autre ?  Le font-ils  ensemble  ou  non ?  Éviter  le  piétine-ment :  ils  se  déplacent  ou  ils  sont  immobiles. Les  regards  doivent  aussi  être  précis :  que fixent-ils ? l’autre ? ou un ailleurs qui peut être 

menaçant,  l’arrivée  d’Arkadina  par  exemple ou  de  quelqu’un  d’autre ?  Les  silences  doivent être longs et révéler ce qui se passe en eux, le fameux sous-texte.Puis  la  classe  se  prononce  sur  l’interprétation qui lui semble la plus juste et pourquoi.Pour  finir,  quelques  élèves  peuvent  faire entendre  les  pensées  intérieures  qu’ils  ont imaginées  sous  les  points  de  suspension,  en précisant quelle hypothèse ils ont retenue.

Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE

Page 9: La Mouette Mise en scène de Frédéric Bélier-Garciaedition.crdp-nantes.fr/fileadmin/edition/edition_num/pieces__de_montees/dossier_pedago/...2 n° 153 novembre 2012 Avant de voir

9

n°  153 novembre 2012

renseignements / réservations 02 41 22 20 20www.lequai-angers.eu

de Anton Tchekhovmise en scène Frédéric Bélier-Garcia

avecNicole GarciaOphelia KolbAgnès PontierBrigitte RoüanEric BergerMagne-Håvard BrekkeJan HammeneckerMichel HermonManuel Le LièvreStéphane Roger

production Nouveau Théâtre d’Angers Centre Dramatique National Pays de la Loire

LE QUAI - FORUM DES ARTS VIVANTSdu mercredi 14 au samedi 24 novembre 2012

GRAND THÉÂTRE, PLACE DU RALLIEMENTdu jeudi 14 au lundi 18 février 2013

ET TOURNÉE NATIONALE AUTOMNE-HIVERNANTES… LA ROCHE-SUR-YON… SAINT-NAZAIRE…

TOURS… LA ROCHELLE… MARSEILLE… LYON

Con

cep

tion

et

imp

ress

ion

: S

etig

Pal

uss

ière

, An

ger

s. 1

0/20

12. P

hot

ogra

ph

ie ©

Vin

cen

t F

lou

ret.

Productio

n

affiche LA MOUETTE_400x600_Mise en page 1 08/10/12 13:58 Page1

© VINCENT FLOURET