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La musculation fait-elle maigrir? Beaucoup de gens font consciencieusement leurs séries d’exercices de musculation, persuadés qu’ils lutteront ainsi plus efficacement contre la prise de poids. Ont-ils tort ou raison?

La musculation fait-elle

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Lamusculationfait-ellemaigrir?

Beaucoup de gensfont consciencieusement leurs séries d’exercices de musculation, persuadés qu’ils lutteront ainsi plus efficacement contre la prise de poids. Ont-ils tort ou raison?

n l’annonçait depuis long-temps. Mais elle est finalementarrivée. Et ce n’est pas unebonne nouvelle: notre espé-rance de vie en hausse depuisplusieurs siècles dans les pays

riches montre les premiers signes de stagna-tion et même de reculade. Les prochainesgénérations vivront probablement moinslongtemps que les précédentes en dépit detous les progrès médicaux qui réduisentpourtant la mortalité de plusieurs maladies.Notre santé se dégrade et une des raisonsles plus souvent avancées pour expliquercette machine arrière, outre la pollution,c’est précisément le processus d’empâte-ment qui concerne une frange de plus en

plus large de notre société. Le surpoidsfait des ravages! Et si l’on est

désormais cons cient desrisques, on reste très démuni

pour tout ce qui concerneles solutions. Les régimes?Partout on voit des publi-cités qui promettentune silhouette de rêvemoyennant quelquesprivations. Est-ce que celamarche? Oui! Ceux et

celles qui appliquent lesrecommandations à la lettre

perdront effectivement deskilos. Peut-être pas autant que

dans les réclames. Mais on peutse débarrasser de 5, 10 ou même

15 kilos excédentaires. Beaucoup d’obè -ses en ont déjà fait l’expérience. En soi, cen’est pas tant maigrir qui pose problème. Ledéfi consiste plutôt à stabiliser son nouveau

O

qu’une autre à prendre du gras. Or il existed’énormes différences entre les individus.Les études montrent que, pour un mêmegabarit, celui d’un homme de 70 kilos parexemple, le métabolisme de repos peutvarier de 1170 à 1870 Calories par jour. C’esttrès injuste. Cela signifie que les uns grossi-ront à la seule vue d’une boîte de biscuits(NB: c’est une image) tandis que les autrespourront s’empiffrer du matin au soir et dusoir au matin sans devoir desserrer leurceinture. D’où vient cette différence? Leschercheurs se sont évidemment posé laquestion. Ils identifièrent alors une série deparamètres comme l’activité de la fonctionthyroïdienne ou la production plus oumoins grande de leptine par la masse grais-seuse (17). Ensuite, ils ont évidemment tentépar tous les moyens de stimuler spécifique-ment ces filières. Sans succès jusqu’à présent.Les remèdes imaginés sont soit inefficaces,soit ils présentent le gros inconvénient dedétraquer conjointement la santé! Heureuse-ment, il existe un troisième élément surlequel on peut agir sans redouter les effetssecondaires. Ce sont les muscles! Une massemusculaire importante s’accompagne eneffet d’une dépense énergétique de repos

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DOSSIER

Teddy Rinerrencontre Bob Parrdes Indestructibles.

Les graisses aussile sont parfois.

poids. C’est là qu’on échoue dans presque100% des cas. Est-ce un manque de volonté?Non! Contrairement à une opinion large-ment répandue, la volonté n’a pas grand-chose à voir là-dedans. Mais on se trouveconfronté à un mécanisme physiologiquequi s’oppose aux changements de morpho-logie. Pour comprendre ce qui sepasse dans l’intimité de noscellules et déterminer la stratégiequi permettra éventuellement defaire sauter le verrou, il faut impérati-vement plonger dans les arcanes de laphysiologie et porter son attention sur ceque les spécialistes appellent le «métabolismede repos» (parfois appelé erronément «méta-bolisme de base».

Nous ne sommespas égaux devant le poidsCe métabolisme de repos est la quantitéd’énergie que l’on dépense sans produire lemoindre travail musculaire volontaire.Imaginons que vous restiez allongé sur un littoute la sainte journée. Le métabolisme derepos représente l’énergie qu’il vous coûtetout de même pour assurer l’entretien desfonctions vitales: respirer, faire battre lecœur, digérer et produire un peu de chaleurpour son homéothermie. Ce métabolismede repos représente une partie importantede la dépense calorique quotidienne, tantchez les sportifs (45-50%) que chez lespersonnes qui font peu d’exercice physique(60-80%) (9). Il s’agit évidemment d’unélément-clé dans le contrôle du poids. Unepersonne qui jouit d’un métabolisme derepos élevé sera forcément moins encline

On ne naît pas pilier, on le devient.

Ici l’internationalaustralien Salesi Ma’afu

On connaît moins bien les mécanismesresponsables de l’élévation de la VO2

pendant les heures subséquentes. Onsuppose que cette énergie est utilisée pour lasynthèse de protéines nouvelles qui vien-dront remplacer celles détruites pendantl’effort, ainsi que pour permettre la restaura-tion des réserves de glycogène musculaireset la «ré-estérification» des acides gras libres(3). Tout cela représente un accroissementqui peut atteindre jusqu’à 160 Calories parséance. A ajouter aux dépenses de l’effortproprement dit. Cela commence à compter.

Maigrir à ne rien faireL’augmentation du métabolisme de reposdans les heures qui suivent la fin de l’effortest évidemment du pain bénit pour celui oucelle qui désire perdre du poids. Même aurepos, on continue à brûler plus d’énergie.D’où l’intérêt de bien cerner ses caractéris-tiques déterminantes. Les deux figures ci-dessus montrent claire-ment que l’activation du métabolisme aprèsl’effort dépend directement de sa difficulté.La durée tout d’abord. Rien ne se passe endeçà d’une vingtaine de minutes. Ensuite, ladépense de repos augmente linéairementavec la durée de l’effort jusqu’à environ 80minutes. Après quoi, il n’y a plus de corréla-tion. On a atteint un plateau (3). L’intensitéde l’effort revêt une grande importanceencore. On voit ici que l’élévation du méta-bolisme de repos augmente de façon expo-nentielle avec l’intensité de l’exercice à partird’environ 50% de la VO2 max(3). Sur basede ces résultats, on comprend que pourbrûler beaucoup d’énergie au repos, il fautsortir de sa zone de confort. Une expériencemontre d’ailleurs que l’élévation du métabo-

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DOSSIER

(*) On peut estimer le métabolisme de repos à l’aide de laformule de Mifflin: MR = 19,7 x masse maigre (kg) + 413.0

élevée pour une raison très facile àcomprendre. Même inactifs, ces musclessont de gros consommateurs d’énergie(13 kcal/kg/jour) alors que par comparaisonles dépenses caloriques de la graisse(4,5 kcal/kg/jour) demeurent au ras despâquerettes (7, 12). La relation est à ce pointfiable qu’il existe une équation pour relier lesdeux paramètres (*). Voilà pourquoi bonnombre de professionnels de l’amaigrisse-ment recommandent à leurs patients desuivre un programme susceptible d’aug-menter leur masse musculaire et, partant,leur capacité de combustion. Ceux-là répon-dront «oui» à la question du titre. «Oui,la musculation fait maigrir!»

Et si on faisait plutôtle contraire?Soulever des poids, faire des pompes et desabdos. Est-ce vraiment la meilleure manièrede maigrir? «Pas sûr», rétorquent d’autresexperts en se basant sur des études plutôtdécourageantes. Par exemple, savez-vouscombien de muscle gagnerait (en moyenne)un adulte à l’issue d’un programme deplusieurs semaines d’entraînement en salle?Deux kilos à peine! Soit un surcoût calo-rique qui a été évalué à 26 Calories par jour(7). L’équivalent de ce que l’on trouve dansune seule carotte. Cette dépense riquiquirisque de ne pas avoir un gros impact sur laperte de poids. Du coup, ces spécialistesdénigrent les séries de crunchs que l’on faitles pieds coincés sous un meuble et recom-mandent plutôt des efforts en endurancequi, disent-ils, permettent de taper dans le

stock des graisses de réserve. Notezqu’ils n’éludent pas totalement

la question du métabolisme

de repos et affirment que les exercices enaérobie contribuent eux aussi à l’augmenter.C’est exact. Lorsqu’on fait le suivi de laconsommation d’oxygène dans les heuresqui suivent la fin de l’effort, on s’aperçoitque les valeurs restent élevées pendantquelques heures. Et même jusqu’à deuxjours en cas d’effort intense. Comment expliquer cette élévation alorsque l’effort est terminé? Dans un premiertemps, il semble qu’elle soit liée à l’inertiedes fonctions métaboliques qui mettent uncertain laps avant de revenir à leur étatd’équilibre. Dans l’heure qui suit la fin del’effort, on observe en effet que le débitcardiaque et la ventilation pulmonairerestent élevés. La température corporelleaussi. Chacun peut facilement faire l’expé-rience de ce phénomène: on se couche justeaprès une grosse séance d’entraînement eton n’arrive pas à s’endormir, tout simple-ment parce que cette «extra-chaleur»empêche le refroidissement qui conditionnel’entrée dans le sommeil. D’autres phéno-mènes entrent encore en ligne de compte.L’élévation transitoire de la dépense calo-rique répond aussi aux besoins nés desopérations de recyclage du lactate et à lareconstitution des réserves de créatine phos-phate et d’adénosine triphosphate (1, 2, 3).

Le boxeur Floyd Mayweatherpasse le test du ballon.

Quand celui-ci disparaît,l’heure est grave.

Ce schéma montrela diminutionprogressive dumétabolisme de reposaprès l’effort. Elleest rapide au débutet lente à la fin.Après 12 heures,la consommationd’oxygène resteencore supérieure àla normale d’environ20%. Tout bénef pourceux qui veulentperdre du poids.

lisme de repos après l’exercice est plusimportante chez les personnes sédentaires,peu habituées à ce programme, que chez lessportifs qui reviennent plus vite à la normale(25% de différence) (16). Quelques étudesont également été consacrées au type deséances qui permet l’accentuation du phéno-mène. L’entraînement par intervalles tientmanifestement la corde (3). L’alternanced’efforts intenses et de phases de repospermet effectivement de supporter descharges de travail supérieures à ce que l’onobtient dans des séances continues. Ce moded’entraînement sera donc à privilégier dansune démarche qui vise l’amaigrissement.Lors d’une expérience très intéressante, 45jeunes femmes se sont entraînées selondivers protocoles pendant 15 semaines. Al’issue de cette période, seules les partici-pantes qui avaient suivi le programmecomposé de séances par intervalles avaientperdu de la graisse (2,5 kilos en moyenne)alors que chez les autres, adeptes du continu,le poids n’avait pas bougé (20). Et la muscu-lation? Après tout, elle ressemble à uneséance d’entraînement par intervalles. Là

encore, il s’agit d’associer des exercices àforte intensité et des périodes de récupéra-tion. Alors la musculation permet-elle derelancer une perte de poids? Eh bien oui!Une étude a montré qu’une séance demusculation avec des charges lourdesproduisait une augmentation du métabo-lisme de repos largement supérieure à celled’un entraînement aérobie d’intensitémoyenne, et ce malgré un temps d’effortaussi court que sept minutes (3). Mais il fautimpérativement se donner à fond. Dans lecadre d’une autre expérience, des sujets qui

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Froid, moi? Jamais!

Les conditions de l’effort exercent unegrande influence sur la production d’extra-chaleur, exprimée ici en Calories perdues.Pour que celle-ci soit importante, il fautque l’effort soit à la fois long et difficile.Sur le schéma de gauche, on constate unecorrélation nette avec la durée jusqu’à unpalier d’environ 1 heure et demie au-delàduquel elle n’augmente pratiquement plus.Ci-dessus, on remarque qu’elle reste faiblepour des efforts modérés. Il fauteffectivement dépasser un seuil d’au moins60% du maximum aérobie pour qu’ellecommence à grimper vraiment.

s’entraînaient à des intensités très élevées,conservaient à la vingt-deuxième heure derécupération, un métabolisme de reposenviron 350 kcal/jour plus élevé qu’aprèsune séance de musculation traditionnelle(11). Cette élévation perdure jusqu’à48 heures après la séance (14). Sans douterépond-elle aux besoins de la synthèseprotéique. Quoi qu’il en soit, la musculationtrouve bel et bien sa place dans unprogramme d’amaigrissement. Peut-être pasde façon exclusive, mais en marge des séancesd’endurance, sûrement! En fait, il apparaît deplus en plus clairement qu’on tirera unmaximum de bénéfices en couplant lesméthodes d’entraînement. L’entraînementpar intervalles et la musculation s’avèrentparticulièrement efficaces à court termepour élever le métabolisme de repos. Lesséances de fond enracinent le phénomènede façon plus durable. En effet, lorsqu’oncompare les deux méthodes d’entraînementsur une longue période de temps, onobserve par exemple qu’à masse maigreégale, les individus qui suivent un entraîne-ment aérobie ont presque toujours unmétabolisme de repos supérieur à celui despersonnes qui font exclusivement de lamusculation (12). Précisons toutefois que laplupart des recherches qui permettentd’établir ce genre de généralités ont étéeffectuées sur des animaux (17). Chezl’homme, les résultats sont souvent plusdifficiles à interpréter et l’on trouve aussidans la littérature scientifique quelquesexpériences contradictoires que nous nousdevons de mentionner par honnêteté intel-lectuelle. Dans l’une d’entre elles, on entraî-nait un groupe de sujets pendant 20semaines. Cela avait permis une netteamélioration de leur VO2 max. Mais sanseffet tangible sur le métabolisme de repos(21). Dans le cadre d’une autre étude, leschercheurs avaient voulu évaluer l’impactde deux types d’entraînement: musculationseule et musculation combinée à de lamarche rapide (aérobie). Seuls les sujets dupremier groupe ont vu une augmentationde leur métabolisme de repos, alors qu’il adiminué chez ceux qui faisaient aussi de lamarche (4). Ces contre-exemples sontprobablement l’effet d’artefacts. Peut-êtreune mauvaise prise en considération de lagestion du poids. Quoi qu’il en soit, ilsdoivent inciter à la prudence et fairecomprendre qu’un gros travail de recherchereste absolument nécessaire pour percer àjour tous les secrets de cette adaptation.

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UNE EXPÉRIENCE QUI FAIT FROID DANS LE DOSEn mai 1995, le Québécois Benoît Roy réalisait la traversée à skis du Groenland. Cet ancien profes-seur de biomécanique au Département d’éducation physique de l’Université de Laval, aujourd’hui àla retraite, était accompagné pour l’occasion de l’explorateur-conférencier Bernard Voyer et dudocteur Thierry Pétry. Les trois explorateurs polaires mirent 22 jours pour boucler leur périple,tirant derrière eux des traîneaux chargés d’environ cent kilos de matériel. Une performance!Surtout dans l’année qui allait le voir fêter ses 60 ans. Comme le sens du défi s’associe chez lui àune grande curiosité scientifique, Benoît Roy profita de ce voyage pour mener à bien quelquesexpériences. Avec son collègue Angelo Tremblay, ils mirent au point un protocole expérimentalinédit qui consistait à faire le relevé précis de l’évolution de son métabolisme de repos avant etaprès l’expédition. Benoît Roy a donc passé six journées complètes dans la chambre métaboliquedu Laboratoire des sciences de l’activité physique (LABSAP). Il s’agit d’une pièce de huit mètrescarrés équipée d’appareils qui permettent d’enregistrer tous les échanges énergétiques. Lapremière mesure avait lieu deux mois avant le départ. Elle servait à établir les données de réfé-rence. Puis il entama un régime hyper-énergétique (+ 478 Calories par jour) dans le but de prendredu poids et de mieux résister aux exigences de l’expédition. A son retour, il avait effectivementmaigri de huit kilos et il lui fallut ensuite 12 semaines pour revenir à son poids initial. A chacune deces différentes étapes, on l’a remis dans la boîte pour surveiller son métabolisme de repos. Sanssurprise, celui-ci s’était élevé légèrement après la phase de gavage et marquait surtout une dimi-nution nette à son retour du Groenland. Mais la dernière mesure, celle qui survenait trois mois plustard, était de loin la plus attendue. On ne fut pas déçu. Elle réservait une énorme surprise. Car lemétabolisme de repos de Benoît Roy restait anormalement bas, soit 334 Calories de moins que lavaleur de référence (19). Certes, il s’agit de circonstances particulières. Mais on peut suspecter lamise en place d’un processus similaire chez les personnes qui adoptent un régime hypocaloriquepour perdre du poids. L’abaissement de leur métabolisme de repos se poursuit bien au-delà de lapériode de privation et il persiste alors même que le poids est revenu à ses anciennes valeurs.Voilà comment il arrive parfois qu’on finit par gagner du poids à chaque nouvelle tentative d’amai-grissement. Un scénario malheureusement classique. La solution? Mettre d’urgence en place unprogramme de remise en forme de façon à tirer le métabolisme de repos vers le haut avant mêmeque cette dépression au long cours ne cause trop de dégâts.

Benoît Roy, l’aventurierdu métabolisme

Les kilos de contradictionsDe tout ce qui précède, il ressort néanmoinsque le sport demeure le seul moyen efficacede relever son métabolisme de repos et degommer ainsi l’éventuel handicap d’unenature inique. Quel sport? L’idéal consiste àmarier les différents types d’effort. Caricatu-rons un peu: grâce aux exercices en aérobie,on perdra de la graisse; grâce aux séances demusculation, on prendra du muscle. On estdonc gagnant sur toute la ligne! Maiscomment se fait-il alors qu’une méthodetellement efficace en théorie, soit sicontestée sur le terrain? Le sport seul ne faitpas maigrir. De nombreux témoignagesvont dans ce sens. Les expériences elles-mêmes sont plutôt décevantes. La plupart

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du temps, la perte de poids reste faible oumême inexistante, sauf bien sûr pour ceuxqui s’entraînent comme des forcenés (5, 18).Mais tout le monde n’est pas capable decourir, nager, ramer ou faire du vélo à raisonde 4, 5 ou 6 heures par jour. En général, onse contente de trois ou quatre séances d’uneheure par semaine. Qu’est-ce que celachange sur la balance? Rien! C’est donc qu’ilexiste un frein puissant à la perte de poidspar le sport. Lequel? Pour répondre à cettequestion, il faut dire un mot de «l’effet-rebond» ou «l’effet yoyo» bien connu de ceuxqui s’adonnent aux régimes hypocaloriques.Ces expressions désignent la reprise rapidedes kilos perdus après la phase initialed’amaigrissement. Ce phénomène s’ex-plique évidemment par l’abaissement du

métabolisme de repos en situation de priva-tion. Pas besoin de faire un dessin. L’amai-grissement induit la reprise de poids! Or lemême phénomène se produit dans le cadred’une perte de poids par le sport. Cette rela-tion a déjà fait l’objet de plusieurs dizainesd’études dans le monde (90 environ)desquelles il ressort que la diminution vauten moyenne 15 Calories par jour par kilo-gramme de poids perdu. Mais attention! Làencore, on note d’énormes variations entreles individus. Pour les uns, la diminution estfaible (4,4 Calories/jour). Pour d’autres, elleest très importante (52,6 Calories/jour), cequi complique évidemment la tâche destabilisation. Comme pour les fluctuationsdu métabolisme de repos, on a essayé decomprendre les mécanismes sous-jacents à

DOSSIER

Sport et régime: même combat

Plus on maigrit, plus on abaisse son métabolisme.

Plus on abaisseson métabolisme, plus on risque

de regrossir!

cet éparpillement des valeurs. Ces travauxont donné lieu à des résultats dont le moinsque l’on puisse dire, c’est qu’ils furentsurprenants. Les chercheurs sont partis duprincipe énoncé plus haut: le métabolismede repos dépend grandement de la massemusculaire et donc son abaissement seraitproportionnel à la perte de masse maigre.Ils n’avaient pas totalement tort. Mais ilssous-estimaient un autre paramètre impor-tant: le taux de masse grasse. Lorsqu’onobserve attentivement l’évolution connexede la masse musculaire et du métabolismede base dans le cadre d’un régime amaigris-sant, on ne trouve pas de corrélationparfaite. Les chiffres gagnent en cohérence àpartir du moment où l’on introduit le para-mètre graisseux dans l’équation. En effet, lemétabolisme de repos dépend plus encoredes fluctuations de la masse grasse que decelles de la masse musculaire. A chaque foisqu’on perd un kilo de graisse, il diminued’environ 25 Calories par jour. Et cette rela-tion se vérifie même lorsque la perte degraisse résulte d’une opération de liposuc-cion (15). Explication? La graisse secrèteune hormone appelée leptine qui agitnotamment sur la thermogénèse, c’est-à-dire la production de chaleur de l’orga-

nisme. Elle contribue donc à augmenter leniveau de dépense calorique. Moins degraisse signifie moins de leptine. Et donc unmétabolisme qui tourne au ralenti. Voilàqui explique l’échec de la plupart desrégimes hypocaloriques ou même desprogrammes d’amaigrissement par le sport.On n’accorde pas suffisamment d’impor-tance au rôle déterminant de la graisse surla régulation du métabolisme de repos.C’est pourtant le nœud du problème!

Pourquoi il faut maigrir lentement

La perte de poids pose un problème simi-laire à celui de la quadrature du cercle. Ondoit concilier deux choses inconciliables! Ilfaut perdre de la graisse sans abaisser sonmétabolisme de repos. Or les deux méca-nismes vont de pair! Est-ce à dire que c’estdéfinitivement fichu? Non. Mais il fautprendre conscience de la difficulté de latâche. Et ruser. Par exemple: les expériencesmontrent que la réduction du métabolismede repos sera d’autant plus grande que laperte de poids est rapide (15). Dans cesconditions l’effet rebond est pratiquement

garanti! On en conclura qu’il faut se méfierde tous les programmes qui promettent unamaigrissement express et ne jamais se fixerde perdre plus d’un kilo par mois. Retenezl’adage: l’important n’est pas de maigrir vitemais de maigrir longtemps. Autre remarqueimportante: une perte de poids provoquéepar un régime hypocalorique fait davantagechuter le métabolisme de repos qu’un mêmeprogramme de diète mais couplé à unprogramme sportif. C’est la deuxième règleintangible: ne jamais entamer un régimehypocalorique sans la mise en place atte-nante d’un programme de remise en forme(5, 15). Reste un dernier paramètre àsurveiller de près: l’appétit! Il s’agit évidem-ment d’un élément déterminant si l’on neveut pas devoir se battre continuellementcontre ses propres envies quitte à craquerparfois et à dévaliser le frigo. Là, pour unefois, les données plaident clairement enfaveur du sport. On savait déjà que lesrégimes de privation perturbaient les filièresde la faim. Ce n’est pas le cas lors d’unprogramme de remise en forme. Aucontraire! L’augmentation de la dépenseénergétique liée à l’exercice exerce un effetfavorable sur le contrôle de l’appétit. Unefois n’est pas coutume, les études les plus

SPORT&VIE no 14414

Tony Martin:le sport ajuste

la faim.

récentes viennent confirmer une hypothèsequi date pourtant d’il y a plus d’un demi-siècle, selon laquelle notre façon de mangerdépend beaucoup de notre activitéphysique. Cette hypothèse suppose qu’ilfaut dépasser un certain seuil de dépensepour que le contrôle de l’appétit se mettesous la commande de facteurs intrinsèques(suivant les besoins énergétiques) et nonplus extrinsèques (suivant la disponibilitédes aliments et leur appétence) (5). Pourdire les choses autrement, les sédentaires onttendance à manger par gourmandise, alorsque les sportifs ont tendance à manger par

besoin. La grande difficulté consiste évidem-ment à situer précisément ce seuil qui, selontoute vraisemblance, varie selon les indi-vidus. Certains stabilisent très facilementleur poids en dépit d’une dépense énergé-tique peu élevée. D’autres doivent atteindredes charges de travail très importantes pourparvenir au même résultat. Nous l’avonsdéjà dit mais répétons-le une fois de plus enguise de conclusion: nous ne sommes paségaux devant la prise de poids!

Myriam Paquette, kinésiologueGuy Thibault, Ph.D.

Annabelle Dumais, M.Sc., kinésiologue

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Avec l’âge, le métabolisme de repos diminue d’en-viron 2 à 3% par décennie (8). C’est principalement

dû à la sarcopénie, c’est-à-dire la perte de masse musculaire par manque de sollicitations dans lecours du vieillissement (5). Mais il n’y a pas que cela. Les études qui prennent le soin de corrigerles valeurs montrent qu’à masse maigre égale, le métabolisme de repos des personnes âgéesreste inférieur à celui des plus jeunes. D’autres explications ont donc été avancées comme laréduction de l’activité du système nerveux sympathique, le ralentissement de la pompe sodium-potassium ou encore la diminution de taille des organes (8). Quoi qu’il en soit, le sport se révèle làencore un excellent moyen de relancer la machine. Surtout la musculation (13). En s’entraînantsur une période de trois à six mois, on arrive à gagner de la masse maigre. Jusqu’à 1 ou 2 kilos,quel que soit l’âge. On peut aussi enrayer le déclin du métabolisme de repos et même inverser latendance. Une expérience avait ainsi conclu à une augmentation comprise entre 6,8 et 9,0% (12).On notera au passage que les améliorations les plus probantes ont été enregistrées chez lespersonnes les moins en forme (13). Partant de loin, elles progressent forcément plus vite. Pourcelles qui, toute leur vie, ont veillé à rester en bonne condition physique, le sport permet néan-moins de conserver leurs acquis et de ralentir le déclin. Dans tous les cas de figure, il se révèleessentiel pour lutter contre les effets du vieillissement.

VIEILLISSEZ SANS MOI

DOSSIER

Les études montrent qu’on peutse battre à tous les âges de la viecontre le déclin de la forcephysique. Et même enregistrerquelques succès.