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LA NOTION DE POSTE VACANT. Problèmes de définition et de mesure Jean-Louis CAYATTE ERUDITE Université de Paris-XII La notion de poste vacant n’a pas de date de naissance dans l’histoire de l’analyse économique, tant elle paraît aller de soi. Elle se présente, en effet, comme le symétrique de la notion de chômeur. Si on note s L la population active et N le nombre d’actifs occupés, le nombre de chômeurs est par définition s U L N = Si on mesure la demande de travail d L également en nombre d’individus, le nombre des postes vacants est par définition d V L N = C’est le même N qui apparaît dans les deux définitions, sous la seule hypothèse simplificatrice que tout emploi requiert un individu (il n’y a pas d’emploi à temps partiel) et qu’un individu ne peut avoir plus d’un emploi. Le marché du travail se présente ainsi comme l’articulation de deux populations : une population d’individus et une population de postes. Les éléments de ces populations sont soit appariés ( N actifs occupés sur N postes occupés), soit à la recherche d’un appariement ( U chômeurs et V postes vacants). On voudrait ici attirer l’attention sur quelques difficultés qui se cachent derrière cette notion de poste vacant, difficultés de définition d’une part, difficultés de mesure d’autre part. Toutefois, il nous faudra d’abord préciser rapidement l’intérêt de la notion, car si le chômage est un problème social dès que sa durée individuelle atteint une certaine longueur, l’existence de postes vacants n’en est pas un en elle-même. I.– Intérêt de la notion Deux raisons au moins justifient qu’on s’intéresse à la notion de poste vacant. La première est que l’efficacité des chômeurs dans leur recherche d’emploi dépend du nombre d’emplois vacants existant au moment où ils cherchent. De ce fait, U n’évolue pas indépendamment de V. Nous ne nous attardons pas sur ce point fondamental, car il est très généralement admis. Depuis la fin des années 1970, en effet, les divers modèles du marché du travail ont en commun de représenter l’efficacité des chômeurs dans leur recherche d’un poste et celle des firmes dans leur recherche d’un salarié, par une fonction dite d’appariement. Celle-ci, par définition, donne le nombre d’appariements par période en fonction de U et V (et, éventuellement, d’autres variables) : ( ) , X f UV = . On en tire la proportion ( ) , f UV p U = des chômeurs qui trouvent un emploi et la proportion ( ) , f UV q V = des postes vacants qui trouvent un titulaire à chaque période. Moyennant quelques hypothèses simplificatrices, l’introduction de p dans l’équation d’évolution du chômage permet de déterminer la courbe de Beveridge. En posant ensuite des hypothèses sur la demande de travail, on peut déterminer l’évolution de V et donc, au total, l’équilibre du marché du travail (ou au moins l’équilibre des

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LA NOTION DE POSTE VACANT.Problèmes de définition et de mesure

Jean-Louis CAYATTEERUDITE

Université de Paris-XII

La notion de poste vacant n’a pas de date de naissance dans l’histoire de l’analyseéconomique, tant elle paraît aller de soi. Elle se présente, en effet, comme le symétrique de lanotion de chômeur. Si on note sL la population active et N le nombre d’actifs occupés, lenombre de chômeurs est par définition

sU L N= −Si on mesure la demande de travail dL également en nombre d’individus, le nombre despostes vacants est par définition

dV L N= −C’est le même N qui apparaît dans les deux définitions, sous la seule hypothèse

simplificatrice que tout emploi requiert un individu (il n’y a pas d’emploi à temps partiel) etqu’un individu ne peut avoir plus d’un emploi. Le marché du travail se présente ainsi commel’articulation de deux populations : une population d’individus et une population de postes.Les éléments de ces populations sont soit appariés ( N actifs occupés sur N postes occupés),soit à la recherche d’un appariement (U chômeurs et V postes vacants).

On voudrait ici attirer l’attention sur quelques difficultés qui se cachent derrière cettenotion de poste vacant, difficultés de définition d’une part, difficultés de mesure d’autre part.Toutefois, il nous faudra d’abord préciser rapidement l’intérêt de la notion, car si le chômageest un problème social dès que sa durée individuelle atteint une certaine longueur, l’existencede postes vacants n’en est pas un en elle-même.

I.– Intérêt de la notionDeux raisons au moins justifient qu’on s’intéresse à la notion de poste vacant.La première est que l’efficacité des chômeurs dans leur recherche d’emploi dépend du

nombre d’emplois vacants existant au moment où ils cherchent. De ce fait, U n’évolue pasindépendamment de V. Nous ne nous attardons pas sur ce point fondamental, car il est trèsgénéralement admis. Depuis la fin des années 1970, en effet, les divers modèles du marché dutravail ont en commun de représenter l’efficacité des chômeurs dans leur recherche d’un posteet celle des firmes dans leur recherche d’un salarié, par une fonction dite d’appariement.Celle-ci, par définition, donne le nombre d’appariements par période en fonction de U et V

(et, éventuellement, d’autres variables) : ( ),X f U V= . On en tire la proportion ( ),f U Vp

U=

des chômeurs qui trouvent un emploi et la proportion ( ),f U Vq

V= des postes vacants qui

trouvent un titulaire à chaque période. Moyennant quelques hypothèses simplificatrices,l’introduction de p dans l’équation d’évolution du chômage permet de déterminer la courbe deBeveridge. En posant ensuite des hypothèses sur la demande de travail, on peut déterminerl’évolution de V et donc, au total, l’équilibre du marché du travail (ou au moins l’équilibre des

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quantités à salaire donné). En un mot, sans théorie de l’évolution du nombre des postesvacants, pas de théorie de l’évolution du nombre des chômeurs.

Par ailleurs, et c’est la seconde raison de s’intéresser à eux, sans connaissance despostes vacants, pas de décomposition empirique du nombre des chômeurs en chômeursfrictionnels, chômeurs structurels et chômeurs conjoncturels. Le vocabulaire étant parfoisflottant, précisons rapidement la nature de ces trois types de chômage. Considérons, pour cefaire, un chômeur, donc un individu à la recherche d’un emploi.

– S’il existe, au même moment, un poste vacant tel que, si le chômeur le trouvait,l’appariement se ferait immédiatement, alors seule l’imperfection de l’information est causede son chômage : si le chômeur savait dans quelle firme se trouve ce poste, ou si la firmeconnaissait l’existence de ce chômeur, le nombre des chômeurs et celui des postes vacantsdiminueraient immédiatement tous les deux d’une unité.

– Il se peut aussi qu’il existe un poste vacant, mais tel que, même si le chômeur et lafirme qui l’affiche entraient en contact, l’appariement ne pourrait se faire immédiatement, soitparce que le chômeur a une qualification et que le poste vacant en demande une autre, soitparce le chômeur vit dans une région et que le poste se trouve dans une autre. Ce chômagen’est pas dû à l’imperfection de l’information. Il est dû à la différence de structure (parqualification ou par localisation) entre l’offre et la demande de travail. L’appariement nepourrait se faire qu’à terme, au prix d’un changement de qualification ou de domicile de lapart du chômeur ou d’une modification correspondante du poste.

– Enfin, il se peut qu’il n’existe aucun poste vacant pour notre chômeur, même au prixd’un changement de qualification ou d’un déménagement.

Traditionnellement, ces trois types de chômage ont été qualifiés respectivement defrictionnel, structurel et conjoncturel. Depuis les années 1980, l’expression chômagestructurel est, malencontreusement, employée pour désigner une toute autre grandeur : lechômage (total) de long terme, c’est-à-dire, d’ordinaire, le nombre des chômeurs d’uneéconomie en croissance régulière (économie dans laquelle toutes les variables croissent à tauxconstant, ou steady state, et dans laquelle le taux de chômage est donc stationnaire).L’expression chômage d’inadéquation (mismatch), parfois employée pour désigner l’ancienchômage structurel, n’est pas consacrée et il en résulte un flottement regrettable dans lesqualifications actuelles du chômage.

Mais peu importe ici ces questions de vocabulaire. La distinction n’a jamais perdu deson importance, car, en définissant les trois types de chômage par leur cause, elle indique lesremèdes : pour diminuer le chômage frictionnel, il faut améliorer l’information ; pourdiminuer le chômage structurel, il faut favoriser la formation professionnelle ou la mobilitégéographique ; enfin, pour diminuer le chômage conjoncturel, il faut inciter les firmes à créerdes emplois, par une politique de relance ou de réduction du coût salarial, suivant que lechômage conjoncturel est keynésien ou classique. On ne saurait donc sous-estimerl’importance de ces distinctions.

Mais, pour qu’elles soient opératoires, il faut en donner des définitions formelles tellesque leur somme soit bien égale au chômage total.

chômage total = chômage frictionnel + chômage structurel + chômage conjoncturelF S CU U U U= + +

Pour cela, on peut adopter les définitions suivantes, inspirées de Thirlwall (1969). Sion distingue n marchés du travail, définis par la qualification et le lieu, indicés par i, avecchacun in actifs occupés, iu chômeurs et iv postes vacants :

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– Un chômeur relève du chômage frictionnel s'il existe un poste vacant qu'il peut

occuper, et qu'il n'a pas encore trouvé. Formellement : ( )1

min ,n

F i ii

U u v=

=∑ .

– Un chômeur relève du chômage structurel si, compte tenu du chômage frictionnel, ilexiste un poste qu'il pourrait occuper au prix d'un changement de qualification ou de domicile.Formellement : S FU V U= − .

– Un chômeur relève du chômage conjoncturel s’il n’existe pas de poste vacant pourlui. Formellement : cU U V= − . Par conséquent, le nombre des chômeurs conjoncturels estaussi égal à la différence l'offre et la demande de travail.

( ) ( )s d s dU V L N L N L L− = − − − = − .On vérifie que la somme des trois chômages ainsi définis est égale au chômage total :

( ) ( ) [ ]min , min ,F S c i i i iU U U u v V u v U V U + + = + − + − = ∑ ∑Si la décomposition théorique ainsi définie est sans ambiguïté, la qualité de la

décomposition empirique dépend de la finesse avec laquelle sont connus les postes vacants.Au total donc, que ce soit pour analyser son évolution ou sa nature, et c’est un des

progrès de l’analyse du marché du travail de ces 20 ou 30 dernières années, il n’est plusenvisageable aujourd’hui d’étudier le chômage sans étudier les postes vacants. Encore faut-ilêtre capable de les observer, et donc d’abord d’en donner une définition non ambiguë.

II. Problèmes de définitionOn ne trouve guère de définition directe des postes vacants autre que dV L N= − (on

note par exemple que le New Palgrave n’a pas d’entrée vacancy). C’est dans la manière dedéterminer leur nombre que les modèles du marché du travail révèlent la conception exactedes postes vacants que retiennent leurs auteurs.

On peut cependant partir de la définition du chômage pour essayer de la transposer auxpostes vacants. Selon la définition du BIT, un chômeur est une personnea) apte à travailler (en pratique, âgée de plus de 15 ans),b) sans emploi,c) à la recherche d’un emploi (ou qui en a trouvé un qui commence ultérieurement),d) et disponible pour prendre un emploi (en pratique, prête à travailler dans les 15 jours).

Les trois dernières caractéristiques se transposent aisément aux postes :b’) être sans titulaire,c’) faire l’objet d’une recherche de titulaire de la part de la firme,d’) et pouvoir être occupé sans délai (ou dans un délai de 15 jours, si on ne craint pas l’excèsde purisme dans la symétrie).

A nos yeux, les caractéristiques b’ et c’ ne posent aucun problème. La caractéristiqued’ ne peut être maintenue telle quelle. Mais c’est surtout la transcription de a en a’ qui serévèle délicate.

Commençons par d’, la disponibilité. La sagesse, pour un directeur des ressourceshumaines, est d’anticiper les besoins de main d’œuvre. Si, par exemple, un salarié doit partir àla retraite à une date connue et qu’il faut un mois pour recruter la personne qui le remplacera,il est souhaitable de commencer la recherche un mois avant cette date, de manière que lesdeux salariés se succèdent sans interruption. Faudra-t-il, dans un tel cas, dire qu’il n’y a pas deposte vacant ? C’est ce que laissent entendre des formulations comme celle de Phelps (1968p.135) qui qualifie notre dL de « demande de travail totale » (sans d’ailleurs définir dedemande partielle) et la définit comme le nombre de salariés que la firme accepteraitd’employer (si elle pouvait trouver un nombre aussi grand qu’elle veut de travailleursacceptant de travailler au taux de salaire que la firme anticipe). Il nous semble qu’il s’agit là

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de l’emploi désiré plutôt que de la demande, qui doit être définie comme la somme del’emploi désiré et des postes vacants.

Quant à la première caractéristique, comment la transcrire ? Le plus simple serait dedire a’) être un poste; mais la question est de savoir repérer un poste lorsqu’il n’est pasoccupé.

La seule définition explicite, digne de ce nom, des postes vacants que nous ayonstrouvée, celle de l’enquête britannique sur l’embauche et les postes vacants (National Surveyof Engagements and Vacancies) montre bien le problème. Voici comment, selon Layard,Nickell et Jackman (1991, p. 272), elle définit un poste vacant (vacancy) : c’est un « jobcurrently vacant, available immediately and for which the firm has taken some specificrecruiting action during the past four weeks ». Comme on le voit, seules les trois dernièrespropriétés sont évoquées, car dire qu’une vacancy est un job, ce n’est pas désigner quelquechose d’observable dans la firme quand le job n’a pas de titulaire.

Le recours à l’intuition ne conduit pas plus loin. Certes, si on songe à une entreprise detransport par camion, on peut se représenter un camion à l’arrêt, faute de conducteur : le postevacant apparaît comme le siège vide du conducteur. Mais si on songe à un cabinet deconsultants, un poste vacant doit-il nécessairement se matérialiser par une chaise vide devantun ordinateur éteint ? Plus généralement, une unité de production, pour laquelle l’effectifoptimal est de n personnes peut d’ordinaire fonctionner aussi avec n–1 personnes, au prixd’une organisation différente et d’un rendement inférieur. Il peut aussi fonctionner avec n+1personnes. Il n’y a que pour des effectifs très petits et des tâches très particulières que cettesouplesse serait éventuellement impossible. Comme l’organisation s’adapte au nombre detravailleurs effectivement présents, un poste occupé peut toujours être repéré par la présencede son titulaire ; il n’en va pas de même du poste vacant, qui ne se voit pas nécessairement.C’est d’ailleurs une source de tension fréquente entre l’employeur et ses salariés, que d’avoirune notion différente du nombre « normal » de salariés dans tel service.

Une première manière de traiter ce problème est de considérer que le total des postes,occupés et vacants, est une donnée. C’est ce qu’ont fait Blanchard et Diamond dans unmodèle de 1989 qui a fait date. Pour opposer les modifications de la conjoncture auxmodifications du seul marché du travail (les « chocs de réallocation »), ils ont proposé deraisonner sur un nombre total de postes, qui se présente donc comme l’équivalent, pour lespostes, de ce qu’est chez les hommes la population totale dont s’extrait la population active. Anos yeux, il s’agit plus d’un procédé d’exposition que d’une affirmation selon laquelle ilexisterait effectivement un nombre total de postes observable au sens où la population totaleest observable. Mais Blanchard et Diamond ont été suivis par beaucoup de personnes plusséduites par les vertus de leur modèle que désireuses d’en préciser les hypothèses (parexemple, Jacques et Langot (1993)).

Une position légèrement différente consiste à affirmer que pour qu’un poste soitvacant, la firme doit posséder du capital oisif. Les auteurs qui, à notre connaissance, sont allésle plus loin dans cette direction sont Layard, Nickell et Jackman, dans leur manuel de 1991.Pissarides, qui, à bien des égards, fait autorité en matière d’appariement, présente égalementdes modèles dans lesquels la firme doit d’abord acquérir du capital, avant de pouvoir procéderà la recherche d’un travailleur. Dans son article de 1985 (p.109) par exemple, il écrit que « inorder to engage in the search process that lead to jobs matches, [les firmes] must have an idlemachine. ». Et cette idée est reprise dans les manuels, par exemple celui de Cahuc etZylberberg. Dans l’édition de 1996 (p.437), ces derniers écrivent prudemment que le coûtd’un emploi vacant provient « souvent d’une immobilisation de certains équipements ». Danscelle de 2001 (p.447), où le poste vacant est traité comme un actif, le coût d’un emploi vacantest défini comme la somme des « dépenses nécessaires à l’entretien du poste de travailinoccupé » et à la recherche d’un salarié.

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Pour éviter les malentendus, précisons que nous n’entendons pas exclure que lavacance d’un poste puisse créer du capital oisif (ce sera le cas si le conducteur de camion oule consultant vient à décéder ou à démissionner inopinément). Mais c’est là un accident peuintéressant pour la théorie économique qui privilégie à juste titre les analyses de long terme oules moyennes ou proportions sur de grands nombres.

Nous allons traiter ces différents aspects de la question, dans l’ordre suivant. Aprèsavoir rapidement éliminé un problème connexe, qu’on peut appeler pour faire bref, problèmede l’absentéisme (A), nous examinerons l’intérêt et les limites de la formulation qui proposel’existence de postes oisifs comme équivalents des inactifs (B), nous distinguerons la naturede la disponibilité pour un poste et pour un chômeur (C) et nous examinerons l’idée que lesentreprises doivent avoir du capital oisif avant d’embaucher (D). Enfin, nous présenterons unmodèle de synthèse (E) qui vérifie la cohérence de nos conclusions, à savoir :– il n’y a pas lieu de supposer une population totale de postes a priori ;– les postes vacants n’ont pas d’autre existence physique que celle d’offre d’emploi ;– un poste vacant n’implique pas de capital oisif, car les firmes déterminent simultanémentleur demande de travail et leur demande de capital.

A.– L’absentéismeEn décembre 2000, le Ministère du Travail publiait une note d’information qui

contenait une définition explicite des postes vacants. Elle désignait comme vacants– les postes libérés par un salarié mais non encore occupés par son successeur ;– les postes des salariés en arrêt de travail pour cause de maladie ou en congé de maternité.

Le premier cas ressemble à un accident ou à un défaut de gestion du personnel. Quantau second, logiquement, on devrait y ajouter les postes des salariés en congé payé, voire enformation permanente.

Plus généralement, dans une firme, tous les salariés ne sont pas au travail tous lesjours. C’est là l’occasion d’une forme de vacance de poste. Cet absentéisme joue certainementun rôle dans la détermination de l’effectif désiré par une firme. Bien que cette question soitloin d’être inintéressante, et bien qu’elle ne soit pas sans quelques points communs avec laquestion que nous traitons, nous simplifierons en considérant dans tout ce qui suit que toutsalarié occupe son poste, sans prendre en compte les absences qui ne rompent pas le contratde travail.

N.B. Pour ce type de vacance, on ne rencontre pas les difficultés de mesure que nousévoquerons dans le III. En effet, contrairement à ce qu’affirme cette note du ministère, on aune idée du nombre de ces postes. L’Enquête annuelle sur l’emploi de l’INSEE indique lenombre de salariés qui ont travaillé 0 heure dans la semaine qui précède l’enquête : ilsreprésentaient 10% des salariés occupés en mars 1998 (12,6% en mars 1995).

B.– Inactivité des individus et oisiveté de postesDe même qu’un individu peut être actif occupé, chômeur ou inactif, Blanchard et

Diamond (1989) proposent de considérer qu’un poste peut être occupé, vacant avec offred’emploi publiée (unfilled with a vacancy posted) ou vacant sans offre d’emploi (idlecapacity). C’est une belle symétrie entre les hommes et les postes, mais celle-ci n’estnullement le but de nos deux auteurs. Au contraire, leur modèle brise dès le départ ceparallélisme, en négligeant les passages des hommes entre activité et inactivité, en considérantdonc l’offre de travail sL (dans nos notations) exogène.

Leur but, on l’a dit, est de distinguer deux sources de dynamique du marché dutravail :– les chocs de conjoncture qui font varier créations et destructions d’emploi en sens contraire,

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– les chocs dits de « réallocation » qui font varier créations et destructions d’emploi dans lemême sens.

Ils se donnent donc un nombre K total de postes :dK L I N V I= + = + +

où I désigne le nombre de postes vacants sans offre d’emploi. Les éléments de cet ensemblede K postes donnés sont homogènes : s’ils sont occupés, ils sont à l’origine d’une recette– soit positive et supérieure au taux de salaire ; ce sont alors des postes productifs,– soit nulle, et dans ce cas, ce sont des postes improductifs.

Cette profitabilité d’un poste suit un processus de Markov : à chaque période, unemploi profitable cesse de l’être avec une probabilité 0π et un emploi improductif devientproductif avec une probabilité 1π . La demande de travail dL est, à chaque instant, égale aunombre d’emplois productifs. La firme licencie les travailleurs qui occupent un poste quicesse d’être productif, elle publie une annonce pour les postes qui deviennent productifs etsont vacants. Les travailleurs démissionnent au taux (exogène) ds . Les firmes publient lespostes qui deviennent vacants à la suite d’une démission, mais évidemment pas ceux qui ledeviennent à la suite d’un licenciement.

Il en découle que la proportion des K postes qui sont productifs est, à chaque période,( )

( )N V

cN V I

+=

+ +Par définition, à l’état stationnaire, le nombre de postes productifs qui deviennentimproductifs est égal au nombre de postes improductifs qui deviennent productifs, soit :

( ) ( ) 10 1

0

N V I N V Iππ ππ

+ = ⇒ + =

et donc1

1 0

c ππ π

=+

Cette proportion mesure le degré de l’activité agrégée (ou plutôt de l’activité agrégéepotentielle, car la proportion des emplois productifs occupés sera toujours inférieure à c). Parailleurs, la proportion des K postes qui changent d’état est

0 110

0 1 0 1

π ππππ π π π

= + + et se présente comme un indice de l’intensité de réallocation.

Comme l’offre sL N U= + et le nombre total K de postes sont donnés, lecomportement du marché du travail est complètement déterminé par le système suivant desdeux équations d’évolution de l’emploi et des postes vacants (que nous transcrivons dans nosnotations et en temps discret)

( )( ) ( )

1 1 1 1 0 1

1 1 1 1 1 1 0 1

,

,t t t t d t t

t t t t d t t t

N N m U V s N N

V V m U V s N I V

π

π π− − − − −

− − − − − −

= + − −

= − + + −qui se lisent comme dans tous les modèles :

– l’emploi d’aujourd’hui est égal à l’emploi d’hier, augmenté des appariements etdiminué des séparations 1tsN − . Simplement, Blanchard et Diamond distinguent les démissions

1d ts N − et les licenciements 0 1tNπ − .– le nombre de postes vacants d’aujourd’hui est égal au nombre de postes vacants

d’hier, diminué des appariements, augmenté des seules démissions (par hypothèse, les

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hommes ne peuvent pas devenir inactifs ; les licenciements sont des suppressions de postes) etdes nouveaux postes vacants, le terme entre parenthèses.

Les auteurs réécrivent ensuite ces équations de manière à faire apparaître les deuxindices qu’on a calculés précédemment, l’indice d’activité et l’indice de réallocation. Mais ilest clair que, dans l’équation d’évolution des postes vacants, le terme entre parenthèses n’estrien d’autre que la variation d’effectif désiré. Se donner l’offre de travail et un nombre depostes total tous deux exogènes, c’est une manière d’éviter d’expliciter l’origine des nouveauxpostes. Pour ne pas les faire surgir du « néant », les auteurs proposent qu’ils sortent d’unesorte de limbe ou de nuage d’Oort où ils sont en nombre assez grand pour les besoins dumodèle. Mais dès qu’on veut étudier le long terme, il faut supposer que la population activecroît (fût-ce à un taux exogène). Et avec une offre de travail croissante, il faudra bien, tôt outard, se résoudre à faire augmenter ce nombre K total de ces postes, aussi grand qu’on veut,mais pas infini. Il faudra bien alors admettre que ces postes sont créés, et non issus d’un stock« préexistant », et dès lors poser explicitement le problème de la croissance K. Commel’indique d’ailleurs la notation même, il faut faire intervenir explicitement le capital dans lemodèle, et c’est pour éviter cette lourdeur que Blanchard et Diamond ont proposé ce procédéd’exposition.

Nous en concluons qu’il n’est pas raisonnable de s’appuyer sur cet article, dontl’intérêt n’est pas en cause, pour prétendre que les postes existent physiquement avant que leSort, sous les espèces de la conjoncture, modifie leur qualité d’improductif en qualité deproductif. Il vaut mieux considérer qu’il existe une asymétrie entre les hommes et les postes :les hommes peuvent être occupés ou chômeurs, mais ils peuvent aussi être inactifs. Unethéorie de l’offre de travail doit expliquer en fonction de quoi un inactif décide de deveniractif et un actif inactif. Par opposition, les postes qui cessent d’être occupés soit deviennentvacants, soit disparaissent ; ils n’ont pas de statut équivalent à celui d’inactif. Alors que lesactifs sont d’anciens inactifs, qui redeviendront des inactifs (sauf décès prématuré), les postesviennent en quelque sorte du néant et y retournent en fin de « vie ». Le total des actifs et desinactifs est une donnée pour l’économiste. Il n’y a pas de total équivalent pour les postes.

On peut dire la même chose en déplaçant un peu l’accent : créer un poste vacant, c’estsimplement agir pour embaucher un individu, enclencher un processus de recrutement quidemande du temps. Supprimer un poste vacant, c’est simplement cesser d’agir dans ce sens.C’est une décision à effet immédiat. (Le drame de la plupart des chômeurs, c’est qu’ils n’ontpas la possibilité équivalente ; ils ne peuvent pas choisir l’inactivité sans un coûtgénéralement prohibitif).

Techniquement, il en résultera que, si le chômage est une grandeur héritée du passé (lenombre des chômeurs d’aujourd’hui dépend de celui d’hier), le nombre des postes vacants estune grandeur tournée vers l’avenir (le nombre des postes vacants aujourd’hui dépend dunombre de postes qu’on veut voir occupés demain).

Pour être complet sur cette dissymétrie, il faut signaler que la suppression d’un posteoccupé, elle, implique généralement des coûts de licenciements. Mais, si le coût est accepté, leposte disparaît sans laisser de trace (sauf éventuellement, à court terme, du capital oisif), alorsque l’ancien actif occupé continue à exister physiquement, soit comme chômeur, soit commeinactif.

C.– Disponibilité du poste et disponibilité du chômeurDire que les postes vacants sont immédiatement disponibles, c’est dire comme Phelps

(1968 p.135) que dL est le nombre de personnes que les firmes veulent effectivementemployer. Mais, si tel est le cas, ces firmes se comportent de manière absurde en acceptantqu’il n’y ait que N postes occupés. Voyons-le en partant d’un exemple simpliste que nousrendrons progressivement plus complexe. Supposons une firme dont l’effectif est de 1 000

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salariés, dans laquelle le nombre des séparations est de 10 personnes par mois et voyons cequi se passe si le DRH publie 10 offres d’emplois par mois.

Simplifions en supposant que les offres d’emploi sont publiées le 1er jour du mois etque les contrats de travail commencent au 1er du mois qui suit l’accord entre l’employeur et lesalarié. Supposons enfin que les contrats de travail soient signés de manière régulière au coursdu mois.

Demande de travail et emploi désiréCommençons en supposant qu’un recrutement prend un mois, c’est-à-dire que les

conditions du marché du travail sont telles que la proportion des postes vacants publiés quitrouvent un titulaire dans le mois est de 100%. Alors, si le DRH publie 10 annonces le 1er

février, les 10 postes qui se libéreront le 1er mars seront pourvus ce même 1er mars.Dans le langage courant, on dira que la politique du DRH est d’éviter toute vacance de

poste et qu’il n’y a donc pas de postes vacants. C’est ainsi que s’expriment, on l’a vu, leministère français et le ministère britannique. Il est également tentant de dire que la demandede travail est de 1 000 (c’est ainsi que s’exprime Phelps), et que les offres d’emplois sont lemoyen d’avoir un nombre de salariés égal à la demande. Mais, pour rester cohérent avec ladéfinition que nous avons donnée dans l’introduction, il faut dire que, au mois de février, lafirme a un emploi 1000N = , un nombre de postes vacants 10V = et donc une demande detravail 1010dL = .

Stock et flux de postes vacantsSupposons à présent que le marché du travail évolue de manière telle qu’un

recrutement prend désormais deux mois ou que la proportion des offres d’emplois qui sontsatisfaites dans le mois est de 50%. Alors les 10 annonces du 1er février ne donneront que 5embauches le 1er mars. Par conséquent, le 1er mars, le DRH devra renouveler 5 annonces. Si,par ailleurs, il en crée 10 nouvelles, le stock des offres d’emplois sera donc de 15, et le 1er

avril, 7,5 en moyenne seront pourvues. Le stock passera à 17,5, etc.

Période N en débutde période

posteslibérés

postespubliés

Xembauches

postes nonpourvus enfin depériode

dL

1 1000 10 10 5 5 10102 995 10 15 7,5 7,5 10103 992,5 10 17,5 8,75 8,75 10104 991,25 10 18,75 9,375 9,375 1010

… … … … … … …∞ 990 10 20 10 10 1010

Si le DRH s’obstine dans cette politique, l’emploi désiré (1 000) ne sera jamais atteint.La politique à suivre est évidente : il faut publier 20 postes dès la première période. Lenombre de postes désirés reste N* = 1 000, et la demande de travail passe à 1020dL = .

Au lieu de supposer, comme nous venons de le faire, un nombre de séparations parmois constant, il est plus satisfaisant de supposer un taux de séparation constant. Si on notecelui-ci s, alors, plus généralement, pour maintenir l’effectif occupé, il faut qu’à chaquepériode, le nombre X d’appariements soit égal au nombre des séparations :

X sN=

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Si q est la proportion du stock d’offres d’emploi qui est satisfaite à chaque période (qest l’inverse de la durée de vie d’une offre d’emploi), le nombre d’embauches est X qV= .Donc, le nombre de postes qu’il faut publier à chaque période est

sNVq

=

Bien entendu, il n’y a aucune raison que l’emploi désiré soit constant.

Croissance de l’emploi désiréSi l’emploi désiré à la période suivante est plus élevé que l’emploi actuel, le nombre

de postes à publier devient : tsN pour le remplacement + ( )1t tN N+ − pour l’accroissement,toujours à multiplier par la durée de vacance des postes publiés, soit :

( )1t t tt

sN N NV

q++ −

=

Comme l’indique la présence de 1tN + dans la formule de tV , la dynamique desemplois vacants regarde vers le futur.

Illustration avec un emploi désiré croissant au taux de 1% par période :t N* N en début

de périodesN V X postes non

pourvusLd

1 1000 1000 10 40 20 20 1040,02 1010 1010 10,1 40,4 20,2 20,2 1050,43 1020,1 1020,1 10,2 40,8 20,4 20,4 1060,94 1030,3 1030,3 10,3 41,2 20,6 20,6 1071,5… … … … … … … …25 1269,7 1269,7 12,7 50,8 25,4 25,4 1320,5… … … … … … … …

Cette fois, les grandeurs absolues (N, V, X, Ld) ne tendent pas vers un état stationnaire :elles croissent à taux constant, et ce taux leur est commun.

Ces exemples simplistes (l’évolution de l’emploi désiré tombe du ciel, le taux deséparation s et la proportion q des postes vacants qui trouvent un titulaire sont constantes,

alors que, comme on l’a vu, ( ),m U Vq

V= est plus satisfaisant) suffisent, nous semble-t-il,

pour étayer les propositions suivantes :– Si q est inférieur à 1, le stock des postes vacants existant à un moment donné est

supérieur au nombre des embauches, et la demande de travail est donc supérieure à l’emploidésiré.

– C’est le stock d’offres d’emploi à la date t qui influe sur l’évolution du chômage.Ecrire la fonction d’appariement ( ),f U V , c’est dire qu’un poste vacant n’est rien d’autrequ’une offre d’emploi.

– Une entreprise qui a en permanence son emploi désiré a néanmoins des postesvacants si son taux de séparation s n’est pas nul ou si son emploi désiré augmente.

– En cas de retournement conjoncturel, supprimer un poste vacant, c’est simplementretirer une offre d’emploi.

L’emploi désiré, dont l’évolution détermine, avec q, celle de V, n’est pas un objectif enlui-même. Il n’est qu’un moyen de maximiser le profit. Il faut introduire cette maximisation

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pour regarder de plus près l’idée que la firme ne peut pas embaucher sans capital oisifpréalable.

D.– Le capital oisif préalableUn exemple de modèle exigeant du capital oisif avant publication des postes vacants

est présenté par Layard, Nickell et Jackman (1991 p.273).Les auteurs doutent que les firmes puissent, en général, afficher des offres d’emploi

avant de posséder le capital correspondant (ce qu’ils appellent des pre-emptive vacancies).Une firme, expliquent-ils, annonce qu’elle a besoin de travail en signalant qu’elle a des postesvacants. Mais comme un recrutement prend du temps, seule une partie des postes publiés sontpourvus à chaque période. Puis, ajoutent nos auteurs, les firmes peuvent « attract more labourby announcing more vacancies ». En annonçant plus de postes vacants qu’elle n’a l’intentionde faire de recrutement, la firme recruterait plus ou plus vite. Mais, font remarquer Layard etalii, il y a une limite à ce procédé : « La raison en est que le poste vacant doit être authentique(genuine). Si une firme publie y postes vacants, elle doit être prête à embaucher y personnes(ayant la bonne qualification), s’il arrive qu’elles se présentent. »

Examinons le problème, avec nos notations. Plaçons-nous dans le cas formellementtrès simple de l’état stationnaire (ce qui nous dispense de dater nos variables) avec un taux deséparation s et des embauches en proportion q du nombre de postes vacants, soit

sV Nq

=

Admettons que le salaire réel w est donné, ainsi que le stock de capital et le capital partête. Alors, en univers certain, l’emploi désiré est égal au stock de capital divisé par le capitalpar tête, soit N = m. Négligeons le coût d’un poste vacant. Pour déterminer la demande detravail et ses deux composantes (N et V), il faut passer par la proportion ν du total des postes(postes occupés et postes vacants) qui sont occupés à l’état stationnaire :

qVN qs

qVN V q sVs

ν = = =+ ++

Si la firme veut que le nombre de postes occupés N soit égal à m, il faut donc que lademande Ld= N + V soit telle que

( ) ( )N V m V mν ν+ = + =ou encore

sV mq

=

Donc, avec m postes occupés et s mq

postes vacants, soit une demande de travail d mL mν

= > ,

elle fera un profit, le produit par tête étant noté y et le taux de salaire w :( )y w mπ = −

Plaçons-nous à présent en univers incertain et admettons que la firme est neutre àl’égard du risque. Elle maximise donc l’espérance du profit. Il est indifférent de raisonner sur

, oudL N V . Le plus simple est de le faire sur dL . Si la firme fixe dL L= , l’emploi N devientune variable aléatoire qui peut prendre les valeurs 0, 1, 2, … n,…L avec les probabilités de laloi binomiale ( ),B L ν , d’espérance Lν . Quant au profit, il dépend de la valeur n de N qui seréalise :

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( ) sisi

y w n n mym wn n m

ππ= − ≤= − >

Il en découle un résultat partiel facile à établir : si la firme fixe L m≤ ,( ) ( ) ( )E y w E NΠ = −

L’espérance de profit étant une fonction croissante de l’espérance de l’emploi, parmi toutesles valeurs L m≤ , la meilleure est L = m, et l’espérance de profit s’écrit

( ) ( )mE y w mνΠ = −On note que l’espérance de l’emploi est inférieure au nombre m de postes

« physiques » qu’implique le stock de capital.La firme peut-elle avoir intérêt à fixer sa demande à L= m + 1 ? Si elle le fait, la

production devient une variable aléatoire

10 1 2 1

0 2 ... ...... ...m

n m m

y y ny my myY

p p p p p p++

=

où les probabilités sont celles de la loi binomiale ( )1,B m ν+ , et donc notamment 11

mmp ν ++ = .

Donc l’espérance mathématique de la production est( ) ( ) 1

1 1 mmE Y y m yν ν ++ = + −

et celle du profit( ) ( ) ( )1

1 1 1mmE y m y w mν ν ν++Π = + − − +

Il est donc avantageux de prendre le risque d’avoir un salarié sans poste (et donc oisif)si ( ) ( ) ( )11 1my m y w m y w mν ν ν ν++ − − + > −

soitln 1

ln

wy

− >

En retenant la valeur de 75% pour le rapport w/y, et 98% pour ν (avec q = 33% par semaineet s = 0,7% par semaine), les auteurs arrivent à la conclusion que si le nombre de postes estinférieur à 67, il est imprudent de publier des postes vacants à l’avance. Comme le chiffre estvalable pour une qualification donnée, ils concluent que seules les firmes de plus de 500salariés par unité de recrutement (en pratique, l’établissement) peuvent se permettre de publierdes postes à l’avance.La démonstration, on le voit, est tout à fait intéressante, mais laisse sceptique. Moins parceque la productivité marginale du dernier travailleur est strictement égale à zéro, que parce quec’est le nombre de postes publiés qui déterminent l’embauche dans ce modèle.

Revenons en effet sur le rapport entre appariements et stock de postes vacants. Si lenombre d’embauches désiré est de X par unité de temps, il faut publier X/q postes par unité detemps. La mauvaise manière de comprendre est de dire par exemple: vous voulez unélectricien ? Il faut deux semaines pour en recruter un. Dites donc que vous en voulez deux, etvous en aurez un au bout d’une semaine. Le raisonnement correct est : vous voulez recruterdes électriciens au rythme de 1 par semaine. Puisqu’il faut deux semaines pour en recruter un,le nombre de recrutements que gère le service du personnel est en permanence de 2. Si vousdéclarez en vouloir deux, vous en aurez deux dans 2 semaines. Et si les conditions du marchédu travail se modifient de manière qu’il faut maintenant 3 semaines pour en recruter un, et quevous voulez toujours un électricien par semaine, le service du personnel gèrera 3 dossiers derecrutements en permanence. Ce n’est pas V qui cause X, mais X et q qui déterminent V.

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Layard, Nickell et Jackman n’en disconviendraient sans doute pas, puisque leur but, avec cemodèle, était de montrer que ce n’était pas sur V, mais sur les salaires que les firmes devaientjouer pour modifier la vitesse d’embauche.

Pour le problème qui nous occupe, à savoir la nature des postes vacants, nous nepouvons que déplore la dissymétrie dans le traitement du capital et du travail, qui n’a de sensqu’à court terme. A long terme, la demande de capital et celle de travail sont codéterminées,et comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant, le nombre de postes occupés estnormalement égal au nombre de postes qu’implique le stock de capital. Il est absurde pourune firme d’avoir un comportement qui conduirait systématiquement à des postes« physiques » vacants, c’est-à-dire à du capital oisif.

E.– Demandes de capital et de travail simultanéesConstruisons le modèle le plus simple possible avec demande de capital et de travail

simultanées. C’est un modèle inspiré de celui de Pissarides (1990). Puisque nous intégrons lecapital, il nous faut raisonner avec un modèle de long terme, donc un modèle de croissance.Nous posons deux hypothèses simplificatrices décisives pour la légèreté de l’exposé : noussupposons que la fonction d’appariement est homogène de degré 1 et que l’offre de travailcroît à un taux exogène. Puis nous introduisons une demande de travail déterminéesimultanément avec la demande capital (le tout à prix donnés).

Homogénéité de la fonction d'appariementIl n’est pas déraisonnable d’admettre que la fonction d’appariement est homogène de

degré 1 (voir Petrongolo et Pissarides 2001):( ) ( ), ,f kU kV kf U V=

Alors, la proportion q des postes vacants qui sont pourvus et la proportion p deschômeurs qui trouvent un emploi à chaque période ne dépendent que de la tension θ sur lemarché du travail :

nombre de postes vacants taux de postes vacantsnombre de ch meurs taux de ch mage

s

s

VV vL

UU uL

θ = = = = =ô ô

En effet( ) ( ), 1,1 ,1

f U VX Uq f f mV V V

θθ

= = = = = ( ) ( ),f U VX Vp m

U V Uθ θ= = =

L’offre de travailOn peut représenter les flux entre les divers états possibles pour les hommes de la

manière suivante :

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Si on note E les entrées dans la vie active et S les sorties1 1 1

s s n ut t t t t t t t i t i tL L E S E E E S s N f U− − −− = − = + = +

L’équation d’évolution du nombre des chômeurs s’écrit alors( )1 1 1 1 1 1

ut t u t t t t i t tU U s N m U f U Eθ θ− − − − − −= + − − +

ce qui se lit : le nombre des chômeurs d’aujourd’hui est égal au nombre des chômeurs d’hier,plus les actifs qui ont perdu leur emploi et en recherchent un autre, moins ceux qui sont sortisdu chômage, soit parce qu’ils ont trouvé un emploi, soit parce qu’ils deviennent inactifs, plusceux des nouveaux actifs qui n’ont pas trouvé un emploi immédiatement.

Comment varie le nombre des actifs ? Cela dépend1) de la variable démographique « population en âge de travailler ». Celle-ci dépend elle-même de l’évolution de la fécondité, de la mortalité et des migrations.2) de la variation des taux d’activité, qui elle-même dépend des conditions de travail (duréedu travail et taux de salaire notamment), des conditions de chômage (indemnisation duchômeur, plus ou moins grande facilité à trouver un emploi) et des conditions d’inactivité(pensions de retraite, pension d’invalidité, etc.).

Simplifions tout cela en négligeant les variations conjoncturelles du taux d’activité etposons une première hypothèse à la fois simple et peu différente de ce qu’on observe :admettons que la population active varie à un taux constant positif n.

( )1 1 11s s s s st t t t tL L n L L nL− − −= + − =

Une seconde hypothèse est de supposer qu’on ne peut trouver un emploi qu’après unephase de recherche. Alors, un inactif passe nécessairement par le chômage avant de trouver unemploi. Cette hypothèse est assez satisfaisante parce que l’essentiel des personnes qui entrentdans la vie active sont des jeunes. En leur affectant un taux de chômage de 100% au momentoù ils entrent sur le marché du travail, cette hypothèse leur donne un taux de chômage moyenplus élevé qu’au reste de la population, ce qui est conforme à l’observation.

Avec cette hypothèse :

1 1 1

1 1 1

0 et donc n ut t t

u st t t i t i t tu st t i t i t

E E EE S E s N f U nLE nL s N f U

− − −

− − −

= =

− = − − =

= + +

Inactivité

Emploius N

Chômage

( )m Uθ θ

if U

uE

is N

nE

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Alors, le nombre des chômeurs s’écrit( )( )( )

1 1 1 1 1 1

1 1 1 1 1 1 1 1 1

1 1 1 1 1 1

ut t u t t t t i t t

st u t t t t i t t i t i t

st t t t t t

U U s N m U f U E

U s N m U f U nL s N f U

U sN m U nL

θ θ

θ θ

θ θ

− − − − − −

− − − − − − − − −

− − − − − −

= + − − +

= + − − + + +

= + − +ce qui se lit : le nombre des chômeurs d’aujourd’hui est égal au nombre des chômeurs d’hier,plus le total des séparations, moins le nombre de chômeurs qui ont trouvé un emploi, plusl’accroissement de la population active.

On passe à l’équation d’évolution du taux de chômage très simplement :( ) ( )

( )

( ) ( )( )

1 1 1 1 1 1 1

1 1

1 1 1 1 1

1 1 1

11 1

s st t t t t t tt

s st t

tt t t t ts n

t

t t t t

U s L U m U nLUL LU u s u m u nL

nu n s m u s n

θ θ

θ θ

θ θ

− − − − − − −

− −

− − − − −

− − −

+ − − +=

= + − − +

++ = − − + +

soit( )1 1

11

1 1t t

t ts m n su u

n nθ θ− −

− − += ++ +

La trajectoire temporelle du taux de chômage dépend de la trajectoire temporelle de latension sur le marché du travail. Une condition nécessaire et suffisante pour que le taux dechômage tende vers une valeur stationnaire est que l’expression ( )1 1t tmθ θ− − elle-même tendevers une valeur stationnaire. Nous allons écrire un modèle de demande de travail tel que

( )1 1t tmθ θ− − converge vers la valeur stationnaire ( )* *mθ θ . Alors, ces valeurs stationnaires dutaux de chômage et de la tension sont liées par la formule :

( )*

* ** ** *

n s n suv vn s m n s mu u

θ θ+ += =

+ + + + Cette équation est la relation entre le taux de chômage et le taux de postes vacantsstationnaires, c’est-à-dire la courbe de Beveridge, en taux, à long terme.

Inactivité

Emploius N

Chômage

( )m Uθ θ

if U

u si iE s N fU nL= + +

is N

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On démontre que cette courbe est décroissante et se situe plus à droite si le taux deséparation est plus élevé, le taux de croissance de la population active est plus élevé ou si laqualité du processus d’appariement se détériore (on peut toujours écrire ( ) ( )m gθ µ θ= , oùµ est un paramètre positif qui mesure la qualité du processus).

La demande de travailIci encore, nous faisons les hypothèses qui simplifient le plus l’exposé.

HypothèsesConformément à ce suggère l’observation, il convient d’adopter des modèles de

croissance dans lesquels l’économie tend vers une situation où toutes les variables croissent àtaux constant. Si on pose un progrès technique qui croît à taux constant, alors seul le progrèstechnique qui augmente l’efficacité du travail est compatible avec un état régulier(Démonstration dans Barro et Sala-I-Martin, 1995, Annexe du chapitre 1). La fonction deproduction s’écrit alors

( ),t t t tQ F K A N= avec ( )1 ttA g= +

On suppose que la fonction de production est « néoclassique », c’est-à-dire que lesproductivités marginales des facteurs sont positives et décroissantes, les rendements d’échellesont constants et les conditions d’Inada sont respectées.

De même que nous avons supposé qu’un individu ne pouvait avoir un emploi qu’enpassant par le chômage, nous supposons qu’un poste ne peut pas être pourvu sans être d’abordvacant. S’il est vacant en t, il ne peut être occupé avant t+1.

Le programme

*u

*v

0

0dµ >

00

dsdn>>

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Le comportement de la firme se déduit de la maximisation du profit :

( )( )0

1 ,1

t

t t t t t t t t t tt

p F K A N w N c V p Ir

π∞

=

= − − − + ∑

Par rapport aux modèles de croissance habituels, il y a peu de différence : le coût dutravail se décompose en coût salarial des personnes occupées et coût des postes vacants. Cecoût est égal aux dépenses de publicité et de recrutement qui sont faites pour pourvoir leposte. Il ne comprend aucun coût de capital oisif. Répétons également qu’il s’agit du stock depostes vacants : nouvelles offres d’emploi et renouvellement des offres non satisfaites. Le fluxdes nouvelles offres n’apparaît pas en tant que tel.

Comme dans les modèles macroéconomiques simplifiés, on prend le prix de l’uniquebien produit comme numéraire, et on fait abstraction de l’inflation. Alors, 1tp = pour toutesles dates, tw est le coût salarial réel et tc le coût réel d’un poste vacant. On suppose égalementque les firmes ne se trompent pas beaucoup ou pas longtemps, ce qu’on stylise en disantqu’elles font des prévisions parfaites. Nous admettons donc qu’elles connaissent l’évolutiondu coût salarial et d’un poste vacant.

A la date 0, la firme a un stock de capital K0 et N0 postes occupés, qui définissent sasituation initiale. Elle doit décider du montant I0 de ses investissements, qui vont faire varierson capital, et du nombre V0 des postes vacants qu’elle ouvre. Ces grandeurs dépendent dustock de capital K1 désiré pour la date 1 et du nombre de postes occupés N1 désirés pour ladate 1. Décider I0 et V0, ou bien K1 et N1, c’est équivalent.

Plus généralement, à la date t :( )( )( )

1

1

1

1t t t

t tt

t

I K K

N s NV

m

δ

θ

+

+

= − −

− −=

Conditions d’optimalitéLa résolution du programme conduit aux résultats classiques :1) le capital par unité de travail efficace doit être constant (mais ce n’est pas

nécessairement celui de la date 0, qui est donné) :

* 0t

t t

K k tA N

= ∀ >

2) le stock de capital tK doit être tel qu’à chaque période, sa productivité marginalesoit égale à son coût d’usage ( )r δ+ .3) l’effectif occupé doit évoluer de manière qu’à chaque période, sa productivité marginalesoit égale à son coût marginal. La décision sur l’effectif désiré à la date t+1 se prenant à ladate t, nous écrirons cette égalité

( ) ( ) ( ) ( ) ( )1

1 2 1 1 1 11

' , 1 1t tt t t t t

t t

c cA F K A N w r s tm mθ θ

++ + + + +

+

= + + − − ∀

où ( )2 1 1 1' ,t t tF K A N+ + + désigne la dérivée partielle de la fonction de production par rapport àson second argument et mesure donc la productivité marginale du travail (efficace). Le calculmontre que le coût marginal, le membre de droite, s’écrit comme la somme algébrique de troistermes.

Comme la fonction de production est à rendements d’échelle constants, la productivitémarginale du travail ne dépend que du capital par unité de travail efficace. Celui-ci étantconstant, on peut écrire :

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( ) ( )12 1 1 1

1 1

' , *tt t t

t t

KF K A N kA N

φ φ++ + +

+ +

= =

et

( ) ( ) ( ) ( ) ( )1

1

* 1 1 0t tt t

t t

c cA k w r s tm m

φθ θ−

= + + − − ∀ >

Comme il est logique, les trajectoires de l’effectif désiré et celle du stock de capitaldépendent de la trajectoire du coût salarial, de celle du coût des postes vacants, et de celle dela tension sur le marché du travail. Le problème se simplifie de manière décisive si onsuppose que les trajectoires du taux de salaire et du coût de recrutement ont le même taux decroissance que le progrès technique. L’hypothèse peut être acceptée au regard desconsidérations suivantes :

a) il n’est pas déraisonnable de supposer que le coût de recrutement est proportionnelau salaire, d’une part parce qu’il revient plus cher de recruter un travailleur à salaire élevé etd’autre part, parce que le service du personnel est un service à fort coefficient de maind’œuvre. Ceci autorise à faire évoluer les deux grandeurs au même taux.

b) quant à faire évoluer le taux de salaire comme le progrès technique, c’estévidemment une réminiscence des modèles de croissance simples dans lesquels on n’explicitepas les postes vacants.

Posons donc( )avec 1 t

t t t t tw wA c cA A g= = = +Alors, la productivité marginale du travail (efficace) s’écrit :

( ) ( ) ( ) ( ) ( )

( ) ( ) ( ) ( )

1 1

1 1 1 1

1

* 1 1

1* 11

t t t

t t t t t

t t

w c ck r sA A m A m

r c ck w sg m m

φθ θ

φθ θ

+ +

+ + + +

+

= + + − −

+= + − − + Le membre de gauche étant égal à une constante, nous avons la relation de récurrence quidétermine la trajectoire de la tension sur le marché du travail. On démontre que cettetrajectoire a la forme particulière suivante : c’est une droite horizontale qui prendimmédiatement sa valeur de long terme, donnée par

( ) ( ) ( )( )( ) ( )( )1 1 1

*1 *

c r g sm

g k wθ

φ+ − + − =+ −

( )tm θ est donc stationnaire. Comme m est une fonction strictement monotone (décroissante)de tθ , tθ est également stationnaire. Alors que le chômage, à une date donnée, est unevariable prédéterminée, dont la valeur ne peut pas passer immédiatement à sa valeur de longterme, la tension tθ est une variable libre, qui « saute » immédiatement à sa valeur d’équilibre

*θ . Il en découle que tV s’adapte, à chaque période, au chômage de manière que la tensionmaintienne sa valeur *θ .

La valeur stationnaire de θ boucle le modèle, comme le montre la représentation de*θ dans le repère (u*,v*) dans lequel nous avons représenté la courbe de Beveridge de l’état

régulier.

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Au total donc, le capital croît au taux ( )( )1 1 1n g n g+ + − +! et l’effectif désiré autaux n (de manière que le capital par unité de travail efficace employé soit constant). A l’étatrégulier, le nombre de postes de travail impliqué « physiquement » par le capital estexactement égal à l’effectif désiré

***t

tt

KNA k

=

Il n’y a donc aucun capital oisif. Quant aux postes vacants, au nombre de * stv L , ils n’ont pas

d’autre existence « matérielle » que celle d’offres d’emploi. C’est en même temps que la firmeaffiche * s

tv L postes vacants, recrute ( )* * stm v Lθ personnes et acquiert le supplément de

capital nécessaire pour les faire travailler. Ainsi disparaît toute asymétrie entre le traitementdu capital et le traitement du travail qui ferait d’abord prendre des décisions sur le capital, etensuite sur l’effectif désiré.

La cohérence de ce modèle nous garantit que les choix que nous avons retenus dansnotre définition des postes vacants sont cohérents et opérationnels :

– les postes vacants sont un stock d’offres d’emploi ;– ils s’ajoutent aux postes occupés, qui sont au nombre impliqué par la combinaison

optimale de travail et de capital ;– les postes vacants n’impliquent la présence d’aucun capital oisif ; il n’y a donc pas

lieu de compter un coût du capital inemployé dans le coût des postes vacants ; seuls doiventintervenir les coûts de recrutement ;

– l’effectif désiré est inférieur à la demande de travail : les firmes ne souhaitent pasemployer N +V personnes, mais N seulement. Il n’y a pas lieu de distinguer des offres« réelles » (genuine) qui correspondraient à des postes disponibles et des annonces faites « àl’avance » (pre-emptive), contrairement à la distinction de Layard, Nickell et Jackman (1991).Bien que toutes les offres soient genuine, elles sont toutes pre-emptive.

u

v

*u

*v

00

dsdn>>

0dµ >

00

dgdµ

>>

00000

drdsdcdwdδ

>>>>>

J.L. CAYATTE La notion de poste vacant

Dijon 27 mai 2002 -19-

Si on accepte, comme nous le proposons, l’idée que V est le stock des offres d’emploisnon satisfaites, il reste à dire un mot des connaissances empiriques que nous en avons.

III.– Carence de la mesure en FranceLe nombre des chômeurs étant calculé mensuellement, il serait souhaitable de disposer

d’une série mensuelle des postes vacants, ventilés dans des catégories correspondant à cellesdes demandeurs d’emploi. On est assez loin de cette situation.

a) L’ANPE publie chaque mois, non pas le stock d’offres d’emploi non satisfaites enfin de mois, mais deux flux :

– celui des offres d’emplois enregistrées au cours du mois (276 000 en mars 2002),– et celui des offres d’emplois satisfaites au cours du mois (193 000 en mars 2002).Ces chiffres sont des indicateurs très approximatifs. L’ANPE a toujours indiqué

qu’elle pensait ne pas recevoir toutes les offres d’emploi. On a lu récemment sous la plumed’un membre de la Direction des Etudes et Statistiques de l’ANPE (Delvaux, 2001) que « si laquasi-exhaustivité du recueil des demandes est avérée, on peut considérer que seules moins dequatre offres d’emploi sur dix sont déposées à l’Agence, et ceci de manière inégale selon lesmétiers et les qualifications », mais sans références pour justifier cette proportion de 1 sur 4.

b) Alors qu’elle distingue les demandeurs d’emplois à durée indéterminée à tempsplein (catégories 1 et 6), à durée indéterminée à temps partiel (catégories 2 et 7) et lesdemandeurs de CDD (catégories 3 et 8), l’ANPE distingue les offres d’emplois qu’elleappelle durables (contrats de plus de 6 mois), ceux qu’elle appelle temporaires (les contratsde 1 à 6 mois), et ceux qu’elle appelle occasionnels (les emplois de moins d’un mois).

c) L’ANPE a publié le stock en fin de mois des offres d’emplois durables jusqu’enmai 2000, puis a cessé de le faire sans donner d’explication.

d) On trouve cependant des courbes de Beveridge pour la France, celle de Jacques etLangot (1993) par exemple. Mais il est étonnant que les auteurs se contentent d’une note debas de page pour indiquer que « la création et l’implantation progressive de l’ANPE ontintroduit des modifications dans la comptabilité des emplois vacants » et soient aussi concissur la manière dont ils ont corrigé les chiffres brut (1993, p.141 note 20).

Les courbes qui font autorité sont des courbes de Beveridge représentées dans l’espace( )*, *uθ plutôt que ( )*, *v u . L’équation du taux de chômage stationnaire

( )** *

n sun s mθ θ

+=+ +

donne en effet la relation entre la tension stationnaire *θ sur le marché du travail et lenombre des chômeurs. On appelle également courbe de Beveridge le graphe de cette équation,qui a une forme similaire à celle de la courbe (u*,v*). Or on dispose d’indicateurs de latension :

– La DARES et l’ANPE publie trimestriellement le ratio entre les flux d’offres et lesdemandes d’emplois enregistrées sur les 6 derniers mois.

– On peut également recourir à la proportion des entreprises qui déclarent que, si leurscarnets de commandes étaient mieux garnis, elles ne pourraient pas augmenter leur productionfaute de personnel (indicateur de goulot d’étranglement de main d’œuvre).

– Sur longue période, on utilise un indicateur issu de l’enquête trimestrielle deconjoncture de l’INSEE dans l’industrie et le bâtiment : le pourcentage d’entreprisesindustrielles déclarant avoir des difficultés de recrutement (par type de personnel (ouvriersspécialisés, ouvriers qualifiés, cadres). Malgré sa subjectivité, il semble une bonne variable deremplacement. C’est cette représentation de la courbe de Beveridge qui est la pluscommunément acceptée pour la France. On la trouve dans les comptes de la Nation (INSEE2001, p.151) ou, par exemple, dans le rapport Pisani-Ferry (2000 p.42).

J.L. CAYATTE La notion de poste vacant

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d) L’ANPE elle-même semble prendre cette direction, puisqu’elle se tourne vers uneenquête Difficultés de recrutement, dont le questionnaire est administré à l’occasion del’enquête annuelle Anticipation des entreprises enquête téléphonique auprès de 14 000entreprises (Voir Zanda, 2001).

e) A notre connaissance, personne n’a fait en France l’équivalent du travail de Cohenet Solow (1967), qui cherchaient une mesure de la pression de la demande sur le marché dutravail ou de la tension (degree of tightness) sur le marché du travail. Ils partaient, eux aussi,du constat qu’à l’époque, il n’y avait pas de statistique directe sur les offres d’emploi nonsatisfaites et se demandaient dans quelles conditions ils pouvaient tirer parti de l’indice duHelp-Wanted Advertising (petites annonces publiées dans la presse), calculé par le NationalIndustrial Conference Board.

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