193

La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je
Page 2: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

LisaKleypas

LasagadesTravisTome3

Lapeurd’aimer

Page 3: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre1—Nedécrochepasm'exclamai-jeenentendantlàsonneriedutéléphone.Prémonition ? Paranoïa ? Quelque chose en tout casm'alertait. Il y avait comme unemenacecontenuedanscettesonnerie.—L'indicatifest28-1,annonçaDane,monpetitami,aprèsavoirjetéuncoupd'œilaunuméroquis'affichaitsurl'écrandigital.Il ajouta le contenud'uneboîtede sauce tomatebio sur les cubesde tofuqu'il venaitde fairesauterdans lapoêle.Daneétaitvégétalien.Dans lespâtesà labolognaise,nousremplacions laviandehachéepardesprotéinesdesoja.Celaauraitsuffiàfairesanglotern'importequelTexandesouchemaisparamourpourDane,jem'efforçaisdemeconformeràsesgoûts.Deuxcentquatre-vingt-un.UnappelenprovenancedeHouston.Celasuffitàdéclencherenmoiun-débutd'angoisse.—C'estsoitmamère,soitmasœur.Laisse lerépondeur,suppliai-je. Jene leuravaispasparlédepuisaumoinsdeuxans.Letéléphonecontinuaitdesonner.Danes'apprêtaitàjeterdanslapoêleunepoignéederâpédesojasurgelé.Ilsuspenditsongeste:—Tunepeuxpasindéfinimenttournerledosàtespeurs,Ella.C'estbiencequetuconseillesàteslecteurs,non?J'étais chroniqueuse au magazine Atmosphère. Ma chronique, Mlle Indépendante vousrépond,traitaitdesrelationsamoureuses,desexualitéetdecultureurbaine.J'avaisdébutéenpubliantdepetitsarticlesdansunerevueétudiante.Quandj'avaisquittélafac,les responsables d'Atmosphère m'avaient contactée pour me proposer cette chroniquehebdomadaire. Je répondais par voie de presse aux gens quime demandaient conseil,mais ilarrivaitégalementquej'envoiemaréponsesouspliprivéàceuxquienmanifestaientledésir.Leservice était payant. Pour mettre du beurre dans les épinards, je publiais aussi à l'occasionquelquesarticlesdansdiversmagazinesféminins.—Jenetournepasledosàmespeurs,medéfendis-je.Jetourneledosàmafamille.Dring.Dring.—Décroche,Ella.Tupréconisestoujoursd'affrontersesproblèmes.—Lorsquejem'adresseauxautres.Encequimeconcerne,jepréfèreignorermesproblèmesetleslaisserpourrirsurpied.Jem'approchaidutéléphone.—Miséricorde,c'estmamère!Dring.—Allez, insistaDane.Franchement,qu'est-cequipeutt'arriverdepiresituréponds?Jefixaisl'appareilavecuneaversionteintéedeterreur.—Parexemple,qu'auboutdetrentesecondesdeconversationelledisequelquechosequimerenvoieenanalysejusqu'àlafindemesjours.Dring.—Situnedécrochespas,turisquesderuminertoutelanuitentedemandantcequ'elletevoulait.Exaspérée,j'arrachaibrutalementlecombinéàsonsocle.—Allô?

Page 4: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Ella?Dieumerci!Ilvientdeseproduireunecatastrophe!Lequotidiendemamère,CandyVarner,étaitremplidecatastrophesetdetragédies.C'étaitunemère«forcedefrappe».Lareinedumélodrame.Maiselleavait ledondebrouiller lespistessibienque trèspeude gens avaient suspectéque le chaos régnaitderrière lesportes, closesdenotremaison.Afin de protéger au mieux le mythe de la famille éclatante de bonheur, elle avait exigé lacomplicitédesesdeuxfilles.Taraetmoiavionscédésansconditions.Priseparfoisd'unelubie,ilarrivaitàmamèredesepréoccuperdenotresort.Maisellenetardaitpasàs'énerveretàhurler.Taraetmoiavionsapprisàreconnaîtrelessignesprécurseursdesessautesd'humeur.Nousétionsunpeucommeceschasseursdetornadesquigravitentprèsdelacolonnedestructriceentâchantdenepassefaireaspirer.Jepassaidansleséjour.—Bonjour,maman.Quesepasse-t-il?—Jeviensdeteledire.Unecatastrophe!Taraadébarquécematinsansprévenir.Elleaunbébé!—Tuveuxdire...àelle?—Évidemment.Quevoudrais-tuqu'ellefasseaveclebébéd'uneautre?Tuignoraisqu'elleétaitenceinte?Enproieàunebrusquenausée, je tâtonnaivers ledossierducanapé, réussisàm'yappuyer,etm'assissurl'accoudoir.—Jel'ignorais,oui,articulai-je.Jen'aiaucunenouvelled'elle,tusais.—Ethineprendspaslapeinededécrochertontéléphonepourappeler.Tuvistavie,Ella.Tunepensesdoncjamaisànous?Çanecomptedoncpaspourtoi,lafamille?Commed'habitude,lesmotsmemanquèrent.Moncœurs'étaitmisàfairetoutunbaroufdansmapoitrine, tel le tambour d'un sèche-linge rempli de chaussures de tennis. Une sensationterriblementfamilière,surgiedutréfondsdemonenfance,meparalysa.Maisjen'étaisplusunepetitefille.J'étaisunefemmeadulte,titulaired'undiplômeuniversitaire,j'avaisunmétier,unerelationstableetuncercled'amisfidèles.Jeparvinsàobjecteraveccalme:—Jevousaienvoyédescartesdevœux.—Totalementinsincères,riposta-t-elle.Dansladernière,pourlafêtedesMères,pasuneallusionàtoutcequej'aifaitpourtoi,àtouslesbonsmomentspassésensemble.Je pressai la paume contre mon front. Avec un peu de chance, si j'appuyais assez fort,j'empêcheraismoncerveaud'exploser.—Maman,est-cequeTaraestavectoi?—Biensûrquenon.Jenet'appelleraispassic'étaitlecas.Elle...Mamèrefutinterrompueparunbraillement.Unbébéencolère.—Tunecomprendsdoncpas?reprit-elle.Ellem'alaissélegosseetelleafichulecamp!Qu'est-cequejesuiscenséefaire,àprésent?—Tunesaispasquandellereviendra?—Non!—Etlepère?Ellenet'apasditdequiils'agissait?—Lesait-elleseulement?Elleagâchésavie,Ella.Plusaucunhommenevoudrad'elle.—PasforcémentIlyabeaucoupdemèrescélibatairesdenosjours.—Ellessontquandmêmestigmatiséesparlasociété.Souviens-toidecequej'aidûendurerpourvousévitercela,àTaraetàtoi.—Aprèstonderniermariage,nousaurionspréfèresubirlescritiquesduvoisinage!

Page 5: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Rogerétaitunbravetype,répliquamamèred'untonglacial.Notreunionauraitpufonctionnersi tasœuret toiaviez faituneffortpourvousentendreavec lui.Cen'estpasma fautesivousl'aveztoujoursrepoussé.Ilvousaimait,maisvousn'avezjamaisvoululuidonnersachance.Jelevailesyeuxauplafond.—C'était-justementçaleproblème,maman.Rogernousaimaitunpeutrop.—Jenevoispascequeluveuxdire.—Oh,jet'enprie!Nousétionsobligéesdecoincerlapoignéedelaportedenotrechambreavecledossierd'unechaisepourl'empêcherd'entrerenpleinenuit.Jenepensepasqu'ilvoulaitjustenousborderdansnotrelit.—Tuinventes.Personnenetecroitquandturacontescegenredebobards,Ella.—Taramecroit.—EllenesesouvientpasdeRoger.Ellel'acomplètementoublié,rétorquamamère,unenotedetriomphedanslavoix.— Justement, cela te paraît normal que des pans entiers d'une enfance se volatilisent de lamémoire?Tunepensespasqu'elledevraitavoirconservéneserait-cequequelquesbribesdesouvenirs?—Jepensequec'estlapreuvequ'ellesedrogueouqu'ellepicole.Danslafamilledetonpère,iln'yaquedescamésoudesalcooliques.—C'estaussiuneséquelleencasdetraumatismeoudemaltraitancedansl'enfance.Maman,tuescertainequeTaran'estpassimplementalléefairesescourses?—Biensûrquej'ensuiscertaine.Ellealaisséunmotd'adieu.—Tuasessayédelajoindresursonportable?—Naturellement!Prenantlemorsauxdents,mamèrepoursuivit:—Jevousaisacrifiélesplusbellesannéesdemavie,jenevaissûrementpasrecommencer!Jesuistropjeunepourêtregrand-mère.Jeneveuxpasqu'onsachequej'aiunpetit-fils.Tuvasvenirlechercher,Ella,oujeleplaceàl'assistancepublique.L'intonationcoupantedesavoixmefitfrémir.Jesavaisquecen'étaientpasdesparolesenl'air.—Tunevasrienfairedutout,répliquai-je.Surtout,nedonnecebébéàpersonne.Laisse-moiletempsdesauterdanslavoiture,jeseraiàHoustondansquelquesheures.—J'avais un rendez-vous ce soir. Je vais être obligée d'annuler, marmonna-t-elle. —Désolée,maman.J'arrive.Jeparstoutdesuite.Tutienslefortenm'attendant,d'accord?D'accord?Seulelatonalitémerépondit.Elleavaitraccroché.J'étaisennage,etlesoufflefraisdel'airconditionnésurmanuquem'arrachaunfrisson.Unbébé.L'enfantdeTara.Ilnemanquaitplusqueça!songeai-je,désemparée.Jeretournaidanslacuisineàcontrecœur.— Avant ce coup de fil, je pensais sincèrement que le pire qui pourrait nous arriver ce soir,c'étaienttesbolognaises,geignis-je.Daneavaitôtélapoêledelaplaque.IlversaunliquideorangevifdansunverreàMartinietmeletendit,sesyeuxvertsemplisdecommisération.—Tiens,goûte-moiça.Jebusunegorgéedujusépaisàlasaveuraigredouceetgrimaçai.—Merci.Jemedisaisjustementquej'avaisbesoind'unebonnepresséedecarotteaugingembrepour me remettre. Mais il faut que je sois raisonnable, ajoutai-je en posant le verre. Je vaisprendrelevolant.Danem'enveloppait toujoursdece regardcompréhensif. Soncalmeet sonsolidebonsensme

Page 6: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

faisaient l'effet d'une couverture douillette. Blond, mince, bronzé, il arborait l'allure saine etdécontractéedeces typesquiont toujours l'airderentrerde laplage. Ilportaitd'ordinaireunJean,unT-shirtenchanvreetdessandalesécologiques,commes'ilsetenaitprêtàpartirsuruncoupdetêtedansunerégionauclimatéquatorial.Sonidéedesvacancesidéales?Untrekdesurviedanslajungle,avecpourseuléquipementunegourdeennylonetuncanif.Iln'avaitjamaisrencontrénimamèrenimasœur,maisjeluiavaisbeaucoupparléd'elles.Petitàpetit,presquefurtivement,j'avaisexhumélessouvenirs,telsdefragilesvestigesarchéologiques.J'avaisdumalàévoquermonenfance,pourtantj'étaisparvenueàluientracerlesgrandeslignes,àcommencerparledivorcedemesparentsetledépartdemonpèrequandj'avaiscinqans.Jen'avaisplusjamaiseudenouvellesdelui.Jesavaisseulementqu'ils'étaitremarié,qu'ilavaiteud'autresenfantsetque,danscettedeuxièmevie,iln'yavaitpasdeplacepourTaraetmoi.Simauvaispèrequ'ilaitété,jenepouvaisguèreluitenirrigueurd'avoirfuiàtoutesjambes.Cequimegênait,enrevanche,c'étaitqu'il soitpartiensachantpertinemmentauxmainsdequelmonstreilnousabandonnait.Peut-êtres'était-ildit,poursejustifier,quedesenfantsseraientdetoutefaçonmieuxauprèsdeleurmère.Peut-êtreavait-ilespéréqueCandysemontreraitplusmaternelleavec le temps.Oupeut-êtreavait-ileupeurquesesfillessoientàl'imagedeleurmère:Uneperspectiveintolérable.Aucunhommen'avaitcomptédansmavieavantquejerencontréDaneàl'UniversitéduTexas.Ilétaitgentil;attentionné, jamaisexigeant.Etpour lapremièrefois, jem'étaissentieensécuritéavecquelqu'un.Pourtant,endépitdetoutcela, ilmanquaitquelquechoseànotrecouple.Cequelquechosemegênait, tel un gravier coincé dans la chaussure, et nous empêchait de partager une véritableintimité.Ilposalamainsurmonépauleetaussitôtlasensationdefroidquimetenaillaitdiminua.—D'aprèscequej'aicrucomprendre,dit-il,Taraestpasséedéposerunbébécheztamère,quiseproposedelevendresureBay?—Elleveutlelaisserauxservicessociaux.Ellen'apasencorepenséàlemonnayer.—Etqu'attend-elledetoi?—Quejeladébarrassedubébé.Jenepensepasqu'elleaitréfléchiau-delà.Jecroisaifrileusementlesbras.—EtTara?s'enquitDane.Personnenesaitoùelleest?Jesecouailatête.—Tuveuxquejet'accompagne?proposa-t-il.—Non,répondis-je.Tuastropàfaireici.Dane venait de monter sa boîte. L'entreprise vendait des instruments de mesure quipermettaient auxparticuliersdevérifierque leurhabitat était sain. Lesaffairesmarchaient sibien qu'il avait un peu de mal à suivre. En tout état de cause, il n'avait pas le temps dem'accompagneràHouston.—Deplusajoutai-je,jenesaispascombiendetempsilmefaudrapourretrouverTara,nidansquelétatellesera.—Etsiturestesaveclebébésurlesbras?Non,attends,jevaisreformuler:commentvas-tufairepournepasresteraveclebébésurlesbras?—Jepourraispeut-êtreleramenericiquelquesjours,letempsde...Ilsecoualatête.—Non,pasdebébéici,Ella.Jemerenfrognai.—S'il s'agissait d'unoursonpolaire oud'unbébépingouindesGalápagos, je parieque tun'y

Page 7: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

verraispasd'objection.—Pouruneespèceenvoiededisparition,jeferaisuneexception.—Cebébécourtungranddanger.Ilestavecmamère!—Écoute,vaàHoustonetrègleleproblème.J'attendraitonretour.Seule,précisa-t-ilencored'untoncatégorique.Ils'emparadelapoêle,versalasaucetomateausojasurlespâtesaublécomplet.—Mangeunmorceauavantdepartir,conseilla-t-il.Iltefautunenourritureénergétique.—Non,merci.Toutçam'acoupél'appétit.Daneeutunsouriremoqueur.—Monœil ! Je te parie quedansdixminutes tu t'arrêtespour te commanderunhamburger.Drapéedansunevertueuseindignation,jemerécriai:—Tucroisquejeseraiscapabledetetromper?—Avecunautrehomme,non.Maispourunhamburger,certainement,rétorqua-t-ilavecmalice.

Page 8: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre2Jeprofitaides troisheuresderoutequiséparentAustindeHoustonpour feuilleter l'albumdemessouvenirsd'enfance,ettenterdecomprendrepourquoiTaraavaiteuunbébésiellen'étaitpasprêteàêtremère.J'avaisdevinétrèstôtquel'excèsestnocifentout.Ycomprisdansledomainedelabeauté.Parchance,j'avaisunphysiqueagréable,sansplus.Blondeauxyeuxbleus,avecunteintdiaphanequivire au rose vif sous le soleil du Texas. Je mesure un mètre soixante-cinq, possédais unesilhouettenormale,quoiqueharmonieuse,etdesjambesassezjolies.Tara,enrevanche,appartenaitàlacatégoriedesdéesses.OnauraitditqueMèreNature,aprèssêtrefait lamainsurmoi,s'était lancéedans lacréationd'un chef-d'œuvre. Tara avait touché le jackpot génétique avec ses traits fins, son opulentechevelured'unblondpresqueblancetseslèvrespulpeusesquinedevaientrienaucollagène.Unmètresoixante-dix-huit.Tailletrente-six.Lesgenslaprenaientsouventpouruntopmodel.Elleaurait du reste pu l'être avec un minimum de discipline et d'ambition -ce dont elle étaitdépourvue.Pour cette raison - et bien d'autres, je n'avais jamais été jalouse de Tara. Sa beauté sispectaculaire rendait les gens méfiants ou les incitait à abuser d'elle. Certains partaient duprincipequ'elleétaitstupideet,àvraidire,ellenes'étaitjamaispliéeenquatrepourmontrerdequoielleétaitcapablesurleplanintellectuel.Onn'exigepasd'une femmesuperbequ'elle soitbrillante.Et si jamaiselle l'est, laplupartdesgens se détournent d'elle. Tant de qualités chezune seule etmêmepersonne, c'est forcémentsuspect.Etinjuste.Ainsi,cesurcroîtdebeautéavaitvalubiendesdéboiresàmasœur.Ladernièrefoisquejel'avaisvue,beaucouptropd'hommesavaientdéjàdéfilédanssavie.Commedanscelledenotremère.Parmi tous ceux qui s'étaient succédé à lamaison, certains étaient de vrais braves types, quivoyaientd'abordenCandyVarnerunejoliefemmepétulantedévouéeàsesfillesqu'elleélevaitseule.Mais ilsne tardaientpasàdécouvrirqu'elle était incapablede rendre cet amourqu'elleexigeaitsanscesse.Hystériqueetdominatrice,ellevoulaittoutcontrôler.Ilsfinissaientparfuir,etd'autreslesremplaçaient,dansunincessantetépuisantballetd'amantsetdecopains.Steve,sondeuxièmemari,n'avaitrésistéquequatremoisavantdedemanderledivorce.C'étaitunhommecalmeetdébonnaire,latêtesurlesépaules.Avantsondépart,ilnousavaitdéclaréquenousétionsdebonnespetitesetqu'ilregrettaitdenepouvoirnousemmeneravec lui.Mamanavaitbiensûrprétenduqu'ilétaitpartiàcausedenous.J'avaisneufansquandelleavaitépouséRoger,sonderniermari,sansdaignernouseninformeraupréalable.Séduisant, charismatique, il s'était toutdesuite intéresséànous.Audébut,nousl'aimions beaucoup. Il nous lisait des histoires le soir. Puis, assez vite, il s'était mis à nousmontrerdesphotosporno.Iladoraitaussilespartiesdechatouillesquiduraienttrèslongtemps.Bref,soncomportementn'avaitriendenormal.

Page 9: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Rogers'étaitsurtoutattachéàTara. Il lui-proposaitrégulièrementdessorties«père-fille»et lacouvraitdecadeaux.Taraavaitcommencéefairedescauchemars,àsouffrirdeticsnerveux.Elleavaitperdul'appétitetm'avaitsuppliéedenepluslalaisserseuleavecRoger.Mamèreétaitentréedansunefureurnoirequandnousavionsessayédel'avertir.Ellenousavaitaccuséesdementiretnousavaitpunies.Nousn'avionspasoséalerterquelqu'und'extérieuraucercle familialquinousaurait cruesalorsquenotrepropremèrenous traitaitdementeuses?J'avaisfaitdemonmieuxpourprotégerTara.Àlamaison,jenelalâchaispasd'unesemelle.Lanuit,elledormaitdansmonlitetjecalaisledossierd'unechaisesouslapoignéedelaporte.Unsoir,Rogeravaitfrappé.—AllezTara,ouvre.Laisse-moientreroujenet'achèteraiplusdecadeaux.Jeveuxjusteteparler.Ilavaittentédepousserlebattant.Lachaiseavaitcraqué.— J'ai été très gentil avec toi l'autre jour, non ?Mais jene seraiplus gentil si tunevienspasm'ouvrir.Allez,dépêche-toioujevaisdireàtamèrequetuesunevilainefille,ettuseraspunie.Recroquevillée contremoi, lesmainsplaquées sur lesoreilles,ma soeur tremblaitde tous sesmembres.—S'ilteplaît,Ella,nelelaissepasentrer,avaitellechuchoté.J'avaispeurmoiaussi,pourtantjem'étaislevéeetapprochéedelaporte.—Elledort!avais-jelancé.Lebattantavaitvibré,lescharnièresgémi.— Ouvre cette putain de porte, espèce de petite salope ! Où était notre mère? Pourquoin'intervenait-ellepas?À la-lumière de la veilleuse, j'avais fouillé frénétiquement dans ma trousse à fournitures, etrefermélesdoigtssurunepairedeciseaux,.Ellenousservaitàdécouperdespoupéesenpapier,desimagesdanslesmagazines,oulefonddesboîtesdecéréales.Rogeravaitcommencéàflanquerdescoupsd'épauledans-lebattant.Àchaquecraquement,masœurlaissaitéchapperunsanglotétouffé.C'estalorsquemapeurs'étaitmuéeenfureur.Lecœurcognantdanslapoitrine,jem'étaisruéeverslaporte,lesciseauxàlamain.Lebruitsourdd'unautreimpact,suividuclaquementsecduboisquiéclate:Rogeravaitréussiàentrebâiller le battant d'une dizaine de centimètres. Il glissait la main dans l'interstice pourrepousserlachaiselorsquejeluiavaisplantélapointedesciseauxdanslachair.Ilyavaiteuunrugissementdédouleuretderage.Puislesilence.Etenfinlebruitdesespasquis'éloignaientdanslecouloir.Lesdoigtstoujourscrispéssurlesciseaux,jem'étaisglisséedenouveaudanslelit.—Ella,j’aipeur,avaitgémiTara,enlarmes.Nelelaissepasm’attraper!Quoiquetremblante,j'avaisdéclaréd'unevoixferme:—Ilneteferarien.Tara.S'ilrevient,jel'embrochecommeunporc.Dors,maintenant.J'avaisveillésursonsommeil,lecœurbondissantdanslapoitrinechaquefoisqu'unbruitsuspectvenaittroublerlesilence.Aumatin,Rogerétaitpartipourdebon.Mamèrenenousavaitjamaisinterrogéessurcequis'étaitpassécettenuit-là.Ellen'avaitfourniaucuneexplicationsurlebrusquedépartdeRoger.Elleavaitseulementdéclaré:—Vousn'aurezplusjamais,depapa.Vousneleméritezpas.Ilyavaiteubiensûrd'autreshommes,dontcertainsétaientdebeauxsalopards.MaispasautantqueRoger.Étrangement,Taran'avaitconservéaucunsouvenirdecedernier,nidelanuitoùjeluiavaistranspercélamainavecmesciseaux.Quandj'enavaisreparlédesannéesplustard,elleétait

Page 10: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

tombéedesnues:—Tuessûrequetun'aspasrêvétoutça?m'avait-elledemandé.—J'aidûlaverlesciseauxlelendemain.Ilsétaientpleinsdesang.Etlachaiseétaitcasséeendeuxendroits,lunetesouviensvraimentderien?Confondue,elleavaitsecouélatête.Pourmapart,j'avaistrouvécetteamnésietrèsalarmante.Sij'étaisdevenuetrèsméfianteenversleshommes,Tara,elle,avaitmultipliélesaventures,etjem'étaissouventdemandéquelplaisirelleretiraitdecetteviesexuellefrénétique.J'éprouvais toujours le besoin de la protéger. Durant notre adolescence, ilm'arrivait d'aller larécupérerdansdesendroitsglauques.Jetravaillaiscommeserveusepourmefairedel'argentdepoche,etjemerappelleluiavoiroffertmeséconomiesafinqu'ellepuisses'acheterunerobepourlebaldefind'annéedulycée.C'étaitmoiquil'avaisemmenéechezlemédecinpoursefaireprescrirelapilule.Elleavaitquinzeansàl'époque.Danslasalled'attente,ellem'avaitchuchotéàl'oreille:—Mamanditquejesuisunepute.Elleestfuraxparcequejenesuisplusvierge.—Toncorpst'appartient,avais-jeriposté.Tupeuxenfairecequetuveux,maisnetombepasenceinte.Etpuis,jecroisquetunedevraispaspermettreàungarçondetetoucheràmoinsd'êtresûrequ'ilt'aimevraiment.Taraavaiteuunsouriredésabusé.—Maisilsdisenttousqu'ilsm'aiment!Commentveux-tuquejesachesic'estvraioupas?Querépondreàcela?—Ettoi,Ella,tuestoujoursvierge?Commejemarmonnaiunevagueréponse,elleenchaîna:—C'estpourçaqueBryanacasséavectoi?Parcequetun'aspasvoulucoucheraveclui?J'avaisessayédesourire,maisn'avaisréussiqu'àesquisserunegrimace.—Non,c'estmoiquil'ailargué.Quandjesuisrentréedel'école,jel'aitrouvéavecmaman.Taraavaitécarquillélesyeux.—Qu'est-cequ'ilsfaisaient?Aprèsunehésitation,j'avaisrépondu:—Ilsbuvaientunverreensemble.Je croyaisavoirpleuré toutes les larmesdemoncorps,maisà ce souvenirmesyeuxs'étaientembuésdenouveau.Doucement,Taraavaitattirématêtecontresonépaule.Je ne pense pas que j'aurais survécu à mon enfance sans ma sœur. Et réciproquement.Aujourd'hui,chacuneétaitpour l'autresonseul lienavec lepassé.Celafaisait la forcedenotrerelation.Etaussisafaiblesse.J'auraissansdouteappréciédavantageHoustonsi jene l'avaisvueà travers leprismedemessouvenirs:Plate,humide,seméeçàetlàdezonesdevégétationinattendues,lavilles'étalait,telleune toile d'araignée sur laquelle zones-résidentielles, entrepôts et immeubles de bureauxauraientpoussé à toute allure.C'était unemétropole tape-à-1'œil, spectaculaire, crasseuse, oùrégnaituneactivitétrépidante.Àmesureque j'enapprochais, lesprairies cuitespar le soleil semuaientenocéansd'asphaltebrûlant d'où surgissaient des îlots immobiliers, de longues galeries marchandes, des centrescommerciauxgéants.Detempsàautre,ungratte-cielsolitairesedressaitvers leciel, telleuneplantegrimpanteéchappéeducœurdelaville.Ma mère habitait un quartier de standing moyen, construit autour d'une grande place. Les

Page 11: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

restaurantset lesboutiquesquiexistaient jadisavaient laisséplaceàun immensemagasindebricolage.Samaison,de-stylecolonial,étaitflanquéed'unepetitevérandasupportéepardefrêlescolonnesblanches.Jem'engageaisdanssarue,redoutantlemomentoùjetourneraisdansl'allée.Jeme garai, sortis dans la chaleur étouffante. Je n'eus pas le temps de tendre lamain vers lasonnettequemamanouvrit.Lecombinédutéléphonecolléàl'oreille,elleparlaitd'unevoixdegorgesensuelle.— ... te promets que jeme ferai pardonner. Oui... Oh, je crois que tu sais très bien comment,roucoula-t-elle. Je fermai la porte derrièremoi et, ne sachant trop quoi faire, attendis qu'elleveuillebienraccrocher.Ellen'avaitpaschangé.Toujoursaussiminceettonique,elleétaithabilléecommeunepopstar-en l'occurrence, un débardeur noir moulant, uneminijupe en jean avec ceinture incrustée destrassetdessandalesàtalonshauts-alorsqu'elleallaitsursescinquanteans.Sonfrontétait lisseetsescheveux,aussiblondsqueceuxdeParisHilton,retombaientsursesépaulesenvagueslaquées.Ellemejetauncoupd'oeil,etjesusaussitôtcequ'ellepensaitdemonchemisierdecotonblanc,simpleetpratique.Sanslâchersontéléphoné,elledésignadelamainlecouloirquimenaitauxchambres.Jememisenquêtedubébé.Lamaisonsentaitlesrelentsdeclimatisation,lapoussièreetledésodorisantsenteurtropicale.Lespiècesétaientsombres.Dans la chambreprincipale, la lampe sur la coiffeuse avait été laissée allumée.Ma respirations'accélératandisquejem'approchaidulit.Lebébé,minuscule,gisaitaucentredumatelas:Vêtud'unegrenouillèrebleue,ildormait,lesbrasécartés,laboucheaussiétroitementpincéequeleboîtierd'unfonddeteintcompact.Jem'allongeaiprèsdelui,fragilecréatureauvisagefripédevieillardetàlapeaurosetendre.Unréseau de fines veinules bleuâtres couraient sur ses paupières translucides. Une touffettecheveuxnoirssoyeuxcouronnaitsoncrâne.Sesonglesévoquaientdeminusculesgriffesd'oiseaudeproie.Sonabsoluevulnérabilitéfitmonterenmoiuneboufféed'angoisse.Seigneur!Ilallaitseréveilleretsemettreàpleurer.Ilfaudraits'occuperdelui,fairetoutesceschosesmystérieusesauxquellesjeneconnaissaisrienetquejen'avaisaucundésird'apprendre.Je pouvais presque comprendre Tara de s'être déchargée sur autrui de cet insurmontableproblème.Presque.Mais surtout, j'avais envie de la tuer. Parce qu'elle savait pertinemment qu'il était stupide delaissersonfilsici.Ellesavaitquenotremèrenelegarderaitpas.Etellec'étaitsûrementdoutéequec'étaitàmoiquereviendraitlecadeau.Dans cette famille c'était toujours vers moi qu'on s'était-tourné pour trouver des solutions.Jusqu'aujouroùl'instinctdeconservationm'avaitpousséeàfuir.Ceque,detouteévidence,onnem'avaittoujourspaspardonné:Depuismondépart,jem'étaissouventdemandequandetcommentseferaientlesretrouvaillesavecmamèreetmasœur.Aurionsnousévolué lesuneset lesautres?Serait-ilenfinpossibled'avoirdesrelationsnormales?J'espérais à demi que les choses finiraient par s'arranger, comme dans ces comédies douces-amèresauximageslégèrementfloues,quis'achèventpardesembrassades,desrires.C'auraitété

Page 12: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

formidable.Maismafamillen'étaitpascommeça.J'écoutais la respiration du bébé, aussi ténue que celle d'un chaton. Sa petitesse, sa solitudem'emplissaientdetristesseetdecolère.Taran'allaitpass'entirercommeça!J'allaisluimettrelamaindessuset,pourunefois,l'obligeràaffronterlesconséquencesdesesactes.Faute de quoi, je me mettrai en quête du père de l'enfant, afin qu'il assume sa part deresponsabilitédanscetteaffaire.—Neleréveillepas!chuchotamamèreduseuilde lachambre. J'aimisplusdedeuxheuresàl'endormir.—Bonjour,maman.Tuasl'airenforme.—Jem'entraîneavecuncoachpersonnel.Ilnepeutpass'empêcherdemetripoter.Tuasgrossi,Ella.Tuferaisbiendefaireattention.Tutiensçadetonpère.Danssafamille,ilsonttoustendanceàfairedulard.—Jefaisdusport,protestai-je,irritée.Jenesouffraispasd'embonpoint J'avaisdesseinsetdeshanches, j'étaismusclée, je faisaisduyogatroisfoisparsemaine.J'auraisdûlaisser,tomber,maisjenepusm'empêcherd'ajouter,surladéfensive:—Entoutcas;Daneneseplaintpas—Tuestoujoursaveccetype?—Oui,etj'aimeraisrentrerleplusvitepossible,cequisignifieque-nousdevonsretrouverTara.Peux-tumedirecequis'estpasséexactement?—Viens,allonsdanslacuisine.Jeluiemboîtailepas.—Taraadébarquésansprévenir,commença-t-elle.Ellem'alancé:«Voilàtonpetit-fils.»Jel'aiinvitéeàentrer,jeluiaipréparéduthéetnousavonsdiscuté.Ellem'aapprisqu'ellevivaitchezvotrecousineLiza,qu'elleétait inscritedansuneagencedetravail temporaire.C'estundesescopainsqui l'amiseenceinte,mais,d'aprèselle, ilnepeutpass'investirauprèsde l'enfant.Tucomprends ce que ça veut dire. Soit il est fauché, soit il estmarié. Je lui ai conseillé de faireadopterlebébé,maisellearefusé.J'aieubeauluidirequesavieneseraitplusjamaislamême,que tout allait changer... Bref, elle a prépare un biberon et je suis allée faire une petite siestependantqu'elleledonnaitaubébé.Amonréveil.Taraavaitdisparuetlegosseétaittoujourslà.Mamanreprîthaleine,puislâchadanslafoulée:—Débrouille-toipourqu'ilsoitpartiavantdemain,Ella.Ilnefautpasquemonamilevoie.—Pourquoi?—Jeneveuxpasqu'ilpenseàmoicommeàunegrand-mère!—Çan'ariend'exceptionnelàtonâge.—Maisjenefaispasmonâge!Serécria-t-elled'unairoffusqué.Toutlemondemecroitbeaucoupplusjeune.Tudevraisêtrecontente,tuassansdoutehéritédemesbonsgènessurceplan.—Jedoutedeteressemblerplustard,rétorquai-jeavecunepointedesarcasme.Noussommestrèsdifférentes.—Parcequetunefaispasd'efforts.Pourquoitecoupes-tulescheveuxaussicourts?C'estd'unvieillot.Etçanetevapasdutout.Jeportaimachinalement lamainàmes cheveux. J'avais adoptéun carréàhauteurdumentonpourdesraisonspratiques,etparcequecelaconvenaitàmescheveuxfinsetraides.—JepeuxvoirlemotqueTarat'alaissé?demandai-je.Mamanallachercherunechemiseencartonbrun,laposasurlatabledelacuisine.-—C'estlà-dedans,aveclespapiersdel'hôpital.

Page 13: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

J'ouvrislachemise.Unefeuillearrachée.Aunblocsetrouvaitsurlapilededocuments.Àlavuedel'écrituredemasœur,inégaleettoutenboucles,j'éprouvaiuneémotiondouloureuse.Lapointedustyloavaitpresqueperforélepapierparendroits.Chèremaman,IIfautquej'aillequelquepartréfléchiràtoutcela.Jenesaispasquandjereviendrai.Parlaprésente,jevousdonneautorité,àtoietàmasœurElla,pourvousoccuperdemonfilsetdevenirsestutricestantquejenesuispasprêteàlereprendre.Bienàtoi,

TaraSueVamer—Parlaprésente...murmurai-jeavecunamusementteintédemélancolie.Tara avait sans doute pensé que ce terme emprunté au vocabulaire juridique donnerait uncaractèreplusofficielàsalettre.—NousdevonsprévenirlesservicesdelaProtectiondel'enfanceetleurexpliquerlasituation,sinononvacroirequel'enfantaétéabandonné,déclarai-je.Jepassai rapidementenrevue lecontenude lachemise.Lenomdupèrene figuraitpassur lecertificatdenaissance.Lebébéétaitâgéd'unesemaine.IlseprénommaitLuc.— Luc? Pourquoi ce prénom ? Nous avons un Luc dans notre entourage? Maman sorti unecannelledesodalightduréfrigérateur.—ToncousinPorky,Sonvrainom,c'estLuke.non?MaisTaraneleconnaîtmêmepas.—Nousavonsuncousinquis'appellePorky?—Cousinaudeuxièmedegré.Vousavezunegénérationd'écart.C'estl'undesfilsdeBigBoy.Celui-là faisaitdoncpartiedes innombrablesparentsquenousn'avions jamaisrencontrés. Ilyavait tropdenévrosésetdepsychotiquesdanscette famillepourpouvoir les réunirdansunemêmepièce.Àeuxtous,ilsdevaientcouvrirlatotalitédesdésordresmentauxrépertoriesparlespsychiatres.Jereportaimonattentionsurlecertificatdenaissance:—ElleaaccouchéàlaCliniquepourFemmesdeHouston.Tusaisquil'aaccompagnéelà-bas?Ellet'enaparlé?—ElleétaitavecLiza.Pourlesdétails,ilfaudravoiravecelle,rétorquamamèred'unevoixacide.Jepoussaiunsoupir,secouailatélé:— Qu'est-ce qu'elle a maman ? Tu as eu l'impression qu'elle était déprimée ? Elle avait l'aird'avoirpeurdequelquechose?Ellesemblaitmalade7Mamèreversalesodarosedanssonverre.—Elleétaitempâtée,etelleavaitl'aircrevée.C'esttoutcequej'airemarqué.—C'estpeut-êtreunebanaledépressionpost-partumquiserégleraitavecunantidépresseur.Mamèreajoutauntraitdevodkaàsonsoda,avalaunegorgéepétillante.—Çaneserviraàriendelabourrerdemédicaments.Ellenevoudrajamaisdecegamin.Elleestcommemoi,ellen'estpasfaitepourça.—Alorspourquoiavoireudeuxenfants?demandai-jeàmi-voix.—Parcequec'étaitcequ'onattendaitd'unefemmequisemariait.Etj'aifaitdemonmieux.Jemesuisdémenéepourquevousnemanquiezderien.Mais,apparemment,vousnevousensouvenezpas.Quellehontedesenfantsaussiingrats!Surtoutdesfilles.J'enrestaisansvoix.J'avaisfaitdeseffortssurhumainspourdénicherdansmamémoirequelques

Page 14: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

souvenirsheureux,cestropraresinstantsoùmamèreavaitfaitmontred'unsemblantd'affection-unbaiser,unehistoireavantdesecoucher...autantdecadeauxtombésduCiel.Pourlereste,monenfancem'évoquaitcetteimage:untapisqu'onauraitviolemmenttirésousmespieds.Mamèreétaitdépourvueduplusélémentaire instinctmaternel,celuiquipousseàprotégersaprogéniture.Résultat,Taraetmoiavionsdegrossesdifficultésrelationnelles.—Jeregrette,maman.J'étaiscertainequ'ellen'avaitpaslamoindreidéedeceàquoijefaisaisallusion.Uncouinementenprovenancedelachambrem'arrachaunsursaut.—C'estl'heuredubiberon,annonçamamèreenouvrantlefrigo.Jevaisleréchaufferaumicro-ondes.Vachercherlegosse,Ella.Unautrecri,plusaigu.Jegrinçaidesdents,commesijevenaisdemordredansdupapieralu,etgagnailachambre.Lucsetrémoussaitsurlelittelunbébéphoque.Le cœurbattant, jemepenchai sur le lit. Jen'étaispasdouéeavec lesbébés. Jenedemandaisjamaisàmesamisquienavaientdelesporter.Çanem'intéressaitpas.Jeglissaiunemainsouslepetitcorpsgesticulant,etl'autresouslanuque,jesavaisquandmêmequ'ilfallaitmaintenirlatêtedesbébés.Ilmapparutàlafoislégeretcompact.Tantbienquemal,jeleramenaicontremoi.Sescriscessèrent.Ilmefixaentresespaupièresplissées,genreClintEastwood,puisseremitàpleurerdeplusbelle.Ilparaissaitsipetit,siimpuissant.Ilme semblait évident que personne dans cette famille bancale -moi pas plus qu'une autre -n'avaitlescompétencesrequisespours'occuperd'unbébé.Je retournai dans la cuisine, m'assis et redressai maladroitement Luc. Maman me tendit lebiberon.J'approchailatétineensiliconedelaboucheminuscule.Lucs'yarrimaetsetut,concentréqu'ilétaitsurseseffortsdesuccion.Unsoupirdesoulagements'échappademapoitrine.Jemerendisalorscomptequej'avaisretenumonsouffle.—Tupeuxdormiricicettenuit,proposamaman,magnanime,maisdemaintul'emmènesavectoi.Jen'aipasletempsdem'occuperdelui.Moinonplusjen'avaispasletemps!J'avaismaproprevieàAustin.Cen'étaitpasjuste!Jen'yétaispourrien.Maisàquoibonprotester?Mamèresefichaitéperdumentdecesconsidérations,etlapersonnequiétaitvraimentàplaindredanscettehistoireétaitlaseulequinesoitpasenmesurededonnersonavis.Lucétaitunepatatechaudequelesgensallaientserefilerjusqu'àcequequelqu'unsoitfinalementdansl'obligationdelegarder.Unepenséemetraversa l'esprit.Etsisonpèreétaituncamé?Ouungibierdepotence?Taraavaitcouchéavectantdetypes,faudrait-ilremonterlapistedetouslesgéniteurspotentielspourleurdemanderdesesoumettreàuntestgénétique?Etsicertainsrefusaient?Serai-jeobligéed'engagerunavocat?Décidément, j'allaism'amusercommeunefolle...Mamèrem'expliquacommentfairefairesonrotaubébéetcommentluichangersacouche.Jefussurprise de découvrir qu'elle maîtrisait encore ces notions techniques après tant d'années.J'essayaidel'imaginer,jeunemère,exécutantinlassablementcessoinsqu'exigeuntout-petit.Je.ne pouvais concevoir qu'elle y ait pris plaisir. Candy Varner avec un nourrisson pour unique

Page 15: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

compagnie,unecréaturebraillarde,exigeante,incapabled'avoiruneconversationnormale.Non,vraiment,c'étaitimpensable.J'allairécupérermonsacdevoyagedanslavoiture,enfilaimonpyjama,puisramenailebébédansla-chambred'amis.—Oùva-t-ildormir?m'inquiétai-jeenconstatantqu'iln'yavaitpasdeberceau.—Mets-ledanslelitàcôtédetoi,suggéramamère.—Maisjerisquedel'écraser,oudelefairetomber!—Tun'asqu'àposerlematelasparterre.—Mais...—Jevaismecoucher,coupa-t-elleentournantlestalons.Jesuisvannée.J'aipassélajournéeàm'occuperdecegosse.PendantqueLucpatientaitdanssanacelle, jenousaménageaiunecouchettesur leparquet. Jeroulai làcouettepour formerunesortedepolochonqui serviraitderempartentrenous.Puis,aprèsl'avoirinstallédesoncôté,jem'étendisdumien,avantdesaisirmonportablepourappelermacousineLiza.—Taraestavectoi?medemanda-t-elledèsquejel'eussaluée.—J'espéraisqu'elleétaitavectoi.—Non,Jen'arrêtepasdel'appeler,maisellenerépondpas.Bien que Liza aitmon âge et que jem'entende plutôt bien avec elle, nous ne nous étions pasbeaucoupfréquentées.Commelaplupartdesfemmesducôtédemamère,elleétaitblondeavecdelonguesjambes,etobsédéeparlebesoind'attirerl'attentiondelagentmasculine.Avecsonvisageallongéetsonsourireunpeuchevalin,ellen'étaitpasaussibellequeTara.Ellepossédaitnéanmoinsceje-ne-sais-quoiauquelleshommesnesaventpasrésister.Defait,chaquefoisquej'étaisentréedansunrestaurantensacompagnie,lestêtesmasculinessetournaientsursonpassage.D'annéeenannée,LizaavaitintégrédescerclesdeplusenplushuppésàHouston.Ellenesortaitqu'avecdestypesriches,etétaitdevenueunesortedegroupieàplay-boysquis'envoyaitenl'airaveclescélébritésducoin.Masœurayantlogéchezelle,jenedoutaispasqu'ellesesoitjetéeavecappétitsursesrestes.Nousdiscutâmesunmoment,Lizaavaitdeuxoutroisidéesquantàl'endroitoùTarapourraitsetrouver.Elleallaitpasserquelquescoupsdefil.Ilnefallaitpass'inquiéter,toutallaitbien,assura-t-elle.Taraneluiavaitsembléniabattuenisurexcitée.Justeenproieaudoute.—Ellen'arrêtaitpusdechangerd'avisaitsujetdubébé,ellen'étaitpassûredevouloirlegarder,puiselleseravisait.C'estarrivésisouventcesderniersmoisquej'aifiniparmedésintéresserdelaquestion.—As-t-elleconsultéunpsy?—Non,jenecroispas.—Etlepère?Quiest-ce?Ilyeutunlongsilenceauboutdufil,puis:—Jenesuispassûrequ'ellelesachevraiment.—Elledoitaumoinsenavoirunepetiteidée!—Oui,elles'endoute,mais,tulaconnais,ellen'estpastrèsrigoureuse.—Ilnefautpasêtred'unerigueurexceptionnellepoursavoiravecquionacouché,rétorquai-je.—Tu sais, à cette époque, nous faisions beaucoup la fête, et ce n'est pas forcément facile dedéterminerladate.Enfin,jedevraispouvoirtedresserlalistedestypesavecquielleestsortie

Page 16: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

durantcettepériode.—MerciLiza.Àtonavis,quiarriveraitentête?Quiferaitlepèreleplusvraisemblable?Nouveausilence.—Àl'encroire,ceseraitJackTravis.—Qui?Lizaeutunrireincrédule.—Nemedis pas que tu ne connais pas ce nom tout demême! J'ouvris des yeux commedessoucoupes.—Tuveuxdire...cesTravis-là?—Lecadet.BienconnuàHouston,ChurchillTravisétaitlepatriarcheduclan.Milliardaire,ilavaitfaitfortunedanslafinanceetétaitàtuetàtoiaveclesstarsdesmédias,delapolitiqueetdushow-biz.Jel'avaisdéjàvusurCNN,etsonnométaitrégulièrementmentionnédanslapresselocale.Sesenfantset lui faisaientpartied'unmicrocosmedorédont lesmembresavaientrarementàassumerlesconséquencesdeleursactes.Ilssesituaientau-dessusdesloisetdesresponsabilitéscommunes.Enfait,ilsappartenaientàuneespèceàpartdugenrehumain.Parconséquent,lefilsdeChurchillTravisnepouvaitêtrequ'uncrétindegossederiche.—Génial,soupirai-je.Etjesupposequec'étaituncoupd'unsoir?—Inutiledeprendrecetonmoralisateur,ripostaLiza,unpeu-pincée.—Jenevoispascommentjepourraisposerlaquestionsansparaîtremoralisatrice.—Oui,c'étaituncoupd'unsoir.—Donc,Travisvatomberdesnues,dis-je,réfléchissantàhautevoix.Quoique. Ilestpeut-êtrecoutumierdufait.Siçasetrouve,lesbébésfleurissentautourdeluicommedesmarguerites.—Jackn'ariend'unmoine,convintmacousine.—Tuessortieaveclui,toiaussi?—Nousgravitonsdans lemêmecercle. Je suis copineavecHeidiDonovanqui sortavec luidetempsentemps.—Etquefait-ildanslavie,àpartdépenserl'argentdepapounet?—Jackn'estpascommeça,protestaLiza.Ilasapropreboîte,untrucdansl'immobilier,jecrois.L'adresseest1800,MainStreet.Tusais,cettetourenverreavecuntoitbizarre.—Oui,jevoistrèsbien.J'adoraiscetimmeubledestyleartdécoflamboyant,couronnéd'untoitpyramidalàfacettes.—Tupourraism'obtenirsonnumérodetéléphone?hasardai-je.—Jevaisessayer.—Enattendant,réfléchisàcetteliste,d'accord?—D'accord.MaisjenesaispassiTaraapprécierait.—J'imaginequeTaran'appréciepasgrand-choseencemomentAide-moiàlaretrouver,Liza.Jeveuxm'assurerqu'ellevabienetvoircequ'onpeutfaire.Jedoisaussimettrelamainsurlepèreettrouverunesolutionpourcepauvrebébéabandonné.—Iln'estpasabandonnépuisqueTarasaitoùilest!Jerenonçaiàsoulignerleslacunesdesonraisonnement.Detouteévidence,celaauraitétéunepertedetemps.—N'oubliepaslaliste,Liza.SiJackTravisn'estpaslepère,ilvafalloirquej'obligetouscestypesàfaireuntestderechercheenpaternité.Macousinesoupirabruyamment.

Page 17: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Pourquoitoutcebinz,Ella?Tunepourraispast'occupersimplementdubébépendantquelquetemps,commel'ademandéTara?—Mais,je...Jem'étouffai,luttaipourtrouvermesmots.—J'aiunevie,Liza.Unmétier.Unpetitamiquinesupportepasl'idéemêmed'unbébé.Non,jenepeuxpasjouerindéfinimentlesnounousgratispourTara!—C'étaitjusteunesuggestion,répliqua-t-elle,surladéfensive.Ilyadeshommesquiaimentlesenfants. Et je ne pensais pas que ton job serait un empêchement. Tu es toujours derrière tonordinateur,non?Jeravalaisunrireulcéré.—Eneffet,ilsetrouvequejetravaillesurunordinateur.Maisavantderédigermeschroniques,jesuiscenséemeconcentrerpourréfléchirunpeu.Nousparlâmesencoreunpeu,principalementdeJackTravis.J'apprisqu'ilétaitbranchéchasseetpêche,qu'ilconduisaittropviteetvivaitàcentàl'heure.LesfemmesfaisaientlaqueuedepuisHoustonjusqu'àAmarillodansl'espoirqu'illesremarque.EtàencroirelesconfidencesdeHeidiDonovan, c'était unmarathoniendu sexe. Il ne s'imposait aucun Interdit au lit, d'ailleursA cepropos...Àcestade,l'interrompit.Liza:—Épargne-moilesdétails,s'ilteplaît!—Commetuvoudras.MaisHeidim'aditqu'unsoir,ilavaitenlevésacravateets'enétaitservipour...—Stop!—Tun'espascurieuse?—Non.Avecmachronique,jereçoisuntasdelettresetdemailsquineparlentquedesexe.Plusrien ne peut me choquer dans ce domaine. Mais si je dois rencontrer Jack Travis pour luidemanderdesesoumettreàuntestgénétique,jenetienspasàconnaîtreendétailsaviesexuelle.—Sic'estluilepère,ilaideraTara.Ilalesensdesresponsabilités.Jenerisquaispasdegoberçatoutcru.— S'il l'avait vraiment, il utiliserait une capote pour les coups d'un soir. L'argument étaitimparable,maisLizanes'yarrêtamêmepas.—Tuverras,tuvastombersouslecharme,prédit-elle.Ilplaîtàtouteslesfemmes.Aprèsavoir raccroché, jeme tournaiversLuc.Sonpetitvisage fripéexprimaitune inquiétudedésarmante.Seigneur, iln'étaitaumondequedepuisunesemaineetavaitdéjàététrimballéàdroiteàgauche,vudéfilertoutuntasdegens.Sansdoutedevait-ilchercherlevisageetlavoixdesamère.Àcetâge,unpeudecalmeetdestabilité,cen'étaitpastropdemander,n'est-cepas?Jelissaidoucementlatouffebrunesursoncrâne.— Rien qu'un appel, et j'arrête, murmurai-je, avant d'ouvrir de nouveau mon portable. Daneréponditdèslasecondesonnerie.—Alors,commentsedéroulel'opération«Sauvezlebébé»?plaisanta-t-il.—J'aisauvélebébé.Àprésent,j'aimeraiquequelqu'unmesauvemoi.—MlleIndépendantesedébrouilletoujourstouteseule.J'imaginaisonsourire,pareilaunefêluredanslaglaceenhiver.—Ah,c'estvrai,j'avaisoublié,acquiesçai-je.Jeluirésumailasituationetévoquail'éventualitéqueJackTravissoitlepèredel'enfant.—Personnellement,cettehypothèseme laissesceptique,avoua-t-il.SiTravisétait legéniteur,Taraauraitdéjàétéfrapperàsaporte,non?D'aprèscequejesaisdetasœur,sefaireengrosser

Page 18: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

parlefilsd'unmilliardairedoitreprésenterlesummumdelaréussitesociale.—LalogiquedeTaran'arienàvoiraveclanôtre,Dane. Jenecomprendspaspourquoielleseconduit ainsi. Et quand bienmême je la retrouverais rapidement, je ne suis pas du tout sûrequ'ellesoitapteàs'occuperdeLuc.Quandnousétionspetites,ellen'étaitpasfichuedegarderunpoissonrougeenvie.—J'aiquelquesrelations,commença-t-il.Despersonnesquipourraientt'aideràluitrouverunefamilled'accueilsitulesouhaites.—Jenesaispas...Jejetaiuncoupd'oeilaubébéquiavaitfermélesyeux.L'idéedeleconfieràdes-étrangersnemeplaisaitpas.—Jeneveuxpascommettred'erreur,tucomprends.Lepauvren'apasdemandéànaître.Ilfautbienquequelqu'unsesouciedesonbien-être.—Aprèsunebonnenuitde-sommeil,tusaurasquelledécisionprendre.C'estcommeçaque-çamarche,philosophaDaneavantderaccrocher.

Page 19: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre3Daneneconnaissaitstrictementrienauxbébés.La«bonnenuitdesommeil»serévélalapiredemavie.Unenchaînementderéveilsbrutauxausondehurlementsstridents. Jedusmereleverpourpréparerunbiberon,nourrirLuc,lefaireroter,puislechanger.J'eusdroitensuiteàcequim'apparutcommecinqminutesderépit,puisilfallutremettreça.J'ignoraiscommentfaisaientlesautrespoursurvivreàcerythmeinfernalpendantdesmois.Moi,auboutd'unenuit,j'étaisclaquée.Lematin venu, je pris une douche brûlante pour tenter d'assouplir mesmuscles raides, puisj'enfilaiunjean,unT-shirtetdesballerinesencuir.Jeme-brossailescheveuxjusqu'àcequ'ilssoientfissesetsoyeuxpuisj'observaimonrefletdanslaglace. J'étaisblêmeet j'avais l'airhagard.Mesyeuxétaientsisecset irritésque jen'essayaimêmepasdemettremeslentillesdecontact. Jechaussaidirectementmeslunettes,unmodèlebasiqueàmonturerectangulaire.JeposaiLucdanssanacelleetgagnailacuisine.Monhumeurnes'amélioranullementlorsquejedécouvrismamère,pomponnéedefrais,lescheveuxbouclés,lesdoigtschargésdebagues.Sonshortrévélaitsesjambeslissesetbronzées.Sessandalesàtalonscompenséslaissaientvoirsesorteilsauxonglesvernis.Jedéposailanacellesurlatable,leplusloinpossibled'elle.—Est-cequeTaraalaissédesaffairespourlepetit?Sagrenouillèreestsale.—Non,mais il yaunsoldeurauboutde la rue.Tuy trouveras l'essentiel.Etn'oubliepas lescouches.Ungrossac.Àcetâge,çadéfile.—Tucrois?ironisai-jeenmetraînantverslacafetière.—TuaseuLiza?—Mmmm.—Quet'a-t-elledit?—EllepensequeTaravabien.Ellevacontacterleursamiscommuns,histoiredesavoiroùelleapusecacher.—Etlepèredugosse?J'avaisdéjàdécidédetaireàmamèrel'implicationéventuelledeJackTravis.Lasimplementiondecenomauraitéveillésonintérêt,etjenevoulaissurtoutpasqu'ellemettesongraindesel.—Pourlemoment,c'estleflouartistique,prétendis-je.—Qu'as-tuprévupouraujourd'hui?—Jevaiscommencerparmechercherunechambred'hôtel.Jen'avaismêmepaseubesoind'userd'untondereproche.—Jenevoispasenquoilefaitquejenetiennepasàcequemonamisoitaucourantdecettehistoiretedérange,lâcha-t-elle,surladéfensive.—Tun'ytienspasparcequ'ilserendraitcomptequetuesgrand-mère,demandai-je,prenantunmalin plaisir à la voir frémir lorsque j'articulai ce dernier mot, ou parce que Tara n'est pasmariée?—Lesdeux.Ilestplusjeunequemoietilestassezconservateur.Ilauraitdumalàcomprendre

Page 20: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

qu'onnefaitpastoujourslaloiavecsespropresenfants,quecertainssonttropdifficilesagérer.—CelafaitlongtempsqueTaraetmoisommesadultes,objectai-je.Jebusunegorgerdecafé.Sonamertumem'arrachaunegrimace.DepuisquejevivaisavecDane,j'avaisprisl'habituded'enadoucirlegoûtpardulaitdesoja.J'attrapailaboîtedelaitécrémésurle plan de travail et en versai une généreuse rasade dansma tasse.Mamère pinça ses lèvrespeintesenrougevif.—Tucroistoujourstoutmieuxsavoirquetoutlemonde,Ella.Mais,jetegarantisquetuvasvitedéchanter.—Jesuislapremièreàadmettrequejeneconnaisrienauxbébés.Cen'estpasdutoutmonrayon.EtLucn'estmêmepaslemien.—-Alors appelle les services sociaux, s'énerva-t-elle. En ce quime concerne, tu as désormaisl'entièreresponsabilitédecegosse.Jem'enlavelesmains.Situn'espascapabledet'enoccuper,laissed'autress'encharger.Jerépondisd'untonapaisant:—J'ensuiscapable,maman.Toutvabien.Tun'aspasàtetracasser.Ellesecalmainstantanément,telunenfantàquil'onvientdepromettreunesucette.Puis,avecunesatisfactionpalpable,elledéclara:—Tuferascommemoi,tufinirasparapprendre.Àladure.Ilfaisaitdéjàunechaleurtorridequandj'emmenaiLucchezlesoldeur.Tandisquej'arpentaislesallées, ils'obstinaàsetortilleretàpiaillerdanslesiègeenplastiquemoulérivetéà l'avantduCaddie.Ilnesetutquelorsquenousregagnâmeslavoiture,apaisésansdouteparlesvibrationsdesrouesquicahotaientsurlebitumeirrégulierduparking.Succédantaufroidpolairequirégnaitdanslemagasinclimatisé,l'airdudehorsparutencoreplusoppressant.Aprèsavoirbientranspiré,séché,puistranspirédenouveau,onFinissaitavecunepelliculepoisseusesurlecorps.Lucetmoiétionsaussirosesquedescrevettesébouillantées.EtjemeproposaisderencontrerJackTravis!JepassaiuncoupdefilàLizadansl'espoirqu'ellemecommuniquesonnumérodetéléphone.—Heidin'apasvoulumeledonner,m'avoua-t-elled'untoncontrarié.Quelleflippée,celle-là!Elleasûrementpenséquej'avaisdesvuessurlui.Jetejure,cen'estpasl'enviequim'amanquédeluidirequej'aieucentfoisl'occasionetquejemesansabstenueàcausedenoireamitié.Dureste,ellesaittrèsbienqu'ilvoitd'autresfilles.—Àsedemanders'ildortlanuit,commentais-je,narquoise.—Jackatoujoursététrèsclair,iln'apasdutoutl'intentiondes'engager.MaisHeidilefréquentedepuissilongtempsqu'elledoitcommenceràs'imagineraveclabagueaudoigt.Ellesefaitdesillusions,lapauvre.—Bonnechanceàelle.Enattendant,j'aimeraissavoircommentjepeuxlecontacter.—Aucuneidée.Tupeuxessayerdedébarquerà l'improvisteetdemanderà levoir. Jen'aipasd'autresolutionàteproposer.—Parchance,jesuistrèsdouéepourdébarqueràl'improviste.—Faisattentionquandmême.C'estunchictype,maispaslegenrequ'onpeutbrusquer.—Jem'endoute,murmurai-je,enproieàunenervositégrandissante.ÀHouston,lacirculationobéissaitàdesrèglesmystérieusesquiluiétaientpropres.Ilfallaitunevaste expérience de la chose pour espérer avancer en se faufilant d'une voie à l'autre. Bien

Page 21: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

entendu,Lucetmoinousretrouvâmescoincésdansunbouchon.Etletrajet,quin'auraitdûprendrequ'unquartd'heure,durapresqueuneheure.Quand enfin nous atteignîmes l'orgueilleuse structure surMain Street, Luc s'époumonait. Uneodeurpestilentielleavaitenvahil'habitacle,preuveirréfutablequ'unbébéchoisissaittoujourslepiremomentpoursalirsacouche.Jem'engageaidansleparkingsouterrainquis'avérapleinàcraquer.Jeressortisdoncet,unpeuplusloinsurl'avenue,trouvaiunparkingpayant.Unefoisgarée,jechangeailacouchedeLucsurlabanquettearrièredelaPrius.Jeremontailarue.Lanacelleparaissaitpeserunetonneauboutdemonbras.Uneboufféed'airglacémegiflalorsquejepénétraidansl'éléganthalltoutdemarbre,d'acierbrosséetdeboiseriesluisantes.Aprèsavoirconsultél'organigrammedesbureauxaffichésousuneglacedeprotection,jepassaid'unpasvifdevant la réception.Certes, jemedoutaisqu'onne laisserait jamaisune inconnuesansrendez-vousetsansrelationsfranchirlesportesdel'ascenseur.—Mademoiselle!L'undeshommesinstallésderrièrelebureaumefitsigned'approcher.—Quelqu'unvientnouschercher,répondis-jeavecentrain.Puis,tirantdemabesacelesacàcongélationzippéquicontenaitlacouchesale,j'ajoutaiavecunsourired'excuse:—Nousavonseuunpetitaccident.Ya-t-ildestoilettesnonloin?L'homme se décomposa à la vue de la poche de plastique etm'indiqua le bout du couloir. Jepoursuivisma route en direction de la double cage d'ascenseurs. Dès qu'une des deux portess'ouvrit, je m'engouffrai à l'intérieur de la cabine. Quatre personnes s'y trouvaient déjà. UnefemmeentailleurstrictsepenchasûrLucensouriant.—Qu'elleestmignonne.Quelâgea-t-elle?—Unesemaine.C'estungarçon.—Une semaine ? C'est tout récent alors. Félicitations, vous-êtes vraiment en forme. Je faillispréciserquejen'étaispassamère,maismeravisai.Àquoibon?—Oui,nousallonstousdeuxtrèsbien,merci.L'ascenseur s'immobilisa au onzième étage. La nacelle au bras, je pénétrai dans les locaux deTravisManagement.Teintesclaires,siègesdestylecontemporain,l'atmosphèreétaitplutôtzen.Jeposailanacellesurlesol,frottaimonbrasdouloureux,puism'approchaidubureaudelaréceptionnistequiarboraitletraditionnelmasquepoli.Sursespaupières-supérieures,letraitd'eye-linerdébordaitsurlatempepourformerunepetitevirgule.Onauraitditqu'elleavaitvoulucocherdiversélémentsdesonproprevisage.Œildroit?Fait.Œilgauche?Fait.Jeluiadressaiunsourirepleind'assurance-dumoinsl'espérais-je,etremontaimeslunettesquiavaientunefâcheusetendanceàglissersurmonnez.—Jesaisquejen'aipasrendez-vous,maisjedoisabsolumentvoirM.Travispourunequestiondepremièreurgence.Celaneprendraquequelquesminutes.MonnomestEllaVarner.—VousêtesuneconnaissancedeM.Travis?—Non,jesuisenvoyéeparl'amied'uneamie.Levisagedelaréceptionnistedemeuraimpassible.Jem'attendaisàmoitiéqu'ellepresseunboutoncachésous lebureaupouralerter lasécurité.

Page 22: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

D'ici quelques secondes, des vigiles en uniforme beige allaient faire irruption et me traînerdehors.—Quelestlemotifdevotrevisite?s'enquit-elle.—Ils'agitd'uneaffaireprivée.JenepensepasqueM.Travissouhaiteraitquej'endiscuteavecsonpersonnel.—M.Travisestenréunion.—Trèsbien,jevaisattendre.—Laréunionrisquedeseprolongerdesheures,meprévint-elle.—Cen'estpasgrave.Jeluiparleraiquandilferaunepause.—Ilvaudraitmieuxprendrerendez-vousetrevenirplustard.—Quandsera-t-ildisponible?—Sonagendaestpleinpourlestroisprochainessemaines,maisjepeuxpeut-êtrevoustrouveruncréneauàlafindumois.—Laquestiondoitêtrerégléeaujourd'hui,insistai-je.Écoutez,cinqminutes,c'esttoutcedontj'aibesoin.J'arrived'Austin.Jedoisabsolumentlemettreaucourant...Jem'interrompis.Àen jugerparsonexpression fermée,ellemeprenaitpourune folle.Ellen'avaitpeut-êtrepastort.Derrièremoi,Lucsemitàpleurer.—Oh,faites-letaire!s'écrialaréceptionniste.JeretournaiversLuc,leprisdansmesbrasetattrapailebiberonglissédanslapochelatéraledusacàlanger.Jenepouvaispasréchaufferlelait,etluiglissaidoncdirectementlatétineentreleslèvres.Parmalheur,monneveun'aimaitpaslelaitfroid.Ildétournalatêteetseremitàpleurer.Laréceptionnistes'agitadeplusbelle.—MademoiselleVarner.J'esquissaiunsourired'excuse:—C'est le lait qui est froid. Vous ne pourriez pas le faire réchauffer un peu avant que nouspartions?Ilsuffitdelaisserlebiberonuninstantdansunetassed'eauchaude.S'ilvousplaît.Avecunbrefsoupiragacé,elleseleva.—Donnez-le-moi.Ilyaunebouilloiredanslasallederepos.—Merci.Ignorantmonsourireconciliant,elles'éloigna.Jecommençaiàfairelescentpasdevantlebureautoutenfredonnantunevagueberceusedansl'espoirdecalmerLucquibraillaitmaintenantàpleinspoumons.—Luc,jenevaispluspouvoirt'emmener.Tufaistoujoursdesscènes.Ettunem'écoutespas.Jecroisquenousdevrionsfaireunbreak,toietmoi.Unbruitdepasprovenantdel'undescouloirsquiconvergeaientverslaréceptionmeparvint.Jepivotai,prêteàrécupérermonbiberonavecreconnaissance.Etmeretrouvaifaceàtroishommesen costume cravate. Le premier était blond et mince, le deuxième râblé avec un débutd'embonpoint.Quantautroisième,c'étaitl'hommeleplusséduisantquej'aiejamaisvu.Grand, large d'épaules, des yeux sombres et d'épais cheveux bruns, c'était un concentré demuscles etde viriliténonchalante.Toutdans sonattitude - sadémarchepleined'aplomb, sonaisancenaturelle-indiquaitl'hommedepouvoir.Ils'interrompitenpleinediscussionpourmedécocherunregardacéréquimecoupalesouffle.Aussitôt,jeviraiàl'écarlateetuneveinesemitàpalpiterfollementdansmoncou.Unseulregard,et jesusprécisémentquelgenred'hommec'était : lemâledominantclassique,celuiqui,cinqmillionsd'annéesplustôt,avaitfaitfaireunbondenavantàl'espèceenpunaisant

Page 23: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

touteslesfemellesenvue.Ces hommes-là étaient des stakhanovistes de la séduction et se comportaient comme desprédateurs.Pourtant les femmesétaientbiologiquementprogramméespour succomberà leurpatrimoinegénétiquemagique.Lesyeuxtoujoursrivéssurmapersonne,ilrepritd'unevoixgravequim'arrachaunfrisson.—Jepensaisbienavoirentenduunbébépleurer.Sanscesserdebercermonneveu,jem'enquis:—MonsieurTravis?Ilacquiesçad'unsignedetête.—J'espéraisvousvoirentredeuxréunions.Jem'appelleEllaVarner.J'arrived'Austinetjedoisabsolumentm'entreteniravecvousuninstant.Laréceptionnistechoisitcemomentpourréapparaître,lebiberonàlamain.—Oh,monsieurTravis,jesuisnavrée...—Çàva,coupa-t-ilenluienjoignantd'ungestedemedonnerlebiberon.Jem'enemparai, versaiquelquesgouttesde lait surmonpoignet, commemamèreme l'avaitconseillé, puis enfournai la tétine dans la bouche de Luc, qui s'autorisa un couinement desatisfactionavantdes'absorberconsciencieusementdanssatétée.JereportaimonattentionsurJackTravis.Ilyavaitdanssesyeuxsombresunrefletmordoréquirappelaitlesiropdemélasse.Ilm'observait,laminepensive.Jefusfrappéeparleparadoxeentresesvêtementsdemarque,sonphysiquedejeunepremier,etcetteforceformequ'onpercevaitsouslevernisdesophistication.Quiconqueosaitsedresserentraversdesoncheminrisquaitgros,devinai-je.Jenepusm'empêcherdelecompareràDanesirassurantavecsescheveuxblondsetsonéternellebarbedetrois joursquiadoucissait lescontours,desamâchoire. Iln'yavaitrienderassurantchezJackTravis.Saufpeut-êtresavoixdebaryton,profonde,envoûtante.—Puis-jevousparleruneminute?insistai-je.—Çadépend.Vousallezessayerdemevendrequelquechose?IlavaitcetaccentgutturaltypiqueduTexas.Ses«G»crépitaientcommelesgrêlonsd'unoraged'été.—Non,ils'agitd'uneaffaireprivée.Unsourireamuséretroussalecoindeseslèvres.—Engénéral,jenetraitepaslesaffairesprivéesavant17heures.—Jenepeuxpasattendrejusque-là.Jeprisuneprofondeinspirationpourmedonnerducourageetajoutai:—Etjemevoisdansl'obligationdevousprévenirquesivousrefusezdemerecevoirmaintenant,jereviendrai.Jesuistrèstêtue.Sonsourires'évanouit.Ilsetournaverslesdeuxautres.—Celanevousennuiepasdem'attendreaubarduseptième?— Pas de problème, répondit l'un des deux hommes avec un fort accent anglais. Je passecommandepourvous,Travis?—Oui.Jenepensepasenavoirpourlongtemps.Prenez-moiuneDosEquis.Avecunerondelledecitronvert.Sansglace.Lesdeuxhommess'éloignèrentetJackTravisconcentrasonattentionsurmoi.Commejel'aidit,je n'étais pas particulièrement petite, pourtant, ilme dominait des épaules et de la tête. D'ungeste,ilm'indiqualechemin.—Parici.Ladernièreportesurvotredroite.

Page 24: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Lucdanslesbras,jefisuncrochetpourrécupérerlesacàlangeretlanacelle.Travismepritdevitesse,ets'enemparaavantmoi. Jem'engageaidans lecouloiretmeretrouvaidansunvastebureau.Faceàmoi,lagrandebaievitrées'ouvraitsurlepaysageurbain.L'horizonétaitbouchépar la haute silhouette des buildings de verre sur lesquels ricochaient les rayons du soleil.Contrairementàlaréception,dontl'atmosphèreétaitaseptisée,cettepièceavaituneâme.Ils'endégageaituneimpressiondedésordrechaleureuxavecsesprofondssiègesencuir,sespilesdelivresetdedossiers,etdesphotosdefamilledansleurcadrenoir.Aprèsm'avoirinvitéeàprendreplacedansunfauteuil,Traviss'assitsurleplateaudubureau.Jenotaisestraitsparfaitementciselés,lenezdroitetassezfort,lamâchoirequiformaitunanglebiennet.—Bien,netournonspasautourdupot,Ellad'Austin.Jesuisenpleinenégociationcommercialeetjen'aipasenviedefairepoireautercesmessieurs.—Vousespérezgérerleuraffaireimmobilière?—Unechaîned'hôtels,oui.Redressezdonclebiberon,elleavaledel'air.Je baissai les yeux sur Luc, me rendis compte qu'il avait raison et changeai l'inclinaison dubiberon.—C'estungarçon.Jenesaispaspourquoi,toutlemondecroitquec'estunefille.—Peut-êtreparcequ'ilportedeschaussettesHelloKitty.—Ah.C'étaientlesseulesdisponiblesdanssataille.—Onnemetpasdeschaussettesrosesàunpetitgarçon.Letonétaitréprobateur.Jehaussailesépaules.—Iln'aqueseptjours.Onnesesouciepasdecegenrededétailschezunenfantsi jeune.JackTraviseutunsourirenarquois.—Pasd'erreur,vousêtesvraimentd'Austin.Bien,expliquez-moicequejepeuxfairepourvous,Ella.Aïe!Nousyétions,mais,àdirevrai,jenesavaispasparoùcommencer.D'untonquej’espéraisneutre,jedéclarai:—Pourquevousnesoyezpasprisaudépourvu, jevousannonce toutdesuitequevousallezavoirunesurprisedésagréable.—J'ail'habitude.Allez-y.—Je suis la sœurdeTaraVarner. Vous êtes sorti avec elle l'annéedernière. À en juger par samimique,cenomneluidisaitrien.Jepoursuivis:—VousconnaissezLizaPurcell?C'estmacousine.C'estellequivousaprésentéTara.Ilréfléchitunmoment,puis:—Oui,jemesouviensdeTara,opina-t-ilenfin.Grande,blonde,avecdetrèslonguesjambes.—C'estcela.Lucavaitterminésonbiberon.Jeglissaicedernierdanslesacàlanger,redressaimonneveuetl'appuyaicontremonépaulepourletraditionnelrot.—JevousprésenteLuc,lefilsdeTara.Aprèssonaccouchement,ellel'adéposéchezmamèreetaprislapoudred'escampette.Nousnesavonspasoùelleestetnoussommesàsarecherche.Enattendant,j'essaied'assurerl'avenirdecebébé.Travis était parfaitement immobile.Dans le bureau, l'atmosphère s'était soudain rafraîchie. Jecomprisqu'ilmeconsidéraitàprésentcommeunemenace,oupeut-êtresimplementcommeunesourced'embarras.Sabouchepritunpliméprisant.— Je crois que je commence à deviner la nature de cette désagréable surprise dont vousme

Page 25: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

parliez,articula-t-il.Maisjevousledistoutnet,jenesuispaslepèredecetenfant.—Taraprétendpourtantlecontraire.—LenomdeTravisinciteraitbeaucoupdefemmesàchercherlesressemblancesphysiquesquipourraientexisterentreunenfantsanspèreetmoi.Maisdanslecasprésent,c'est impossible.Pour deux raisons. La première, c'est que je ne fais jamais feu sansmettre une gaine àmonpistolet.Endépitdusérieuxdelaconversation,jedusréprimerunsourire.— Vous faites allusion au préservatif, je suppose? Tout le monde sait que cette méthode decontraceptioncomptequinzepourcentd'échecs.—Merci,professeur.Maiscen'estquandmêmepasmoilepère.—Commentpouvez-vousenêtresûr?—Parcequejen'aijamaiscouchéavecTara.Lesoiroùnoussommessortisensemble,elleavaittropbu.Etjenemetsjamaisunefemmesaouledansmonlit,—Vraiment?fis-je,sceptique.—Oui,vraiment.Lucémitunrotsonore,puisblottitlemuseaudansmoncou.Jemeremémoraicequem'avaitditLizaàproposdeJackTravis,desonhyperactivitésexuelle,deses conquêtes qu'il enchaînait et qui contribuaient à forger sa légende. Je ne pus retenir unsouriresarcastique.—Vousseriezdoncunhommedeprincipes?—Non,madame.C'estjustequejepréfèrequemapartenaireparticipeactivementauxébats.Pendant quelques secondes, je ne pusm'empêcher de l'imaginer au lit avec une femme. Quelgenre de «participation active» exigeait-il? Je sentis mon visage s'enflammer. Mon embarrass'accrutdavantageencorelorsqu'ilfitpesersurmoisonregarddédaigneux,commesij'étaisunecriminellestupidesurpriselamaindanslesac.Jemeressaisis,décidéeànepasmelaisserdémonter,etcontre-attaquai:—Etvous,n'aviez-vousrienbulesoiroùvousêtessortiavecTara?—Si,sansdoute.—Alorsvotrejugementestpeut-êtrefaussé.Ilestpossiblequevousayezuntroudemémoire.Vousnepouvezpasêtreabsolumentcertainqu'ilnesestrienpasséentrevous.Quantàmoi,jen'aiaucuneraisondevouscroiresurparole.Travisgardalesilencesanscesserdemedévisager.Jecomprisqu'aucundétailneluiéchappait,nilescernessombressousmesyeux,nilatachesurmonépaulegauche,làoùLucavaitrégurgité,nilamainquej'avaismachinalementposéesurlatêtedemonneveu.—Ella,reprit-ilenfind'unevoixdouce,jenesuissûrementpasleseultypequevousayezdanslecollimateur.—C'estvrai,reconnus-je.S'ils'avèrequevousn'êtesfinalementpaslepère,jedemanderaiauxautrescandidatsde faireun testderechercheenpaternité.Mais jevousoffre lapossibilitéderéglerlaquestionàl'amiable,sanstapagemédiatique.Faitesletest,ets'ilvousdonneraison,jenevousembêteraiplus.Travismeregardacommesi j'étais l'undecesminuscules lézardsvertsquiaiment se faufilerdanslesmaisonstexanes.—J'aiàmadispositionunearméed'avocatsquisontcapablesdevousfairedanserpendantdesmois,chérie.Jem'autorisaiunsouriremoqueur.—Allons,Jack,nemeprivezpasduplaisirdevousvoirdonnerunéchantillond'ADN.Jesuisprête

Page 26: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

àpayers'illefaut.,—Voilàuneoffresusceptibledem'intéresser.Àconditionquevousmeproposiezquelquechosedeplusexcitantqu'unécouvillonbuccal.—Désolée. J'aimeraisvraimentvouscroiresurparolequandvousm'affirmezquevousn'avezpascouchéavecmasœur.Maissivousl'avezfait,j'aiconsciencequevousaveztoutintérêtàvoustaire,non?Ilmefixadesesiriscouleurdecafébrûlé.Unesensationétrange,brûlante,courutlelongdemacolonnevertébrale.JackTravisétaitriche,charismatique,sexy.JenedoutaispasunesecondequeTaraluiaitaccordétoutcequ'ilavaiteuenviedeprendre.Jemefichaisbiendesavoirs'ilavaitmisunegaineàsonpistolet,deuxgaines,ous'ilyavaitfaitunnoeud.Ilétaitsansdoutecapabledemettreunefemmeenceinterienqu'enluifaisantunclind'œil.—Sivousmepermettez,Ella...Stupéfaite, je le vis tendre lamain pourm'ôtermes lunettes.Ma vision se brouilla. Face à sasilhouettefloue,jeréalisaiqu'ilavaitentreprisdenettoyerlesverresàl'aided'unmouchoirenpapier.—Voilà,fit-ilenlesreplaçantavecdouceursurmonnez.—Merci,bredouillai-je.Jevoyaismaintenantclairementsonvisagesiséduisant.—Àquelhôtelêtes-vousdescendue?s'enquit-il.Jeluttaipourmereprendre.—Jecompteenchercherundèsquejeseraissortied'ici.—Vousnetrouverezrien.Encemoment,ilyadeuxconventionsenville.Àmoinsquevousn'ayezdesolidesrelations,ilvousfaudraallerjusqu'àPearlandpourobtenirunechambre.—Jen'aipasderelationsàHouston.—Danscecas,vousavezbesoind'uncoupdemain.—C'estgentil,mais...— Ella, je n'ai pas le temps de me disputer avec vous, coupa-t-il d'un ton catégorique. Vousprotesterezautantquevousvoudrezplustard.Pourlemoment,taisez-vousetsuivez-moi.Ilseredressa,tenditlesbrasversLucpourleprendre.Surprise,j'eusunmouvementdereculetserrailebébécontremoi.—Çava,jenevaispaslelâcher.Illepritenluimaintenantlatêteetl'installadanssanacelle.J'étaisétonnéeparsonaisance,etaussiparl'intérêtindéniablequ'ilsuscitaitenmoi.Sonodeur fraîcheetpropreévoquait lecèdre, la terre,etenvoyaitdessignauxdeplaisirdansmon cerveau. Je notai l'ombre bleuâtre sur ses joues, dont il ne devait jamais se débarrasserentièrement,mêmeenserasantdeprès.Etsescheveuxassezcourts.Cethomme-lànesacrifiaitpasàlamode.—Voussavezvousyprendreaveclesbébés,constatai-je,toutenfourrageantdanslesacàlangerpourm'assurerquelepochondeplastiqueétaitbienzippé.—J'aiunneveu.Ilsoulevalanacellesanseffortapparentetenfilalecouloir.Jen'eusd'autrechoixquedelesuivre.Uninstant,ils'immobilisadevantlaporteouverted'unbureausituéunpeuplusloin.—Helen,dit-ilàlafemmeassisederrièreunepilededossiers,jevousprésenteMlleEllaVarner.Ilfautquevousluitrouviezunechambred'hôtelpourlesdeuxprochainesnuits.Quelquechosedecentral.—Bien,monsieurTravis.

Page 27: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Helenm'adressaunsourirepolietdécrochasontéléphone.—Jepaiepourlachambre,intervins-je.Avez-vousbesoindunumérodemacartebancaireou...—Nousrégleronslesdétailsplustard,décrétaTravisquis'éloignaitdéjà.Il retourna dans la salle d'attente, déposa la nacelle de Luc près d'un siège etme fit signe dem'asseoir.—Attendezicicommeunegentillepetite,letempsqu'Helenprennelesdispositionsnécessaires.Unegentillepetite.Quelleexpressionpaternaliste!Monsangnefitqu'untour.J'ouvraislabouchepourrépliquervertementquandjevisàsaminegoguenardequ'ils'attendaitprécisémentàcetteréaction.Ilsavaitdetoutefaçonquej'étaisdansl'obligationd'acceptersonaide.Tirantsonportefeuilledesapoche,ilmetenditsacarteprofessionnelle.—Voicimonnumérodeportable.Acesoir.—Vousacceptezdoncdefaireletestderechercheenpaternité?Ilmejetaunregardoblique.Unepetiteflammebrillaitdanssesyeux.—Jenepensaispasavoirlechoix,répliqua-t-il,avantdes'éloigneràgrandesenjambées.

Page 28: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre4La«chambre»qu'Helenm'avaitréservéeserévélaêtreunesuiteluxueusedotéed'unsalonetd'unekitchenetteéquipéed'unévier,etd'unmicro-ondes.Un coupd'œil à la façade de l'établissement, situé dans le quartier deGalleria,me suffit pourcomprendreque ledébitmaximumautorisépourmacartebancaireseraitatteintenquelquesheures.Peut-êtremêmeenquelquesminutes.Maislasuiteétaitsplendide,leparquetcouvertdetapisépais,lasalledebainsdalléedemarbreetagrémentéedeproduitsdetoilettechics.—C'estlafête!Faisonsunerazziasurleminibar,proposai-jeàLuc.Ayantrécupérédulaitenpoudredanslecoffredemavoiture,jepréparaiplusieursbiberonsquejestockaidansleminusculefrigo.J'étalaiensuiteuneserviettedebainblancheaufonddel'évieret,aprèsavoirfaitcoulerdel'eauchaude,jedonnaisonbainLuc.Lorsqu'ilfutpropreetnourri,Ilcommençaàdodelinerdelatête.Jeledéposaiaucentredugrandlit, puis tirai les rideaux.Les lourdes tenturesdebrocart tamisèrent l'éclatdu soleil couchant,plongeantlachambredansuneagréablepénombre.Satisfaite,jedécidaideprendreunedouche.J'ébauchaiunmouvementendirectiondelasalledebainsquandquelquechosem'arrêta.JemetournaidenouveauversLuc.Ilavaitl'airsipetitetsiseul,àclignerdespaupières,lesyeuxrivésauplafond.Je n'eus pas le cœurde le laisser là alors qu'il ne dormait pas encore, qu'il semblait attendre,résigné, quequelque chose - n'importequoi - sepassedans sa vie. Jem'allongeai prèsde lui,caressaileduvetbrunsursatête.DepuisquejevivaisavecDane,j'avaisparticipéàmilleconversationstraitantdel'injusticedanslemonde.Maisilm'apparaissaitencetinstantqu'iln'yavaitriendepirequed'êtreunenfantnondésiré.Inclinantlatête,jepressailajouecontresapeaupâleetembrassaisonpetitcrânerondsifragile.Jevissespaupièress'abaisser.Seslèvressepincèrentcommecellesd'unvieillardgrincheux.Sesmainsreposaientsursapoitrine,semblablesàdepetitesétoilesdemerroses.J'enfrôlaiunequiserefermasurmondoigtavecunevigueursurprenante.Ils'endormit,cramponnéàmonindex.Jen'avaisjamaiséprouvéuntelsentimentdecommunion.Unedouleurinconnue,doucereuse,serépanditdansmapoitrine,commesimoncœurétaitentraindesefendreendeux.Je somnolai unmoment. Puis je pris une longue douche et enfilai un grand T-shirt gris et unbermudaenjean.Deretoursurlelit,j'ouvrismonordinateurportableetconsultaimesmails.IlyenavaitdeLiza.ChèreElla,voicilalistedestypesdontjesuisabsolumentsûrequ'ilssontsortisavectara,sid'autresmereviennentenmémoire,jetelesenverrai,j'aiunpeuhontedefairecadansledosdetara,c'estsavieprivéequandmême.—Savieprivée?Tuparles!grommelai-je.

Page 29: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Pourmapart,j'estimaisquemasœuravaitrenoncéàsondroitàlavieprivéelejouroùelleavaitabandonnésonbébéchezsamère.Jereprismalecture.Jecroissavoirouelleest,maisjepréfèreattendrequequelqu'unmerappellepouravoirconfirmation.Jet'endiraiplusdemain.— Liza, Liza, personne ne t'a appris où se trouvait la touche «majuscule» sur ton clavier?soupirai-je. J'ouvris la pièce jointe qui contenait la fameuse liste. Sa longueur m'arracha ungrognementincrédule.Jesauvegardailedocument.Avant déparcourirmes autresmessages, j'ouvris le navigateur et allai fureter surGoogle à larecherched'informationssurJackTravis.J'étais curieuse de voir les résultats, il fallait l'avouer. Bien entendu, j'obtins des pages et despagesderenseignements,polluésderéférencesàsonpère,ChurchillTravis,ainsiqu'àsonfrèreaine,Graig.IlyavaitcependantquelquesliensintéressantsconcernantJack.L'und'euxmenaitàunarticleparudansunmagazineéconomiqueàtiragenational.Ils'intitulait:«Surlestracesdupère».Dernièrement,JackTravis,lefilscadetdumilliardaireChurchillTravis,sefaisaitplusremarquersurlascènenocturnedesclubsetdiscothèquesdeHoustonquedanslemondedesaffaires.Maiscelaestsur le point de changer grâce à une kyrielle de projets d'envergure - en partenariat avec desentreprisesprivéesetpubliques-quiforcentlerespectetpromettentdel'éleveraurangdesmeilleursentrepreneurstexans.Même si son champd'actiondiffère de celui de sonpère, JackTravis est la preuve vivante que lapommenetombejamaisloindel'arbre.Interrogésursesambitions,ilseprésentecommequelqu'unquiestarrivéparhasarddans lemondedesaffaires.Les faits tendent toutefoisàcontredirecetteprétenduedésinvoltureetcequed'aucunsappellentcarrémentdelafaussemodestie.Indice n°I:TravisCapital,une filiale nouvellement créée deTravisManagement, vient d'acquériraprèsdesmoisdenégociationsAlligatorCreek,unterraindegolfdecentcinquantehectaressituédans le sud de la Floride, pour un montant non divulgué. Le golf sera géré par une entreprisepartenairebaséeàMiami.Indice n° 2: TravisManagement est actuellement en train de réhabiliter un quartier au cœur deHouston, d'une surface équivalente à dix pâtés demaisons surManhattan. Les immeubles seronttransformésenbureauxetappartementsdestanding.Sontégalementprévusunegaleriemarchandeetuncomplexecinématographique,autantdeprojetsquiserontgérésparunefilialedugroupeTM.L'articlepoursuivaitsadémonstrationenénumérantd'autresprojetsendevenir.Jeretournaiàmapagederésultatspourm'intéresserauxphotosaffichéessousformedeminiatures.Jecliquaietretinsmonsouffle.Jack Travis en train de faire du ski nautique, les pectoraux saillants, ses abdominaux noueuxformant un boulier demuscles durs. Jack étendu sur une plage d'Hawaii, en compagnie d'uneactrice célèbre qui jouait dans une série fort populaire. Jack et une célèbre présentatrice dejournaltélévisé,dansantjouecontrejouelorsd'ungaladecharité.—Quellevietrépidante,JackTravis,murmurai-je.Je n'avais pas l'intention de m'arrêter là, mais la sonnerie de mon portable m'empêcha depoursuivremesinvestigations. Jerampaisur le litpourrécupérer letéléphonedansmonsacà

Page 30: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

main,priantpourquelebruitneréveillepasLuc.—Allô?—Commentçava?JemedétendisenreconnaissantlavoixdeDane.— Je vis une folle idylle avec un jeunot. Il est un peu petit pour moi.et il. a un problèmed'incontinence,maisnousfaisonsungrostravailsurnous-mêmespourpréservernotrerelation.Danes'esclaffa.—Tuescheztamère?—Ah,ah!Trèsdrôle!grinçai-je.Ellem'aviréeàlapremièreheure.Maiscen'estpasgraveparcequeLucetmoiavonstrouvéunpalace.Enfin,c'estlasecrétairedeM.Travisquinousl'adéniché.JecroisqueleprixdelanuitéeavoisineleremboursementmensueldelaPrius.Je lui racontai les événements de la journée tout en me préparant un café. Et je ne pusm'empêcher de rire sous cape lorsque je versai dans la tasse le contenud'une capsule de laitécrémépasdutoutvégétalien.—EtTravisaacceptédefaireuntestgénétique,conclus-je.QuantàLiza,ellecherchetoujoursàlocaliserTara.J'aiprisduretardpourmachronique,ilvafalloirquejelaterminecesoir.Jesirotaisbenoîtementmoncaféaulait.—TucroisqueTravismentquandildîtqu'iln'apascouchéavectasœur?demandaDane.—Peut-êtrepassciemment.Ilpeutavoiroublié.Ildoitbienavoirundoute,sinonilauraitrefusédesesoumettreautest.—Ehbien,silegosseestlesien.Taraagagnélegroslotnon?—Ellenedoitpasvoirleschosessouscetangle.Entoutcas,j'espèrequ'ellenecomptepasseservirdeLucpourextorquerdel'argentauxTravischaquefoisqu'elleenaurabesoin.Cepauvrechouméritemieuxqued'êtretraitécommeunepompeàfric.Je tournai la tête vers le petit être qui occupait le centre du lit, et mon cœur se serra decompassion.Despetitsspasmesmusculairesl'agitaient.Ildevaitrêver:Àquoirêvait-anquandonn'étaitâgéqued'unesemaine?—Dane,murmurai-Je,tutesouviensdecequetum'asditàproposdescanardsetdelaballedetennis?Àproposdecescanetonsquis'attachentàlatoutepremièrechosequ'ilsvoientausortirdel'œuf?—Oui,lephénomèned'identification.—Rappelle-moidequoiils'agit...—Aprèsl'éclosiondel'œuf,ils'écouleunlapsdetempsdurantlequellecanetonvas'identifieràn'importequelleautrecréatureouobjetmobilequivagraversonempreintedanssonsystèmenerveux. Il l'identifie aussitôt comme sa mère et il s'y attache. Dans l'étude que j'ai lue, lescanetonss'étaientidentifiésàuneballedetennis.—Celapsdetemps...ildurelongtemps?—Pourquoi?Tuaspeurd'êtrelaballedetennis?Jeperçusautantdeméfiancesoudainequed'amusementdanssavoix.—Jen'ensaisrien,avouai-je.C'estpeut-êtreLuc,laballedetennis.—Merde,Ella...Tunevasquandmêmepast'attacheràlui?—Non.Biensûrquenon.J'aienviederentreràAustinleplusvitepossible.Jenevaissûrementpas...Jem'interrompisabruptement,caronvenaitdefrapperàlaporte.—Uneseconde,Dane.Sans prendre la peine de remettre mes chaussures, j'allai ouvrir, et me retrouvai face à Jack

Page 31: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Travis.Ilavaitdesserrésacravate.Unemèchehirsutesedressaitsursonfront,commes'ilvenaitdesepasserlamaindanslescheveux.Sonregardglissademonvisagedépourvudemaquillageàmespiedsnus,puis,lentement,revintseriveraumien.Uneflèchedeplaisirselogeadansmonventreetcommençaàirradierunedoucechaleur.Mesdoigtssecrispèrentsurlecombiné.—C'estleserviced'étage,dis-jeàDane.Jeterappelleplustard.—D'accord,mabelle.Jecoupailacommunication,reculaid'unpaset,d'ungesteembarrassé,fissigneàJackd'entrer.—Bonsoir. Jevousavoueque jesuissurprise...Quandvousm'avezdit«àcesoir», j'aicruquevoustéléphoneriez.— Ce ne sera pas long, assura-t-il. Je viens de déposer mes clients à l'hôtel Ils souffrent dudécalagehoraireetontterminéleurjournée.Votrechambrevousconvient-elle?—Oui,merci.Nous demeurâmes face à face dans un silence qui s'épaissit rapidement.Mes orteils nus, quiauraientbieneubesoind'unepédicure,serecroquevillaientdanslalainedutapis.Jemesentaisenpositiond'inférioritéenbermudaetT-shirt,alorsqueJackétaitencoreencostume.—Monmédecin nous recevra demainmatin afin de procéder au prélèvement, déclara-t-il. Jepasseraivouschercherà9heures.—Combiendetempsfaut-ilpourconnaîtrelerésultat?—D'ordinaire,entretroisetcinqjours.Maislemédecinvafairepasserledossierenprioritéetj'espèreenavoirlecœurnetdèsdemainsoir.Avez-vousdesnouvellesdevotresœur?—Jedevraisenrecevoird'icipeu.—Sivousvoulez, jepeuxvousprésenterquelqu'undontle jobconsisteàretrouverlesgensleplusvitepossible.—Vousvoulezdireundétectiveprivé?Jenevoispasbiencequ'ilpourraitfairedeplus.Pourlemomentnousn'avonsguèred'informationsexploitables.—Sivotresœuragardésonportable,illuifaudraàpeineunquartd'heurepourlalocaliser.—Ets'ilestéteint?—Sic'estunmodèlerécent;ilseratoutdemêmerepéré.Etpuis,ilyad'autresmoyensdepisterquelqu'un. On peut éplucher les débits de carte bancaire, vérifier les registres de la Sécuritésociale..Quelquechosedansletonpragmatiquequ'ilemployaitmemitmalàl'aise.Ilraisonnaitvraimentcommeunlimier.J'eusunepenséeinquiètepourTara.Jemefrottailestempes,fermailesyeuxquelquessecondes.—Si jen'aipasréussià la joindredemain, j'envisageraipeut-êtrederecouriràcesméthodes,répondissefinalement.—Vousavezmangé?s'enquit-ilsanstransition.—J'aigrignotéquelquestrucsquej'aitrouvésdansleminibar.—Voulez-vousquenoussortionsdînerquelquepart?—Touslesdeux?Priseaudépourvu,jejetaisansréfléchir:— Vous vous retrouvez en plan pour la soirée, c'est ça ? Mais il y a sûrement une fille dedisponibledansvotreharempersonnel,non?Jevissespaupièresseplisser,etj'eushontedemoi.Cen'étaitvraimentpasutiledesemontrer

Page 32: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

aussigarce,maisj'étaisdansuntelétatdefatiguementaleetphysiquequecesparolesm'avaientéchappé.Avantquejepuisseluiprésenterdesexcuses,ildemandad'unevoixsourde:—Que vous ai-je donc fait, Ella? À part vous avoir trouvé une chambre et avoir accepté vosexigencesconcernantcetestdepaternité?— Je paierai pour l'hôtel et pour le test. Si celui-ci était complètement injustifié, vous auriezrefusédelefaire,arguai-je,surladéfensive.—J'aiencoreletempsdechangerd'avis.Jeveuxbienêtrepatient,maisjusqu'àuncertainpoint.J'esquissaiunsourirecontrit.—Jevousdemandepardon.Jemeursdefaimetjen'aipasfermél'oeildelanuit.Jen'aipaseuletempsdemepréparerà...toutcela.Jenesaispasoùestmasœur,mamèreestfolle,etmonamiest resté à Austin. Désolée, je crains que vous n'ayez fait les frais d'un enchaînement decontrariétés.Etj'imagineaussiqu'inconsciemment,voussymbolisezunpeuàmesyeuxtouslestypessusceptiblesd'avoirmismasœurenceinte...—Pourfaireunenfantàunefemme,encorefaut-ilavoircouchéavecelle,objecta-t-il.—Maisvousavezadmisquevousn'êtespassûràcentpourcentdenepasavoir...—Pardon.Moi,j'ensuisabsolumentcertain.C'estvousquiendoutez.Jesourisdenouveau.—Bon...Jevousremerciepourvotreinvitationàdîner,maiscommevousleconstatez,jenesuispashabilléepoursortir.Et,outrequej'enaiassezdetrimbalerpartoutcebébédecentvingtkilos,jedoutequevoustrouviezdequoimenourrir.Jesuisvégétalienne,etjepariequ'iln'yaaucunrestaurantvégétalienàHouston.Évoquer le dîner dut me mettre en appétit, car mon estomac choisit cet instant précis pourémettreungrondementcaverneuxdesplusembarrassants.Mortifiée, jeplaquailamaincontremonabdomen.Aumêmemoment,uncouinementimpatientmontadulit.Jetournailatête.Lucagitaitbrasetjambes,parfaitementéveillé.Jemehâtaid'allerchercherunbiberondanslefrigo,fiscoulerdel'eauchaudedansl'évierafind'entiédirlecontenu.Entre-temps,JackétaitallérécupérerLuc.L'ayantcalésursonbrasgauche, ilsemitàluiparlerdoucement.Envain.Lescouinementsnetardèrentpasàse transformerenpleurs.Puisenhurlements,bouchegrandeouverte, lesyeuxplissésparl'effort.Jefourrageaidanslesacàlangeràlarecherched'unbavoir.—Vousperdezvotretemps,prévins-je.Rienneleferataire.Ilvacrierdeplusenplusfortjusqu'àobtenircequ'ilveut.—J'appliqueexactementlamêmeméthode,celafonctionnetrèsbien.Au bout de quelques minutes, je récupérai le biberon, vérifiai la température du lait. Puis jem'installaisurunechaise.Jackm'apportaLuc.Goulûment,celui-cirefermasespetitesgencivesrosessurlatétinedésiliconeetsemitàtéteravecardeur.Jackm'observaitd'unairsongeur.—Ainsi,vousêtesvégétalienne?D'expérience,jesavaisqu'uneconversationquicommençaitdecettefaçonavaittendanceàmalseterminer.—Jepréfèreéviterlesujetsicelanevousennuiepas.—Cen'estpasunrégimetrèsfacileàtenir.SurtoutauTexas.—Jetriche,admis-je.Enfin,untoutpetitpeu.Unenoisettedebeurrepar-ci,unefritepar-là...Ilécarquillalesyeux.—Vousn'avezpasdroitauxfrites?

Page 33: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

— Non, parce qu'on ne sait jamais, elles peuvent avoir été frites dans de l'huile qui a serviauparavantàcuiredelaviandeoudupoisson.JecaressaimachinalementunedesmainsminusculesdeLucplaquéesdechaquecôtédubiberon.Monestomacgrondaencoreplusfortquelapremièrefois.Jerougis.Jackhaussalessourcils.—Ondiraitquevousn'avezpasmangécorrectementdepuisdesjours,Ella.—Jemeursdefaim.J'aitoujoursfaim,soupirai-je.JesuisvégétariennecommeDane,monami.Maislasensationdesatiéténedurejamaisplusdevingtminutes,etparfoisjemanqued'énergie.—Pourquoisuivez-vouscerégime,danscecas?—C'estbonpourlasanté.Montauxdecholestéroletmapressionartériellesonttrèsbas.Etpuis,j'aimeilleureconsciencequandjeneconsommepasdeprotéinesanimales.—Jeconnaisuntasderemèdesquidonnentbonneconscience.—Jen'endoutepas.—J'ai comme l'impression que sans votre ami vousmangeriez de la viande. Je reconnus avecfranchise:—Sansdoute.Maisjesuisd'accordaveclesprincipesdeDane.Laplupartdutemps,celanemeposepasdeproblèmed'êtrevégétalienne.Malheureusement,jesuisfaibleet...ilm'arrivedemelaissertenter.—J'aimeçachezunefemme.Celarachètepresquevotreconscienced'écolomilitante.Jenepusm'empêcherderire.JackTravisn'avaitquefairedupolitiquementcorrect.C'étaitunecanailleet,pourlapremièrefois,jetrouvaiscedéfautattirantchezunhomme.Commenosregardssecroisaient,ileutunsourireéblouissantquiauraittrouvésaplacelégitimedansuntraitementcontrelastérilité.Monestomacrécalcitrantsetutenpleineprotestation.«Patrimoinegénétiquemagique»,meremémorai-je—Jack,vousdevriezpartir.—Jenevaispasabandonnerunefemmeàdemimortedefaim,quin'arienàsemettresousladent,exceptépeut-êtreunpaquetdechipsrancesdansleminibar.Unechoseestsûre,onnevousservirariendevégétaliendanscethôtel.—Ilyaunrestaurantaurez-de-chaussée.—Unsteak-grill.—Ilsaurontbienunesaladeverteàmeproposer,hasardai-je.Etpeut-êtreunfruit:—Ella,çanesuffirapasàvousrassasier.—Sansdoutepas,mais j'aides convictions, et j'essaiedem'y tenir.Deplus, l'expériencem'aapprisquechaquefoisqu'onfaisaituneentorseaurégime,onavaitdeplusenplusdemalàs'yremettre.Ilmeconsidérauninstant,unpetitsourirenarquoisauxlèvres.Puislentement,ilportalamainàsacravate,ladénoua.Jemesentisrougirjusqu'àlaracinedescheveux,tandisqu'illarepliaitavecsoinpourlaglisserdanslapochedesaveste.—Que...qu'est-cequevousfaites?bredouillai-je.Posément,ilôtasaveste,ladéposasurledossierdelachaiselaplusproche.Ilavaitlephysiqued'unhommequipassedutempsaugrandair,lecorpsminceetathlétique,lapeaubronzée.Onsentaitquesatenueclassiqued'hommed'affairesdissimulaitdesmusclesbienentraînés.Face à ce parangon de virilité, je me sentis victime de réflexes archaïques qui dataient deplusieursmillionsd'années.—Jemeproposedetestervotrevolonté,annonça-t-il.J'eusunrireincertain.—ÉcoutezJackje...

Page 34: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

D'unindexdressé,ilmeréduisitausilence.Puisilalladécrocherletéléphone,obtintlaréception,etsemitàfeuilleterlabrochuredel'hôteloùétaienténuméréslesservicesproposésauxclients.—Jevoudraiscommanderàdînerpourdeux,s'ilvousplaît.Jetentaid'intervenir:—Jack,jenesaispassicetteidéemeplaîtbeaucoup...—Pourquoi?—Vousavezuneréputationdeplay-boy...— J'ai euune jeunesse tumultueuse, je l'avoue.Maisdu coup, je suisun convive intéressant àtable.Oui,mettez-lesurlanotedelàchambre,enchaîna-t-ilàl'adressedelapersonneauboutdufil.—Ça,çanemeplaîtpasnonplus,bougonnai-je.—Tantpis.C'estlaconditionsinequanonàmavisitechezlemédecindemain.Sivousvoulezunéchantillondemamuqueusebuccale,ilva-falloirm'inviteràdîner.Jeréfléchisunmoment.DîneravecJackTravis...seuledansunechambred'hôtel...JebaissailesyeuxsurLuc,trèsoccupéàtétersonbiberon.J'avaisunbébédanslesbras,j'étaiscrevée, dé mauvaise humeur, et je n'arrivais pas à me rappeler quand je m'étais brossé lescheveuxpour la dernière fois. Il était quandmême très peuprobable que j'inspire leMoindredésirsexuelàunhommetelqueJackTravis.Desoncôté,ilavaiteuunelonguejournée,ilavaitfaim,etildevaitjustefairepartiedecesgensquidétestentmangerseuls.—D'accord,acquiesçai-jeàcontrecœur.Maispasdeviande,pasdepoissonetpasdeproduitslaitiers.Celasignifieaussipasdebeurreetpasd'œufs.Etpasdemiel.—Qu'est-cequevousavezcontrelesabeilles?—Cesontdésarthropodes,commeleshomardsetlescrabes.— Bonté divine ! s'exclama-t-il, avant de reporter son attention sur son interlocuteur autéléphone:Oui,nousprendronsunebouteilledecabernetHobbs.Combientoutcelaallait-ilmecoûter?— Pouvez-vous vous assurer que la méthode de fabrication n'inclut aucun produit dérivéd'origineanimale?ajoutai-jeavecperfidie.Ignorantmonintervention,Jackpoursuivitsacommande:—Pourcommencer,desœufsdecaneconfitsencuissonlentesurlitdechorizo.Ensuite,deuxentrecôtesdebœufderaceAngusnourrieàl'herbe.Saignantes.Jesursautai.—Quoi?Maisqu'est-cequevousfaites?—Jecommandedesprotéines.—Espècedesadique!Jem'étaismiseàsaliverdemanièreincontrôlable.Uneentrecôtesaignante... Jenemerappelaimêmeplusquandj'avaismangémonderniersteak.Voyantmonexpressiondésespéréesurmonvisage,Jackeutunsourireféroceavantd'enchaîner:—Despommesdeterreaufouraveclagarniturehabituelle:crèmeaigre,bacon...—...etfromage,m'entendis-jegémir.Duvraifromage,quifondait.Jedéglutispéniblement.—Etfromage,répétaJackdanslecombiné.Ilmejetauncoupd'œil,suggéra:—Quediriez-vousd'undessert?Jenesongeaisplusàrésister. J'étaissur lepointde trahir toutes lesrèglesetprincipesque jem'étaisimposésendevenantvégétalienne.EtDane,danslafoulée.Alorsautantnepasfairedans

Page 35: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

lademi-mesure.—Avecduchocolat,répondis-jedansunsouffle.Jacksurvolalemenu.— Deux fondants au chocolat, commanda-t-il. Merci. Il raccrocha et me lança un regard detriomphe.Iln'étaitpastroptard.Jepouvaisencoreexigerqu'ilannulemapartdudîneretcommandeàlaplace une salade verte, une patate à l'eau et une assiette de légumes vapeur. Mais j'avais lesjambesquiflageolaientàlapenséedel'entrecôte.—Combiendetempsavantqu'onnous.serve?risquai-je.—Trente-cinqminutes.—J'auraisdûvousenvoyeraudiable.—Jesavaisquevousn'enferiezrien,lâcha-t-ild'unairsuffisant.—Vouslesaviez?—Oui. Quand une femme est prête à dévier un peu du droit chemin, on arrive toujours à laconvaincredefaireungranddétour.Jemerenfrognai.Riant,ilpromit:—Détendez-vous,Ella.Danen'ensaurajamaisrien.

Page 36: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre5Deux serveurs apportèrent un véritable festin et mirent le couvert dans la partie salon. Ilsdéplièrentlatableroulante,recouvrirentleplateaud'unenappeblancheetydéposèrentdesplatssurmontésdedômesd'argentQuandlesverresfurentremplisetlesdômesenlevés,jetremblaisdefaim.MaisLucétaitgrincheuxdepuisquejeluiavaischangésacouche,etilsemettaitàpleurerchaquefoisquej'essayaisdeleposer.Letenantcalécontremonépaule,jelouchaissurl'entrecôtegrilléeposéesousmonnez.Pasfaciledemangerd'uneseulemain...—Laissez-moifaire,ditJack.Ilcontournalatableetentrepritdedécouperl'entrecôte,àgestessirapidesetprécisquejelançaid'untonfaussementalarmé:—Ditesdonc,voussavezmanieruncouteau!—Jechassedèsquej'enail'occasion.Jesuiscapabled'éviscérerunebicheenunquartd'heure.—Impressionnant.Révoltant,maistrèsimpressionnant.Satâcheterminée,ilposalescouvertsetsemitendevoirdecoincerl'angled'uneserviettedansl'encoluredemonT-shirt.Sesdoigtsm'effleurèrentlapeau.Jefrissonnai.Ilgagnasonsiège.— Si cela peut vous apaiser, sachez que je mange tout ce que je tue, précisa-t-il, une lueurmalicieusedanslesyeux.—Merci,maiscelanem'apaiseenrien.Oh,jesaisbienquelavianden'apparaîtpascommeparmiracle dans les petites barquettes de plastique du supermarché ! Mais je préfère ne pasm'appesantir sur le processus. Je ne crois pas que je serais capable demanger la vianded'unanimalquej'auraisaupréalablepourchasséet...—Dépecéetétripé?—Oui.N'enparlonsplus,voulez-vous?Jeprisunebouchéed'entrecôte.Était-ce la longueprivation, laqualité sublimedubœuf,ou letalentducuisinier?Quoiqu'ilensoit,laviandeétaitsucculente,fondanteàsouhait,avecungoûtcorsé,légèrementfumé.Jefermailesyeuxuninstant.Mespapilleschantaient.Jackritdoucementetmurmura:—Avouez-le,Ella,cen'estpassiépouvantabled'êtrecarnivore.J'attrapaiunmorceaudepain,letrempaigénéreusementdanslebeurrefondu.—Jenesuispasunecarnivore,jesuisuneomnivoreopportuniste,rectifiai-je.Jemordisdans lepainà lamiedense, savourai legoûtdubeurre frais. J'avaisoublié combienc'étaitbon.Avecunpetitsoupir,jem'obligeaiàmâcherlentementpourmieuxappréciercesmetsdélicieux.LeregarddeJacknemequittaitpas.—Vousêtesunefemmeintelligente,Ella.—Êtes-vousintimidéparlesfemmesquiontunvocabulaireétendu?—Biensûr.Siune femmeaunQ.I. supérieurà la températureambiantede lapièce, je fuis !Àmoinsqu'ellenepaieledîner.—Jepourraisjouerlesidiotesetvousdégaineriezvotrecartebleue,proposai-je.—Troptard.Vousavezdéjàprononcéunmotdeplusdequatresyllabes.

Page 37: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Luccommençaitàpesersurmonépaule.Jemerendiscomptequ'ils'étaitendormi.Mieuxvalaitlecoucher.—Excusez-moi...Jefisminedemelever.Aussitôt,Jacks'approchapourmetirermachaise.J'allaiposerlebébésurlelit,lerecouvrisdesacouverture.Lorsquejerevinsàtable,Jackétaittoujoursdebout.Jem'assisetilpoussamachaise.—CetteexpérienceavecLucconfirmetoutcequej'aitoujourspensédelamaternité,déclarai-je.Asavoirquejenemesentiraisansdoutejamaisprêteàtenterl'aventure.—Donc,sivousépousezDane,vousattendrezavantdefaireunenfant?Jem'attaquaiàmapommedeterre,piquaimafourchettedanslachairgrumeleuseruisselantedebeurréetdecheddarfondu.—Daneetmoin'envisageonspasdenousmarier.Jackmejetaunbrefregard.—Pourquoi?—Ànosyeux,lemariagen'aaucunesignification.Cen'estriend'autrequ'unmorceaudepapier.Ilparutréfléchir,puis:—Je n'ai jamais compris les gens qui prétendent qu'unmorceau de papier n'a aucune valeur.Certainsdocumentsenont,etsacrement.Lesdiplômes.Lescontrats.Lesconstitutions.—Oui,danslescasquevousmentionnez,j'enconviens.Maisunactedemariageettoutcequivaavec, labague, la robeblanchequivous transformeenmeringue... celan'aaucunsens. JepeuxtoujourspromettreàDanedel'aimertoutemavie,maiscommentêtrecertainequeceseravrai?Onnepeutpaslégiféreraveclesémotions.Etonnepossèdepasquelqu'un.Lemariageestdonc,fondamentalement,unaccorddepartagedesbiens.Biensûr,s'ilyadesenfants,ilfautsemettred'accordsur l'éducation,maisonn'estpasobligédesemarierpourcela. Jetrouveque,denosjours,cetteinstitutionestcomplètementdépassée.Jeportaià.maboucheunmorceaudepommedeterrebiengras.C'étaitsibonqu'ilauraitsansdouteétéplusdécentquejesavoureceplaisirenprivé.—C'estnatureldevouloirapparteniràquelqu'un,objectaJack.—Une personne ne peut pas appartenir à une autre. Aumieux, c'est une illusion. Au pire, del'esclavage.—Non,c'estjusteunbesoinaffectif.Jeprisletempsdemâcheruneautrebouchéeavantderépondre:—Jepeuxtoutàfaitaimerquelqu'unsansavoirbesoind'officialiserlelienquinousunit.Enfait,jepourraismêmedirequemonpointdevueestplusromantiquequelevôtre.Laseulechosequidevrait attacher deux êtres l'un à l'autre, c'est l'amour, seulement l'amour. Pas une formalitéjuridique.Jackbutunpeudevin,puisserenversacontreledossierdesachaise.Ilmétudiait,songeur,sonverreàlamain,seslongsdoigtsencoupesouslacorolledecristal.Cen'était pas du tout lamaind'unhomme riche telle que je l'imaginais: hâlée, ongles coupéscourt,calleuse...Ellemanquaitdegrâce,maispasd'attraits.Elletenaitceverresidélicatement.Jenepouvaism'empêcherdelafixer.L'espaced'uneseconde,j'imaginailecontactdecesdoigtsrugueuxsurmapeau.Et,àmagrandedéconvenue,uneboufféededésirphysiquemesubmergea.—Quefaites-vousàAustin,Ella?Laquestionm'arrachaàmespenséesdangereuses,—Jesuischroniqueusedansunmagazine.J'écrissurlesrelationsamoureuses.Uneexpression

Page 38: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

stupéfaites'affichasurlestraitsdeJack.—Vousécrivezsurlesrelationsamoureusesetvousnecroyezpasaumariage?—Jen'ycroispaspourmoi.Celanesignifiepasquejeledésapprouvechezlesautres.Sic'estlaformed'engagementqu'ilsontchoisie,alors tantmieux.Mlle Indépendantedonned'excellentsconseilsauxgensmariés,affirmai-jeavecunsourire.—MlleIndépendante?—Oui.—S'agit-ild'unedeceschroniquesféministesquitapentàbrasraccourcissurleshommes?—Pasdutout.J'aimeleshommes.Jesuisunegrandeadmiratricedelagentmasculine.D'unautrecôté, je rappelle souvent àmes lectricesquenousn'avonspasbesoindeshommespournoussentirentières.Ilsecoualatête.—Etmerde!—Vousn'aimezpaslesfemmeslibérées?—Si,maisellesdemandentbeaucoupplusd'efforts.Jen'étaispastropsûredecequ'ilentendaitparlà.Etjen'allaissûrementpasposerlaquestion.—Jesupposequevousavezréponseàtout,reprit-il.—Jeneprétendraijamaiscela.Jeveuxjusteaiderlesautresàtrouverdesréponses,sipossible.Ladiscussionsepoursuivit.J'apprisqueJackavaitluiaussifaitsesétudesàl'UniversitéduTexas,sixansavantmoi.Etqueluiaussiétaitfandujazzd'Austin.—J'allaistoutletempsécouterlesCryingMonkeysquandilsjouaientàl'EléphantRoom,avoua-t-il,faisantréférenceaucélèbreclubdejazzoùseproduisaientdesmusiciensparmilesmeilleursdumonde.Mescopainsetmoi,noustraînionslà-basdesheures,àrefairelemondeetàboiredubourbon...—Etàramasserdesfillesàdroiteetàgauche,achevai-je.Ilserembrunit.—Jesorsavecbeaucoupdefemmes,maisjenecouchepasavectoutes.—Quelsoulagement!Sinon,jevousauraissuggérédenepasvouslimiteràunexamengénétiqueaucabinetdumédecin.—J'aid'autrescentresd'intérêtdanslaviequepourchasserlesfemmes.—Jesais.Vouspourchassezaussilesanimaux.—Et,unefoisencore,jen'aipascouchéavecvotresœur.—Elleaffirmelecontraire.C'estsaparolecontrelavôtre.Etvousneseriezpaslepremieràvousdéfilerendetellescirconstances.—Elleneseraitpaslapremièreàmentirsurl'identitédeceluiquil'amiseenceinte.—Vousêtessortisensemble.Ellevousplaisait,vousn'allezpaslenier.—Biensûrqu'ellemeplaisait.Audébut.Maisauboutdecinqminutes,j'aisuquejenecoucheraispasavecelle.Ilyavaitdesérieuxsignauxd'avertissement.—Telsque?Sonregardsefitlointain.— Elle n'était pas du tout naturelle. Elle riait trop fort, semblait nerveuse. Ses réponses necorrespondaientpasauxquestions.Jevoyaisparfaitementcequ'ilessayaitdemedécrire.—Elleétaithypervigilante,enchaînai-je.Survoltée.Elledonnaitl'impressiond'anticipersurvosparolesouvosactions.—Exactement,confirma-t-il.

Page 39: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Jehochailatête,assailliedesouvenirsquinedemandaientqu'àaffleurer.—C'estàcausedenotreenfance.Nosparentsontdivorcéquandj'avaiscinqansetTaratrois.Nous n'avons jamais revu notre père, et mamère a pour spécialité de rendre son entouragecomplètementdingue.Explosionsdecolère,mélodramesàtoutpropos,nousnesavionspasceque c'était qu'une journée calme,normale.Tara etmoi vivionsdans l'angoissequ'undésastrenousfondedessus.Ducoup,nousavonsdéveloppéuncertainnombredemécanismesdedéfense,dontl'hypervigilance.Cen'estpasfaciledes'endébarrasser.—Vousyêtespourtantparvenue.—Quandj'étaisétudiante,j'aisuiviunethérapie.Maisc'estsurtoutgrâceàDanequejem'ensuissortie.Ilm'afaitcomprendrequevivreavecquelqu'unn'étaitpasforcémentsynonymedechaosetdetragédie.SijenepensepasqueTaraaitjamaisrencontréquelqu'und'aussistablequeDane.Je tendismon verre et il le remplit obligeamment.Morose, les yeux rivés sur le liquide rougesombre,jerepris:—Jemesenscoupabled'avoircoupélespontsdepuisdeuxans.Maisj'enavaisassezd'essayerdelasauver.Jedevaisaussipenseràmesauvermoi-même.—Personnenepourraitvouslereprocher.Vousn'êtespasresponsabledevotresoeur.Cessezdebattrevotrecoulpe,Ella.Lacompréhensiondontilfaisaitpreuvemedéstabilisa.J'éprouvaitoutàcoupunsentimentdeproximitéquimedésarçonnaencoreplus.Celan'avaitpasdesens.Jeleconnaissaisàpeine.Etjemelivraisbeaucouptrop.Jedevaisêtreencoreplusfatiguéequejenelepensais.Jem'efforçaisd'afficherunsourirequisevoulaitdésinvolte.—C'esttoutmoiça.Ilfautquejeculpabiliseunminimumchaquejour.Aujourd'hui,c'estàproposdeTara.Jebusunegorgéedevinetenchaînai:—Expliquez-moicommentuntypeissud'unefamilledefinanciersseretrouvedanslagestionimmobilière?Seriez-vouslabrebisgaleuseduclanTravis?—Non, seulement la brebis cadette. Je ne supporte pas d'entendre parier de stratégiesd'investissement,d'effetdelevier,d'achatsàdécouvert...Toutcelam'ennuieauplushautpoint.J'aimeconstruire.Réparer.Jesuisdugenreàjoueravecdesvisetdesboulons.Toutenl'écoutant,ilmevintàl'espritqueJacketDaneavaientunpointcommun-quiétaitaussiunequalité:chacunsavaitexactementquiilétaitetl'assumaitcomplètement.— Aprèsmes études, j'ai commencé à travailler pour une entreprise de gestion immobilière.Finalement,j'aiobtenuunprêtbancairequim'apermisderacheterl'affaire.—Votrepèrenevousapasaidé?—Sûrementpas!répliqua-t-ilenriant,J'aicommisdeserreursqu'ilm'auraitsansdouteévitées,maisjenevoulaispasqu'onmetraitedefilsàpapa.Jetenaisàassumertouslesrisques.J'avaisbeaucoupàprouveretiln'étaitpasquestionquej'échoue.—Detouteévidence,cen'estpaslecas.C'estintéressant.Aupremierabord,onvousprendpourlemâlealpha type.Lechefdemeute.Pourtantvousêtes-uncadet.D'ordinaire, lescadetssontplusdécontractés.—PourunTravis,jesuisdécontracté.—Ah.J'entamaimonfondantauchocolat.—Aprèsledessert,jevousmetsdehors,Jack.Jecrainsquelanuitnesoitlongue.—Lucseréveillesouvent?—Environtouteslestroisheures.

Page 40: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Nousachevâmesnotre festinet le restede labouteille. Jack téléphonaauserviced'étagepourdemanderqu'ondébarrasse,puisattrapasaveste. Je leraccompagnaià laporte.Sur leseuil, ils'arrêtaetmeregarda.—Mercipourcedîner.—Derien.Maisjevouspréviens,sivousnevenezpaschezlemédecindemainmatin,j'engageuntueur!—Jeserailàà9heures.Ilnebougeaitpas.Nousétionsrelativementprèsetjesentissoudainmarespirations'accélérer.En dépit de son attitude nonchalante, il était tellement plus grand quemoi que je ne pouvaism'empêcherdemesentirdominée.Et leplus,surprenant,c'estquecen'étaitpasfranchementdésagréable.—Daneest-ildugenrechefdemeute?senquit-il.—Non.C'estuncalme,unconciliant.Jenesupportepasleschefsdemeute.—Pourquoi?Ilsvousrendentnerveuse?—Pasdutout.J'enmangeunàchaquepetitdéjeuner.Une-flammeespiègledansleregard,ilrépliqua:—Jevaisrevenirtôt,alors.Avantquejepuisserépondre,ilavaitdisparu.

Page 41: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre6Je n'aurais jamais cru cela possible, mais ma deuxième nuit avec Luc fut encore pire que lapremière.Lasensationdebien-êtrequim'avaitenvahieaprèsavoirsavourécetteextraordinaireentrecôte,lecabernetetnotreconversationstimulantes'évaporacommeparenchantement.—Tuesuneplaie,Luc!Il se fichaitdemonopinioncommede l'anquarante. Jeperdis le comptedeses réveilsetdescouchesquejechangeaislesunesaprèslesautres,maisj'eusl'impressiondenepasdormirplusdevingtminutesd'affilée.Lorsqueleréveilsonnaà7h30,jem'extirpaipéniblementdulitettitubaijusqu'àlasalledebainspourmebrosserlesdentsetprendreunedouche.Après être restée un quart d'heure sous le jet brûlant et avoir bu deux tasses du piètre cafépréparéàl'aidedelaminicafetière,jemesentisunpeumieux.J'enfilai un pantalon de toile et une chemise bleu clair à manches trois quarts, chaussai dessandales en cuir tressé. J'hésitai un instant à utiliser le séchoir de peur de réveiller Luc, puisbranchail'appareilavecunhaussementd'épaules.Qu'ilbrailledonc,lepetittyran.Monbrushingachevé,j'éteignisleséchoir.Silence.Quesepassait-il?PourquoiLucétait-ilsicalme?Jemeprécipitaidanslachambreetpoussaiunsoupirdesoulagement.Sapoitrinesesoulevaitàunrythmerégulier,sesjouesétaientroses.Jeletouchaipourm'assurerqu'ilallaitbien.Ilbâilla,serralespaupièresplusfortencore.—C'estmaintenantqueturoupillestoi,marmonnai-je.Jem'assis prèsde lui pour contempler sapeau remarquablement fine, ses cils clairsemés, sestraitsdélicats.Sessourcilsduveteuxétaientpresqueinvisibles.IlressemblaitàTara,mêmes'ilavait les cheveux d'un noir de jais -comme Jack Travis, songeai-je en caressant les mèchessoyeusesduboutdesdoigts.Jemerelevai-pourallerdébranchermonportablequej'avaismisàchargerlaveille,etj'appelaimacousineLiza.Elledécrochaaussitôt.—C'estElla.—Commentvalebébé?—Bien.TuasdunouveaupourTara?Parcequesinon...—Jel'airetrouvée,annonçaLizad'untonvictorieux.—Quoi?Oùest-elle?Tuluiasparlé?—Pasdirectement.Maiselleaunamichezquielleseréfugieparfoisquandellenevapasbien.:.—Tuveuxdire,.;qu'ellesortaveclui?—Pasexactement.ilestmarié.Bref,j'aipenséàluietj'airetrouvésonnumérodetéléphone.Jeluiailaisséunmessageetilm'arappelée.Ilditqu'ellevabienetqu'elleestavecluidepuisdeuxjours..—C'estqui,cetype?

Page 42: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Jenepeuxpasteledire.Ilveutquesonnomresteendehorsdeça.—Tum'étonnes!Écoute,Liza,jeveuxsavoircequisepasseexactementavecmasœur,oùellesetrouve,et...—ElleestdansunecliniqueduNouveau-Mexique.Lesbattementsdemoncœurs'accélérèrentbrusquement.Enproieàunlégervertige,j'articulai:—Quelgenredeclinique?Unecliniquededésintoxication?ellesedrogue?—Non, non. Il ne s'agit pas de drogue. Je pense qu'elle fait un genre de dépression. Lemot «dépression»mefitpeur.D'unevoixhaletante,jedemandai:—Comments'appellecetteclinique?—LaCliniquedubien-être,àMountainValley.—C'estcetypequil'afaitadmettrelà-bas,ouelleyestalléedesonpleingré?Dansquelétatest-elle?—Jen'ensaisrien.Tuleluidemanderas.Jefermaiuninstantavantdemeforceràdemander:—Liza...elle...ellen'apasfaitdebêtise,n'est-cepas?—Ohnon,pasdutout.D'aprèscequej'aicompris,ellen'arrivaitplusàassumerlebébé.Elleapeut-êtrejustebesoind'unpeudevacances.J'eusunsouriresansjoie.Taraavaitbesoindebienplusquedesvacances.—Bon,jetedonnelescoordonnéesdelaclinique,enchaînaLiza.TudevraispouvoirjoindreTarasursonportable,maintenant.Jenotailesrenseignements,misfinàlacommunication,etfonçaisurmonordinateurportable.Unerecherchem'appritquelaCliniquedubien-être,situéedansunepetitevilleprochedeSantaFe,étaitspécialiséedanslestraitementsdecourtedurée.Avoirlesphotospubliéessurlesite,celaressemblaitplusàunspaouàuncomplexetouristiquequ'àunecliniquepsychiatrique.Onyvantaitmêmelesméritesdethérapiesholistiquesetd'ateliersdediététique.Mais,apparemment,elledisposaitd'uneéquipedeprofessionnelsdiplômés,ainsiqued'uneunitédesoinsintensifsenpsychiatrie.ÀlarubriqueTraitements,onmettaitl'accentsurlebien-êtrementaletphysiquedespatients,lebutétantd'utiliserlemoinspossibledemédicamentsoupasdutout.LaCliniquedubien-êtredeMountainValleysemblaitunrecoursplutôtdécalépourunepersonnesouffrantdedépression.Cesgensavaient-ilsvraimentlesmoyensd'aiderTara?Ilsproposaientlesservicesdemanucuresetd'esthéticiennes,maisavaient-ilsdebonspsychologues?Installéeaubureaudisposédansuncoindusalon,jemeprislatêteentrelesmains.Qu'arrivait-ilà ma soeur? La pitié, l'angoisse et la colère semêlaient enmoi. Je savais qu'il était presqueimpossibledefonctionnernormalementquandonavaiteuuneenfancecommelanôtre.Jerepensaiauxéclatstonitruantsdemamère,àsalogiquetordue,auximpulsionssaugrenuesquila prenaient sans crier gare, nous désorientaient, nous terrifiaient... Tous ces hommes quidéfilaientcheznous...cettequêteeffrénéedubonheurquilatenaillait...Maisriennipersonnen'avaitjamaispularendreheureuse.Ettousleseffortsquenousfaisionspour feindred'avoirunevienormalenousavaient isolées,Taraetmoi.Nousavionsgrandiensachant que nous étions différentes des autres. Aujourd'hui, nous avions toutes deux de grosproblèmesrelationnels.Nousn'étionsvraimentprochesdepersonne,pasmêmel'unedel'autre.Dansnotretête,êtreintimeavecquelqu'unéquivalaità luioffrir lapossibilitédenousblesser.C'estainsiquenousraisonnionsdepuis toujours.Commentdésapprendrecela?C'étaitenkystédanschaquefibredenotreêtre.S'endébarrasserrevenaitàs'amputer.J'attrapaimonportableetcomposailenumérodeTara.Cettefois,ellerépondit.

Page 43: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Allô?—Tara,c'estmoi!Est-cequeçava?—Çava,oui.Lavoixdemasœurétaithautperchée,hésitante.Onauraitditcelled'uneenfant.Lessouvenirsm'assaillirentenforce.Jemerappelailapetitefillequ'elleavaitété.Jemerappelaiceslonguesjournéesetceslonguesnuitsoùnousrestionsseulesàlamaison,alorsquelefrigoétaitvide,etquenousnesavionspasquandnotremèrerentrerait.Je lisais des histoires qui parlaient de créatures fantastiques, d'enfants intrépides, de lapinsaventureux.Taram'écoutait,serréecontremoi,sansquej'aiel'idéedemeplaindrealorsqu'iln'yavaitpasl'airconditionnéetquenouscrevionsdechaud.—Alors,qu'est-cequit'arrive?demandai-jeavecdouceur.—Oh...pasgrand-chose.Nouseûmestoutesdeuxunpetitrire.Jefussoulagéedeconstaterquemasœuravaitconservélesensdel'humour.—TaraSue,tudétestesautantquemoilessurprises.Tuauraisquandmêmepunouspréparerunpeu.Cen'étaitpastropdemander.Tuauraispum'appeler.M'envoyerunmail.M'écrireunepetiterédaction,Cequej'aifaitpendantlesvacances.Aulieudecela,j'aireçuuncoupdefilpaniquédemaman.Unlongsilence.—Elleestfâchéecontremoi?hasardaenfinTara.—C'estchroniquechezelle,d'êtrefâchée.SituveuxsavoircommentellearéagiparrapportàLuc...Ehbien,jecroisque,s'illuiétaitvenuàl'idéequ'unjourl'unedenousluiinfligeraitl'affrontdelarendregrand-mère,ellenousauraitfaitstériliseravantlapuberté!HeureusementpourLuc,ellen'estpasdugenreàanticiper.—Est-cequ'ilvabien?demandaencoreTara.Ellesemblaitauborddeslarmes,àprésent.—Ilestensuperforme.Etilmangebien.—Jesuppose...quetudoistedemanderpourquoijel'ailaisséenplanchezmaman.—C'estvrai,maisavantd'aborderlesujet,dis-moioùtues.Lizam'aparléd'uneclinique?—J'ysuisdepuishiersoir.C'esttrèsbien.J'aiunechambrepourmoitouteseule,etjepeuxalleretveniràmaguise.Ilsdisentquejevaisdevoirresteraumoinstroismois.Jedemeuraiinterdite.Pourquoitroismois?Commentlesmédecinspouvaient-ilsdéterminerdemanièresipréciseladuréedesonséjour?IlsavaientprisdesmesuresetconcluqueTaraenétaitaustade«foliemoinstrois»?Si elle avait despulsions suicidaires ou si elle souffrait depsychose, il lui faudrait sansdoutebeaucoupplusdetempspourseremettre.Àmoinsquelesmédecins,afindelaménager,n'aientpréféréluilaissercroirequ'elleentamaitunséjourdecourtedurée?Toutescesinterrogationssebousculaientdansmatête,sipressantesquejeneparvenaispasàarticulerunson.Tarasemblapercevoirmonimpuissance.— C'est mon ami Mark qui a payé le billet d'avion et a pris les dispositions nécessairesconcernantmonséjourenclinique,reprit-elle.Mark.L'hommemarié.—Tueslà-basdetonpleingré,n'est-cepas?—Jen'aienvied'êtrenullepart,Ella,répondit-elledansunsouffle.—Tuasconsultéunmédecin?

Page 44: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—LeDrJaslow.Unefemme.—Lecourantestpassé?—Oui,elleestgentille.—Tupensesqu'ellevapouvoirt'aider?—J'espère.Jen'ensaisrien.—Dequoiavez-vousparlé?—Je lui ai dit que j'avais laissémon bébé chezmamère. Je n'en avais pas l'intention àmonarrivée,tusais.—Pourquoil'as-tufaitalors,magrande?Ils'estpasséquelquechosedeprécis?—Quandjesuissortiedel'hôpitalaprèsl'accouchement,jesuisrestéequelquesjourschezLiza.Maistoutétaittellementbizarre...Jen'avaispasl'impressionquec'étaitmonbébé.Jenesavaispascommentréagirentantquemère.—C'est normal. Papa etmamanne se sont pas comportés commedes parents avec nous. Tun'avaispasd'exemplesurlequelt'appuyer.—C'étaitcommesijenesupportaisplusderesterdansmaproprepeau.Viscéralement.ChaquefoisquejeregardaisLuc,jenesavaispassij'éprouvaiscequej'étaiscenséeéprouver.Puisj'aieulesentimentd'échapperàmonproprecorps,unpeucommesi jem'évaporais.Çan'apasduré,maisensuite,jesuisrestéedansunesortedebrouillard.Etçacontinue.C'esthorrible,jedétestecela.Ilyeutencoreunlongsilence,puisTarademandad'untonhésitant:—Tucroisquejesuisentraindedevenirfolle,Ella?—Non,répliquai-jesanshésiter.Jaiéprouvélamêmesensationàplusieursreprises.J'aivuunpsychologueàAustinquim'aexpliquéquecettedistanciationétaitunesorted'échappatoirequel'espritmetenplacepoursurmonteruntraumatisme.—Celatarriveencoremaintenant?—Cette sensationde sortirdemonpropre corps ?Non,pasdepuis longtemps.Avecuneaidepsychologique,ons'ensort.—Tusaiscequimerenddingue?Bienquej'enaieuneidéeassezprécise,jerépondis:—Quoi?—Quandj'essaiedemesouvenirdenotrevied'avant,lesaccèsderagedemaman,touscestypesqu'elle ramenait à lamaison... les seulsmoments que jeme rappelle clairement sont ceux oùj'étaisavectoi...quandtumepréparaisàmanger,ouquetumelisaisdeshistoires.Cegenredetrucs.Lereste,c'estletrounoir.Etdèsquejefouilledansmamémoire,j'aidesangoissesetdesvertiges.Dominant à grand-peine mon émotion, je demandai d'une voix qui me parut terriblementenrouée:—TuasracontéauDrJaslowcequejet'aiditàproposdeRoger?—Enpartie.—C'estbien.Peut-êtrepourra-t-ellet'aideràterappelerdedavantagedechoses.—C'estdur,avoua-t-elledansunsoupirtremblé.—Jesais.Tara.Ilyeutencoreunlongsilence.—Quandj'étaispetite,reprit-elle,j'avaisl'impressiond'êtreunchiendansunenclosdélimitéparuneclôtureélectrifiée.Saufquemamanchangeaitconstammentlaclôturedeplacesansprévenir.

Page 45: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

J'étaistoujourssurmesgardes,jenesavaisjamaisquandj'allaisrecevoirunedécharge.Elleétaitfolle,Ella.—Était?demandai-je,pince-sans-rire.—Maislesgensfonttoujourslasourdeoreille.Personnen'aenviedecroirequ'unemèrepuisseêtrecommeça.—Moi,jelecrois.J'étaisauxpremièresloges.—Maistun'étaispaslàpourquejet'enparle.TuespartieàAustin.Tum'aslaissée.Lesentimentdeculpabilitéquimesubmergeaàcetinstantfutsiintense,sidouloureuxquej'enauraiscrié.J'avaistantbesoind'échapperàceclimatoppressant,destructeur,quej'avaislaissémasœursedébrouillerseule.—Jesuisdésolée,balbutiai-je,je...Quelqu'unfrappaàlaporte.Ilétait9h15.Jemerappelaiquej'étaiscenséerejoindreJackTravisdanslehallunquartd'heureplustôt.—Merde,soufflai-je.Uneseconde,Tara...C'estlafemmedeménage.Neraccrochepas.J'allai ouvrir, invitai Jack à entrer d'un geste vif. J'étais en ébullition, j'avais l'impression quej'allaisvolerenéclats.Jackpénétradanslasuite.Saseuleprésenceréussitàapaiserlacacophoniequirugissaitàmesoreilles. Son regard noir était insondable. Il comprit aussitôt avec qui je parlais au téléphone,m'adressaunbrefhochementdetêtequidisait:«Toutvabien,nevousinquiétezpas.»Puisils'approchadulitoùLucdormaitIlportaitunJeanlégèrementbaggyetunpolovertavecdesfenteslatérales,legenredetenuequeseulunhommeauphysiqueparfaitpeutsepermettredeporter;unhommequisefiched'avoirl'airgrand,muscléoumince,parcequ'ilestgrand,muscléetmince.Envoyantsoncorpspuissantdominerceluidubébé-cetêtrechétifquin'avaitmêmepaslaforcederoulersurlecôté-,unepulsionprimairemesaisit.Stupéfiant!Moninstinctprotecteurs'étaitmisenbranlepourunenfantquin'étaitmêmepaslemien!J'étaisdevenueunetigresse,prêteàbondir.JemedétendistoutefoisenvoyantJackarrangerlacouvertureautourdeLuc.J'allaim'asseoirsurlaméridienneplacéeprèsdufauteuiletreprismaconversationtéléphonique.—Tara,jen'aipasbiensaisidequellemanièretonamiMarkestimpliquédanstoutcela.Est-celuiquipaietonséjouràlaclinique?—Oui.—Jepréfèrepayer.Jeneveuxpasquetuluisoisredevable.—Marknemedemanderajamaisdelerembourser.—Jeparled'unedettemorale.Cen'estpasfacilederefuserquoiquecesoitàquelqu'unquiaeucegenredelargesse.Jesuistasœur,jeréglerailesfraismédicaux.—C'estbon,Ella,laissetomber,rétorqua-t-elled'unevoixàlafoisagacéeetlasse.Cen'estpascequejetedemande.—C'estluilepèredel'enfant?J'avançaisàtâtons,j'allaisàlapêcheauxrenseignementsavecprudence.C'étaitunpeucommedoterunàunlespétalesd'unefleur.—Lebébén'apasdepère.Iln'aquemoi.Jet'enprie,nemeposepasdequestions.Avectoutcequimetombedéjàsurlatête...—D'accord,d'accord.C'est justeque... si tun'établispas lapaternité, Lucn'auradroit à aucunsoutienfinancierdelapartdesonpère.Etsitucomptesdemanderuneaidesociale,oninsistera

Page 46: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

pourquetufournissescetteinformation.—Jen'auraipasàdemanderuneaidesociale.Lepèreparticiperasurleplanfinancier,maisilneveutpasdegardepartagéeoudedroitdevisite.—Tuenessûre?Iltel'adit?—Oui.—Tara...tuasditàLizaquelepèreétaitJackTravis.JevisJackseraidiretsesbicepssegonflersouslesmanchesdupolo.—Non,cen'estpaslui,réponditmasœurd'untonneutre.J'aiditçaparcequeLizan'arrêtaitpasdemeposerlaquestionetquejesavaisqueçaluicloueraitlebec.—Tuenescertaine?Parcequej'étaissurlepointdeluidemanderdefaireuntestgénétique.—ÔSeigneur!Ella,nevasurtoutpasembêterJackTravisavecça.Cen'estpasluilepère,jen'aijamaiscouchéaveclui.—Alorspourquoias-tuditlecontraireàLiza?—Jen'ensaisrien.J'imaginequej'aiétéunpeuvexéequ'ilneveuillepasdemoi,etjen'aipasvoulul'admettredevantLiza.—Tun'avaisaucuneraisondetesentirvexée,dis-jedoucement.Jetrouvequ'ils'estcomportéengentleman.Ducoindel'oeil,jevisJacks'asseoirauboutdulit.Jesentaissonregardposésurmoi.—Peuimporte,répliquamasœurd'untoncontrarié.Écoute,ilfautquejetelaisse,maintenant...—Attends!Justeunechose,Tara.Dis-moi,celat'embêteraitquejediscuteavecleDrJaslow?—Non.Qu'elleacceptesiaisémentmesurprit—Merci.Danscecas,dis-luiquetunevoispasd'inconvénientàcequ'ellemeparle.Ellevoudratonautorisationécrite.Autrechose...Queveux-tuquenousfassionsdeLucpendanttonséjourenclinique?Il y eut un silence si profond, qui dura si longtemps, que je craignis un instant que lacommunicationn'aitétécoupée.—Jepensaisquetut'occuperaisdelui,réponditenfinTara.J'eusl'impressionderecevoiruncoupsurlatête.Jemefrottailefront,pressail'arêtedemonnez.J'étaispriseaupiège.Acculée.—JenepensepaspouvoirconvaincreDanedeleprendreàlamaison.—TupourraisallervivrechezLiza.Payermapartdeloyer.Jefixaiaveuglémentlaportedelasuite.C'étaitsansdouteunebonnechosequeTaranepuissevoir mon expression. Je partageais déjà le loyer de notre appartement avec Dane. Et l'idéed'emménagerchezmacousinequiramèneraitdeshommesàn'importequelleheure...sansparlerdelaréactiondecelle-cisijedébarquaisavecunnourrissonquinefaisaitpassesnuits.Non,cen'étaitpasunesolutionenvisageable.— Il faut que tu te débrouilles, Ella, reprit Tara d'une voix plaintive. Je n'ai pas l'énergie deréfléchiràlaquestion.Jenesaispasquoitedire.Embauchequelqu'un.JedemanderaiàMarkdepayer.—JepeuxparleràMark?—Non!s'écria-t-elle.Décidejustedecequetuveuxfaire.Maistoutcedontj'aibesoin,c'estquetuveillessurLucpendanttroismois.Troismoissurtouteunevie,Ella!Tunepeuxpasfaireça?Cestlaseulechosequejet'aiejamaisdemandée!Tunepeuxpasm'aider,Ella?Jet'enprie!Savoixfrémissaitdecolèreetdepanique.Jereconnuslesintonationshystériquesdemamère,etcelam'effraya.

Page 47: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Oui,jevaist'aider.Biensûr,biensûr,répétai-jejusqu'àcequ'elleconsenteàsecalmer.Puisnousdemeurâmestoutesdeuxsilencieuses,àboutdesouffle.Troismois,pensai-je,consternée,pourqueTaraparvienneàsurmonteruneenfanceboiteuseetsesséquellespsychologiques.Était-cepossible?Etdansl'intervalle,commentempêcherquemapropreexistencen'implose?—Tara,repris-jeauboutd'unmoment,sijedoist'aider-etjeleferai,ilfautquetumelaissesparlerauDrJaslow,etquetumelaissesteparleràtoi.Jen'appelleraipassouvent,maisquandcelaarrivera,tunedevraspasm'éviter.Detoutefaçon,tuvoudrasavoirdesnouvellesdeLuc,pasvrai?—D'accord.Oui,d'accord.Jenepusrésisteràlatentationd'ajouter:—Et,àtitreindicatif,cen'estpaslaseulechosequetum'aies,jamaisdemandée.Sonrirestridentmevrillalesoreilles.Avantderaccrocher,ellemecommuniqua lenumérodesachambreetceluidustandardde lacliniquequitransmettaitlesappels.J'auraisaiméprolongernotreconversation,mais-Taraymitfindemanièreassezabrupte.Jerefermaimonportable,essuyai lasurfacehumidesurmonjeanavantde leposerd'ungesteprécautionneux.Sonnée, jem'efforçaidefaire lepointsurceque jevenaisd'apprendre.C'étaitcommedecouriraprèsunevoitureenmarche.—Bonsang,maisquiestceMark?m'entendis-jedemanderàvoixhaute.J'étais tétanisée. Je demeurai pétrifiée et ne relevai pas la tête lorsque les chaussures de JackTravisentrèrentdansmonchampdevision-desbateauxaucuirusé,avecdégrossescouturesapparentes.Iltenaitquelquechoseàlamain:unmorceaudepapierplié.Sansunmot.Ilmeletendit.Je dépliai le feuillet, lus l'adresse de la Clinique du bien-être. II y avait aussi un nom,MarkGottler,unnumérode téléphoneetuneadresse, cellede l'Églisede laFraternitéde l'ÉternelleVérité.Confondue,jesecouailatête.—Quiest-ce?QuevientfaireuneÉgliselà-dedans?—Gottlerestpasteur,réponditJackens'accroupissantdevantmoi.C'estavecsacartebancairequelesfraisduséjourdeTaraontétéréglés.—Seigneur!Commentsavez-vous...Jem'interrompis,passailamainsurmonfrontmoite;puismurmurai:—Ehbien,votredétectiveestvraimentdoué.Commenta-t-il faitpourobtenircette infoaussivite?—Jel'aiappeléhier,justeaprèsvousavoirrencontrée.Biensûr.Avectoutcetargentàsadisposition,Jackavaiteubeaujeudefairevérifiermesdires.Onpouvaitparierqu'ilsavaitégalementtoutcequ'ilyavaitàsavoirsurmapetitepersonne.Jebaissaidenouveaulesyeuxsurlepapier:—Commentmasœura-t-ellepuavoiruneaventureavecunpasteurmarié?—Ilsemblequel'agencedetravailtemporairequil'emploiel'envoielà-basdetempsentemps.—Pourfairequoi?Laquête?ricanai-je.—LaFraternitédel'ÉternelleVéritéestuneméga-Église.Unegrosseentreprise.Ilsembauchentdes titulaires deMBA, proposent du conseil en investissement, gèrent leur propre restaurant.C'est un genre deDisneyland. Ils sont forts de trente-cinqmillemembres, et ce chiffre est en

Page 48: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

constanteaugmentation.Gottlern'arrivequedeuxièmedanslahiérarchie,maisilpasseàlatéléchaquefoisquelepasteurprincipalabesoind'êtreremplacé.Jelâchailepapieretcroisailesmains.—Monentrepriseaplusieurscontratsdemaintenanceavec laFraternitéde l'ÉternelleVérité,enchaînaJack.J'airencontréGottleràplusieursreprises.Jeluiadressaiunregardperçant.—Vraiment?Etdequoia-t-ill'air?—D'untypeouvert,sympathique.Unpèredefamilletranquille.Paslegenreàs'envoyerenl'airavecquelqu'und'autrequesafemme.—Ilsn'ontjamaislegenre,marmonnaijeendénouantlesmainspourserrermachinalementlespoings.Taran'apasvouluavouerqueGottlerétaitlepère,maisjenevoispaspourquelleautreraisonilpaieraitsesfraismédicaux.—Iln'yaqu'unmoyendelesavoir.Toutefoisjedoutequ'ilacceptedefaireuntestgénétique.—C'estsûr.Unpetitbâtard;çafaittachedanslecurriculumd'unprédicateurquifaitcarrièreàlatélévision.IlfautquejeparleàceGottler.Commentdois-jem'yprendreàvotreavis?Jeréprimaiunfrisson.Onauraitditquelatempératuredelapiècevenaitsoudaindebaisserdeplusieursdegrés.— Je ne vous conseille pas de débarquer sans rendez-vous, répondit Jack. Chez TravisManagement,onestplutôtdécontractésurlesujet,maispourcequiestdelaFraternité,vousnefranchirezpaslaportedel'immeuble.Jedécidaidememontrerplusdirecte.—Pourriez-vousm'aideràobteniruneentrevueavecGottler?—Jevaisyréfléchir.Cequiéquivalaitàunrefus,sansdoute.Jemesentaisengourdie,j'avaislenezetleslèvresquimepicotaient.Monregardseportaau-delàdeJack,endirectiondulit.Lebébéavait-ilfroid,luiaussi?—Ilvabien,assuraJackcommes'ilavaitludansmespensées.Leschosesvonts'arranger,Ella.Jetressaillisensentantsamainserefermersurlamienneetluilançaiunregardinterrogateur.Maisiln'yavaitriend'équivoquedanssonattitude.Samainétaitétonnammentvigoureuseetchaude.Quelquechosedanscecontactm'insufflaunregaind'énergie.C'étaitungestesiintimedesetenirlamain...J'enéprouvaiunréconfortetunplaisirindiciblesquim'apparurentaussitôtcommeunmanquedeloyautéenversDane.Maisavantquejepuisseprotesteroumêmesavourerlasensation,lecontactphysiquefutrompu.L'absence de figure paternelle m'avait marquée et je devais constamment lutter contre sesrépercussions.Spontanément,j'avaistoujoursétéattiréeparleshommesfortsetdominateurs,etcelameterrifiait.Aussiavais-jepris ladirectioninverseennesortantqu'avecdeshommesautempérament diamétralement opposé, tel Dane, qui vous laissait tuer une araignée ou portervotrevalise.Cependant un Jack Travis, avec son éclatante virilité et son assurance, exerçait sur moi unefascinationsecrète,presquefétichiste.Jedusm'humecterleslèvresavantderéussiràarticuler:—Vousn'avezpascouchéavecTara.Jacksebornaàsecouerlatêtesansmequitterdesyeux.—Jesuisdésolée,dis-jehumblement,j'étaisconvaincueducontraire.—Jesais.

Page 49: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—J'ignorepourquoijemesuismontréesibutée.—Vraiment?Jebattisdescils.Mamainmechauffaitencorelàoùlasiennes'étaitposée.— Eh bien, vous êtes libre, déclarai-je enfin d'une voix bizarrement haletante. Vous pouvezannulerlerendez-vouschezlemédecin,vousn'êtesplussurlalistedessuspects.Jeprometsdeneplusjamaisvousimportuner.Jemelevai.Ilm'imita.Ilétaitsiprochequej'eusl'impressiondesentirsachaleurcorporellesecommuniqueràmoi.Tropproche.J'auraireculésilaméridiennenem'enavaitempêché.—Vousallezprendresoindubébéjusqu'àcequevotresœursoitremise.C'étaitplusunconstatqu'uneinterrogation.Jehochailatête.—Combiendetemps?—Elleadit troismois, répondis-jeenm'efforçantdeparaîtrenaturelle. Jevais essayerd'êtreoptimisteetpartirduprincipequecelasuffira.—VousallezramenerLucàAustin?J'eusunpetithaussementd'épaulesimpuissant.—JevaisappelerDane.Je...j'ignorecommentnousallonsnousarranger.Jen'ignoraisriendutout.Celanemarcheraitpas.JeconnaissaissuffisammentDanepoursavoirque j'allais au-devant de sérieux problèmes. Ilm'apparut que cet épisode était susceptible deprovoquernotreséparation.Quarante-huit heures plus tôt, je menais une vie formidable. Aujourd'hui, tout s'écroulait.Comment trouveruneplacepourunbébédansmonexistence actuelle?Comment continuer àassurermachronique?Etcommentallais-jem'yprendrepournepasperdreDane.Un petit cri s'éleva du lit qui remit la machine en branle. Pour le moment, peu importait laréactiondeDane.Lalogistique,l'argent,letravail,riendetoutcelanecomptait,Pourl'heure,jedevaism'occuperd'unenfantquiavaitfaim.—Appelez-moiquandvousaurezdécidéquoifaire,ditencoreJack.Jemedirigeaiversleminibar,sortisundesbiberonsquej'avaispréparéslaveille.—Jenevousennuieraiplus.Jesuisvraimentdésoléepour...—Ella.Ilmerejoignitenquelquesenjambées,mesaisitparlescoudes.—Toutcelanevousconcerneplus,déclarai-je,décidéeàl'absoudreunebonnefoispourtoutes.Ilrefusademelâcher.—Appelez-moi,d'accord?—Biensûr.Jen'avaispasl'intentiondelerevoiretillesavaitaussibienquemoi.Seslèvresseretroussèrentsurundemisourire.Jemeraidis.Jen'aimaispasqu'onsemoquedemoi.—Àplustard,Ella.Etils'enalla.Lucvagissait.—J'arrive,lançai-je.Etjemehâtaid'allerréchaufferlebiberon.

Page 50: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre7JedonnailebiberonàLuc,changeaisacoucheetdécidaid'attendrequ'ilsoitprêtàfairelasiestepourappelerDane.Jemerendiscomptealorsquej'étaisdéjàentraind'organisermavieenfonctiondesprioritésdeLuc.Je l'installaisur ledoset,penchéesurlui,commençaià lui fredonnerquelquescomptinesdontdesbribesmerevenaientenmémoire.Lucsetortillait,mesuivaitduregard,écartaitlesbras.Jesaisisunedesesmenottespasplusgrossequ'unepiècedemonnaie,lapressaicontremajoue.Ilnelaretirapas,cherchantautantquemoiàétabliruncontact.C'étaitlapremièrefoisquequelqu'unavaitautantbesoindemoi.Lesbébésétaientdescréaturesdangereuses.Avantd'avoir compriscequivousarrivait, vous tombiez raidedingueamoureuxd'eux.Ce petit monsieur aux mines solennelles n'était pas capable de prononcer mon nom, mais ildépendait de moi pour tout. Je le connaissais depuis à peine plus de vingt-quatre heures,pourtant,jemeseraisjetéedevantunbuspourlui.Ilm'avaitbriséeenmillemorceaux.C'étaitterrible.Jechuchotai:—Jet'aime,Luc.Cetaveulelaissademarbre.«Biensûrquetum'aimes,semblait-ilpenser.Jesuisunbébéetlesgensaimenttoujourslesbébés.»Samain remua contrema joue, comme pour en éprouver la texture. Ses onglesme griffèrentdoucement.Commentcoupait-on lesonglesd'unbébé?Devait-onseservird'uncoupe-ongles,commepourunadulte,ouexistait-iluninstrumentspécial?Jesoulevaisespetonsrosespour lesembrasser. Ilsétaientaussidouxque lescoussinetsd'unchaton.—Onauraitdûtelivreravecunenoticed'utilisation,soupirai-je.Jen'aimêmepaslenuméroduserviceaprès-vente.Je songeai tout à coup à ma meilleure amie Stacy. Pourquoi lui avais-je accordé si peu decompréhension et de respect quand elle avait eu son bébé? J avais fait des efforts pourm'intéresseràsonquotidien,maisenréalité,jen'avaisaucuneidéedesbouleversementsqu'elleavaitdûaffronter.Onn'ensavaitrienavantd'êtresoi-mêmedanslebainjusqu'aucou.S'était-ellesentie débordée, elle aussi? Totalement dépassée par cette responsabilité d'une ampleur sanspareille ?On affirmait que les femmes avaient l'instinctmaternel, une sortede sagesse infusecachéeaufondd'elles-mêmesqui,lemomentvenu,leurmontraitlavoie.Jeneressentaisriendetel.Enfait,jen'avaisqu'uneenvie:passeruncoupdefilàStacypourrâleretmeplaindre.Etcommejecroyaisfermementauxvertusthérapeutiquesd'unebonneséancedelamentationsdetempsàautre,c'estexactementcequejefis.Jem'étaisaventuréedansunterritoireinconnuseméd'embûchesquiétaientfamilièresàStacy.Pendantdesannées,elleétaitsortieaveclemeilleuramideDane,Tom.C'estainsiquej'avaisfaitsaconnaissance.Puiselleétaittombéeenceinteparaccident.Tomavaitfaitcequ'onattendaitde

Page 51: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

luietl'avaitépousée.Tommie,leurpetitefilleavaittroisans.StacyetTomjuraientlamainsurlecœurqu'elleétaitlameilleurechosequileursoitjamaisarrivée.EtmêmeTomavaitl'airsincère.DaneetTométaienttoujoursmeilleursamis,maisjesavaisqu'aufonddelui,DaneconsidéraitTom comme une sorte de renégat. Autrefois, ce dernier était un activiste de gauche et unindividualisteforcené.Désormais, ilétaitmarié,propriétaired'unmonospaceauxceinturesdesécuritétachéesetauplancherjonchédepacksdejusd'orangeetdejouetenplastiquetirésdesboîtesdeHappyMeal.—Stacy,c'estmoi!Tuasuneminute?—Biensûr,Ella.Commenttuvas?Je l'imaginaidanslacuisinedeleurpetitemaisonrénovéeavecdumatérielderécup,sesyeuxnoirsbrillantsdanssonvisagecouleurcafé,sesextensionscompliquéesrelevéesenchignon.—Jesuismaudite,déclarai-jeavecgravité.—Tuesenpanned'inspirationpourtachronique?s'enquit-elleavecsympathie.J'hésitai,puis:—Oui.Jedoisconseillerunefemmeobligéedes'occuperpendanttroismoisdubébéquevientd'avoir sa sœur cadette, qui est mère célibataire et qui pendant ce temps-là va séjourner encliniquepsychiatriquepourseremettred'unedépression.—Pasfacile,convintStacy.—Ilyapire.L'aînéedesdeuxsœursvitàAustinavecsonpetitamiquil'adéjàprévenuequ'ilétaithorsdequestionderamenerlebébéchezeux.—Lesalopard!Etpourquoiça?—Jepensequ'ilrefused'endosserunetelleresponsabilité.Ildoitavoirpeurquecelal'empêchedesauverlemonde.C'estlamissionqu'ils'estfixée.Etpeut-êtrecraint-ilaussiquecelamodifieleur relation,que sapetite amie commenceà avoirdes exigencesqu'ellen'avaitpasdepar lepassé.Stacycompritenfindequoiilretournait.—MonDieu,Ella!TuneparlespasdeDaneetdetoi?C'était un bonheur de s'épancher sur l'épaule d'une amie comme Stacy qui prenaitautomatiquementmadéfense.C'estmoiquiallaischangerlesrèglesétabliesdenotrecoupleenessayant d'inclure un bébé dans notre vie, et pourtant Stacy se rangeait de mon côté sanshésitation.—JesuisàHoustonaveclebébé,expliquai-je.Noussommesdansunechambred'hôtel.Ilestlà,justeàcôtédemoi.Jen'avaispasenviedemelancerlà-dedans,maisLucestlepremiergarçonàquij'aidit«jet'aime»depuislelycée.OhStacy,tun'imaginespasàquelpointilestmignon!—Touslesbébéssontmignons.—Jesais,maiscelui-là,ilestvraimentau-dessusdelamoyenne.—Touslesbébéssontau-dessusdelamoyenne.Jem'interrompis,letempsdefaireunegrimaceàLucquifaisaitdesbulles.—Lucestdanslesunpourcentsupérieurs,affirmai-je.—Attendsuneseconde,Tomvientderentrer.IIfautquejeluiraconteça.Tooooom!rugitStacy.Jepatientai letempsqu'ellemettesonmariaucourant.Parmi les innombrablesamisdeDane,Tomavait toujours étémonpréféré.Avec lui, onne s'ennuyait jamais. Le vin coulait, les gensriaient,lesconversationsfleurissaient.Ensacompagnie,onsesentaitspiritueletcultivé.Stacyétaitunpeulacordeàlingequioffraitstabilitéetsoutienàcejoyeuxchiffonrougeclaquantauvent.—Tompeutprendrel'autreposte?demandai-je.

Page 52: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Pourlemoment,nousn'enavonsplusqu'un.Tommieafaittomberledeuxièmedanssonpot.TuasdéjàparléàDane?—Non,jevoulaisd'abordvousappeler,avouai-jeensentantmonestomacsenouer.Jeretardelemoment fatidique parce que je sais qu'il va flipper. Je sais déjà ce qui va se passer, Stacy,poursuivis-jed'unevoixenrouéeparl'émotion.IlvamediredenepasrentreràAustin.—N'importequoi!Tuvasreveniriciaveclebébé.—Jenepeuxpas.TuconnaisDane.—Oui,etc'estpourquoijepensequ'ilesttempsqu'ilmûrisseunpeu.Etpourcela,riendemieuxqu'uneresponsabilitéd'adulte.Pouruneobscureraison,jemesentisobligéedeprendreladéfensedeDane.—Daneestadulte.Ilamontésaboîte,denombreusespersonnesdépendentdelui.Maislà,c'estdifférent-Ilatoujoursditclairementqu'ilnevoulaitrienavoiràfaireaveclesenfants.Etcen'estpasparcequejemeretrouvedujouraulendemaincontraintedegérerunetellesituationqu'ildoitenpâtirluiaussi.—Biensûrquesi.Ildoittesoutenir.Etpuis,avoirunbébén'estpasunepunition.C'est...Ellefutinterrompueparuncommentairedesonmari.—Oh,tais-toi,Tom!rétorqua-t-elle.Ella,quandunbébédébarquedanstavie,ilfautbeaucoupluisacrifier,c'estunfait.Maisonreçoitbeaucoupplusenéchange.Tuverras.Luc avait commencé à cligner des yeux. La main posée sur son ventre, je sentais des petitsgargouillissousmapaume.—...enfanceheureuse,disaitStacy.Etilestarrivéàl'âgeidéalpourfonderunefamille.Tousceuxquileconnaissentpensentqu'ilferaunpèreformidable.Il fautque tu lui forces lamain,Ella.Une foisqu'il aura comprisàquelpoint c'est fantastiqued'avoirunenfant,àquelpointilsembellissentlavie,ilseraprêtàs'engagerpourdebon.—Ilneveutmêmepasêtrepropriétaire,objectaisje.Ilditqu'ilneveutavoiraucunfilàlapatte.—Lalibertétotale,celan'existepas.Sil'onsemetencouple,c'estpouravoirquelqu'unsurquicompterencasdecoupdur.Sinon,cen'estqu'une...Stacys'interrompitdenouveau,etj'entendisunevoixétoufféeenfondsonore.

—TuveuxqueTomluientouchedeuxmots?reprit-elle.Ilditqueçaneledérangepas.—Non.JeneveuxpasmettrelapressionàDane.—Maispourquoileménagerainsi?s'irritaStacy.Ilmesembleplutôtquec'estàtoiqu'onmetlapression!Tuesdanslepétrin,pourquoinetedonnerait-ilpasuncoupdemain?Jetejure,Ella,siDaneneréagitpascorrectement,jevaisluipasserlesavondusiècle!Derrièreelle,Tomfitencoreuneremarque.Stacyrépliqua:—Jeteprometsquesi,Tom.Bonsang,imaginequ'Ellasoittombéeenceintecommemoi?Tuasassumétesresponsabilités,alorspourquoiDaneenserait-ilexempté?Etquecesoitsonbébéoupas,jem'enfiche.Laseulechosequiimporte,c'estqu'Ellaabesoind'aide.Écoute,Ella,quoiquediseDane,rentreàAustinaveclepetit.Nousnetelaisseronspastomber.—Jenesaispastrop. Jecroiserais forcémentDane...etceseraitbizarredevivresiprèsde lui,maispasavec lui. Je feraispeut-êtremieuxdechercherunmeublé ici,àHouston.Cen'estquepourtroismois,aprèstout.—Etunefoisleproblèmerésolu,turetournerasavecDane?—Ehbien...oui.—Etsituchopaisuncancer,tuferaispareil, jesuppose!Tuiraisvivredetoncôtépendantlachimio,pournepasledéranger.Crois-moi,Ella, implique-ledanscetteaffaire.Tudoispouvoircomptersûrlui.Tu...Uneseconde,Tomveutteparler.

Page 53: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

J'attendisqueTomprennelecombiné.—Salut,Ella.—Salut,Tom.Avantquetudisesquoiquecesoit...surtoutnemedispascequeStacyaenvied'entendre,maiscequetupensesvraiment.TueslemeilleuramideDane,tuleconnaismieuxquequiconque.Ilvacampersursespositions,n'est-cepas?Tompoussaunsoupiràl'autreboutdufil.—C'estsûrqu'ilconsidèretoutcelacommeuneprison,leprêtimmobilier,lechien,lafemmeetlesdeuxenfantsetdemi.Et,contrairementàStacyetapparemmenttouteslesautrespersonnesde notre connaissance, je ne pense pas queDane ferait un père formidable. Il n'est pas assezmasochiste.J'eusunsouriretriste.JesavaisqueStacyferaitchèrementpayersafranchiseàTom.—Je sais que Dane préfère sauver la planète plutôt qu'un bébé, mais je ne comprends paspourquoi,avouai-je.—Sansdouteparcequelesbébéssonttrèsexigeants,etquesauverlaplanèteestbeaucoupplusvalorisant,réponditTom.

Page 54: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre8J'étaisautéléphoneavecDane,—JemeretrouvedansunesituationdontjenepeuxpasmedépêtrerAlorsjevaistedirecequejeveuxfaire,etensuite,tumedirasquelssontmeschoix.—MonDieu,Ella...—Non,nedispas«MonDieu,Ella».Jenet'aipasencoreparlédemesprojets.—Jelesconnais.—Vraiment?—J'ai sucequisepasseraitdèsque tuasquittéAustin.Dans ta famille, c'est toujours toiquinettoieslebazaraprèslafête.Dane s'exprimait d'un ton plein de sollicitude, à la limite de la pitié. J'aurais préféré del'agressivité.Ilmedonnaitl'impressionquemavieétaitunvéritablecirqueetquej'étaisleclownquimarchaitderrièrel'éléphant.—Personnenemeforceàfairequoiquecesoit,protestai-je.—Pourautantque je sache, t'occuperdubébéde ta sœurne faisaitpaspartiede tesobjectifspersonnels.—Elleaaccouchéilyaunesemaineseulement.J'aitoutdemêmeledroitdechamboulermalistedepriorités,non?—Si.Maiscelanesignifiepasquejedoivechamboulerlamiennedanslafoulée,soupira-t-il.Allez,raconte-moitout.Crois-leounon,jesuisavectoi.Jeluiexpliquaicequis'étaitpassé,relataimaconversationtéléphoniqueavecTara,etconclus,surladéfensive:—Cen'estquepour troismois.Et lebébéneposevraimentaucunproblème-saufsi tuveuxdormir lanuit, aurais-jedûajouter, ceque jene fispas. Jevaisdoncmemettreenquêted'unmeubléàHoustonetjevaisyresterjusqu'àcequeTaraaillemieux.Ensuite,jerentreraiàAustin.Teretrouver.Çanetesemblepasunebonnesolution?terminai-jeavecbrusquerie.Jel'entendispousserunlourdsoupir.—C'estunesolutionpossible.Queveux-tuquejetedise,Ella?Ceque j'aurais aimé l'entendredire ? «Rentreà lamaison, je t'aiderai avec lebébé. »Mais jerépondis:—Jevoudraissavoircequetupensesdetoutcela,entoutesincérité.— Jepenseque tues toujourscoincéedansdesvieuxschémasdesociété.Tasœurdérape, tamère claque des doigts, et tu mets ta propre vie en parenthèse pour accourir et régler lesproblèmes.Ilnes'agitpasseulementdetroismois,Ella.Ilpourraits'écoulertroisansavantqueTarane soit capablede sortir la têtede l'eau.As-tu envisagéqu'elle ait d'autres enfants?Queferas-tualors?Tulesaccueillerascheztoilesunsaprèslesautres?—J'y ai déjàpensé, admis-jedemauvaise grâce.Mais je ne vais pasme ronger les sangs avecd'hypothétiquesdésastres.Pourlemoment,iln'yaqueLuc,etilabesoindemoi.—Et toi dans tout ça? Tu es censée écrire un livre, non ? Et comment comptes-tu rédiger tachronique?

Page 55: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Jen'ensaisrien.Maislaplupartdesgensquiontdesenfantss'enoccupentetcontinuentdebosserenmêmetemps,non?—Lucn'estpastonenfant.—Ilfaitpartiedemafamille.—Tun'aspasdefamille,Ella.Jel'avaismoi-mêmeclaméàplusieursreprises,maisj'avaisdumalàl'acceptervenantdeDane.Jemeréfugiaidanslaplaisanterie.—Noussommesdesindividusliéspardesobligationsréciproques.Sionparlede«famille»àproposdegroupesdechimpanzésdel'Amazonie,pourquoipaspourlesVarner?—Dans lamesureoù ilarrivequecertainschimpanzéssebouffententreeux,pourquoipas,eneffet.Jen'auraispasdûluienraconterautantsurlesVarner,songeai-je.Aprésent,jem'enmordaislesdoigts.—Jedétestemedisputeravectoi.Tuastoujoursl'avantage,tuensaistropsurmoi,grommelai-je.—Tudétesteraisencoreplusquejetelaisséprendrelamauvaisedécisionsansdireunmot.—Jepensequec'estlabonnedécision,aucontraire.Plusj'yréfléchis,plusjecroismêmequec'estlaseuledécisionquejesupporteraisdeprendre.—Àtaguise.Mais,personnellement,jenelasupportepas.Jeprisuneprofondeinspiration.—Qu'allons-nousdevenirdanscecas?Celafaitquatreansquenoussommesensemble,Dane.J'avais du mal à admettre que la personne sur laquelle je m'étais reposée si longtemps, quej'aimaisetenquij'avaisleplusconfiance,m'opposeunetellefindenon-recevoir.—Jesupposequenouspourrionsconsidérercelacommeunepause.— Et àmon retour, nous reprendrons notre relation là où nous l'avons laissée? demandai-jeencore,tandisqu'ungrandfroidm'envahissaitlentement.—Nouspourronsessayer,—Commentcela,essayer?—Situmetsquelquechoseaucongélateurpendanttroismois,ceneserajamaisexactementlamêmechoselorsquetuleressortiras.—Maistuprometsdem'attendre,n'est-cepas?—T’attendrecomment?—Jeveuxdireque,pendantcetemps,tunecoucherasavecpersonned'autre.—Ella,nitoinimoinepouvonsfairecegenredepromesse.J'endemeuraibouchebée.—Vraiment?—Dansunerelationadulte,iln'yanipromessenigarantied'aucunesorte.Aucundenousn'adedroitssurl'autre.—Maisjepensaisquenousavionsunerelationexclusive,qu'ilallaitdesoiquenousn'irionsvoirpersonned'autre.Jetrouvaimavoixhorriblementgeignarde.Soudain,unepenséemetraversal'esprit.—Tum'asdéjàtrompée,Dane?—Jen'aimepasceterme,«tromper».Ilnecorrespondàrien.Maisnon,jen'aiétéavecpersonned'autre.—Etsimoi,j'avaiscouchéavecunautre?Tuneseraispasjaloux?—Jeneterefuseraispaslapossibilitéd'expérimenterd'autresrelationslibrement,sic'étaitcequetusouhaites.C'estunequestiondeconfiance,etd'ouverture.—Donc,notrerelationestouverte?

Page 56: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Onpeutledirecommeça,oui.J'avaisrarementétéaussiabasourdie.Lescertitudesélémentairesque j'avaissurnotrecouplevenaientd'êtretranquillementsaccagéesparDanelui-même.—Seigneur,commentest-ilpossiblequenousayonsunerelationouverteetquejenesoispasaucourant?Quellessontlesrèglesalors?—Il n'y a pas de règles pour nous, Ella, répondit-il d'un ton vaguement amusé. Nous n'avonsjamaisfonctionnéainsi.C'estpourcetteraisonquetuesrestéeavecmoisilongtemps.Sij'avaisessayédeterestreindred'unefaçonoud'uneautre,tuauraispristescliquesettesclaquesdanslaminute.Milleprotestationstournoyaientdansmatête.Était-ilpossiblequ'ileûtraison?Jemesurprisàlecraindre.—Pourtant,jemesuistoujoursconsidéréecommeunepersonneconventionnelle,commençai-jelentement.Bientropconventionnellepourunerelationdépourvuederèglestacites.—MlleIndépendanteestconventionnelle,rectifia-t-il.Elledonnedesconseilsauxgensenaccordavecunschématraditionnel.Maistoi,Ella...non,tun'espasquelqu'undeconventionnel.—JesuisMlleIndépendanteetjesuisElla!Noussommesindissociables.—Apparemment,lavraieEllaestàHouston.Etj'aimeraisqueturentres.—Jevoudraisramenerlebébéàlamaisonjustequelquesjours,letempsd'yvoirplusclair.—Çanemevapas.Jemecabrai.—C'estaussimonappartement!Jepaielamoitiéduloyer.—Trèsbien. J'iraihabiterailleurs le tempsque tuoccuperas les lieuxavec lebébé.Oubien jedéménageraicarrément,ettuaurasl'appartpourtoitoute...—Non!Jesavaisd'instinctquesiDanequittaitl'appartement,jerisquaisdeleperdrepourdebon.—Cen'estpasgrave.Gardel'appartement,jetrouveraiunhébergementtemporairepourLucetmoi.—Jet'aideraidanslamesuredemesmoyens.Jepaieraitapartduloyeraussilongtempsqu'illefaudra.Cettepropositionamicalemecontraria.J'étaisdéjàfurieusequ'ilrefusedetolérerlaprésencedeLuc chez nous. Mais surtout, j'étais consternée par ce que je venais d'apprendre sur nous. Jen'étaisplussûrederien.Nideluinidemoi.—Merci.Jetetiensaucourant,marmonnai-jeavantderaccrocher.—Lapremièrechosequenousdevonsfaire,c'esttrouverunelocationouunesous-location,dis-jeàLuclelendemainmatin.Encentre-ville...ouàMontrose,peut-être.Àmoinsquetunepréfèresquelque chosedeplusprochede Sugar Land?Nouspourrions aussi aller àAustin,mais ce neseraitpasfaciled'éviterqui-tu-sais.Etlesloyerssontbienpluscherslà-bas.Luc tétait gravement son biberon, comme s'il réfléchissait à toutes les opportunités quis'offraientànous.—Tucogites?Outumepréparesuneautrecouchesale?J'avais passé une grande partie de la soirée sur Internet à faire des recherches sur les bébés.J'avaisludespagesetdespagessurcequ'ilfallaitfaireoupas,surlespremièresétapescrucialesdans la vie des nourrissons, les vaccins, les visites chez le pédiatre; etc. Je m'étais mêmerenseignéesurlafaçondeleurcouperlesongles.—Écouteça,Luc,l'avais-jeinformé.Ilestécriticiquetuescensédormirquinzeàdix-huitheures

Page 57: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

parjour.Tuasdesprogrèsàfairedanscedomaine!Ilparaîtaussiquejedoisstérilisertoutcequetuportesàlabouche;etqued'icilafindumoistucommencerasàsourire.Un longmoment, j'étais restée le visage à quelques centimètres du sien, à lui faire de grandssouriresdansl'espoird'obteniruneréaction.Ilavaitdaignérépondred'unegrimacesisolennellequejeluiavaisdéclaréqu'ilressemblaitàWinstonChurchill.AprèsavoirenregistrédansmesFavorisunedouzainedesitesspécialisésdanslapetiteenfanceetlapuériculture,jem'étaislancéedanslarecherched'unappartementàHoustonouenprochebanlieue.Lesquartiersoùlesloyersétaientraisonnablesm'avaientparuminables,déprimants.Ceuxquimeplaisaientétaientévidemmenthorsdeprix. Il semblait impossiblede trouverune locationagréableàunprixmodique.Lucavaitsansdouteeupitiédemoi,carilnes'étaitréveilléquetroisfoisdurantlanuit.—Aujourd'hui,ilfautabsolumentquenoustrouvionsquelquechose,luidis-jeencore.Nousnepouvonspasresterdanscettechambred'hôtelexorbitante.JedécidaidepasserlamatinéeàchasserlesoccasionssurleNet,puisd'effectuerquelquesvisitesdansl'après-midi.Tandisquejenotailescoordonnéesdesdifférentspropriétaires,monportablesemitàsonner.L'écranaffichaTravis.Unpetitfrissondecuriositémeparcourut,—Allô?—Ella?Commentallez-vous?s'enquit-ildesavoixdebarytonsexy.—Bien,merci.Lucetmoicherchonsunappartement.Nousavonsdécidédenousmettreàlacolle.—Toutesmesfélicitations.VouscherchezàHoustonouàAustin?—Nousrestonsici.—Bien.Avez-vousquelquechosedeprévucemidi?s'enquit-ilaprèsunebrèvehésitation.—Non.—Jepeuxpasservouschercher?—Jen'aipaslesmoyensdedéjeuneravecvous.—Cettefois,c'estmoiquivousinvite,précisa-t-ilenriant.Ilyaquelquechosedontjevoudraisvousparler.—Quoidonc?Donnez-moiaumoinsunindice.—Contentez-vousdedireoui,etvoussaurezbientôtdequoiils'agit.J'hésitai,prisedecourtparlamanièreamicalequ'ilavaitdes'imposer.Onsentaitl'hommequin'avaitpasl'habitudedeselaisseréconduire.—Bon,unendroitdécontractéalors,Lucetmoin'avonsrienamenépournousmettresurnotretrenteetun.—Pasdeproblème.Dumomentquevousneluimettezpasdeschaussettesroses.Amagrandesurprise,Jackvintnouschercherauvolantd'unpetit4x4hybride.Jem'étaisplutôtattendue à unpick-upmonstrueux, dévoreur de carburant, ou peut-être à l'une de ces petitesvoitures de sport tape-à-1'œil hors de prix. Mais Je n'aurai certes pas parié sur l'un de cesvéhiculespratiquesetmodernequeDaneetsesamisn'auraientpasrechignéàconduire.ToutenbataillantaveclasangledusiègeautodeLuc,jecommentaid'untonrailleur:—Sionm'avaitditquevousrouliezàl'énergieverte!Jepensaisvousvoirarriverauvolantd'unHummer.—UnHummer?L'airdeHoustonestassezpolluécommeça.Ilmepoussadoucement,puisentrepritderéglerlasangleetdeclipserlaboucle.—C'estundiscoursécolo,ça,remarquai-jeenhaussantlessourcils.

Page 58: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Maisjesuisécolo.—Impossible.Unécolonechassepas.—Ella,ilyadeuxcatégoriesd'écolos:ceuxquiembrassentlesarbresetsontconvaincusqu'uneamibeaautantd'importancequ'uncariboucanadien...etceuxqui,commemoi,pensentque lachasseestunmoyenefficaceetresponsablepourrégulerlapopulationanimalesauvage.J'adorelanature,aussi jem'efforcede luttercontre lapollution, lapêcheanarchique, leréchauffementclimatique,ladéforestation,outoutcequiseraitsusceptiblededétruiremesplates-bandes.Ilreportasonattentionsurlebébé,solidementarrimésursonsiègetelunpetitastronautedanssa capsule.En retrait, jenepusm'empêcherd'admirer sondosmusclé, ses largesépaulesquitendaientsachemiseauxmanchesretrousséesetsonpostérieurmoulédansunjeanbootcut.Il avait le physique idéal pour jouer quarterback assez robuste pour stopper l'échappée d'unjoueur,assezgrandpourfaireunepasseprécisepar-dessuslalignedemêlée,etassezmincepourcouriràtouteallure.Commec'étaitsouvent lecasàHouston,un trajetquin'auraitdûprendrequ'unquartd'heureduraledouble.Toutefoisjenem'enplaignispas.Nonseulementj'étaisheureusedem'échapperun peu de ma chambre d'hôtel, mais Luc dormait comme un bienheureux, bercé par lemouvementdelavoiture.—Ques'est-ilpasséavecDane?s'enquitJacknégligemment.Vousavezrompu?—Non.pasdutout.Noussommestoujoursensemble.Enfin...nousfaisonsunepause.Pourtroismois.jusqu'àcequeTaraviennechercherLucetquejepuisseretourneraAustin,—Unepause?Est-cequecelasignifiequevousêteslibredevoird'autrespersonneschacundevotrecôté?—Nousavonstoujoursétélibresdevoird'autrespersonnes.Notrerelationn'estpasexclusive.Pasdepromesses,pasd'engagements,—Celan'apasdesens!Unerelation,cesontdespromessesetdesengagements.—Pourlesgensconventionnels,peut-être.MaisDaneetmoipensonsqu'onnepeutposséderunautreêtrehumain.—C'estn'importequoi.Jehaussailessourcils.Imperturbable,Jackpoursuivit:—C'estpeut-êtredifférentàAustin,maisici,àHouston,jevousassurequ'unchiennepartagesonosavecpersonne.Lacomparaisonétaitsioutrancièrequejenepusqu'éclaterderire.—Vousêtes-vousjamaisengagéenversquelqu'un,Jack?Sérieusement,jeveuxdire?—Unefois.Maisçan'apasmarché.—Pourquoi?—Pourquoi?Son hésitation fut suffisamment longue pour que j'en déduise qu'il n'avait guère l'habituded'abordercesujet.—Parcequ'elleesttombéeamoureusedequelqu'und'autre,lâcha-t-ilfinalement.—Jesuisdésolée.Laplupartdeslettresquejereçoispourmachroniqueémanentdeceluiquisouffredanslarelation.Deshommesquitententderetenirdesfemmesinfidèles,oudesfemmesamoureuses d'hommes mariés qui leur promettent de quitter leur épouse, mais ne le fontjamais...JefixaislepoucedeJackquiallaitetvenaitsurlecuirduvolant,commes'ils'efforçaitd'aplaniruneaspérité.

Page 59: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Quelconseildonneriez-vousàunhommedontlapetiteamieacouchéavecsonmeilleurami?demanda-t-ilàbrule-pourpoint.Jecompristoutdesuiteettentaideravalermacompassion,convaincuequ'iln'envoudraitpas.—Toutdépendsicelas'estproduituneseulefoisous'ilssevoientrégulièrement,—Ilssesontmariés.—C'estlapirechosequipuissearriver,parcequecelasemblelégitimerleurtrahison.Enquelquesorte, cela les absout, et le laissé-pour-compte reste avec son chagrin, bien obligé d'avaler lapilule,siamèresoit-elle,etd'envoyeruncadeaudemariagesouspeinedepasserpouruncrétinaigri.Danscecasdefigure,onsefaitavoiràtouslesniveaux.Sonpouces'immobilisasurlevolant,—C'estexactementcela.Commentlesavez-vous?—MmeEllasaittout,répliquai-jed’untonléger.Enextrapolantunpeu,jepourraismêmevousdirequeleurmariagedoitbattredel'aile,àprésent.Parcequecegenrederelationestconstruitsurunebasefissurée.—Néanmoinsvousneportezpasdejugementsurlatromperie.Parcequ'àvosyeux,personnenepossèdepersonne,c'estcela?—Non.Jecondamnefermementlatromperiequandilyadesrèglesétabliesauseinducouple.Àmoinsd'avoirspécifiéquelarelationn'étaitpasexclusive,lapromessedefidélitéestimplicite.Iln'yariendepirequedetrahirquelqu'unquivousaime.—Oui,acquiesça-t-ilàmi-voix.Etceseulmot,prononcéavecemphase,suffisaitàrévélercombiencesparoles trouvaientunerésonanceenlui.—Alors,ai-jeraison?repris-je.Àproposdeleurmariage?Ilbatdel'aile?—Vousavezraison.Depuisunmoment,çanevapasfort.Ilsenvisagentdedivorcer,etc'esttristeparcequ'ilsontdeuxenfantsmaintenant;—Quandelleseralibre,serez-vousdenouveausurlesrangs?—Jenepeuxpasdirequel'idéenem'apastraversél'esprit.Mais,non,cettepériodedemavieestrévolue.—J'aiunethéoriesurleshommesdansvotregenre,Jack.Sonhumeurparuts'amélioreretilmejetaunregardamusé.—Jevousécoute.—Jesaispourquoivousn'êtespasencoreengagédansunerelationstable.C'estunehistoirededynamiquedumarché.Lesfemmesavecquivoussortezsont,grossomodo,toutes lesmêmes.Vouspassezunbonmomentavecune fille, etpuisvouspassezà la suivante, en la laissant sedemander pourquoi ça n'a pas marché. Ce qu'elles n'ont pas compris, c'est que personne nedominelemarchéenproposantexactementlamêmechosequeleconcurrent,etcelaquellequesoitlabeautédel'emballage.Aussivotresituationnechangerajamais,saufs'ilyadel'imprévudansvotrevie.Ilyagrosàparierquevousfinirezauxcôtésd'unefemmeradicalementdifférentedecellequevousettoutlemondevousattendezàvousvoirépouser.Alors,quepensez-vousdemathéorie?m'enquis-jeenlevoyantsourire.—J'enpensequevousparlezbeaucoup.Lerestaurantqu'avaitchoisi Jackétaitpeut-êtredécontractéselonsescritères,mais ilyavaitquandmêmeunvoiturier,unekyrielledevéhiculesdeluxegarésauxalentours,etunauventau-dessusdelaported'entrée.Onnousmenaàunetabletrèsbienplacée,prèsdelabaievitrée.Àenjugerparledécorraffiné,

Page 60: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

l'ambiancecosy,lepianoenfondsonore,jen'auraispasétéétonnéeoutremesurequeLucetmoisoyonspriésdedéguerpiravantl'arrivéeduplatprincipal.MaisLucmesurpritenadoptantuncomportementexemplaire.Lerepasfutdélicieux.Lechardonnaychantaitsurmalangue,etJackserévélalecompagnondetableleplus"charmantqu'ilm'aitétédonnédecôtoyer.Ledéjeuner terminé, ilnous ramenadans le centredeHouston.Comme lavoiture s'engageaitdansleparkingsouterraindu1800MainStreet,jem'étonnai:—Nouspassonsàvotrebureau?—Danslapartierésidentielle.Oùmasœurhabiteettravaillepourmasociété.—Quefait-elle?—Elles'occupeprincipalement-desopérationsfinancièresetdescontrats,ainsiquedetoutuntasdechosesquejenepeuxpastoujoursréglerauquotidien.—Jevaislarencontrer?—Oui.Ellevousplaira,vousverrez.Nousprîmesl'ascenseurjusqu'àunpetit-halldemarbrequiaccueillaitunesculptureenbronzedestylecontemporain,ainsiqu'unbureauderéceptionassezimposant.Leconcierge,unjeunehommeenlivrée,saluaJackd'unsourireavantdejeterunregarddiscretaubébé endormi dans sa nacelle. Jack avait insisté pour porter celle-ci. J'avais accepté avecreconnaissance,mesbrasn'étantpasencorehabituésàmesnouvellesresponsabilitésdetante.—PrévenezMlleTravisquenousarrivons,ditJackauconcierge.—Toutdesuite,monsieurTravis.JesuivisJack.Nousfranchîmesuneportevitréedontlesbattantss'écartèrentsurnotrepassagedansunchuintementdiscret.Puisnousempruntâmesunautreascenseur.—Àquelétagesetrouvelebureaudevotresœur?demandai-je.—Auseptième,maisnousallonsretrouverHavendanssonappartementausixième.—Pourquoi?— C'est un appartement de fonction, l'un des avantages du boulot deHaven.Mais son fiancéhabite dans un cinq pièces au dix-huitième. Elle y a déjà transféré une grande partie de sesaffairessibienquesonpropreappartementestquasivide.Je commençais à comprendre où il voulait en venir. Mon estomac bondit, sans que je sachevraimentsic'étaitsousl'effetdelasurpriseouparcequel'ascenseurs'étaitébranlé.— Jack, si vous mijotez de nous installer, Luc et moi, dans cet appartement pour les troisprochainsmois,jevousremercieinfiniment,maisceneserapaspossible.—Pourquoi?L'ascenseurs'immobilisa.Jackmefitsignedeleprécéderdanslecouloir.Jedécidaiderépondresansdétour:—Jen'enaipaslesmoyens.—Nousallonsnousmettred'accordsurunloyerquiseradansvospossibilités.—Jeneveuxrienvousdevoir.—Jenesuispasconcerné.Toutcelaestentremasœuretvous.—Peut-être,maisvousêtespropriétairedecetimmeuble.—Pasdutout.J'ensuislegérant,nuance.—Nejouezpassurlesmots.L'immeubleestlapropriétédeTravisManagement.—D'accord,convint-ild'untonamusé.Pourautant,vousnemeseriezpasredevable.Toutcelan'est qu'une coïncidence. Vous cherchez un logement et il se trouve qu'un appartement est

Page 61: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

disponibleici.Jefronçailessourcils,soupçonneuse.—Vousvivezici,n'est-cepas?—Ella,jen'aipasbesoindedistribuerdesappartementspourdraguer.—Cen'estpascequejesous-entendais!Le rouge de la honte m'envahit les joues. En vérité, c'était exactement ce que j'avais sous-entendu.Commesimoi,EllaVarner, j'étaistellementirrésistiblequeJackTravisauraitfaitdespiedsetdesmainspourm'ameneràrésiderdanslemêmeimmeublequelui.Bonsang,depuisquandavais-jedéveloppéuntelego?Jetentaidemerattraper.—Jevoulaisjustedirequevouspourrieznepasapprécierd'avoirpourvoisinunbébébruyant.—PourLuc,jeferaiuneexception.Ilaprisunmauvaisdépartdanslavie,iladroitàunecertainemansuétude.Ds'arrêtaauboutducouloirtapissédemoquettegrise,surunpalierenformedeH.Jackappuyasurlasonnette,etlaportes'ouvrit.

Page 62: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre9HavenTravisétaitmince,ettellementpluspetitequesonfrèrequ'aupremierabord,ondoutaitqu'ilsaientlesmêmesparents.Maislesyeuxsombresdegitanétaientidentiques.Bruneauteintclair,Havenétaitd'unebeautédélicate.Ellerespiraitl'intelligence,toutefois,ilyavaitunje-ne-sais-quoidemeurtrienellequi lataisaitparaîtrevulnérableetdonnait l'impressionquelaviel'avaitsérieusementmalmenée,—Salut,Jack.Cesmotsàpeineprononcés,HavenreportasonattentionsurLuc,—Oh,qu'ilestmignon!Elleavaitunevoixagréable,bienmodulée,unpeurauquecommesiellevenaittoutjusted'avalerunegorgéed'alcoolfort.—Donne-le-moi,Jack,tulebalancesdanstouslessens—Iladoreça,assura-t-ilensepenchantpourl'embrassersanstaireminedelâcherlanacelle.EllaVarner,cettefilleautoritaireestmasœur,Haven,ajouta-t-il.Havenmeserralamaind'unepoignefermeetChaleureuse.—Entrez,Ella.Quellecoïncidence,celafaitjustementquelquessemainesquejemesuismiseàlirevotrechronique.Ledeux-piècesétaitdécorédansdestonsdeblancetd'ivoire,soulignédeboiseriesetégayépardesplantesvertesenpot.Unegrandehorlogesuédoisesedressaitdansuncoin.Lapièceàvivreétaitmeubléeavecsobriété-deschaisesanciennesfrançaisesetuncanapéventru.—C'estmonmeilleuramiToddquiadécoréleslieux,précisaHaven,commejebalayaislapièced'unregardcurieux.—C'estravissant.Ondiraitl'undecesappartementsqu'onadmiredanslesmagazinesdedéco.—Toddprétendquelaplupartdesgenscommettentl'erreurdedécorerunpetitespaceavecuneprofusiondemeublesdélicats.Selonlui,ilfautunmeubleimposant,commececanapéquiattiretoutdesuitel'œil.—Ilestquandmêmetroppetit,commentaJack.quivenaitdedéposerlanacellesurlatablebasse.—Pourmesfrères,uncanapédignedecenomdoitêtreaussivastequ'uneplate-formedepick-upsoupiraHaven.Elles'approchadelanacelleetconsidéralebébéendormid'unairattendri.—Comments'appelle-t-il?—Luc,répondis-je,toutétonnéederessentirunboufféedefierté.—Jackm'aparlédelasituationdanslaquellevousvousretrouvez.Jetrouveformidablecequevousfaitespourvotresœur.Vousn'avezpaschoisilaroutelaplusfacile.Maisc'estexactementcequ'onattenddelapartdeMlleIndépendante,couclut-elleavecunsourire.Jackmelançaunregardinquisiteur.—J'aimeraisbienlireunedevoschroniques.Havenluiindiquauneconsoleenboutdecanapé.— Il y a quelques exemplaires d'Atmosphère là-bas. Tu peux les prendre, ça te changeradu Chasseur texan. Jack s'approcha de la console. Consternée, je le vis s'emparer du dernier

Page 63: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

numéro,danslespagesduquelmachroniqueétaitunepureprovocation.—Cen'estpeut-êtrepasunebonne...Jem'étranglaienlevoyantfeuilleter lemagazine. Jesusàquelmomentprécis il tombasurmachronique, laquelle chronique était agrémentée d'un personnage de dessin animé qui mereprésentaitjuchéesurdestalonsvertigineuxetvêtued'unmanteautendancedeformetrapèze.Etjesusexactementcequ'ilétaitentraindelire,avantmêmequ'ilhausselessourcils.ChèreMlleIndépendante,Jesorsavecuntypefantastique.Ilestbeau,gentil, ilréussitdanssonjobetilestsuperaulit.Seulproblème:iln'estpas«bienmonté»,commeondit.J'aitoujoursentendudirequelataillenecomptaitpas,maisjenepeuxm'empêcherderegretterqu'iln'aitpasplusàoffrirdanscedomaine.J'aienviederesteraveclui,mêmesisonbazarfaitpenseràunecrevettecocktail,maiscommentfairepournepasrêverd'unhomard?Gourmande

ChèreGourmande,Endépitdecequeproclamenttoutescespublicitésquisaturentnosbottesdecourrierélectronique,iln'est pas possible d'augmenter la taille d'un pénis. Voici toutefois quelques faits significatifs quiméritentréflexion:ilyaenvironhuitmilleterminaisonsnerveusesdansleclitoris,uneconcentrationunpeumoindredanslepremiertiersduvagin,etquasimentaucunesensibilitédanslesdeuxautrestiers.Parconséquent,unpetitpénisestàmêmedeprocurerunestimulationégaleàcelled'unpénispluslong.Pourlaplupartdesfemmes,letalentdupartenaireestautrementplusimportantquelatailledesonsexe. Je vous conseille d'essayer diverses positions et techniques, de mettre l'accent sur lespréliminaires,etdegarderàl'espritquedenombreusesroutesmènentàRome.Enfin, s'ilmanquevraimentquelquechoseàvosébats,achetez-vousquelques sex-toys. Considérezcelacommeunesortededélocalisation.

MlleIndépendanteJackavait l'airvaguementdérouté, commes'il tentaitde faire coïncider lepersonnagedeMlleindépendanteaveccequ'ilsavaitdemoi.S'asseyantsuilecanapé;ilpoursuivitsalecture.—Venezvoirlacuisine,proposaHaven.Ellem'entraîna vers l'espace carrelé doté d'un plan de travail en granit sur lequel reposaientplusieursrobotsménagerseninox.—Voulez-vousboirequelquechose?—Volontiers,merci.Havenouvritleréfrigérateur.—J'aiduthéglacé.Saveurmangueouframboise-basilic?—Mangue,s'ilvousplaît.Jemeperchaisurl'undestabouretsplacésdevantl'îlotcentral.Jackdétournasonattentiondumagazine,letempsdegrommeler:—Haven,tusaisquejenesupportepascestrucs-là.Tun'aspasduthéglacénormal?—Non.Essaie lamangue, suggéra-t-elle en sortantdu frigounpichet emplid'un liquide jauneorangé—Pourquoitunefaispasduthéquiaitgoûtdethé;toutsimplement?—Cessederâler,Jack.Hardyaacceptéd'engoûteretilaimeça.

Page 64: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Hardyboiraitdujusdechaussettesic'étaittoiquilepréparais.Ilestcomplètementdominé.—Tuauraislecrandeluidireçaenface?—Sûrementpas.C'estunefillette,maisilesttoujourscapabledemeflanquerunebonneraclée.J'étaissidérée.Quelgenred'hommeétaitcapabledeflanqueruneracléeàJackTravis?—Mon futur mari a été soudeur sur une plateforme pétrolière. Il a des muscles en béton,m'informaHaven,lesyeuxpétillantsdemalice,toutenmeservant.Cequiestunebonnechose,carmestroisfrèresl'auraientfaitfuiràl'heurequ'ilest.—Certainementpas, rétorqua Jack.Àvraidire,nousétionsàdeuxdoigtsde luidécernerunemédaillepourleremercierdenousdébarrasserdetoi.De toute évidence, le frère et la sœur s'entendaient bien. Ces chamailleries amicales sepoursuivirenttandisqueHavenversaitunverredethéglacéàsonfrèreetleluiapportait.Ellerevintdanslacuisine,s'accoudaàl'îlotcentraletmedemanda:—Alors,l'appartementvousplaît?—Biensûr.Ilestsuper.Maisilyacertainesquestions...—Jesais.Voilàlemarché,Ella,déclara-t-elleavecunefranchisedésarmante.Jen'aijamaispayéde loyer puisque c'est un appartement de fonction. Quand je serai mariée, je m'installeraidéfinitivementchezHardy,audix-huitièmeétage.Bon, laplupartdemesaffaires sontdéjà là-haut,admit-elle,tandisquesesjouessecoloraientlégèrement.Cemeublé-ciestdoncvacant.Jenevoispascequivousempêcheraitd'yrésideravecLucjusqu'àcequevouspuissiezrentreràAustin.Vousn'auriezqu'àpayervosfactures,c'esttout.—Non, je ne peux pas loger ici gratuitement. Il faut que je sous-loue l'appartement. Avec unepetitegrimace,ellesepassalamaindanslescheveux.— Jene sais tropcommentdire cela sansvous froisser. ..mais,quelleque soit la somme, elleseraitpurementsymbolique.Jen'aipasbesoindecetargent.—Celanechangerien,m'entêtai-je.—Alorsfixezunloyerd'unmontantquivoussembleraisonnable,etutilisezl'argentpourvouséquiperenmatérieldebébé.—Haven,puis-jevousdemanderpourquoivousnemettezpascetappartementenlocation?—Nousyavonssongé,maisnousnesommespassûrsquecesoitunebonneidée.Quandnousengagerons un nouveau directeur, il ou elle devra bien vivre sur place, alors mieux vaut quel'appartementdemeuredisponible.—Pourquoiauriez-vousbesoind'engagerunnouveau...Jem'interrompisaumilieudemaphrase.Havensourit.—Hardyetmoienvisageonsd'avoirunenfantassezrapidement.—Unhommequisouhaiteavoirunenfant.Quelconceptnovateur!plaisantai-je.Nulcommentairenes'élevaducanapé.Dececôté-là,onn'entendaitquelebruitdespagesqu'ontournait.JereportaimonattentionsurHaven.—J'ai dumal. à comprendre pourquoi vous voudriez prêter votre appartement à une parfaiteinconnue.—Vousn'êtespasuneparfaiteinconnue.NousconnaissonsvotrecousineLiza.Et-Jackestsortiavecvotresœur...—Unefois,précisal'intéressédufondducanapé.—Une fois, répétaHaven, amusée. Vous êtes donc l'amie d'une amie. Et puis... il n'y a pas silongtemps, j'ai traversé une rude épreuve. Un divorce éprouvant. Quelques personnes m'ontsoutenuedanscesmomentsdifficiles,dontJack.Alorsc'estimportantpourmoideluirenvoyerla

Page 65: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

balleetdejouerlesbonsSamaritains.—Jen'essayaispasdutoutdet'aider,j'avaisjustebesoindemain-d'œuvrebonmarché,prétenditJack.Sanstenircomptedesaremarque,Havenenchaîna:—Restezici,Ella.Vouspouvezemménagerdèsmaintenant.Ilvousfautjusteunlitpourlepetit,etvousserezparée.Jemesentaispleined'incertitudes,malàl'aise.Jen'avaispasl'habitudededemanderdel'aideoud'enrecevoir.Ilmefallaitenvisagerlescomplicationséventuelles.—Puis-jedisposerd'unpeudetempspourréfléchir?—Biensûr.Maisparsimplecuriosité,quelleseraitlaréponsedeMlleIndépendante?LesyeuxsombresdeHavenbrillaient,jenepusm'empêcherdesourire.—Jen'aipaspourhabitudedeluidemandersonavis.—Moi,jesaiscequ'elledirait,répliquaJack;quis'étaitlevépourrapportersonverredethéglacé.Ils'appuyadelamainsurl'îlotcentral.Ilsetenaitsiprèsdemoiquejefustentéedereculer.Jem'obligeaiànepasbouger,consciencecependantdumoindredesesmouvements,telunanimalà l'affût. Il sentait le fraiset lepropre,desodeurssainesmêléesàunparfumboisé,épicé, trèsmasculin,dontj'avaisenviedem'étourdir.—MlleIndépendantevousdiraitdefairecequivoussemblelemeilleurchoixpourLucenchaîna-t-il.Pasvrai?Jehochailatête,croisailesbrassurléplandetravail.—Alorsditesoui.Ilmepressaitdenouveau.Jamaisjen'avaisconnuunhommeaussiinsistant.Etlepluscurieux,c'estqu'aulieuderésister,j'avaisunefurieuseenviedecéder.Mesjouess'enflammaientlentement.Unefoisdeplus,j'allaisrougircommeunepivoine.N'osantleregarder,jemetournaiversHaven.Jelasurprisentraind'observersonfrèreavecattention,commes'ilvenaitdedireoudefairequelquechosequineluiressemblaitpas.S'arrachantsoudainàsacontemplation,elleallaposersonverrevidedansl'évier,puisannonçaqu'elledevaitregagnersonbureau-unehistoiredecontratsetderendez-vous,mesembla-t-il.—Jevouslaissefermerl'appartement.Preneztoutletempsquevousvoudrezpourréfléchir,Ella.—Merci. J'ai été ravie dé faire votre connaissance. Haven s'en alla. Jack etmoi demeurâmesimmobiles. Jemetenaisraidesurmontabouret, lesorteilscrispéssurlebarreaudubas.EnfinJacksepenchaversmoi,siprèsquejecrussentirsonsoufflesoulevermescheveux.—Vousaviezraison,dis-jed'unevoixenrouée. Je trouvevotresœurtrèssympathique. Jesuisdésoléequ'elleaitdûendurerundivorce,ajoutai-je,commeilnerépondaitpas.—Monseulregret,c'estqu'ellen'aitpasdivorcéplustôt.Etdenepasavoireul'occasiond'étripercesalaud.Nulleforfanteriedanssonton.Justeuncalmemortelquimemitmalàl'aise.—Onnepeutpastoujoursprotégerceuxqu'onaime,observai-je—Jem'ensuisaperçu,eneffet.Ilnemedemandapassijecomptaisounonrester.Jecroisquenoussavionstousdeuxcequ'ilenétait.—Jenesuispasàmaplaceici,dis-jeauboutd'unmoment.Jen'airiendecommunaveclesgensdecetimmeuble.—Etoùest-ce,votreplace?ÀAustinavecDane?—Oui.—Apparemment,iln'estpasdumêmeavis.Jemerembrunis,protestai:—C'estuncoupbas.MaisJacknes'excusapas.—Lesgensquiviventicisontcommetoutlemonde,Ella.Certainssontsympathiques,d'autres

Page 66: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

pas.Certainssontintelligents,d'autresdeparfaitsabrutis.Normaux,quoi.Vousvousadaptereztrèsbien.Etvousvousferezdesamis,assura-t-ild'unevoixdoucequimedéstabilisa.—Jeneresteraipassuffisammentlongtempspourcela.JeseraienoutretrèsoccupéeavecLucetavecTara.Et,biensûr,jecontinueraiàtravailler.—Allez-vous faire un saut à Austin pour récupérer vos affaires, ou Dane est-il censé vous lesapporter?—Jen'aipasgrand-chose,àvraidire.JesupposequeDanepourrameposteruncartonetd'iciquelquessemaines,ilpasserapeut-êtrenousrendrevisite.J'entendisLuccouineretsautaiàbasdutabouret.—C'estl'heuredubibetduchangementdecouche,annonçai-jeenlerejoignant.—PourquoinepasrestericipourvousoccuperdeLucpendantquejevaischerchervosbagagesà l'hôtel ? Si vous libérez la chambre dès maintenant, lis ne vous compteront pas une nuitSupplémentaire.—Mais,mavoiture...—Jevousemmènerailarécupérerplustard.Pourlemoment,reposez-vous.L'idéen'étaitpaspourmedéplaire.Jen'avaisaucuneenviederemonterenvoitureavecLucauxheures les plus chaudes de la journée. J'étais fatiguée. L'appartement était frais, tranquille.—Vousnem'avezdéjàquetroprenduservice,objectai-jepointant.—Un de plus ne fera pas une grande différence. Vous avez tout ce dont vous avez besoin?S'enquit-ilencore,tandisquejedébouclaislasangledesécuritépourprendreLucdansmesbras,—Oui.—Jeneseraipaslong.Etvousavezmonnumérodeportable,Reconnaissante,jeglissailamaindanslesacàlangerpoursortirdelapocheisothermelebiberondelaitfroid.—Merci.Je...j'Ignorepourquoivousfaitestoutcela.Surtoutaprèslesproblèmesquejevousaicréés.Maissachezquej'appréciebeaucoup.Jacks'arrêtasurleseuiletsetournaversmoi.—Jevousaimebien,Ella.Jevousrespecteetjevousadmirepourlesoutienquevousapportezàvotresœur.Dansvotresituation,laplupartdesgensseseraientdéfilés.Etcelameplaîtd'aiderquelqu'unquisedémènepourfairesondevoir.Durant l'absencede Jack, jem'occupaideLuc,puis lepromenaiunpeudans l'appartement. Jepassaidansl'uniquechambre.Lelitenlaitonétaittendudedrapsanciensgansésdedentelle.Surlecoffreenosierquiservaitdetabledechevetétaitposéeunelampedestylevictorien.J'installaiLucsurlelitetm'assisprèsdelui,monportableàlamain.Jetentaid'appelerTara,tombaisursamessagerie.—Salut,magrande.Lucetmoiallons trèsbien.Nousallons resteràHoustondurant les troisprochainsmois.Jepensaisàtoi,jemedemandaiscommenttuallais.Et,Tara,jevoulaisaussitedire...Uneboufféedetendressemenoualagorgeetj'articulaiavecpeine:—...jesaiscequeturessens.Jesaiscombienc'estdurdeparlerdetoutça,demaman,denotreenfance.Jesuissifièredetoi.Tuessurlabonnevoie.Tuverras,toutvas'arranger.Je raccrochai, les yeux brûlants de larmes que je ravalai quand je vis que Lucm'observait. Jem'allongeaiprèsdelui,lissaisescheveuxsombresaussidouxqueduduvetd'oiseau.—Pourtoiaussitoutvas'arranger,promis-je.

Page 67: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Lachaleurdel'unsecommuniquantàl'autre.Lucplongeadansdessongesinnocents,moidansdesrêvesplusagités.Jedormisbienplusprofondémentquejen'enavaisl'intention.Àmonréveil,jetrouvailachambreplongéedanslapénombre.SurprisedenepasavoirentenduLuc,jetâtonnaisurlelitàcôtédemoi.Mamainnerencontraqueduvide.Jemedressaidansunsursaut,lecœurbattant.—Luc!Jackentradanslapièceetallumalalumière.—Hé,pasdepanique,Ella!Ils'estréveilléavantvous,alorsjel'aiemportédansleséjourpourvouslaisservousreposerencoreunpeu.Nousavonsregardéunmatchàlatélé.—Ilapleuré?demandai-jeenmefrottantlesyeux.—Seulementquand ila comprisque lesAstrosétaienten trainde seprendreunedéculottée.Maisjeluiaidîtqu'iln'yavaitpasdehonteàpleurerquandlesAstrosperdent.C'estcommeçaqueseformentlesamitiésvirilesàHouston.J'essayai de sourire, mais j'étais encore épuisée et pas vraiment bien réveillée. Comme Jacks'approchait,j'éprouvaisoudain-àmagrandehorreur-l'envieirraisonnéedeluitendrelesbras.Mais ce n'était pasDane. Il nous avait fallu quatre longues annéespour tisser une relationdeconfianceetatteindreledegréd'intimitéquiétaitàprésentlenôtre.Vivrelamêmechoseavecunautrehommemesemblaitimpensable.Avantquej'aieletempsd'esquisserunmouvement,Jacks'arrêtaprèsdulitetmeconsidéradesonregardsombre.Jeretombailégèrementenarrière,etunspasmedeplaisirmetraversatandisque je l'imaginais, l'espace d'une seconde, s'é tendant surmoi, son corps ferme pesant sur lemien...— Votre voiture sera garée dans le parking des résidents d'ici deux heures, annonça-t-il. J'aidonnélapièceàuntypedel'hôtelpourqu'illaramèneici.—Merci.Je...jevousrembourserai,biensûr.—Inutile.—Jevousdoisdéjàbeaucoup,jeneveuxpasaugmentermadette.—Ella, il faut parfois savoir se détendre et laisser les autres s'occuper de vous, répliqua-t-il,amusé.J'entendissoudaindelamusiquedechambreprovenantduséjour.—Qu'est-cequevousécoutez?—J'aiprofitédemonpetittourpouracheterunDVDàLuc.UnehistoiredemarionnettessurfonddeMozart.—Àcetâge,lesbébésnevoientpasau-delàdetrentecentimètres,luisignalai-je.— Voilà qui explique sonmanque d'intérêt pour la chose. Sur le coup, j'ai cru qu'il préféraitBeethoven.Iltenditlamainpourm'aideràmelever.J'hésitaiavantdel'accepter.J'étaiscertescapabledemeleversansaide,maisrefuserauraitparuimpoli.Mamaintrouva.spontanémentsaplacedanslasienne.Sonpoucecroisalemienetnospaumessepressèrentdoucementl'unecontrel'autre.Jem'écartaidèsquejefusdebout.Perturbée, je fouillai dans ma mémoire. Avais-je éprouvé pour Dane une attirance aussiimmédiateet franche ?Non... Les chosesavaientévolué lentemententrenous.Patiemment. Jedétestaistoutcequiallaittropvite.—Votrevaliseestdansleséjour,meditJack.Sivousavezfaim,vouspouvezpassercommandeaurestaurantdurez-de-chaussée.Sivousavezbesoindequoiquecesoitd'autre,n'hésitezpasàappeler

Page 68: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Haven.J'ainotésonnuméroprèsdutéléphone.Jenevousreverraipasavantquelquesjours,jeparsenvoyage.Jebrûlaisd'enviedeluidemanderoùilserendait,pourtant,jemecontentaiderépondre:—Bonvoyage,alors.Unepetiteflammemalicieuses'allumadanssesyeux.—Merci,fit-il.Il prit congé à sa manière désinvolte. Partagée entre le soulagement et la mélancolie, jem'approchaidemavalise.Uneenveloppeblancheétaitposéedessus.Ellecontenait lanotedel'hôtel.Jefrémisenlisantlechiffreinscritenbas.Jeparcouruslalistedesservicesfacturés,etconstataique le dîner de la veille n'avait pas été compté. Jack avait dû le régler. Nous étions pourtantconvenusquec'étaitmoiquil'invitais.Pourquoiavait-ilchangéd'avis?Parpitié?Ilpensaitquejen'avaispaslesmoyens?Àmoinsqu'iln'aitjamaiseul'intentiondemelaisserpayer?Perplexeetvaguement contrariée, j'abandonnai le reçuet récupéraiLuc.Assiseavec lui sur lecanapé,jeregardailespectacledemarionnettesenm'efforçantdenepaspenseràJackTravis.Etsurtout,enessayantdenepasmedemanderquandilrentrerait.

Page 69: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre10Durant les jours qui suivirent, j'appelaimes amis pour leur raconter ce qui s'était passé. Si laplupart m'assurèrent de leur soutien, certains, comme Stacy, ne furent guère contentsd'apprendrequej'avaisdécidéderesteràHouston. Jeculpabilisaisà l'idéequeDanedevaitdeson côté recevoir son lot de commentaires et de critiques. Apparemment, les réactionsdivergeaientselonlesexe.Lesfemmesaffirmaientquebiensûr,jenavaispaslechoix,tandisqueles hommes étaient en général plus solidaires de Dane et déclaraient comprendre son refusd'assumeruneresponsabilitéquineluiincombaitenrien.Demanière inexplicable, lesdébats se réduisirentbientôtà laquestionsuivante : aurais-jedûexigerdeDanequ'ilm'épouseavantcesévénements,cicelaaurait-ilchangéquelquechoseàlasituationprésente?—Enquoiceseraitdifférent?demandai-jeàLouisequiétaitcoachsportif,etdontlemari,Ken,

était infirmierau lacTravis1,Même siDaneétaitmonmari, il nevoudraitpasd'enfantspourautant.—Peut-être,matsilauraitétéobligédetedonneruncoupdemain.Unhommemariénepeutpasjetersafemmedehorsdansdetellescirconstances.—Ilnem'apasjetéedehors!Etpourrienaumondejeneleforceraisàfairequelquechosecontresongrésousprétextequenoussommesmariés.Ilaledroitdefairesespropreschoixdanstouslescasdefigure.—C'estridicule!répliquaLouise.Sil'onsemarie,c'estpourprendrelesdécisionsàlaplacedeshommes.Ettoutlemondeesttrèsheureuxcommeça.—Tucrois?—Biensûr!Lemariageoffreauxfemmesunplusgrandéventaildechoix,enplusdelasécurité.C'estpourcelaqu'ellesontdavantageenviedesemarierqueleshommes.LesvuesdeLouisesurlemariagemelaissèrentdubitative.Sil'onexcluaitl'amourdel'équation,tout cela se résumait à un arrangement plutôt cynique. Tel unmur de brique dont lemortiers'effrite;lecoupledevaitfatalementfinirpars'écrouler.Àcontrecœur,j'appelaimamèrepourluidonnerdesnouvellesdeTaraetdeLuc,etluiannoncerquejecomptaisséjourneràHoustonunmoment.—AprèstoutescesannéesquetuaspasséesàfolâtreràAustin,tunevaspasteplaindre,lâcha-t-elleenguisedecommentaire.—Jenemeplainspas.Etjenefolâtraispas.J'aitravaillé,étudié...—C'estladrogue,hein?Taraesttellementnaïve.Elles'estlaissééblouirparcesplay-boyspleinsauxasqu'ellefréquente,quijettentl'argentparlesfenêtresetsedroguentàlongueurdejournée.Avectoutecettepoussièredecocaïnedansl'air,elleadûeninhalerparinadvertanceet...—Maman,onnesniffepasdelacokeparmégarde.—Entoutcas,elleétaitsouspression.Tun'imaginespascequec'estqued'êtrebelle,Ella.Touslesproblèmesquecelaentraîne...— Tu as raison, cela m'échappe totalement, répliquai-je, sarcastique. Mais je suis presquecertainequeTaranesedroguaitpas.

Page 70: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Elleessaied'attirerl'attentionpartouslesmoyens.Dis-luibienqu'iln'estpasquestionquejedébourseuncentimepoursonséjourdanscettecliniquehuppée.Siquelqu'unabesoindefaireunbreaketd'êtredorloté,c'estmoi.Cettehistoirem'aretournélessangs,etpourtant,personnen'apenséàm'envoyerdansuncentredethalasso.—Personnenes'attendquetupaiespourTara.—Quivalefaire,alors?—Jenesaispasencore.L'importantpourl'heure,c'estdel'aideràserétablir.EtdeprendresoindeLucensonabsence.Luietmoi,nousnoussommestrouvéunjolipetitappartementmeublé.—Oùça?—Oh,enville.Jepréféraisresterévasive.Mamanauraitrappliquédanslequartd'heuresielleavaitapprisquejelogeaisau1800MainStreet.—Ilyaquelquestravauxàfaire,prétendis-je.Tuveuxvenirm'aideràbricoler?Demainpeut-être?—J'aimeraisbien,maisjesuistropoccupéeencemoment.Tuvasdevoirtedébrouillerseule,Ella.—D'accord.Veux-tuque jepasse tevoirde tempsen tempsavecLuc? J'imagineque tuveuxtisserdesbensavectonpetit-fils.—Oui...maismonamiatendanceàpasseràl'improviste.Jet'appelleraiquandj'auraiunejournéedelibre.—N'hésitepas,parcequejeseraicontented'avoirquelqu'unpourlegarderunpeu...Elleraccrocha.J'appelaiensuite,Lizaet luiannonçaiquej'avaisdénichéunappartementau1800MainStreet.Impressionnée,elleneputrefrénersacuriosité.—Commentas-turéussiuncouppareil?TuascouchéavecJackouquoi?—Biensûrquenon!merécriai-je,offensée.Tumeconnaismieuxqueça,Liza.— C'est quand même bizarre que les Travis te laissent habiter cet appart. Cela dit, ils onttellementd'argent,ilspeuventsepermettred'êtregénéreux.Lapersonnequim'aidaitleplus,tantsurleplanpratiquequemoral,c'étaitHavenTravis.Ellemeconseilla quand je dus mettre à mon nom l'électricité et l'eau, me donna de précieuxrenseignementspoureffectuerdiversachats,etmerecommandamêmeunebaby-sitterquiavaitlaconfiancedesabelle-sœur.Havenneportaitpasdejugementsetnesemêlaitpasdesaffairesd'autrui.Ellesavaitécouteretavaitlesensdel'humour.J'étaistrèsàl'aiseavecelle,presqueautantqu'avecStacy-etcen'étaitpaspeudire.Ilsuffitd'undéjeuner,suividecoursesdansunmagasindematérieldepuériculture,etdedeuxlonguespromenadesàpiedpourquenotreamitiénaissanteapparaissecommeétantdecelles-trèsrares-oùl'onsecomprendd'emblée.Havenn'évoquaitguèresondivorce,maisjecomprisvitequ'elleavaitétévictimedeviolencesconjugales. Je savais de quel courage elle avait dû faire preuve pour quitter son mari etreconstruiresavie.Leprocessusdeguérisonn'étaitpasachevéetprendraitdutemps.Quoiqu'ilensoit,elleétaitdésormaisunepersonnedifférentedecellequ'elleavaitété.Cetterelationtoxiquel'avaitisolée,l'éloignantdesesanciensamis;certainsparcequ'ilsétaienttropmalàl'aisepouraborderlesujet,d'autresparcequ'ilsestimaientqu'elleavaitunepartderesponsabilité dans ce fiasco. Et puis, il y avait ceux qui choisissaient de ne pas la croire,

Page 71: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

persuadésqu'unefemmeaussi fortunéenepouvaitse laisser,maltraiterde lasorte.Commesil'argentétaitunrempartcontrelaviolenceetlalaideurdumonde.—Quelqu'unaditunjourdansmondosquesimonmarimefrappait,c'étaitsûrementparcequecelameplaisait,meconfia-t-elle.NouspromenionsLucdanssapoussette.Houstonn'étaitpasunevilleconçuepourlespiétonssaufquelquesquartiers,commeparexempleRiceVillage,oùl'ontrouvaitenplusdel'ombrage,J'aurais aimé trouver lesmots pour consoler Haven.Mais le seul réconfort que je pouvais luioffrir,mesemblait-il,c'étaitdeluiassurerquepasunesecondejenemettaissaparoleendoute.—Cela terrifie les gensd'imaginerqu'onpuisseêtre agressé sans raison. Ilspréfèrent seditequ'onestfautif,qu'auboutducompteonlacherché.Ainsiilssecroientensécurité.—Oui,acquiesça-t-elle.Etcedoitêtreencorepirequandc'estunadultequimaltraitesonenfant.Parcequecelui-ciestalorspersuadéqu'illemérite.Iltraîneracettecasseroletoutesavie.—C'estleproblèmedeTara.—Pasletien?s'étonna-t-elle.Unpeumalàl'aise,jehaussailesépaules.— J'ai effectué un long travail sur moi-même, et je pense être parvenue à surmonter letraumatisme.Jesuisbeaucoupmoinsanxieusequ'autrefois.D'unautrecôté...j'aidesproblèmesrelationnels,jenepeuxpaslenier.J'aidumalàmelier,àfaireconfiance.—Pourtant,tuascrééunlienavecLucenquelquesjoursseulement.—C'estvrai.Peut-êtreparcequelesbébéssontdesêtresàpart.—EtDane?Celafaitlongtempsquevousêtesensemble,non?—Quatreans.Maisrécemment, jemesuisrenducompteque...mêmesinousnousentendonsbien,notrerelationn'allaitnullepartUnpeucommeunevoiturequ'on laisseraitenroue libredansunealléeenpente.Je luirésumainotredernièreconversationtéléphonique,parlaidecetterelationprétendumentouverte, et de ce que Dane avait affirmé, à savoir, que j'aurais certainement pris la poudred'escampettes'ilavaittentédem'imposercertainesrègles.— Est-ce vrai à ton avis, questionna Haven tandis que nous pénétrions dans un café. Jemanœuvrailapoussetteàl'intérieurderétablissement.—Jen'ensaisrien,avouai-jeentoutehonnêteté.Peut-êtrequeouiJesuispeut-êtreallergiqueàtouteformed'engagement.Je garai la poussette près d'une petite console, rabattis le pare-soleil en accordéon. Luc, ravid'êtreenfinaufrais,setrémoussad'aiseengazouillant.Toujoursdebout,Haven lisait lemenu inscrit à la craie surun tableaunoir.Ellem'adressaunsourireéblouissantquimerappelaceluidesonfrère.—Jenesaispas,Ella.Ilsepeutquecesoitdûàunproblèmed'ordrepsychologique.Àmoinsquetun'aiestoutsimplementpustrouvélabonnepersonne.—Jepensequ'iln'yapasdebonnepersonnepourmoi.PenchéesurLuc,jesaisissonpetonroseetl'embrassai.—Sauftoi,espècedepetitbuveurde laitauxpiedsmoites!murmurai-je.Contournant latablepours'installer,Havenmetapotaamicalementledosaupassage.—Tusais ceque jepense, endehorsdu faitque jevais commanderunmockaccinoglacé à lamentheavecchantillyetcopeauxdechocolat?Jepensequesilesconditionsétaientréunies,tuseraistoutàfaitcapabledegarerlavoituredansl'allée.

Page 72: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Jack était un personnage récurrent lorsqueHaven évoquait son enfance. Commebeaucoup degrands frères, il apparaissaità tourderôlecomme lehéroset lapirecrapule.Leplussouventcommelapirecrapule.Mais, lamaturitéaidant, lefrèteet lasœuravaientforgéunlienfortauseindecettefamilleauxrelationscomplexes.Selon Haven, citant sur son frère aîné Graig que leur père avait fait peser le poids de sesambitions.SeulenfantissudupremiermariagedeChurchillTravis,Graigavaittravaillédurpoursatisfaire aux exigences de son père et devenir le fils parfait Sérieux, motivé, responsable, ils'étaitdistinguédanssonpensionnatd'élite,etétaitsortidiplômédel'UniversitéduTexasavantdepartirétudierlafinanceàHarvard.Pourtant il était loin d'être la peau de vache que son père avait été: Il y avait chez Graig unegentillesseinnée;uneindulgenceprofondeàl'endroitd'êtresfragiles.LesecondmariagedeChurchillavaitduréjusqu'àlamortdesafemme,Ava.Troisenfantsétaientnésdecetteunion:Jack,JoeetHaven.Graigassumantlesresponsabilitésdel'aîné.Jackavaiteuleloisir de jeter sa gourme et de se faite une ribambelle d'amis. A l'époque, il était toujours lepremieràselancerdansunebagarre,lepremieraussiàserrerlamaindesonadversaireunefoisleconflitapaisé.Sportifaccompli,ilcharmaitsesprofesseursquiluioctroyaientengénéraldesnotessupérieuresàcellesqu'ilméritait,etsortaitaveclesplusjoliesfilles.Fidèleenamitié,ilpayaitsesdettesrubissur l'ongle et tenait toujours ses promesses. Rien ne lemettait plus en colère que de ne pasrespecterlaparoledonnée.Résolu à ce que ses fils apprennent la valeur du dur labeur, Churchill n'avait pas hésité à lesenvoyersemerdugazonsousl'ardentsoleiltexan,ouconstruiredeleurspropresmainslaclôturequiceinturaitleurpropriété.Lesgarçonsrevenaientdecesmissionsperclusdecourbatures,levisagebasané.Destrois frères, Jackétait leseulàappréciervraiment letravailenpleinair.Lasueur,lapoussière,l'effortphysiqueavaientàsesyeuxdes,vertuspurificatrices.Havaitbesoindesemesurerà la forcebrutede lanatureets'yappliquait lorsde fréquentesexpéditions.Lachasse,lapêche,toutétaitbonpouréchapperàl'airclimatisédeRiverOaks.ChurchillavaitépargnéàHavencesleçonsdevie.Enrevanche,elleavaitreçul'éducationstrictequi,selonsamère,étaitindispensableàtoutedemoisellebienélevée.Résultat,Havenavaitétéunvraigarçonmanquéquitraînaittoujoursdanslesillagedesesfrères.LadifférencedâgeentreGraigetelleétantsignificative,son frèreaînés'étaitmontréassezprotecteur,n'hésitantpasàintervenirpourprendresadéfensequandillejugeaitbon.AvecJack,c'étaitdifférent.Ilsavaienteuquelquesdisputesmémorables,commecejouroùelleétaitentréedanssachambresansluidemanderlapermission,pourjoueravecsonpetittrain.Enreprésailles, il luiavait faitune«brûlure indienne».Havenétaitallé seplaindreauprèsde leurpèrequiavaitfrappéJackàcoupsdeceinturonjusqu'àcequ'elleéclateensanglot.ÉlevéàlarudeécoleduTexasviril,Jackavait,desoncôté,misunpointd'honneurànepasverserunelarme.Parlasuite,Churchillavaitdéclaréquecegaminétaitplustêtuqu'unebourrique.«Exactementcommemoi»,avait-illâché,contrariédenepouvoirmodelerJackcommeill'avaitfaitavecGraig.LedépartdeGraigpour lepensionnatavaitbeaucoupaffectéHaven.Contretouteattente, Jackn'enavaitpasprofilépeutlamartyriser.Unjourqu'ellerentraitdel'écoleenpleurantparceunepetitebrutel'avaitmalmenée,Jackavaitsautésursabicyclettepourallerréglerleproblèmeasafaçon.Lapetitebruten'avaitplusjamaisembêtéHaven.Lefrèreetlasœurs'étaientperdusdevuelorsqueHavenavaitépouséunhommecontrel'avisde

Page 73: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

sonpère.—Moiaussijesuistêtue,m'avaitconfiéHavenavecunpetitsouriretriste,jen'aivouluparleràpersonnede l'enferque jevivais.Andébut, j'étais tropfièrepouradmettreque j'avais faituneerreur.Ensuite...monmaris'estacharnéàsapermaconfianceenmoiaupointquej'avaistroppeurettrophontepourappeleràl'aide.J'aiquandmêmefinipartrouverlaforcederompre.Jackm'aproposédetravaillerpourluiafindemeremettreenselle.Noussommesdevenusdesamis...devraispotes,plusprochesquenousnel'avionsjamaisété.J'aiquandmêmefinipartrouvertaforcederompre.Cettephraseavaitéveillémacuriosité.Jemedoutaisqu'ils'étaitpasséquelquechosedegraveetj'auraisaimesavoirquoi.MaisjenevoulaispasbrusquerHaven.Enrevanche,jenepusrésisteràl'enviedeluidemander:—Quepenses-tudelaviedepatachonquemènetonfrère?Tucroisqu'ils'assagiraunjour?—Certainement. Jack adore les femmes - je veux dire qu'il les aime vraiment,pas comme unmachoquicomptabilisesesbonnesfortunes.Maisilnes'engageraquelejouroùilauratrouvéquelqu'unenquiilpourraavoirtouteconfiance.—Acausedecettefemmequiaépousésonmeilleurami?Havenmejetaunregardstupéfait.—Ilt'enaparlé?—Oui.— Il n'évoque quasiment jamais cette histoire. C'était très sérieux pour lui. Quand un Travistombeamoureux,cen'estpasuneamourette.Leurrelationétaitpassionnée,et tout lemonden'estpasprêtàvivreça.—Sûrementpasmoi,lâchai-jeavecunrirebref.L'idéeensoimefaisaitfrémir.JenevoulaismêmepasimagineràquoiressemblaitJackTravisdanslesaffresdelapassion.—Jecroisqu'ilestassezseul,murmuraHaven.—Ilapourtantunemploidutempschargé.—Lesboulimiquesd'activitésontengénérallesplussolitaires.Jechangeaidesujetàlapremièreoccasion.ParlerdeJackmemettaitmalàl'aiseetsoulevaitenmoiunevagueirritation,exactementcommequandjem'évertuaisàobtenirquelquechosequi,jelesavais,nem'apporteraitriendebon.JetéléphonaisàDanetouslessoirspourluiparlerdemanouvellevie.Mêmes'ilnesesentaitpaspersonnellementconcernéparlesbébés,Ilnerechignaitpasàm'écouterracontercommentjemedébrouillaisauquotidienavecLuc.—Tucroisqu'unjourtuaurasenvied'unenfant?luidemandai-je,alorsquej'étaisétenduesurlecanapé,Lucàplatventresurlapoitrine,—Jenepeuxpasmeprononceraveccertitude.Unjour,j'aborderaipeut-êtreunenouvellephasedemon existence où l'idéeme semblera plus...Mais c'est vraiment dur à imaginer! Ce que jepourrais retirer d'une telle expérience, je l'ai déjà grâce à mon investissement dans la causeécologique.—Oui,mais élever un enfant pour le sensibiliser à toutes ces questions, ce ne serait pas unmoyenderendrelemondemeilleur?—Ella,tusaisbienqueçanesepassepasainsi.Sij'avaisunenfant,ilauraittoutesleschancesdefinirlobbvistepourlepartirépublicainoucadredanslapétrochimie.Lavievousjouetoujoursdestourspendables.Jesouris, tandisque lavisiond'unpetitenfant -celuideDane-vetod'uncostumétroispièces

Page 74: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

miniature,lecoucravaté,unecalculetteàlamain,s'imposaitàmoi.—Tuassansdouteraison,soupirai-je.—Ettoi.tuenvisagesd'avoirunenfantunjour?—Ohnon!J'essaiedetenirlecoupenattendantderendreLucàTara.Situsavaiscommejerêved'une bonne nuit de sommeil. Ou d'un repas tranquille- Et une fois, juste une fois, j'aimeraispouvoirsortirsansêtreobligéed'emportertoutcebarda:lapoussette,lescouches,leslingettes,lesbavoirs,lesbiberons,lessucettes;...J'aioubliécequec'étaitqued'attrapersesclésetdes'enallersuruncoupdetête.Etjeneteparlepasdesvisiteschezlepédiatre,desvaccins,etc.Celadit,c'estaussibiensijenedorspas,parcequ'ilfautaussiquejetrouveletempsdetravailler.—Leboncôtédeschoses,c'estquetudécouvrestoutcelamaintenant.Ainsi, tun'auraspasàl'interroger.— Je crois que c'est comme la rhubarbe. On adore ou on déteste. Mais si l'on n'a pas deprédispositionsnaturelles,onn'apprendrajamaisàl'aimer.—J'aihorreurdelarhubarbe,m'informaDane.Une semaine après mon installation au1800 Main Street, j'étais capable de porter un sac àprovisionstoutenmanœuvrantlapoussettepourfranchiruneporte.Onétaitvendredisoir,ilétaitencoretôt.Lesconditionsdecirculationétaientsiépouvantablesquej'avaisdécidédeparcouriràpiedlescinqcentsmètresquimeséparaientdelasupérette.Après cette courte promenade en plein cagnard, Luc etmoi étions ratacuits. Les poignées enplastique du sac à provisions cisaillaient ma paumemoite, et la bandoulière du sac à langermenaçait de glisser de mon épaule. Luc commençait à manifester son impatience quand jepénétraienfindanslehalldel'immeuble..—Tusais,Luc,dis-je,àboutdesouffle,nousauronslaviebeaucoupplusfaciletoiet.moiquandtusaurasmarcher.Ohnon,jet'enprie,nepleurepas!Jenepeuxpasteprendredanslesbraspourl'instant,Luc,s'ilteplaît,chut.,..Ennage,jedépassailebureauduconcierge.Celui-ciselevaàdemi.—Vousavezbesoind'aide,mademoiselleVarner?—Non,merci.Toutvabien.Jefranchislaportevitréeetatteignisl'ascenseuraumomentoùlaportecoulissait.Deuxpersonnessortirentdelacabine.Lapremièreétaitunesuperberoussequiportaitunerobeblanche microscopique et des sandales à lanières dorées, la seconde était... Jack Travis, encostumesombre,chemiseblancheouverteaucoletmocassinsdecuirnoir.Au premier regard, il comprit dans quelle situation épineuse je me trouvais. D'un mêmemouvement, il me débarrassa du sac de courses et empêcha la porte de l'ascenseur de serefermer.—Bonjour,Ella.Lesoufflecoupé,jemesurprisàluiadresserunsourirestupide:—Salut,Jack.—Vousmontez?Ondiraitquevousavezbesoind'uncoupdemain.—Non.non,toutvabien,nevousinquiétezpas.Jefisentrerlapoussettedanslacabine.—Nousallonsvousaccompagnerjusqu'àvotreappartement,proposa-t-il.—Non,jevousassure...—Celaneprendraqu'uneminute.Celanetedérangepas;Sonya?—Pasdutout.

Page 75: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

LaditeSonvamegratifiad'unsourireamicalavantdereculerdanslacabine.IlfallaitavouerqueJackavaitungoûtirréprochable.SonyaétaitunevraiebeautéPeauveloutée,chevelureopulente,silhouetteparfaite.EllesepenchasurLucquirouspétaittoujoursdanslapoussette.Lavuedesondécolletégénéreuxetdesonjolivisagedutl'impressionner,carilsetutaussitôt.—Oh,quelamourdebébé!pépia-t-elle.—Ilatropchaud,iln'aimepascela,expliquai-je.—Touscescheveuxnoirs...Ildoitressembleràsonpapa.—Jecrois,oui.—Comments'estpasséevotreinstallation?voulutsavoirJack.—Àmerveille.Votresœuraétégéniale.Jenesaispascequej'auraisfaitsanselle.—Oui,ellem'aditquevousaviezsympathisé.Sonyanousavaitécoutésdurantcebreféchange.Ellemedécochaunregardcirconspect,commesiellesedemandaitmaintenantquellienjepouvaisbienavoiravecJack..Jesusàquelmomentpréciselledécidaquejen'étaispasunerivale.Visagerougeaud,cheveuxenbataille,silhouetteplanquéesousunT-shirtinforme...J'auraisaussibienpuporteruneétiquette«jeuneaccouchée»surlefront.L'ascenseurs'immobilisa.Jackbloqualaportetandisquejesortaislapoussette.—Mercidevotreaide.Jerécupèrelescourses,dis-jeentendantlamainverslesacàprovisions.—Nousallonsvousaccompagnerjusqu'àlaporte,rétorquaJacksansfaireminedelâcherlesac.Jen'osaiprotesteretnousnousengageâmesdanslecouloir.—Vousavezemménagérécemment?s'enquitSonya.—Oui,ilyaunesemaine.—Vous-avezdelachanced'habiterici.Quefaitvotremari?—Jenesuispasmariée.—Oh.Elleavaitfroncélessourcils,l'airdécontenancé.Jejugeaibondepréciser:—MonamivitàAustin,jeretournerailà-basdanstroismois.—Ah,c'estmerveilleux,commentaSonya.Arrivéeàlaportedel'appartement,jetapailecode.Jackmetintlebattantet,unefoisàl'intérieur,jeprisLucdansmesbras.—Merciencore,dis-jeenregardantJackdéposerlesacdeprovisionssurlatablebasse.Sonyajetaunregardadmiratifautourd'elle.—Ladécoestsuper!—Jen'ysuispourrien,maisLucetmoitâchonsd'yapporternôtre-contribution,plaisantai-jeendésignant l'énorme carton posé dans un coin du séjour, dont j'avais déjà sorti tout un tas depiècesenmétaletenbois.—Vousmontezunmeubleenkit?demandaJack,—Unlitàbarreaux.AchetéàOakVillageavecHaven.Onpeutsefairelivrerl'articledéjàmonté,mais cela coûte centdollarsdeplus, alors j'aidécidadem'en chargermoi-même.Les livreursm'ontdonnéquelquesconseils,maisjenesuispassûred'avoirtoutcompris.Ilvafalloirquejem'attaque à la notice de montage. Pour le moment, j'ai repéré la partie japonaise, arabe etallemande.Jecommenceàregretterdenepasavoirpayécescentdollars...Conscientedeparleràtortetàtravers,jem'interrompis,haussailesépaulasetconclus:—J'aimebienlesdéfisdetoutefaçon.—Nousyallons,Jack?s'enquitSonya.—J'arrive.Maisilnebougeapas.Sonregardseposasurmoiavantderetournerverslegrandcarton.Dansle

Page 76: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

silence qui s'ensuivit, mon cœur s'emballa. Il me gratifia alors d'une mimique éloquente quisignifiait:Plustard.Cen'étaitpascequej'avaisprévu.—Allez-y,touslesdeux,dis-jed'untonléger.Passezunebonnesoirée.—Salut,lançaSonya.Et,saisissantJackparlebras,ellel'entraînaverslaporte.Trois heures plus tard, assise par terre et cernée de barreaux de bois, je tentai demonter leberceausousl'œilintéressédeLuc.Installédanssontransat.Ledîner avait été vite avalé : uneassiettede spaghetti agrémentésde sauce tomate, debœufhache el de basilic frais ciselé. J'attendais que les restes refroidissent pour les congeler sousformedeportionsindividuelles.LasséedeMozartetdesmarionnettes,j'avaisbranchémoniPodauxenceintes.Lavoixsensuelled'EttaJamesemplissaitlapièce.Jefisunepause,letempsd'attrapermonverredevinetdeboireunegorgée.—Cequ'il y adebien avec leblues, c'est que çaparlede sentiments, d'amour, dedésir, sansaucunelimite.Personnen'estassezcourageuxpourvivreainsi.Sauflesmusiciens,peut-être.Je n'attendais pas de réponse de la part de Luc. Mais quand quelqu'un frappa à la porte, jedemandaiquandmême:—Quicelapeut-ilêtre?Tuasinvitéquelqu'unsansmeledire?Monverreàlamain,jemerelevaietmedirigeaipiedsnusverslaporte.J'avaisenfiléunpyjamaen coton rosebonbon, enlevémes lentillesde contact etmismes lunettes. Jemehissai sur lapointedespieds,etregardaidansl'œilleton.Marespirations'accéléra,lorsquejereconnuslasilhouettemasculine..—Jenesuispashabilléepourrecevoirdelavisite,dis-jeàtraverslebattant.—Cen'estpasgrave,J'ouvrislaporteetmeretrouvaifaceàJackTravisenjeanetchemiseblanche,unegrosse,boîterecouvertedetissuéliméàlamain.Sonregardpassalentementsurmoi.—Vousavezfinidemonterlelit?—J'ytravailleencore,répondis-jeentâchantd'ignorerlesbattementsdésordonnésdemoncœur.OùestSonya?—Nousavonsdîné,jeviensde.laraccompagnerchezelle.—Déjà?Vousnecomptiezpaspasserlasoiréeensemble?Ilhaussavaguementlesépaules.—Jepeuxentrer?J'auraisautantaimérefuser,Jesentaisqu'ilyavaitquelquechoseentrenous,quelquechosequiexigeaitunenégociation,descompromis...maisjen'étaispasencoreprêtepourcela.Netrouvantaucunprétextevalablepourlerefouler,jereculaiafindeluilivrerpassage.—Qu'ya-t-ildanscetteboîte?—Desoutils.Jackpénétradansl'appartementetrefermalaporte.Ilsedéplaçaitavecprécaution,commes'ils'aventuraitdansunnouvelenvironnementsusceptiblederecelerdesdangers.—Salut,Luc,murmura-t-ilens'accroupissantprèsdutransat.Doucement, il appuya sur le dossier flexible pour le faire rebondir. Luc manifesta soncontentementpardesgargouillisetdescoupsdepiedenthousiastesSanslequitterdesyeux,Jackajouta:—VousécoutezEttaJames?

Page 77: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Oui.Quandils'agitdebricoler,riennevautleblues.JohnLeeHooker,BonnieRaitt...—Vousn'avezjamaisentendulesgarsduDeepEllum?Lebluestexan...BlindLemon Jefferson,Leadbelfy.T-BoncWalker?Fascinéeparlafaçondontsachemisesetendaitsursondosmusclé,jerépondisavecuntempsderetard:—J'aientenduparlerdeT-BoneWalker,maispasdesautres.—VousneconnaissezpasSeeThatmyGraveIsKeptCleanfit-ilenmelançantuncoupd'œil.—Jepensaisquec'étaitunechansondeBobDylan.—Non,c'étaitunereprise.ElleestdeBlindLemon.JevousgraveraiunCD,ellen'estpasfacileàtrouver.—Jamaisjen'auraispenséqu'ungarsdeRiverOaksensauraitautantsurleblues—MachèreElla,lebluess'adresseauxgarsquiontleblues.EtilyenapleinRiverOaks.Dinguecequej'adoraissavoix.Lesvibrationsprofondessemblaientmepénétrerets'attarderendesendroitsimpossiblesàatteindre.J'avaisenviedem'asseoirparterreàcôtédeluietdeglisserlesdoigtsdanssescheveuxépais,deposerlamainsursanuqueetdeluichuchoter:«Dites-moitout,parlez-moidubluesetdevotrecœurbrisé,decequivouseffraieleplus,etdesprojetsquivoussontchers.»—Çasentbonici,remarqua-t-ilsoudain.—J'aifaitdesspaghetti.—Ilenreste?—Vousvenezdedîner.Ilaffichaunairchagrin.—Oui,dansundecesrestaurantschicsencoreadeptesdelanouvellecuisine.J'aieudroitàunpavédepoissondelatailled'undominoetd'unecuilleréederisotto.Jecrèvedefaim.Sonexpressionpiteusemefitrire.—Bon,jevaisvousréchaufferuneassiette.—Pendantcetemps-là,jevaism'occuperdulit.—Cen'estpasderefus.J'aidisposétouteslespiècesenfonctionduschéma,maiscommejen'aitoujourspasmislamainsurlesexplications...—Pasbesoindenotice.Iljetaunbrefcoupd'œilauschémademontage,lelaissadecôtéetentrepritdetrierlesmorceauxdebois-peints.—Cen'estpastrèscompliqué.—Pas compliqué ? répétai-je. Vous avez vu combien de tournevis différents il y a dans le sacplastique?—Onvayarriver,nevousinquiétezpas.Ilouvritsaboîteàoutils,ensortituneperceuse-visseuseélectriquesansfil.Jefronçailessourcils.—Voussavezquecesenginssontresponsablesdeblessuresdelamaindansquarante-septpourcentdescas?D'ungestehabile,ilinséraunemèchedanslemandrinetrétorqua:—Beaucoupdegenssecoincentlesdoigtsdansuneporte.Celanevousempêchepasd'utiliserlesportes.— Si le bruit fait pleurer Luc, tous serez bon pour utiliser un tournevis classique, déclarai-jesombrement—Danenesesertpasd'outilsélectriques?s'étonnaJack—Jamais. Sauf un été, quand il a aide à rebâtir des maisons de La Nouvelle-Orléans avecl'association Habitat pour l'Humanité. Mais seulement parce que j'étais à plus de cinq cents

Page 78: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

kilomètresdelà.—Vousavezunproblèmeaveclesoutilsélectriques?fit-ilenesquissantunsourire.—Jenesaispas.Jen'enalpasl'habitude,c'esttout.Celamerendnerveuse.Jen'aipaseudepèreoudefrèrebricoleurs.—VouscommettezungrosImpair,Ella,Onn'enlèvepassesoutilsàunTexan.Nousadoronslesoutils.Debonsgrosoutilsquipompenttoutleréseauélectriquenational.Nousaimonsaussilespetitsdéjeunersgargantuesques,lesvéhiculesénormes,lematchdefontdulundietlapositiondumissionnaire.Nousn'aimonspaslabièrelight,lespetitesvoituresgadget,etnousn'aimonspas avouer que nous connaissons plus de cinq à six couleurs. Et nous ne nous épilons pas lapoitrine-Jamais,Maintenant,laissez-moibricolercommeunvraimecpendantquevousfaiteslacuisine.Croyez-mai,c'estlemeilleurdesarrangements,conclut-ilenbrandissantsavisseuse.—Lucvapleurer,annonçai-jed'untonlugubre.—Maisnon.Jevouspariequ'ilvaaimerça.Lucn'émitpasunson,secontentantderegarderavecintérêtJackmonterlelit.J'étaisdégoûtée.Jeréchauffaiuneassiettedespaghettiensauceet ladéposaisurl'îlotcentral,Puisj'allaichercherLucetleramenaidanslacuisine.—Viens,Luc,nousallonstenircompagnieàl'hommedeCro-Magnonpendantqu'ildîne.Jackattaquaavecenthousiasmeleplatdepâtes fumantetenavalaaumoinsuntiersavecdesbruitsgourmandsavantdereprendresonsouffle.—Succulent.Quesavez-vousfaired'autre?—Encuisine,jemecantonneaub.a.-ba.Desgratins,despâtes,desragoûts.Etjesaisfairerotirunpoulet.—Voussavezfairelepaindeviande?—Oui.—Épousez-moi,Ella.SesyeuxnoirspétillaientJ'avaisbeausavoirqu'ilplaisantaitmonpoulss'emballaetmesmainssemirentàtrembler.—Jevaisyréfléchir.Vousvoulezdupain?proposai-jed'untondégagé.Unefoisrassasié,Jackretournadansleséjouretentrepritd'assemblerlesdifférentsélémentsdulitavecunedextériténéedeIexpérience.Ilétaithabiledesesmainsetconnaissaitsonaffaire.Il fallait avouer que c'était agréable de le regarder travailler, sesmanches retroussées sur sesavant-bras musclés. Il avait vraiment un corps magnifique, athlétique, en super conditionphysique.Assisenonloin,unverredevinàlamain,jeluipassaislesvis.Detempsàautre,ilserapprochaitsuffisammentpourquejeperçoivesonparfumvirilsisexy,mélangedesueuretdesavon.Aplusieursreprises,iljuraquandlalamedutournevisripasurlemelal,maiss'excusaaussitôt.C'étaitlapremièrefoisquejecôtoyaisunhommecommeJackTravis.Àl'ancienne.Lesgarçonsquej'avaisfréquentésàlafacn'étaientquecela:desgarçonsquisecherchaientettentaientdesavoir quelle était leur place dans lemonde. Quant à Dane et à ses amis, c'étaient des typessensibles, animés d'une conscience écolo, qui se déplaçaient à vélo et avaient un compte surFacebook.Jen'imaginaispasJackTravisentrainderédigersonblogoudes'interrogersursonmoiprofond.Etj'étaisquasicertainequ'ilsefichaitdesavoirsiseshabitsétaientounonissusducommerceéquitable.—Jack,murmurai-je,pensive,considérez-vouslesfemmescommevoségales?—Oui,répondit-iltoutenlogeantunbarreaudanslecadredulit

Page 79: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Vousest-ilarrivedelaisserunefemmepayeraurestaurant?—Non.—C'estpourçaqueledînerdel'autresoirnétaitpassurmanotedel'hôtel?— C'est toujoursmoi qui invite. Si je vous ai dit le contraire, c'était juste pour que vousmepermettiezderester.—Si vous considérez les femmes commevos égales, pourquoi refusez-vous qu'elles paient lerepas?—Parcequejesuisl'homme.Jerefléchisquelquesinstants,puisrepris:—Sivousaviezlechoixentreengagerunhommeouunefemmepourdirigerl'undevosprojetsprofessionnelsetquelafemmesoitenâgedeprocréer,luipréféreriez-vousl'homme?—Non,jechoisiraislepluscompétentdesdeux,—Maisàcompétenceségales?— L'éventualité d'une future grossesse ne jouerait pas contre la femme. Relevant la tête, ilm'adressaunsourireinterrogateur—Oùvoulez-vousenvenir,Ella?—J'essaiejustedevoussituersurl'échelledel'évolution.—Ah.Etàquelniveausuis-jeparvenu?—Jen'aipasencoredécidé.Quepensez-vousdupolitiquementcorrect?—Jenesuispascontre.Maispointtropn'enfaut.Attendezuneseconde...La visseuse vrombit tandis qu'il bloquait une vis dans le bois. Après avoir reposé l'outil, ilm'adressaunsourireengageant:—Quoid'autre?—Querecherchez-vouschez,unefemme?—De la loyauté. De l'affection. Qu'elle aime qu'on passe du temps ensemble, surtout dans lanature.Etçanegâteraitrienqu'elleapprécielachasse.—Vousêtessûrquevousneseriezpasplusheureuxavecunlabrador?IlnefallutguèredetempsàJackpouracheverdemonterlelit.Jeluidonnaiuncoupdemainaumoment d'assembler les grands panneaux. Il tînt a renforcer la structure de quelques vissupplémentaires-.—Celittiendralechocmêmesiunéléphanteausecouchededans,déclarai-je.—Jeletransportedanslachambreouvouspréférezlelaisserici?—Lachambreestsipetite,mieuxvautlelaissericiÇaparaitbizarre,unberceaudansunséjour?—Non.C'estaussil'appartementdeLuc.Jackm'aida a transporter le lit derrière le canapé, puis je tendis un drap sur le matelas. LespaupièresdeLucsefermaient.Doucement,jeledéposaidanssonnouveaulit,lerecouvrisdelacouverture,puisremontailemobilefixéaumontant.Lesoursonsetlespotsdemielsemirentàtournerausond'uneberceuse.—Ilal'aird'unpetitpacha,murmuraJack.—N'est-cepas?ÀvoirLucensécuritédansson litdouillet, j'éprouvaiuneboufféedegratitude.Dehors, lavillebourdonnait d'activité, les voitures klaxonnaient dans les embouteillages, les gens allaient etvenaient,buvaient,dansaient.Maisnous,nousétionsdanscetendroittranquille,fraisetprotégé.Ilmefallaitencorepréparerlesbiberonspourlanuitavantd'alleraulit.Celafaisaitdésormaispartie de mon rituel du soir, comme le bain et le moment du coucher que je trouvais

Page 80: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

particulièrementapaisants.Lamainposéesurlecadredulit,jemurmurai,àpeineconscientedeparleràvoixhaute:—Celafaisaitlongtempsquejenem'étaispasoccupéed'unenfant...Enguisederéponse,Jackposasamainsurlamienne.Jesentislapressiondesesdoigtstièdes,rienqu'uninstant,avantqu'ilnes'éloignepourallerrangersesoutils.Méthodique,ilrassemblaensuitetouslesmorceauxdecartonetdeplastiquequitraînaientparterre, lesglissadanslegrandcartonquiavaitcontenule lit.Puisil lesoulevaparlapoignéeetl'emportadansl'entrée.—Jevaisvousdébarrasserdeça.Jeluiemboîtailepas.—Merci,Jack.Vousm'avezdonnéunsacrécoupdemain,Je..,Levinavaitdûmemonteràlatête.Jemeretrouvaiàtendrelesbraspourluidonneruneaccolade,commejel'auraisfaitavecDaneouundenosamis.Uneaccoladeentrepotes.Maisàl'instantoùnecorpssetouchèrenttousmesnerfsréagirent,etunsirènesemitahurlerdansmatête:erreur!Les bras de Jack m'encerclèrent, et je me retrouvais plaquée contre un mur de muscles. Lasensationétaitàlafoissidélicieuseetsieffrayantequejemetétanisai.Sonhaleinemebrûlalajoue.Aussitôt,undésirincandescentembrasachaquecelluledemonêtre.Jedétournaivivementlatêteetmapommetteheurtasonépaule.—Jackje...jenevousfaisaispasdesavancesbredouillai-je,presqueincapabledeparler.—Jesais.Ilglissalamainderrièremanuque.Sesdoigtss'enfouirentdanslespetitscheveuxquipoussaientlàAvecdouceurmaisfermeté,ilm'obligeaàreleverlatête.—Cen'estpasdutoutvotrefautesijeleprendsainsi.—Jack,je...Ilfrôlalamonturerectangulairedemeslunettes,sesaisitd'unebrancheavecdélicatesse.—Jelesaimebeaucoup,maismalheureusement,ellesvontnousgêner.—Pou...pourquoi?bégayai-je.Ilposaleslunettessurlemeubledel'entrée,puischuchota:—Ducalme,Ella.Etilinclinalatête.

Page 81: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre11Sij'avaisétéenétatdepenser,jenemeseraispaslaisséfaire.LabouchedeJackfrôlalamienneavantdes'yposer,doucement.Commeilaccentuaitlapressiondeseslèvres,jemedéplaçailégèrementjusqu'àtrouverlapositionparfaite,l'imbricationidéaledemoncorpscontrelesienquiprovoquaenmoiuneboufféededésir.Mesgenouxsedérobèrent,maiscelan'avaitaucuneimportance,carilmetenaitétroitementserréecontrelui.L'unedesesmainsavaitcueillimajoueavecuneextrêmedélicatesse.Chaque fois que j'essayais d'interrompre notre baiser, il reprenait ma bouche, me forçait àl'entrouvrir davantage, la goûtait, la savourait. C'était si différent de tout ce que j'avais connujusqu'àprésentqu'ilmesemblaitquec'étaitautrechosequ'unbaiser.Jemerendaiscomptetoutà coup que ceux que j'avais échangés avec Dane étaient une sorte de ponctuation de notrequotidien,teldesguillemetsouunpointd'exclamationàlafind'uneconversation.LesbaisersdeJackn'avaient rien à voir. Ils étaientbienplus exigeants.À la foisdoux, gourmands, sauvages,ébouriffants,ilsmedéstabilisaientlentementmaissûrement.Àtâtons,jerefermailamainsursanuque.Ilinhalabrièvement,sesmainsdescendirent,surmeshanches,lesempoignèrent.Lapressiondesoncorpsmegalvanisa,ilétaitaussidurquelerocPartout,C'étaitluileplusfort,luiquimenaitladanse,etilvoulaitquejelesache.Ilm'embrassa jusqu'à ceque les sensationsdébordent,m'inondent,m'emportent.Unebrûluredouloureuse m'irradiait le ventre. Je compris soudain que si je me donnais à cet homme, ilprendraittout,quetouteslesdéfensesquej'avaisérigéesvoleraientenéclats.Tremblante,jelerepoussaietréussisàdétournerlatèteasse£longtempspourhaleter:—Non!Jack...çasuffit!Ilarrêtaaussitôt,sanstoutefoismelâcherJesentaissapoitrinesesouleveràunrythmerapide.Incapabled'affrontersonregard,j'articulaid'unevoixrauque:—Çan'auraitpasdûarriver.—J'enaieuenvieàlasecondeoùjet'aivue.Ettoiaussi,mechuchota-t-ilal'oreille.—Non...Cen'estpasvrai.—Tuusbesoindet'amuserunpeu,Ella.Jelaissaiéchapperunrireincrédule.—Crois-moi,encemoment,cedontj'aibesoin...Maprotestations'achevadansuncriétouffécommeilplaquaitsonbassincontre lemien. J'enéprouvais, un vertige et, bien que mortifiée, je ne pus m'empêcher d'arquer les hanches enréponse,l'instinctleplusprimaireprenantlepassurlaraison.Jelesentissourirecontremajouebrûlante.—Tuastortdemerepousser,dit-ilencore.Jepourraistefairebeaucoupdebien.—Tuessiarrogant.,.Et,non, tuneme feraispasdubienavec tessteakssaignants, tesoutils

électriquesettalibidogalopante...D'ailleurs,jepariequetuastacartedelaKRA1!Admets-le!Jeparlaisàtortetàtravers,maisjenarrivaispasàmetaire.Jerespiraistropvileetjefrémissaistelunjouetmécaniquedontlesystèmeavaitététropremonté.Jackmemordillasousl'oreilleavantderétorquer:

Page 82: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Enquoiest-ceimportant?—Çaveutdireoui?ÔSeigneur,çaveutsûrementdireoui.C'estimportantparceque...Arrêteçatout de suite. C'est important parce que je ne coucherai jamais avec un homme qui ne merespectepasetnerespectepasmes,idées.Je...Jepoussaiunpetitunquiseterminaengémissement.Jackvenaitdereprendresonbutinage.—Jeterespecte,murmura-t-il.Et jerespectetes idées. Jerespecteton intelligenceet touscesgrandsmotsquetuaimesemployer.Maisj'aiaussienviedet'arrachertesvêtementsetdetefaitel'amourjusqu'àcequetucriesetquelupleures.Ses lèvresdescendirent le longdemagorge. Jenepusmempêcherde tressaillir, impuissante,parcouruedepetitsfrissonsmerveilleux,tandisquesesmains,toujoursfermementagrippéesàmeshanches,m'empêchaientdebattreenretraite.—Jevaistefairedubien,Ella.Tellementdebienquetuenoublierasjusqu'àtonnom.Faiblement,j'articulai:—JesuisavecDanedepuisquatreans.Ilmeconnaît,ilmecomprendbienmieuxquetoi...—Jenedemandequ'àapprendre.Onauraitditqu'une spiralediaboliqueavait commenceà sedéroulerenmoi. J'avaisbeaumeraidirpourmedéfendre,unelangueurgagnaittousmesmembres.Jefermailesyeux,ravalaiungémissementetcontre-attaquai:—Quandtum'asproposecetappartement,tuasprétendun'avoiraucunearrière-pensée.Tumemetsdansunepositiontrèsdésagréable.—Etquellepositionpréférerais-tu?Ilavaitrelevélatête,etm'embrassaleboutdunez.Dieusaitcomment,jeparvinsàm'arracheràsesbrasetreculaideplusieurspas.Jetendisundoigttremblantverslaporte.—Va-t'en,Jack.—Tumejettesdehors?J'avaisdumalàlecroiremoi-même.Avecsescheveuxébouriffésetsonregardbrillantdedésir,ilétaitsexyendiable.—Oui,jetejettedehors.Jerécupéraimeslunettes,leschaussaimaladroitement.Jacks'étaitrembruni.—Nousdevonsdiscuterdecertaineschoses,objecta-t-il.—Jesais.Maissijetepermetsderester,jedoutequenousparlionsbeaucoup.—Etsijeteprometsdenepastetoucher?Nosregardss'accrochèrent.Unechaleurbrûlanteparutemplirlapièce.—Ceseraitunmensonge.Ilsefrottalanuque,admitl'airmaussade:—Tuasraison.—Jet'enprie,laisse-moimaintenant.—Quandpuis-jeterevoir?Demainsoir?—J'aidutravail.—Après-demain?—Jenesaispas.Jevaisêtretrèsprise.—Bonsang,Ella!Tupeuxtoujoursremettreàplustard,maisilarriverabienunmomentoùtudevrasregarderleschosesenface.—J'adoreremettreàplustard.Jesuistellementdouéepourçaqu'ilm'arrivemêmederetarderlemomentdeprocrastiner.

Page 83: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Ilme jeta un regard de défi et, après s'être saisi du carton vide posé près de la porte, quittal'appartement.Jemerendisdanslacuisinepourdébarrasseretpréparerlesbiberons.Jenecessaisdelancerdescoups d'oeil au téléphone - Dane aurait dû appeler à l'heure qu'il était. Étais-je obligée de luiparler de ce qui venait de se passer?... Une relation ouverte autorisait-elle les secrets ? Et sij'avouaisàDanel'attirancequejeressentaispourJack,àquoicelaservirait-il?Aprèsréflexion,jedécidaiquelaseuleraisonvalablepourmettreDaneaucourantseraitquemarelation avec Jack soit sérieuse. Or ce n'était pas le cas. Ces baisers ne signifiaient rien. Parconséquent,leplussage-quiétaitaussileplusfacile-consistaitàfairecommesiderienn'était.Jusqu'àcequetoutel'affairesombredansl'oubli.Lelendemain,j'appelaimasoeur.Jefuscontrariée,maispasspécialementsurprisedeconstaterqu'ellefreinaitdesquatreferspourdonnerauDrJaslowl'autorisationdemeparler.—Tusaisbienquejeneferaisjamaisriencontretonintérêt,plaidai-je.Jeveuxjustet'aider.— Jemedébrouillebien toute seule.Tupourrasparler aumédecinplus tard.Enfin,peut-être.Pourlemoment,jen'enaipasenvie.Elleétaitsurladéfensive,etjenelacomprenaisquetropbien.J'avaisréagidemêmependantmathérapie. Quand on découvrait qu'on avait droit à une certaine intimité, on la revendiquaitjalousement.IlétaitnaturelqueTararefusequej'interfère.D'unautrecôté,j'avaisbesoindesavoircequisepassait.—Tunepeuxpasmeparleruntoutpetitpeudecequetufais?—J'aicommencéàprendredesantidépresseurs,répondit-elledemauvaisegrâce,aprèsunlongsilence.—Bien.Tuenressensleseffets?—Il parait qu'il faut plusieurs semaines,mais j'ai l'impression que ça va déjàmieux. Je parlebeaucoupavecleDrJaslow.Elleditquelafaçondontnousavonsétéélevéesn'estninormalenisaine. Que lorsque votre mère vous néglige et vous considère comme une rivale, c'est untraumatismeetqu'ilfautanalysersesémotionsdepetitefillesionveutlesurmonter.Sinon...— Sinon on risque de reproduire les schémas comportementaux de maman, achevai-Jedoucement,—Oui.Donc,leDrJaslowetmoi,nousparIonsbeaucoupdeschosesquim'onttoujoursembêtées.—Comme?—Commequandmamandisaitque j'étais laplus jolieet toi laplus intelligente.Cen'étaitpasbien.Celamedonnait l'impressiond'être stupide,den'avoiraucunechancedem'améliorer.Àcausedecela,j'aicommispleind'erreursidiotes.—Jesais,magrande.—Jeneseraipeut-êtrejamaisneurochirurgien,maisjesuisbienplusmalignequemamannelepense.—Ellenenousconnaîtnil'unenil'autre,Tara.—Jeveuxluidiretoutcequej'aisurlecoeur,essayerdeluifairecomprendrecequ'ellenousafaitsubir.MaisleDrJaslowditqu'ellenecomprendrasansdoutejamais.Jepourraisluiexpliqueretluiexpliquerencorependantdessiècles,ellenieraouprétendraqu'ellenesesouvientplus.—Je suis d'accord avec tonmédecin. Tout ce que nous pouvons faire, c'est travailler sur nospropresproblèmes.—C'estcequejefais.Etjedécouvrebeaucoupdechoses.Jevaismieux.

Page 84: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Tantmieux. Parce que tumanques à Luc. Tara réagit avec une fébrilitémêlée de timiditéincroyablementtouchante:—Tucrois?Jel'aieusipeudetemps.Ilnedoitmêmepassesouvenirdemoi!—Tul'asportépendantneufmois.Ilconnaîttavoixetlesbattementsdetoncœur.—Est-cequ'ilfaitsesnuits?—J'aimeraisbien.Engénéral, ilseréveilletroisfoisparnuitauminimum.Jecommenceàm'yhabituer. Je dorsmaintenant d'un sommeil si léger que des qu'il fait le moindre bruit, je meréveilleaussitôt—C'estsansdoutemieuxqu'ilsoitavectoi.Jen'aijamaisétédugenreàmeréveillerfacilement.— Si on ne se dépêche pas, il ne tarde pas à hurler, répliquai-je en riant. Crois-moi, sesbraillementstejettenthorsdulitplusvitequ'ungrille-painn'éjecteunetartine!Jefisunepause,puisdemandaiprudemment:—TucroisqueMarkvoudralevoirunjour?LavoixdeTaraétaitsècheetfroidelorsqu'ellemerétorqua:—Markn'estpaslepère.Jetel'aidit,Lucn'apasdepère.Iln'aquemoi.—Tunemeferaspascroirequetul'astrouvédansunchou.Tara.Cetenfantaungéniteuret,quelqu'ilsoit,ildoitt'aiderfinancièrement.Et,plusimportantencore,iladesdevoirsenversLuc.—Cesontmesaffaires.J'eusdumalànepas faireremarquerque,dans lamesureoù j'avaisétéenrôléequasimentdeforcepourm'occuperdubébé,c'étaitenpartiemesaffaires.— II y a un certain nombrede considérations d'ordre pratiquedont nous n'avons pas encoreparlé,Tara.SilepèredeLucal'intentiondet'aider,s'ilt'afaitdespromesses,toutceladoitêtrelégalisé.N'oubliepasqu'unjour,Lucvoudrasavoir...—Pasmaintenant,Ella.Ilfautquejetelaisse.J'aiuncoursdegym.—Maissituvoulaisjustemelaisser...—Salut.Latonalitéretentitdansmonoreille.Furieuse et inquiète, je feuilletai machinalement une pile de factures et de prospectusabandonnéssur leplande travail. Je tombalsur lepapierquem'avaitdonné Jacketsur lequelfiguraitlenumérodetéléphonedel'églisedelaFraternitédel'ÉternelleVérité.Que faire ? Il était évident que Tara n'était pas en mesure pour le moment de prendre desdécisionsrationnellesconcernantl'avenir.Elleétaitvulnérableetsansdoutesousl'influencedeMarkGottlerquiluifaisaitcroirequ'ilveilleraitsurelleetsurLucadvitamaeternam.Peut-être avait-il profité d'elle en pensant qu'il n'y aurait pas de conséquences parce qu'ellen'avaitquasimentpasdefamille.Danscecasils'étaittrompé.Jeveillaisaugrain.

Page 85: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre12Durantlesdeuxjoursquisuivirent,j'appelaiàplusieursrepriseslaFraternitédel'ÉternelleVéritépoursolliciterunentretienavecMarkGottler.J'eusdroitàdesréponsesévasives,àdessilencesouàdesexcusespeuplausibles.Findenonrecevoir.J'avais compris qu'ilme serait impossible d'obtenir un rendez-vousparmespropresmoyens.Gottlerétaittrophautplacédanslahiérarchiedel'Église,tropéloignéetprotégéducommundesmortels,Lorsquej'évoquaileproblèmeavecDane,ilmeproposasonaide.L'Égliseavaitunrelaiscaritatifétendu, et un de ses amis avait eu des contacts avec la mission d'Amérique Centrale.Malheureusement,ladémarchen'aboutitpasetjemeretrouvaiunefoisdepluslebecdansl'eau.—DemandeàJack,mesuggéraHavenlevendredi,alorsquellesortaitdubureau.Ilestdouépourréglercegenredeproblèmes.Ilconnaîttoutlemondeetn'apaspeurderappelerauxgensqu'illeur a rendu service. Si ma mémoire est bonne, notre société a un ou deux contrats avec laFraternité.Nousbuvionsunverredans l'appartementqu'ellepartageaitavecsonfiancé,HardyCates.ElleavaitpréparéunpichetdesangriablancheavecduRiesling,desmorceauxdepêche,d'orange,demangueetuntraitdeliqueurdepêche,LagrandebaievitréeoffraitunevueimprenablesurHouston.Ladéco,déclinéedansdesteintesnaturelles, était à la fois sobre et sophistiquée: immense canapé, fauteuils imposants, tissusprécieuxetcuir,patines.Jen'avaisjamaisvucegenred'appartementqu'àlatélé,danslesémissionsspécialisées.ÉvoluerdansuntelenvironnementprovoquaitenmoiunplaisirIndéniable,dontjememenaiscependant.J'étais lucide. Jesavaisquemonpassagedanscetuniversd'opulenceseraitéphémère,et jenevoulaispasyprendregoût. Jenem'étais jamaisconsidéréecommeambitieuse,mais j'étaisentraindedécouvrirl'attraitirrésistibleduluxe.Daneauraitbeaucoupàfairepourmerecentrersurlesvraiesprioritésdetavie,songeai-jeavecamusement.Lucétaitallongésurlesol,surunecouverture,àplatventre.Fascinée,jelevissouleversapetitetêteunedemi-seconde. Il devenaitplus vigoureux, s'intéressaitdavantage à cequi l'entourait.Chaquejourapportaitunchangementnotable.J'avaisbeausavoirquetouslesbébésévoluaientainsi,quec'étaitsommetoutetrèsbanal,jenecessaisdemextasiersursesprogrès.Jedésiraisfarouchementqu'ilbénéficiede tous tesavantage»possibles, luiqui,à lanaissance,avaitreçubienmoinsquelamoyenne,Iln'avaitpasdefamille,pasdemaison,etpasencoredevraiemère.Jeluitapotailederrière,toutenréfléchissantacequeHavenvenaitdemedireconcernantJack.— Je sais qu'il pourrait me donner un coup de pouce, acquiesçai-je, mais Je préférerais medébrouillerautrement.Jackenadéjàfaitbienassez.Havenpritsonverredesangriaetvints'asseoirparterreprésdenous.—Jesuissûrequ'iln'yverraitpasd'inconvénient,Ella.Ilt'aimebien.—Ilaimetouteslesfemmes.—Jenediscuteraispassurcepoint,admit-elleenriant.Maistun'asrienàvoiraveclesbucklebunniesqu'ilfréquented'habitude.

Page 86: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

J'ouvrislabouchepourprotester,maisellenem'enlaissapasletemps.—Jesais;tunelefréquentespas.Maisdetouteévidence, ilyadel'attirance.Dumoinsdesoncôté.—Tucrois?dis-je,luttantpourconserveruneexpressionimpassible.Cen'estpasl'impressionquej'ai.Jeveuxdire...Jackesttrèsgentil,ilm'abeaucoupaidée...maisilaparfaitementcomprisque je vais retourner à Austin avec Dane, que je ne suis pas libre et... C'est quoi, des bucklebunnies?—Autrefois,l'expressiondésignaitcesfillesfansderodéoquicollentauxbasquesdéscow-boys.Aujourd'hui,celaregroupetouteslescroqueusesdediamants,quicherchentàsefaireentretenir.—Jenesuispasunecroqueusedediamants.— Non. Et quand tu t'adresses à l'une d'elles dans ta chronique, tu lui conseilles de devenirindépendanteetderevoirsespriorités.—Tout lemondedevrait suivremes conseils, opinai-je d'un tondocte:Riant,Haven leva sonverre.Noustrinquâmesetjebusunegorgéedesangria.—N'hésitepasàteresservir,medit-elle.Hardyn'ytremperamêmepasleslèvres.Ilditqu'onneleprendra jamaisàboireuncocktailaux fruits, àmoinsd'êtresuruneplageàdesmilliersdekilomètresetquenousneconnaissionspersonne.—Maisqu'est-cequ'ilsontdonc,cesTexans?demandai-je,perplexe.—Jenesaispas.Dernièrement,unedemesvieillescopinesdefacquivientduMassachusettsestpassée me voir Elle est repartie en décrétant que les hommes du coin étaient vraiment uneespèceàpart.—Uneespècequ'elleappréciait?—Oh,oui.Saufqu'ilsneparlentpasassezàsongoût.—Detouteévidence,ellen'apassutrouverlesbonssujetsdeconversation.—Nem'enparlepas,gloussaHaven.Lasemainedernière,j'aidûécouterHardyetJackdiscuterdesdifférentesfaçonsd'allumerunfeusansallumettes.Ilssontarrivésàsept.—Huit!corrigeaunevoixgravedepuislevestibule.Jemetournaipourregarderl'hommequivenaitdefairesonentrée.HardyCates avait une carrure impressionnante, un sex-appeal foudroyant et les yeux les plusbleusquej'aiejamaisvus.Sescheveuxn'étaientpasaile-de-corbeaucommeceuxdeJack,maisd'unbrunplus nuancé qui évoquait le pelage d'un vison. Posant sa grosse valise en cuir, il sedirigeaversHaven.—Jacketmoiavionsoublié latechniquequiconsisteàrécurerlefondd'unecannettedeCocaavecdudentifrice,puisàutiliserlerefletdusoleilpourenflammerlepetit-bois.—Huit,alors,s'esclaffaHavenenlevantlevisagecommeils'inclinaitpourl'embrasser.Lorsqu'ilseredressa,ellemeprésenta:—Hardy,voiciEllaVarner,quiareprismonancienappartementHardymetenditlamain.—Enchanté,Ella.Sonsourires'élargitquandilaperçutLuc.—Quelâgeat-il?—Presquetroissemaines.—Beaupetitgars,commenta-t-ilavecunregardapprobateur,avantdedénouersacravateetdelanceruncoupd'oeilaupichetemplideliquidepâle.—Qu'est-cequevousbuvez?—Delasangria.Ilyadelabièredanslefrigo,précisaHaven.

Page 87: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Merci,maiscesoirilmefautquelquechosed'unpeuplusfort.Havenluijetaunregardpénétranttandisqu'ilgagnaitlacuisine.Hardyparaissaitdétendu,maiselleavaitdûnoterquelquechosed'inhabituelcar,laminesoucieuse,elleselevapourlerejoindre.—Quesepasse-t-il?demanda-t-elleenleregardantseservirundoigtdewhisky.Ilsoupira.—JemesuisengueuléavecRoyaujourd'hui.C'estundemesassociés,expliqua-t-ilentournantbrièvementlatêtedansmadirection.Ilaanalysélesrésultatsd'uncarottagesurunvieuxpuitsdepétroleetilaffirmequenousallonsatteindreunezoneintéressantesinouscontinuonsdeforer.Maislesempreintes-c'estunefaçondemesurerlaqualitédupétrole-montrentquemêmesinoustombonssurunréservoir,çan'envaudrajamaislapeine.—EtRoyn'estpasd'accord?—Non.Ilsedémènepourquenouscontinuionsdefinancerleprojet.Jeluiaiditqu'iln'auraitplusunputaindedollartantque...PardonElla.J'aitendanceàoublierquejenesuisplussurlechantieraveclesgars.—Cen'estpasgrave.Hardyavalad'unetraitelecontenudesonverre.Havenfitcourirunemainlégèresursonbras.—Royferaitmieuxdet'écouter:Toninstinctpourtrouverdupétroleestquasimentlégendaire.—ÀencroireRoy,monegoaussi,avoua-t-ilavecunsourirepenaudavantdeposersonverre.—Royestimbudelui-même,déclaraHaven,puis,sepenchantverslui:Tuveuxuncâlin?JedétournailatêteetmemisàjoueravecLucpournepasgênercesretrouvaillesquiprenaientuntourplustendre.J'entendislerirebasdeHardyquichuchotaqu'ilpréféraitattendrepourlecâlin,suivitd'unsilence.Jerisquaiunoeildeleurcôté,visqu'ilss'embrassaient,etreportaibienvitemonattentionsurlebébé.Ilétaitgrandtempsquejemeretire,cesgens-làavaientbesoind'intimité,décidai-je.Commeilsrevenaientdansleséjour,j'attrapailesacàlanger.—Jevaisyaller,annonçai-je.Haven,tasangriaestvraimentlameilleureque...—Restedoncpourdîner,Ella. J'aipréparéune tonnedepouletà l'escabèche.C'estunesaladecomposéeméditerranéennequisemangefroide.Etilyaaussidestapas,desolivesetdufromagedebrebis.—Havenestuncordon-bleu,déclara fièrementHardy,unbraspasséautourdesépaulesdesafiancée.Restez,Ella.Sinonjeseraiobligédefinircettemauditesangriaavecelle.J'hésitai.—Vousêtessûrsquevousnepréférezpasêtreseuls?—Mêmesivousvouséclipsez,nousneseronspasseuls,répliquaHardy.Jackdevraitarriverd'unmomentàl'autre.—Jack?s'étonnaHaven.—Oui,jel'aicroisédanslehalletjeluiaiproposédemonterboireunebière.Ilétaitd'excellentehumeur.IlvientderencontrerunjuristespécialiséenaménagementduterritoireàproposdelarénovationdecettepropriétésurMcKinneyStreet.—Ilsvontpouvoircontournerlalégislation?—C'estcequ'assurelejuriste,entoutcas.—Çanem'étonnepas,ÀHouston, l'aménagementduterritoireestunmythe,plaisantaHaven.avantdemelancerunregardd'encouragement.Tuvois,Ella,çatombebien:tuvaspouvoirparleràJackdel'ÉglisedelaFraternité.Hardyhaussalessourcils:—VouscomptezemmenerJackal'église!MaisilseraitfrappéparlaFoudreàl'instantdefranchirleseuil!

Page 88: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—ComparéàtoiJackestunenfantdechœur,s'esclaffaHaven.—Jetelaisseàtesillusions,maisuniquementparcequec'esttongrandfrère.La sonnette retentit, et Haven alla ouvrir. Àmon grand dépit,mon cœur s'emballa. Jem'étaispourtantdit et redit que ces-baisersne signifiaient rien. Pasplusque le contact de son corpscontrelemien.Oulegoûtintimedesalanguedansmabouche...—Salut,patron,lançaHavenensehissantsurlapointedespiedspourdonnerunbrefbaiseràsonfrère.—Engénéral,quandtum'appellesainsi,c'estquetuasquelquechoseàmedemander.JacksuivitHavendansleséjour.Ils'immobilisaenmevoyant,leregardindéchiffrable.Ilavaitdûpasserchez luipoursechanger, car ilportaitun jeandélavéetunT-shirtblancquiparaissaitencoreplusclairsursapeaubronzée.Jeletrouvaiàtombereteustouteslespeinesdumondeànepaslemontrer.Iloffraitunmélangeirrésistible de vitalité, d'assurance et de virilité. Un sublime cocktail." Il me salua d'un brefhochementdetête.—Bonsoir,Ella.—Bonsoir,répondis-jed'unevoixfaible.—Nousvousgardonstousdeuxàdîner,annonçaHaven.—Vraiment?fitJack,dontleregardpassavivementdesasœuràmoi.Jehochailatête,tâtonnaiendirectiondemonverredesangriaetréussisparmiracleànepaslerenverser.S'asseyantprèsdemoisurlesol,JacksoulevaLucdanssesbras.—Salut,petitbonhomme!IlsemitàjoueraveclamaindeLucquilefixaitdesesgrandsyeuxmarine.—Commentçasepasseavecsonnouveaulit?medemanda-t-ilsanstournerlatête.—Trèsbien.Ilestsolide.Son regard croisa enfin lemien. Nous étions très proches. Ses iris étaient presquemordorés,notai-je.Telunalcoolambrédanslequelonauraitjetéunepoignéed'épices.Jeluiavaisditquej'aimais les défis. Eh bien, le défi était là, devant moi„dans ce regard qui me disait que nonseulementj'allaisperdre,maisquej'adoreraismadéfaite.Lenezdansleréfrigérateur,Havenlança:—Ellaaunproblèmequetupourraispeut-êtrerésoudre,Jack.Cederniermeregardadroitdanslesyeux,etuncoindesaboucheseretroussa.—Quelestdoncceproblème,Ella?s'enquit-il.—Jack,tuveuxunebière?intervintHardy—Oui.Avecunerondelledecitron,situas.—J'essaied'obtenirunrendez-vousavecMarkGottler,expliquai-je.Jevoudraisluiparlerdemasœur.—Commentva-t-elle?—Plutôtmieux,jecrois.MaisellenefaitrienpourgarantirsesintérêtsetceuxdeLuc.JevoudraisdoncrencontrerGottlerafindelemettrefaceàsesresponsabilités.IlnepeutpassecontenterdepayerleséjourdeTaraàlacliniqueetselaverlesmainsdureste.Ilestmoralementresponsable.JackreposaLucsursacouverture,attrapaunlapinenpelucheetl'agitadevantlui.Ravi,Lucsemitàbattredesbrasetdesjambes.—Tuvoudraisquejet'obtienneuneentrevue,murmura-t-il.—Oui.Jedoislevoirenprivé.—Jepeuxarranger cela.Mais cene serapas simplede s'infiltrerdans les lieux.Tuvasdevoircoucher...Indignéequ'ilosemefaireunetellepropositionalorsquesapropresœurétaitàdeux

Page 89: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

pas,jecoupaivivement:—Situcroisquejevaiscoucheravectoijustepouravoirl'occasiondeparleràGottler,tu...—Situmelaissaisfinirmaphrase.Jedisaisdonc,tuvasdevoircoucherparécrittastratégieafinquejetrouveuneraisondelerencontreretdet'emmeneravecmoi.Tuneseraspasobligéedecoucheravecmoi,saufsilagratitudet'étouffe,conclut-ilavecmalice.—Pasàcepoint,objectai-je,écarlateaprèscemalentendu.Maisjenepusm'empêcherdesourire.C'étaitvraimentleseulhommequejeconnaissecapabled'êtreaussisexyunlapinenpelucheàlamain.Suivantmonregard,ildemanda:—Qu'est-cequec'estquecestrucsquetun'arrêtespasdeluiacheter?Cen'estpasunjouetdegarçon,ça!—Lucadoresonlapin.Oùestleproblème?—Graigestcommelui,fitHavenens'asseyantdanslecanapé.Iladesidéestrèsarrêtéessurcequiconvientoupasauxgarçons.Celadit,iln'auraitriencontreunlapinenpeluche,Jack.—Ilaunnœudroseautourducou,répliquaJackd'unairdégoûté.Iln'encontinuaitpasmoinsd'agiterlapeluchedevantLuc,quilefixait,hypnotisé.—Leshommeset les femmesn'ontpasdu tout lemêmerapportauxenfants,observaHaven.GraigchahuteavecMatthew, il le lanceen l'air, il lechatouille,etMatthewa l'aird'adorercela.C'estpourcelaquelesJeuxparentssontIndispensableset...Oh.pardonEllaRougissante,ellemelançaunregardd'excuse,—Cen'estpasgrave,larassurai-jeC'estvraiqueLucrisqued'êtreprivéd'unefiguremasculinependantunmoment-Maisjeneperdspasespoirquemasœurrencontreunjouruntypebienquiferaunsuperbeau-pèrepourLuc.JacktenaittoujourslelapindontLucavaitagrippéuneoreille.—Ils'enremettra,prédit-il.Notrepèren'étaitjamaisàlamaison.Etquandill'était,nousétionspressésnousdébarrasserdelui.Onpeutdirequenousavonsquasimentgrandisanspère.—Etregardelerésultat,commentaHaven.Lefrèreetlasoeuréchangèrentunregarddeconnivenceavantd'éclaterderire.Ledînerfuttrèsdétendu.Lucvoyageadebrasenbras,Lasangriacontinuadecouleretj'enbusjusqu'à éprouver une bienheureuse euphorie, Cela faisait très longtemps que je n'avais pas riautant.Dessemaines,voiredesmois.C'étaitcurieuxdesesentiraussibieneucompagniedegenssidifférentsdeDaneetdesesamis,DaneauraitsévèrementcritiquéHardyetJack,leurfaçondefairedesaffairesetdeconcluredesmarchésailleursquesurlaplacepublique,leurjubilationàcontournerleslois.Tousdeuxétaientplus âges que les hommes que je côtoyais d'ordinaire, plus cyniques, et sans doute plusimpitoyableslorsqu'ils'agissaitd'obtenircequ'ilsvoulaient,Etcependantsicharmeur.C'étaitbienlaledanger.Cettedésinvolture,cecharismevousempêchaientdelesvoirtelsqu'ilsétaient vraiment. Des hommes capables de vous manipuler, de vous entraîner là où ils lesouhaitaient,d'uncompromisàl'autre,etvousfaisantcroiredesurcroîtquec'étaitdevotrepleingréetquevousenétiezenchanté.Quandvouscompreniezvotreerreur,c'étaittroptord,lepièges'étaitrefermésurvous.Leplusétonnant,c'étaitquesachantcela,jepuisseêtreàcepointattirerparJackTravis.Assiseàcotédeluisurlecanapé,j'essayaid'analysercequejeressentais,jecompristoutacoupquej'étaisdétendue,toutsimplement.Jen'étaispasunefillezen.J'étaisplutôtdugenrecrispée,enpermanencesurlequivive,danslacraintedelaprochainecatastrophequiallaits'abattresurmoi.Cesoirpourtant, jemesentaisétrangementbien, sansdouteparceque jen'avaisaucune

Page 90: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

raisond'êtresur ladéfensiveni rienàprouver.Lebébéendormiaucreuxdemesbrasyétaitaussipeut-êtrepourquelquechose.Commejemerenfonçaidanslecanapé,jemeretrouvaiplusoumoinsblottiecontreJackdontlebrasreposaitsurledossier.L'espaced'uninstant,jefermailesyeuxetm'autorisaiàappuyerlajouecontrelui.Jesentissamainjoueravecmescheveux.—Qu'est-cequetuasmisdanscettefichuesangria,Haven?demanda-t-il.—Riendeparticulier,sedéfenditsasoeur.Duvinblanc,principalement.J'enaibuautantqu'Ellaetjesuisenpleinepossessiondemesmoyens.—Moi aussi, affirmai-je en rouvrant brutalement les yeux. Je manque... juste de.. sommeil,dézolée...Àma grande horreur, jeme tendis compte que je zézayais.Ma langue semblait affligée d'uneparesseincontrôlable.—Ella?Le léger tremblementdans lavoixde Jackm'indiquaqu'il seretenaitàgrand-peinederire.Samain,qui sepromenait toujoursdansmescheveuxse fit caressante.Denouveau je fermai lesyeux.C'étaitsibon,j'auraisvouluqu'ilnes'arrêtejamais.—Quelleheureest-il?marmonnai-jeenréprimantunbâillement.—20h30.J'entendisHavendemander:—Vousvoulezducafé?—Non.merci,refusaJackavantquej'aieletempsderépondre.— L'alcool peut faire l'effet d'un coup de massue quand on est fatigué, observa Hardy,compatissant.Surlesplates-formespétrolières,aprèsplusieurssemainesdansl'équipedenuit,uneseulebièresuffisaitàvousrétamer.—J'aiencoredumalàsuivrelerythmedeLuc,avouai-jeenmefrottantlesyeux.Cen'estpascequ'onappelleungranddormeur—Ella,nousavonsunechambred'amis,Tupeuxlaprendrecesoir.Jem'occuperaideLucpourquetupuissestereposer,proposaHaven.—C'esttrèsgentil...maisçaira.Ilfautjusteque...Unbâillementmecoupalaparole.J'enoubliaicequejevoulaisdireetconclu—...quejetrouvel'ascenseurHavens'approchapourmedébarrasserdeLuc.—Jevaislemettredanssanacelle.J'auraisaimédisposerdecinqpetitesminutessupplémentairespourmereposercontrel'épauledeJack.SousleT-shirt,sesmusclesépousaientmajoueàlaperfection.—Uneminute...marmonnai-jeencore.Je m'affaissai davantage contre lui et sombrai bientôt dans un demi-sommeil. Des bribes deconversationmeparvenaient.-—...pasévident,cequ'elleafait,disaitHaven.Mettresavieentreparenthèses...—...m'al'airbizarre,sonamid'Austin,remarquaHardy.—Unecouillemolle,tranchaJackavecdédain.JevoulusprendreladéfensedeDane,parréflexe,maisj'étaistropépuiséepourarticulerunmot.Lesommeilmehappaplusprofondémentencoreet,cettefois,jeperdislefildelaconversation.—Ella?fitunevoix.Jesecouailatête,agacée.J'étaissibien.Jenevoulaispasbouger.Quelquechosededouxettièdemefrôlalajoue.

Page 91: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Ella.Jevaisteramenercheztoi.J'ouvrislesyeux.Àmagrandehonte,jeréalisaiquej'avaisdormiàpoingsfermés,pratiquementrouléeenboulesurlesgenouxdeJack.Jemeredressaitantbienquemal.—D'accord.Jesuisdésolée.Je...jenecomprendspas,jen'aipasbutantquecela,bredouillai-je,mortifiée,etencoremalréveillée.—C'estcequ'ondit.—Nouslesavonsbien,merassuraHaven,avantdelanceràsonfrère:Jack,c'estl'hôpitalquisemoquedelacharité!Riant,celui-cim'expliqua:—Jemelèvetouslesmatinsà7heures,maisjenesuisvraimentréveilléqu'àmidiAllez,debout,jevaist'aideràtrouverl'ascenseur.Ilglissalebrasautourdemesépaulespourm'aideràlever.Jem'inquiétai:—OùestLuc?—Havenvientdeluidonnersonbiberonetdelechanger.HardypassalanacelleàJacktandisqueHavenmetendaitlesacàlanger.—Merci,soufflai-je,reconnaissante.Encoredésolée.—Dequoi?—Dem'êtreendormiesurvotrecanapé.—Nelesoispas.Qu'est-cequ'unpeudenarcolepsielorsqu'onestentreamis?Ellem'embrassadansunélanspontanéquimepritaudépourvu.Puis,aprèsm'avoir tapoté ledos,elleglissaàJackpar-dessusmonépaule:—Celle-là,jel'aimebien.Jackneréponditpas.Ilsecontentademepousserverslevestibule.Jemelaissaifairedocilement,titubantpresque.Mettreunpieddevantl'autreexigeaituneextrêmeconcentration.—Jenecomprendspascecoupdefatigue.Jesupposequecesonttoutescesheuresdesommeilenretard.Çavousrattraped'uncoup...LamaindeJackdescenditaucreuxdemesreins.D'unepressionimperceptible,ilmeguidaverslecouloir.Jecontinuaideparlerdecraintedemerendormir:—Tusaisquelaprivationdesommeilchroniquepeutêtretrèspersini...perni...—Pernicieuse?—Oui.Celaprovoquedes trousdemémoire,de la tensionartérielle,etaussidesaccidentsdutravail.Heureusement,çanerisquepasdem'arriver.Àmoinsquejenem'écroulesurl'ordinateuretquejem'assommesurleclavier.SijamaistumevoisavecleslettresAZERTYimpriméessurlefront,tusaurascequis'estpassé.—Nous y voilà, dit Jack commenouspénétrionsdans l'ascenseur. Je louchai vers les boutons,tendisunemainhésitantequ'ilécarta.—Non,Ella,nousdescendons.Jerenonçaiàgérernosdéplacements,etm'appuyaicontrelaparoidelacabine.—Pourquoiest-cequeHavent'adit:«Celle-là,jel'aimebien»?—Parcequ'ellet'aimebien,c'esttout.—Oui,mais...celasous-entend...quelquechose.J'avaislecerveausiembruméquejeneparvenaispasàréfléchirdemanièrecohérente.Jacksemitàrire.—N'essaiepasderéfléchir,Ella.Gardeçapourplustard.—D'accord.

Page 92: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Lesportesdel'ascenseurs'ouvrirentetjeremontailecouloirenchancelant.Coupdechance,jeréussisàcomposerlecoded'entrée.—Il faut que je prépare les biberons, annonçai-je enmedirigeant d'unpasmal assuré vers lacuisine.—Jem'enoccupe.Vatemettreenpyjama.Reconnaissante,jegagnaimachambrepourenfilerunT-shirtetunpantalondeflanelle.Letempsque jeme débarbouille et me brosse les dents, Jack avait rangé les biberons dans le frigo etinstalléLucdanssonlit.Ileutunsourireamusécommej'approchaid'unpasincertain.—Ondiraitunepetitefilleavectonvisagebienpropreetbrillant.Unepetitefilletrèsfatiguée,ajouta-t-il,tandisquesonpoucesuivaitletracéd'uncerneau-dessusdemapommette.—Jenesuispasunegamine,dis-jeenrougissant.—Jesais.Il m'attira dans le cercle réconfortant de ses bras. Je ne protestai pas tantmon équilibremesemblaitprécaire.—Tuesune femme forteet intelligente,Ella.Maismême les femmes fortesontbesoind'aideparfois.Tuvast'épuiseràcetrain-là.Oui,jesais,tunesupporteslesconseilsquequandc'esttoiquilesdonnes.Maistuvasquandmêmem'écouter:ilfautquetucommencesàréfléchiràlongtermeàcequetuveuxfaireàproposdeLuc.Jefussistupéfaitequejerépliquaid'unetraite,sansbégayer:—Maisilnes'agitpasd'unesituationàlongterme!—Tun'ensaisrien.SurtoutsileschosesnedépendentquedeTara.—Lesgenschangent.— Ils peuvent éventuellement changer leurs habitudes. Mais pas leur personnalité profonde.J'espèredetoutcœurqueTararéussiraàsurmontersesproblèmespourdevenirunebonnemèreet reprendre sa place auprès de Luc. Mais je t'avoue que cela m'étonnerait. Je crains que lasituationnedureplusquetunesouhaitesl'admettre.Quetuaieseuletempsdet'ypréparerounon,tevoilàmère.Etsituneprendspassoindetoi,tuvasbrûlertoutestescartouches.Ilfautquetuarrivesàtereposerpendantquelebébédort.Tuvasengagerunenounououunebaby-sitter.—Jen'envoispasl'utilitépoursipeudetemps.TaravarevenirchercherLucetjeretourneraiàAustin.—Auprèsdecetypequidit«pouce»quandtuasbesoind'aide?Quefait-ilencemomentquisoitplus importantquede t'aider? Ilmilitepour lasauvegarded'uneespècede fougèreenvoiededisparition?Jemeraidisetlerepoussaid'ungesteirrité.— Tu n'as pas le droit de juger Dane ou de critiquer notre relation ! Jack eut un ricanementdédaigneux:—Cetteprétenduerelationaprisfinàl'instantoùilt'ainterditderamenerLucàAustin.Tusaiscequ'ilauraitduterépondre«Biensurquejevaistesoutenir,Ella.Çapeutarriveran'importequi.Nousallonsaffrontercetteépreuveensemble.Rentreàlamaisonetviensviteaulit»—Danen'aurait jamaispugérerlasituationtoutencontinuantdes'occuperdesaboite.Et tun'aspasidéedunombred'associationsdanslesquellesilestimplique,degensqu'ilaide,..—Lafemmequ'ilaimedevraitprimersurtoutlereste.—Épargne-moitaphilosophiedebasétage.EtcessededénigrerDane.Quandas-tufaitpasserunefemmeenpremier,toi?—Jemeproposejustementdetedonnerlaprioritésur-le-champ.

Page 93: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Laphrasepouvait être comprisededifférentes façons.Mais la lueurdans le regardde Jacknelaissaitplaner aucuneambiguïté.Unvertigeme saisit.Mespensées s'éparpillèrent auxquatreventsetmoncœursemitàbattrelachamade.Cen'étaitpasfair-playdesapandes'attaqueràmoialorsquej'étaisauborddel'épuisement.Mais,apparemment,jouerfranc-jeusetrouvaitloinderrièrefairel'amoursurlalistedesprioritésdeJack.Carc'étaitcequ'ilavaitentête.Depuisledébut,nousallionsdanscettedirection.Iln'étaitpluspossibledefaireabstractiondudésirquinoustenaillait,Jemeréfugiaiderrièrelatablebasse,telleuneviergeoutragéedansunmélodramevictorien,—Jack,cen'estvraimentpaslemoment.JesuisfatiguéeetJen'arrivepasàréfléchir.—Voilàpourquoic'estprécisémentlebonmoment.Situétaissobreetreposée,ceseraitbienplusdifficiledeteconvaincre.—Jen'agisjamaissuruncoupdetête.Etje...Jen'euspasletempsdefinir.Entroisenjambées,ilm'avaitrejointeetsaisieparlepoignet.—Lâche-moi,ordonnai-jemollement.Avecdouceur,ilm'attiraverslui.—Combiend'hommesas-tuconnusdanstavie,Ella?—Questionstupide.D'ailleurs,j'aiécritunechroniqueàcesujet,et...—Un?Deux?coupa-t-ilenm'enveloppantdesesbrasJememisàtrembler—Unetdemi,lâchai-je.—Commentpeut-oncoucheravecundemi-type?—C'étaituncamaradedelycée.Nousétionsaussiinexpérimentésl'unquel'autre.J'étaisdécidéeàallerjusqu'auboutaveclui,maisenrentrantchezmoi,jel'aitrouvéaulitavecmamère.Jacklaissaéchapperuneexclamationincrédule.Sonétreinteseresserra,sidouceetprotectricequejenerisquaispasdeluirésister.—Jem'ensuisremise,etavecDane,toutvabiendececoté-la.Jen'aijamaiseuenvied'allervoirailleurs.—D'accord.—Lavérité,c'estquelesexenem'intéressepastantquecela.—Jecomprends.Ilme tenait si étroitement serrée que je n'eus d'autre choix que d'appuyer la tête contre sonépaule. Peu à peu, jemedétendis. Tout était calmedans l'appartement.Onn'entendait que larespirationdeJack,lamienneetleronronduclimatiseur.Dieuquecethomme,sentaitbon.Mais je ne voulais pas plonger dans l'inconnu. C'était comme d'être ligotée sur un wagon demontagnerusse,aattendreledémarrageensachantquecequiallaitsuivreseraitépouvantable:une suite de chutes vertigineuses; une force centrifuge terrible qui me laisserait toutecontusionnée.—Tunet'esjamaisdemandécommentceseraitavecunautre?soufflaJack.—Non.Ilm'embrassadanslescheveux.—Tunet'esjamaisdit:«Oh,etpuis,aprèstout!»,avantdefoncer?—Foncern'estpasdansmanature.Jenesuispaslegenredefillequisautesuruneaubaine.—Jet'enoffreune,Ella.Sabouchetrouvalamienne,lapoursuivitavecinsistancealorsquejetentaisdeluiéchappersans

Page 94: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

grandeconviction.Samainenserramanuquedansunepriseferme.Moncœursemitàbattreàgrandscoupsfrénétiques.Jackm'embrassaitencoreetencore,delongsbaisersindécents,aussidouxquelasoie,aussibrûlantsquelalave.Sonmentonrâpeuxm'écorchaitlesjoues,salangueaudacieuseexploraitmaboucheavecinsistance.Àtâtons,jeluiagrippailespoignets.Mesongless'enfoncèrentdanssachair.Jenesavaistropsij'essayaidelerepousseroudeleretenirIIcontinuaitdem'embrasser,patient,habile.Jelaissaialors retombermes bras pourme couler contre son corps dur. Jamais je n'avais ressenti dessensations aussi intenses. Aussi purement physiques. Tout était aboli, excepté la passion quibrûlaitenmoi.Ilglissalamainsurmesfessespourmeplaquercontresonérection,entamaunelenteondulationdubassin.Haletante,j'accompagnaisonmouvementsansvergogne.Sabouchecueillaitsurmeslèvres les gémissements qui franchissaientma gorge. Je sentis la tension s'accumuler enmoi,promesse d'une explosion voluptueuse... et j'imaginai aussitôt ta perte de contrôle etl'humiliationquis'ensuivraient.Toutcelaà.caused'unsimplebaiser,delafrictiondedeuxcorpspasmêmedévêtus.Non,celan'arriveraitpasdécidai-je,enm'arrachantàseslèvresdansunaccèsdepanique.AgrippéeàsonT-shirt,lecorpspalpitantdepartout,laboucheenflée,j'articulaiavecpeine:—Attends...Ilfautarrêter.Jackbaissalesyeuxsurmoi.Sonregardétaitvoilédedésir,sonvisagenettementéchauffé.—Pasmaintenant,objecta-t-ild'unevoixrauque.Alorsqueçadevientintéressant.Avantque jepuisserépliquer, ilcapturamabouche,accentua lapressiondesonsexe,dansuntempo plus urgent. Cette pression affolante décupla les sensations que j'éprouvais déjà etmeprécipitadansladirectionquej'avaisvoulufuir.Ledéferlementduplaisirfutsipuissantquejecrus que mon cœur allait éclater. Secouée de spasmes, je me cramponnai à son T-shirt. Jackprolongeal'instantenmaintenantunrythmeconstantavecunehabiletédémoniaque.Ledernierfrissons'étantmuéenunelangueureuphorique,jem'affalaicontresapoitrineetgémis:—Oh,non!Seigneur,tun'auraispasdûfaireça!Ilmemordillalementon,lajoue,lachairtendredemoncou.—Toutvabien,Ella,murmura-t-il.Cen'estquedubonheur.Le silence retomba. Jem'efforçai de retrouvermon souffle. Nous étions toujours étroitementenlacés et je nepouvais ignorer son sexe toujours glorieusementdur. Le savoir-vivredu sexeexigeaitunéchangedebonsprocédés,non?Auboutd'unmoment,jerisquaidansunsouffle:—Jesupposequejenepeuxpastelaissercommeça...—Çaira,assura-t-il,unéclairamuséaufonddesyeux.C'estmoi-quirégale.—Cen'estpasjuste.—Tuasbesoinderepos.Tumedirasplustardcequ'ilyaaumenu.Jeluijetaiunregardincertain,nesachanttropcequ'ilattendaitdemoi.AvecDane,j'avaiseuunevie sexuelle normale. Mais nous ne nous étions jamais aventurés dans ce que certainsconsidéreraientcommedesterritoiresexotiques.—Macarten'estpastrèsvariée,jelecrains.—Vuquej'aiadorélesamuse-gueules,jenemeplaindraipas.Avecprécaution,ilrelâchasonétreinte.Commejevacillais,ilposalamainsurmonépaule.—Tuveuxquejeteportedanstonlit?proposa-t-ild'untontaquin.Quejeteborde?Jesecouailatête.

Page 95: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Vatecoucher,murmura-t-ilenmedonnantuneclaquesurlepostérieur.Etils'enalla,melaissantpartagéeentrel'euphorieetunhorriblesentimentdeculpabilité.Jedusmemordreléslèvrespournepaslerappeler.J'allaivérifierqueLucdormait,puisrejoignislachambreetmeglissaientrelesdraps.Alorsquej'étaisallongéedansl'obscurité,mamauvaiseconscienceremontaàlasurface,telunsoldatquis'extirped'unetranchéeenagitantundrapeaublanc.Jeme rendis soudain comptequeDanen'avaitpas téléphoné la veille.Ni ce soir.Mes repèresétaiententraindes'écroulerlesunsaprèslesautres.«J'aipeur,Dane,songeai-je.Jecroîsquejevaisfaireunegrossebêtise.Etjenevoispascommentempêcherquecelaarrive.Jesuisperdue.Laisse-moirentreràlamaison.»Sijen'avaispasétéaussiépuisée,jeluiauraistéléphoné-Jesavaistoutefoisquejeneluiauraisditquedes inepties.Elpuis,dansuncoindemoncoeurmeurtri, jevoulaisquece soit luiquim'appelle.Letéléphonedemeurasilencieux.Etquandjem'endormis,Danenetrouvapassaplacedansmesrêves.

Page 96: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre13ChèreMlleIndépendante,Jesorsdepuispeuavecunhommeavecquijen'airienencommun.Ilaquelquesannéesdemoinsquemoietnosgoûtsdivergentdansàpeuprèstouslesdomaines.Ilaimelanature,jesuiscasanière.Iladorelascience-fiction,jefaisdutricot.Endépitdetoutcela,jesuisfolledelui.Maisj'aipeurqu'àcausedenosdifférences,notre,couplesoitvouéàl'échec.Dois-jerompresansattendre,avantquenotrerelationnedeviennevraimentsérieuse?

UnefillebienembêtéedeWalh.WallaChèreEmbêtée,Parfois, l'amour nous tombe dessus à l'improviste. Aucune règle n'exige que deux personnesamoureusessoientexactementsemblables.Enfait,certainespreuvesscientifiquesindiquentquepluslespatrimoinesgénétiquessontéloignés,pluslecoupleadeschancesdedurer.Maisfranchement,quipourraitexpliquercephénomènemystérieuxquifaitquedeuxpersonnesseplaisent?C'estpeut-êtreàcausedeCupidon,de la lune,oud'une façondesourire.Qui sait?Tantquechacunrespecte lesdifférencesdel'autre,iln'yapasderaisonspourqu'ellesdeviennentdesobstaclesàvotrecouple.Onpeut préférer le beurre à lamargarine, peu importe. Laissez venir les choses,ma chère Embêtée.Plongeztêtelapremière.Laplupartdutemps,ceuxquinousenapprennentleplussurnous-mêmessontceuxquinousressemblentlemoins.

MlleIndépendanteLesyeuxrivéssurl'écrandemonordinateur,jemarmonnai:—Laissezvenirleschoses?Jedétestaisnepasavoirlecontrôledelasituation.Jenemerendaisjamaisnullepartsansavoirconsulté une carte et tracé l'itinéraire. Chaque fois que j'achetais quelque chose, je renvoyaispieusement la carte de garantie. Quand je faisais l'amour avec Daner nous utilisions despréservatifs,alorsquejeprenaiségalementlapilule.Nousneconsommionsaucunenourriturecontenantdescolorantsrouges.Etj'utilisaisunécrantotalàdoubleindicedeprotectionanti-UVAelanti-UVB.«Tuasbesoindetamuserunpeu»m'avaitditJack,avantdenieprouverdanslafouléequ'ilétaitparfaitementapteàmeprocurerquelquedistraction.Jesavaisquesijemelaissaisalleraveclui,ilyauraitbiend'autresjeuxd'adultesenperspective.Saufquelavieneconsistaitpasas'amuser,maisàfairecequidevaitêtrefait.Sionavaitdelachancedetempsentemps.,onyprenaitplaisir.Quedirai-jeàJacklaprochainefoisquejeleverrais?Cettepenséeme fit frémir. Si seulement j'avaispumeconfieràquelqu'un. Stacy,parexempleMaisjesavaisqu'ellelerépéteraitalorsàTom,quis'empresseraitdetoutraconteràDane.Enmilieudejournée,letéléphonesonna.LenumérodeJacks'affichasurl'écran.Jetendislamainversl'appareil,hésitai,avantdesaisirfinalementlecombinéd'ungesteprécautionneux.—Allô?

Page 97: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Ella,commentçava?Savoixétaitnaturelle,détachée.Commes'ilappelaitdubureau.—Çava,répondis-jeprudemment.Ettoi?—Trèsbien.Écoute,j'aipasséquelquescoupsdefilàlaFraternitédel'ÉternelleVéritécematin,etjevoulaisteteniraucourant.Onseretrouveaurestaurantpourendiscuter?Celuiduseptième?—Oui.TupeuxamenerLucDisonsdansvingtminutes.—Tuneveuxrienmediremaintenant?—Non,jen'aimepasmangerseul.Unsourirenaquitsurmeslèvres.—Suissecenséecroirequejesuistaseuleoption?—Non,maistuesmapréférée.Lerougememontaauxjoues,etjenefuspasmécontentequ'ilnesoitpaslapourlevoir.—Atoutdesuite,alors,dis-jeavantderaccrocher.J'étaistoujoursenpyjama.Jemeruaiversledressing,attrapaiunevestedelinbeige,unechemiseblanche,unjeanetdessandalesàtalonscompensés.Unefoishabillée,jem'occupaideLuc.Dèsque nous fûmes présentables, je le sanglai dans sa nacelle, et attrapai le sac à langer. Nousrejoignîmes le restaurant, unbistrotmoderneavec chaises recouvertesde cuirnoir, tables enverreettableauxabstraitsauxcouleursvivesaccrochésauxmurs,laplupartdesclientsétaientdescadresetdesemployés,lesfemmesportaientdutailleursstricts,leshommesdescostumes.Jackétaitdéjà làetdiscutaitavec l'hôtesse.EncostumemarineetchemiseOxfordbleupale, ilétaitplusqueséduisant.AHouston,lesgenss'habillaientpourdéjeuner,contrairementàAustin.Jackm'aperçutetvintàmarencontrepourmesoulagerdupoidsdelanacelle.Sonbrefbaisersurlajouemepritparsurprise.—Salut,dis-jed'unevoixhaletante,aussiembarrasséequ'ungaminquivientdesefairepiqueràvisionnerunfilminterditsurlecâble.ManervositéparutamuserJackquieutunlentsourire.—Neprendspascetteminesuffisante,marmonnai-je.—C’estjustemafaçondesourire.L'hôtessenousescortajusqu'àunetabled'anglesituéeprésdelafenêtre.Jackposalanacellesurlachaisevoisinedelamienne.Ilm'aidaàmasseoir,puismetenditunpetitsacenpapierbleuavecdespoignéesenficelle.—Qu'est-cequec'est?—C'estpourLuc.Jeglissailamainàl'intérieurdusacetenretiraiunpetitcamionrembourré,toutdoux,toutmou,composéd'unpatchworkdetissusauxcouleurspimpantes.Lesrouesfaisaientdubruitquandonappuyaitdessus.Unbruitdegrelotsefilentendrelorsquejesecouailejouet.Jel'agitaiau-dessusduvisagedeLuc,puisleposaisursonventre.Ilsemitaussitôtàtripotercenouvelobjetd'unetexturesiintéressante.—C'estuncamion,luiannonçai-je.—Avecgodetavantarticulé,précisaJack.—Merci.Jecroisquenousallonspouvoirnouspasserdecelapinpourfilles,désormais.Jerelevailatête,croisaileregarddeJack,etmesurprisàsourire.Surmajoue,l'endroitoùilavaitposéseslèvresl'instantd'avantmechauffaitencore.—As-tuparléenpersonneàMarkGottler?demandai-je.Uneétincelleespiègles'allumadanssesyeux.

Page 98: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Sommes-nousobligésdecommencerparça?—Etparquoid'autrepourrions-nouscommencer?—Jenesaispas,quelquechosedugenre :«Comments'estpassée tamatinée?»,oubien :«Qu'est-cequ'unejournéeparfaiteàtesyeux?»—Jesaisdéjàcequetuconsidèrescommeunejournéeparfaite.—Ahbon?Vas-y,jet'écoute.J'avaisl'intentiondem'entirerparunepirouettehumoristique,maistandisquejeleregardai,jememisàréfléchirsérieusementàlaquestion.—Mmmm...Jepensequetuseraisdansunbungalow,surlaplage...—Silajournéeestparfaite,jesuisencompagnieféminine.—D'accord.Avecunefille,enshortetentongs.—Jeneconnaispasdefillesquis'habillentainsi.— Voila pourquoi tu aimes tant celle-ci. A propos, le bungalow est rustique. Pas de télé, pasd'Internet,pasdetéléphone,etvousaveztouslesdeuxéteintvosportables.Lematin,vousfaitesunepromenadelelongdelaplage.Vousvousbaignez,peut-être.Vousramassezdescaillouxpolisquevousconservezdansunbocalenverre.Pluslard,vousallezauvillagevoisinàvélo,jusqu'àlaboutiqueducoinpouracheterdumatérieldepèche...desappâts...—Desmouches,corrigeaJackdontleregardnequittaitpaslemien.Desleurres.—Pourquelgenredepoisson?—Grogneurocellé.—Super,Donc,tuvasàlapêche...—Pasmacopine?—Non,elleresteaubungalowpourlire.—Ellen'aimepaspêcher?—Non,maiscelaneladérangepasquetuyaillessanselle,elletrouvetrèssainquevousn'ayezpaslesmêmescentresd'intérêt.Ellet'apréparéungrossandwichetdeuxbièresqu'elleaglissésdanstamusette.—J'adorecettefemme.—Tuparsfaireuntourenbateauettureviensavecunebelleprisequetugrillessurlebarbecuelesoirvenu.Vousdînez.Puisvousvousinstallezsurlabalancelle,lespiedssurlarambardedelavéranda,etvousdiscutez.Parfoisvousvoustaisezpourécouterleressac.Ensuite,vousallezsurlaplageavecunebouteilledevin,etvousvousasseyezsurunecouverturepourregarderlesoleilsecoucher.Jeluiadressaiunregardinterrogateur.—Alors,qu'endis-tu?Je pensais que mon petit scénario le divertirait, mais il me considérait avec une gravitédéconcertante.—Super,murmura-t-il.Puis ilmedévisagea comme s'il tentait de comprendre le pourquoi du commentd'un tour demagie.Leserveurs'approcha,nousindiqualeplatdujouretpritlacommandedeboissons.Jackessuyadupoucelabuéequis'étaitforméeàl'extérieurdesonverred'eau.Puisilplantasonregarddanslemiend'unairdedéfi.—Àmontour,dit-il.Jesouris.Celacommençaitàdevenirdrôle.—Tuveuxessayerdedevinerquelleseraitmajournéeidéale?Tropfacile.Danstouslescasde

Page 99: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

figure,ilfautincluredesboulesQuies,desvoletsfermésetdouzeheuresdesommeil.Ignorantmaremarque,ilcommença:—C'estunebellejournéed'automne...—Iln'yapasd'automneauTexas.J'attrapaiunpetitpainparfuméaubasilicdanslacorbeille.—Tuesenvacances.Etc'estl'automne.—JesuisseuleouavecDane?Jetrempaiunmorceaudepaindansunramequind'huiled'olive.—Tun'espasseule,maistun'espasavecDane.—Daneneferaitpaspartiedemajournéeidéale?Jacksecoualentementlatête.—Non.C’estunnouveaucompagnon.Jecroquaidanslepaindélicieusementdense,etdécidadejouerlejeu.—Etoùsommes-nousenvacances,lenouveauetmoi?—EnNouvelle-Angleterre.SansdoutedansleNewHampshire.—Jen'aijamaisétéaussiaunord!—Vouslogezdansunvieilhôtelavecdesvérandas,deschandeliersetdesJardins.—Çaal'airpasmal—Lenouveauet toi.vousparlez,envoituredans lamontagnepouradmirer les feuillagesdesarbres.Voustombezsurunepetitevilleoùsedérouleunefoireartisanale.Vousvousarrêtezpouracheterdesvieuxbouquinsd'occasion,desdécorationsdeNoelfaitesmain,etunebouteilledevéritable sirop d'érable. Ensuite, vous rentrez a l'hotel et vous faites la sieste avec la fenêtreouverte,—C'estunadeptedelasieste?—Pasd'ordinaire.Maispourtoi,ilfaituneexception.—Ilmeplaîtbien.Quesepasse-t-ilquandnousnousréveillons?—Vousvoushabillezpourallerprendrel'apéritifetdîneraurestaurant.Àlatablevoisinedelavotre,ilyaunvieuxcouplequidoitbienêtremariédepuiscinquanteans.Lenouveauettoi,vousessayezdedevineràtourderôlelesecretd'unetellelongévitéconjugale.Luiprétendquec'estunesuperententesexuelle.Toi,tupensesquec'estêtrecapabledefairerirel'autrechaquejour.Ilrépondqu'ilpeutfairelesdeux.Jenepusm'empêcherdesourire.—Cetypem'al'airplutôtsûrdelui,non?—Oui,maisc'estcequetuaimeschezlui.Aprèsledîner,vousdansezausond'unorchestre.—Parcequ'ilsaitdanserenplus?—Samèreluiafaitprendredescoursdedansequandilétaitjeune.Jem'obligeaiàgrignoteruneautrebouchéedepainetàlamâcherd'unairdétaché,maisj'étaistouteremuée,enproieàunenostalgieinattendue.Jecomprissoudainpourquoi:personnedemaconnaissancen'auraitjamaisinventéunetellejournéepourmefaireplaisir.Cethomme,pensai-jeseraittoutàfaitcapabledemebriserlecœur—Çaal'airtrèschouette,dis-jed'untonfaussementlégerenreposantsurLuclecamionentissuquiavaitglissé.Bien,enchaînai-je,qu'enest-ildeGottler?Tuasobtenuunrendez-vous?LechangementdesujetabruptarrachaunsourireàJack—Vendredimatin,répondit-il.Quandj'aiparlédescontratsdemaintenance,sasecrétaireavoulumedirigerversunautreservice,ducoup,j'aiexpliquéqu'ils'agissaitd'unequestionpersonnelle.SousentenduquejemeproposaisdedevenirmembredelaFraternité

Page 100: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—MarkGottler seraitprêt à t'accorderuneentrevueprivéedans l'espoirque tu rejoignes lesrangsdesesfidèles?fis-je,sanschercheràcachermonscepticisme.—Biensur.IlestdenotoriétépubliquequeJesuisungrandpécheurdevantl'Éternel.Jeroulesurl'or.N'importequelleÉglisem'accueilleraitàbrasouverts.Jem'esclaffai.—Tunefaisdoncpasdéjàpartied'uned'entreelles?— Non. Mes parents appartenaient à deux Églises différentes. L'un était baptiste, l'autreméthodiste. On m'a donc m'a inculqué les préceptes des deux religions, d'où une certaineconfusionparfoissurcequ'ilétaitpossibledefaireoupas.—Jesuisagnostique.Jediraisbienathée,maisj'aimebienprotégermesarrière.—Moi,j'adorelespetitesÉglises.—Tuveuxdirequedansunstadeavecécransgéants,sondolbyetspotslumineuxonnesesentpasplusprochedeDieu?demandai-jed'unairinnocent.—Jenesaispassijefaisbiend'amenerauseindelaFraternitéunemécréantetellequetoi.—Jepariequej'aimenéunevieplusvertueusequetoi.—Primo,monange,cen'estpasdifficile.Secundo,accéderàunniveaudespiritualitéplusélevé,c'estcommeaugmentersacotedecrédit.Onobtientbeaucoupplusdepointsenserepentantd'avoirpéchéquequandonn'apasdutoutd'historiqueenlamatière.JetendislamainversLucettripotaiunedesespetitessocquettes.—Pourcebébé,dis-je,jeferaisn'importequoi,ycomprissauterdanslesfontsbaptismaux.— Jem'en souviendrai s'il fautmarchander. En attendant, rédige par écrit ce que tu comptesdemanderpourTara,etnousverronscequ'endiraGottlervendrediprochain.LaFraternitédel'ÉternelleVéritéavaitsonsitewebetsapageWikipédia.Lepasteurprincipal,Noah Cardiff, était un bel homme d'une quarantaine d'années,marié et père de cinq enfants.Mince et séduisante, sa femme, Angelica, avait assez d'ombre à paupières sur les yeux pourtartinerletoitd'uncamping-car.Il apparut vite que la Fraternité était davantage un empire qu'une simple Église. LeHoustonChronicleenparlait commed'unegigaÉglise, quipossédaitunepetite flottede jetsprivés, unaérodrome, et un actif immobilier comprenant des propriétés, des complexes sportifs et unesociétéd'édition.Jedécouvris,sidérée,qu'unefiliale,EternityPetrolIncorporated,était chargéed'exploiterunchampdepétroleetuneréservedegaz.L'Église employait plus de cinq cents personnes. Cinq des douze membres du conseild'administrationétaientapparentésàCardiff.Sur Youtube, je n'avais trouvé que quelques clips montrant Noah Cardiff. Charismatique,charmeur,ilsavaitmanierl'autodérisionàl'occasion.Rienqu'envisionnantlavidéo,j'avaisétécontaminéeparsonénergie,aupointque,sic'avaitétél'heuredelaquête,jemeseraissûrementdélestée d'un billet de vingt. Si Cardiff avait cet effet sur une agnostique féministe, je n'osaisimaginerlessommesfollesquedevaientdébourserlescroyants.Le vendredimatin, la baby-sitter conseillée par la belle-sœurdeHaven arriva à 9 heures. Elles'appelaitTeenaetmeparutsympathiqueetcompétente.J'étaisàlafoisinquiètedelaisserLucauxbonssoinsd'uneétrangère-c'étaitlapremièrefoisquejemeséparaisdelui.Commeconvenu,jeretrouvaiJackdanslehalldel'immeuble.J'avaisquelquesminutesderetard,carjem'étaisattardéepourdonnerdesinstructionsdedernièreminuteàTeena.JehâtailepasenapercevantJackprèsdubureauduconcierge.

Page 101: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Désoléedet'avoirfaitattendre.—Pasgrave.Nousavonsencoretoutletemps...Ils'interrompitabruptementetmeparcourutduregard.Unpeuintimidée,jecoinçaiunemèchedecheveuxderrièremonoreille.Jeportaisuntailleurnoirprèsducorpsetdesescarpinsàtalonshautsdontleslanièressecroisaientjolimentsurledessusdupied.Jem'étaisaussilégèrementmaquillée:ombreàpaupièrestaupe,mascaranoir,uneoncedeblush,unetouchedegloss.—Çava,latenue?m'enquis-je.Jackréponditd'unhochementdetête,sanscesserdemefixerJeréprimaiunsourire.C'était lapremière fois qu'il me voyait un peu pomponnée. Je savais que la coupe cintrée du tailleursoulignaitavantageusementmescourbes.—Jemesuisditqu'untailleurétaitplusappropriéqu'unjeanetunepairedesandales,ajoutai-je.Jen'étaispascertainequ'ilm'aitentendue.Ilavaitl'airailleurs.Messoupçonssevirentconfirméslorsqu'illâchadansunsouffle:—Tuasdesjambesmagnifiques!—Merci.C'estgrâceauyoga,répondis-jeavecunhaussementd'épaulesmodeste.Cetteprécisionparutleplongerdansunabîmederéflexions.Jeluitrouvaiunpeurougesoussonhâle.—Tudoisêtretrèssouple,remarqua-t-ild'unevoixtendue.—Jenesuispaslaplusdouéeducours...maisjesuiscapabledemettreleschevillesderrièrematête,fanfaronnai-jeavecmalice.Il inhala bruyamment. Riant sous cape, je me dirigeai vers le 4x4 garé devant l'immeuble. Ilm'emboîtalepassansattendre.LecampusdelaFraternitén'étaitsituéqu'àunedizainedekilomètresducœurdeHouston.Bienqu'ayant vu des photos sur Internet, je demeurai bouche bée quandnotre véhicule franchit leportail.Lebâtimentprincipalétaitquasimentdelatailled'unstade.—Bonsang,maisilyacombiendeplacessurceparking?m'exclamai-je.—Aumoinsdeuxmille,àvuedenez,réponditJackens'engageantdansuneallée.

—Bienvenuedansl'égliseduXXesiècle,murmurai-je,déjàprêteàtoutdétesterdelaFraternité.À l'intérieur, l'opulence ostentatoireme laissa interdite. Le hall était dominé par un immenseécran sur lequeldéfilaientdesvidéosde famillesheureusesen traindepique-niqueroude sepromenerausoleil,deparentsquipoussaientleursenfantssurdesbalançoires,lavaientlechien,ouallaientàl'égliseensemble.DesstatuesdeJésusetdesesdisciples,hautesdepresquecinqmètres,sedressaiententrelesdeuxporchesquidonnaientaccèsà l'esplanadede lacafétéria,délimitéepardespanneauxdeverrecouleurémeraude.Toutautour,lescloisonsétaientincrustéesdemalachiteverteetdeboisdecerisier.Desmètrescarrésdemoquetteàmotifsrecouvraientlesol.De l'autre côtéduhall, la librairie grouillaitdemonde.Chacun semblaitd'humeurenjouée, lesgens prenaient le temps de bavarder ensemble, au son de la musique d'ambiance apaisantediffuséeparleshaut-parleurs.J'avais luquelquepartquelaFraternitéétaità lafoisadmiréeetrécriéepoursessermonsquiprônaientsantéetprospérité.LepasteurCardiffn'hésitaitpasàdéclarerqueDieuvoulaitquesesfidèles appréciait là richessematérielle autant que la richesse spirituelle. Les deux allaient depair, affirmait-il. Si un croyant rencontrait desdifficultés financières, il devait prierdavantageencoreafinderenoueraveclesuccès.Apparemment,l'argentrécompensaitlafoisincère.

Page 102: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Jen'étaispasassezcaléeenthéologiepourm'engagerdansunepolémiqueéclairée.Maisjememéfiaisinstinctivementd'unemballageaussihabilementpenséetdumarketingquiallaitavec.Celadit.lesgensicisemblaientheureux.Sicettedoctrineleurconvenait,siellerépondaitàleursattentes,quetrouveràyredire?Une hôtesse souriante se porta à notre rencontre. Après-un bref échange, elle nous indiqua,sereineetaffable,-l'escalier-roulantau-delàd'impressionnantescolonnesdemarbre.Quelquessecondes,plustard;nousdébouchionsdansunvastespacemondedelumière.Làaussi,ilyavaitdegrandspanneauxdeverrecouleurémeraude.L'inscriptionsuivanteétaitgravéesurunfrontonblanc:Jesuisvenupourqu'ellesaientlavie,etl'aientenabondance.Jean,X,10.Une assistante nous attendait en haut de l'escalier. Elle nous conduisit dans un ensemble debureauxdotéd'unespacieusesalledeconférencesaucentredelaquelletrônaitunetablédesixmètresdelongenboisexotiqueparcourueensoncentre-d'uneveinedeverreteinté.—Mazette,quel-décor!murmurai-jeenpromenantun-regardébahisur les fauteuilsencuir, legrandécranplatfixéaumur,lesboîtiersindividuelsavecprisesjacketUSB,ainsiquelesécranspourlesvidéoconférences.—JevaisprévenirlepasteurGottlerdevotrearrivée,fitl'assistanteavecungrandsourire.Dèsqu'elleeutquittélapièce,jemetournaiversJackquiavaitnégligemmentposéunefessesurlatable.—TucroisqueJésusauraittraînésesguêtresdansunendroitpareil?ironisaije.—Necommencepas.— D'après les écrits de la Fraternité, Dieu veut que nous réussissions tous sur le planprofessionnel.J'imaginedoncquetuesplusprocheduCielquenousautres,simplesmortels.—Jesuistoutprêtàécoutertesblasphèmes.Quandnousseronspartis.—Jenepeuxpasm'enempêcher.Quelquechosemedérangeici.Tuavaisraison,c'estvraimentDisneyland.Etàmonavis,ilsnourrissentleursbrebisavecdelamalbouffespirituelle.—Unbonhamburgerbiengrasn'ajamaisfaitdemalàpersonne.Laportes'ouvritsurungrandblond.Mark Gottler était un bel homme à l'allure raffinée. Il avait de la carrure, des joues pleines,paraissaitbiennourrietsoignédesapersonne.Ilavaitl'airdequelqu'unquisetientau-dessusdu troupeau et accepte avec calme les hommages de ses membres. Il était impossible del'imaginersoumisauxfonctionscorporellesdetoutunchacun.Etça,c'étaitl'hommequiavaitcouchéavecmasœur?Sesyeuxcouleurcaramelmous'arrêtèrentsurJacketils'avançaverslui,lamaintendue.—Ravidevousrevoir,Jack.Desamainlibre, ilrecouvrit leursmaintes jointes,dansungestequel'onauraitpuconsidérercommeunevolontédeprisedecontrôleautantquecommeunemarquedechaleur.Jackdemeuraimpassible.—Vousêtesvenuavecuneamie,poursuivîtGottler.Cordial, ilmeserra lamainet,àmontour, j'eusdroità lamêmedémonstrationdebienvenue.Agacée,jemedégageai.—Jem'appelleEllaVarner,attaquai-jesanslaisseràJackletempsdeprocéderauxprésentations.Jecroisquevousconnaissezmasœur,Tara.LeregarddeGottlerse fixasurmoi.Levernisdepolitessedemeura intact,mais l'atmosphèredevintassezglacialepourcongelerdelavodka.—Eneffet,jeconnaisTara,acquiesça-t-il.Elleatravaillédansnoslocauxadministratifs.J'aiun

Page 103: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

peuentenduparlerdevous,Ella.Vousécrivezunechroniquepeopledansunjournal,n'est-cepas?—C'estpresqueça.GottlersetournaversJack,leregardopaque.—J'avaiscrucomprendrequevousveniezenquêtedeconseils.—C'estlecas,confirmaJack,quitiraunechaiseetmefitsigned'yprendreplace.Jesouhaitaisdiscuteravecvousd'uncertainproblème.Ilsetrouvejustequecen'estpaslemien.—Commentvousêtes-vousconnus,MlleVarneretvous?—Ellaestuneamie.-Gottlerreportasonattentionsurmoi:—Votresœurest-elleaucourantdevotrevisite?Jesecouai latête,enmedemandantquandGottleravaitparléàmasœurpour ladernièrefois.Pourquoi unhomme comme lui,marié et pasteur, aurait-il pris le risquede coucher avecunejeunefemmeinstableetdelamettreenceinte?Ilnem'échappaitpasqu'àcausedecettesituationscabreuse,desdizainesdemillionsdedollarsétaientenjeu.UnscandaledecettenatureporteraitàlaFraternitéuncoupdontelleauraitdumalàseremettre.EtlacarrièredeMarkGottlerseraitdéfinitivementruinée.—J'aiditàEllaquevousauriezpeut-êtredesidéesquantàlameilleurefaçond'aiderTararepritJack.Etlebébé,ajouta-t-ilaprèsunepausedélibérée.L'avez-vousvu?Jacks'étaitassisàcôtédemoi,dansuneposturenonchalante.Gottlersedirigeaversl'extrémitéopposéedelatableetpritsontempspours'installer.—Non,jenel'aipasencorevu,répondit-ilenfin.L'Églisefaitcequ'ellepeutpourapportersonsoutienàsesfrèresetsœursdanslebesoin,Jack.Ilsepeutquej'aiel'occasion,dansunfuturplusoumoinsproche,dediscuteravecTaraelle-mêmeafindevoirdequellemanièrenouspoumonsl'épauler. Toutefois il s'agit là d'une question d'ordre personnel. Je ne crois pas que Tarasouhaiteraitquenousparlionsdeceladanssondos.Mark Gottler ne m'était pas du tout sympathique. Je n'aimais pas son onctuosité ses airssupérieurs, ses cheveuxparfaitement coiffés. Je leméprisais denepas s'être donné lemal deconnaître cet enfant qu'il avait engendré, Il y avait déjà trop d'hommes en ce basmonde quin'hésitaientpasàabandonnerleurprogéniture.Monproprepèreenfaisaitpartie.Avecuncalmelouable,jedéclarai.—Commevouslesavez,monsieurGottler,masœurn'estpasenmesurederéglersesproblèmespersonnels.Elleestdansunétatdegrandevulnérabilitédontilesttrèsfaciled'abuser.C'estpourcetteraisonquejesouhaitaisvousparler.—Avantd'aborderlaquestion,prenonsunmomentpourprier,ditGottleravecunsourire.—Jenevoispasvraiment..—Bien sûr, coupa Jack en me flanquant un coup de genou sous la table assorti d'un regardd'avertissement.Jeluilançaiunregardnoir,maisbaissailatête.Gottlercommença:—NotretrèscherPèrequiêtesauCieletrégnezsurnoscœurs,nousprionspourpartagerVotrepaix et chasser toute pensée négative de nos esprits, afin de privilégier la concorde dans lerespect...Laprière continuaunmoment, et j'endéduisisque, soitGottler atermoyait sciemment, soit ilcherchait à nous impressionner par son élocution. Quoi qu'il en soit, je commençais à perdrepatience.JevoulaisluiparlerdeTara.Jevoulaisquedesdécisionssoientprises.Commejerelevailatêtepourluijeteruncoupd'œil,jelesurprisàm'observercommeonjaugeun

Page 104: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

adversaireavantlecombat.Iln'encessapasdedéclamerpourautant:—...puisqueVousavezcréél'univers,Seigneur,ilVousestcertainementpossibled'intercéderenFaveurdenotresœurTara...—Taraestmasœur,paslavôtre,coupai-jeavecacrimonie.Lesdeuxhommesmejetèrentunregardsurpris.Jesavaisquej'auraisdûmetaire,maisjen'enpouvaisplus.Cettecomédiememettaitsurlesnerfs.—Ella, voyons, laisse lepasteur terminer saprière,murmura Jackenposant lamain surmonépaule.Dupouce,ilmecaressalanuque.Jemeraidis,maisnepipaimot.J'avaiscompris.Leritueldevaitêtreobservé.Nousn'obtiendrionsriensinousn'enpassionspasparlà.Baissantdenouveau la tête, jem'efforçaisdemecalmeravecquelquesrespirationsprofondesapprisesauyoga.Surmanuque,lepoucedeJackcontinuaitd'exercerd'agréablespressions.Enfin,Gottlerachevasoninterminablemonologue:— Puissiez-Vous nous accorder Votre grande sagesse, ô Seigneur tout-puissant, plein demiséricorde,Amen.—Amen.—Amen.NousrelevâmeslatêteetJacklaissaretombersamain.— Puis-je m'exprimer en premier? demanda-t-il à Gottler, qui hocha la tête en signed'assentiment.Jackmelançaunregardinterrogateur.Jerépliquaid'untonacide:—Biensûr.Discutezdoncentrehommespendantquej'écoute.DétenduJacks'adressaàGottlerd'untondépourvud'agressivité.— Je ne vois pas l'utilité d'expliquer la situation en détail.Mark.Nous savons tous de quoi ilretourne,n'est-cepas?Etnoussouhaitonsautantquevousévitertoutepublicité.—J'ensuisheureux,ditGottleravecunindéniableaccentdesincérité.—IImesemblequenousdésironstouslamêmechose:voirTaraetsonfilsàl'abridel'adversité.Ensuite,chacunpourraretournervaqueràsesaffaires.—L'Égliseaidebeaucoupdemonde, Jack.Malheureusement,denombreuses jeunes femmesseretrouventdanslasituationdeTara.Nousfaisonscequenouspouvonspourelles.MaissinousfavorisonsTaraparrapportauxautres,jecrainsquecelan'attirel'attentionsurelleet...—Etuntestgénétiquederechercheenpaternitéordonnéparletribunal?Vouspensezquecelan'attirerapasaussil'attention?l'interrompis-je.—Ducalme,murmuraJack.Markessaiedetrouverdessolutions,laisse-luiletempsderéfléchir.—J'espèrequ'ilvaentrouver.ParcequepayerleséjourdeTaraencliniquen'estqueledébut.J'exigequ'ilconstitueuncapitalpourlebébéet..,—Mademoiselle Varner, coupaGottler, j'ai déjà décidé d'offrir à Tara un contrat d'embauché.Avecbeaucoupd'avantages,ajouta-t-ilenvoyantl'expressiondedédainquiseceignaitsurmestraits.—CelasembleintéressantfitJackenm'agrippantlegenousouslatable.ÉcoutonscequeMarkaàproposer,Ella.Allez-y,Mark.Quelgenred'avantages?Unhébergement,jesuppose?—Toutàfait.Lalégislationfiscalepermetauxpasteursdefournirunlogementàleursemployés.Ainsi,siTaravienttravaillerpournous,cetarrangementseraparfaitementlégal.L'ÉglisedelaFraternité de l'Éternelle Vérité possède un ranch à Colleyville; où vit une petite communautéregroupéedansunedizainedemaisons.Chacunepossèdeunjardinetunepiscineindividuelle.Taraetlebébépourraientvivrelà.

Page 105: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Taraestcélibataire.Sera-t-ellesecondéepourlagestionduquotidien,lejardinage;lestravauxdebricolage?demandai-je.—Ceseraitenvisageable.—Pendantcombiendetemps?Gottlerdemeurasilencieux.Manifestement,ilyavaitdeslimitesàlagénérositédel'Église,mêmesic'étaitl'undesespasteursquiavaitmismasœurenceinte.J'envoulaisàGottlerdem'obligeràluiarrachercequ'ilauraitdûproposerdesapropreinitiative.Mespenséesdevaientsereflétersurmonvisage,carJackjugeapréférabled'intervenir.— Les solutions temporaires ne nous intéressent pas, Mark. L'enfant de Tara n'est pas uneresponsabilitépassagère.Jecroisqu'ilvanousfalloirétablirunesortedecontratquidonneradesgarantiesauxdeuxparties.Nouspouvonsvousassurerquelesmédiasneserontpasavertis,quel'enfantnesubiraaucuntestgénétiquesitelestvotresouhait,enéchange,nousvoulonsqueTarapuissedisposerd'un véhicule, d'unepensionmensuelle, d'une couverture sociale, et peut-êtreaussid'unpland'épargnepourlesfuturesétudesdel'enfant,..Jackfitungestedelamainpourindiquerquelalisten'étaitpasexhaustive,Gottlerdéclaraalorsqu'ildevaitaupréalablerecevoirl'avalduconseild'administration,Souriant,Jackrétorquaquecen'étaitsûrementpasunproblème.Durantplusieursminutes,j'assistaiàleurnégociationàlafoisimpressionnéeetécœurée.Pourfinir, les deux hommes tombèrent d'accord pour demander à leurs avocats respectifs depeaufinerlesdétailsducontrat.Gottlerajouta:— Vous devez me laisser un peu de temps pour m organiser. Vous m'avez pris un peu audépourvu,vouscomprenez?—Audépourvu?répétai-je.Incrédule.Vousavezeuneufmoispourréfléchiràlaquestion,etilnevousestpasvenuàl'espritavantaujourd'huiqu'ilvousfaudraitpeut-êtrevousimpliquerdansl'existencedeLuc?Gottlerparutlégèrementdéconcerté.Pensif,ilmurmura:—Luc,C'estainsiqu'ils'appelle.Biensûr...—Pourquoi,«biensur»?Ileutunsouriresansjoieetsecoualatêteenguisederéponse.Jackselevaetm'incitaàl'imiter.—Nousn'allonspasvousdérangerpluslongtemps,Mark.Faites-moisimplementsavoirquandvousaurezlefeuvertdevotreconseild'administration,—Naturellement,Jack.Gottlernousescortahorsdelasalledeconférences.Nouslongeâmeslecouloiroùétaientexposésdiversportraitsetplaquesdemarbre.Aupassage,uneporte imposanteennoyersombreavecincrustationsdeverreretintmonattention.Elleétaitsurmontéed'unfrontonsurlequelilétaitinscrit:CaravecDieu,rienneseraimpossible.Luc,I,37,—Oùmènecetteporte?questionnai-je.—C'estcelledemonbureau,réponditunhommequiremontaitlecouloir.Ils'immobilisaànotrehauteuretnoussouritavecbienveillance.Gottlerditprécipitamment:—PasteurCardiff.VoiciJackTravisetMlleEllaVarner.NoahCardiffserralamaindeJack.—Enchanté,monsieurTravis.J'aieuleplaisirderencontrervotrepèredernièrement.—J'espèrequ'iln'étaitpasdansl'undesesmauvaisjours,plaisantaJack.—Pasdutout.C'estunhommefascinant.Delavieilleécole.J'aitentédelepersuaderd'assisteràl'un de mes prêches, mais il a répondu qu'il n'avait pas encore fini de pécher et qu'il mepréviendraitdèsqu'ilauraitl'intentiondes'amender

Page 106: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

RiantCardiffsetournaversmoi.Ilavaituneprésenceincroyable.PresqueaussigrandqueJack,ilétaitmoinsathlétiqueetsemouvaitavecunegrâcededanseur.C'étaitfrappantdevoircesdeuxspécimensdelagentmasculinecôteàcôte,l'unsexyettrèsphysiqueetl'autretoutenéléganceetaustèrebeauté.Lepasteuravait le teintclair.Hdevaitrougir facilement.Sonnezétaitdroitet fin,sonsourireamène,pleindesollicitude.C'étaitlesourired'unhommequineconnaîtquetropbienlafragilitéhumaine.Comme il s'approchait pour me serrer la main, des effluves de lavande et d'ambre mechatouillèrentlesnarines.—MademoiselleVarnerBienvenueàl'ÉglisedelaFraternité.J'espèrequevotreentretienaveclepasteurGottlers'estbienpassé?Ilfitunepause,puistournaunregardinterrogateurversGottler.—Varner.,.Nousn'avonspuseuunesecrétairequi...—Si.lasœurdeMlleVarner,Tara.Elleatravailléiciàplusieursreprises,acquiesçaGottler.—J'espèrequ'ellevabien,meditCardiff.Transmettez-luimesamitiés.Jehochai latête,mala l'aise.Cardiffsoutintmonregarduninstant,commes'ilcherchaita liredansmespensées.—Nousprieronspourelle,ajouta-t-ilàmi-voix.D'ungeste,ildésignalaplaquevisséesurlefrontondubureau,—Monversetpréféré,demonévangélistepréféré.Iln'exprimequelastrictevérité,voussavez.Rienn'estimpossibleauSeigneur.—PourquoiLucest-ilvotreévangelistepréféré?voulus-jesavoir—Entreautresraisons,parcequec'estleseuldisciplequirelatelaparaboledubonSamaritainetcelle du fils prodigue. Et c'est un fervent défenseur du râle des femmes dans la vie du Christ.Pourquoinevenez-vouspasassisteràl'undenosservices,mademoiselleVarner?Jevousyinviteinstamment.Etn'oubliezpasd'amenervotreamiJack.

Page 107: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre14Alorsquenousquittionslebâtiment,jemefrottailestempes.J'avaisl'impressionquedesmainsencaoutchoucm'enserraientlecrâne.Jackouvrîtlaportièredu4x4côtépassager,puisfitdemêmecôtéconducteur.Nousattendîmesquelachaleurs'évacuedel'habitacle.—JenepeuxpassentirMarkGottler,déclarai-jesansambages.—Vraiment?Jenem'enseraispasdouté.—Pendantqu'ildéblatérait,jen'arrêtaispasdepenserquej'étaisenfaceducrétinhypocritequiaprofitédemasœur.J'avaisenviede...jenesaispas,deluitirerdessus...Aulieudeça,nousétionsentraindenégociertranquillement.—Jesais.Maisils'estmontréaccommodant,tunepeuxpasluienlevercela.—Seulementparcequenousluiavonsmislecouteausouslagorge,répliquai-je.Tun'espasdesoncôté,j'espère?—Ella,jeviensdepasseruneheurequinzeàluibotterletrain.Non,jenesuispasdesoncôté.Jedissimplementquelasituationn'estpasentièrementsafaute.Bon,onpeutentrermaintenant,ajouta-t-ilens'installantauvolant.Ilmitenmarchelaclimatisationquifaisaitcequ'ellepouvaitdansunetellefournaise.Jebouclaimaceinturedesécuritéetrepris:—Masœurfaitunedépressionnerveuseaprèsavoirétéséduiteparunpasteurmarié—sous-entendrais-tuquecequiluiarriveestsafauteàelle?—Lestortssontpartagés,j'imagine.EtTaran'apasétéséduite.Elleestadulteetsesertdesoncorpspourobtenircequ'elleveut.—Venantdetapart,c'estunpeuhypocrite,tunetrouvespas?—Les faits sont là, Ella : ta sœur va se retrouver avec unemaison, une voiture neuve et unepensionmensuelledequinzemilledollars,pourlasimpleraisonqu'elleesttombéeenceinteetque le père a de l'argent. Mais même si les avocats parviennent à extorquer un maximum àGottler,unjouroul'autreelledevratrouverunautregogo.Leproblème,c'estqueceneserapasaussifacile.Elleneseraplusaussijeune.—Elle pourrait très bien se marier et avoir une vie normale, répliquai-je avec une irritationcroissante.—Taranevoudrajamaisd'untypenormal.Ellechercherauntypepleinauxas.Cen'estpas legenredefillequ'ilsépousent.—Maissi!Elleesttrèsbelle.—Labeautéestunatoutquisedéprécieavecletemps.Etc'estbientoutcequ'elleaàproposer.Danslejargondel'immobilier,ondiraitqu'elleestuninvestissementàperte.Safranchise-pournepasdiresabrutalité-mecoupalesouffle:—C'estainsiqueraisonnentleshommesriches?—Laplupart,oui.—MonDieu!Tudoist'imaginerquetouteslesfemmesenontaprèstoncomptebancaire?Cettefois,jétaisfurieuse.

Page 108: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Non.Disonsjustequ'ilestassezfacilederepérercellesquimelâcheraientdanslasecondesijemeretrouvaistoutàcoupdémuni.—Jemecontrefichedetonargent...—Jelesaisbien.C'estl'unedesraisonspour...—...etsituassipeud'estimepourmasœur,pourquoitedonnes-tutoutcemalpourl'aider?—Jenelaméprisepas.Pasdutout.Jelavoiscommeelleest.Sijefaistoutcela,c'estpourLuc.Etpourtoi.—Pourmoi?Désarçonnée,jesentismacolèreretomber.—Jeferaisàpeuprèsn'importequoipourtoi,Ella,poursuivitJackcalmement.Tunel'asdoncpasencorecompris?Jem'enfermaidansunsilencestupéfait.Jackdémarraetsortitduparking.Dansl'atmosphèresurchaufféequelaclimn'avaitpasencoreeuletempsderafraîchir,jedemeuraimaussadeetrenfrognée.JenevoyaispasmasœurdumêmeœilqueJack.J'aimaisTara.Celam'empêchait-ild'êtrelucideàsonendroit?Endéfinitive,Jackavait-ilunevisionplusjustedelasituation?Monportablesemitàsonner.Jefouillaidansmonsacàmain,jetaiuncoupd'oeilàl'écran.—C'estDane,annonçai-jed'untonsec.Celanet'ennuiepasquejeréponde?—Non,vas-y.Daneappelaitrarementenjournée.Jackétaitconcentrésursaconduite,lacirculationétantparticulièrementdenseàcetteheure-ciAutourdenous,lesvoituress'agglutinaientlesunesauxautrestelsdesglobulesrougesdansuneartèrerétrécie.—Dane?Toutvabien?—Salut,moncœur.Oui,toutbaigne.Comments'estpassétonrendez-vous?Je résumai l'entretien avec Mark Gottler. Danem'écouta dans un silence compatissant. Je lussoulagée de parler a quelqu'un qui ne portait pas de jugement, contrairement à Jack. Jecommençaiàmedétendreetlesoufflefraisdelaclimatisationmemitdemeilleurehumeur.— Jeme demandais si je n'aurais pas pu passer te voir demain soir ? dit Dane, Je dois allerchercherundébitmètreàKary,Jepourraist'inviteradîneretresterlanuit.Ceseraitl'occasiondemeprésentercegarsavecquitupassestantdetemps.Jemefigeai,lorsqueDaneajoutaenriant:—Maisjetepréviens,necomptepassurmaipourchangersescouches.Jelaissaiéchapperunriresuraigu.—Riennet'yoblige.Oui,jeserairaviedetevoir.J'aihâte.—Bien,j'arriveraivers16ou17heures.Ademain,moncoeur,—Àdemain.Commejecoupailacommunication,jemerendiscomptequenousétionsderetenuau1800MainStreet. Jack s'engagea dans le parking souterrain Il nous trouva une place près de la caped'ascenseur,coupalecontactetsetournaversmoi.Dansl'habitaclefaiblementéclairé,jedistinguaisonvisageimpassible.D'unevoixquisevoulaitnaturelle,maisquimeparutcrispée,j'annonçai:—Danepassemevoirdemain.—Pourquoi?—IldoitrécupérerunappareildemesureàKaty.Commeilseradanslarégion,ilenprofiterapour

Page 109: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

passerlanuitaHouston.—OùVa-t-illoger?—Chezmoi.biensûr.Jackdemeura silencieuxun longmomentsÉtait-cemon imagination,mais j'avais l'impressionquesarespirations'étaitprécipitée.—Jepeuxluitrouverunechambred'hôtel,dit-ilenfin.Jepaierai.—Mais...pourquoiferais-tucela?—Jeneveuxpasqu'ilpasselanuitavectoi.—MaisDaneestmon...Jem'interrompis,incrédule.—EnfinJack,c'estl'hommeavecquijevis!—Plusmaintenant.Tuvisici,àHouston.Etjeneveuxpasquetucouchesaveclui.Dans un premier temps, la stupeur l'emporta sur la colère. Jack semblait passé en modeCromagnon. Je n'avais encore jamais vu cela chez un homme, encoremoins chez Dane. Cettepossessivitéclairementaffichée,que Jackcrutavoirdesdroitssurmaviesexuelle,c'était toutsimplementahurissant.—Jenetedemandepastonavis!m'emportai-je.—Jenevaispasrestersansbougerpendantqu'ilprendcequim'appartient.—Cequit'appartient?Jesecouailatête,confondue,émisunpetitsonquihésitaitentrelerireetlehoquet.J'avaisdumalàrassemblermespensées.—Jack,monpetitamivavenirmevoir.Nousferonspeut-êtrel'amour.Oupas.Quoiqu'ilensoit,celaneteregardepas.Jen'aimepascegenredejeux.Pasdutout!—Jenejouepas.J'essaiejustedetefairecomprendrecequejeressens.Jackn'avaitpasélevélavoix,maislaférocitéquiperçaitdanssontonmedonnalachairdepoule.—Jaibiencompris.Mais là, tudeviensenvahissant. J'aibesoind'espace.—Jete laisserai toutl'espacequetuveux.Dumomentqu'ilenfaitautant.—Cequisignifie?—Quejeneveuxpasquetulereçoivesdanscetappartement.Ilmedonnaitdesordres, il cherchaitame contrôler.Unevaguedepaniqueme fonditdessus.J'ouvrislaportière.J'avaisbesoind'air.Jemedirigeaid'unpasvifversl'ascenseur.Jackmesuivit.— Laisse-moi tranquille, jetai. je renfonçai si brutalement le bouton d'appel que je faillis lecoincée—Tu vois, grondai-je, c'est exactement pour ça que je choisirai toujours Dane ou un hommecomme lui plutôt que toi. Jamais personne ne me donnera des ordres! Je suis une femmeindépendante.—Encorecesconneriesféministes,l'entendis-jemarmonner.Horsdemoi,jefisvolte-face.—Pardon?—Toutçan'arienàvoiravectaprécieuseindépendance.Tuesmortedetrouilleparcequetusaisquesituentamesunehistoireavecmoi,celat'emmèneraenterritoireinconnu,làoùtun'asjamaisétéavecDane.Ilnelesoutiendrajamais-ill'adéjàprouvé.Ils'estdéfilé.Etmaintenant,enrécompense,ilvatesauter?—Tais-toi!J'enavaisassez.Etmoiquin'avaisjamaisfrappéquelqu'undetoutemavie,jeluibalançaimonsacsurlebras-unsacquisetrouvaitêtreunebesacebienremplie.Jackneparutmêmepass'en

Page 110: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

apercevoir.Laportede l'ascenseurs'ouvrit, la lumièrede lacabineéclaira le soldecimentgris.Aucundenousn'esquissaunmouvementpourpénétrer à l'intérieur. Faceà face,nousnousdéfilonsduregard.Ladisputeétaitloind'êtreterminée.M'agrippantsoudainparlepoignet,Jackm'entraînadansunrenfoncementquipuaitl'essenceetlesgazd'échappement.—Je teveux,gronda-t-il.Débarrasse-toide luietprends-moià laplace.Laseulechoseque turisques,c'estdeperdrequelqu'unquin'estdéjàplusavectoi.Tun'aspasbesoind'untypecommeça,Ella.C'estdemoidonttuasbesoin.—Hallucinant!—Qu'est-cequiesthallucinant?—Latailledetonego.Tudoitêtreentourépartonproprenuaged'antimatière.Enfait,tuesuntrounoirde...d'orgueil!Jackmedévisageadans lapénombre.Puis ildétourna la têteet jecrusentrevoir l'éclatdesonsourire.Mafureurflambadeplusbelle.—Çat'amuse?Tupourraism'expliquercequetutrouvesdesidrôle?—Jemedisaisjustequesifairel'amourestaussistimulantquesedisputeravectoi, jesuisunsacréveinard.—Tun'ensaurasjamaisrien!Tu...Ilm'embrassa.J'étaissifurieusequejetentaidenouveaudeluidonneruncoupdesac,maismeshautstalonsmefirentperdrel'équilibreetlabesacefinitparterre.Jackm'empoignaetforçalebarragedemeslèvres.Songoûtm'envahit,unesaveurlégèrementmentholée,épicée.Sachaleurmesubmergea.Désespérée, je me demandai pourquoi ce n'était pas comme ça avec Dane. La façon dont sabouche s'imbriquait avec la mienne, sa voracité, chaque baiser plus étourdissant que leprécédent... toutcelaétait tropdélicieuxpourque jepuisse lui résister. Ilm'étreignitplus fortencore,exploralentementmabouchedelalangue.Plusilallaitprofond,plusjem'affaissaiscontrelui,lecorpssaturédedésir.Sesmainscoururentsurmoncorps,caressantesetfiévreusesSouslescouchesdetissu,mapeaudevint brûlante. Il écartames cheveuxde sesdoigts frémissants, puism'emprisonna lanuquepour me renverser la tête en arrière et m'embrasser de nouveau. Frissonnante, je le sentisdéboutonnermavestedetailleur,enécarterlespans.Avec impatience, il glissa lesmains sousmon haut en soie pour toucherma peau nue. Noustremblions autant l'unque l'autre, à présent, emportés dansunmêmedélire sensuel que rienn'aurait pu arrêter. Il retroussa la fine étoffe, révélant davantage de chair qui, dans la faibleluminositéduparking,prenaituneteintenacrée.Ilinclinalatête,aspiralapointed'unseinentreses lèvres. Éperdue, je me cambrai, hanches ondulantes, indifférente au mur rugueux quim'éraflaitlecrâne.Jack reprit ma bouche, la dévora de baisers agressifs. Ses mains me pétrissaient les seins. Ilm'embrassait,memordait,meléchait.Griséeparcessensations,j'enroulailesbrasautourdesoncou.Cetaveupassionnéluiarrachaungrondementsourd.Jamaisencorejen'avaisétéenproieàundésirsiravageur,j'envoulaisplus,j'avaisenviedeluicrier:«Faistoutcequetuveux,jem'enmoque,maisfais-letoutdesuite!»Mesmainss'égarèrentsursontorsepuissant.Lapenséedececorpsquisecachaitsouscecostumecivilisém'excitaitencoreplus.Ilattrapal'ourletdemajupe,leremontasansménagement.Samains'immisçasousl'élastiquedemaculotte,plongeaentremescuisses.Machairintimes'ouvritsousl'invasiondesesdoigts,Son

Page 111: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

soufflemebrûlaitlecou.Sousmamain,jeperçusledurcissementdesmusclesdesonavant-bras.Ilinséraundoigtenmoi,puisdeux.Lesyeuxclos,jefrémisquand,dupouce,ilsemitàtracerdescerclesaffolantsautourdemonclitoris,chaquecaressedécuplantmonplaisir.Pourlapremièrefoisdemavie,jedésiraisquelquechosebienplusquejen'aspiraisàlasécurité.Atatons,jedébouclailaceinturedeJack,descendisLafermetureÉclairdesonpantalon,l'écartai.Mesdoigtsserefermèrentsursonsexepalpitant.Enuntournemain, ilremontamajupeentire-bouchonsurmeshanches,medébarrassademaculotte.L'aisanceaveclaquelleilmesoulevafutunchoc.Laconsciencedesapuissancephysiquem'emplitd'uneexcitationteintéed'angoisse.Jenouailesbrasautourdesoncou,posailajouesursonépaule.Oui,oui... ilentraenmoiet je tressaillis,affolée. Ilétaitsi imposant. Ilm'embrassadanslecou,murmuraquejedevaismedétendreetluifaireconfiance,qu'ilallaitfaireattention...Doucement, ilme fitdescendresur la longueurdesonsexe, s'enfonça inexorablementenmoi.C'était incroyablementérotiquede faire l'amourtouthabillée,desesentirainsiempalée, sansdéfensecontrelaforceetlavoracitédesondésir.Ilcommençaàalleretvenirenrythme,encoreet encore. Et chaque fois qu'il plongeait en moi, un spasme de plaisir crispait mes musclesintimesquiserelâchaientensuitepourl'accueillirplusprofondément.Trèsvite,lesspasmessechevauchèrent, se fondirent en une vague brûlante qui se déploya dans toutmon corps, et jebasculaidansunorgasmed'uneviolencepresqueinsoutenable,quidura,dura...Jackétouffamoncri sous lebâillonde sabouche, accéléra la cadence jusqu'à l'ultime coupdeboutoir.Lecorpssecouédefrissons,ilserépanditenmoiinterminablement.Unlongmomentpassatandisquenousdemeurionsencastrés;intimementsoudésl'unàl'autre.Ma-têtereposaittoujourssursonépaule.Jemesentaiscommedroguée.Jesavaisdéjàquetrèsbientôt, quand mon esprit recommencerait à fonctionner normalement, je serai la proie desentimentstrèsdésagréables,telsquelahonteetlesremords.Cequenousvenionsdefaireétaitsilamentablequej'avaispeineàlecroire.Etlepire,c'estquecelaavaitétéincroyablementbon,l'étaitencore,alorsqu'ilétaittoujoursenchâsséenmoietquesesbrasm'enveloppaient.Il posa la main sur ma tête, comme s'il s'efforçait de me protéger contre quelque chose. Jel'entendismarmonnerunjuron.—Onvient...defairel'amourdansunparking,dis-jed'unevoixfaible.—Jesais,chérie.Il s'écarta enfin,me souleva. Je poussai unpetit gémissement en le sentantmequitter. J'étaistrempée, un peu endolorie, etmesmuscles affaiblis tremblaient. Adossée aumur, je le laissairabattrema jupe, fermerma veste. Après s'être lui-même rajusté, il ramassamon sac, me letendit.Jen'osaileregarder,mêmequandilpritmonvisageentresesmains.—Ella...Leparfumdesonhaleine,l'odeurmusquéedusexeetdespeauxéchaufféessemêlaientenunefragrancesensuellesublime. Jeprisconsciencequemondésirpour luin'étaitpasentièrementassouvi.Deslarmesdefrustrationmemontèrentauxyeux.—Jevaist'emmenerchezmoi,murmura-t-il.Nousprendronsunedouche,et...—Non,je...j'aibesoind'êtreseule.—Monange,jenevoulaispasqueçasepasseainsi.Vienschezmoi.Dansmonlit.Laisse-moitefairel'amourconvenablement.—Non,je...—Ella,jet'enprie,coupa-t-ild'unevoixsourde,pressante.Cen'estpascequej'avaisprévupour

Page 112: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

notrepremièrefois.Çapeutêtretellementmieuxpourtoi.Jepeux...Je le fis taire d'un doigt posé sur ses lèvres. Mais au moment où j'allais parler, la porte del'ascenseurs'ouvrit.Legong,pourtantdiscret,mefitsursauter.Unhommesortitdelacabineetsedirigeaverssavoiture,lebruitdesespasrésonnantsurleciment.J'attendisquelavoitureaitquittéleparkingavantdedéclarerd'unevoixincertaine:—Sicequejeveuxoucequejeressensalamoindreimportancepourtoi.,,tudoismelaisserunpeud'espace.J'aiatteintlalimitedecequejepeuxrapporter.Jen'avaisconnuqu'unseulhommedansmavie.J'aibesoindetempspourréfléchir.Hésitante,jeluicaressailajoueetpoursuivis:—Tun'aspasàm'emmenerdanstonantrepourmemontrerunautrefeud'artifice.Situveuxtoutsavoir...l'idéemeterrifie.—Ella...—Ilfautquetumelaissestranquille,m'entêtai-je.Quandjeseraiprête...ousijemesensprêteàallerplusloin,jeteleferaisavoir.Pourl'heure,ilfautquejevoisDane.C'estavecluiquej'aidesdécisionsàprendre.S'ilyauneplacepourtoidansmavieensuite,tuseraslepremierprévenu.J'étaisquasimentsûrequ'aucunefemmeavantmoin'avaittenuunteldiscoursàJackTravis.Moisje ne voyais pas d'autre façon de gérer la situation. Si je ne me protégeais pas, j'allais meretrouvernuedanssonlitd'Iciunquartd'heure.—Bonsang,Ellas'exclamat-ilaveccolère.Puisilm'attiradanssesbras,etmegardaserréecontrelui,lesouffleerratique.—Ilyaaumoinsdixchosesquej'aienviedetedire, la, toutdesuite,maisaumoinsneufmeferaientpasserpourunmalademental.Ilmeguida jusqu'à l'ascenseur,appuyasur leboutond'étage.Lacabines'élevasansbruit. Jackposaitlesmainssurmesépaules,mataille,meshanches,commes'ilnepouvaits'empêcherdeme toucher. J'avaisenviedeme lover contre lui,de le suivre jusquechez lui,pourtant lorsquel'ascenseurs'immobilisa,jesortisdanslecouloir.Jackm'emboîtalepas.—Tun'espasobligédem'accompagnerjusqu'àlaporte,luidis-je.Laminebutée, il le fitnéanmoins. J'étaissur lepointde taper lecodequand ilmeprîtpar lesépaulesetmefitpivoterfaceàlui.Sonregardinsistantmefitrougirjusqu'àlaracinedescheveux.Samainglissasurmanuque.—Jack...Il m'embrassa rudement. Mes lèvres s'entrouvrirent sous la pression des siennes. C'était unbaiser obscène, sauvage, déboussolant... mais j'étais déjà complètement désorientée. Je lerepoussaimaisilpersistajusqu'àcequejemelaisseallercontrelui,vaincue.Alorsseulementilredressalatêteetmegratifiad'unregardtriomphantdemâledominateur.Apparemment, ilpensaitavoirmarquéunpoint,ouquelquechosed'approchant.Lapenséemetraversa alors l'esprit que tout ce qui venait de se passer s'apparentait à un marquage deterritoire,toutbonnement.Jeréussis,Dieusaitcomment,àtaperlecoded'accèsetm'engouffraidansl'appartement.—Ella...—Àpropos,jeprendslapilule,jetai-je,avantdeluifermerlaporteaunez.Teena,lababy-sitter,m'accueillitensouriant.—AlorsElla,comments'estpassévotrerendez-vous?—Trèsbien.OùestLuc?—Jeviensdelecoucher.Ilabusonbiberonetjel'aichangé.

Page 113: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Au-dessusdulitàbarreaux,lespetitspersonnagesdumobiletournaientavecnonchalance.—Vousn'avezpaseudeproblème?voulus-jesavoir.—Ilaétéunpeuperturbéquandvousêtespartie,maisensuiteils'estcalmé.Lespetitsgarçonsn'aimentpasqueleurmamanpartesanseux,ajoutât-elledansunrire.Moncœurmanquaunbattement.Maman.Jefaillisladétromper,maisàquoibon?JeréglaiTeena,puisj'allaiprendreunedouche.L'eau chaudem'apaisa etme détendit. Pour la toute première fois dema vie, j'éprouvais desremordscuisantspouravoirtrompéquelqu'un...etyavoirprisuntelplaisir.Ensoupirant,jenouaiuneservietteautourdemescheveuxhumides,enfilaiunpeignoir,etallaijeteruncoupd'œilàLuc.Lemobiles'étaitarrêté.Toutétaittranquilledansleséjour.Jem'approchaidulitsurlapointedespieds,mepenchai,pensanttrouverlebébéendormi.Maisjecroisaisonregardpensif.—Tunedorspasencore,monLuc?murmurai-je.Qu'est-cequetuattendsdonc?Dèsqu'ilmevit,ilsemitàgigoter,seslèvresseretroussèrentetsonvisageentiers'illumina.Sonpremiersourire.Pourmoi.L'émotionmecueillitparsurprise.«Toi.C'esttoiqu'ilattendait»,songeai-je,éblouie.Unedouleurdélicieusefusajusqu'autréfondsdemonâme,etmefitoubliertoutcequin'étaitpascetinstantprécieux.Cesourire, je l'avaismérité.Et jevoulaisenmériterencoreunmillion.Sansréfléchir, je leprisdansmesbrasetdéposaiunepluiedebaiserssursapetitebouilletièdeetgrimaçante.Jehumaisoninnocenteodeurdecrèmeàl'huiled'amandedouce.Jen'avaisjamaisconnuuntelbonheur.—OhLuc,unsourire!Tuesleplusgentil,leplusadorabledesbébés.Monbébé.MonLucàmoi.

Page 114: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre15—Lavache!s'exclamaDaneenpénétrantdansl'appartement,aprèsm'avoirlonguementserréedanssesbrassurleseuil.Sonregardpassadelagrandebaievitrée,quioffraitunevuemagnifique,audécorstylé.Ilémitunpetitsifflementadmiratif.—C'estpasmal,hein?dis-jeensouriant.Iln'avaitpaschangé.Ilétaittoujoursaussiséduisant,aussichaleureux,aussiouvert.PluspetitqueJack,ilétaitaussimoinscharpenté,sibienquenosdeuxgabaritss'accordaientmieux.Enlerevoyant,jemesouvinsaussitôtdetouteslesraisonsquim'avaientpousséeverslui.Ilmeconnaissaitmieuxquequiconque.Jamaisilnemedéstabilisait.C'étaitraredetrouverdesgensdontonétaitsûrqu'ilsnevousferaientjamaisdemal,n'essaieraientjamaisdevousmanipulerenexerçantunquelconquechantageaffectif.Daneenfaisaitpartie.JeluiprésentaiLuc.Ill'admirapoliment,meregardal'installerdanssontransat,puisfixerdevantluiunanneaudeplastiquesurlequelcoulissaientdespetitsjouetscolorés.—Jenesavaispasquetut'yconnaissaisenbébés,fit-ilremarquercommejelerejoignaissurlecanapé.—Moinonplus.Je me penchai pour prendre la menotte de Luc et lui montrer comment déplacer les petitspersonnages.Ilsemitàtapersurl'anneauenpoussantdespetitscrisdeplaisir.—Aveccebébé-là,jecommenceàêtretrèscalée,ajoutai-je.Danesecaladansl'angleducanapépourmefaireface.Sonregardm'enveloppa.—Tuaschangé,observa-t-il.—Cestlafatigue.J'aidescernes...—Non,cen'estpascequejeveuxdire.Tuessuperbe.Tesyeuxbrillent...J'eusunrirecrispé...—Merci. Je ne sais pas pourquoi. Sans doute parce que je suis contente de te revoir. Tum'asmanqué,Dane.—Toiaussi,tum'asmanqué.Il tendit le bras, m'attira à lui. Les deux premiers boutons de sa chemise en chanvre étaientdéfaitsetrévélaientlapeaudoréedesontorse.Jereconnusl'odeurfamilièredesondéodorantàla pierre d'alun. Dans un élan d'affection, j'inclinai la tête pour lui donner un baiser. Mais lecontactdeseslèvresnem'apportapasleréconfortetlebien-êtreespérés.Àdirevrai,j'éprouvaimêmeuneétrangesensationquis'apparentaitàdelarépugnance.Jerelevaivivementlatête.CommeDanem'enlaçaitplusétroitement,jefussecouéed'unfrissonquipourlecoupn'avaitriendefamilier,unfrissontrèsdésagréable.Commentétait-cepossible?Daneavaitperçumaréaction.Ildesserrasonétreinteetmejetaunregardperplexe.—Quoi?Pasdevantlebébé,c'estça?Confuse,jem'écartai,battisdescils.J'avaislagorgenouée.—C'estsansdouteça,balbutiai-je.Dane,je...j'aideschosesàtedire.—Vas-y,m'encourageât-ildoucement.Devais-jeluiavouercequej'avaisfaitavecJack?

Page 115: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Commentl'expliquer?Indécise,jemerassisavecraideursurlecanapé.Unefinepelliculedesueuravaitrecouvertmapeau.L'expressiondeDanesemodifia:—Moncœur,jesaislireentreleslignes.Etjen'aipum'empêcherderemarquerquechaquefoisquejet'aieueautéléphone,unnomrevenaittoutletempsdanslaconversation.Alorslaisse-moicommencertaphrase:«Dane,dernièrementj'aipassébeaucoupdetempsavecJackTravis...»—Dernièrement j'ai passé beaucoupde temps avec JackTravis, répétai-je, avant de fondre enlarmes.Daneneparutpassurpris.Laminepatiente,ilmepritlamainetlaretintdanslessiennes.—Raconte-moi,Ella:Jepeuxêtretonami,tusais.—Tupeuxvraiment?reniflai-je.—Oui,jel'aitoujoursété.Jemerelevaipourallerchercherunmouchoirenpapier.Enrevenant,j'appuyaisurledossierdutransat qui se mit à tanguer doucement. Les petits personnages cliquetèrent sur l'anneau.Aussitôt,Luclesfixad'unœilrond.— Tout va bien, Luc, crus-je bon d'assurer, même s'il semblait totalement indifférent à mesémotions.Parfois,lesadultespleurentaussi.C'estuneréactionnaturelleet...toutàfaitnormale.—Jenepensepasqu'ilsoittraumatisé,remarquaDaneavecunsourireironique.Viensiciquenousdiscutionsunpeu.Jeretournaim'asseoirprèsdeluietlaissaiéchapperunsoupirtremblé.Jeregrettequetunepuissespaslireenmoi.Jeneveuxrientecacher,maisjen'aipasenviedeteraconter.Parcequ'ilyadeschosesquejeneveuxpasdireàvoixhaute.—Tupeuxtoutmedire.Tulesaisbien.— Oui, mais c'est la première fois que j'ai une histoire avec un autre homme. Je me sens sicoupable...c'estinsupportable!—Tonseuildeculpabilitéatoujoursététrèsbas,convint-ild'unaircompréhensif.—C'estmaldedésirerJack,etc'eststupide,mais jenepeuxpasm'enempêcher.Dane, jesuistellementdésolée.Jem'enveuxcommejamaisjenem'ensuisvoulu...—Attends.Avantquetucontinues,nevasurtoutpast'excuser.Onnes'excusepasderessentirquelque chose. Les sentiments ne sont ni bien ni mal, ce sont des sentiments, c'est tout.Maintenant,raconte-moi.Jeneracontaipastout,biensûr.Maisj'endisassezpourqu'ilcomprennequemonapprochedelaviemûrement réfléchieétait en traindepartir àvau-l'eau,que j'étais follementattiréeparunhommequiétaitàl'opposédemonidéalmasculin,etquej'auraisétébienenpeined'expliquerpourquoi.— Jack est intelligent, mais il peut se montrer assez primaire. Il fonctionne de manièreconventionnelle.Ilestmacho,possessif.Commecesjoueursdefootaulycéedevantquitouteslesfillessepâmaient.J'aitoujoursdétestécegenredetypes!—Moiaussi.—Maisparfois, ilmesurprendparsaperspicacité. Ilesthonnête,ouvert, curieux,pasdu touttimide. Il me fait rire. Il prétend que j'ai besoin d'apprendre àm'amuser, à memontrer plusspontanée.—Ilaraison.—Onpeuts'amuser,maispastoutletempsetpaspartout.Etjenesuispasdansunephasedemavieoùj'aienviedem'éclater.J'aidelourdesresponsabilités..—Quepense-t-ildubébé?—Ill'aimebien.Ilaimelesenfants.

Page 116: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—S'il est attaché aux traditions, il doit vouloir fonder sa propre famille, commentaDane quim'observaitavecattention.—Jeluiaidéjàditcequejepensaisdumariageetdelafamille.Ilsaitquecen'estpasmontruc.Jedoisavoir l'attraitdelanouveautépourlui. Je luiaisurtoutpluparcequejeneluicouraispasaprès.—Tuplaisàbeaucoupd'hommes,Ella.Tuestrèsséduisante.J'esquissaiunsouriretimide.—Vraiment?Pourquoinemel'as-tujamaisdit?—Jenesuispastrèsdouépourça,admit-il.Maisjeconfirme,tuesséduisante.Àtamanièreunpeucérébrale.—Oui,c'estcequ'adûpenserJack,dis-je,caustique.—Qu'avez-vousencommuntouslesdeux?—Pasgrand-chose.Enfait,noussommesdiamétralementopposés.Maistuveuxsavoircequinousrapprocheleplus?Leplusétrange?C'estquenousparlons.—Dequoi?—Detout,répondis-jeavecleplusgrandsérieux.Oncommenceàdiscuter,etc'estcommefairel'amour, cet échange, ce jeu de ping-pong délicieux. On s'entrechoque, on vibre. Les chosessemblentsepasseràdifférentsniveaux.Mêmequandnousnesommespasd'accord, ilyauneharmoniebizarreentrenous,unesortedelien.Danemedévisagea,pensif.—Siparlers'assimileausexe,commentestlesexe?—Ehbien...J'ouvrislabouche,larefermai.Commentexpliquerque,jusqu'àprésent,iln'yavaiteuquedeuxfois, lapremièreunbaiserpourdirebonsoirquiavaittournéauchaos, ladeuxièmeunesaillieférocedansl'obscuritéd'unparking?Non,iln'yavaitpasdemotpourdirecela.—Joker,lâchai-je,penaude.Nousrestâmessilencieuxunmoment,aussisurprisl'unquel'autrequejetienneàpréservercejardinsecret,moiquiavaistoujoursétéd'unefranchiseabsolueenversDane.Notrerelationavaitététransparente.Maisaujourd'hui,uneétapedécisiveavaitétéfranchie.Jevenaisd'établirqu'ilexistaitunepartiedemavieàlaquelleiln'avaitpasaccès.—Tuesfâché?hasardai-je.Jaloux?— Jaloux, peut-être, reconnut-il, l'air presque étonné.Mais pas fâché. Je n'ai pas l'impressiond'êtredépossédé.Parcequetoutserésumeàça:jeneveuxpasd'unerelationconventionnelleetjen'enauraijamais.Maissi,detoncôté,tusouhaitesexplorercettedirectionavecTravis,tudoislefaire.Tun'aspasbesoindedemanderlapermission,etcertainementpasàmoi.Detoutefaçon,çanechangeraitrien.Tuleferaisquandmême.Je ne pus m'empêcher de comparer les deux hommes. Jack était infiniment plus exigeant etpossessif.Ilprenaittellementplusdeplace.Aveclui,toutétaitsitumultueux.—Pourêtrefranche,murmurai-je,jenemesenspasautantensécuritéavecluiqu'avectoi.—Jesais.—Commentlesais-tu?—Réfléchis:àquoitientl'impressiondesécurité,Ella?—Àlaconfiance?—Oui,enpartie.Maisaussiàl'absencederisques.Tuaspeut-êtrebesoind'enprendreun.Tuaspeut-êtrebesoindeteconfronteràquelqu'unquitedéstabiliseunpeu.Iltenditlamainpourcoincerunemèchedecheveuxderrièremonoreille.Jemerapprochaidelui,

Page 117: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

posai la têtesursapoitrine.Nousdemeurâmesunmomentainsi, tousdeuxconscientsqu'unehistoireétaitentraindeprendrefinetqu'unenouvellecommençait.EnfinDanemepritlementonpourmereleverlatête,etm'embrassadoucement.Àcetinstant,jecomprisqu'ilavaittoujoursétéunami,unamiavecquij'avaiscouché,etquecelan'avaitrienàvoiravecunamantquipouvaitaussiêtrevotreami.—Eh,chuchota-t-il,tucroisqu'onpourraitlefaireunedernièrefois.Ensouvenirdubonvieuxtemps?Commeunaurevoir,unefaçondesedire«bonvoyage»?—Jepeux te frapperavecunebouteilledeChampagneàla placé? rétorquai-je avecun sourirecontrit.—Etsionenouvraitune,plutôt?J'essayaidetéléphoneràJacklelendemain.Aprèsavoirlaissédeuxmessagessursonportable,jecomprisqu'iln'étaitpasdutoutpressédemerappeler,cequim'inquiétaetmecontraria.—Jesavaisqu'ilyavaitanguillesousroche,déclaraHavenquandjeluipassaisuncoupdefil,dansl'après-midi. Jack est d'une humeur de dogue. En fait, au bureau, tout lemonde a été soulagéquand il a annoncé qu'il allait sur un chantier. Il étaitmoins une queHelen, sa secrétaire, nel'assommeàcoupdephotocopieuse!—Il fallaitque jeparle avecDane; expliquai-je.Alors j'aidemandéà Jackdeme laisserunpeutranquille.J'imaginequ'ilnel'apasbienpris.L'amusementétaitperceptibledanslavoixdeHavenquandellerépondit:— Non, en effet. Mais, d'une manière générale, je n'ai pas l'impression qu'il soit capable deprendresesdistancesquandilveutquelquechose.—Ehbien,illesprendàprésent,etsacrementmêmeavouai-je,déconfite.Ilnerépondpasàmesappels.—Ella.JenedevraissansdoutepasmemêlerdesaffairesdeJack,moiquiétaissifurieusechaquefoisqu'ilmefaisaitlecoup..—Jet'enprie,jeveuxtonopinion,tunetemêlespasdesesaffaires,c'estmoiquitesollicite.—D'accord. Je pense que Jack est si tourneboulé qu'il ne sait pas comment réagir. Il n'a pasl'habituded'éprouverdelajalousie.Engénéral,lesfillesluitombenttoutescuitesdanslebec,ilatoujoursl'avantage.J'ail'impressionqu'ilestsérieusementaccrocettefoisetpourtoutdire,jemerégaledevoirça.—Pourquoi?demandai-je,prisedevertige.—Jel'aitoujoursvuencompagniedefillesàpapa,d'actricesoudemannequinsdécérébrées.Amonavis,s'ils'obstinaitàsortiraveccegenredefilles,c'étaitprécisémentpourévitercequiesten train de lui arriver, a savoir: être dingue de quelqu'un et se retrouver en position devulnérabilité.LesTravismâlesdétestentça.Pourmapart,jepensequesouffrirunpeuneluiferapasdemal.Jevoislàunepetitedéchargesalutaire—Jepeuxlefaireuneconfidence?—Biensûr.—JackapétéuncâblequandilasuquejecomptaishébergerDaneàl'appartement.Ilaproposédeluipayerunechambred'hôtel.—C'eststupide.Situavaiseuenviedefairel'amouravecDane,qu'ildormecheztoiouàl'hôteln'auraitrienchangé.—Jesais.Bref,Daneapassé lanuitchezmoiet jemedemandesi Jackne l'apasapprisd'unemanièreoud'uneautre.

Page 118: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Haveneutunpetitrire.—Ella,ilnesepasseriendanscetimmeublequiéchappeàlavigilancedeJack.IlasansdoutedemandéauconciergedeluifairesavoiràquelleheureDaneestparti.—Maisjen'aipascouchéaveclui!medéfendis-je.—Tun'aspasàtejustifier,Ella.—Nousavonspasséunenuit terrible.Danes'estendormisur le canapé,maisLucs'estmisàpleurer et l'a réveillé. Finalement, j'ai envoyéDanedans la chambreet c'estmoiqui ai pris lecanapé.Jepeuxtegarantirqu'aprèsunenuitpareille,Danenerisquepasd'êtrepèreunjour.IlestretournéàAustinet,apparemment,Jackneveutplusmeparler.—PauvreElla!Selonmoi,ilréfléchitsimplementàlastratégieàadopter.—Situenasl'occasion,tupourraisluidemanderdem'appeler?— J'ai une meilleure idée. Demain soir, nous fêtons l'anniversaire de mon père. Vivian, sacompagne,organiseunepetiteréceptionensonhonneuràRiverOaks.Toute la familledoitseréunirlà-bas.ViensdoncavecHardyetmoi.—Jenetienspasàm'incrusterdansuneréuniondefamille.—Jet'invite.Dureste,lamoitiédeHoustonseralà-bas.—Jen'aipasdecadeaupourtonpère.—Plutôtqued'offriruncadeau,Vivianasuggéréqueceuxquilesouhaitentfassentundonàl'unedesœuvres caritativesdans lesquellespapa s'est investi. Jevais te communiquer la listeet tupourrasdonnerenligne.J'hésitais.Jemouraisd'envied'alleràcettefête,defairelaconnaissancedesautresmembresdelafamilleTravis,devoirlamaisonoùJackavaitgrandi.—Tuessûre,Haven?—Certaine.Côtétenue,Vivianadit:«Chicdécontracté».Tuasunejolierobequiferal'affaire?—Unerobeportefeuillebleuclair.—Super,c'estlacouleurpréféréedeJack.Oh,Ella,onvas'amuser!—Toipeut-être,bougonnai-je.Le seul code postal envisageable pour Churchill Travis était le 77019, puisqu'il était hors dequestiondevivreaunorddeRiverOaks.Situéedans lecentregéographiquedeHouston,cettecommunautéétaitl'unedesplusrichesdupays.SelonHaven,lespancartesAvendren'yétaientpasautorisées.Quandunpropriétairesouhaitaitmettresamaisonsurlemarché,illuisuffisaitengénéraldequelquesjourspourvendre.Desavocats,deshommesd'affaires,desgérantsdefondsd'investissements, des chirurgiens et des stars du sport avaient choisi de vivre dans ce petitparadis à l'ombredespins etdes chênes, toutprochedesquartiersdeGalleria etRice, et desmeilleuresécolesprivéesduTexas.Certaines demeures avoisinaient les trois mille mètres carrés. Celle des Travis, relativementmodeste dans sa catégorie, dépassait à peine mille. Construite sur un tertre, elle jouissaitcependantd'unevueimprenablesurlebayou.Lavoiturelongeaitdesjardinsluxuriantsetdesesplanadesverdoyantesbaignésparlalumièrepourpre du couchant. Je ne pouvais m'empêcher d'écarquiller les yeux devant les villas néo-géorgiennes,toscanes,colonialesetautresquisesuccédaientenunmélangehétéroclite.Assiseàl'avantdelaMercedes,Havensetournaversmoi.—Tuvasaimer,Ella,m'assura-t-elle.LesfêtesdeViviansonttoujoursfantastiques.Jeneluiaiconnuqu'unseulfiasco,etencore,c'étaittellementépiquequecelaafiniparêtreplutôtcool.

Page 119: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Pourquoiunfiasco?— Peter Jackson était l'un des invités d'honneur, et Vivian a eu l'idée de rendre hommageauSeigneurdesAnneaux.Elleafaitréaménagerlejardinencitéelfique,aveccascadesetrochers,etelleaembauchéungroupedescouts.Déguisésenhobbits,ilsétaientcenséssebaladersurlapropriété.Leproblème, c'estqu'ilsont seméunpeupartoutdespoilsde leurcostume,etquepapaafaitunemégaallergie.Onenaentenduparlerpendantdessemaines.MaisjesuissûrequeViviann'arienprévud'aussiextravagantaujourd'hui,conclutHavenenriant.—Commenceàboiredèstonarrivée,meconseillaHardy.LamaisondesTravis,destyleeuropéen,sedressaitsuruneparcelledeplusd'unhectare.Nousfranchîmesunportailenferforgépourgagnerunparkingremplidevéhiculesdeluxe.Ilyavaitunimmensegaragedans lequelonapercevaituneBentley,uneMercedes,uneShelbyCobra,etaumoinsseptautresvoitures.Onauraitditunesortededistributeurgéantpourlesdieux.Des voituriers en veste blanche se chargeaient de garer les véhicules des invités dans desemplacementsbiendélimités.Unpeuétourdie,jeremontail'alléeaucôtédeHavenetdeHardyendirectiondelafoule.Suruneestrade, un orchestre de cuivre accompagnait le chanteur d'un groupe célèbre, lequel s'étaitrécemmentdistinguédansunsecondrôledansunfilmdeSpielberg.J'avaisunpeul'impressiondedébarquerdansunautremonde.Unplateaudecinéma,peut-être.Lespectacleétaitsuperbe,maisilsemblaitétrangequedesgensviventréellementainsi,quedetelsexcèsleurparaissenttoutàfaitnormaux.—J'aidéjàassistéàdesfêtes...commençai-je.Jemetus,depeurdeparaîtrenaïveetmaldégrossie.Hardymejetaunregardamusé.—Jesais,dit-ilsimplement.Jecomprisqu'ilsavaitbeletbiencequej'éprouvais,quemêmesicettescènen'avaitrienquedetrèsordinairepourHaven,ilenallaittoutautrementpourluiquiavaitgrandidansunvillagedemobilehomesdelabanlieuedeHouston.Ilsformaientvraimentuncouplefascinant,luisicostaud,immense,l'incarnationdel'aventurieraméricain, et Haven si menue et délicate. En dépit de leurs disparités physiques, ils étaientremarquablementbienassortis.Onnotaitd'embléelacomplicitéquilesunissait,faitederespect,d'admiration mutuelle et de tendresse. Cela sautait particulièrement aux yeux quand Hardyregardait Haven alors que celle-ci n'en était pas consciente. Il semblait alors avoir envie del'emporterdanssesbraspourl'avoiràluitoutseul.J'enviaisleuraptitudeàdemeurersifusionnelssanssesentirpiégésniéprouverunsentimentdeclaustrophobie.—Commençonsparallervoirpapa,suggéraHavenquinousprécédadanslamaison.Elleétaitmagnifiquedanssarobecourteenorganzabronzeàlajupefroncée,unetenuequeseuleunefemmeultra-mincepouvaitporter.—TucroisqueJackestdéjàlà?m'enquis-je.—Non,iln'arrivejamaistôtàuneréception.—Tul'asprévenuquetum'avaisinvitée?—Jen'enaipaseul'occasion.Ilestrestéinjoignablepresquetoutelajournée.Jackavaitappelédanslamatinée;maisj'étaissousladouche:Ilavaitlaisséunbrefmessagesurlerépondeur,disantqu'ilavaituneréuniondanslesWoodlands,aunorddeHouston,etqu'ilseraitabsentpresquetoutelajournée.J'avaisrappelé,maisj'étaistombéesursamessagerie.Jen'avaispaslaissédemessage.Aprèsm'avoirfaitpoireautertoutelajournéedelaveille,ilméritaitqueje

Page 120: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

luirendelamonnaiedesapièce.Il nous fallut du temps pour circuler de pièce en pièce, car Haven et son fiancé semblaientconnaître tout le monde. Un serveur s'approcha. Un plateau à la main. Je pris une coupe deChampagne,enbusunegorgée.Puis,réfugiéeprèsd'untableaudeFridaKahlo, j'observaimonentourage tandis que Haven tentait d'échapper à une matrone de la Société des amateursd'orchidéesdeHouston.Il y avait là des gensde tous âges. Les femmes étaientmaquillées avec art et juchées surdestalonsvertigineux.Leshommesarboraientunemisetoutaussiélégante.Jemefélicitaisd'avoirmismaplusjolierobe.Enmaillefluide,lespanssecroisaientjolimentsurlapoitrine.Simpleetclassique,ellemettaitmesformesenvaleuretrévélaitjustecequ'ilfallaitdejambe.J'avaisenfilédessandalesàtalonscouleurargenttoutencraignantqu'ellesnefassentunpeutrophabillé.Àtort,constatai-jetrèsvite,Le«chicdécontracté»selonlescritèresdeHoustonsemblaitinclureungrandnombredebijouxetd'accessoires.RienàvoiravecAustin.Jem'étaismaquillélesyeux-ombre-àpaupièresgrisfuméetdeuxcouchesdemascara-,j'avaisajoutéunetouchedeglosssurmeslèvresetfait-unbrushing,lespointesdemoncarrérebiquantsagement.Jelessentaismefrôlerlesjoueschaquefoisquejetournaislatête.Jen'avais-paseubesoindemettredublush,mespommettes ayant ces temps-ciunéclatnaturel, refletdemonagitationintérieure.Jesavaisqu'ilallaitsepasserquelquechosecesoir-là.Quelquechosedegénialoudedramatique.—Ilestdehors,dîtHardyaHaven,quimefitsignedelessuivie.—Jack?demandai-je,lecoeurbattant—Non.mon père, répondit Haven avec une grimace comique. Viens, je vais te présenter unepoignéedeTravis.Nousdébouchâmessurunevasteétenduedegazonseméedemassifsdefleursàl'arrièredelamaison.Desguirlandeslumineusesavaientétésuspenduesdanslesarbres,illuminantlapistededansedéjàsurpeuplée.Lesinvitéssedéplaçaiententrelestablesetlebuffet,dresséunpeuplusloin.Ungâteaud'anniversairehallucinanttrônaitsurunetableàl'écart—C'estceque j'appelleungâteaud'anniversaire,dis jeà l'hommed'âgemûrquivenaitdesedétournerd'ungroupetoutproche.Vouscroyezquequelqu'unvaenjailliraumomentopportun?— J'espèrequenon.Avec toutes ces bougies, lemalheureux risquede finir en torche vivante,répondit-ild'unevoixrocailleuse.Jem'esclaffai.—Sansdoute,acquiesçai-je,avantdeluitendrelamain:EllaVanter.Jesuisd'Austin.VousêtesunamidelafamilleTravis?Maisjesuisbête...biensûr.Ilsn'auraientpasinvitéunennemi,n'est-cepas?Ilsouritetmeserralamain.—Détrompez-vous,Ilsadorentinviterleurspiresennemis,assura-t-il.Àpeineplusgrandquemoi,sescheveuxgriscoupéscourtetlapeautannéeparlesoleil,c'étaitencoreunbelhomme.Ildégageaituncharismeindéniable.Commejecroisaisonregard, je fusfrappéeparlebrunintensedesesyeux.Jecomprisenfinàquij'avaisaffaire.—Bonanniversaire,monsieurTravis,dis-jeavecunsourirepenaud.—Merci,mademoiselleVarner.—Appelez-moiElla,jevousenprie.Jemesuisincrustéedansvotrefête,alorsj'imaginequenousavonsdépassélestadedesformalités.—Vousêtesbeaucoupplusjoliequelespique-assietteordinaires.Restezprèsdemoi,Ella,afin

Page 121: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

quejem'assurequ'onnevousjettepasdehors.Levieuxrenardflirtaitsansvergogne.Monsourires'élargit.—Merci,monsieurTravis.—Churchill.Havenapparutderrièresonpèreetsehissasurlapointedespiedspourl'embrasser.— Bon anniversaire, papa. Quelle fête ! Je viens de féliciter Vivian. Je vois que tu as fait laconnaissanced'Ella.Jetepréviens,elleestchassegardée.Jackadéjàposéuneoption.—Jackn'apasbesoind'uneautrepetiteamie,fitunevoixmasculinedansmondos.Donnez-moicelle-ci.Jepivotai.L'hommequivenaitdes'exprimerétaituneversionplusjeuneetplusmincedeJack.Jeneluidonnaipasplusdevingt-cinqans.—JoeTravis,seprésenta-t-il.Sapoignéedemainétaitferme.Ilavaitpresqueunetêtedeplusquesonpère.Ilmanquaitencoredematuritépourrivaliseravecsonfrèresurleterraindelavirilité,maisc'étaitàl'évidenceuntombeurtoutàfaitconscientdesoncharme.—Ne lui fais surtoutpasconfiance,Ella,m'avertitHaven. Joeestphotographe. Il a commencédanslemétierenfaisantdesphotosembarrassantesdesmembresdelafamille-parexemple,moienpetiteculotte.Iléchangeaitensuitelesnégatifscontredel'argent.—Ilt'enrestequelques-uns?voulutsavoirHardyquivenaitdesejoindreaugroupe.Joeavaitgardémamaindanslasienne.—Plaignez-moi,Ella.Jemeretrouvetoutseul.Mapetiteamiem'aabandonnépourallertravaillerdansunhôteldesAlpesfrançaises.—Cen'estpasuneraisonpourdraguercelledetonfrère,commentaHaven.—JenesuispaslapetiteamiedeJack,protestai-jevivement.JoelançaunregarddetriompheàHaven:—Tuvois!J'ail'impressionquec'estdutoutcuit.HardyinterrompitceschamailleriesentendantàChurchillTravisunétuiencuircontenantdeuxcigares.—Bonanniversaire,monsieur.—Merci,Hardy.Travisouvritl'étui,ensortituncigareetlereniflad'unairdeconnaisseur.—Vousentrouverezunepleineboîtedanslamaison,précisaHardy.—DesCohibas?Churchill Travis humait le cigare comme s'il s'était agi du plus capiteux des parfums. L'oeilpétillant,Hardysebornaàrépondre:— Tout ce que je sais, c'est que la bande qui les entoure est marquée Honduras. De touteévidence,ils'agissaitdecigarescubains.Decontrebande.—Nousenpartageronsun sous la véranda tout à l'heure, lui promitChurchill, qui glissa l'étuidanslapochedesaveste.—Volontiers.Par-dessusl'épauledeJoe,j'aperçusunhommeappuyéauchambranled'unedesportes-fenêtres.Moncœurbonditdansmapoitrine.C'était Jack, superbe en chemise et pantalon noirs. Souple, sexy, il semblait sur le point decommettrelecassedusiècle.Lamainnégligemmentglisséedanslapoche,ildétonnaitdanssatenuesombreauseindecettecohueclinquante.Àlacrispationdesamâchoire,jedevinailatensionquil'habitait.Ilétaitenconversationavecune

Page 122: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

femme et mon estomac se contracta. Elle était à couper le souffle - longs cheveux couleurcannelle, traits ciselés de star de cinéma et silhouette fabuleuse moulée dans un chiffon dedentellenoire.Àlesvoirainsi,onauraitjuréqu'ilsétaientensemble.—Ah,voilàJackditJoequiavaitsuiviladirectiondemonregard.—Ilestvenuaccompagné,parvins-jeàarticuler.—Pasdutout.IlestavecAshleyEverson.Elleestmariée,maiselleseprécipitesurJackdèsqu'ellel'aperçoit.—C'estellequiluiabrisélecœur?soufflai-je.—C'estelle,meconfirmaJoeàmi-voix.Ilparaîtqu'ellenes'entendplusavecsonmari.Ilscourentdroitaudivorce.Bienfaitpoureux,aprèscequ'ilsontinfligéàJack.—Vouspensezqu'il...—Non,coupaJoe.Jackn'envoudraitpasmêmesionlaluioffraitsurunplateaud'argent.Vousn'avezpasderivale,Ella.J'ouvraislabouchepourassurerquejenemeposaispasenconcurrentequandJackm'aperçut.Ilécarquillalesyeux,puissonregarddescenditlentementlelongdemoncorps,avantderemonterjusqu'àmonvisageempourpré.Ôtantlamaindesapoche,ilseredressaetsedirigeaversmoi.Déconcertée, Ashley Everson le retint parle bras et lui dit quelques mots. Il s'arrêta pour luirépondre.—Ella?fitHaven.Ungrandbrunvenaitderejoindrelegroupe;cenepouvaitêtrequ'unTravis.Graig,l'aîné.Bienquesonpèrenepuisselerenier,ilneluiressemblaitpasautantqueJacketJoe.Iln'avaitriend'uncow-boy.Apossédaituncharmepluspolicé,plusurbain,àlamanièred'ungrandseigneurunpeudistant.Sesyeuxn'étaientpasbruns,maisd'unenuancegrisclairassezinhabituelle;Sonsouriremedonnal'impressionquejevenaisd'obtenirunesortedesursis.—GraigTravis,seprésenta-t-il;avantdeglisserlebrasautourdelatailledelajeunefemmeàsescotés.Etvoicimonépouse,Liberty.Avecsonvisageàl'ovaleparfait,sapeaudoréeetsonsourirelumineux,c'étaitincontestablementunetrèsbellefemme.Commeellesepenchaitpourmeserrerlamain,seslongscheveuxnoussedéployèrentsursesépaulestelunrideaudesoie.—Raviede fairevotreconnaissance,Ella. J'aicrucomprendrequevoussortiezavec Jack. JenevoulaissurtoutpasmefairepasserpourladernièreconquêtedeJake.—Non, nous ne sortons pas ensemble. Pas exactement. Je veux dire, je le trouve formidable,mais...Enfin,nousnenousconnaissonsquedepuisquelquesjours,alorsjen'iraipasprétendrequenoussommesensemble.—Noussommesensemble,déclaratranquillementJackderrièremoi.Lecoeurbattant,jeluifisface.Sonbrasmusclés'enroulaautourdemataille.Ilinclinalatêteetseslèvresfrôlèrentmajouedansunbaiserdepureconvenance.Puisilsepenchadavantageetsabouchegourmandeseposadansmoncoupourydéposerunbrefbaiserquine laissaitplaneraucundoutequantàlanaturedenosrelationsetnotredegréd'intimité.Sidérée qu'il ose faire une chose pareille devant sa famille, je rougis violemment. Mes jouesdevaientclignotercommeuneenseignederestaurant,pensai-je,désespérée,envoyantHavenetLibertyéchangerunregardentendu.Sansmelâcher,Jackserralamaindesonpère.—Bonanniversaire,papa.Jet'aiapportéuncadeau,ilestdanslamaison.Lepatriarchenousenglobad'unregardinquisiteur,avantdedéclarer:

Page 123: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Tusaisquelcadeaumeferaitvraimentplaisir?Quetuteposesenfin,quetutemariesetquetumedonnesdespetits-enfants.Jackaccueillitcetteremarquedépourvuedetactavecunflegmequiprouvaitquelaplainten'étaitpasnouvelle.—Tuasdéjàunpetit-fils,papa.—J'aimeraisenavoird'autresavantdepartir.—Etoùcomptes-tudoncaller?répliquaJack,narquois.—Jedisjustequejenerajeunispas,etsituveuxquelaprochainegénérationdeTravisbénéficiedemoninfluence,tuferaisbiendetemettreàl'ouvrage.—Bonsang,papa!intervintJoe.SiJackaugmentesonactivitédanscedomaine,ilvafalloirqu'ildistribuedesticketspourempêcherlesémeutesdanslesfilesd'attente.—Joe,ditsimplementGraig,etcetteinterventionlaconiquesuffitàréduirelebenjaminausilence.Megratifiantd'unregardouvertementapprobateur,ChurchillTravisdéclara:—Quisait,Ella?Vousserezpeut-êtrecellequiparviendraàassagirnotreJack?—Jen'aipasl'intentiondememarier.Churchillmefixad'unairincrédule,commesic'étaitlapremièrefoisdesaviequ'ilentendaitunefemmeproférerunetelleineptie.—Etpourquoicela?voulut-ilsavoir.—Ehbien,toutd'abordparcequejesuistrèsoccupéesurleplanprofessionnel.—Dommage,fitJack.LaconditionsinequanonpourépouserunTravisestderenonceràtoussesrêves.Jenepusm'empêcherderire.LestraitsdeJacks'adoucirenttandisqu'ilbaissaitlesyeuxsurmoi,etilécartaunemèchedecheveuxdemonfront.—Tuveuxdanser,murmura-t-il,outupréfèresrestericiàsubirlaquestion?Sansattendrelaréponse,ilm'entraînaàsasuite.— Je n'étais pas en train de faire subir un interrogatoire à cette jeune personne, protestaChurchill.J'avaisuneconversationavecelle!Jacks'immobilisaletempsdelancer,ironique:— Une conversation, c'est quand il y a un échange entre deux personnes, papa. Nouspoursuivîmesnotrechemin.—Jesuisdésolé,medit-il.—Àcausedetonpère?...Nelesoispas.Ilmeplaîtbien.Samineferméememitmalàl'aise.JeneconnaissaispasencoreceJack-là.Ilaffectaittoujoursunair désinvolte proche du jem'enfoutisme, comme si rien ne pouvait l'affecter en profondeur.Aujourd'hui,cetteindolenceavaitdisparu.Ilétaitencolèreetcelasevoyait.Sur la piste, il m'enlaça d'un geste naturel né de l'expérience. L'orchestre jouait Song forYou,commesitouslesmusicienss'abandonnaientaumêmesongemélancolique.Jeposailamainsur l'épaule robuste de Jack. Avec aisance, ilme guida au rythme languide de lamusique. Sesmouvements étaient fluides. C'était vraiment un excellent danseur, mais, pour autant, iln'essayaitpasd'épaterlagalerie.M'efforçantdemeconcentreretde le suivreensouplesse, jem'appliquaià fixer lepetit creuxsituéentresesclavicules.—Daneadormiàl'appartement,lâcha-t-il,Letonétaitneutre.Pourtoutdire,j'étaissoulagéequ'ilmedonneainsil'occasiondemettreleschosesaupoint.—Eneffet.Maisjepeuxtegarantirqu'iln'apasbeaucoupdormi.Le...oups!

Page 124: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Jack s'était immobilisé si abruptement que je m'étais cogné le nez contre son épaule. À sonexpressionulcérée,jecomprisqu'ilyavaitméprise.—C'estàcausedeLuc,m'empressai-jedepréciser.Ilapleuréunepartiedelanuit.J'aidormisurlecanapé,etDanedanslachambre:Jack,tumebroieslamain...Il desserra saprise,m'entraînadenouveaudans ladanse.Nousévoluâmesunebonneminuteavantqu'ilneposelaquestionquiluibrûlaitmanifestementlalangue'—Tun'aspascouchéaveclui?—Non.Ilhochalatête,maissestraitsdemeurèrentfigés.—Fini,Dane.Terminé,dit-ilenfin.J'osaiuneplaisanterie:—Est-cequecelasignifiequetuneveuxplusquejelevoieouquetuprojettesdeletuer?—Celasignifiequesilapremièrechosearrive,lasecondeatoutesleschancesdeseproduire.Jefussecrètementravie.Jemedécouvraisunpouvoirnouveau,celuiquejepouvaisexerceràmaguise sur l'homme le plus costaud, le plus expérimenté, le plus imprévisible que j'aie jamaisrencontré-unhommedotéd'untauxrecorddetestostérone,quiplusest.C'étaitàlafoisgrisantetterrifiant,unpeucommedes'asseoirauvolantd'unevoituredecoursequandonn'ajamaisconduitqu'unebonnevieilleberline.—Tuesunbeauparleur,JackTravis.Pourquoinepasm'emmenercheztoietmeprouverquetun'espasquecela?Ilmejetaunregardaigu.Jecroisquenil'unnil'autren'encroyaitsesoreilles.Et,àen jugerpar la lueurquis'étaitalluméeau fonddesesyeux, jen'allaispas tarderàavoirtouteslespreuvesquej'avaisréclaméesavectantd'audace.

Page 125: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre16La musique s'alanguit encore dans une version sirupeuse de Moondance. Jack resserra sonétreintejusqu'àcequejesentesonsoufflemebrûlerlatempe.Nousdansionsetjelesuivaisaveuglément,enproieàunlégervertige,commesinousétionssurle pont d'un navire. Heureusement il me tenait fermement, et contrebalançait habilement lemoindredemesfauxpas.J'inspiraiprofondémentsonparfumépicé,etaussitôtunefinepelliculedesueurperlasurmapeau,commesimoncorpstoutentierprenaitvie.Lachansonsetermina.Lebruitdesapplaudissements,tandisquel'orchestreentonnaitdéjàunautremorceau,m'arrachaàmadoucetranse,commesi l'onmejetaitunseaud'eaufroideà lafigure.JesuivisJackàtraverslafoulecompacte.Nousfûmesobligésdenousarrêteràplusieursreprisespouréchangericioulà.Ilconnaissaittoutlemonde,etserévélaplusdouéquemoipourendosser lemasqueamicalquiallaitdepairavec leséchangesmondains.Mais jesentaissousmes doigts la tension féroce dans son bras tandis qu'il se faufilait dans la cohue en meremorquant.Les bougies furent allumées sur le gâteau d'anniversaire. Soutenus par l'orchestre, les invitésentonnèrentuneversionénergiquedeHappyBirthdaytoYou.Destranchesdegâteaufourréàlaganache, à la confiture et à la crème fouettée furent distribuées. Je ne pus en avaler qu'unebouchée-troprichepourmoi.QuelquesgorgéesdeChampagnem'aidèrentàfairepassertoutcesucre.Levinaidant,jemesentisd'excellentehumeuret,docile,melaissaidenouveaupiloterparJackaumilieudelafoule.Nousprîmesletempsd'allerdireaurevoiràChurchilletàVivian.Joeétaitentêteàtêteavecunejeunefemmequisemblaitprêteruneoreillecompatissanteàsonhistoiredepetite-amie-partie-pour-la-France.J'agitailamainpoursaluerdeloinHaven,Hardy,GraigetLiberty.—Nousdevrionsquandmêmeinvoqueruneexcusepourjustifiercedépartunpeuhâtif,dis-jeàJack.Jepourraisdirequejem'inquiètepourLucou...—Inutile.Ilssaventtrèsbienpourquoinouspartons.Letrajetderetourjusqu'au1800MainStreetfutplutôtsilencieux.Nosémotionsétaientencoreàvif.JeneconnaissaispasJackdepuisassezlongtempspourmesentirtotalementàl'aise.Ilnousmanquaitunpeudepratique.JeluiparlaipourtantdemadiscussionavecDane,etilm'écoutaavecattention.Jevoyaisbienquesi, en théorie, il comprenait le point de vue demon ex, il aurait été lui-même viscéralementincapabledes'effaceravecunetelleélégance.—Ilauraitquandmêmedûsebattre,essayerdetereconquérir.Ilauraitdûmecasserlafigure,objecta-t-il.—Qu'est-cequecelaauraitchangé?Endernierressort,lechoixmerevient,non?—Si.N'empêche.Jeluiaiquandmêmeprissacompagne.—Non,tunem'aspasprise!protestai-jeunefoisencore,piquéeauvifdansmaveineféministe.—Pasencore, rectifia-t-il avec un regard appuyé. Mon coeur se mit à battre à grands coupsdésordonnés.Nousmontâmesdirectementàsonappartementoù jepénétraipour lapremièrefois.Ilétaitsituéquelquesétagesau-dessusdumien,possédaitdegrandesbaiesvitréesavecvue

Page 126: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

surHoustonquiscintillaitdanslanuit.Ladécorationétait chicet sobre :uncanapéetdes fauteuilsencuir chocolat,quelquesobjetsdesign,deuxtableauxgraphiques,unepointedebleuetdecrèmedanslestissusd'ameublement.—Aquelleheurees-tucensélibérerlababy-sitter?voulutsavoirJack.—23heures.Tuasunbelappartement,dis-jeeneffleurantd'undoigttremblant lebordd'unevasqueenverregravéedespirales.Ils'approcha,s'immobilisaderrièremoi.Sespaumesfrôlèrentmesépaules,puisdescendirentlelongdemesbras,m'arrachantunfrisson.Ilpritunedemesmainsdanslasienne,entrecroisasesdoigtsauxmiens.Saboucheseposaaucreuxdemoncouenunbaiserpleindepromesses.Ses lèvres butinaient, à la recherche d'un point précis. Lorsqu'il le trouva, je creusaiinvolontairementlesreins.Samaingauches'aventurasur ledevantdemoncorps,dansune lenteexploration. Ilmarquaitunepausechaquefoisquejeréagissais,guettaitchaquetressaillement;chaquepalpitation.Jemerendis compte qu'il était en train d'élaborer une sorte de cartographie dema personne, à larecherchedeszoneslesplussensibles.—Jack...tun'esplusfâchéparcequeDaneadormichezmoi,n'est-cepas?—Àdirevrai,chaquefoisquej'ypensej'aienviedeplierunpied-de-bicheendeux.—Maisilnes'estrienpassé.—C'estl'uniqueraisonpourlaquellejen'aipasétéluibotterletrain.Parlait-ilsérieusementoufaisait-iljustelecoqpourm'impressionner?Jem'efforçaid'adopteruntonironique,cequin'étaitpasfacileavecsesdoigtsquis'immisçaientdansmondécolleté:—Tunevaspasm'entenirrigueur,n'est-cepas?—Jecrainsquesi.Cesoir,tuvaspayerpourça,mabelle.Sa respiration s'accéléra quand il découvrit que je ne portais pas de soutien-gorge. Avec unelenteurindécente,samainvints'arrondirsurmonsein.Jemelaissaiallercontrelui,chancelantsurmessandalesàtalons.Lapointedemonseinsedressaentresesdoigts.Doucement,ilsemitàlepétrir,tandisquesonpoucepassaitetrepassaitsurletendrebourgeon.Ilmefitpivoterfaceàlui.—Tuesmagnifique.Ses mains descendirent sur ma taille. Les yeux mi-clos, il semblait très concentré. Ses cilsdessinaientuncroissantsombresursespommettessaillantes.—Ettuesàmoi,ajouta-t-ildansunsoufflepresqueinaudible.Fascinée,jemelaissaicoulerdanssonregardsiintenseetsecouailatête.—Si,murmura-t-il,avantdecapturermabouche.Éperdue, j'agrippai le devant de sa chemise. Il enfouit les doigts dans mes cheveux, et seconcentra surma bouche, cherchant les angles les plus judicieux, les plus intimes.Mon corpss'embrasa.Jackmepritparlamainetm'emmenadanslachambre.Ilappuyasurl'undestroisinterrupteursetunelumièretamiséedontjeneparvinspasarepérerlasourcebaignalapièce.J'étaisdetoutefaçontropbouleverséepourprêtervraimentattentionàl'environnement.Jeremarquaijustelelitimmense,recouvertd'unédredoncouleurtaupe.— Je n'ai pas droit à de la musique d'ambiance? Demandai-je, m'efforçant d'apparaîtredésinvolte.—Non.Jefoisl'amouracapella.

Page 127: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Tuveuxdiresansaccompagnement?—Jesuistoujoursaccompagné.Dumoinsdepuismesquatorzeans.J'eus un rire légèrement haletant qui s'interrompit abruptement quand Jack tira sur les petitsboutonspressionsquifermaientmarobe.Libérés,lespanss'écartèrent,révélantmapoitrinenueetmapetiteculotteblancheendentelle.—Regarde-toi,chuchota-t-ild'untonpassionné.C'estuncrimedeporterdesvêtementsquandonacecorps.Ilrepoussamarobelelongdemesbrasjusqu'àcequ'elletombeàterre.Jemesentisrougirdusommetducrânéà lapointedemessandalesargentées.Fébriletoutàcoup; jem'attaquaiauxboutonsdesachemise.Ilmedonnauncoupdemainets'endébarrassa.Jefiscourirunemainhésitantesursontorseauxmusclesfinementsculptés.C'étaitmerveilleusementbon.Avec lenteur, il referma les bras surmoi, m'attira contre lui. Je glissai lesmains sur son dosnoueux tandis qu'il reprenaitma bouche en un long baiser. Comme jeme pressai contre sonérection,lebassinarqué,Jackmerepoussaavecunrireétouffé.—Non,pasencore—J'aibesoindetoi,gémis-je, tremblantededésir.C'était lapremière foisque je faisaisuntelaveuàunhomme. Jemeremémoraicequ'ilm'avaitdéclarédans leparking :«Tuesmortedetrouilleparcequetusaisquesituentamesunehistoireavecmoi,celat'emmèneraenterritoireinconnu,làoutun'asjamaisétéavecDane.»C'étaitlapurevérité.J'allaioffriràJack,uneintimitéquiallaitbienau-delàdel'intimitéphysique.Etl'énormitédurisqueencourumeterrifiait.Ildutsentirlesprémicesdelapaniqueenmoicarilm'attiradenouveaucontrelui.Ilmetintainsi,sansmotdire,infinimentpatient.—Jecrois...quejenemesenspascomplètementensécurité,parvins-jeàarticuler.—Sansdouteparcequetunel'espas.Maisd'iciquelquesminutestut'enficherascomplètement,assura-t-ilenpassantlesdoigtssousl'élastiquedemaculotte.Étourdie, je le laissaime l'ôter. Ilme poussa doucement pourme faire asseoir au bord du litJ'ébauchaiungestepourôtermasandale.—Non,murmura-t-il.Il s'accroupit devant moi et m'écarta les cuisses. Je me tortillai, tentai de les refermer.Embarrassée,jebalbutiai:—Lalumière.Mais Jack me maintint solidement en place et se pencha en avant. Sa bouche fondit sur machair, là,à cet endroit précis, le plus secret demon être. Quand sa langue chaude et soyeusecourut sur mon clitoris, je ne pus retenir une longue plainte affolée tant le plaisir quim'envahissaitavaitquelquechosed'incontrôlable.Submergée,jeluiagrippailatête.Ilmesaisitles poignets, m'immobilisa les mains de chaque côté du corps. Captive de sa poigne d'acier,écartelée,livréeentièrementauxcaressesdémoniaquesdesalangue,deseslèvres,desesdents,jememisàhaleterfollemententredeuxgémissementstendisquelavagueduplaisirenflaitenmoi,prenaitpossessiondetoutmonêtre.Jack se redressa aumomentprécis oùmesmuscles internes commençaient à se contracter Jepoussai un cri de frustration. Une énergie dévastatrice s'était accumulée enmoi et réclamaitd'êtrelibérée.Faible,désespérée,jedéfisd'unemaintremblanteleboutondesonpantalon.Mesdoigtsétaientaussigourdselmaladroitsquesij'avaisportédesmitaines.Jeréussisenfinàdégagersonsexeérigé,lecaressai,émerveillée,puisl'empoignaipourrespirerson odeur musquée. Jack se figea, émit un grondement sourd. Il laissa ma main descendre

Page 128: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

doucementsurtoutesalongueur,mepermitdelegoûter,deleprendredansmabouchepourlesavourer...Maisauboutdequelquessecondes,ilseretira.—Non,Ella...Jenepeuxpas...Jenevaispastenir...Attends...Il arracha le reste de ses vêtements,me tira au centre du lit. Je dus attendre d'interminablessecondes,letempsqu'ildébouclelesfineslanièresdemessandalesalorsqu'illuiauraitsuffidelesfairecoulissersurmachevillepourquejem'endébarrassed'uncoupdetalon.Enfinils'étenditsurmoi.Sabouchehappal'extrémitéd'unseintandisqu'ilinséraitlacuisseentremesjambes.Moncorpsparut perdre toute résistance pourmieux semouler contre le sien, obéir à lamoindre de sesinjonctions.Sesmainss'aventuraientpartout,exploraient,cajolaient.Nosdeuxcorpsentremêlésbasculèrent sur lematelas en une lente révolution qui s'apparentait à un combat. Nous nousfrottions,nousaffrontionsdansunduelsensuel.Jecherchaisàl'attireretilmerésistait.Ilfaisaitdurerleplaisir,metourmentait,torturaitmachairdemillecaressesinsidieuses.Finalementjelesuppliai.Jen'enpouvaisplus.J'étaisprête,jevoulaislesentirenmoi,maintenant,toutdesuite...Ilme fit roulersur ledos,m'écarta lescuisses.Pantelante,offerte, je soulevai leshanchesàsarencontre.D'unepoussée,ilfutenmoi.Lemondeparutsefiger.Jemecramponnaiàsesépaules,mesonglesentamèrentsachair.Ils'enfonçaencoreunpeu,maismoncorps,quin'avaitpasl'habituded'unetelleinvasion,serebella.—Détends-toi,détends-toi,memurmuraJackàl'oreille.Ilm'encouragea,mepromitqu'ilseraittrèsdoux.Sonsexemepénétracentimètreparcentimètreàmesurequejem'alanguissaisentresesbras.LevisagedeJackétaitjusteau-dessusdumien,sonregardaussisombreetbrillantquelesfeuxdel'enfer.Ilrepoussalescheveuxsurmonfront.Sabouchebutinalamiennetandisqu'ilcherchaitlameilleureposition,cellequiluipermettraitdetrouverlebonangledepénétration,douxcommeseulpouvaitl'êtreunhommeparticulièrementviril,attentifàchaquesoupir,chaquebattementdecœur.Lorsqu'ilyparvintenfinetm'empalaauplusprofond,jenepusreteniruncri.—Tuaimes,là?chuchota-t-il,ronronnantpresquedesatisfaction.—Oui,oui...Clouéeaumatelasparsonpoids,jeluiagrippailedos.Commeilentamaitunmouvementdeva-et-vientrégulier,jemetrémoussaisousluipourtenterdelefaireaccélérer.Ilritdoucement,etpesa surmoi davantage encore pourmieuxm'imposer sa cadence, jusqu'à ce que je capitule,vaincue,etlaisseleplaisirm'envahir.Ilglissalebrassousmanuqueetsabouches'égarasurmagorge.Sonrythmenefaiblissaitpas,noschairsintimess'épousaientdansunefrictiondélicieuse.L'orgasmemeterrassa,explosif,etl'universvolaenfragmentsdisparates.Yeuxclos,j'ensavourailesultimesspasmeslorsqueJacksuccombaàsontour.Nichéecontrelui,encoreagitéedefrémissements,jesentissasemencechaudecoulerentremescuisses.Jepressailevisagecontresapoitrine.Moncorpssaturedeplaisirsemblaitflotterdansonnuagecotonneux.—Repose-toi,murmuraJackenremontantl'édredonsurmesépaules.—Jenepeuxpas,soupirai-je.Ilfautquejedescende.Lababy-sitter...—Justequelquesminutes,insista-t-ilavantdem'embrasserlescheveux.Jeveillesurtoi.Reconnaissante,jem'assoupis.Unmomentplustard,jebattisdespaupières,m'agitailégèrement,conscientequequelquechoseavait changé. Moi. Je me sentais désorientée, ébranlée, et cependant, la sensation n'était pas

Page 129: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

désagréable.Appuyésurlecoude,Jackm'observaitavecunesurprenantegravité.Jeluisourisetilsuivitdudoigtlecontourdemeslèvres.—C'étaitlameilleurefoisdetoutemavie,Ella.Detrèsloin.Ilsuivitletracédemonsourcil.Jefermailesyeux.Danscedomaine,ladifférenceentre«bon»et«époustouflant » tenait au fait que jamaisDane nem'avait accordé une telle attention. Jack enrevanche s'était totalement focalisé surmoi, à l'affût de lamoindre demes réactions. Encoremaintenant,ilmetouchaitcommesilecontactentrenosdeuxcorpsétaitunlangageensoi.Sesdoigtspapillonnèrentdansmoncou.— Tu as la peau si douce, murmura-t-il. Tes cheveux sont si soyeux. J'adore te toucher, tecaresser...J'adoretevoirbouger...Jeveuxquetumefassesconfiance,Ella.Jeveuxtoutdetoi.Unjour,tuverras,tutelaisserascomplètementaller.Samainétaitremontéesurmajoue.Jetournailatêtepourdéposerunbaisersursapaume.Jenesavaispascommentluidirequecequ'ilréclamaitétaitimpossible.JamaisJeneseraiscapabledeme laisser aller, d'abandonner tout contrôle en faisant l'amour. Il y avait au cœur de mapersonnalitéunendroitprotégéquejamaispersonnenepourraitatteindre.—Jeviensdefairel'amouraveclalumièreallumée,celanetesuffitpas?plaisantai-jepourfairediversion.Riant,ilm'embrassa.Bienquerepue,jesentismessenss'éveilleraucontactdosabouche.Jeluicaressaislesépaules.—Jet'aivueavecAshleyEversontoutàl'heure,àlafête,Elleestvraimenttrèsbelle.—Plusonlaconnaît,moinsonleremarque,assura-t-ilavecunsouriresansjoie.—Dequoiétiez-vousentraindeparler?—Elleenquiquinetoutlemondeavecsesproblèmesdecouple.—Sonmariétaitprésent?—Oui,maisilsfontapparemmenttoutpours'éviter.—Jemedemandesielleletrompe,,,—Çaneseraitpasunepremière,rétorqua-t-il,narquois,—C'esttriste.Néanmoins,celameconfortedansl'idéequej'aidumariage.Àsavoir,qu'iln'estpaspossibledepromettreàquelqu'unqu'onl'aimeratoujours.Parcequetoutchange.—Non.pastout,contraJackenserenversantcontrelesoreillers,Jeposailatêteaucreuxdesonépauleetdemandaiencore:—Tucroisqu'ellet'aimait?Jeveuxdire,qu'ellet'aimaitvraiment,entoutesincérité?—Jenesaispassiellem'ajamaisaimé,avoua-t-ildansunsoupircrispé.Maissic'estlecas,j'aitoutgâché.Jesentisquej'étaislaenterrainglissant,qu'ilmefallaitl'aborderavecprécaution,carilrecelaittoujoursdesrestesdesouffranceetderegrets.—Pourquoias-tutoutgâché?— Quand Ashley m'a quitté pour Pete, elle m'a dit... Il s'interrompit, poussa un soupir defrustration.Jeluicaressailetorse.—Laconfiancedoitêtreréciproque,Jack.Tupeuxtoutmedire.Ildétournalatête,montrantsonprofilsiparfaitementciselé.—Ellem'aditquej'endemandaistrop.Quej'étaisenvahissant.PourunhommeaussifierqueJack,c'étaitsansdoutelepirequ'unefemmepuisseluidire.—Était-ce vrai? demandai-je sans détour. Ou essayait-elle de te faire porter le chapeau pourjustifiersoninfidélité?Tusais, legenre«Regardecequetum'asforcéàfaire !» J'ai toujoursdétestécettetactiquededéfense.Jelesentissedétendre.

Page 130: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Ashleynes'estimejamaisresponsablederien.Maisentoutefranchise,j'aidûmecomportercommeunfiefféimbécile.Jenefaisjamaisrienàmoitié,surtoutpastomberamoureux.Jesuisdugenrepossessif.Pensait-ilm'apprendrequelquechose?Jememordislalèvrepournepasm'esclaffer.—Sansblague,dis-je.Labonnenouvelle,c'estquejen'aipasdeproblèmelorsqu'ils'agitdetedireoùsesituelalimiteànepasfranchir.—J'avaisremarqué.Nosregardssecroisèrentetunsourirenaquitsurnoslèvres.— Donc, repris-je, après qu'Ashley t'a trompé, tu as enchaîné les aventures, histoire de luimontrercequ'ellemanquait.—Celan'avait rienàvoiravecAshley. Il se trouveque j'aime lesexe,c'est tout.Samainavaitglissésurmafesse.Jeroulaisurleflancetsautaihorsdulitenriant.—Ilfautquejeprenneunedouche!Ilmesuivit.Jemefigeaisurleseuildelasalledebainsaprèsavoirallumé.L'endroitétaitultra-moderne,avecéquipementsderniercrietlavabosenpierrenaturelle.Maiscefutsurtoutladouchequimelaissasansvoix.C'étaitunepièceàpartentière,enverre,ardoiseetgranitavecdesrangéesdeboutonsetdethermostatstrèssophistiqués.—Pourquoiyailunestationdelavagepourvoituresdanstasalledebains?Jackmecontourna,ouvritlaporteenverre,pénétraàl'intérieur.Àl'aidedel'écrandigital,ilréglaledébit de l'eau, la température, le nombrede jets.Depetits geysers jaillirent et unnuagedevapeurenvahitbientôtl'espace,tandisqu'une«pluietropicale»tombaitdirectementduplafond.—Tunevienspas?La voix de Jackmeparut assourdie par toute cette vapeur et le ruissellement de l'eau sur lesdallesd'ardoise.Jem'avançaiavecprudence.Derrièrelerideaudegouttelettes,Jackoffraitunevisionmagnifique,élancé,bronzé,toutenmuscles.—Celam'ennuiedetedireça,maisilfaudraitquetutemettesausport.Unhommedetonâgenedevraitpasselaisseraller,badinai-je.Ilsouritetmefitsignedelerejoindre.Jem'aventuraidanslechampd'actiondesgeysers,sentislapluietropicalecoulersurmoncrâne.—Jevaismenoyer,prévins-jeenrecrachantdesfiletsd'eau.Cen'estpasungâchismonstre,touscesjets,cettevapeur,cescascades?—Ella,cen'estpaslapremièrefoisquejeprendsmadoucheavecunefemme...—Vraiment?Jesuischoquée!—...maistueslaseuleàt'inquiéterdelafactured'eau!—Quelestledébit,àtonavis?—Unequarantainedelitresparminute.— Oh, Seigneur! Dépêche-toi de me savonner le dos, ou nous allons vider toutes les nappesphréatiquesdelarégion!Endépitdemesprotestations,Jackprittoutsontempspourm'enduiredesavon,mefrictionneretmefaireunshampooing.Sentirsesmainsglissersurmapeauétaitsibonquejefinisparmelaisserfaire.Jeluirendislapareilleensuite,lesavonnaisavecvolupté,faisantcourirmesdoigtssurcetorsequejenemelassaispasd'admirer.Tout celame semblait irréel : la lumière tamisée, l'eauqui ruisselait surnos corps, la franchesensualitéquin'autorisaitaucunepudeur.

Page 131: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Ilm'embrassa,posadepetitsbaisersmouillés surmabouche, tandisquesamains'immisçaitentremesjambes.Souslacaressedesesdoigtstaquins,jeretinsmonsouffleetpressailefrontcontresonépaule.—Lapremièrefoisquejet'aivue,murmura-t-il,ses lèvress'égarantdansmescheveux, jet'aitrouvéeincroyablementcraquante.—Craquante?—Sexy.Adorable.Ilinséraundoigtenmoi.—Toiaussi,jet'aitrouvésexy...danslegenrecow-boy.Tun'es...pasdutoutmongenre,tusais,articulai-jeavecdifficulté.Seslèvresremuèrentsurmoncuirchevelu.Jecomprisqu'ilsouriait.— Vraiment? Parce que, en cemoment, j'ai l'impression que je suis tout à fait ton genre, aucontraire.Ilmesoulevalajambeetmecalalepiedsurunpetittabouretposédansuncoindeladouche.Jemecramponnaià lui, toute faiblededésir.Posément, résolument, il glissa lesmainssousmesfesses,mesoulevaetsepositionnaàl'oréedemonsexe.D'uneseulepoussée,ilmepénétra.Sesdoigts se crispèrent sur mes fesses. Pendant quelques secondes, nous demeurâmes ainsi,immobiles.Jemesentaisvivante,emplie,possédée.Endépitdel'eauquimecoulaitdanslesyeux,jescrutaisonvisagetoutprochedumien.Cettefois,iln'yavaitaucuneprécipitation,seulementunedécouverte tranquille.Machair intimepalpitaautourde luiet, comme il commençaitàsemouvoir,j'eusl'impressiond'êtreleseulpointfixedel'univers.Chaquefoisqu'ils'enfonçait,jefrissonnai,accrochéeàsesépaules,etilmeserraitdavantage.Leplaisirenflait,paraissaits'infiltrerdansmesos, lesdissoudrepeuàpeu.Salanguecourutdansmoncou,léchal'eausurmapeauruisselante,s'insinuadansmonoreille.Jemetortillai.IIavaitdumalàmaintenirsaprise.Sesmainsripaientsurmapeauglissante.Puis,sansprévenir,ilseretira.Frustrée,jemeraccrochaiàluisanscomprendre.—Jack,attends...Iltournaplusieursboutonsetlescascadessetarirent.—Jen'avaispasterminé!protestai-je.—Moinonplus.IImepritparlamainetm'entraînahorsdeladouche.—Alorspourquoit'es-tuarrêté?dis-jed'unevoixgeignarde.J'avaistouteslesexcusesdumonde.Endetellescirconstances,n'importequellefemmeauraiteuunevoixgeignarde.Jacks'emparad'uneépaisseservietteblancheetentrepritdemefrictionner.—Parce que tu es dangereuse lorsqu'il s'agit de faire l'amour debout, répondit-il. Tes jambesflageolent.—Jetenaisparfaitementsurmesjambes!—Toutjuste.Admets-le,Ella,tontrucc'estl'horizontalité.Ilmeséchalescheveux,saisituneautreserviettepours'essuyeràsontour,puismerepritparlamainpourm'emmenerdanslachambre.Laseconded'après,ilmejetaitsurlelitcommesijenepesaispaspluslourdqu'uneplume.Jepoussaiuncri.—Qu'est-cequetufais?—Jepresselemouvement.Ilest10h40.—Ilvaudraitmieuxattendred'avoirtoutnotretemps,dis-jeàregret.

Page 132: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Avantdemeretrouverprisonnièredequatre-vingt-dixkilosdemusclesarborantuneérectionimpressionnante.—Jenepeuxpasdescendrecheztoidanscetétat,mefitremarquerJack.—Dommage.Tuvasdevoirattendre,oucontinueracapella.—Ella...finissonscequenousavonscommencédansladouche,plaida-t-ild'unevoixenjôleuse.—Tuauraisdûfinirquandnousétionslà-bas.—Jenevoulaispasquetutombesetquetutefracasseslecrâne.Lebien-êtrepost-coïtaln'estpasaussiintensedanslasalled'attentedesurgences.Jegloussai. Jackpressa les lèvres sur la courbe tendred'un sein. Son soufflemebrûla lapeau,enflammalapointeengorgée.Lentement,ilypassalalangue.Lesbrasnouésautourdesoncou,j'embrassaisescheveuxhumides.Ilsaisitl'extrémitédel'autreseinentrelepouceetl'index,lapinçaavecdélicatessesanscesserdemelécher.Monbassins'arquaspontanément.Jebouillaisdéjà.Ilexploraitmoncorpscommeongrignotelèsmetsd'unbuffetraffiné.Illéchait,mordillait,aspirait,metournant,meretournant,pours'assurerqu'iln'oubliaitaucunendroitdigned'intérêt.Allongéesurleventre,jecrispailesdoigtssurl'édredonlorsqu'ilmepritparleshanchesetmesouleva.—Jepeux?chuchota-t-il.—Oui,haletai-je.Oh,oui!J'étaistrempéeetiln'eutaucunmalàselogerprofondémentenmoi.Ilglissalamainsousmonventre,sesdoigtsm'atteignirentàl'endroitexactoùjevoulaisêtrecaressée.Délicieusementpiégéeentresoncorpsetsamainhabile,jecambrailesreinspourl'accueillirplusprofondencore:Saboucheseposasurmanuque.Ilattenditquejemecambredenouveauavantdedonnerunpremiercoupdereins,etjecomprisque,cettefois,ilmelaissaitchoisirlerythme.Guidéeparlessensationsquefaisaientnaîtresesdoigtsentremescuisses,j'ondulaidubassin,d'abordlentement,puisplusvite,larespirationdeplusenplusbruyante.Mesmainsserefermèrentsursespoignetspuissants, lepremierplacéprèsdematête, l'autresousmonabdomen.Jerestaicramponnéeàluijusqu'audéferlementfinal,incroyablementlong,quil'emportaluiaussiaveclamêmeviolence.Lorsqu'ilretrouvasonsouffle,jel'entendiségrenerquelquesjurons.J'étouffaiunriretremblantdans l'édredon. Je comprenais la nature de son émotion. On aurait dit que nous venions deréinventerquelquechosedetrèsordinaireetque,cefaisant,nousnousétionsréinventésnous-mêmes.Nousnous rhabillâmes avec des gestesmaladroits avant de rejoindremon appartement. Jackdonnaunpourboireénormeàlababy-sitterquifeignitdenepasremarquernotremisenégligéeetnoscheveuxhirsutes.Jejetaiuncoupd'oeilàLuc:ildormaitàpoingsfermés.JedisalorsàJackqu'ilétait lebienvenus'ilsouhaitaitpasser lanuitavecmoi.Toutefois je lemisengarde :Lucrisquaitfortdeleréveiller.—Pasgrave,fit-ilensedébarrassantdeseschaussures.Detoutefaçon,jen'aipasl'intentiondedormirbeaucoup.Il enleva son jean, sonT-shirt, s'installadans le lit en laiton, la tête calée sur l'oreillerornédebroderieanglaise, lesmains croiséesderrière lanuque. Ilparaissait si incongrudans cedécorromantiquequejenepusretenirunsourire.Jerécupéraimonpyjamasousl'oreiller.—Tun'aspasbesoindeça,dit-il.

Page 133: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Jen'aimepasdormirnue.—Pourquoi?C'estpourtantlatenuequitevalemieux.—Jepréfèreêtreprête,lecaséchéant.—Prêteàquoi?—Prêteàpartir,s'ilyauneurgence,unincendie,quesais-je?...— Seigneur, Ella! s'exclama-t-il en riant. Dis-toi plutôt que dormir nue est meilleur pourl'environnement.—Oh,laferme!—Allez.Ilfautdormirécolo,avoirlesommeilvert.J'ignorai ses sarcasmeset grimpaidans le lit aprèsavoir enfiléunT-shirt etun shortornédepingouins. J'éteignis la lampede chevet.Aprèsun silence,unmurmure libidineux s'élevadansl'obscurité:—Ilsmeplaisentbien,tespingouins.Jem'encastraidouillettement,ledoscontresapoitrine,etsoupirai:—Jesupposequecen'estpaslegenredetenuequetesconquêtesportentd'ordinaireaulit.—Pasvraiment,admit-ilenposantlamainsurmahanche.Lorsqu'ellesportentquelquechose,c'estgénéralementunenuisettetransparente.Jebâillai,mepelotonnaicontrelui.—Jen'envoispasl'utilité,maissiçatefaitplaisir,j'enmettraiuneunjour,promis-je.—Jenesaispas,dit-ild'untonpensif,tandisquesesmainsserefermaientsurmesfesses.J'aiunfaiblepourcespingouins.«Dieuquej'aimeêtreavectoi»,songeai-je.Maisjemegardaideledireàvoixhaute.Parcequejen'avaisjamaisassociéleverbe«aimer»àunhomme.

Page 134: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre17Jemeréveillai.Seule.Alarmée,jemeredressaienmefrottantlesyeux.Lalumièredusoleilquifiltraitentreleslamesdustoreétaitàl'originedemoninquiétude.Jen'avaispasentenduLuc.Ilnedormaitjamaisaussilongtemps.Je sautai hors du lit et me précipitai dans le séjour. Là, je pilai net, un peu à là façon d'unpersonnagededessinaniméaubordd'unefalaise.Unetasseàdemipleinedecaféétaitabandonnéesurlatable.Assissurlecanapé,enjeanetenT-shirt,JacktenaitLucdanssesbras.Ilsregardaientlejournaltélé.—Vousvousêteslevésensemble?demandai-je,perplexe.—J'aipréférételaisserdormir.Jet'aipasmalépuisée,cettenuit.Jemepenchaipourlesembrassertousdeux,etj'eusdroitàunsourireédentédelapartdeLuc.Cederniers'étaitréveilléunepremièrefoisaumilieudelanuit,etJackavaittenuàseleverenmême temps quemoi. Pendant que je changeais la couche, il avait réchauffé le biberon, puiss'étaitassisprèsdemoipourmetenircompagniependantqueLucbuvait.Deretouraulit,Jackm'avaitprisedanssesbrasetcaressée.Ilavaitparcourumoncorpsdesalanguediabolique,m'offrantunelongueséancedetortureraffinée.Ilm'avaitsoulevée,tournéeentoussens,etnousavionsfaitl'amourdansdespositionsquejen'auraisjamaisimaginées.Noncontentd'êtreenpleineformephysique,Jackétaitunamantparticulièrementinventif.J'avaisdûle supplierpourqu'il consenteenfinàme laisser sombrerdans le sommeil.Épuisée, comblée,j'avaisdormicommeunesouchelerestedelanuit.—Celafaisaituneéternitéquejenem'étaispaslevéesitard,déclarai-je.Quellenuitmerveilleuse!—Tuparlesdetontempsdesommeiloudenoscabrioles?—Denoscabrioles,biensûr...maislesommeilarrivetoutdesuitederrière.—TucroisquetamèrepourraittedonneruncoupdemainpourgarderLuc?J'allaimeservirunetassedecafé,ajoutaiuntraitdelait.—J'arriveraipeut-êtreàlaconvaincre,sijechoisislebonjouretsicelan'interfèrepasavecsesprojetspersonnels.Mais je suisdéjà fatiguéeà l'idéedeseffortsqu'il faudradéployerpour luiprouvermagratitude.Quandmamèreacceptedeterendreservice,elles'imaginequetuluiesredevableadvitamaetemam.Etpuis...jen'aipasconfianceenelle.—Tucroisqu'elleferaitdumalàLuc?—Pasphysiquement,non.Ellen'ajamaislevélamainsurnous.Maisc'estlareinedumélo,ellesanglote,ellecrie-cequiexpliquequejenesupporteplusd'entendreéleverlavoix.Jeneveuxpasqu'elleinfligeunedecesscènesàLuc.Déjàquejeneveuxpasresterseuleavecelle,jemevoismalluiconfierLuc.Jem'assissurlecanapé,posaimatassesurlatablebassepourprendrelebébédansmesbras.—Coucou,moncoeurmurmurai-jeenlepressanttoutgigotantcontremapoitrine.Jeglissaiuncoupd'œilàJack.—Ettoi,ilt'arrivesouventd'éleverlavoix?—Seulementpendantlesmatchsdefoot.Non,cen'estpasvrai.Jecrieaussisurlesconstructeurs.

Page 135: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Ilm'embrassasurlatempe,enfouitlesdoigtsdansmescheveux.—Tuasprévuquelquechosepouraujourd'hui?s'enquit-il.—Non.—Tuveuxquenouspassionslajournéeensemble?—Volontiers.—J'aimeraisvousemmeneraulacConroe,Lucettoi.J'aiunbateauamarrélà-bas.Jevaisappelerlamarinaetdemanderqu'onnousprépareundéjeuneràemporter.—Cen'estpasrisquéd'emmenerLucsurunbateau?—Danslacabine,ilseraensécurité.Etsurlepont,nousluimettronsungiletdesauvetage.—Tuenasunàsataille?—J'endemanderaiunàlamarina.

Le lac Conroe se trouvait a une soixantaine de kilomètres du Metroplex1 et était considérécommelabasedeloisirsofficielledeHouston.Le plan d'eau s'étendait sur une trentaine de kilomètres de longueur. Vu du ciel, il avaitvaguement la formed'unscorpion.Untiersdesesrivesétaitbordépar la forêtnationaleSamHouston.Onytrouvaitaussideszonesrésidentielleshuppéesetplusd'unevingtainedeparcoursdegolf.Jen'avaisencorejamaisétéaulacConroe,maisj'avaisentenduparlerdesescouchersdesoleilsomptueux,desescomplexestouristiquesdeluxeetdesesrestaurantsréputés.L'endroitétaitégalementdepremierchoixpourlapêche.—Jen'yconnaisrienenpêcheetenbateau,prévins-jeJackpendantletrajet.Jet'aideraidemonmieux,maistudoissavoirquejen'aipasvraimentlepiedmarin.Jacksourit.Avecseslunettesdesoleilmodèleaviateur,sonbermudakakietsonpoloblanc,ilirradiaitunevitalitétrèssexy.—Il y a des assistants pour donner un coup demain au démarrage. Toi, tu auras pour seulemissiondet'amuser.—Çameva.Jemesentaisd'humeurjoyeuse,pleined'unedouceeuphorieencorejamaiséprouvée.Atelpointquej'avaisdumalàtenirenplace.Jemetrémoussaiscommeunegamineledernierjourd'école,cinqminutesavantledébutofficieldesgrandesvacances.Pourlapremièrefoisdemavie,jen'avaispasenvied'êtreailleurs.Niavecpersonned'autre.Jemecontorsionnaipourjeteruncoupd'œilàLuc,maissonsiègeautoavaitétéinstallédosàlaroute. J'ébauchaiungestepourdébouclermaceinture. Jackm'arrêtaenposant samain sur lamienne.—Laisse-le,Ella.Ilvabien.—Jesuistoujoursunpeuinquiètequandjenepeuxpaslevoir.—Aquelâgepourra-t-ilvoyagerdanslesensdelaroute?—Pas avant un an.Mais il ne sera plus avecmoi à cemoment-là, remarquai-je, etma bonnehumeurs'assombritd'uncoup.—TuaseudesnouvellesdeTararécemment?—Non,Jecomptaisl'appelerdemainpourprendredesesnouvellesetluiendonnerdesonfils.Jedoisdireque je suisunpeu surprisedupeud'intérêtqu'elle lui témoigne, ajoutai-je aprèsunsilence.Ellemedemandes'ilvabien,maispourcequiestdesdétails-cequ'ilmange,s'ilrientsatète,cegenredechoses-,ellen'apasl'airdes'ensoucier.—Elles'intéressaitauxbébésavantd'êtremère?—MonDieunon.Moinonplus,du reste. Je trouvaisassommantd'écouter lesgensparlerdes

Page 136: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

prouessesdeleursenfants.Maisc'estdifférentquandc'estletien.—Taran'apeut-êtrepasétésuffisammentlongtempsavecluipourqu'unliensecrée,—Peut-être.Maismoi,dèsledeuxièmejour.J'aicommencéà...Jem'interrompis,rougis.Jacktournabrièvementlatêteetachevamaphrasedunevoixdouce:—Tuascommencéàl'aimer?—OuiLapressiondesamainsurlamiennes'accentua.—Pourquoicelat’embarrasse-t-il?—Celanem'embarrassepas,c'estjusteque...cen'estpasfacilepourmoideparlerdecegenredechoses,—Tuécrissurlesujettoutelajournée,c'esttonmétier.—Oui,maiscenesontpasmespropressentimentsquisontenjeu.—Quandc'estlecas.tutesenspiégée.—Paspiégée,mais...c'estplutôtencombrant.Ilsourit.—L'amourestencombrant?Dequellemanière?—Parexemple,quandj'airompuavecDane...Toutauraitétébienpluscompliquéetdifficilesinousenétionsarrivésàl'étapedu«Jet'aime».Commeçan'étaitpaslecas,sesépareraétéplusfacile.—Àunmomentdonné,ilfaudrabienquetuteséparesdeLuc.Tun'auraispeut-êtrepasdûluidirequetul'aimais.—Voyons,c'estunbébé!ilfautqu'ilentendecesmots-là.C'esttrophorribledeveniraumondesansquepersonnevousdisequ'ilvousaime.—Mes parents neme l'ont jamais dit. Ils pensent qu'il ne faut pas galvauder cesmots en lesprononçantàtortetàtravers.—Ettuesd'accordaveceux?—Non.Silesentimentexistebeletbien,autantl'admettre.Ledireouletairen'ychangerarien.Ilfaisaittrèschaudcejour-là.Lamarinagrouillaitdemonde.Lesplanchesdeboisdespontonscraquaientsouslescentainesdepiedsquilesparcouraient.J'aperçusdejeunesgarçonstorsenu,des filles en maillots de bain minimalistes, des hommes qui arboraient sur leur T-shirt desinscriptionstellesqueBoucle-laetpêcheouencoreUngorgeonaprèslegoujon.Lesplusâgésportaientdesshortsenpolyesteretdeschemisescubainesbrodées,ainsiquedeschapeauxà largebord.Quelquesdamesàmiseenplis arboraientdesvisièresdont l'élastiqueébouriffait leursboucleslaquées.Onauraitditqu'ellesavaientunchampignonatomiquesurlatête.L'airsentaitlavaseetlesalgues,odeursquisemêlaientàcelledelabière,dudiesel,desappâtsetdelalotionsolaireàlanoixdecoco.Unchienaffairétrottaitlelongduquaiet,parvenuaubout,rebroussaitchemin.Apparemment,iln'avaitpasdemaître.Unassistantvêtud'unetuniquerougeetblancvintnousaccueillir.IlappritàJackquelebateauavait éténettoyé,que le réservoir étaitplein, labatterie chargée, lanourritureet lesboissonsrangéesdanslacantine.Toutétaitprêtpourledépart.—Etlegiletdesauvetagepourlebébé?s'enquitJack.Lenécessaireavaitétéfait,legiletpournourrissonsetrouvaitàbord,l'informal'assistant,Lenomdubateauétaitinscritsurlacoque:DernièreLubie.Ilétaitdeuxfoisplusgrandque,ceàquoijem'attendais-dixmètresàvuedenez.Jackm'aidaàfranchirleportillon,puisilmefîtfaireunrapidetourdupropriétaire.Ilyavaitàborddeuxcabinesparticulièresdisposantchacuned'un

Page 137: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

cabinetde toilette, unekitchenette équipée,un séjour lambrissé très confortable etune télé àécranplat.—Mazette!m'exclamai-je, impressionnée.Quandtum'asditqu'ilyavaitdequoiloger, j'aicruquetuparlaisdecescabinestoutessimplesoùl'onpeutlogerdeuxchaisesetunetable.Çac'estunyacht,Jack!—Unyachtdepêche,alors.Disonsplutôtunejolievedettepolyvalente.—C'estridicule.Onpeutavoirdel'argentdepocheouuncouteaudepoche.Maisonnepeutpasmettreunbateaudanssapoche!—Nousdiscuteronsplustarddecequ'ilyadansmespoches,décréta-t-il.EssaieplutôtlegiletàLucpourvoirs'illuiva.En rythme de croisière, la balade se déroula le plus tranquillement du monde. La proue delaDernière Lubie fendait sans hésiter les eaux sombres du lac. J'avais pris place sur le pontsupérieur,surunebanquetterembourrée,prèsdusiègeduskipper.Lucdisparaissaitdansungiletdesauvetageennylonbleu,satêteémergeantàpeinedel'énormecol gonflable. Cet attirail devait être plus confortable qu'il n'y paraissait, àmoins qu'il ne soitfascinépar toutes ces sensationset cesbruitsnouveaux,quoiqu'il en soit, il étaitd'un calmeolympien.Jeleposaisurmongiron,étendislesjambessurlabanquette.Jacknous fit faire le tourduLac. Ilnousmontrait lesmaisonsdignesd'intérêt, lesminusculesÎlots,parfoisunaiglequisurvolaitlelacàlarecherched'unpoisson-chat.Jesirotaiunverredevinblanc frappé qui avait un goût de poire, submergée par cette sensation de bien-être qu'onéprouveuniquementàbordd'unbateausouslesoleil.Nousjetâmesl'ancredansunecrique,àl'ombredespinsetdescèdres,làoùlerivagen'avaitpasétébétonné.Jedéballainotredéjeuner,découvrisunpotdemielcrémeux,despetitesbaguettesdepain croustillantes, des rondellesde fromagede chèvre cendré, de la salade composée, desmignardisesraffinéesetdescookiesdelatailled'unejantedevoiture.NousprimesletempsdesavourercefestinetterminâmeslabouteilledevinpuisjedonnaisonbiberonàLucavantdelechanger.Ils'assoupissaitdéjà.—C'estl'heuredelasieste,annonçai-je.Nous l'emportâmes dans la cabine climatisée et je le déposai aumilieu du grand lit, Lucmeconsidéra entre ses paupières, cilla à plusieurs reprises puis sombra pour de bon dans lesommeil,—Faisdebeauxrêves,chuchotai-jeenl'embrassantsurlefront.Jem'étiraidoucementetjetaiuncoupd'oeilaJackquiattendaitsurleseuildelacabine,appuyéauchambranle,lesmainsdanslespoches.—Approche,murmura-t-il.Lesoncaressantdesavoixmedonnalefrisson.Il m'entraîna dans l'autre cabine où régnait une agréable chaleur. Cela sentait le bois et unimperceptiblerelentdediesel.—Jepeuxfaireunepetitesieste?demandai-jeengrimpantsurlelitaprèsm'êtredébarrasséedemeschaussures.—Tupeuxfairetoutcequeluveux,monange.Ils'étenditprèsdemoi,clnousdemeurâmesainsi,allongéssurleflanc,faceaface.LesyeuxdeJacknequittaientpasmonvisage.Duboutdel'index,ilsuivitledessindemonsourcil,lemodelé

Page 138: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

d'unepommette.IIaffichaitunairdesuprêmeconcentration,telunexplorateurquidécouvreunereliquefragiled'unevaleurinestimable.Jemesouvinsdel'habiletédémoniaquedecesmains,decescaressesintimesdontilm'avaitgratifiélanuitpassée,etunebrusquechaleurm'envahitmesjoues.—J'aienviedetoi,chuchotai-je.Tousmessenssemirentenalertelorsqu'ilentrepritdemedévêtir,sanshâte.Salangueencerclalapointedurcied'unsein, tandisquesamaindescendait surmes reins,déclenchantdans sonsillageunecascadedefrissons.Ilsedéshabillaasontouretjem'émerveillaiunefoisdeplusdesapuissancephysique.Puisilmemanipula doucement, en des positions de plus en plus offertes, où je me sentais exposée etvulnérable,livréeàcesmainsetàcettelanguequim'exploraientsansrelâche.Très vite mon souffle se fît haletant. Jack se positionna au-dessus de moi, pesant sur mespoignets,medominantouvertementsansque jesongeàm'enoffusquer.Gémissante, J'ondulaides hanches en une invite suppliante. Je gémis encore lorsqu'il me pénétra avec une infinielenteuretquesoncorpssemitàglissersurlemien,dansunvoluptueuxballetcharnel,chairdurecontrecourbestendres.Chaque poussée donnait naissance à un flot de sensations nouvelles et attisait le feu quimecarbonisait les entrailles. Jack s'immobilisa pour tenter de retarder le déferlement du plaisir.Libérantmespoignets,ilentrecroisasesdoigtsauxmiens.Jemetendisverslui.éperdue,folled'impatiencemaisiltintbon,inspiraprofondémentpournepascéderà lavague impétueuse. Jemedéhanchaialors,mepressai contre lui, jusqu'àcequ'ilcraque, s'abandonne, reprenne ses va-et-vient profonds et réguliers. Sa bouche cueillit messanglots au borddemes lèvres dans un baiser affamé. Comme ilm'emprisonnait toujours lesmains et que jenepouvais l'enlacer, je nouai les jambes autourde ses reins.Dents serrées, ils'enfouitleplusloinpossibleenmoiencoreetencore,jusqu'àl'éruptionfinalequilejetacontremoidansunfeulementdeplaisirpartagé.Brasetjambesemmêlés,nousreprîmesnotresoufflepeuapeu.Jecalailatêtecontresonépaule.Commec'étaitétranged'êtreallongéelà,danslesbrasdecethommequin'étaitpasDane.Plusétrangeencore,celameparaissaittoutnaturel.JesongeaiacequeDanem'avaitdit:ilnevoulaitpasd'unerelationconventionnelle,maisj'étaislibred'envivreunesijelesouhaitais.—Jack,murmurai-jed'unevoixensommeillée.—Oui?—Est-cequenousavonsunerelationconventionnelle?—TuveuxdireparoppositionàcellequetuavaisavecDane?Jediraisoui,—Donc..elleseraitdugenreexclusif?Jackhésitaunedemi-secondeavantderépondre:—C'estcequejedésire.Ettoi?—Celamemetmalal'aisequetoutaillesivite.—Maisviscéralement,dequoias-tuenvie?—Mesviscèresetmoi,nouscommuniquonspeu.Ilsourit.—Lesmiensontpresquetoujoursraison.Et ilsmedisentquenotrehistoireenvaut lapeine.Pourquoi ne pas tenter le coup, juste toi et moi, sans personne d'autre, sans rien pour nousdistrairel'undel'autre?Essayonsdevoiroùcelapeutnousmener,d'accord?Jebâillai.—D'accord.Maisqueleschosessoientclaires,celanedeviendrajamaissérieuxentrenous.Surladurée,ilnesepasserarien.

Page 139: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Dors,chuchota-t-il.Bienquej'aiedumalàgarderlesyeuxouverts,j'insistai:—Tum'asbiencomprise,je...—Oui,j'aicompris.Etilm'entouradesesbrastandisquejeplongeaidanslesommeil.Ma belle humeur vola en éclats dès notre retour au 1800 Main Street, quand j'écoutai mesmessagessurlerépondeur.Taraavait appelé trois fois.Elle semblait enproie àunegrandeagitationet exigeaitque je larappelle,quellequesoitl'heure.—C'estàcausedenotreentrevueavecMarkGottler,dis-jed'untonlugubreàJackquiétaitentrain de sortir Luc de sa nacelle. À cause du contrat. J'en mettrais ma main au feu. Je medemandaiss'illuienparlerait.—TuluiasditquenousavionsvuGottler?—Non,jen'aipasvoulul'ennuyeravecça.Elleestcenséeseremettred'aplomb...Elleestfragile...SiGottlerluiaraconténotreentretien,jetejurequejeletue!—Rappelle-la tout de suite, que nous en ayons le coeur net, suggéra Jack avec calme tout enemportantLucverslatableàlanger.—Sacoucheestsale?Jevaislachanger...—Téléphoneàtasœur,chérie.Crois-moi,sijepeuxéviscérerunebiche,jedevraisréussiràmedébrouilleravecunecouchesale.Je lui adressaiun sourire reconnaissant avantdedécrocher le téléphone.Tara réponditdès ladeuxièmesonnerie.—Allô?—Tara,c'estmoi.Jeviensd'avoirtonmessage.Commentçava?D'unevoixaussicoupantequeduverrebrisé,ellerépliqua:—Toutallaitbienjusqu'àcequeMarkm'appellepourmedirecequetuavaistrafiquédansmondos!Jeprisuneprofondeinspiration.—Jeregrettequ'ilt'aitembêtéeavecça.—Tudevraisplutôtregretterdet'êtremêléedecettehistoire!Tutedoutaisquecelameferaithurler,sinontum'auraismiseaucourant.Qu'est-cequit'apris,Ella?Etpourquoias-tuimpliquéJackTravislà-dedans?—C'estunami,ilm'aaccompagnéepourmesoutenirmoralement.—Dommage,tuluiasfaitperdresontemps,etletien.Toutcelan'aserviàrien.Jenesigneraiaucuncontrat. Jen'aipasbesoindetonaide,surtoutpascegenred'aide!Tun'imaginespasàquelpointj'aieuhonte!Tusaiscequiestenjeu?Tuvasruinermaviesitunetemêlespasdetesoignons!Jenerépondispas,tâchaideretrouverunerespirationrégulière.QuandTaraétaitencolère,elleressemblaiténormémentànotremère.— Jenevais rien ruinerdu tout, dis-je enfin. Je fais juste ceque tum'asdemandéde faire, jeprendssoindeLuc.Etj'essaiedem'assurerquetuobtiendrasl'aideàlaquelletuasdroit.—Markavaitdéjàpromisdem'aider.Cen'étaitpas lapeined'avoirrecoursàdesavocats !Sanaïvetémesidéra.—Bonsang,Tara,combiendemensongesvas-tuencoregoberd'unhommequitrompesafemme?Jel'entendispousseruncridefureurindignée.

Page 140: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Çaneteregardepas.C'estmavie.JeneveuxpasqueturevoiesMark.Jamais.Tunecomprendsrienàlusituation!—Jecomprendsbienplusquetoi.Écoute-moi,Tara...Tuasbesoind'êtreprotégée.Iltefautdesgaranti.Markt'at-ilditcequenousavionsnégociépourtoi?—Non,etjeneveuxpaslesavoir.Jesaiscequ'ilm'apromisetcelamesuffit.Detoutefaçon,situm'apportesuncontrat.J'enfêtaidesconfettissansmêmelelire!—Puis-jeaumoinslediredequoinousavonsparlé?—Non.Riendecequetuasàmedirenem'intéresse.Pourunefoisdansmavie, jesuissurlepointd'obtenirceque jeveux,et tudébarquesavectesaprioriet tescritiques,et tu fiches lapagaille.Commemaman!Jefrémis.—Jenesuispascommemaman.—Si,tul'es!Tuesjalouse,commeelle.Jalouseparcequejesuisplusjolie,quej'aiunbébéetunpetitamiriche.Àcetinstantprécis,jedécouvrisqu'onpouvaiteffectivementvoirrouge,ausenslittéral.—Ilseraittempsdegrandir.Taraiaboyai-je.Clic.Silence.Jefixailecombiné,secouailatête,incrédule,abattue.—Jack.—Oui?—Je viens de dire àma soeur - qui est internée dans une clinique psychiatrique - qu'il seraittempsdegrandir.—C'estcequej'aicrucomprendre.Ils'approcha,Lucdanslesbras.Jeluijetaiunregardmome.—TuaslenumérodeMarkGottler?Ilfautquejerappelle.—Ilestenregistrédansmonportable.Ilm'étudiauninstant,puis:—Tunevoudraispasplutôtquejem'encharge?Jepeuxfaireçapourtoi.Jeréfléchisàsaproposition.J'étaistoutàfaitcapabled'appelerGottlermoi-même,maisjesavaisque Jackétaitmesdouépourgérer cegenrede situations.Et c'étaitbonde se sentir épaulée.J'acquiesçaid'unhochementdetète.IlmepassaLuc,allarécupérersonportablesurlatable.MarkGottlerréponditpresquetoutdesuite.—Bonjour.Mark.Commentallez-vous?...Parfait...Oui,toutvabien,saufquenousavonsunpetitproblème, et que j'aimerais clarifier certaines choses. Ella vient d'avoir une discussion assezhouleuseavecTaraaproposdenotreentretienetducontrat.Ellan'estpastrèscontente,etmoinonplus.Nousaurionsdûvouspréciserquetoutcecidevaitresterentrenous,maisjen'aipasimaginéquevousiriezcriersurlestoits.Ils'interrompîtpourécouterGottler,etrépliquad'untoncinglant:—Jesaispourquoivousl'avezfait.Mark.Maismaintenant,àcausedevous,lesdeuxsœurssonten délicatesse. Qu'importe ce qu'affirme Tara, elle n'est pas en état de prendre des décisionsactuellement... Ne vous inquiétez pas de savoir si elle signera ou non ce contrat. Quandmesavocatsvousl'aurontfaitparvenir,jeveuxquevouslesigniezavantdemelerenvoyerdanslesplusbiefsdélais.Jackécoutaencoreunmoment.—ParcequeEllam'ademandéd'intervenir,voilàpourquoi,répliqua-t-il.J'ignorecommentvous

Page 141: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

réglezd'ordinairecesquestionsépineuses...Oui,c'estexactementcequejesous-entends.Lefaitest,Mark,quejeveuxm'assurerqueTaraetLucobtiendrontleurdû.Jeveuxqu'ilsbénéficientdetoutesceschosesdontnousavonsparlé.Voussavezcequ'ilencoûtedesemettrelesTravisàdosàHouston...Nonbiensûr,cen'estpasunemenace.Jevousconsidèrecommeunami,etjesaisquevousnevousdédirezpas.Alorsmettons leschosesauclair:aucoursdesdeuxmoisàvenir, iln'estplusquestionquevousennuyiezTara.Lecontratserasigné,etsivouscréezdesproblèmes,jevousgarantisquevousenaurezdebienplussérieuxvous-même.Aucundenousnesouhaiteenarriver là, n'est-ce pas ? La prochaine fois que vous aurez quelque chose à dire à ce propos,appelez-moioucontactezElla.Taraesthorscircuit jusqu'àsasortiede laclinique...Bien...Moiaussi.Aurevoir.Jackcoupalacommunication,puismelançaunregardinterrogateur.Lepoidsquim'oppressaitl'instantd'avants'étaitbeaucoupallégé.—Merci,Jack.Tucroisqu'ilvaseteniràcarreaumaintenant?—Certainement.Jem'assissurlecanapé.Ilvints'accroupirdevantmoi.—Çavaaller,murmura-t-il.Net'inquiètepas.Jelevailamainpourluicaresserlescheveux.Puis,curieusementintimidée,jedemandai:—Tuveuxpasserlanuitici,outu...—Oui.Avecunsourireencoin,jerisquai.—Tunepréfèrespasprendreletempsd'yréfléchir?—D'accord.Ilfronçalessourcils,feignitdes'abîmerdansuneintenseréflexion,puisrépéta:—Oui.

Page 142: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre18Aucoursdumoisquisuivit,Jacketmoipassâmestoutesnosnuitsensemble,ettousnosweek-ends. Je ne me lassais pas de sa présence. Parfois, je me reconnaissais à peine, à rire et àm'amusercommelagamineinsouciantequejen'avaisjamaisété.Nousnousrendîmesdansunbar de cambrousse où l'on jouait de la musique country. Jack m'entraîna sur la piste encorepoisseusederésidusdebièreetdetequila,etm'appritàdanserletwo-step.Unautrejour,nousvisitâmesune serreàpapillons.Comme l'und'eux seposait surmonépaule, ilmechuchotaàl'oreille:—Ilteprendpourunefleur.Plus tard, ilnousemmena,Lucetmoi,surunmarchéaux fleursetà l'artisanat. Ilm'achetaunénormepanierdesavonsfaitmain,etdeuxcagettesdepêchesjaunesfondantes.Nouspassâmesdéposerl'unedescagetteschezsonpèreetnousnousattardâmesunepetiteheure.Àl'occasiondecettevisite,nousdécouvrîmeslegreenquivenaitd'êtreaménagéauboutdelapropriété.Ayantapprisquejen'avaisjamaisjouéaugolf,ChurchillTravisdécidademedonnerunepetiteleçonimpromptue.Commejeluifaisaisremarquerquejen'allaispasmelancerdansuneactivitédanslaquellejen'étaispasdouée,ilrétorquaqu'ilyavaitdeuxchosesdanslavieauxquellesonpouvaitprendreplaisirmêmesil'onn'étaitpasdoué,etquelegolfeuétaitune.Avantquej'aieletemps de demander quelle était la deuxième. Jack leva les yeux au ciel et m'entraîna vers lamaison,maispasavantquesonpèreluiaitfaitpromettredemeramenersouspeu.Il nous arrivait d'assister à des soirées chics, un concert demusique classique à but caritatif.L'inauguration d'une galerie de peinture, ou encore un dîner dans un restaurant singulieraménagédansuneégliserénovéedatantde1920.LafaçondontlesfemmessemettaientàminauderetàflirterenprésencedeJackm'amusaitetm'agaçaittoutàlafois.Ildemeuraitcourtois,maisdistant,cequisemblaitseulementlesinciteràen faire plus. Je commençais àme rendre compte que Jackn'était peut-être pas le seul à êtrepossessif.Le samedi et le dimanche après-midi, une baby-sitter venait s'occuper de Luc pendant que jerejoignaisJackchezlui,Nousfaisionsl'amour,discutionsdesheuresdurant,parfoislesdeuxenmême temps. Jack était un amant inventif et habile. Il éveillait ma sensualité, m'ouvraitgraduellementàdesplaisirsnouveaux.Jouraprèsjourjemesentaischangerdebiendesfaçons,maisnepouvaismerésoudreàyregarderdeplusprès.Nous devenions trop proches, j'en avais conscience, mais je ne savais pas du tout commentfreinercetteévolution.Jemesurprisàluiracontermonenfance,àluiconfierdesanecdotesquejen'avaisracontéesqu'àDane.àévoquerdessouvenirssidouloureuxqueleslarmesmemontaientauxyeuxetquemavoixsebrisait.Au lieud'énonceruneplatitudephilosophiqueoudechercheram'abreuverdeconseils,Jacksecontentaitdemeprendredanssesbras.Etc'étaitcedontj'avaisleplusbesoin.Maissouvent,j'étaislaproiededésirsconflictuels.Endépitdelafolleattirancequej'éprouvaispour lui, jem efforçais d'ériger de fragiles barrières entre nous. Comme il était trèsmalin, il

Page 143: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

n'essayaitpasdelesabattre,préférantsereposersursonpouvoirdeséductionquiopéraitavecuneredoutableefficacité,toutendouceurimmuableetpatienceinébranlable.Jack nous emmena, Luc et moi, chez Graig et Liberty, à Tanglewood. Il m'avait expliqué qu'ilpasseraitunepartiedelajournéeàaidersonfrère,quiétaitentraindeconstruireunebarquedequatremètres dans son garage. C'est Carrington, la sœur de Liberty, que celle-ci avait élevéequasiment depuis sa naissance, qui était à l'origine duprojet. Elle n'avait que onze ans, aussiGraigluidonnait-iluncoupdemain.ÀTanglewood,zonerésidentielledeGalleria,lesterrainsétaientpluspetitsqu'àRiverOaks.Graiget Liberty y avaient fait l'acquisition d'une propriété délabrée, l'un des derniers ranchs quidataientdesannées1950,IlsavaientduconstruireàlaplaceunedemeurestylevieilleEuropeenpierrecalcaire,stucettoitd'ardoise.Levestibuleenformederotondes'ouvraitsurlepremierétage auquel on accédait par un escalier courbe protégé par une rampe en fer forgé qui seprolongeaitsurlepalier.Iln'yavaitlàriendeclinquant,justeunesérénité,unepatine,commesilamaisonexistaitdepuisdessiècles,Libertynousaccueillitàlaporte.Sescheveuxétaientattachésenqueue-de-cheval.Elleportailunmaillotdebainnoir toutsimplequimettaitenvaleursasilhouetteultra-féminine,ainsiqu'unshort en jean effrangé. Ses tongs étaient décorées de fausses fleurs brodées de sequins. Je luitrouvaiuncharmeparticulier,mélangeétonnantdesensualitéetdegentillesse.—J'adorevostongsm'exclamai-je.Ellem'étreignitcommesinousétionsdevieillesamies.—C'estmasœur,Carrington,qui lesafabriquéespendant sondernier campd'été.Vousne laconnaissezpasencore.Salut, l'étranger!ajouta-t-elleensehissantsur lapointedespiedspourembrasserJack.Onnet'apasvusouventcestemps-ci.—J'étais-trèsoccupé.—Tantmieux,celat'empêchedefairedesbêtises.ElleluipritLucdesbrasetsemitàlecâliner.—Onoubliequ'ilssontsipetitsàcetâge.Ilestvraimenttrognon.—Merci,répondis-jeavecunefiertétoutematernelle.Graig,lemarideLiberty,fitsonapparitionencompagnied'uneenfantblondequejedevinaiêtreCarrington.ElleneressemblaitpasdutoutàLibertyetj'enconclusqu'ellesdevaientêtredemi-soeurs.—Jack!s'exclama-t-elleens'élançantversluisursesjambesfluettes.Mononclepréféré!—Pas lapeinedemebrosserdans lesensdupoil, j'aidéjàpromisde t'aideràconstruire tonbateau,répliqua-t-il,goguenard.—Ons'amusebien,tusais.Graigs'estflanquéuncoupdemarteausurlepouceetiladitdesgrosmots.Etilmelaisseutiliserlavisseusesansfil.Etj’aiaussienfoncédesclousdanslacoquedubateau...—Lavisseuse?répétaLibertyenlançantunregardmi-inquiet,mi-réprobateuràsonmari.—Elle sedébrouille commeun chef, assura cedernier avantde se tourner versmoipourmeserrerlamain.Bonjour,Ella.Jeconstatequevosfréquentationsnesesontpasaméliorées.—Necroispasunmotdecequ'ilraconte,intervintJack.Jesuisetj'aitoujoursétésagecommeuneimage.Graigsecontentadericaner.Libertyluipritla-main.—Montre-moicepouce...—Cen'estrien.Mais Liberty se rembrunit en découvrant ledit pouce dont l'ongle était déjà bleuâtre. Je fusfrappéeparlechangementd'expressiondeGraigtandisqu'ilregardaitsafemmepenchéesursa

Page 144: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

main,etlasoudainedouceurquiavaitenvahisonregard.Gardantlamaindesonmaridanslasienne,Libertymeprésentaàsasoeur:—Carrington,voiciMlleVarner.La fillettemeserra lamain.Sonsourirerévéladeux incisivesde travers.Elleavaitun teintdeporcelaineetdesyeuxd'unbleucéleste.Sursonfrontetsonnez,jeremarquaidesmarquesroses,commesiellevenaitd'ôterunmasque.—Appelle-moiElla, luidis-je,avantd'ajouteràl'intentiondeLiberty:Pasdeproblèmeaveclavisseuse,elleportaitunmasquedeprotection.—Comment le savez-vous? s'écria Carrington impressionnée. Avant que j'aie le temps derépondre,elleaperçutLucets'extasia.—Qu'ilestmignon!Jepeuxleporter?Jesaiscommenttenirunbébé,j'ail'habitudeavecMatthew,jeleprendstoutletemps.—Toutàl'heure,quandonserasassise,intervintJack.Pourlemoment,nousavonsdupainsurlaplanche.Allonsjeteruncoupd'oeilàcebateau.—Il est dans le garage, fit Carrington en le tirant par la main. Jack m'adressa un regardinterrogateur,—ÇatedérangepasderesterprèsdelapiscineavecLiberty?—Tuplaisantes?répondis-je.Libertysedirigeaversl'arrièredelamaison.ElleroucoulaittoujoursavecLucetjeluiemboîtailepasaveclesacàlanger.—OùestMatthew?demandai-je.—Ils'estendormiplustôtaujourd'huiLababy-sitternousl'amèneraquandilseraréveillé.Noustraversâmesunecuisine,quiressemblaitàcelledecertainschâteauxfrançais.Uneporte-fenêtreouvraitsurunepelouseverdoyanteponctuéedemassifsde fleurs. Ilyavaitégalementuneterrasseenboisavecbarbecue,etsurtoutunepiscineen formedehuit, semblableàdeuxlagonsquiserejoignaient.Silepremieravaituneprofondeurnormale,lesecondn'étaitqu'unepataugeoire.Onyaccédaitparuneplagedesablesurlaquellesedressaitunvraipalmier.—C'estdusabledeHawaï,expliquaLibertyenvoyantquej'ouvraisdegrandsyeux.Lepaysagisteadûapporterunevingtained'échantillonsdifférents.GraigetCarringtonontpasséuntempsfouàchoisirlequelferaitlesplusbeauxchâteauxdesable.—Parcequelesableaétéexpédiédélà-bas?—Oui.Unpleincamion.L'employéchargédel'entretiendelapiscinenoustueraitavecplaisir.MaisGraigavaitdécidéqueceserait sympaqueCarringtonait saproprepetiteplage. Il feraitn'importe quoi pour elle. Tenez, Ella, je vous rends Luc le temps d'aller mettre la brumerafraîchissanteenmarche.—Labrumerafraîchissante?Elleme tendit le bébé et alla activer une commande près du barbecue. Aussitôt, des gicleursencastrés dans la terrasse autour du bassin se mirent à diffuser une fine brume. J'en restaipantoise.— C'est extraordinaire, murmurai-je. Ne le prenez pas mal Liberty, mais vous avez une viesurréaliste.—Jesais,enconvînt-elleavecunepetitegrimace.Croyez-moi.jen'aipasgrandiainsi.Nousnousinstallâmesdanslesalondejardin,auborddelapiscine.Libertyplaçauneombrelleau-dessusdeLuc.—Commentavez-vousfaitlaconnaissancedeGraig!voulus-jesavoir.

Page 145: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Jackm'avait expliqué que c'était Churchill qui avait présenté Liberty à sa famille, mais je neconnaissaispasl'histoireendétail.— Je travaillais dans le salon de coiffure où Churchill avait l'habitude de se Faire couper lescheveux.Nousavonssympathisé.Jesuisdevenuesamanucureattitrée.Libertymejetameregardespiègle,etjecomprisqu'elleguettaitmaréaction.Nuldoutequ'àcestadelaplupartdesgensdevaienttirerdesconclusions.Jedemandaisansdétour:—Yavait-ilplusquedel'amitiéentrevous?Libertysecoualatêteensouriant:—J'aitoutdesuiteadoréChurchill,maisnotrerelationétaittoutcequ'ilyadeplatonique.—C'étaitunesortedefigurepaternellepourvous?—Exactement. Mon propre père est mort quand j'étais très jeune. Je pense que j'ai toujoursressentiunmanqueaffectifàceniveau.Auboutd'unan,Churchillm'aengagéecommeassistante,etc'est làquej'airencontrésafamille. Jemesuistoutdesuitetrèsbienentendueavectout lemondesaufGraig,confia-t-elleavecunrirepleindefraîcheur.Jeletrouvehorriblementarrogant...maisaussitrèssexy.—Ilfautreconnaîtrequec'estunequalitéataviquedanslafamilleTravis,acquiesçai-jeenriantàmontourLibertyôtasestongsetétenditsesjambesbronzées.—C'estunefamillevraiment...surprenante,commença-t-elle.Ilssonttoustrèsdéterminés.Destempéramentstrèsforts.Jackestleplusfacileàvivre,dumoinsenapparence.C'esttoujoursluiquisechargedepréserverl'équilibrefamilial.Maisilpeutsemontrertrèstêtu.Ilfaitleschosesàsamanièreet,quandc'estnécessaire,iln'hésitepasàseprendrelebecavecChurchill.VousavezprobablementremarquéqueChurchilln'étaitpasleplusfaciledespères,ajouta-t-elleaprèsunsilence.—Jesaisqu'ilattendénormémentdesesenfants.—Eneffet.Etilaaussidesidéestrèsprécisesquantàleurschoixetàlafaçondontilsdoiventvivre.Quandl'und'euxruedanslesbrancards,ilentredansdescolèresnoires.Maissivousluiteneztête,ilvousrespecte.Ilpeutaussisemontrertrèsattentionnéetcompréhensif.Engénéral,plusonleconnaît,plusonl'aime.Àmontour,jemetendislesjambesdevantmoietétudiaimesorteilsdépourvusdevernis.— Vous n'avez pas besoin de me vanter les mérites des Travis, Liberty. Je les apprécie déjàbeaucoup.MaismarelationavecJackn'auraqu'untemps.Ellen'estpasdestinéeàdurer.LesbeauxyeuxvertsdeLibertys'agrandirent.— Ella... j'espère que ce n'est pas la réputation de Jack qui vous effraie. Je sais qu'on glosebeaucoup sur lui à Houston,mais il a jeté sa gourme, et je pense qu'il est prêt à s'assagir, àprésent.—Cen'estpascela...Libertym'interrompitvivement:—Jackestl'undesgarçonslesplusattachants,lesplusloyauxquejeconnaisse.Maisjecroisqu'iladumalàtrouverunefemmequinesoitpaséblouieparsoncompteenbanqueetlenomqu'ilporte. Il lui faut quelqu'un à sa mesure, quelqu'un au caractère bien trempé. Il serait trèsmalheureuxavecunebénie-oui-oui.—EtAshleyEverson?Quelgenredefemmeest-ce?Libertyplissalenezavecdégoût—Jenepeuxpaslasentir!C'estlegenredefillequin'apasd'amiefemme.Elleprétendqu'ellepréfèrelacompagniedeshommes.Etquedit-ond'unefemmequinepeutavoirdeliensd'amitiéavecd'autresfemmes?

Page 146: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Qu'elleconsidère toutes les femmescommedesrivales.Ouqu'ellemanquedeconfianceenelle.—Danssoncas,lesdeuxsontprobablementvrais.—Pourquoia-t-ellequittéJack,àvotreavis?—Jenefaisaispasencorepartiedelafamilleàl'époque,maisd'aprèsGraig,Ashleyestincapablederestertrèslongtempsaveclemêmehomme.Dèsqu'ellel'aprisdanssesfilets,elles'ennuieetvavoirailleurssil'herben'estpasplusverte.Graigpensequ'ellen'avaitpasvraimentl'intentiond'épouserPete,etqu'elleauraitdivorcérapidementsiellen'étaitpastombéeenceintedans lafoulée.—JenecomprendspasqueJacksoittombéamoureuxd'unefillepareille,marmonnai-je.— Ashley sait comment prendre les hommes. Elle connaît tous les résultats de football, ellechasse,ellepêche,ellejurecommeuncharretieretracontedesblaguessalaces.Pourcouronnerletout,elleressembleàunmannequin.Leshommesl'adorentEtjesuissûrequ'ellesaitlesdivertiraulit,conclutLibertyavecunepetitemoue.—Moinonplus,jenepeuxpaslasentir!Libertysemitàrire.—Vousn'avezrienàcraindred'elle,Ella.—JenemebatspaspourgarderJack.Ilsaitdéjàquejenesuispasintéresséeparlemariage.Nonpasquej'aiequoiquecesoitàreprocheraJack,précisai-jedevantlamineahuriedeLiberty.Non.J'aidesraisonspersonnelles.Maisdireàunepersonnemariéequ'onneveutpasentendreparlerdemariage,c'estunpeucommed'agiterunchiffonrougesouslenezd'untaureau,nonachevai-je,un peu penaude. Cependant, loin de prendre lamouche ou de tenter deme convaincre que lemariageétaitlaplusbellechosedumonde,Libertysebornaàmurmurer:—Cenedoitpasêtrefacilederameràcontre-courant.Jeluifusreconnaissanted'acceptersispontanémentmesvuessurlaquestion.Lasympathiequejeressentaispourelles'entrouvadécuplée.—Voilàpourquoicelasepassaitsibienentremonex,Dane,etmoi.Luinonplusnevoulaitpassemarier.C'étaitunerelationtrèsconfortable.—Pourquoiavezvousrompuaveclui?Àcausedubébé?—Pasvraiment.JemepenchaipoursortirdusacalangerunjouetmusicalenformedechenillequejeposaisurleventredeLuc.—Aveclerecul,repris-je,jepensequecequinousréunissaitn'étaitpassuffisant,mêmeaprèstoutescesannées.Quandj'aifaitlaconnaissancedeJack,j'aitrouvéqu'ilyavaitquelquechoseenlui...Jen'achevaipas.Jeneconnaissaispasdemotscapablesd'expliqueravecprécisionpourquoietcomment j'avaisétési totalementcaptivéeparJackTravis. Jecaressai lescheveuxsombresdeLuc.—Pourquoi sommes-nousavec Jack ?murmurai-je aubébéquime regardad'unairperplexe.Libertys'esclaffadoucement.—Croyez-moi.jecomprends!Mêmeàl'époqueoùjenesupportaispasGraig.j'avaisl'impressionquelatempératuremontaitdeplusieursdegrésdèsqu'ilentraitdanslapièce.—C'esttrèsagréable,cetteattirancephysiqueirrésistible.Maisjen'imaginepasnotrerelationdureréternellement.—Pourquoi?s'étonnaLiberty,sincèrementdéconcertée.«Parceque,tôtoutard,jeperdstousceuxquej'aime»,aurais-jepurépondre.

Page 147: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Ce que je ne fis pas. Liberty m'aurait prise pour une folle, même si je voyais là une logiqueincontournable. Impossible d'expliquer que ce à quoi j'aspirais le plus - ce lien intense, cettecomplicitéabsolueavecJackétaitégalementcequejeredoutaisleplus.Cettepeurn'avaitrienderationnel,elleétaitviscérale,primaire,etparconséquenttrèsdifficileàmuseler.J'eusunpetithaussementd'épaulesetmeforçaiàsourire.—Detoutefaçon,encequiconcerneJack,jenesuisqu'unefilleparmid'autres.

—.Vousêtesla:premièrequ'ilamèneàlamaison,objectaLiberty.Celapourraitdevenirsérieuxenmoinsdetempsqu'iln'enfautpourledire,Ella.Perturbée,jeposaiLucsurmesgenouxpourjouerdistraitementaveclui.Etfussoulagéequandlababy-sitterfitsonapparitionencompagnied'unbeaupetitgarçonenmaillotdebainbleuetT-shirtornéd'unhomard.Libertyselevapourallerlerécupérer.—Tuasbiendormi,monange?demanda-t-elleavantdelemangerdebaisers.Tuveuxjoueravecmaman?Regarde,nousavonsdelavisite.C'estElla,uneamie,etelleaamenéunbébé.Tuveuxlevoir?Lesbrasnouésautourducoudesamère,Matthewréponditd'unsourirecraquant,puissemitàgazouiller. Après un bref tour d'horizon, il décida que jouer dans le sable était beaucoup plusintéressantqu'admirerunbébé.Aprèss'êtredébarrasséedesonshort,Libertyemmenasonfilssurlaplageoùilsentreprirentderemplirunseaudesable.—Venez,doncfairetrempette,Ella,mesuggéra-t-elle.Jeportaisunhautàbretellesetunbermuda,maisj'avaisapportéunmaillotdebainquejesortisdusacàlanger.—Ya-ilunendroitoùjepuissemechanger?—Biensûr.Oh, jevousprésenteTia,notrenounou.Ellevas'occuperdeLucpendantquevousvouschangez.—Çanevousdérangepas,Tia?demandai-je.—Pasdutout,assural'intéressée.—Merci—Ilyaunesalledebainspourlesinvitésprèsdelacuisine,m'indiquaLiberty.Sinonvouspouvezmonterdansn'importequellechambredel'étage.—Compris.Jepénétraidans lamaison,oùrégnaitune fraîcheurbienfaisante,etne tardaipasà trouver lapetitesalledebains.J'enfilairapidementmonmaillot,unune-piècerosedestylerétro.Commejeretraversais la cuisine pieds nus, mes vêtements sur le bras, j'entendis un bruit de voix, etreconnus le timbre grave de Jack. La conversation était ponctuée de coups demarteau et duvrombissementoccasionneld'unevisseuseélectrique.Ces bruits me guidèrent vers une porte entrebâillée qui donnait dans un vaste garage. Ungigantesqueventilateurbrassaitl'airtiède.Lalumièreindirectedusoleilpénétraitàflotsparlesporteslatéralesgrandesouvertes. Jepoussai légèrementlebattantetobservaià leurinsuJack,GraigetCarringtonquitravaillaientsurunecoquedeboisposéesurdestréteauxrembourrés.Gênéspar la chaleur, lesdeuxhommesavaientôté leur chemise.Nombrede femmesauraientpayépouradmirerlesfrèresTravistorsenu,bronzés,lasueurcoulantenrigolesurleursmusclessaillants.Monregards'attardasur ledosdeJack,etunsouveniréclairmerevintenmémoire :mesdoigtscrispéssurlecordondemusclesquiencadraitsacolonnevertébrale.Unedélicieuseflèchedeplaisirmetransperçadepartenpart.

Page 148: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Carringtonétaitoccupéeàétaleruneépaissecouchedecollesurladernièredestroislattesdeboisqui formeraient leplat-bord. Jenepusréprimerunsourireà lavuedeGraigqui,accroupiprèsd'elle,luidonnaitdesinstructionstoutenretenantunenatteblondequimenaçaitdetomberdanslacolle.Pressantàdeuxmainsl'énormetubedecolleàbois,lafillettedisait:—...etàlarécré,Calebagardéleballonpourluitoutseul.Personnenepouvaitjoueraubasket.Katieetmoi,onl'aditàlamaîtresse!—Bienjouer.Remetsunpeudecolleici.Mieuxvauttropquepasassez.—Commeça?—Parfait.—Etlàmaîtresseaditquetoutle-mondedevaitjoueràtourderôle,etelleadonnéundevoiràCalebsurlepartageetlasolidarité.—Est-cequ'ilenatirélaleçon?s'enquitJack.—Non,réponditCarrington,dégoûtée.C'estvraimentungarçonhorrible!—Touslesgarçonslesont,assuraJack.—Jeluiaiditquetuallaism'emmenerpêcher,ettusaiscequ'ilm'arépondu?lança-t-elled'untonvibrantd'indignation.—Quelesfillesnesavaientpas-pêcher?—Commenttulesais?— Parce que, moi aussi, j'ai été un garçon horrible,, et c'est sûrement ce que j'aurais dit. Etj'auraiseutort,lesfillessedébrouillenttrèsbienàlapêche.—T'enessûr?—Certain.Qui...Attendsuneseconde.JacketGraigunirentleursforcespoursouleverl'assemblagedepiècesdeboisquidevaitsefixersurlacoquedubateau.—Chérie,ditGraigàCarrington,amène-moiceseaupleindeserrejoints,tuveux?Avecminutie,ilentrepritdeplacerlesserre-jointsàintervallesréguliers,s'arrêtantdetempsàautrepourajusterunelattedebois.— Qu'est-ce que tu allais dire, oncle Jack? demanda Carrington qui tendit à son oncle desserviettesenpapierafind'essuyerlescouluresdecolle.—J'allaistedemanderquiétaitl'expertenpêchedanscettefamille.—Toi.—Exactement.Etquiestl'expertenfemmes?—OncleJoe,pouffalafillette.—Joe?répétaJackavecunefeinteindignation.—Carrington,fais-luiplaisir,sinonnousenavonspourlajournée,soupiraGraig.—D'accord,c'esttoil'expertenfemmes,oncleJack.— Parfaitement. Et voilà pourquoi je te dis que les femmes sont souvent meilleures que leshommesàlapêche.—Commentçasefait?—Elles sont plus patientes et ne renoncent pas facilement. Elles ont tendance à fouiller plusminutieusementunezonedepêche.Etellessontimbattablespourdénicherlesbonscoinsavecdeséboulis rocheuxetdesalguesoù lespoissonsadorentsecacher.Nousautreshommes,onpasseàcôtésanslesvoirlaplupartdutemps,maislesfemmeslesrepèrentàtouslescoups.Carringtonm'aperçutsoudainetm'adressaunsourire.

Page 149: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Est-cequetuvasemmenerMlleEllaàlapêche?demanda-t-elleencore.Jacks'étaitemparéd'unesciepourbiseauterlesplanchesquidépassaientdel'avantducanot.—Oui,sielleenaenvie,répondit-il.—Peut-êtrequec'esttoiqu'ellevaattraper,danssonépuisette,oncleJack,observalafilletteavecmalice.—Çac'estdéjàfait,chérie.CommeCarringtongloussaitirrépressiblement,Jacklevalatête.Etserenditcompteàsontourdemaprésence.Unlentsourireétiraseslèvres.Sonregardbrûlantglissasurmonmaillotdebainetmesjambesnues.Eabandonnasascie.—Désolé,jeta-t-ilauxdeuxautres,ilfautquejediscutedequelquechoseavecMlleElla.— Sûrement pas, protestai-je. Je venais juste jeter un coup d'œil au bateau. Il est superbe,Carrington.Dequellecouleurvas-tulepeindre?—Enrose,commevotremaillotdebain.Jacksedirigeaversmoi.Jereculaidequelquespas.—Nenous l'enlevezpaspourdebon,Ella,plaidaGraig.Nousavonsencorebesoinde luipourposerledeuxièmeplat-bord.Ilcontinuad'avanceret,avecuncrietunéclatderire,jebattisenretraitedanslacuisine.—Laisse-moitranquille,tuesensueur!Peineperdue.Deuxsecondesplustard jemeretrouvaicoincéecontre leplandetravaildont ilagrippaleborddechaquecôtédemataille.—Tuadoresquand jesuecommeunbœuf,murmura-t-ilenseplaquantcontremoi.Toujoursriant,jemepenchaienarrièrepouréviterlecontactavecsontorsemoite.—Attention, je t'ai peut-être attrapé dans mon épuisette, mais je vais te rejeter à l'eau, lemenaçai-je.—Onnerejettequelespetitspoissons,chérie.Paslesgros.Maintenantembrasse-moi.J'essayaidecesserdesourireletempsd'obtempérer.Sonbaiserétaitdoux,désinvolte,maislapressiondeseslèvressuffitàmedonnerletournis.Quandlescharpentierseurentfinidecolleretdeclouerlesplats-bords,ilsvinrentserafraîchirdanslapiscine,etnouspassâmeslerestedel'après-midiàparesserausoleiletànager.Unen-cas futapporté,degrandssaladiersdesaladevertemélangéeàdesmorceauxdepouletgrillé,duraisinnoiretdesnoix,letoutaccompagnédebourgogneblancbienfrappéservidansdesverresgivrés.Lanounouemmenalesenfantsdanslamaisonoùilfaisaitplusfrais,tandisqueGraig,Liberty,Jacketmoidéjeunionsàl'ombred'ungrandparasol.—Jeveuxporteruntoast,annonçaGraigenlevantsonverre.ÀHavenetHardy,quisontàprésentM.etMmeCates!Ilsouritdevantnosmineséberluées.—Ilssesontmariés?s'écriaLiberty.—Jepensaisqu'ilsallaientauMexiquepourunlongweek-end,ditJack,visiblementpartagéentrelajoieetlacontrariété.Ilsnem'ontpasditqu'ilscomptaientsemarierlà-bas.—C'étaitunecérémonieprivéequiaeulieuàPlayadelCarmen.Libertyéclataderire.—Commentont-ilspusemariersansnous?Unmariagedansl'intimité,jenepeuxpaslecroire!Ettunem'asriendit,chéri,ajouta-t-elleensetournantversGraig,l'airmi-fâché,mi-moqueur.Depuiscombiendetempses-tuaucourant?

Page 150: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

— Hier. ils ne voulaient pas d'une cérémonie en grande pompe, mais ils ont quand mêmel'intentiond'organiserunefêteàleurretour.—Excellenteidée,approuvaJack.Àsontour,illevasonverre.—AprèstoutcequeHavenaenduré,elleméritebiend'avoirlemariagequiluiplaît.Papaestaucourant?—Pasencore,avouaGraig.Jevaisdevoirluiannoncerlanouvelleetjesupposequeçanevapasluiplaire.—Iln'ariencontreHardyn'est-cepas?demandai-je.—Non. Il a donné sa bénédiction à leur union, répondit Graig.Mais papa ne rate jamais uneoccasion de faire d'un événement familial une fête interplanétaire. Il comptait prendrel'organisationenmain.Je hochai la tête. Je comprenais maintenant pourquoi Haven et Hardy s'étaient éclipsés auMexique:Mêmes'ilsétaientouvertsetsociables, tousdeuxaimaientpréserver leurvieprivée.Leurssentimentsétaienttropprofondspourqu'ilsaientenviedelesétalerenpublic.NousbûmesàlasantédesjeunesmariésetparlâmesquelquesminutesdePlayadelCarmen,quiétait apparemment réputé pour ses plages et ses rivages poissonneux, mais bien moinstouristiquequeCancûn—TuesdéjàalléeauMexique,Ella?s'enquîtLiberty,quiétaitpasséefacilementaututoiement.—Non.Maiscelafaitunmomentquecelametente.—Graig, nous devrions y faire un tour tous les quatre, un de cesweek-ends, avec les enfants,suggéraLiberty.C'estunedestinationidéalepourdesvacancesfamilialesj'imagine.—Pourquoipas?Ilsuffiradeprendreundesjets.Tuasunpasseportvalide,Ella?s'enquitGraig.—Euh...non.LesTravisontunavion?—Deuxjets,précisaJack.Jenepouvaism'empêcherd'éprouverunchocchaquefoisquonmerappelaitàquellehauteurstratosphériqueévoluaient lesTravisenmatièrede finances.Voyantmonexpression, Jackmepritlamainetlançaàsonfrère:—Graig,jecroisquecettehistoiredejetsprivésaeffrayéElla.Dis-luiquejesuisuntypenormal,s'ilteplaît.—C'estletypeleplusnormaldelafamilleTravis,déclaraLibertyavecmalice.Etjecomprisqu'ellesavaitparfaitementcequejeressentais.Ellelevadenouveausonverre.—J'aiaussiunenouvelleàvousannoncer.Devinez!fit-elleennousenglobantd'unmêmeregard,Jacketmoi.—Tuesenceinte?supputaJack.Libertysecoualatête.Sonsourires'élargit.—Jevaisouvrirunsalondecoiffure!Celafaitunmomentquej'ysonge,etjemesuisditqu'ilvalaitmieuxselanceravantdefaireundeuxièmeenfant.Ceseraunsalondetaillemodeste,avecdeuxemployés,pasplus.—C'estmerveilleux!m'exclamai-jeentrinquantavecelle.—Félicitations,Liberty,renchéritJack.Tuasdéjàchoisiunnom?—Pas encore. Carrington veut l'appeler Épi-Tête ou Tête-en-1'Hair,mais je lui ai suggéré detrouverunnomunpeupluschic.Lespropositionsfusèrententredeuxrires:—LadyBigoudi?—SpéculaTif?—FaudraTifHair?

Page 151: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Libertysebouchalesoreilles.—Taisez-vous!Sijevousécoute,jefermeraiboutiqueauboutd'unesemaine!—Lagrandequestion,fitJackenhaussantlessourcilsd'unairmoqueur,c'estdesavoircommentpapavaaugmenterlenombredesespetits-enfants.C'estçalejobd'uneépouseTravis,non?Tuvasperdredeprécieusesannées,Liberty.—Arrête,intervintGraig.OncommencetoutjusteàrattrapernotreretarddesommeildepuislanaissancedeMatthew.Jenesuispasprêtàremettreçatoutdesuite.—Tunenous impressionnespasdececôté-cide la table,objecta Jack.Ellavit toutcelaencemoment-lesnuitsécourtées,lescouches,lesbiberons-,etavecunenfantquin'estmêmepaslesien.—J'ail'impressionqu'ill'est,déclarai-jeétourdiment.Lesilenceretomba,durantlequelonn'entenditplusqueleronronnementdiscretdesdiffuseursdebrumerafraîchissante.—Combiendetempsdois-tuencoregarderLuc?demandaLiberty.—Environunmois.Je portaimon verre àmes lèvres et le vidai d'un trait. En temps ordinaire, j'aurais plaqué unsourirehypocrite surmes lèvresavantdechangerdesujet.MaisentreGraigetLibertyquinecachaientpasleursympathie,etJack,quimepressaitdoucementlamain,jemesurprisàavouer:—Ilvamemanquer.Terriblement.Depuisquelquetemps,je-metracasseàl'idéeque,plustard,ilnesesouviendramêmepasdutempspasséavecmoi.Lestroispremiersmoisdesavie...Ilauratoutoubliédecequej'aifaitpourlui.Jeneseraiqu'uneétrangèrepourlui.—TunepensespaslerevoirquandTaral'aurarécupéré?s'étonnaGraig.—Jen'ensaisrien.Pastrèssouvent,j'imagine.—Danssoncœur,ilsesouviendradetoi,assuraJackavecunedouceconviction.Ettandisquejeplongeailesyeuxdanssonregardsombre,jetrouvaileréconfortdontj'avaistantbesoin.

Page 152: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre19Étendusursontapisdesol,Lucdévoraitdesyeuxlesdeuxarchesdeplastiquequisecroisaientau-dessusdesatête,auxquellesétaientsuspendusdesgrelots,desoiseaux,despapillons,etdesfeuilles quiBaisaient unbruit depapier froissé quandon les touchait. Tout cela au sond'unejoyeusemusiqueélectronique.Iladoraitcejouetpresqueautantquej'adoraisleregarderenprofiter.Àdeuxmois,ilfaisaitdegrandssourires,possédaittouteunepanopliedebruitsetdegazouillisdivers,etétaitdésormaiscapabledesouleverlatête.AllongéprèsdeLuc,Jacklevaitdetempsentempsunemainparesseusepourfairetournoyerunjouetouchangerdemusique.—J'aimeraisavoirunjouetcommecelui-ci,avecdescannettesdebière,descigarescubainsetcettepetiteculottenoirequetuportaissamedisoir,déclara-t-il.J'étaisentraindedébarrasserlatable.Jem'immobilisai,lesassiettesàlamain.—Jenepensaispasquetul'avaisremarquée.Tumel'asarrachéesivite.—Jevenaisdepasserdeuxheuresàteregarderdanscetterobeaffriolante.Tuaseudelàchancequejenetesautepasdessusdansleparkingdel'immeuble,unefoisdeplus.Jeravalaiunsourire,mehissaisurlapointedespiedsafindeposerlepichetsuruneétagère.—Oui,ehbien,enguisedepréliminaires,j'aimebienavoirdroitàdavantagequedeuxbaisersetdemi,lecliquetisdesclésdevoiture,et...Jesursautaienlesentantderrièremoi.Ils'étaitdéplacésirapidementetsilencieusementquejenel'avaispasentenduarriver.Lepichettanguadangereusement.Jacklerattrapad'unemainsûreetleposasurl'étagère.Sabouchem'effleural'oreille.—Jemesuisbienoccupédetoi,non?J'eusunpetitriredegorgecommesesbrasserefermaientsurmoi.—Jenedispasquejemesuisfaitrouler.Justequetun'aspasperdudetempspourtemettreàl'ouvrage...Unsoupirm'échappaquandsesdentsmemordillèrentdoucementlecou.Salanguepritlerelais,traçant des arabesques humides qui me rappelaient des souvenirs torrides. Mes lunettesglissèrentsurmonnez.Jelesremisenplace.Jackenprofitapourcueillirundemesseinsaucreuxdesapaume,pendantquesonautremains'immisçaitsouslaceinturedemonshort.—Tuveuxdespréliminaires,Ella?Ilpressasonbassincontremesfessesetjesentissonérection.Jefermailesyeuxàdemi,agrippaileplandetravail.Sesmainscontinuaientdejoueravecmoncorps.—Lebébé...protestai-jefaiblement—Ils'enfiche,ilestentraindefairesagym.Riant,jelerepoussai.—Allez,laisse-moidefinirdedébarrasserlatable.Décidé à jouer, il m'empoigna par les hanches. Je fus sauvée par la sonnerie stridente dutéléphone.—Tiens-toitranquille,ordonnai-jeàJackavantdedécrocher.

Page 153: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Allô?—Ella,c'estmoi.JereconnuslavoixdemacousineLiza.—Ella,jet'appellepourmefairepardonner.Jesuisvraimentdésolée.Jemeraidis,etlesmainsdeJacks'immobilisèrent.—Tefairepardonner?Maisdequoi?—Tamèrevadébarquerd'iciunedemi-heure,peut-êtremêmeunquartd'heuresilacirculationestbonne.Jefrémis.—Quoi?Cen'estpaspossible,ellenesaitmêmepasoùj'habite.—Jeluiaidonnétonadresse.—Mais,pourquoi?Bonsang,Liza,pourquoias-tufaitunechosepareille?—Ellem'a appelée, tout excitée, parcequ'elle venait d'avoirTara au téléphone.Tara lui a ditqu'ellepensaitqu'ilsepassaitquelquechoseentreJackTravisettoi.Etmaintenant,ellesveulentsavoirtouteslesdeuxdequoiilretourne.Lesjouesenfeu,jemerécriai:—Jeneleurdoisaucuneexplication!J'enaiassez,Liza!J'enaimarrederamasserlespotscassésderrièreTara.Etj'aimeraisbienquemamansesenteplusconcernéeparsonpetit-filsqueparmaviesexuelle!Troptard,jeréalisaimonerreur.Dansungestepuéril,jeplaquailamainsurmabouche.—TucouchesavecJackTravis?s'exclamaLiza.—Biensûrquenon!—LeslèvresdeJackmefrôlèrentlanuque.Jefrissonnai.Plaquantlecombinécontremapoitrine,jepivotaiverslui.—IlFautquetupartes,chuchotai-je,affolée,avantderamenerl'appareilcontremonoreille,—Ilestlàavectoi!disaitLiza.—Non,c'estungarçondecourse.Ilveutquejesigneunreçu.—Ici,justelà,murmuraJackenprenantmamainlibrepourlaposerentresesjambes.—Va-t'en!articulai-jeensilence.Jetentaidelerepousser,maisilnebougeapas,secontentadem'ôtermeslunettesqu'ilentrepritdenettoyeraveclebasdesonT-shirt.—C'estsérieuxentrevous?demandaLiza.—Non.C'estsuperficiel,purementphysique,etçanevapasdurer.Jetressaillis.Jackvenaitdememordrelelobedel'oreillepoursevenger.—Cool!fitLiza.Tucroisqu'ilpourraitmeprésenterundesesamis?Jesorscommequidiraitd'unepérioded'abstinence...—Liza,ilfautquejetelaisse.Jedoisrangerunpeulamaisonetréfléchiraceque...Oh,etpuis,zut,àpluslard!conclus-jeenraccrochant.Jerécupéraimeslunettesetmeprécipitaidanslachambre.Jackmesuivit.—Qu'est-cequetufais?D'ungestevif,jerabattislesdrapsetlescouverturessurlelitdéfait.Jem'arrêtaiàpeineletempsdeluilancerunregardnoir.—Mamèrevaarriverd'uneminuteàl'autreetondiraitqu'ilvientd'yavoiruneorgiedanscetappartement.Ilfautquetupartes.Jesuissérieuse,Jack.Ilestabsolumenthorsdequestionquetularencontres.

Page 154: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Jebalançailesoreillerssurlelit,puisregagnaienhâtelapièceprincipalepourjetertoutcequitraînait dans un grand panier en osier que je fourrai ensuite dans le placard de l'entrée.L'interphonebourdonna.C'étaitDavid,leconcierge.—MademoiselleVarner,vousavezdelavisite.C'est...—Jesais.Faites-lamonter,merci.Mesépaulessevoûtèrentsouslepoidsdeladéfaite.JackvenaitdeprendreLucpourlecâlinerunpeu,—Quepuis-jefairepourleconvaincredeviderleslieux?—Riendutout,répondit-ilavecungrandsourire.Deuxminutesplustard,onfrappaitàlaporte.J'allaiouvrir,etmeretrouvaifaceàmamère,maquilléeàlatruelle,perchéesurdesstilettosetvêtued'une robe rougevermillon.Minceetbronzée,elleavaitunesilhouettedemidinette.Unnuagedeparfumbonmarchél'environnait.Ellefitclaquerdeuxbisesàquelquescentimètresdemesjoues,etreculapourm'envelopperd'unregardcritique.— J'en ai eu assez d'attendre une invitation qui ne venait pas, alors j'ai décidé de prendre letaureauparlescornes,déclara-t-elle.Jenetelaisseraipasmeteniràl'écartdemonpetit-filspluslongtemps.—Tuesgrand-mère,maintenant?Sonregards'appesantitsurmoi.—Tuasgrossi,Ella.—Enfait,j'aiperdudeuxkilos.—Tantmieux.Encoreuneffortetturetrouverasunetaillenormale.—Jefaisun40,maman.C'estunetailletoutàfaitnormale,—Bon,bon,situessisusceptiblesurlesujet,n'enparlonsplus,soupira-t-elle.ElleouvritdegrandsyeuxcommeJacks'approchait—Ehbien,maisquiest-ce?Ella,tunemeprésentespastonami?—JackTravismarmonnai-je.voicimamère...—CandyVarner.coupa-t-elleenallantl'étreindresanssesoucierdubébéquiseretrouvaprisensandwichentreeux.Onnevatoutdemêmepasseserrerlamain,Jack...Jemesuistoujoursbienentendueaveclesamisd'Ella.Etj'osedirequ'engénéralilsm'adorent,ajouta-t-elleavecunclind'oeil,avantde luiconfisquer lebébé.Etvoilàmonpetit-fils !Oh l'adorablepetitbonhomme!DirequetatanteEllat'agardépourellesilongtemps,montrésor...—Jet'aiditquetupouvaisvenirfairedubaby-sittingquandtuvoulais,luirappelai-je.Ignorantmaremarque,elles'aventuradansl'appartement.—Ehbien,c'estconfortableici,dis-moi.JetrouvetrèschoudevotrepartdeprendresoindeLucicipendantqueTaraestenthalasso.—Elleestinternéedansunecliniquepsychiatrique.Mamèreallaseplanterdevantlafenêtrepouradmirerlavue.—Peu importe le terme. Ces endroits sont tellement branchés, de nos jours. Toutes les starsd'Hollywoodvontyfaireunpetitbreakdetempsàautre.Ilfautbienqu'elleséchappentàtoutecettepression,alorselless'invententunsoi-disantproblèmepourallersefairedorloterpendantquelquessemaines.—Ilnes'agitpasd'unproblèmefictif,maman.Tara...—Tasœureststressée,c'esttout.L'autrejour,j'airegardéuneémissionàlatélé,ilsparlaientducortisol, l'hormonedustress.Etbien, ilparaîtquelesbuveursdecaféenontbienplusquelesautres.Jevousaitoujoursrépétéquevousbuvieztropdecafé,Taraettoi.— Jenepensepasque lesproblèmesdeTara -ou lesmiens - soientprovoquéspar l'abusde

Page 155: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

cappuccino,maman.—Ceque jeveuxdire,c'estquevousvouscréezvotreproprestress. Il fautsavoirprendredurecul.C'estexactementcequejefais.Cen'estpasparcequevotrepèreétaitunfaiblequevousdevezvouslaisseralleretpleurnichersurvotresort.Toutenbabillant,mamèredéambulaitdansl'appartementexaminanttouttelunexpertmandatéparuneassurance.Malàl'aise,jelasuivaisduregard.Jen'avaisqu'uneenvie,luireprendreLuc.—Ella,tuauraisdûmedirequetut'étaisinstalléeici.EllegratifiaJackd'unregardreconnaissant.—Jetiensàvousremercierd'aidermafillecommevouslefaites.Àpropos,elleauneimaginationdébordante.J'espèrequevousnecroyezpastoutcequ'elleraconte.Quandelleétaitpetite,elleinventaittoujourstoutuntasd'histoires...SivousvoulezconnaîtrelavéritableElla,c'estàmoiqu'il faut vous adresser. Tenez, pourquoi ne pas nous emmener dîner pour faire plus ampleconnaissance?Cesoir,ceseraittrèsbien.— Excellente idée, approuva Jack, très à l'aise. Il faudra faire ça un de ces soirs. Aujourd'huimalheureusement,Ellaetmoiavonsd'autresprojets.MamèremetenditLuc.—Tiens,prends-le, chérie. Il risquedebaver surma robeneuve.Elle s'assit avecgrâce sur lecanapé,croisasesjambesfuselées.— Loin de moi l'idée d'interférer dans vos projets, Jack. Mais si vous fréquentez ma fille,j'armeraisautantvousconnaîtreunpeumieux,vousetvotrefamille.Pourcommencer,j'aimeraisrencontrervotrepère.—Tuarrivestroptard,ilestdéjàpris,balançai-je.—Enfin,Ella,jenevoulaispasdire...Elle eut un rire perlé, jeta à Jack un regard à la fois apitoyé et complice, un regard qui disait:«Voyezcequejedoisendurer.»,puisellerepritd'unevoixd'unedouceurexaspérante:—Mafillem'enatoujoursvoulud'avoirautantdesuccèsauprèsdeshommes.Est-cemafautesitouslespetitscopainsqu'ellearamenésàlamaisonm'ontdraguée?—Jen'enairamenéqu'unseul,grinçai-je.Etçam'asuffi.Ellemeregardafroidement,puisritdenouveau,àgorgedéployée.—Jevouslerépète,Jack,nelacroyezpassurparole.Adressez-vousplutôtàmoi.Avecmamère,laréalitésubissaitdesdistorsionseffrayantes,commequandonseregardedansunmiroirconvexeouconcaveà la fête foraine.Si l'onétaitpsychologiquementperturbé, c'estqu'onbuvaittropdecafé.Rentrerdansun40faisaitdevousuneobèse.Touthommequisortaitavec moi se contentait fatalement d'un ersatz de Candy Varner. Et chacune de mes paroles,chacundemesactespouvaitêtreréinterprétéenfonctiondesonhumeurdumoment.Durant lesquarante-cinqminutesquisuivirent,nousassistâmesaugrandCandyVarnerShow,sansinterruptionpublicitaire.EllemonopolisaJack,prétenditqu'elleauraitvolontiersgardéLucsielleavaiteuunemploidutempsmoinschargé.D'ailleurs,tintelleàpréciser,elleavaitfaitsapartdeboulot,avaittriméets'étaitsacrifiéependantdesannéespoursesdeuxfillesqui,loindelui en être reconnaissantes, la jalousaient encore aujourd'hui. Dire qu'Ella gagnait sa vie endonnantdesconseils,alorsqu'ellen'avaitaucuneexpériencedelavie!Toutcequ'Ellasavaitdel'existence,elleletenaitdesamèresisage.Mamann'avaitpassonpareilpourseprésentercommel'œuvreoriginale,authentique,certifiéequalitésupérieure,àcôtédelaquellejefaisaisfiguredepâlecopie.Lesminutespassant,ellesemit à flirter outrageusement avec Jack. Celui-ci demeurapoli,me jetant un regardde temps àautre,tandisquejedemeurairaideetstoïque.Puismamancommençaàégrenerlesnomsdesesprétenduesconnaissancescommunesavecla

Page 156: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

famille Travis. J'avais tellement honte que je me fermai comme une huître. J'avais renoncé àprotesterouà tenterde rétablir la vérité. Jem'efforçaideme concentrer surLuc.Après avoirvérifiésacouche,jeleposaisurletapisd'éveiletcommençaiàjoueraveclui.Mesoreillesmebrûlaient,lerestedemoncorpsétaitglacé.Puis soudain, je me rendis compte que, en mode automatique, elle avait fait glisser laconversationversdessujetsbeaucouppluspersonnelsettotalementdéplacés.EllenousracontaavecforcedétailscommentelleavaitrécemmentsubiuneépilationdéfinitiveaulaserdansunsalondebeautéréputédeHouston.—Jemesuislaissédire,confia-t-elleavecungloussementdegamine,quej'avaislachoupinettelaplussexyduTexas...—Maman,lâchai-jed'untoncoupant.Ellemedécochaunregardentendu,puiss'esclaffa:—Maisc'estvrai!Jenefaisquerépétercequepensent...—Candy,l'interrompitJack,cefuttrèsagréable,maisilesttempsqu'Ellaetmoinouspréparionspournotre soirée. J'ai été ravide fairevotreconnaissance. Jevaisvousaccompagner jusqu'aubureauduconcierge.Ilvousouvriralaporte.—Oh,inutile,jevaisgarderLucpendantquevoussortez.—C'estgentil,merci,maisnousl'emmenonsavecnous.Sourcilsfroncés,mamèretournalatêtedansmadirection.—Maisj’aiàpeinevumonpetit-fils!—Jet'appellerai,meforçai-jeàarticuler.Jackgagnalaporteetl'ouvrit.Ilsortitdanslecouloiretlançad'untonamicalmaisferme:—Jevousattendspendantquevousrécupérezvotresac,Candy.Jemelevaiquandmamères'approchapourm'embrasser.Sonparfum,sachaleurcorporellemedonnèrentenviedepleurercommeunepetitefille. Jenesavaispaspourquoi jemelanguissaistoujoursdecetamourqu'elleétaitincapabledemedonner.NipourquoiTaraetmoin'étionsriendepluspourellequelesdommagescollatérauxd'unmariagequiavaitcapoté.J'avaisapprisqu'ilexistaitdessubstitutspourlesmèresquin'enétaientpas.Onpouvaittrouverl'amourauprèsd'autrespersonnes. Ilarrivaitqu'on le trouvedansdesendroitsoù l'onn'avaitmêmepascherché.Maislablessureoriginelleneguériraitjamais.Jelaporteraitoujoursenmoi,et il en irait demêmepourTara. Pour s'en sortir, il fallait l'accepter, et continuerde vivre ensachantqu'ellefaisaitpartiedesoi.C'étaitlaseulesolution.—Aurevoir,maman.—Neluidonnepastoutcequ'ilréclame,dit-elleàmi-voix.—ÀLuc?—Non.ÀJack.Tuleretiendraspluslongtempssitulefaisdanserunpeu.Etpourl'amourdeDieu,n'essaiepasdebrilleretdefairetonintellectuelle.Tudevraistemaquillerunpeuetenleverceslunettes.Ellestedonnentl'aird'unevieillefille.Est-cequ'ilt'afaitdescadeaux?Dis-luiquetupréfères les grosses pierres. C'est un meilleur investissement Un sourire acide aux lèvres, jereculai.—Àplustard,maman.Elleattrapasonsac,ets'éloignad'unpassautillant.Jackpassalatêtedansl'embrasure,letempsdemelancer:—J'enaipouruneminute.Lorsqu'ilrevint,j'avaisdescenduunpetitverredetequila,espérantquel'alcoolmeréchaufferait.

Page 157: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Maislasensationdemeurait.J'avaisl'impressiond'êtreunfreezerengrandbesoindedégivrage.Dansmesbras,Lucsetortillait,gigotait,émettaitdesbruitsimpatients.Jacks'approcha,mefrôlalementonpourm'obligeràcroisersonregard.—Jen'avaispasraisonquandjet'aidemandédepartir?marmottai-je,morose.—Non.Jetenaisàvoirauprèsdequituavaisgrandi.—Àprésent,tucomprendspourquoiTaraetmoiavonsbesoind'unethérapie?—Oui.Jen'aipasséqu'uneheureavecelleetjemesensbonpourlacamisoledeforce!—Pourattirerl'attention,elleestprêteàtout,etpeuimportesic'estembarrassant.Uneidéehorriblemetraversasoudainl'esprit.JejetaiunregardaiguàJack.—Ellet'afaitdesavancesdansl'ascenseur?—Non,répondit-ilunpeutropvivement.—Seigneur,ellel'afait!gémis-je.—Cen'étaitpresquerien.—ÔmonDieu!Ellememettellementencolère...Lucsetrémoussaittoujoursdansmesbras.Jacklepritetilsecalmaaussitôt.—Cen'estpasunecolèrenormale,poursuivis-je.C'est legenredecolèrequiépuise,quivousglacejusqu'àcequ'onnesenteplusrien,pasmêmelesbattements,desonproprecœur.Danscescas-là,ilfautquej'appelleTarapourm'épancher,parcequejesaisqu'ellemecomprendra."—Pourquoinelefais-tupas?— Sûrement pas. C'est sa faute simaman est venue. Je suis aussi fâchée contre elle. Jackmedévisageaunmomentavantdesuggérer:—Allonschezmoi.—Pourquoi?—Jesaiscommenttedéfâcher.Jesecouailatête.—Non,j'aibesoindemeretrouverseule.—Pasdutout.Allez,viens.Mais j'étais d'unehumeurde chien, et je savaisdéjàque tous ses effortspourmedéridermerendraientplusdésagréableencore.—Daneme laissaitseulequand j'enavaisbesoin. Jack, jen'aipasbesoind'êtreconsolée. Jeneveuxnidiscuternifairel'amour.Jen'aimêmepasenviedemesentirmieux.Alorscen'estpaslapeinede...—N'oubliepaslesacàlanger.Luc dans les bras, il se dirigea vers la porte, la tint ouverte, et attendit patiemment que je lerejoigne:Deguerrelasse,jecédai.Nousmontâmesàsonappartementet Jackm'emmenadirectementdans lachambre. Ilallumaunelampe,puisdisparutdanslasalledebains.J'entendisbientôtleruissellementdel'eauetlechuintementdelavapeur.—Jen'aipasenviedeprendreunedoucheaboyai-je.—Entrelà-dedansetattends-moi.—Maisje...—Fais-le.Jesoupiraibruyamment.—EtLuc?—Jem'enoccupe.Vas-y.J'ôtaimeslunettes,medéshabillai,puisgagnailasalledebainsàcontrecœur.Elleétaitfaiblement

Page 158: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

éclairée.Uneodeurd'eucalyptus flottaitdans l'airdéjàsaturéd'humidité. Jackavaitdrapéunemoelleuse serviette blanche sur le banc carrelé solidaire de la paroi. Je m'y assis et inspiraiprofondément.Au bout d'une ou deuxminutes, je sentis que je commençais àme détendre. La vapeur d'eauparfuméem'enveloppaitteluncocon,mesporessedilataient,mesmuscless'assouplissaientetmespoumonss'emplissaientd'unechaleurmoiteLatequilaavaitaussicommenceràfaireeffet.J'avaisl'impressionquemoncorpsentiersoupirait,quemoncœurseremettaitàbattre.—Çavamieux,admis-jeàvoixhaute.Jem'étendisàplatventresurlebanc,levisagecachédanslesplisdelaserviette.Leseulbruitquivenaittroublerlesilenceétaitledouxchuintementdubrouillard.Jeperdislanotiondutemps...Jen'auraissudirecombiendeminutess'étaientécouléeslorsquejemerendiscomptequeJackétaitassisprèsdemoi.—Luc?murmurai-je.—Ilasoncompte.—Jemedemandesi...—Chut.Ilposasesgrandesmainssurmondos,etentrepritdememasser.Ilcommençaparlesépaules,frottantdoucementmesmusclesdouloureuxetcrispés.Puislapressiondesesdoigtss'accentua,dénouantlesnœuds.Jem'abandonnai entièrement à cesmains fortes qui semblaient savoir ce qu'elles faisaient. Ildescendit ensuite surmes fesses, me pétrit les cuisses, lesmollets, puisme demanda demetourneretdeposerlespiedssursesgenoux.Quandilsemitàmemasserlaplantedespieds,jenepusretenirdespetitsgémissementsdeplaisir.—Jesuisdésoléedavoirétésidésagréable,dis-je,confuse.—Tuavaisdesexcuses,monange.—J'aiunemèrehorrible.—C'estvrai.Savoixmeparvenait,assourdieparlabrume:—Àpropos,ellet'adonnéuntrèsmauvaisconseil.—Tuasentenducequ'ellemadit?Seigneur...—Tudoisaucontrairemedonnertoutcequejeveux.Tudoismepourrir,mepassertousmescaprices. En outre, il est trop tard pour jouer les idiotes. Et tu es mignonne à croquer sansmaquillage.Lesyeuxtoujoursclos,jesouris.—Etmeslunettes?—Çam'excite,tun'imaginespasàquelpoint.—Maistoutt'excite.—Non,pastout,objecta-t-ilenriant.—Si. Jecommenceàcraindrequetunesoisatteintdepriapisme.Ilvafalloirquetuvoiestonmédecin.—Leproblème,c'estquejeneletrouvepasdutoutbandant.Sesmainsremontèrentsurmescuisses,lesécartèrent.Jeretinsmonsouffleensentantsesdoigtstaquinermachairintime.—On t'a déjà fait unmassage érotique, Ella ?Non ?Ne bouge pas... je te promets que tu vasaimer...

Page 159: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Etmoncorpssecambrasous lacaressedesesmainséloquentes, tandisque lesmurscarrelésrenvoyaientl'échodemesgémissementsdeplaisir.

Page 160: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre20Lelendemaindujouroùmamèreavaitdébarquéchezmoi,jeplongeaidansunétatdemalaiselatent.Jemesentaisàvif,privéedecettesolitudequim'étaitnécessaire.Jem'efforçaidedonnerlechange.Monenfancem'avaitapprisàfairecommesiderienn'étaitentoutescirconstances,etj'en aurais certainement été capable en cas d'holocauste nucléaire. Mais en réalité, sa visiteimpromptuem'avaitprofondémentdéstabilisée.Jackfutabsenttoutelamatinée.Ils'étaitrenduauchevetd'unamiquis'étaitretrouvéàl'hôpitalaprèsunaccidentdechasse.—Ils'estfaitattaquerparunsangliersauvage,m'avait-ilexpliqué.Celaarrivetrèssouvent.—Commentcelasefait-il?—Ilfautchasserlanuit,quandlessanglierssedéplacent.Ducoup,vousavezunetroupedegarsquicourentdanslesboisentirantsurtoutcequibougedanslenoir.—Charmant.L'amienquestionavaittouchél'animald'uneballe.Persuadéqu'ilétaitmort,ill'avaitapprochéen se frayant un chemin dans d'épaisses broussailles. C'est alors que le sanglier blessé avaitchargésansluilaisserletempsdetirerunedeuxièmefois.—Ladéfenseluialacérélebas-ventre,avaitpréciséJackavecunegrimace.— Bizarre comme ces bêtes deviennent susceptibles dès qu'on leur tire dessus. Jack m'avaitassenéuneclaquesurlepostérieur.—Tu pourrais compatir, femme ! Pour un homme, une blessure dans cette région n'a rien dedrôle.—Masympathievaausanglier,rétorquai-je.J'espèrequetunevaspaschassercesbestiolestropsouvent.Jen'aimeraispasquemaviesexuellesoitcompromiseàcausedetesloisirs.—Jenechassepaslesanglier.Lesseulstrophéesquejeramènelanuitfinissentdansmonlit.Dèsqu'ilavaitquittél'appartement,jem'étaismiseàtravaillersurmachronique.ChèreMlleIndépendante,Jaiépouséilyacinqansunhommedontjen'étaispasvraimentamoureuse,simplementparcequej'avais trente ans et que j'estimais qu'il était temps de me caser. Toutes mes amies étaient déjàmariéesetj'enavaismarred'êtrelaseulecélibatairedugroupe.Monmariestadorable,ilestgentilattentionné, il m'aime sincèrement. Mais il n'y a pas la moindre étincelle de magie dans notrerelation,paslamoindrepassion.Jel'aichoisietchaquefoisquejeleregarde,jeprendscettevéritéenpleinefigure.C'estcommesij'étaisenferméedansunphare,etqu'ilétaitdel'autre,côtédelaportesansavoir la clé-Nousn'avonspasd'enfants, aussi personneendehorsdenousne souffrira si jedemandeledivorce.Pourtantquelquechosemeretient.Peut-êtreai-jepeurd'êtretropvieillepourrefairemavie?Oupeut-êtreai-jepeurdeculpabiliseràmort,parcequejesaisqu'ilm'aimeetqu'ilneméritepasdesubircela?Jenesaispasquoifaire.Toutcequejesais,c'estquejesuispiégéedansunmariage,quejeregrette.

Uncœuragité

Page 161: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

ChèreAgitée,Nous sommes tous des créatures en proie à des besoins et à des désirs complexes. La seule chosecertainedansunerelationsentimentale, c'estquevousallezchanger tous lesdeux,etqu'unbeaumatin,vousvousréveillerezetvousretrouverezfaceàuneinconnuedanslaglace.Vousaurezcequevousdésiriez,etvousdécouvrirezquevousaspirezàautrechose.Vouspensezsavoirquivousêtes,etpourtantvousvoussurprendrezvous-même.ChèreAgitée,parmitousleschoixquis'offrentàvous,unechoseestclaire:l'amourn'estpasquelquechosequ'onjetteàlalégère.Au-delàdeshasardsdelavieetdesopportunités,ilyaquelquechosequivousaattirée chez cethommeprécis.Avantdebriser votremariage,donnez-lui sa chance. Soyezfrancheavecvotremariàproposdecesmanquesdansvotrerelation,àproposdesrêvesauxquelsvousn'avezpasrenoncé.Laissez-ledécouvrirquivousêtesvraiment.Laissez-levousaideràouvrircetteporte,desortequevouspuissiezenfinvousrencontreraprèstoutescesannées.Commentpouvez-vousêtresûrequ'ilestincapablederépondreàvosbesoinsémotionnels?Commentpouvez-vousêtresûrequ'ilnerêvepasdemagieetdepassion,luiaussi?Pouvez-vousaffirmeravecunecertitudeabsoluequevoussaveztoutdelui?Touscesefforts,mêmes'ilséchouentauboutducompte,vousapporterontdesrécompenses.Celaexigeradevous,chèreAgacée,autantdecouragequed'opiniâtreté.Metteztoutenœuvreetbattez-vouspourdemeurerauprèsdel'hommequivousaime.Cessezdevousdemanderquelsbénéficesvousauriezputirerd'uneautrerelation,etconcentrezvoussurcequevousavez.J'espèrequevousvousposerezalorsd'autresquestions,etquevotremariauralesréponses.

MlleIndépendanteJe fixai l'écran demon ordinateur enme demandant si c'était là un bon conseil. Jeme rendiscompte tout à coupque jem'inquiétaispourAgitéeet sonmari. Jen'avaispas, semblait-il. sugardermapositiond'observatriceobjective.—Etmerde,murmurai-je,plustrèssûredemalégitimitédeconseillère.Despetitsbruits,reniflementsetbâillementsdiversenprovenancedulitm'avertirentqueLucétaitentraindeseréveiller.J'abandonnail'ordinateurpourallerlechercher.Àmavue,ilsourit,toutfrétillant.Sescheveuxsedressaientsursoncrânecommeunecrête.Jeleprisdansmesbras,lenichaicontremoncoeur.Sonsouffle,douxmechatouillaitlecou,etunevaguedebonheurniepritparsurprise.À17heures, jen'avais toujourspasdenouvellesde Jack. Je commençai àm'inquiéterunpeu,parcequ'ilavaitditqu'ilappelleraitetqu'iltenaittoujoursparole.Nousétionsconvenusdedînerchezluietj'avaisprévuunrepastraditionneldudimanchesoir.Jeluiavaismêmedresséunelistedecoursesàfaire.Jecomposaisonnuméro.Ilréponditaussitôt,d'unevoixsèchequineluiétaitpashabituelle.—Oui?—Jack,j'attendaistoncoupdefil.—Désolé.J'aieuunimprévu.Savoix sonnaitbizarrement, commes'il étaità la fois contrariéet fatigué. Jene l'avais jamaisentenduemployercetonauparavant.Ilsepassaitquelquechose.—Jepeuxt'aider?hasardai-je.—Jenepensepas,non.—Tu...tuveuxannulerpourcesoir,ou...

Page 162: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Non.—D'accord.Àquelleheuredois-jemonter?—Laisse-moiquelquesminutes.—Trèsbien,dis-je,puis j'ajoutaiaprèsunebrèvehésitation:Préchauffe le fouràcentquatre-vingt-dixdegrés.—D'accord,Aprèsavoirraccroché,jejetaiunregardperplexeàLuc.—Quepeut-ilbiensepasser?Tucroisqu'iladesproblèmesfamiliaux?Oud'ordreprofessionnel?Pourquoisommes-nousobligésd'attendreici?murmurai-je.Lucsemâchonnalepoingd'unairinspiré.—Bon,allonsregarderlesmarionnettesàlatélé,proposai-jeenl'emportantverslecanapé.Maisauboutdedeuxminutes,gagnéeparl'impatience,jemerelevai.JemetracassaispourJack.S'ilavaitunproblème,jevoulaisêtreàsescôtés.—Bon,jen'enpeuxplusd'attendre.Allonsvoirdequoiilretourne,déclarai-je.Jeglissailabandoulièredusacàlangersurmonépauleetprisl'ascenseuravecLuc.Uninstantplustard,jesonnaichezJack,Laportes'ouvritpresqueaussitôt.Jackmebloqualepassagedurantquelquessecondes.Jeperçustoutdesuiteunetensionchezlui,celled'unhommequiauraitsouhaitéêtreailleurs.Jenel'avaisjamais vu dans un tel état d'agitation. Par-dessus son épaule, j'aperçus une silhouette quibougeaitdanslesalon.—Jake,est-cequetoutvabien?demandai-jeàvoixbasse.Ilcilla,s'humectaleslèvres,faillitdirequelquechosepuisseravisa—Tun'espasseul?Ilsecoualatête,unelueurdésespéréetraversasonregard.Jelecontournai...etm'immobilisaienreconnaissantAshleyEverson.Elleétaitdanstoussesétats,etcependantsuperbe.Sonmascaraavaitcoulé,ses jouesétaientstriéesdelarmes,sesdoigtsfinstrituraientunmouchoirrouléenboule,etsescheveuxblondsauraienteubesoind'uncoupdebrosse.Jefusfrappéeparlecontrasteentresonexpressiondepetitefilleéploréeetsatenuechic,jupeblancheétroite,hautnoirmoulantquimettaitenvaleursapoitrineparfaite,petitevestecintréeetsandalesatalonshauts.Photographiée ainsi, maquillage brouillon compris, elle aurait été parfaite pour une pub deparfumhautdegamme.PasunesecondejenepensaiqueJackl'avaitinvitée.Aucontraire,ilétaitévidentqu'ilmouraitd'envie de se débarrasser d'elle.Mais je ne savais pas s'il valaitmieux le laisser gérer seul lasituationous'ilavaitbesoinderenfort.Jemetournaiversluiavecunegrimaced'excuse.—Désolée.Tuveuxquejerevienneplustard?—Non.Ilm'entraînadans le séjour etme confisqua lebébé commes'il leprenait enotage. Les traitsdélicatsd'Ashleys'étaientfigésàmavue.—Quiest-ce?demanda-t-elle.Jem'avançaiverselle.—Bonjour.Ashleyc'estcela?JesuisEllaVarner.Nousétionsàlafêted'anniversairedeChurchill,maisnousn'avonspasétéprésentées.Elleignoramamaintendue,jetauncoupd'œilàmonjeanetàmonT-shirt.

Page 163: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—C'estavecellequetuesrepartil'autresoir?demanda-t-elleàJack,l'airincrédule.—Oui,Jacketmoisommesensemble,confirmaijeaveccalme.Ashleynedaignapasmeregarder.—Ilfautquenousparlions.J'aideschosesàtedireet...Savoixmourutenvoyantl'expressionferméedeJack,lerefusglacial.Elleeutunmouvementdereculd'où jeconclusquec'était lapremière foisqu'iladoptaitune telleattitudederejetàsonégard.Ellefitvolte-faceetconsentitenfinàm'adresserlaparole:—Sivousvoulezbiennouslaisser,nousavonsàparler,Jacketmoi.Entêteàtête.Nousavonsététrès proches à une époque, et tout n'est pas réglé entre nous. Nous essayons d'aplanir lesdifficultés.Danssondos,Jacksecouavigoureusementlatêteetm'indiqualecanapé,injonctionmuetteànepasquitterleslieux.Lasituationviraità lafarce.Indécise, jememordillai l'intérieurdela joue.Visiblement,AshleyEverson avait toujours foncé tête baissée dans la vie, sans se soucier des dommages qu'ellecausait au passage. Aujourd'hui, son égoïsme forcené la rattrapait. Mais elle avait l'air sidésespéréequejenepouvaism'empêcherd'éprouverunevaguecompassionàsonégard.D'unautrecôté,ilétaithorsdequestionquejeluilivreJacksurunplateau.Ellel'avaitdéjàfaitsouffrirautrefois,jeneluidonneraispasl'occasionderecommencer.Sanscompterque...ilétaitàmoi!—Celaconcernevosproblèmesconjugaux?Demandai-jeprudemment.Elleécarquillalesyeux,—Quivousenaparlé?s'exclama-t-elle,avantdedécocheràJackunregardaccusateurqu'ilnevîtpas,occupéqu'ilétaitàajusterunVelcrosurlacouchedeLuc.Jetemporisai.—Jenesuispasvraimentaucourant.Jesaisjustequevoustraversezunemauvaisepasse,votremarietvous.Iln'estpasquestiondeviolenceconjugale,n'est-cepas?—Non,répliqua-t-elled'untonfroid.Nousnoussommeséloignésl'undel'autre,c'esttout.—Vous:m'envoyeznavrée.Avez-vousessayédesuivreunethérapieconjugale—Unethérapie?Jenesuispasfolle.—Desgens toutà fait sainsd'esprit suiventune thérapie.Celapourraitvousaideràanalyserl'originedevosproblèmes.Peut-êtreaviez-vousuneidéefausséedumariage?Oupeut-êtrevotrecouplesouffre-t-ild'unmanquedecommunication?Sivousvoulezsauvervotrerelation,ilvousfaudraitréfléchiràtoutcelaet...—Non,coupa-t-elle.Jen'aipasenviedelasauver.JeneveuxplusêtreavecPete.Jeveux...Ashleys'interrompit et jeta à Jack un regard féroce, avide. Il était clair qu'elle me méprisait, meconsidéraitcommeunerivalesansenvergure.Jesavaisbiencequ'ellevoyaitenlui:unhommequisemblaitêtrelaréponseàtoussesproblèmes.Ilétaitbeau,riche,désirable.Ilsymbolisaitunnouveaudépart.Elles'étaitpersuadéeque,sielleréussissaità lereprendre,elleoublieraitsonmal-être.—Vousavezdesenfants,objectai-je.Dansleurintérêt,vousnepouvezpasnepasessayeruneréconciliation.—Vousavezétémariée?—Non,admis-Je.—Alorsvousvousmêlezdecequevousneconnaissezpas.—Vousavezraison,maisjesaisquevousneréglerezpasvosproblèmesenvousrabattantsurJack.Votrerelationappartientaupassé.Ilatournélapageetjevaisprendrelalibertédeparleràsaplacepourvousdirequ'ilsesoucieencoresûrementdevousentantquepersonne,maisque

Page 164: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

celanevapasplusloin.Parconséquent,lameilleurechoseàfaireàprésent,dansl'intérêtdetoutlemonde,c'estderentrerchezvousetdevoiravecPetedequellemanièrevouspouvezarrangerleschoses.Tuesd'accord?demandai-jeàJack.Ilacquiesçad'unhochementdetête.Sestraitss'étaientdécrispes.Ashleypoussaunesortedeglapissementfurieux,etvrillaunregarddursurlui.—Tum'asditunjourquetumedésireraistoujours!—J'aichangé,répliqua-t-ilsansciller,leregardindéchiffrable.—Pasmoi.—J'ensuisdésolé.D'un geste saccadé, Ashley attrapa son sac àmain et fonça vers la porte. Je la suivis, un peuinquiète,medemandants'ilfallaitlalaisserprendrelevolantdansuntelétat.—Ashley...Je frôlai son bras mince pour la retenir. Elle me repoussa vivement. Je vis alors qu'elle étaitmaîtressed'elle-mêmeendépitdesacolère.Sonfrontseplissa,sespaupièress'étrécirent.EllefixaJackquisetenaitderrièremol.—Situmerepoussesaujourd'hui,tun'auraspasdedeuxièmechance,l'avertit-elle.Tuasintérêtàêtresûrdetoietdecequetuveux.—Jesuisonnepeutplussûr,fit-ilens'avançantpourluiouvrirlaporte.Ashleys'empourpradecolère.—Vouscroyezpouvoirleretenir?melança-t-elled'untonvibrantdemépris.Vousvousfourrezledoigtdans l'oeil,mapetite ! Ilvas'amuserunpeuavecvous,etquandilenauramarreilvousabandonnerasurlebas-côté.SonregardhaineuxrevintsurJack.—Non,tun'aspaschangé.Pasdutout.Tirpensesqueparcequetusorsavecunefillecommeelle,lesgenspenserontquetuasmûri.Maislavérité,c'estquetuestoujourslemêmesalaudégoïsteetsuperficielqu'avant!Ellesetut,haletante,avantdes'exclamer,s'étranglantpresqued'indignation:—Jesuistellementplusjoliequ'elle!Surce,elletournalestalonsetsortit.Jackrefermalaporteetjemyadossai,unpeusecouée.Lucdanslesbras,ilmedévisagea.Ilsemblaitperplexe,commes'ilseretrouvaitenterritoireinconnuettentaitderetrouversesrepères.—Merci,dit-ilenfin.—Derien.Ilsecoualatête,déconcerté.—Vousvoirtouteslesdeuxcommeça...—Lepasséetleprésent?Ilhochalatêteetsoupira.Lairtroublé,ilfourrageadanssescheveux.—OnregardeunefillecommeAshley,etondevinetoutdesuitequelgenredetypedoitluicouriraprès.Etj'étaiscetype-là.EtçamefoutenI'air.—Untypequirecherchaituntrophée?Unefilleravissanteetdrôle?C'esthumain,non?—Tuesplusfemmequ'elleneleserajamais.Etsacrémentplusbelle!Jeris.—Tudiscelaparcequejet'aidébarrasséd'elle.Ils'approchajusqu'àcequeLucseretrouveblottientrenous,glissalamainderrièremanuque.Ses doigts étaient fermes et frais. La sensation était délicieuse, presque insupportable. Je

Page 165: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

frissonnai.—Tun'espasfâchée?me-demanda-t-il,l'aircirconspect.—Pourquoiserais-jefâchée?—Toutes les femmesque je connais auraientpiquéune crise endécouvrantAshleydansmonappartement.—Ilétaitclairquetunel'avaispasinvitée.Et,entrenous, Jack...quelquesoit l’hommequetuétaisauparavant,tun'espasdutoutégoïsteousuperficie|.Jem'enportegarante.Ilinclinalatête,etmedonnaunlongbaiser,àlafoisduretdoux.—Nemequittejamais,Ella.J'aibesoindetoi.Toutàcoup,jemesentisoppressée.—Attention,tuvasécraserLuc.Avecunrirequisonnaitunpeu faux, jemedégageai,bienqueLucn'aitpasbougéetparaissecontentdesonsortnichéentrenous.

Page 166: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre21Jesavourailesdeuxsemainesquisuivirentavecunplaisirdoux-ameretlaconsciencedevivreunebrèvesaisondemonexistence.JacketLucétaientdevenuslesaxesautourdesquelstournaitmonunivers.Jesavaisquejefiniraisparlesperdretouslesdeux,c'estpourquoijem'autorisaissimplementàprofiterdelàmagiedesesbrûlantesjournéesd'été.C'était un bonheur plutôt trépidant. J'avais beaucoup de travail, je devais m'occuper de Luc,

j'essayaisdenepas:romprelecontactavecmesamis,etjepassaisle-plusdetempspossibleavecJack. Je n'aurais jamais imaginé devenir si intime avec quelqu'un en si peu de temps. Jeconnaissais ses expressions favorites, sa façon de pincer les lèvres quand il se concentrait, lamanièredontsesyeuxseplissaientquandilétaitsurlepointd'éclaterderire.Jesavaisqu'ilavaitlatêteprèsdubonnetsoussoncalmeapparent,qu'ilétaitbienveillantaveclesgensqu'il jugeaitvulnérables,etqu'ilnesupportaitpaspluslamesquineriequelesespritsbornés.Ilavaitunlargecercled'amisetdeux«meilleurspotes»,maislespersonnesenquiilavaitleplusconfiancedemeuraientsesfrères,surtoutJoe.Cequ'ilexigeaitavanttoutdesautres,c'étaitqu'ilstiennentparole.PourJack,unepromessedonnéeétaitunequestiondevieoudemort,uncritèreinfailliblepourdéfinirlavaleurd'unepersonne.Avecmoi, il semontrait ouvertement affectueux et tendre. Il aimait les contacts physiques etdébordaitd'énergie.Aulit,iladoraitjouer,batifoler,metaquiner,etparvenaitàmefaireaccepterdeschosesdontlesouvenirmefaisaitrougirlelendemain,àlalumièredujour.Maisparfois, iln'étaitplusquestiondejouer.L'amourdevenaitunechosetrèssérieuse,quandnousbougionsetrespirionsaumêmerythme,jusqu'àcequ'ilm'amèneauborddequelquechose,une sorte de transcendance chauffée à blanc qui me stupéfiait par son intensité. Dans cesmoments-là,jefreinaidesquatrefers,terrifiéeàl'idéedecequipourraitarriver.—Ilfautquetuaiesunbébéàtoi,décrétaStacyunjouroùjel'avaisappeléepourprendredesesnouvelles.C'estcequetonhorlogebiologiqueestentraindetedire.J'avaisessayédeluiexpliquercommentLuc,àsamanièreinnocenteetfragile,avaitabattutoutesmesdéfenses. Pour la première fois demavie, je ressentais un lien affectif avecun enfant, etcelui-ciétaitpluspuissantquejenel'avaisanticipé.J'avaisavouéàStacyquelaséparationserait«difficile».C'étaituneuphémisme.JevoulaisgarderLuc.Pour toujours. Jevoulais levoirgrandir jouraprès jour.Maisbientôt, savéritablemèreviendraitlechercher,etjeseraisrejetéeàlapériphériedesavie.C'étaitunsacrédoubleuppercutqueTaraetLucm'avaientassénélà.—Tuvasenbaverquandilvafalloirlerendre.Mieuxvauttepréparer,meditencoreStacy.—Jesais.Maiscommentfaire?Commentseprépareràunechosepareille?Jemerépètequejel'aigardéseulementtroismois,quecen'estpasunénormeinvestissementdetemps,etpourtant...jemesuisattachéeàluidansdesproportionsquin'ontrienàvoiraveccettelogique.—Ella, on ne parle pas de «proportions» lorsqu'il s'agit de bébés ! Je serrai le téléphone à lebriser.—Quedois-jefaire,Stacy?

Page 167: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Lance-toidanstespropresprojets.QuandTaraaurarécupéréLuc,reviensàAustinetcessedeperdretontempsavecJackTravis.—Pourquoiest-cequejeperdsmontempssiçameplaîtd'êtreaveclui?—Parcequevousn'avezpasd'avenircommun.Jereconnaisqu'ilestsexyet,sij'étaiscélibataire,jeseraissansdoutesurlesrangs,moiaussi.Maissoisréaliste,Ella.Tusaisbienquecegenredetypenes'engagepassurlelongterme.—Çatombebien,moinonplus.C'estpourquoiçameconvientsibien.—Ella,rentreàAustin.Jem'inquiètepourtoi.Jecroisquetutevoileslaface.—Àquelsujet?—Suruntasdechoses.Àvraidire,jemedemandaissicen'étaitpaslecontraire:j'avaiscessédemevoilerlafacesurbeaucoupdechoses.Etlavieétaitbeaucoupplusconfortableetmoinscompliquéeàl'époqueoùjemeberçaisd'illusions.J'avaismasœurautéléphoneunefoisparsemaine.Nousavionsdelonguesconversationsunpeugênées,émailléesdel'inévitablejargonpsytypiquedeceuxquisontpassésparlacasethérapie.—JerentreàHoustonlasemaineprochaine,m'annonçafinalementTara.Vendredi.Jequittelaclinique.LeDrJaslowditquec'est,unbondébut,maisquejedoiscontinuerâvoirquelqu'unsijeveuxfairedavantagedeprogrès.Unfroidintensem'envahit.—C'estformidable,articulai-je.Jesuiscontentequetuaillesmieux,Tara.TuvoudrasrécupérerLucsanstarder,j'imagine?ajoutai-jeaprèsunecourtepause.Sinon,jepeuxtoujours...—Jeveuxlerécupérer.« Tu le veux vraiment ? eus-je envie de lui demander. Parce que tu ne sembles pas du toutt'intéresseràlui,etquetuneposespasbeaucoupdequestionsasortsujet»J'étaispeut-être injuste.Peut-être luimanquait-il tellementaucontrairequ'elleavaitdumalàl'évoquer?Jem'approchaidulit.Lucdormait.D'undoigttremblant,jefrôlail'undespetitspotsdemielsurlemobilepourlefairetournoyer.—Tuveuxquej'ailletechercheràl'aéroport?proposai-je,—Non,je...Quelqu'unvas'encharger.MarkGottler,biensûr.—Écoute,Tara,jeneveuxpast'embêter,mais...cecontratpréliminairedontnousavonsparlé...jeletiensÀtadisposition,icià1appartement.J'aimeraisquetuyjettesaumoinsuncoupd'oeil.—D'accord,jeleregarderai.Maisjenelesigneraipas.Cen'estpaslapeine.Jememordislalèvre.Jenevoulaispasmedisputeravecelle,Unpasaprèsl'autre,merappelai-je.Jacketmoinousquerellâmesàproposdu retourdeTara. Il tenait àêtreprésent, alorsque jepréférai être seule. Je ne voulais pas qu'il assistée à un événement que je considérais commeprivé,etquis'annonçaitsidouloureuxpourmoi.Jen'avaispasenviequeJackmevoitdansuntelétatdevulnérabilité.Dureste.Joefêtaitsonanniversairelevendredi,etlesdeuxfrèresavaientorganiséunepartiedepêcheenmerdedeuxjoursaudépartdeGalveston.—TunevaspaslaissertomberJoe.—Nouspouvonsreprogrammercettesortie.—Mais tu luiaspromis, insistai-je,bienconscientede l'effetquecemotauraitsur Jack. Jenepeuxpascroirequetusongesàluifairefauxbondlejourdesonanniversaire.

Page 168: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Ilcomprendra.Ilyaplusimportant.—Çaira,net'inquiètepas.Etj'aibesoind'êtreentêteàtêteavecmasœur.Situeslà,nousnepourronspasparlerlibrement.—Bonsang,ellen'étaitpascenséequitterlacliniqueavantlasemaineprochaine!Pourquoia-t-elleavancésasortie?—Jel'ignore.Jen'arrivepasàcroirequ'ellen'aitpasréussiàs'organiserafindetenircomptedetapartiedepêche?—Jen'iraipas,décréta-t-il,buté.Excédée,jememisàarpenterleséjour.—Etmoi,jeveuxquetupartes,Jack.Jeseraiplusfortesanstoi.JevaisrendreLucàTara,boireungrandverredevin,prendreunbainetmecouchertôt.Sivraimentj'éprouvelebesoind'avoirdelacompagnie,j'iraivoirHaven.Ettuserasderetourlelendemain,etnouspourronsprocéderàl'autopsie.—Jediraisplutôtl'analysedumatch.Sonregardtropperspicacenemelâchaitpas.—Ella,bonsang,arrêtedefairelescentpasetviensici.Je m'immobilisai une dizaine de secondes, avant d'obtempérer. Il m'entoura de ses bras etm'attiraàluiendépitdemarésistance.—Cessedeprétendrequetoutvabien,memurmura-t-ilàl'oreille.—Jenesaispasfaireautrement.Quandonsoutientassezlongtempsquetoutvabien,toutfinitpars'arranger.Jackmetintcontreluisansriendire.Samainsedéplaçaitlentementsurmoi,pressant,caressant,telartistemodelantunblocdeglaise.Jemelaissaipalpercommeunpetitanimaldecompagnie,ettressaillislorsqu'ilplaquasonbassincontrelemienpourmefairesentirsondésir.Ilmedévêtit,puissedébarrassadesespropresvêtements.Quandjevoulusdirequelquechose,ilmeprîtlevisageentresesmainsetm'embrassaàpleinebouche,unbaisertorride.Sanslâchermes lèvres, ilm'entraîna sur le sol. Jeme tendisvers lui.Lentement,nous roulâmessurnous-mêmes. Je me retrouvai sur lui, puis de nouveau en dessous. Il me saisit aux hanches et mepénétrad'unamplemouvement.Jelaissaiéchapperunrâledeplaisirenlesentantpesersurmoi,m'empalerplusprofondément,s'ancrerenmoi.Ilattrapauncoussinsurlecanapé,leglissasousmeshanches,puismepossédaàgrandscoupsdereinsvigoureuxquim'arrachèrentdescrisetmeprécipitèrentdansl'orgasme.Ilcontinuaàmepilonnerdeplusbelle,prolongeantl'instant,retardantlemomentdesaproprejouissancejusqu'àcequ'ellelesubmergeenfin.Ildemeuralongtempsenmoi,sesdoigtsemmêlésdansmescheveux,m'interdisantdedétournerlatêtepourluidérobermabouche.J'avaisl'impressionqu'ilvoulaitmeprouverquelquechose,uneévidencequemoncœuretmonesprits'obstinaientàrefuser.Lejourn'étaitpaslevéquandilpartitlevendredimatin.Unpeuplustôt,ils'étaitassisauborddulitetm'avaitenlacéealorsquejedormaisencore.Jem'étaisréveilléeenmurmurant.Metenantlatêtedelamain,ilm'avaitchuchotéàl'oreille:—Faisceque tuasà faire. Jenevaispasresterdans tespattes.Maisàmonretour, tunemetiendraspasàdistance,tum'entends?Jet'emmèneraiquelquepartpourdelonguesvacances,etnousparlerons.Jeteprendraidansmesbrasettupleurerasjusqu'àcequetutesentesmieux.Etnoussurmonteronscetteépreuveensemble.Ilm'avait embrassée sur la joue,m'avait caressé les cheveux, avant deme laisser aller sur lematelas.Yeuxclos, j'avaisgardélesilence.Samainm'avaitencorefrôléla joue,s'étaitégaréelelongde

Page 169: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

monbras,surmahanche.Puisilavaitremontéledrapsurmoiets'enétaitallé.Jenepensaispasqu'ilexistâtunmoyendeconvaincreJackqu'ilattendaitplusquejenepouvaisluidonner,deluifairecomprendrequechezlesgensabîmésparlaviecommejel'avaisété, lapeuretlavolontédesurvivresurpasseraienttoujourslesliensaffectifs.Jenepouvaisaimerquedansunecertainemesure.Saufquandils'agissaitdeLuc.Etc'étaitlàunmiracledontj'étaislapremièresurprise.Maisj'allaisperdreLuc.J'avaisappriscetterudeleçon-làsisouvent.C'étaitunevéritéintérieurequin'avaitnulbesoindusupport de la logique. Chaque fois que j'aimais, je perdais et me retrouvais amputée. Queresterait-ildemoidemain,quandunautremorceaumeseraitarraché?J'habillaiLucd'unpetit costumemarinetdeminuscules tennisblanches.Àprésent, il pouvaitattraperdesobjetsou tapersurcequiétait suspendudevant lui. Ilmesouriait, souriaitàsonreflet dans le miroir. Quand je lui parlais, il gazouillait comme si nous avions de fascinantesconversations.Etlorsquejelesoulevaispourposersespetitspiedssurlesol,ilpoussaittrèsfortsursesjambes,commes'ilvoulaittenirdebout.Lucétaitàl'aubed'unemultitudededécouvertes.Bientôtilfranchiraitdesétapescruciales:lepremiermot,lapremièrestationassise,lespremierspas.Jen'enverrairien.Iln'étaitplusàmoisinondanslesecretdemoncœur.Les larmesme picotèrent les yeux et le nez. Jeme sentais horriblementmal, j'avais envie depleurer,maisn'yarrivaispas.J'avaisbeauprendredefermesrésolutions:«Tuluirendrasvisite.Tutrouverasmoyendefairepartiedesavie.Tuserassatantesupercool,cellequiluiferalesplusbeauxcadeaux.»Maiscen'étaitpaspareil.—Luc,dis-jeenfixantleVelcrosursachaussure,mamanvavenirtechercheraujourd'hui.Tuvasenfinlaretrouver.Il me sourit. Je me penchai, effleurai sa joue duveteuse de mes lèvres. Son poing minusculem'agrippa les cheveux. Doucement, je lui écartai les doigts, le pris dans mes bras et allaim'installer avec lui sur le canapé. J'entreprisde lui lire son livrepréféré. Il étaitquestiond'ungorillequi,lanuitvenue,libéraittouslesanimauxduzoo...Parvenueaumilieudel'histoire,l'interphonegrésilla.—MademoiselleVamer,vousavezunevisiteuse.—Faites-lamonter.Jemesentaisabattue,nerveuse.Etj'étaisconsciented'unesourdecolèretapieaufonddemoi.Pas immense, non, juste une petite colère qui mijotait dans son coin, assez brûlante pourdissoudretoutespoironsursautd'optimismeconcernantmonpropreavenir.Jen'auraisjamaissoupçonnéqu'unetellesouffrancepuisseexister.Onfrappatroiscoups légersà laporte. J'allaiouvrir,Lucdanslesbras.Jeme retrouvai face à Tara, les traits un peu émaciés, et cependant plus belle que dansmonsouvenir. Elle était superbe en haut de soie blanche, slim noir et ballerines noires à clousargentés. Ses cheveux blond pâle retombaient en vagues douces sur les grosses créoles quipendaient à ses oreilles. Un bracelet en diamant - d'une quinzaine de carats à vue de nez -étincelaitàsonpoignet.Taraentradansl'appartement,boucheouvertesuruneexclamationsilencieuse.Ellen'essayapasdemeprendreLuc,secontentadenousenlacertousdeux.J'avaisoubliéqu'elleétaitsigrande.

Page 170: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Adolescente,ellen'avaitpastardéàmedépasserentaille.Jem'étaisplainte:cen'étaitpasjustequ'elleaitunepousséedecroissanceavantmoi!Ellem'avaittaquinéeendisantqu'elleavaiteudroitàdeuxpousséesdecroissance,lasienneetlamienne.Sonétreintemerappelaitmillesouvenirs.Etsurtoutcombienjel'aimais.Elles'écartaenfinpourmedévisager,etsonregardtombasurlebébé.—Oh,Ella,ilestsibeau!s'exclama-t-elle,émerveillée.Etilatellementpoussé.—N'est-cepas?JechangeaidepositionpourqueLucseretrouvefaceàsamère.—Regardecommetamamanestbelle,Luc...Tiens,prends-le,Tara.Lebébéchangeadebras.Taralecalaavecprécautioncontreelle,etlevasurmoisesyeuxembuésdelarmes.Sespommettesavaientrosisoussonmaquillage.—Merci,Ella,souffla-t-elle.Ama grande surprise, je ne versai pas une larme. Apparemment, j'avais réussi à instaurer ladistancenécessaireentremoietcequisepassait.—Vienst'asseoir,proposai-je.Taramesuivitdansleséjour.—Tuhabites1800MainStreetettusorsavecJackTravis...C'estcequis'appelleretombersursespieds,Ella!—JenesuispassortieavecJackpoursonargent,medéfendis-je.—Situledis,jetecrois,répliqua-t-elleenriant.Maisc'estquandmêmegrâceàluiquetuaseucetappartement,non?—C'estjusteunprêt.Maismaintenantquejen'auraisplusàm'occuperdeLuc,jevaisallervivreailleurs.Jenesaispasencoreoù.—Pourquoinerestes-tupasici?—Çanemesemblepasunebonneidée.Maisjetrouveraiquelquechose,net'inquiètepas.Cequiimportepourl'heure,c'estdesavoiroùtoituvasaller.QuelssonttesprojetsavecLuc?Taraparutaussitôtsurladéfensive.—J'aiunebellemaison,pastrèsloind'ici.—C'estMarkquitel'atrouvée?—Enquelquesorte.Ladiscussionsepoursuivit.Jem'efforçaideluisoutirerquelquesinformationssursasituation,ce qu'elle avait l'intentionde faire, la façondont elle comptait gagner sa vie.Mais elle n'avaitmanifestementpasenviedemerépondre,etsesdérobadesnetardèrentpasàm'irriter.Lucdutpercevoirlatensionquimontaitentrenous-oupeut-êtreenavait-ilassezd'êtredansdesbrasinconnus-,toujoursest-ilqu'ilcommençaàs'agiter.—Qu'est-cequ'ila?S'inquiétatara.Tiens,reprends-ledonc,Ella.J'obtempéraiaussitôt.Lucseblottitcontremonépauleetretrouvasoncalme.—Tara,commencai-jeprudemment,jesuisdésoléesitupensesquejemesuismêléedecequinemeregardaitpasenallant trouverMarkGottler.Mais je l'ai faitpourvousprotéger,Lucet toi,vousobtenirdesgaranties.—J'aitouteslesgarantiesqu'ilmefaut,déclara-t-elleavecunesérénitéquimesidéra.Iladitqu'ilveilleraitsurnous,etjelecrois.Jenepusmecontenir.—Commentpeux-tucroirequ'unhommecapabledetrompersafemmetiendraparole?—Tunecomprendspas,Ella.Tuneleconnaispas.—Jel'airencontré.C'estunsaletype.Froidetmanipulateur.Bienentendu,cecommentairelamit

Page 171: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

horsd'elle.—Tutecroistoujourstellementmaligne,pasvrai?Tupensestoutsavoir!Ehbienquedis-tudeça?MarkGottlern'estpaslepèredeLuc.Ilaacceptédeporterlechapeaupourprotégerlevéritablepère.—Alorsquiest-ce,Tara?demandai-jeavecunecolèreteintéedelassitude.—Noah.Jeladévisageai,muettedestupeur.Etvisdanssonregardqu'elledisaitlavérité.—Noah...Cardiff?articulai-je.—Oui. Ilm'aime.Desdizainesdemilliersdegens l'adorent, ilpourrait avoirn'importequellefemme,mais c'estmoi qu'il veut. Ou penses-tu qu'il est impossible qu'un homme tel que luitombeamoureuxd'unefillecommemoi?—Non,je...Luc était en train de s'assoupir. Je caressai son petit dos. Luc. Son disciple préféré. Je dusm'éclaircirlavoixavantdedemander:—Etsafemme?Elleestaucourantpourvousdeux?EtpourLuc?—Pasencore.Noahluienparieralemomentvenu.—Quand?—Plus tard, quand ses enfants auront grandi un peu. Pour le moment, il a de trop lourdesresponsabilités.C'estunhommetrèsoccupé.Maisilvas'arranger.C'estavecmoiqu'ilveutvivre.—Tucroisvraimentqu'ilmettraitendangersonimagepubliqueparundivorce?Ilal'intentiondevoirLucsouvent?—Lucestencoretrèsjeune.Ilaurasurtoutbesoind'unpèrequandilseraplusgrand.Etd'icilà,Noahm'auraépousée.Monexpressionnedutpasluiplairecarelleserenfrogna,—Inutiledefairecettetête-là,reprit-elle.Ilm'aime,Ella.Ilapromisdeveillersurnous.Nousnemanqueronsderien.—Tutesenspeut-êtreensécurité,maistunel'espas.Tun'asaucunearmepournégocier.Ilpeuttejetern'importequand.—EttutecroismieuxlogéeavecJackTravis,peut-être?Quellessonttesarmesàtoi?Quiteditqu'ilnetejetterapas?Moi,aumoins,j'ailebébédeNoah.—JenedépendspasdeJackpourvivre,contrai-jecalmement.—C'estvrai,tunedépendsdepersonne.Tunefaisconfianceapersonneettunecroisenrien.Ehbien,moi,jesuisdifférente.Jeneveuxpasêtreseule.J'aibesoind'unhommeauprèsdemoi,cijenevoispasouestlemal,Noahestlameilleurechosequimesoitarrivé.Ilestbon,intelligent.Ilprietoutletemps.Jepariequ'ilaplusd'argentqueJackTravis.Ilconnaîttoutlemonde,Ella.Deshommespolitiques,deshommesd'affaires...toutlemonde.Ilestincroyable—Ilseraitprêtàconsignersespromessesparécrit?—Nousn'avonspascegenrederelation.Jetrouveraiscelavulgaireetmesquind'exigerceladesapart.Celaleblesserait,ilpenseraitquejeneluifaispasconfiance.DetouteFaçon,ilsaittrèsbienquec'esttoiquiesàl'originedececontrat,etquejen'airienàvoirlà-dedans.Elle sentit quelle ne réussirait pas à me convaincre. Sa bouche se tordit dans une grimaceexaspéréeetleslarmesfuimontèrentauxyeux.—Tunepourraispasteréjouirpourmoi,toutsimplement,Ella?—Pasdanscesconditions,rétorquai-jeensecouantlatête.Duboutdesdoigts,elleécrasaleslarmesquiluiperlaientauxpaupières.—Tucherchesàcontrôlerlesautrescommemaman.Tut'enrendscompte,aumoins?Donne-

Page 172: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

moiLuc,fît-elleenselevant.Jedoisyaller.J'aiunevoitureavecchauffeurquim'attendenbas.JeluiabandonnaLucquis'étaitendormi,allaichercherlesacàlanger,glissaiàl'intérieurlepetitlivrecartonné.—Jevaist'aideràmettrelapoussettedanslecoffredelavoiture...—Jen'enaipasbesoin.J'aiunenurseryavecdumatérielflambantneuf.Ladouleurquimebroyaitlapoitrinem'empêchaitpresquederespirer.—Tara,neparspasencolère.—Je;nesuispasencolère.C'estjusteque...Mamanettoiêtesdesrelationstoxiquespourmoi,Ella. Je saisque cen'estpas ta faute,mais chaque foisque je vousvois, jeme rappelle l'enferqu'étaitnotreenfance.J'aibesoinderemplirmaviedechosespositives.Désormais, iln'yauraplusqueNoah,Lucetmoi.J'étaissiaccabléeque jepouvaisàpeineparler.Puis jemepenchaisur lanacelledans laquelleTaravenaitdedéposersonfils,etpressaimaladroitementleslèvressurlepetitfrontduveteux.-—Aurevoir,Luc,chuchotai-je.Jemeredressaietregardaimasœurquitterl'appartementenemportantsonbébé.Lesportesdel'ascenseurs'ouvrirent,serefermèrent.C'étaitfini,ilsétaientpartis.Avec des gestes précautionneux de vieille femme, je refermai le battant. Tel un automate, jegagnailacuisineetentreprisdepréparerunthéque,jelesavaisdéjà,jeneboiraispas.—C'estfini,dis-je,àvoixhaute.Lucseréveilleraitetjeneseraispaslà.Ilallaitsedemanderpourquoijel'avaislaissé.Lesondemavoixluimanqueraituntemps,puiss'effaceraitdesamémoire.Monbébé.Monpetitgarçon.Jemebrûlaiavecl'eaubouillante,maismoncerveauanesthésiél'enregistraàpeine.Jedevenaisschizophrène.Unepartie-demoidésiraitlaprésencedeJack...Ilsauraitpeut-êtrecommentbriserlaganguedeglacequiétaitentraindeserefermersurmoi...Enmêmetemps, lapenséed'êtreavecluim'emplissaitdeterreur.J'enfilaimonpyjamaetpassailerestedel'après-mididevantletéléviseursansriencomprendreàce qui se passait sur l'écran. Le téléphone sonna. Je laissai le répondeur se déclencher. Avantmême de regarder le nom qui s'affichait, je sus que c'était Jack.Mais jeme sentais incapabledéparleraquiquecesoit.Jecoupai lesonpournepasentendresonmessage.Jemepréparaiunesoupeensachetquejemangeai lentement, avant deme servir un verre de vin. La sonnerie du téléphone retentit denouveau.Jenedécrochaipas.Nicettefoisnilessuivantes.Bientôt,l'écranindiquaqu'ilyavaitsixmessages.J'allaismemettreau litquandon frappaà laporte.C'étaitHaven.Sesgrandsyeuxsombres,sisemblablesàceuxdesonfrère,reflétaientuneinquiétudesincère.Ellenefitpasmined'entrer,glissasimplementlesmainsdanslespochesdesonjeanetdemandadoucement:—Lucestparti?—Oui,ilestparti.J'avaisfeintledétachement,maislederniermotrestacoincédansmagorge.—Jackaessayédetejoindre.—Jesais,dis-jeavecunvaguesourired'excuse.Maisjen'aipaslatêteàdiscuter,etjenevoulaispasgâchersapartiedepêcheavecmamauvaisehumeur.— Tu ne gâcherais rien du tout. Il veut juste s'assurer que tu vas bien. Il m'a appelée il y aquelquesminutespourmedemanderdepassertevoir.— Désolée. Ce n'était pas la peine de te déranger. Je ne vais pas me jeter par la fenêtre, ne

Page 173: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

t'inquiètepas.Jesuisjusteaffreusementfatiguée.—Oui, je vois. Veux-tu que je reste un peu avec toi ? proposa-t-elle après une hésitation. Onpourraitregarderlatélésituveux.—Merci,maisnon.Jeveuxjustedormir.—D'accord.J'étaisentraindemeratatinersousleregardcompatissantdeHaven,telunoiseaudenuitquitented'échapperàlalumièredujour.—Ella,murmura-t-elle,jen'aipasd'enfantetjenesaispasexactementcequetuendures...maisjesaiscequec'estquedeperdrequelqu'un,etdesouffrir.Jesaisécouter.Situveux,nousparleronsdemain,d'accord?—Iln'yarienàdire.Jen'avaispasl'intentiondeparlerdeLuc.Plusjamais.C'étaitunchapitredemaviequivenaitdesecloredéfinitivement.Havenmepressagentimentl'épaule.—Jackseraderetourdemainvers17heures.Peut-êtremêmeplustôt.—Jeneseraisansdoutepaslà,m'entendis-jerépondre.JevaisrentreràAustin.Ellemelançauncoupd'œilalarmé.—Voirdesamis?—Je ne sais pas. Je rentrerai peut-être pour de bon. J'ai réfléchi... J'aimerais que les chosesredeviennentcommeavant.LavieavaitétésimpleetdouceàAustin,avecDane.Jen'avaispasd'émotionsexacerbées,jeneréclamais pas grand-chose, je ne recevais pas grand-chosenonplus, et personnene faisait depromesses.—Tupensesquec'estpossible?s'enquitHavend'unevoixdouce.—Jel'ignore.Ilfautessayer,jesuppose.Ici,j'ail'impressionquetoutvadetravers.—Attendsunpeuavantdedéciderquoiquece soit,plaida-t-elle.Tuasbesoindeprendredurecul.Donne-toiunpeudetemps.

Page 174: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre22Lelendemainmatin,alorsquejesortaisdelachambre,quelquechosecouinasousmonpied.LelapinenpeluchedeLuc.Jemebaissaipourleramasser,allaim'asseoirsurlecanapéetpleurai.Mais ce n'était pas la bonne crise de larmes salutaire dont j'avais besoin, juste des larmesdedétresse.Jeprisunedouche,demeuraiunlongmomentsouslejetd'eauchaude.JemerendaiscomptequeTaraauraitbeaupartirleplusloinpossibleetmeteniràdistance,celanem'empêcheraitpasdelesaimer,Lucetelle.Personnenepourraitm'enlevercela.Taraetmoiétionsdessurvivantes.Enréactionànotreenfancedésastreuse,nousavionsadoptédespositionsopposées.Elleredoutaitlasolitudeautantquejecraignaislapromiscuité.Ilétaittoutàfaitpossiblequ'avecletemps,nousréalisionsquenousnoustrompions,quelesecretdubonheurrésidaitailleursetnouséchapperait toujours.Encequimeconcernait, jen'étaissûrequed'unechose:seull'isolementm'avaitprotégée.Jem'habillai, attachaimes cheveux en queue-de-cheval, puis entrepris de pliermes habits enpilesbiennettessurlelit.Le téléphone demeura silencieux. Jack avait apparemment renoncé à me joindre, ce qui melaissaitperplexeetmemettaitmalàl'aise.MêmesijemerefusaisàparlerdeLucoudecequejeressentais,j'auraisaiméavoirdesnouvellesdeJack.Lebulletind'informationslocalesannonçaqu'unedépressionétaitentraindeseformeraulargedu golfe duMexique. J'en conclus que lemauvais temps allait compliquer le retour des frèresTravis,àmoinsqu'ilsn'aientavancél'heuredudépartetprislesintempériesdevitesse.Unedemi-heureaprèslepremierbulletin,ladépressiontropicalepassaaustadedetempête,avecdesventsdeplusdequatre-vingt-dixkilomètresheure.Inquiète,j'appelaiJacketobtinssamessagerie.—Salut,dis-jeaprèslebip.Jem'excusedenepast'avoirréponduhiersoir, j'étais fatiguéeet...Bref,j'aientendulamétéoetjevoulaisêtresûrequetoutallaitbien.Rappelle-moi,s'ilteplaît.Letempspassasansquej'aielamoindrenouvelle.Jackétait-ilfâchécontremoi?Ouétait-iljusteoccupéàramenerlebateauauport?En début d'après-midi, le téléphone sonna enfin. Je me précipitai pour répondre, sansmêmevérifierl'identitédel'appelantsurl'écran.—Jack?—Ella,c'estHaven.JemedemandaissiJackn'auraitpaslaisséunplandenavigationcheztoi,parhasard?—Non.Jenesaismêmepascequec'est.Celaressembleàquoi?— Juste une ou deux feuilles de papier avec des indications, la description du bateau, ladestination,l'itinéraire,lenombred'escalesetl'heureprévueduretour.—Pourquoin'appelles-tupasJackpourluiposercesquestions?—NiluiniJoenerépondentautéléphone.—J'airemarqué,j'aiessayédejoindreJacktoutàl'heureàcausedubulletinmétéo,sansrésultat.Je me suis dit qu'il avait sans doute d'autres chats à fouetter. Tu... tu crois qu'il y a lieu des'inquiéter?

Page 175: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Pasvraiment.C'estjusteque...j'aimeraisconnaîtreleurplanningdemanièreplusprécise.—Jevaismonterchezluivoirsijetrouvequelquechose.—Inutile,jel'aidéjàfait.Hardyvaappelerlacapitaineriedelamarinad'oùilssontpartis.Ilsontprobablementlaissédesinformationslà-bas.—Rappelle-moipourmeteniraucourant,d'accord?—Biensur.QuandHaveneutraccroché,jerestaiuninstantimmobile,lecombinéàlamain.PuisjecomposaidenouveaulenuméroduportabledeJackettombaisursaboîtevocale.—C'estencoremoi.Rappelle-moi-dèsquetupourras,dis-jed'unevoixtendue.Jeregardaitachaînemétéoquelquesminutes,puisquittail'appartementaprèsavoirattrapémonsac. Celame faisait tout drôle deme déplacer sans l'attirail que je trimballais partout quandj'avaisLuc.JegrimpaichezHavenetHardy.Havenvintm'ouvrirets'effaçapourmelaisserentrer.—Jecommencevraimentàm'inquiéter,avouai-je.Tun'aspasdenouvellesfraîches?Ellesecoualatête.—Hardyestautéléphoneaveclecapitainedelamarina.Ilscherchentleplandenavigation.J'aidiscuté avec Graig, il trouve bizarre qu'ils ne soient pas rentrés à l'heure qu'il est mais,apparemmentleuremplacementàlamarinaesttoujoursvide.—Ilsontpeut-êtredécidédeprolongerleurpartiedepêche.—Pasparuntempspareil.Deplus, jesaisqueJackavait l'intentiond'écourter laballade. Ilnevoulaitpastelaisserseuletroplongtempsaprèscequis'estpasséhier.—J'espèrequ'ilneluiestrienarrivé...quejepuisseletueràsonretour!Havenréussitàrireetrépliqua:—Ilfaudraattendretontour.Hardyraccrochaets'emparadelatélécommandepouraugmenterlevolumesonoreetécouterunnouveaubulletinmétéo.—Salut,Ella,melança-t-ildistraitement,lesyeuxrivéssurl'écran.Lui d'ordinaire si nonchalant était visiblement tendu et soucieux. Il était à demi assis surl'accoudoirducanapé,l'airprêtàbondir.—Qu'aditlecapitainedelamarina?s'enquitHaven.—IlsessaientdejoindreJacketJoeparradio.Pourlemoment, iln'yariensurlecanal9,celuiqu'onutilisepourlancerlesappelsdedétresse.Savoixégalesevoulaitrassurante.—C'estbonsigne?insistai-je.—Pasdenouvelle,bonnenouvelle,répondit-ilavecunsourire.Maisdeuxridesluicreusaientlefront.Jene connaissais rien à la navigation, je ne savaismêmepasquelles questionsposer,mais jecherchaisdésespérémentuneexplicationrationnelleausilencedesdeuxfrèresTravis.—Lebateauaurait-ilpuavoirunepanneélectrique?S'ilssetrouventdansunezoneoùlesondesdesportablesnepassentpas….—Il peut y avoir toutes sortes d'avaries, de contretemps, de coïncidences sur un bateau,acquiesçaHardy.—JoeetJacksontdesmarinschevronnés,intervintHaven.Ilsconnaissenttouteslesprocéduresdesécuritéetaucund'euxneprendraitdesrisquesinconsidérés.Jesuiscertainequetoutvabien.J'avaispourtantl'impressionqu'elleessayaitdeseconvaincreelle-même.—Ets'ilss'étaientfaitrattraperparlatempête?hasardai-je.

Page 176: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Cen'estquandmêmepasunouragan,répandit-elle.Ets'ilssesontretrouvésprisdedans,ilsauront essuyé le grain avant de poursuivre leur route. Je vais appeler Graig pour savoir siquelqu'unestavecpapa,Haven et Hardy passèrent la demi-heure qui suivit au téléphone, à tenter d'obtenir d'autresinformations, Liberty était allée à River Oaks pour attendre des nouvelles en compagnie deChurchilltandisque,desoncôté,GraigserendaitauxbureauxdelaGardecôtièredeGalenaPark.DeuxvedettesdepatrouillesavaientdéjàquittéFreeportpourrechercherlebateaudesTravis.Pendantunmoment,nousn'eûmesriend'autreànousmettresousladent.Une autre demi-heure passa. Nous restâmes plantés devant la chaîne météo et Haven nousprépara des sandwichs que personne ne songea à mangée La situation semblait irréelle, latensionmontaitlentementàmesurequelesminutess'égrenaient—Jeregrettedenepasêtrefumeuse!s'exclamaHavenavecunriretremblant,alorsqu'ellefaisaitlescentpas.C'estdanscegenred'occasionsqu'oùaimeraitgrillerdescigarettesàlachaîne.—Pasquestionquetutemettesàfumer,fitHardyenl'attrapantsonpoignet.Tuasdéjàassezdevicescommeca,monange.Ils'appuyaaudossierducanapé,etl'attiraentresesjambes.Elleseblottitcontrelui.—Àcommencerpartoi,fit-elled'unevoixétouffée,tuesmapireaddiction.—C'estvrai,confirma-t-ilenfaisantglissersesdoigtsdansseslongscheveuxbruns.Ettun'aspasintérêtàguérir.ÀcetInstant,letéléphonesonna.Havenetmoisursautâmes.Hardydécrocha,—Cates,dit-ilbrièvement.Graig,tuasdesnouvelles?Ilsefigeaettombadansunsilencequimedonnalachairdepoule.Durantdelonguessecondes,ilécoutacequeluidisaitGraig.Moncœursétaitmisàcognerdansmapoitrine,j'avaislatêtequitournaitetundébutdenausée,—Compris,ditenfinHardyd'unevoixcalme.Ont-ilsbesoind'hélicessupplémentaires?Parcequejepeuxenobtenirautantqu'il.,.Jesais.Maisc'estcommedechercheruneputaind'aiguilledansunemeuledefoin.Jesais.D'accord,onvaattendre.Ilraccrocha,—Alors?soufflaHavenensagrippantasesépaules,Hardydétournalatêteuninstant.Unpetitmuscletressaillaitsursajoue,—Ilsonttrouvédesdébrisflottantsurlamer,lacha-t-ilfinalement.Etcequirestedubateauestimmergé.D'unseulcoup,moncerveausevidadetoutepenséecohérente.JefixaiHardy.Avait-ilvraimentprononcélaphrasequejevenaisd'entendre?Livide.Havendemanda:—Ilsontenvoyédessecours,alors?—OuiLesgarde-côtesontdépêchésurleslieuxdeuxTupperwolf-cesgroshélicoptèresorange.—Desdébris...surlamer,bredouillai-je.Commesi...s'ilyavaiteuuneexplosion?—Oui.Desgarsd'uneplate-formepétrolièreontditavoiraperçudelafuméeàl'horizon.Nousnousefforcionstoustroisd'assimilercesnouvelles,d'absorberlechoc.Jeplaquailamainsurmabouche.Oùétait Jackencemoment?Était-ilblessé? -En traindesenoyer?«Non,nepensepasàça!»m'intimaunevoixintérieure.Mais l'espace d'une seconde, j'eus l'impression de me noyer, moi aussi. Je sentais les eauxsombresetglacialesserefermersurmoi,moncorpss'enfoncerdanslesprofondeurs.D'unevoixétrangementposéeendépitduchaosquirégnaitenmoi,jem'entendisdemanderàHardy:—Qu'est-cequipeutêtreàl'origined'uneexplosionàbordd'unbateau?Excessivementcalmeluiaussi,ilrépondit:

Page 177: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Une fuite de gaz, unmoteur en surchauffe, une accumulation de vapeur près du réservoird'essence,uneexplosiondebatterie...Quandjetravaillaissurlaplate-formepétrolière,j'aivuunjourunbateaudepêcheexploseraprèsavoiraccrochéuneconduited'essenceimmergée.IlbaissalesyeuxsurHaven,quiluttaitvisiblementpournepaspleurer.—Ilsn'ontpastrouvédecorps,murmura-t-ilen l'attirantcontre lui. Ilne fautpas imaginer lepire,ilssontpeut-êtredansl'eau,àattendrelessecours.—Ildoityavoirdesvaguesmonstrueuses,balbutia-t-elle,lenezcontresachemise.— C'est vrai, la mer est mauvaise, concéda-t-il. Selon Graig, le capitaine qui coordonne lesopérationsdesauvetagesesertd'unlogicieldesimulationpourtenterdedéterminerversquellezoneilsauraientpudériver.— Quelles sont les chances qu'ils s'en soient tirés ? demandai-je d'une voix frémissante. Enadmettantqu'ilsaientsurvécuàl'explosion,tucroisqu'ilsportaientdesgiletsdesauvetage?Unsilencedemortsuivitnuiquestion.—C'estpeuprobable,avouaHardy.Maiscen'estpasimpossible.Sonnée,jemelaissaitombersurlachaiselaplusproche.Desvoixtonitruantesrugissaientsousmon crâne. «Tu asbesoindeprendredu recul.Donne-toi unpeude tempsm'avait conseille-Havenquandjeluiavaisditquej'envisageaisderetourneràAustin.Àprésent,jen'avaisplusletemps.Jenereverraispeut-êtrejamaisplusJack.Siseulementonpouvaitm'accordercinqminutesaveclui...J'auraisdonnédesannéesdemaviepourpouvoirluidirecombienjetenaisàlui,combienilcomptaitàmesyeux,combienjel'aimais.Jerevoyaissonsourireéblouissant,sesyeuxsombres,sonbeauvisagesévèrequandildormait.Lapenséedeneplusjamaissentirladouceurdesabouchesurlamiennemecausaitunedouleurinsupportable.Combien d'heures avais-je passées allongée prés de lui incapable de prononcer lesmots dontmoncœurdébordait.J'avaiseumilleoccasionsd'êtrehonnêteaveclui.Jen'enavaissaisiaucune.Jel'aimais,etilnelesauraitpeut-êtrejamais.Jecomprenaisenfinquecequej'auraisduredouter,cen'étaitpasdeperdrel'êtreaimé,maisdenejamaisaimer?J'avais choisi la sécurité, et je le payais le prix fort. Je savais que les cuisants regrets quej'éprouvaisencetinstantmetenailleraientjusqu'àlafindemesjours.—Jenesupportepasderestericiàattendre!s'exclamasoudainHaven.Onnepeutpasalleraubureaudesgarde-côtes?—Situytiens,Jepeuxt'yemmener,ditHardyMaisnousneferonsquelesgênerdansleurboulotEtGraignouspréviendrade toute façondèsqu'il y auradunouveau.Tunepréfèrespas allerretrouvertonpèreetLiberty—Si,tuasraison.Jevaisdevenirfollesinousrestonsiciuneminutedeplus.NousétionsenroutepourRiverOaksquandleportabledeHardysonna.Iltenditlebrasversletableaudebord,maisHavenledevançaets'emparadel'appareil.— je vais répondre, tu conduis. Allô. Graig ? Vous avez des nouvelles ? Elle écouta quelquessecondes,puis:—ÔmonDieu, jenepeuxpaslecroire,Lequeldesdeux?Ilsnesaventpas?Merde.Est-cequequelqu'unpourrait...Oui.d'accord.Onvalà-bas.EllepivotaversHardy.—GarnerHospital. Ils lesontrepêchesetsontentrainde lesévacuerparhélicovers l'hôpitalL'undesdeuxàl'aird'alleràpeuprèsbien,maisl'autre….l'autreestdansunétatcritique,acheva-

Page 178: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

t-elled'unevoixbrisée,tandisqueleslarmesjaillissaient.—Lequel?demandai-jedansunsouffle.Hardyavaitdéjàentreprisdefairedemi-touretsefrayaituncheminenforcedanslacirculationdenseducentre-ville.DescoupsdeKlaxonfurieuxretentissaientautourdenous.— Graig ne sait pas, répondit Haven. C’est tout ce qu'il a obtenu comme informations. Il vaappelerLibertypourqu'elleemmenépapaal'hôpital.L'hôpitalfaisaitpartieduCentremédicalduTexas.IltenaitsonnomdeJohnNanceGarner,quiavaitétévice-présidentdugouvernementdeFranklinRooseveltdurantsixmoisetétaitd'originetexane. D'une capacité de six cents lits, rétablissement possédait un service de transportd'urgenceaérienautop,etl'undesmeilleursservicesdetraumatologieauniveaunational.Nouscirculionsdansl'immensedédaledebâtimentsultra-modernesetvenionsdepasserdevantleMémorialHermann, une tour de trente étages couronnée d'une arche de verre, une annexeparmitantd'autresdececomplexemédicaltentaculaire.—LeparkingSkybridge?suggéraHardy.—Non,ilyaunvoiturierdevantl'entréeprincipale,ditHavenendébouclantsaceinture.—Uneseconde,jem'arrête...Hardyjetauncoupd'ouipar-dessussonépauleetvitquej'avaisaussidétachémaceinture.—Çanevousferaitriend'attendrequejefreineavantdesortir?Desquelevéhiculefutremisauvoiturier,nouspénétrâmesdanslehalldel'hôpital.HavenetmoiavionsdumalànousmainteniràlahauteurdeHardyquimarchaitàgrandesenjambées.Nousdéclinâmesnos identitésà l'accueil et fûmesdirigesvers le servicede traumatologie, situéaudeuxièmeétage.On put juste nous dire que l'hélicoptère était arrivé sans encombre et que les deux patientsavalentétéprisenchargeparl'équipederéanimationavantdenousinviteràrejoindrelasalled'attente.Onn'entendaitquelebourdonnementdelapetitetéléaccrochéeenhauteurJefixaisanslesvoirlesimagesquidéfilaientsurl'écran.Lesmotsdescommentateursmeparaissaientdépourvusdesignification-RienendehorsdeCettepiècen'avaitlemoindresens.Havennetenaitpasenplace.Ellearpentaitlasalled'attentetelunfauveencage.Hardyparvîntàla convaincre de s'asseoir à côté de lui. Il lui massa les épaules, lui murmura des parolesapaisantes.Jelaviss'essuyersubrepticementlesyeux.Graig arriva presque en même temps que Liberty et Churchill. Tous trois semblaient aussihagardsetdésemparésquenous.Mesentantdetrop,Jem'approchaideChurchillTravisaprèsavoirlaisséHavenleserrerdanssesbras.—MonsieurTravis,J'espèrequemaprésencenevousimportunepasdis-jeaprèsUnehésitation.ChurchillsemblaitplusâgéetplusFragilequeladernièrefoisquejel'avaisvu.Ilétaitpossiblequ'onluiannoncelamortd'undesesfils-oudedeux.Quedireendetellescirconstances?Ilmesurprîtenglissantlebrasautourdemesépaules.—Biensûrquenon,répondit-il.Vousdevez,êtreprésenteElla.JackvoudravousvoirIlsentaitlecuir,lamousseàraseretlecigare.Desodeursrassurantes,paternelles.Ilmetapotaledos,avantdelaisserretombersonbras.GraigetHardydiscutèrentunmomentàvoixbasse,essayantdecomprendrecequiavaitpusepasser, et passant en revue toutes les raisons de garder espoir. La seule éventualité qu'ils se

Page 179: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

gardèrentd'évoquer,maisquechacunavaitentète:quel'undesdeuxfrères-voirelesdeux-nesurvivepasàsesblessures-J'accompagnaiHavendanslecouloirpournousdégourdirlesjambesetallerchercheruncaféaudistributeur.Alorsquenousregagnionslasalled’attente,ellemurmura:—Tusais,Ella,mêmes'ilss'ensortenttouslesdeux,lasuiteserapeut-êtredifficileàvivre.Onnepeutexclurel'éventualitédeséquelles,uneamputation,deslésionscérébralesou...Dieusaitquoi.Personnenet'envoudraitsitunetesentaitpusdetailleàaffrontercela.—J'yaidéjàpensé,répondis-je.JeveuxêtreavecJackquelquesoitsonétat.Jeprendraisoindelui.Toutm'estégal,dumomentqu'ilestenvie.Visiblementbouleversée,elleréprimaunsanglot.—Pardonne-moi,Haven!Jenevoulaispaste...—Net'excusepas,Ella,coupa-t-elleenmepressantlamain.JesuisjusteheureusequeJackaittrouvéunecompagnequisoitprêteàlesoutenir.Ilyaeubeaucoupdefemmesdanssavie,ellesluicouraientaprèspourtoutuntasdemauvaisesraisons,maisaucunenel'aimaitsimplementparcequ'ilétaitlui,Jack.Illesavait,etilvoulaitdavantage.Elle plongea lamaindons sou sac pour récupérer unKleenex et semoucha résolument.A cetinstantellecaptaunmouvementdanslasalled'attentedontlaporteavaitétélaisséeouverte.Unmédecinvenaitd'ypénétrerparl'autreaccès.—Seigneur!souffla-telleenseruantdanslapièce.Paralysée, la gorge serrée, j'agrippai le chambranle de lamain, tandis que lesmembres dé lafamilleTravisseregroupaientautourdumédecin.Jescrutailesvisagesunàun.Sil'undesdeuxfrèresétaitmort, lemédecin l'auraitannoncésansattendre, raisonnai-je.Mais il continuaitdeparler à mi-voix, et ceux qui l'écoutaient n'exprimaient pour le moment qu'une attentioninquiète.—Ella?Lavoixétaitàpeineaudibleetmitdutempsàatteindremaconscience.Jemeretournaiverslecouloir.Unhommevenaitdansmadirection.IlportaitunlargepantalondecotonetunT-shirtinforme.Ilavait au bras l'un de ces pansements gris argent qu'on pose sur les brûlures. Je reconnus sadémarche.Jack.Mavisionsebrouilla.Lesbattementsdemoncœurs'emballèrentetjememissoudainàtremblercommeunefeuillesousundéferlementd'émotionstropfortes.—C'est...toi?bégayai-je.—OhOuiSeigneur,Ella...J'étaisentraindem'effondrer.Jen'arrivaisplusàrespirer.Leslarmesm'inondèrentlesjouesetjememisàpleurerdeplusenplusfortàmesurequ'ilapprochait.Mesmainsétaientcrispéessurmes coudes. J'étais incapable de bouger. J'étais terrifiée à l'idée d'être victime d'unehallucination,terrifiéedenerencontrerquelevidesijetendaislesmainsverslui.MaisJackétaitbeletbienlà,solide,réel.Sesbrasfortsm'encerclèrent.Unedéchargeélectriquemesecouaàsoncontact. Jemepressaicontre luiet, tandisque jesanglotaissursapoitrine, ilmurmuraenmecaressantlescheveux—Ella...moncœur,çava.Nepleurepas.Nepleurepas...Lesoulagementincommensurablequej'éprouvaisàletoucher,àêtreprèsdelui,avaitouvertlesvannesdetoutesmesémotions. Iln'étaitpastroptard!Unevagued'euphoriemebalaya. Jack

Page 180: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

étaitvivant!Sainetsauf.Plusjamaisjeneprendraisleschosescommeallantdesoi.Éperdue,jeglissailesmainssoussonT-shirt.Jevoulaissentirsapeaunue,meconvaincredesaréalité.Mesdoigtsrencontrèrentunautrepansement.Jackmetenaitétroitementserréecontrelui, comme s'il comprenait que j'avais besoin de ce contact physique, de sa présence quim'enveloppaittoutentièretandisquenoscorpscommuniquaientensilence.Nemelâchepas.Jesuislà,toutvabien.Desfrissonsincoerciblesmeparcouraient.Jeclaquaisdesdents,àtelpointquej'avaisdumalàparler.—Je...j'aicru...quetu...nereviendraispas.LabouchedeJack,sidouced'ordinaire,étaitcraqueléeetdesséchéecontremajoue.Sabarbemerâpaitlapeau.—Jereviendraitoujoursverstoi,mechuchota-t-ild'unevoixenrouée.Jecachaimonvisagedanssoncou,humaisonodeurfamilière,mêléeàcelledel'antiseptiquedontonl'avaitbadigeonnéetàlasaveuriodéedelamer.—Tuesblessé?Reniflant,jetâtonnaiavecprécautiondanssondosafindevoirsilepansementcouvraitunelargezone.—Deségratignuresetquelquesbrûlures.Riendeméchant,assura-t-il,avantd'ajouterdansunsourire:Lapartiedemonanatomiequetupréfèresestintacte.Nousgardâmeslesilencequelquessecondes.Jemerendiscomptequeluiaussitremblait.—Jet'aime,Jack.Cetaveudéclenchaunsecondflotdelarmes.J'étaissiheureused'avoirpuleluidire.—J'aicruqu'ilétaittroptard...quetunelesauraisjamais,parcequej'avaisététroplâcheet...—Jelesavais,coupa-t-ilens'écartantpourmeregarder.Sesyeuxinjectésdesangbrillaient.—Tulesavais?Ilhochalatête.—Jet'aimetant,Ella.Jemedisaisquecen'étaitpaspossiblequetun'éprouvesrienenretour.Il m'embrassa, brutalement, presque férocement. Je saisis son visage entre mes mains et lerepoussaipourplongermonregarddanslesien.Ilavaitlapeaubrûléeparlesoleil,marquéedemeurtrissures,d'éraflures.Etsansdouteétait-ildéshydraté.—Tafamilleestlà,soufflai{eenindiquantlasalled'attented'undoigttremblant.Quefais-tudansle couloir ? Ils te laissent déambuler comme ça ? m'exclamai-je lorsque, baissant les yeux, jedécouvrissespiedsnus.—Enfait,ilsm'ontparquédansune,chambre,àI‘autreboutducouloirletempsdesubirencorequelquesexamens.J'aidemandésiquelqu'unt'avaitprévenuequej'allaisbien,etpersonnenelesavait.Alorsjesuispartiàtarecherche.—Tuespartialorsquetuavaisencoredesexamensàfaire?—Ilfallaitbienquejeteretrouve.—MonDieu...retournonsvitelà-bas.Traspeut-êtreunehémorragieinterne...Jacknebougeapasd'unpouce.—Jevaisbien.J'aidéjàpasséunscanner.IlsveulentjustefaireuneIRMparacquitdeconscience.-EtJoe?Jackserembrunit.Ilparaissaitsijeune,soudain,l‘airanxieuxetdémuni.

Page 181: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Ilsn'ontpasvoulumedire.Iln'allaitpasbien,Ella.Ilarrivaitàpeineàrespirer.Ilétaitàlabarrequandlemoteuraexplosé...J'aipeurqu'iln'aitétésalementtouché.—Noussommesdansl'undesmeilleurshôpitauxdumonde,aveclesmeilleurspraticiensetunmatérieldepointe.Ilsvontlesauver,Ilsconnaissentleurboulot.Est-cequ'ilestgravementbrûlé?—Jen'ensaisrien.-Maisj'aidûrepousserdesdébrisenflamméspourl‘atteindre.Moncœurseserra.—Oh,Jack...Je voulais tout savoir de ce qu'il avait vécu, je voulais le réconforter, lui apporter tout monsoutien.Maisceseraitpourplustard—Unmédecinestentraindes'entreteniravecta familledans lasalled'attente.Allonsvoircequ'ilaàdire.EnsuiteturetourneraspassercetteIRM.Lesinfirmièressontsûremententraindetechercher.Jackglissalebrasautourdemesépaules.—Ellesattendront.Tuauraisdûvoirlaroussequipoussaitmonfauteuilroulanttoutàl'heure.Unevraigarde-chiourrne!Nouspénétrâmes.danslasalled'attente.Lemédecinavaitdisparu.—Hé!lançai-je.Regardezquij'aitrouvé!LesTravis,firentaussitôtcercleautourdeJack.Havensejetaàsoncoup,etjem'écartaipourleslaisserseretrouver.JackembrassaencoreLibertyavantdesetournerverssonpère..Sesyeuxs'embuèrentquandilvitlatraced'unelarmesurlajoueburinéedeChurchill.—Çava,fiston?fitlepatriarche,d'unevoixrauque.—Çava,papa.—Tantmieux,tantmieux...Le père et le fils s'étreignirent avecmaladresse et émotion. Aucun n’était habitué à ce genred'effusions.Puis: Jackpivota versHardy. Lesdeuxhommes sedonnèrentunebrève accoladeponctuéedeclaquesamicalesdansledos.Enfin,GraigpritJackparlesépaules.—Tuasunesalegueule.—Jet'emmerde.Lesdeux frèress'étreignirent. Jack flanquaquelquesclaquesvigoureusessur l'épauledeGraig,maiscederniersoucieuxdeleménager,fitpreuvedeplusdedouceur.CommeJackvacillaitlégèrement,ilfutaussitôtpousséversunechaise.—Ilestdéshydraté,dis-jeavantd'allerluiremplirunverreàlafontaineàeau.—Pourquoin'as-tupasdeperfusion?s'étonnaChurchill.Jackluimontrasonbrasoùuncathéterétaitenfoncédanslaveineetmaintenuparunsparadrap.—Cessalopardsontprisl'aiguillelaplusgrossequ'ilsontputrouver,j'aieul'impressionqu'onm'enfonçaituncloudanslebras.—Fillette!semoquaGraigenébouriffantlescheveuxdeJackqui,raidisparlesel,sedressaientsur soncrâne.Celui-ci s'emparaduverreque je lui tendaisetbutune longuegorgéeavantdedemander:—VoussavezcommentvaJoe?Lesautreséchangèrentunregard-cequin'étaitpasbonsigne-,puisGraigrépondit:

Page 182: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Lemédecinnousaexpliquéqu'ilavaituntraumatismecrânienetunecontusionpulmonaire.IIfaudrauncertaintempspourquesespoumonsseremettentàfonctionnernormalement-celapeutprendreunan.Maisc'auraitpuêtrepire.Ilestendétresserespiratoireetenhypoxie.Ilsl'ontmis sous oxygène et il va encore passer du temps en soins intensifs. Il est aussi sourd d'uneoreille. Un spécialiste se prononcera plus tard pour dire s'il s'agit d'une perte d'auditiondéfinitive.—Pasgrave,detoutefaçoniln'écoutejamaiscequ'onluidit,marmonnaJack.Graigeutunbrefsourire,maisrepritvitesonsérieux.—Ilsvontl'opérersansattendre;ilaunehémorragieinterne.—Où?—Dansl'abdomen.Jackdéglutit.—C'estgrave?—Nousnesavonspas.—Etmerde.L'airépuisé,Jacksefrottalevisagedesdeuxmains.—C'estexactementcequejeredoutais,avoua-t-il.—Avantderetournerdanstachambre,Jack,tupeuxnousdirecequis'estpassésurlebateau?intervintLiberty.Jackmefitsignedem'approcheretmepritlamain.Puisilraconta.Lamatinéeavaitétébelleetlapêcheplutôtfructueuse.Lesdeuxfrèresavaientdoncdécidédenepas attendre pour rentrer à la marina. Mais sur la route du retour. Ils avaient croisé ungigantesqueagglomératd'alguesbrunes.Danscetécosystème,parmileboisflottésettesœufsderoussette, cohabitaient tout un tas depetits crustacés et poissons. Le coin était certainementpoissonneux.Ilsavaientdoncéteintlemoteurets'étaientlaissésdériververslebancd'algues.Enquelquesminutes,Jackavaitattrapéunénormemahi-mahi.Sacannes'étaitmiseàvibreretlaligneavaitfilé,faisantsifflerlemoulinet.Lepoissons'étaitmisàfairedesbondsspectaculaireshorsdel'eau.Unmonstredaumoinsunmètrecinquantedelong.Jackavaitfaitletourdubateaupour libérer la ligne. Il avait crié à Joe de démarrer lemoteur et de diriger le bateau vers lepoissonafindegarderune ligneassezcourte. IIvenait tout justedecommenceràrembobinerquandl'explosions'étaitproduite,À ce stade du récit, Jack marqua une pause et fronça les sourcils, comme s'il cherchait àrassemblersessouvenirs.—Çaressembleàuneaccumulationdevapeursd'essence,murmuraHardy.Jackhochalatête.—Peut-être que le ventilateur de l'aération est tombé en panne. Qui sait avec tous ces trucsélectroniques...Jenemerappellepasl'explosionensoi.Toutàcoup,Jemesuisretrouveàl'eau,entourédedébris.Lebateau,s'étaitembrasé.J'aicommenceàchercherJoe...Lamerétaitagité,soudain.Lesmotsfranchirentseslèvresparrafales:—Ilétaitagrippéàuneglacièrequiflottaitunpeuplusloin...tusais,cellequetumasdonnée,Graig... j'ainagépourlerejoindreJ'avaispeurqu'ilaiteuunejambearrachéeouquelquechosecommeça...Dieumerci,ilétaitenunseulmorceau.Maisilavaitreçuunsacrécoupsurlatête.Ilsedébattait.Jel'aisoutenu,jeluiaiditdesecalmer,etjel'airemorquéadistancedubateau.—Etlatempêteestarrivée,devinaChurchill.—Oui.Levents'est levé, lamerestdevenuehouleuse.Nousavonsdérivé. J'aiessayéde luttercontrelecourant,deresterdanslesparagesdubateau,maiscelamedemandaittropd'énergie.

Page 183: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

AlorsjemesuisaccrochéàlaglacièreetàJoe,etjemesuisjurédenerienlâcherjusqu'àcequequelqu'unnousretrouve.—Joeétaitconscient?—Oui,maisonn'apasbeaucoupparlé.Lesvaguesnoussecouaient,etilavaitdumalàrespirer.Voussavezlapremièrechosequ'ilm'adite?«Imaginequ'onaperdulemahi-mahi?»Ilyeutunpetitrirecollectif,puisJackreprit:—Plus tard, ilm'a demandé s'il fallait s'inquiéter à cause des requins. J'ai réponduque je nepensais pas, parce que c'est encore la saison de la crevette et que les requins sont au largederrièrelescrevettierspourbecquetercequ'ilsrejettentàlamer.Laminesombre.Ilajoutaaprèsunehésitation:—Auboutd'unmoment,jemesuisrenducomptequesonétatempirait.Ilm'aditqu'iln'allaitpass'ensortieEtj'airépondu...Savoixsebrisa,etilbaissalatête,incapabledecontinuer.—Tunous ledirasplustard,murmurai-jeenposant lamainsursondostandisqueHavenluitendaitunmouchoirenpapierC'étaitencoretroptôtpourrevivrecesévénementsdramatiques.—Merci,marmonna-t-il.Ilsemoucha,laissaéchapperunsoupir.—Ah,vousvoilafitunevoixrevêche.Commenousnous tournions,unesolide infirmièrerousseau teint fleurientraenpoussantunfauteuilroulant.—Onn'apasidéededisparaîtrecommeça.monsieurTravis.Jevousaicherchépartout—J'aifaitunpetitbreak,sedéfenditJack,penaud.L'infirmièrefronçalessourcils.—Ehbien,vousn'êtespasprèsde recommencer!Onvavous remettreuneperfusion, etpuisvouspasserezcetteIRM.Allezouste—Oui,ilfautyaller.renchéris-JeentirantsurlamaindeJackpourl'obligeràselever.Emmenez-le,Etgardez-leàl'œil.Jacksedirigeaverslefauteuilroulantentraînantdespiedsetmedécochaunregardrancunieraupassage.Avisantsatenue,l'infirmières'exclamad'unairincrédule:—Oùavez-voustrouvéça?—Jevouslediraipas,grommelaJack.—MonsieurTravis,tantquevousn'avezpasterminévosexamens,vousdevezgarderlabloused'hôpital.—Jepariequevousaimezça,demevoirmepromenerdansl'hôpitallesfessesàl'air!—Avectouslespostérieursquej'aivusdansmacarrière,jedoutequelevôtrem'impressionne.—Ça c'est vite dit! rétorqua-t-il en se laissant tomber dans le fauteuil roulant. Le mien estexceptionnel,ilnemevautquedeslouanges.Ettandisqu'ilscontinuaientdesechamailler,l'infirmièrelepoussahorsdelasalled'attente.

Page 184: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Chapitre23Unefoislesderniersexamens,effectués,ilfutdécidéqueJackresteraitenobservationpendantsixheures.Ensuite,promitl'infirmière,ilseraitlibrederentrerchezlui.Onl'autorisaàprendreunedoucheetàpatienterdansunedessuitesprivéesquel'hôpitalréservaitauxVIP.Lesmursétaienttapissésdepapierpeintbordeaux,ilyavaitunmiroirdansuncadredoréchantournéetunpostedetélévisioncachédansunearmoiredestylevictorien—Ondiraitunlupanar,commentai-je.Jack secoua les fils de la perfusion d'un geste irrité pour les empêcher de seprendre dans labarrière de lit. Une infirmière l'avait libéré le temps qu'il prenne sa douche, puis l'avait denouveaureliéàl'instrumentmalgrésesprotestations.—J'enaiassezd'avoircetrucdanslamain!J'aimalaucrâneetaubras,etj'aimeraisbienqu'onmedonnedesnouvellesdeJoe!—Pourquoituneprendspasundecesantalgiquesqu'ilst'ontproposé?suggérai-je.—Jen'aipasenvied'êtredanslecoaltar,aucasoùilyauraitdunouveaupourJoe.Surtoutnemelaissepasm'endormir,dit-ilencoreens'emparantdelatélécommandepourzapperdechaîneenchaîne.—D'accord.Debout,prèsdulit,j'entreprisdeluimasserlecuirchevelu.Illaissaéchapperunsoupirdebien-être.—Mmmm.çafaitdubien.Moinsdedeuxminutesplustard,ildormait.Il ne bougea pas durant quatre heures, pasmême quand j'étalai du Baume hydratant sur seslèvres gercées, ni quand l'infirmière vint changer la poche de b perfusion et vérifier lesenregistrementsdesmoniteurs.Assiseprèsdulit, jenelequittaispasdesyeux.J'avaispeurd'êtreentrainderêver.Commentavais-jeputombersiprofondémentamoureused'unhommeensipeudetemps?Onauraitditquemesémotionsavaientsubiunedrôled'accélération…QuandJackseréveillaenfin,jepusluiannoncerquesonfrèreétaitsortidelasalled'opérationetquesonétatétaitstable. Joeétant jeuneetenbonnesanté, ilavaitdegrandeschancesdes'ensortirsanscomplicationsmajeures,avaientpréditlesmédecins.Soulagé,JackenfilaunjeanetunechemisequeGraigluiavaitapportés,puisnomprocédâmesauxformalitésdesortie.Bizarrementsilencieux,ilsignatoutuntasdepapiersetreçutenéchangeunechemisepleined'ordonnancesetdeconseilssurlafaçondetraiterlesbrûlures..CefutHardyquinousramenaau1800MainStreet,avantderetourneràl'hôpitalauprèsdeHavenquiavaitvouluresterauchevetdeJoe.Jack était toujours aussi taciturne lorsque nom primes l'ascenseur pour rejoindre sonappartement.Ilétaitminuitetdemieet,endépitdesesquatreheuresdesommeil,jemedoutaisqu'ilétaitencorefatigué.NousentrâmeschezluietJackparutdésorienté.Ilpromenaunregardautourdelui,commes'ilvoyaitlapiècepourlapremièrefois.Jem'approchaideluiparderrièreetglissaiLesbrasautour

Page 185: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

devataille.Sarespirationétaitrapide,soncorpstendu,sesmusclesnoues.—Quepuis-jefaire?chuchotai-je.Ilpivotaentremesbras,etj'éprouvaiunchoc.Luid'ordinairesisûrdeluiavaitétaittotalementdéstabilisé,presqueperdu. Jemehissai sur lapointedespiedspour l'embrasseraucoinde labouche.Jevoulaisjusteleréconforter,maisilm'agrippaparlanuqueetglissasonautremainaucreuxdemesreinspourmeplaquercontrelui.Sonbaiserétaitpossessif,fébrile.Ilavaitungoûtdeseletdedésir.Jacks'interrompitpourmeprendreparlamainetm'entraînerdanslachambre.Haletant,ilmedépouilla d'une partie de mes vêtements avec une frénésie dont il n'avait jamais fait preuveauparavant.Jem'inquiétai.—Jack,nouspouvonsattendrejusqu'àceque...—Non,coupa-t-ild'unevoixrauque.C'estmaintenantquej'aienviedetoi.Ilsedébarrassadesonjean,arrachapresquesachemise,etesquissaunegrimacequandletissusepritdanslepansementquiluicouvraitledos.J'avaispeurqu'ilnesefassemal.—D'accord,maisvadoucement,Jack,jet'enprie...—Jenepeuxpas.Il tâtonnaitsur laceinturedemonJean. Jevoulus l'aider,mais ilrepoussamesmainsetmefitbasculer sur le lit. Ravagé par la fatigue et l'émotion, il ne se contrôlait plus.Mon jean etmaculotte volèrent sur le sol. Il se positionna entre mes cuisses et je m'ouvris à lui avec uneimpatiencesemblablealasienne.D'uncoupdereins,ils'enfonçaenmoitandisqu'ungrondementvibraitdanssagorge.Sesmainstremblantess'enfouirentdansmescheveux,sahancheemprisonnalamienne.Puisilsemitamepilonner-Tendre,docile,jemeprêtaiàcettebrutalitédésespérée.Jesaisissonvisageentremesmainsetl'attiraiàmoipourluimurmureràl'oreillequejel'aimais,jel'aimaispar-dessustout.Ilcriamonnomquandl'extaselefoudroya.Aux petites heures du matin, je m'éveillai, vaguement consciente que des mains chaudes sepromenaientsurmoncorps,s'immisçaientendesendroitssecrets. J'étaiscouchéesur le flanc,Jackderrièremoi.Cette fois, ilne futpasquestiondeprécipitation. Sesmainsétaient légères,caressantes, elles faisaient naître mille sensations dans leur sillage. Je sentais son torse durcontremondos.Saboucheseposasurmanuque,sesdentsseplantèrentdansmapeau,doucemorsurequifitcourirunfrissonlelongdemacolonnevertébrale.—Ducalme,chuchota-t-il.Maiscommentrester tranquillealorsquesesmainsglissaientsurmesseins,monventre,meshanches.Quesalanguevirevoltaitsurmanuque.Puissesdoigtsretrouvèrentlechemindemonintimité. Je gémis.Mamain se referma sur son poignet et je sentis le jeu desmuscles et destendonssousmesdoigts.Ilmerelevalàcuisseet,metenantainsiouverte,s'enfonçaenmoi.—Jet'aime,Ella.Laisse-toialler.Laisse-moiteprendre.Ilavaitreprislecontrôle,sansbrusquerleschosescettefois.J'avaisbeaulutteretmedémenerpournousprécipiterdansleplaisir,ilprenaitsontemps,seretirait,attendaitpours'enfoncerdenouveauquejesoisprêteàlesupplier.Ilmetournasurledos,puis,memaintenantécarteléesouslui,mepénétradenouveau.Sabouchefonditsurlamienne,lacaptura.Sonrythmelangoureuxreprit,s'accéléraàmesurequeleplaisirmontait.Nosregardsseverrouillèrent, jemenoyaidans lesprofondeursabyssalesdusien. Ilperçut lespremiers spasmes de ma chair intime et accentua l'amplitude de ses mouvements, jusqu'à

Page 186: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

m'offrirunorgasmeéblouissant,commejen'enavaisencorejamaisconnu.Électrisée,jecriaisonnom.Mesjambessenouèrentautourdesesreins.Ilcédaenfinetbasculaavecmoidansleflotimpétueuxdelavolupté.Longtemps après, il retint contre lui mon corps frémissant et me caressa jusqu'à ce que jem'abandonnetotalemententresesbras.—Tutedoutaisqueçapouvaitêtreainsi?chuchotaije.Ilmecaressalescheveu,m'embrassalefront.—Oui,répondit-il.MaisseulementavectoiNousdormîmescommedesloirs.Jusqu'àcequelalumièrefraîchedumatinilluminelachambredesaclartébleutée.J'eusvaguementconsciencequeJackselevait,quel'eaucoulaitdanslasalledebains,qu'uneodeurdecaféserépandaitdansl'appartement.PuisJel'entendisdemanderautéléphonadesnouvellesdeJoeIlrevintdanslachambre,vêtud'unpeignoirenflanelle,satassedecaféàlamain.Ilavaittoujoursunemineépouvantable,maiscelanel'empêchaitpasd'êtrel'hommeleplussexyquelaterreaitjamaisporté.—Commentva-t-il?demandai-je.encoreensommeillée.—Sonétateststable.Ilvas'entirer.C'estunduruncuire.—C'estunTravis.Jemelevai,allaichercherundesesT-shirtsdanslacommodeetl'enfilai.L'ourletm'arrivaitàmi-cuisses.Comme jeme tournai, je ledécouvris toutprésdemoi. Il glissaunemèchedecheveuderrièremonoreille.Sonregardd'unetendresseinfiniemecoupalesouffle.—Parle-moideLuc.murmura-t-il,Ettandisquejemeperdaisdanscesyeuxd'unbrunvelouté,jesusquejepouvaistoutluidire,toutpartager,ilécouteraitetcomprendrait.—Laisse-moid'abordboiremoncafé,répondis-jeavantdegagnerlacuisine.Jackavaitposéunetasseetunesoucoupeprèsdelamachineàcafé, J'aperçusjusteàcôtéunepagedebloc,pliédanslesensdelahauteur.Intriguée,jeladépliaietlus:ChèreMlleIndépendante,Detouteslesfemmesquej'aiconnues,vousêteslaseulequej'aimeplusquelachasse,lapêche,lefootballetlesoutilsélectriques.Celavousapeut-êtreéchappé,maisj'étaistrèssérieuxquandjevousaidemandéeenmariage,lesoiroù j'aimonté le lit de bébé.Même si je savais que vous n'étiez pas prête. J'espère que vous l'êtesaujourd'hui.Épouse-moi,Ella.Parceque,oùquetuaillesetquoiquetufasses,jet'aimeraichaquejourdemavie.

JackLa lecture de ces mots n'éveilla aucune terreur en moi. Je n'éprouvai qu'un émerveillementintenseàl'idéequelebonheurétaitàportéedemamain.Jeremarquaiquelquechoseaufonddelatasse:undiamantmontéenbague,quiscintillaitsurlaporcelaine. Je le saisisentredeuxdoigts, le fis tournerdans la lumière, le souffle coupéparsalimpidité. Je glissai la bague àmon doigt. Ellem'allait à la perfection. Alors je saisis un stylo,retournailafeuilledepapieretrédigeaimaréponse.Celafait,jemeservisuncafé,ajoutaidulaitetdel'édulcorant,etretournaidanslachambre.

Page 187: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

Jackétaitassisauborddulit.Ilrenversalégèrementlatêteenarrièrequandj'entrai.Sonregardmeparcourutdelatêteauxpieds,s'arrêtasur lediamantquibrillaitàmonannulaire. Je levisprendreunebrèveinspiration.Sirotantmoncafé,jem'approchaideluietluitendislepapier.CherJack,Moiaussi,jet'aime.Etjepenseconnaîtrelesecretd'unmariageheureux:ilsuffitdechoisirlapersonnesansquil'onnepeutpasvivre.Pourmoi,cellepersonne,c'esttoi.Alorssituinsistespourquenousformionsuncoupleconventionnel...C'estoui

EllaJacklaissaéchapperunprofondsoupir.Ilmepritparleshanches,m'attiraentresescuisses.—Dieumerci!dit-ildansunsouffle.J'avaispeurquetunedécidesd'endébattre.Prenantsoindenepasrenversermoncafé,jemepenchaietpressaimeslèvrescontrelessiennes.Noslanguessefrôlèrent.—T'ai-jejamaisrefuséquelquechose,JackTravis?—Cequiestsûr,c'estquejen'avaispasenviequetucommencesaujourd'hui!Ilmepritlatassedesmainset,endépitdemesprotestationsentrecoupéesderire,enavalalecontenuentroisgorgées.Puisilm'embrassa,jusqu'àcequejemesentetoutétourdie.—Ella,murmura-t-ilenenfouissantlenezdansmoncou,tunevaspasrevenirsurtadécision,n'est-cepas?—Biensurquenon.Pourquoiferais-jeunechosepareille?J'étaisemplied'unecalmecertitude,etenmêmetempseuphorique,grisée.—Tum'asaffirméquetun'étaispasfaitepourlemariage.—Tuesleseulhommecapabledemefainecroirelecontraire.Maisendéfinitive,seull'amourcompte.Jepensetoujoursquelemariagen'estriend'autrequ'unmorceaudepapier.Ilsourit...—C'estcequ'onvavoir!Etilm'entraînaavecluisurlelit.Ilm'apparutbienplustardquelesgensquiprétendentquelemariagen'estriend'autrequ'unmorceaudepapiersontengénéralceuxquines'ysontjamaisrisqués.Carceclichénetientpascompted'undétailimportant:lepouvoirdesmots...Cequemoi,plusquen'importequid'autre,auraisdûcomprendredepuislongtemps.D'unecertainemanière,cettepromessecouchéesurlepapiermedonnaitunelibertétellequejen'enavaisjamaisconnu.Ellenouspermettaitdenousdisputer,derire,deprendredesrisques,denouslivrer...sanspeur.Elleétaitlaconfirmationd'unlienquiexistaitdéjà.Etcelienallaitbienau-delà des limites d'un espace de vie partagé. Nous serions restés ensemble même sanscertificatdemariage...maisjecroyaisàlapérennitéquecelui-cisymbolisait.C'étaitunpapiersurlequelonpouvaitconstruireunevie.Mamèreavaitd'abordétéincrédule-ellen'enrevenaitpasquej'aieréussiàattraperunTravisdansmesfilets.Puiselleavaittentédefondresurnoustelleuneplaied'Égyptedansl'espoirdeprofiterdemes

Page 188: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

nouvelles relations. Jack avait déjoué sesplans avechabileté et était parvenu à lamaintenir àdistanceenusantdesoncharmepourmoitiéetdesonpouvoird'intimidationpourlereste.Defait,jenelavoyaispassouvent.Etlorsquecelaarrivait,ellesemontraitétrangementcalmeetrespectueuse.Cerevirementmelaissaitperplexe:— Je ne sais pas ce qui lui arrive, dis-je un jour à Jack. Elle n'a fait aucun commentairedésobligeant surmonpoids ouma coupede cheveux, et je n'ai pas été obligée d'endurer desanecdotesrépugnantessursaviesexuelleousesséanceschezl'esthéticienne!—Jeluiaipromisunevoitureneuvesielleréussissaitànepastecontrarierpendantsixmois.Jel'aiprévenue:sijamaisjetevoisfroncerlessourcilsoumalheureuseaprèsundesescoupsdefilouunedesesvisites,notremarchéestannulé.—JackTravis!m'écriai-je,partagéeentreamusementetindignation.Tunevaspasluioffrirdescadeaux mirifiques tous les six mois pour la récompenser de s'être fait passer pour un êtrehumainconvenable?—Franchement,jedoutequ'elletienneaussilongtemps.DucôtédelafamilledeJack,jetrouvaisunetribuhauteencouleurdontlajoiedevivre,l'affectionpartagéeetlesincessantesquerellesmefascinaient.LesTravisformaientunevraiefamilleauseindelaquelleilsm'avaientaccueillieavecchaleur,etjeleurenétaisreconnaissante.J'avaisdéveloppéunetendresseparticulièrepourChurchillqui,soussesairsbougons,cachaitdestrésorsdegénérosité.Ensemble,nousabordionslessujetslespluséclectiques,etnouscroisionsgaiementleferdansdesduelspolitiquesquisetraduisaitparunéchangedemailsassidu.Nousnousfaisionsmutuellementrireet,lorsdesrepasdefamille,ilinsistaitpourquejesoisplacéeàcôtédelui.Après deux semaines d'hospitalisation, Joe était venu s’installer à River Oaks pour saconvalescence,àlagrandejoiedeChurchill-joiequenepartageaitpassonbenjamin.Joeprétendait avoirbesoind'intimité. Ildétestaitque lesgensvenus lui rendrevisitepassentd'abordsaluersonpère.ÀquoiChurchill,quitrouvaittrèsplaisantecettesoudaineaffluencedejolies femmes dans sa maison, lui rétorquait que, s'il n'était pas content, il n'avait qu'à seremettreauplusvite.Résultat,Joeétaitunpatientmodèle.J'épousai Jackdeuxmois après qu'ilm'eut demandée enmariage, à la grande stupeurdemesamis.Etdessiens,qui l'avaientdéjàrangédanslacatégoriedescélibatairesendurcis.Certainsarguèrentqu'avoirfrôlélamortavaitaidéJackàmodifiersesprioritésdansl'existence.Ceàquoiilrépondait,l'airinnocent:—Pasdutout,monsensdesprioritésétaittoutàfaitaupoint.C'estceluid'Ellaquiavaitbesoind'unpetitajustement.Laveilledumariage,masœurTaravintaudînerorganisépourlesinvitésquivenaientdeloin.Elleétait splendidedansunensemble rosepâle, les cheveuxrelevésenchignon,desdiamantsscintillantàsesoreilles.Ellearrivasansescortemasculine.Jevoulaisluidemandercommentelleallait,siNoahCardifflatraitait bien, si leur arrangement la rendaitheureuse,mais ces considérations furentbalayéesquandjedécouvrisqu'elleavaitamenéLuc.Ils'était transforméenunadorablechérubin joufflu.Sesyeuxbleus luimangeaient levisage. Ilattrapaitdésormaistoutcequisetrouvaitàsaportée,riait,bavait.Unvraisacàbisous. Je luitendislesbras,etTarameleconfiaaussitôt.Sentirsonpoidscontremapoitrine,sonodeur,sa

Page 189: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

chaleur,voirsesyeuxrondsscrutersonenvironnementenquêtedelamoindrenouveauté,merappelaque,sanslui,ilmanqueraittoujoursquelquechoseàmavie.Durantlesdeuxmoisoùnousavionsétéséparés,j'avaistentédemeraisonner,demedirequeladouleurcauséeparsonabsences'apaiseraitavecletemps,quejefiniraisparoublierettournerlapage.Maiscesoir-là,alorsquejeleserraicontremoietcaressaisescheveuxsombres,jecomprisquerienn'avaitchangé.L'amournes'effacepas.JetinsLucsurmesgenouxduranttoutledîner,melevaidetableàunmomentdonnépourluioffrirunepetitepromenade.Unpeuplustard,jel'emmenaiàl'étagepourléchanger,endépitdesprotestationsdemasœurquim'assuraitqu'ellepouvaits'encharger.—Fiche-moi lapaix ! répliquai-je en riant tandisqueLuc attrapaitmon collier et s'efforçadeporterlesperlesàsabouche.Jeveuxpasserleplusdetempspossibleaveclui.—Faisattention,m'avertitTaraenmedonnantlesacàlangerMaintenant, ilestcapabledeseretournerd'uncoupdereins.Illefaitsouventdanssonlit.—C'estvrai?m'extasiai-je.Tusaisteretourner,moncœur?Ilvafalloirquetumemontresça!Occupéàsuçoterlesperles,ilémettaitdespetitsgrognementsapprobateurs.Quand Luc fut propre, je le repris dans mes bras dans l'intention de le ramener au rez-de-chaussée.J'aperçusalorsJacketTarasurlepalier,engrandeconversation.Jackmejetauncoupd'oeiletm'adressaunvaguesourire,maissonregardétaitalerte,sonexpressionintense,commes'ilvoulaitmedirequelquechose.Tarameparutsurladéfensive.Dequoidiablepouvaientilsbienparler?J'approchaietmeforçaisàsourire.—Hé,vousaviezpeurquej'aieperdulamain?—Vu le nombre de couches que tu as déjà changées, je pense que tu n'es pas prés d'oublier,répanditJack,quivintm'effleurerlajoued'unbaiser.Monange,situmelaissaisunpeuavecLuc?Nousavonsdeschosesànousdire,luietmoi.—Toutàl'heure,protestai-je,réticente.Jackseplaçafaceàmoietplongeasonregarddanslemien.—Parleavectasoeurmurmura-t-il.Etdis-luioui.—Àquelpropos?Ilneréponditpas,meconfisquaLucet lecalacontresonépauleavantdetapotersouderrièrerebondi.Enconfiancetotale.Lucs'étalacontreluitelleunepetitelimace.—Çaneprendrapas longtemps, assuraTara,qui semblaitmal à l'aise,presque intimidée.Dumoins,jenepensepas.Yat-ilunendroittranquilleoùonpourraitdiscuter?Je l'emmenaidansunpetitsalondel'étageetnousnousinstallâmesdansdesfauteuilsencuirrembourrés.—C'estausujetdemaman?demandai-je.unpeuinquièteTaralevalesyeuxauciel.—Seigneur,non?Ellevatrèsbien.Évidemmentellen'estpasaucourantpourNoahetmoi.Ellesaitjustequej'aiunpetitamitrèsriche,etelleraconteàtoutlemondequejesorsensecretavecundesjoueursdel'équipedesAstros.—Commentçava.avecNoah?—Trèsbien.Jen'aijamaisétéaussiheureuse.Ilestvraimentgentilavecmoi,Ella.—J'ensuisheureuse.—J'aiunemaison,desbijoux,unevoiture...etilm'aime.Ilmelerépètetoutletemps.J'espèrequ'ilpourratenirpromesse.Jepensequ'illesouhaite.Maismêmes'iln'yarrivepas,jevisunrêve.Je

Page 190: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

n'échangeraisma vie actuelle pour rien aumonde. C'est juste que... j'ai beaucoup réfléchi cesdernierstemps...—Tuasl'intentiondelequitter?coupai-je,pleined'espoir.Sabouchefardéederouges'incurvadansunsourireironique.—Non,Ella. Jevaispasserencoreplusde tempsavec lui. Il a commencéàvoyagerpasmal. Ilsillonnelepayspouranimerdegrandesmanifestationsdansdesstades,etilcompteégalementparcourirleCanadaetl'Angleterre.Safemmeresteàlamaisonavecleursenfants.Maismoi, jevaisfairepartiedesonentourage.Etjepasseraitoutesmesnuitsaveclui.J'enrestaiinterditequelquessecondes.—Etc'est...c'estvraimentcequetusouhaites?bredouillai-jeenfin.—Oui.J'aienviedevoirdupays,d'apprendredeschosesnouvelles.Jen'aijamaiseucettechance.EtjeveuxêtreauxcôtésdeNoahpourl'aiderdanssamission.—Tara,tucroisvraimentque...—Jenedemandepastapermission,Ella.Et jeneveuxpassavoircequetupenses. Jefaismespropres choix, c'est mon droit. Après avoir grandi avec maman, je sais à quel point c'estimportantdedéciderparsoi-même.Cetargumentmeréduisitausilence.Eneffet,elleavaitledroitdeprendresespropresdécisions,etdecommettredeserreurs.—c'estunaurevoiralors?demandai-je,lagorgeserrée.Souriant,ellesecoualatête.—Pas encore. Il va falloir encore quelques mois, le temps de tout organiser. Si je t'en parleaujourd'hui,c'estque...Sonsourires'étaitévanoui.—MonDieu,cen'estpasfacileàdire,parcequecen'estpaspolitiquementcorrect,maisvoilà,lavérité:jemesuisoccupéedeLuc,j'aipassébeaucoupdetempsaveclui,maisrienn'achangé.Jen'aitoujourspaslesentimentd'êtresamère,Jeneleseraijamais.Jeneveuxpasd'enfant,Ella.Jeneveuxpasêtremère...celamerappelletropmapropreenfance.Fébrile,jesaisisseslonguesmainsfinesdanslesmiennes:—Maiscelan'arienàvoir,Tara!Lucn'aaucunrapportavectaviepassée!—Cen'estpasainsiquejesensleschoses,dit-elledoucement.—Qu'enpenseNoah?Tarabaissalesyeuxsurnosmainsjointes:—IlneveutpasdeLuc.Iladéjàdesenfants.Etavecunbébé,cen'estpasfaciledeseretrouvertouslesdeux.—Lucvagrandir.Tuchangerasd'avis...—Non,Ella.Cen'estpasparcequ'unefemmeaunenfantqu'elledevientmère.Toietmoi,noussommesbienplacéespourlesavoir,pasvrai?conclut-elleavecunlongregardtriste.Mespaupièresetmonnezmepiquaient,j'avaislagorgecontractée.—Tuasraison,dis-jedansunsouffle.—Cequejetedemande,Ella;c'estsituveuxgarderLucavectoi.Pourdebon.Jackpensequetuserasd'accord,etjesuisconvaincuequec'estcequipeutluiarriverdemieux.Lemondesemblaits'êtrearrêtédetourner.J'étaisprisonnièred'unebullehorsdutemps,empliedebonheur,d'espoir fouetdepeur. Jecraignaisd'avoirmalcompris.Masoeurnepouvaitpasm'offrirquelquechosed'aussiprécieux—Sijeveuxlegarder?chevrotai-je.Mais...commentêtresûrequetunevoudraspaslereprendreunjour?

Page 191: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

—Jeneteferais jamaisuncouppareil.NiàLuc. Jesaiscombientu l'aimes.C'estécritsurtonvisagechaque foisque tu le regardes.Maisde toute façon, il yaurauneadoption légale.Nousferonsétablirlesdocumentsrequis,jelessignerai,Noahaussi,dumomentquesonrôlerestedudomaineprivé.Lucseratonfils,Ella,situveuxbiendelui.Jeportailamainàmabouchepourétoufferunsanglot.—Oui,fis-jed'unevoixétranglée.Oui,jeveuxbiendelui.Dudoigt,Taraessuyaunelarmesurmajoue.—Nepleurepas,tonmascaravacouler.Jelaprisdansmesbras,laserraiàl'étouffer,indifférenteàmonmaquillage,àmabellerobe,àmacoiffureétudiée.—Merci,hoquetai-je.—Quandveux-tuleprendre?Unpeuaprèsvotreretourdelunedemiel?—Jeleveuxtoutdesuite.Et,incapabledemeretenir,j'éclataiensanglots.Taralaissaéchapperunpetitrirestupéfait.—Laveilledetonmariage?serécriat-elle.Jehochailatêteénergiquement.—C'estlepiremomentpossible,observat-ellemaisdumomentqueJackestd'accord,jen'yvoispasd'inconvénient.Ellefouilladanslesacàlanger,dénichaunbavoirqu'ellemetendit.Alors que jeme tamponnai les yeux, je sentis que quelqu'un approchait. Je tournai la tête etdécouvrisJackavecLuc.Ilmescrutaunlongmomentcommes'ilparcouraitunpaysagefamilier.Un sourire lui retroussa les lèvres et il chuchotaquelque chosedans la toutepetite oreille dubébé.— Ella veut le prendre dès aujourd'hui, lui annonça Tara. Je lui ai pourtant dit qu'on pouvaitattendrevotreretourdelunedemiel.JackdéposaLucdansmesbrastendus.Puisilmeprittementon,meforçadoucementàleverlatêteet,dupouce,essuyaunetracehumidesurmajoue.—Ellaneveutsûrementpasperdredetemps.N'est-cepas,monange?J'acquiesçai, éblouie. Autour demoi, le monde semblait scintiller. Le son de sa voix grave semêlaitauxbattementsprécipitésdemoncœur,etc'étaitlaplusdoucedesmusiques.

Page 192: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

ÉpilogueJackdoitvenirmechercheràl'aéroport.JereviensduColoradooùj'aiassistéàuncongrès.J'aiparticipé à divers ateliers, soumis quelques projets aux rédacteurs en chef de plusieursmagazines,etvenduunessaiaudacieusementintitulé:SixstratégiespourtrouverlebonheuretlegarderJ'aipasséuntrèsbonmoment,maisjesuiscontentederentreràlamaison.Après presque un an demariage, ces quatre jours ont été la plus longue séparation que nousayonsvécue,Jacketmoi.Autéléphone,jeluiaiparlédesgensquej'airencontrés,deschosesquej'aiapprises,demesidéespourdefutursarticlesetchroniques.Desoncôté,Jackm'aracontéqu'ilavaitdînéavecHardyetHaven,queCarringtonvenaitdesefaireposerdesbaguesdentaires,etquelederniercheck-updeJoeavaitdonnédebonsrésultats.Chaque soir, il m'a narré par le menu la journée de Luc, sachant que le moindre détail mecaptiveraitetquejen'enauraisjamaisassez.Moncœursemetàbattreplusvitecommej'aperçoismonmariprèsdutapisroulantquidélivrelesbagagesdanslehalldel'aéroport.IlestbeaucommeunDieu,plussexyqu'ilnedevraitêtrepermisdel'être.C'estlegenred'hommequiattiresanslevouloirtouslesregardsféminins,maisiln'enregardequ'une:moi.Ilmerepèredanslafouleetmerejointentroisenjambées.Sabouchechaudeécraselamienne.Soncorpsestdurcommeleroc,protecteur.—CommentvaLuc?Jack me raconte que, pendant le goûter, Luc a plongé la main dans l'assiette et s'est fait unshampooingàlacompotedepommes.Nousrécupéronsmesvalises,puisnousrentronsau1800MainStreet.Nousbavardonsduranttoutletrajetbienquenousnoussoyonstéléphonéchaquejourdepuismondépart.Mamainresteposée sur le bras de Jack et je remarque à quel point son biceps est ferme sousmes doigts.Commejeluidemandes'ilafaitplusdesportqued'ordinaire,ilmerépondquec'étaitlaseulefaçonpourluidesedéfoulerdesafrustrationsexuelle,ilajoutequejevaisavoirbeaucoupàfairepourmeracheter,etjerépondsquecelanemedérangepas,bienaucontraire.Pendant que l'ascenseur s'élève dans les étages, je me mets sur la pointe des pieds pourl'embrasser.Quandlesportess'ouvrent,noussommestoutessoufflés.—MonDieu,Ella,quatrejourssanstoi,etj'aieul'impressionquequatremoisavaientpassé.Jen'aicessédemedemandercommentjefaisaisavantdeteconnaître?—Tupassaisletempsavectoutuntasdebimbos.—Jenesavaispascequejeperdais!Le laissant se débattre avec mes valises, je remonte le couloir d'un pas vif, le cœur battant.J'appuiesurlasonnette.LanounounousouvreaumomentoùJackmerejoint.—Bonjour,madameTravis,mesaluet-elleavecungrandsourire.—Bonjour,NomiJesuiscontented'êtrerentrée.OùestLuc'?—DanssachambreNousétionsentraindéjoueraupetittrain, ilaététrèssagependantvotreabsence.J'abandonnemonsacparterre, jettemavestesurlecanapéetfileverslachambre.Je

Page 193: La peur d'aimer - ekladata.comekladata.com/...tw/...La_peur_d_39_aimer_-_Lisa_K.pdf · Lisa Kleypas La saga des Travis Tome 3 La peur d’aimer. Chapitre 1 — Ne décroche pas m'exclamai-je

m'arrêtesurleseuil.Monfilsestassissurletapis.Unwagonenboisàlamain,ilessaiedefairetournerlesroues.—Luc,dis-jedoucement,mamanestla.Tum'asmanqué,monbonhomme!Iltourneversmoisesgrandsyeuxbleus,lâchelewagon.Sapetitemenotterestesuspendueenl'air. Puis un large sourire illumine sonvisage rond, révélantunedentbrillante, pareille à uneperlenacrée.Ilmetendlesbras.—Maman!Etjevaisleserrersurmoncoeur