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38 pratique veille sanitaire Actualités pharmaceutiques n° 500 Novembre 2010 Depuis le décret n° 95-278 du 13 mars 1995, les pharmaciens sont tenus de déclarer tout événement indésirable (EI) semblant lié à un médicament quel que soit son degré de gravité. Cette mesure s’inscrit dans un ensemble de procédures destinées à veiller à la sécurité des usagers consommateurs de médicaments. Petite introduction à la pharmacovigilance. D ans les années 1960, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lançait le programme international de pharmacovigilance suite au scandale sani- taire de la thalidomide. À ce jour, 99 pays, dont la France depuis 1986, ont rejoint ce programme, et 5,5 millions événements indésirables (EI) liés à des médicaments ont été rapportés. Mais qu’entend-on par pharmacovigilance ? Définir la pharmacovigilance La pharmacovigilance a pour objet la surveillance du risque d’effets indésirables résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain mentionnés aux articles L. 511, L-658-11 du Code de la Santé publique et à l’article 2 du décret 69-104 du 3 février 1969. La pharmacovigilance comporte : – le signalement des EI et le recueil des informations le concernant ; – l’enregistrement, l’évaluation et l’exploi- tation de ces informations dans un but de prévention. La pharmacovigilance définit la notion d’effet indésirable comme une réaction nocive et non voulue se produisant aux posologies normalement utilisées chez l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie, ou la res- tauration, la correction ou la modification d’une fonction physiologique ou résultant d’un mésusage du médicament ou produit. Ses missions annexes sont : – discuter l’étiologie médicamenteuse d’un symptôme clinique ou biologique, possi- blement imputable à un effet indésirable ; – donner une aide à la prescription dans des situations complexes (antécédents d’allergie, enfants, personnes âgées…). Quelle est la réglementation ? Tout professionnel de santé ayant connaissance d’un EI grave ou inattendu mettant en cause un produit de santé doit le déclarer selon les procédures prévues à cet effet (encadré). Un effet indésirable grave (EIG) se définit comme un effet indésirable létal ou susceptible de mettre la vie en danger, ou entraînant une invalidité ou une incapacité, ou encore provoquant une hospitalisation ou sa prolongation. Un effet indésirable inattendu (EIA) se définit comme un effet indésirable non mentionné dans les résumés des carac- téristiques du produit de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). La déclaration s’inscrit dans une démarche de prévention globale des risques, d’amé- lioration et de sécurisation des pratiques de soins. L’absence volontaire de déclara- tion d’un événement indésirable est punie par la loi de 4 ans d’emprisonnement et/ou jusqu’à 76 200 euros d’amende. Depuis plusieurs années, la notion de coor- dination des vigilances revêt une impor- tance essentielle : les intervenants sont nombreux dans les établissements et les incidents doivent être centralisés et béné- ficier d’une analyse pluridisciplinaire. Petit rappel historique En France, la première version des bonnes pratiques de pharmacovigi- lance, rédigée par des responsables des centres régionaux de pharmacovigilance, des industriels et l’administration est parue en décembre 2004 et la seconde en 2005. Les obligations de signalement Tout médecin, chirurgien-dentiste ou sage-femme ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament ou produit mentionné à l’article R. 5144-1 doit en faire la déclaration immédiate au centre régional de pharmacovigilance dont il dépend qu’il l’ait ou non prescrit. De même, tout pharmacien ayant eu connaissance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament ou produit mentionné à l’article R. 5144-1 qu’il a délivré doit également le déclarer aussitôt au centre régional de pharmacovigilance. Tout membre d’une profession de santé ayant fait la même constatation peut également en informer le centre régional de pharmacovigilance. Source : Article R. 5144.19 du Code de la Santé publique La pharmacovigilance , une réglementation rigoureuse qui concerne le pharmacien d’officine © Fotolia.com/Evgeny Rannev L Tout méde ayant constaté un d’être dû à un médic R. 5144-1 doit en faire de pharmacovigilance De même, tout pharmac grave ou inattendu susc mentionné à l’article R. aussitôt au centre régio © Fotolia.com/Evgeny Rannev

La pharmacovigilance, une réglementation rigoureuse qui concerne le pharmacien d’officine

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38pratique

veille sanitaire

Actualités pharmaceutiques n° 500 Novembre 2010

Depuis le décret n° 95-278

du 13 mars 1995, les

pharmaciens sont tenus

de déclarer tout événement

indésirable (EI) semblant lié

à un médicament quel que

soit son degré de gravité.

Cette mesure s’inscrit dans

un ensemble de procédures

destinées à veiller à la sécurité

des usagers consommateurs

de médicaments.

Petite introduction

à la pharmacovigilance.

Dans les années 1960, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lançait le programme international de

pharmacovigilance suite au scandale sani-taire de la thalidomide. À ce jour, 99 pays, dont la France depuis 1986, ont rejoint ce programme, et 5,5 millions événements indésirables (EI) liés à des médicaments ont été rapportés. Mais qu’entend-on par pharmacovigilance ?

Définir la pharmacovigilanceLa pharmacovigilance a pour objet la surveillan ce du risque d’effets indésirables résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain mentionnés aux articles L. 511, L-658-11 du Code de la Santé publique et à l’article 2 du décret 69-104 du 3 février 1969.La pharmacovigilance comporte :– le signalement des EI et le recueil des informations le concernant ;– l’enregistrement, l’évaluation et l’exploi-tation de ces informations dans un but de prévention.La pharmacovigilance définit la notion d’effet indésirable comme une réaction nocive et non voulue se produisant aux posologies normalement utilisées chez l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie, ou la res-tauration, la correction ou la modification d’une fonction physiologique ou résultant

d’un mésusage du médicament ou produit. Ses missions annexes sont :– discuter l’étiologie médicamenteuse d’un symptôme clinique ou biologique, possi-blement imputable à un effet indésirable ;– donner une aide à la prescription dans des situations complexes (antécédents d’allergie, enfants, personnes âgées…).

Quelle est la réglementation ?Tout professionnel de santé ayant connaissance d’un EI grave ou inattendu mettant en cause un produit de santé doit le déclarer selon les procédures prévues à cet effet (encadré). Un effet indésirable grave (EIG) se

définit comme un effet indésirable létal ou susceptible de mettre la vie en danger, ou entraînant une invalidité ou une incapacité, ou encore provoquant une hospitalisation ou sa prolongation. Un effet indésirable inattendu (EIA)

se définit comme un effet indésirable non mentionné dans les résumés des carac-téristiques du produit de l’autorisation de mise sur le marché (AMM).La déclaration s’inscrit dans une démarche de prévention globale des risques, d’amé-lioration et de sécurisation des pratiques de soins. L’absence volontaire de déclara-tion d’un événement indésirable est punie par la loi de 4 ans d’empri son ne ment et/ou jusqu’à 76 200 euros d’amende.Depuis plusieurs années, la notion de coor-dination des vigilances revêt une impor-tance essentielle : les intervenants sont nombreux dans les établissements et les incidents doivent être centralisés et béné-ficier d’une analyse pluridisciplinaire.

Petit rappel historiqueEn France, la première version des bonnes pratiques de pharmacovigi-lance, rédigée par des responsables des centres régionaux de pharmacovigilance, des industriels et l’administration est parue en décembre 2004 et la seconde en 2005.

Les obligations de signalement

Tout médecin, chirurgien-dentiste ou sage-femme

ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible

d’être dû à un médicament ou produit mentionné à l’article

R. 5144-1 doit en faire la déclaration immédiate au centre régional

de pharmacovigilance dont il dépend qu’il l’ait ou non prescrit.

De même, tout pharmacien ayant eu connaissance d’un effet indésirable

grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament ou produit

mentionné à l’article R. 5144-1 qu’il a délivré doit également le déclarer

aussitôt au centre régional de pharmacovigilance.

Tout membre d’une profession de santé ayant fait la même constatation

peut également en informer le centre régional de pharmacovigilance.

Source : Article R. 5144.19 du Code de la Santé publique

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Tout méde

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R. 5144-1 doit en faire

de pharmacovigilance

De même, tout pharmac

grave ou inattendu susc

mentionné à l’article R.

aussitôt au centre régio

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Actualités pharmaceutiques n° 500 Novembre 2010

Les bonnes pratiques permettent de défi-nir le rôle de chacun des acteurs dans l’organisation du système de pharmaco-vigilance et de préciser les modalités de son fonctionnement. La parution de diffé-rents décrets signe le début de la mise en place d’une assurance-qualité dans le domaine de la pharmacovigilance. Le décret n° 95-278 du 13 mars 1995

précise l’organisation de la pharmaco-vigilance française, modifie la liste des effets indésirables dont la déclaration est obligatoire (effets graves ou inattendus) et étend l’obligation de déclaration aux pharmaciens. Le décret n° 95-566 du 6 mai 1995

donne un statut à part aux médicaments dérivés du sang. Le décret n° 2004-99 du 29 janvier 2004

met en conformité la réglementation française avec les directives européennes 2000/38/CE et 2001/83/CE, et précise les modalités de déclaration des EI par les industriels.

Une organisation stricte Les 31 centres régionaux de

pharmaco vigilance, implantés, en région, dans des services de pharmaco-logie clinique hospitalo-universitaire sont chargés de :– recueillir les déclarations que doivent leur adresser les médecins, chirurgiens-

dentistes, sages-femmes et pharmaciens, les établissements publics de santé, les établissements de santé participant au service public et les centres antipoison ;– transmettre ces informations à l’unité de pharmacovigilance de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ;– remplir auprès du ministre chargé de la Santé et du directeur général de l’Afssaps une mission d’expertise ;– contribuer au développement des connaissances sur les méthodes en pharmaco-épidémiologie, sur la nature et les mécanismes des effets indésirables.Les centres régionaux de pharmaco vigilance ont également un rôle d’information et de formation des professionnels de santé.Les observations d’effets indésirables recueillies et validées par les centres régio-naux de pharmacovigilance sont gérées par la base de données de la pharmaco-vigilance française située à l’Afssaps. Le comité technique de pharmaco-

vigilance est chargé de préparer et de coordonner les travaux de la Commission nationale de pharmacovigilance. Il est composé de chaque responsable de chaque centre régional de pharmaco-vigilance et de membres de l’Afssaps. Le secrétariat est assuré par l’unité de pharmacovigilance de l’Afssaps.

La Commission nationale de pharmaco vigilance est composée de trente-neuf membres dont six membres de droit et trente-trois membres nommés pour une durée de trois ans par le ministre de la Santé (encadré). La mise en place de l’Agence euro-

péenne pour l’évaluation des médi-caments (European Medecines Agency – EMA) en janvier 1995 a permis d’envi sa-ger de nouvelles modalités d’organisation. La pharmacovigilance des médicaments commercialisés dans chaque État membre de l’Union européenne (UE) reste du ressort de chaque État. Un arbitrage euro-péen peut avoir lieu dont les conclusions s’appliquent à l’ensemble des États de l’UE. Ce fut le cas du véralipride (Agreal®), médicament prescrit contre les bouffées de chaleur, retiré du marché le 22 octobre 2007 au niveau européen à la suite de la notification d’effets indésirables psychia-tri ques graves et ayant auparavant fait l’objet d’un retrait, en 2005, en Espagne. L’EMA dispose d’une base de données à l’échelle européenne, EudraVigilance.L’enregistrement des nouvelles molécules suit dorénavant le plus souvent une procé-du re dite européenne, une AMM étant délivrée par la Commission européenne après consultation de l’EMA, valable pour l’ensemble des pays de l’Union. Aussi la pharmacovigilance de ces médicaments est-elle européenne.

Intérêts et limites de la notification spontanée La notification spontanée repose sur le clini cien qui juge anormale la manifesta-tion qu’il observe et qui décide ou non d’en faire part.L’intérêt principal de la notification sponta-née est la mise en évidence d’effets indé-sirables nouveaux par la transmission des informations et leur centralisation au niveau de l’Afssaps. La notification se fait sur une fiche Cerfa2 (figure 1, ci-contre), par télé-phone ou par lettre sur papier libre.Les limites de la notification spontanée sont nombreuses :– qualité des informations des dossiers notifiés souvent faible ;– extrême hétérogénéité du matériel recueilli ;

Composition de la Commission nationale de pharmacovigilance

Six membres de droit : le directeur général de la santé ou son représentant ; le directeur général

de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou son représentant ; le directeur de

l’hospitalisation et de l’organisation des soins ou son représentant ; le directeur général de l’Institut national

de la santé et de la recherche médicale ou son représentant ; le président de la Commission nationale

de pharmacovigilance vétérinaire ou le membre de la commission qu’il désigne ; le président de la

Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes ou le membre de la commission qu’il désigne.

Trente-trois membres nommés par le ministre chargé de la Santé pour une durée de trois ans :

onze cliniciens dont au moins trois médecins généralistes ; dix pharmacologues ou toxicologues ;

trois pharmaciens hospitaliers ; un pharmacien d’officine ; une personne représentant les associations

de personnes malades et d’usagers du système de santé et une personne représentant les associations

de consommateurs, proposée par le ministre chargé de la Consommation ; une personnalité compétente

en matière de pharmacovigilance exercée dans les entreprises exploitant des médicaments ou

produits mentionnés à l’article R. 5121-150 ; un médecin choisi sur une liste de deux noms proposés

par l’Académie nationale de médecine ; un pharmacien choisi sur une liste de deux noms proposés

par l’Académie nationale de pharmacie ; deux personnalités choisies en raison de leur compétence

en pharmaco-épidémiologie ; un représentant du comité technique de toxicovigilance.

Source : Article R. 5121-160 du Code de la Santé publique.

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veille sanitaire

Actualités pharmaceutiques n° 500 Novembre 2010

– variation très importante du taux de noti-fication dans le temps ;– difficulté de détection des associa-tions médicament-effet ne s’imposant pas d’emblée sur le plan chronologique (effets très retardés de type cancéro- ou mutagenèse).

ConclusionSelon des estimations, au niveau euro-péen, 5 % de toutes les admissions à l’hôpi tal sont dues aux effets indésirables des médicaments et 5 % des patients hospi ta li sés souffrent d’effets indési-rables liés à la prise de médicaments. Ces derniers représentent d’ailleurs la cinquiè me cause la plus fréquente de décès à l’hôpital. Aussi, la législation se devait d’évo-luer. Suite à l’adoption, le 22 septembre 2010, par le Parlement européen, d’un paquet législatif sur l’amélioration de la pharmaco vigilance, les pays de l’Union devront se doter, d’ici 2010, d’un portail internet dédié1. Les sites web nationaux seront reliés au site européen et devront notamment comporter des rapports d’éva-luation, des résumés des caractéristiques des produits et des brochures d’informa-tion destinées aux patients. Ces derniers pourront signaler eux-mêmes les effets néfastes aux autorités nationales et un symbole noir figurera sur la notice de tous les médicaments nécessitant des vérifica-tions supplémentaires. �

François Pillon

Pharmacien, Dijon (21)

[email protected]

Figure 1 : Imprimé Cerfa de déclaration d’effets indésirables dus aux médicaments (recto/verso).

Le rôle des professionnels de santé en matière de pharmacovigilance

possible :

– toute présomption d’effets indésirables graves ou inattendus, en rapport avec l’utilisation d’un

ou plusieurs médicaments ;

– toute observation d’effet indésirable lié à un mésusage ;

– tout autre effet qu’il juge pertinent de déclarer.

notamment si elle a été transmise oralement ou par téléphone, afin de documenter l’observation initiale.

adressées au centre régional de pharmacovigilance et à l’Agence du médicament, et des modalités

d’exercice de leur droit d’accès à ces informations.

de compléter les informations précédemment transmises.

des médicaments qu’il prescrit, dispense ou administre.

Cdd(r

Pour en savoir pluswww.who-umc.org/DynPage.aspx?id=13140

Notes1. Parlement européen. www.europarl.europa.eu/news/expert/infopress_page/066-83196-263-09-39-911-20100921IPR83194-20-09-2010-2010-false/default_fr.htm

2. Cette fiche peut être téléchargée sur www.sante.gouv.fr/cerfa/efindes/abvitot.pdf

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