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ACTUALITES 2006 DE PHARMACOVIGILANCE Pr J.L. MONTASTRUC, Dr H. BAGHERI, Dr V. GARDETTE, Dr G. DURRIEU, Dr P. OLIVIER Service de Pharmacologie Clinique, Centre Midi-Pyrénées de PharmacoVigilance, de Pharmacoépidémiologie et d'Informations sur le Médicament Faculté de Médecine 37 Allées Jules-Guesde 31000 TOULOUSE Tél : 05 61 25 51 12 Fax : 05 61 25 51 16 Mail : [email protected] Site internet : www.bip31.fr

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ACTUALITES 2006 DE PHARMACOVIGILANCE

Pr J.L. MONTASTRUC, Dr H. BAGHERI, Dr V. GARDETTE, Dr G. DURRIEU, Dr P. OLIVIER

Service de Pharmacologie Clinique, Centre Midi-Pyrénées de PharmacoVigilance, de Pharmacoépidémiologie et d'Informations sur le Médicament

Faculté de Médecine 37 Allées Jules-Guesde

31000 TOULOUSE

Tél : 05 61 25 51 12 Fax : 05 61 25 51 16

Mail : [email protected] Site internet : www.bip31.fr

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L'année 2006 a été riche en actualités de PharmacoVigilance. Les textes ci-dessous regroupent en différents chapitres les principales acquisitions concernant l'évaluation du rapport bénéfice – risque des médicaments nouveaux et anciens. Ces observations illustrent, une fois encore, le fait que, au moment de sa mise sur le marché, le médicament reste nécessairement méconnu, par suite de l'insuffisance (obligatoire) des essais cliniques. C'est dire que le médecin praticien se DOIT de notifier au Centre Régional de PharmacoVigilance, les cas d'effets indésirables qu'il observe dans sa pratique quotidienne. Selon une étude de notre équipe, 1% de l'activité d'un médecin généraliste concerne les conséquences d'un effet indésirables d'un médicament. Ces effets indésirables médicamenteux sont par ailleurs responsables de près de 4% des hospitalisations : à ce titre, ils représentent la première cause d'entrée dans le système hospitalier. Vous trouverez, à la fin de ce texte, une fiche de déclaration, rappelant également les services que peut apporter le Centre Régional de PharmacoVigilance. Celui-ci, outre sa mission de collection des effets indésirables médicamenteux, doit être pour le médecin praticien une source d'informations indépendantes, fiables et validées sur tout ce qui concerne le médicament et sa prescription. N'hésitez pas à faire appel au CRPV de Toulouse (tél : 05 61 25 51 12, fax : 05 61 25 51 16 ou mail : [email protected]). Vous pouvez également retrouver régulièrement toutes les actualités sur le médicament (nouveaux médicaments, PharmacoVigilance, interactions…) sur notre site internet Uwww.bip31.fr U

1. MEDICAMENTS HYPOLIPIDEMIANTS

1.1. Facteurs modifiant le risque d'effets indésirables musculaires des statines Le risque musculaire des statines (myalgies, myopathies, et plus rarement rhabdomyolyse) est commun à toutes les statines commercialisées. Certains facteurs favorisent la survenue de cet effet indésirable (EI), expliqué par une inhibition de l'HMG Co-A réductase : posologie quotidienne élevée, insuffisance rénale (ou hépatique), pathologie musculaire préexistante, hypothyroïdie, consommation excessive d'alcool, âge supérieur à 80 ans. Parmi ces situations, on peut également citer la période péri-opératoire ou encore le genre féminin. Un certain nombre de médicaments potentialise ces EI musculaires : autres hypolipidémiants (fibrates ou ézétimibe, dont l'association avec les statines doit être prudente) ; médicaments diminuant le métabolisme hépatique (cytochrome P450) des statines (la pravastatine est peu métabolisée par ce système, ce qui fait prévoir un risque d'interaction pharmacocinétique peu élevé) : ainsi, les inhibiteurs du CYP3 A4 [macrolides, antifongiques azolés, antirétroviraux ("navir"), certains cardiotropes (amiodarone, diltiazem, verapamil)], freinent la dégradation des statines et majorent donc le risque d'EI musculaires. La ciclosporine agit dans le même sens par un mécanisme mal connu. Les associations médicamenteuses aux statines doivent rester réfléchies ! (Rev. Med. Suisse, 2005, 1, 24,47, 24, 52).

1.2. Reste-t-il encore une place aux fibrates? Les fibrates sont des hypolipidémiants, activateurs du catabolisme lipidique : par action sur les PPAR alpha, ils majorent la lipolyse et activent la lipoprotéïne lipase. La question de leur réelle efficacité clinique reste cependant discutée. L’essai FIELD (10 000 patients de 50 ans à 75 ans) a comparé sur 5 ans le fénofibrate LIPANTHYL® au placebo sur la morbi-mortalité cardiovasculaire. Au terme de 5 ans de suivi, la mortalité n’a pas différé entre les deux groupes : 7,3% sous fénofibrate ; 6,6% sous placebo. On n’a trouvé non plus aucune différence sur les autres critères : mortalité cardiovasculaire, mortalité coronaire ou incidence des AVC. Bien plus, les évènements indésirables graves (pancréatites, embolies pulmonaires, thromboses veineuses profondes) ont été plus fréquents sous fibrate (3,7%) que sous placebo (2,6%) ! (Lancet, 2005, 366, 1849). Ainsi, pas plus que le gemfibrozil LIPUR® ou le clofibrate (ex. LIPAVLONN®), le fénofibrate n’a démontré d’efficacité sur le seul critère intéressant nos patients : la

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mortalité totale. Un bel exemple de Pharmacologie, distinguant des effets biologiques sur des critères « intermédiaires » (ici les triglycérides) et l’action attendue sur un critère clinique « pertinent ». Non, il ne reste aucune place pour les fibrates en 2006 !

1.3. Quels risques, quels bénéfices des oméga 3? On connaît l’effet bénéfique des acides gras oméga 3 à longue chaîne décrit sur la mortalité cardiovasculaire. Le mécanisme en reste mal connu : on l’a attribué aux actions hypotensives, bradycardisantes, hypotriglycéridémiantes, anti-thrombotiques, anti-inflammatoires, antiarythmiques ou encore aux améliorations de la fonction endothéliale, de la sensibilité à l’insuline ou de la stabilité des plaques d’athérome, décrites in vitro avec ces oméga 3 (et dont la transférabilité clinique reste inconnue). Une méta analyse récente remet en question ces données en envisageant, non plus la seule mortalité cardiovasculaire, mais l’effet global sur la morbi-mortalité (BMJ, 2006, 332, 752). Les auteurs ont inclus 48 essais comparatifs (avec un suivi supérieur à 6 mois) et 41 études de cohortes. Ils ne retrouvent aucune réduction de la mortalité totale, du risque de survenue d’évènements cardiovasculaires, de cancer ou d’accident vasculaire cérébral, qu’il s’agisse des oméga 3 à courte (acide linoléique…) ou longue (acides docosapentaenoique, docosahexaenoique, eisosapentaenoique…) chaîne. Finalement, ils recommandent la réalisation de nouveaux essais cliniques prospectifs et comparatifs, de meilleure qualité que ceux actuellement disponibles. 2. PSYCHOTROPES

2.1. Risque hémorragique sous antidépresseurs sérotoninergiques

A la suite de nombreuses notifications spontanées, plusieurs études pharmaco-épidémiologiques ont démontré une majoration du risque de saignement digestif chez les patients traités par antidépresseurs sérotoninergiques (fluoxétine PROZAC® et dérivés). Le rapport de côte de saignements avec ces médicaments varie de 1,38 à 3,6. Ces antidépresseurs multiplient par plus de 3 le risque de transfusion au cours d'une chirurgie orthopédique ou encore les saignements utérins. Le risque hémorragique retourne au niveau basal à l'arrêt de ces médicaments. Le mécanisme de cet effet indésirable diffère de celui des AINS. Alors que les AINS affectent directement la muqueuse gastro-intestinale, les antidépresseurs sérotoninergiques interfèrent avec les étapes de la coagulation. La sérotonine, libérée des plaquettes en réponse à un traumatisme vasculaire, détermine une vasoconstriction et une modification de la forme des plaquettes, ce qui favorise l'agrégation plaquettaire. Ainsi, les antidépresseurs sérotoninergiques (qui sont des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, IRS) diminuent les concentrations plaquettaires de sérotonine, et diminuent les mécanismes conduisant à la formation des caillots. Le risque absolu de saignement sous IRS seul a été évalué à 1/300 patients/année. Il est de 1/200 sous AINS seul! En l'état actuel des connaissances, il n'existe aucune donnée suggérant l'utilité d'une gastroprotection chez un patient traité par IRS (N Engl J Med 2005, 331, 529).

2.2. "Blackbox"pour les médicaments du syndrome d'hyperactivité avec déficit de l'attention

Le 9 février dernier, le Comité de PharmacoVigilance (PV) de la FDA a voté pour l’ajout d’une mise en garde (« Blackbox ») pour les médicaments du syndrome d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Ces produits [diverses amphétamines (ADDERALL® et autres, non commercialisées en France) et methylphenidate (dans notre pays : RITALINE®, CONCERTA®)] sont largement consommés aux USA, tant chez les enfants (2,5 millions, soit 1 sur 10 enfants âgé de 10 ans !) que chez les adultes (1,5 millions, dont 10% de plus de 50 ans !). Dans ces deux populations, on a rapporté aux structures de PV américaines de nombreux infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux ou encore morts subites (NEJM, 2006, 354, 1445). Rien d’étonnant quand on connaît les propriétés de base du methylphenidate, qui n’est rien d’autre qu’un dérivé amphétaminique, majorant (comme toute amphétamine) la libération de

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noradrénaline (et autres monoamines) des terminaisons nerveuses périphériques et centrales. Ainsi, on attendra avec le methylphenidate des effets sympathomimétiques : hausse tensionnelle (ADERRAL® élève la pression sanguine artérielle de 5 mmHg en moyenne), tachycardie, troubles du rythme cardiaque, décompensation d’insuffisance cardiaque, hyperglycémie… En Europe, la consommation de methylphenidate s’avère moindre qu’aux USA. Devons nous tout de même accepter la généralisation de telles pratiques contraires à toute logique pharmacologique ? Est-il raisonnable de laisser des organismes en développement ou des adultes toute une vie sous sympathomimétique ? Les exemples récents de PV des autres sympathomimétiques [le « décongestionnant nasal » phenylpropanolamine (PPA) ou les ephedrine, pseudoephedrine, ma huang utilisés pour perdre du poids] plaident, évidemment, formellement contre cette possibilité. Un nouvel exemple de « médicamentation » (lire à ce sujet HTUwww.prescrire.org/editoriaux/medicamentation/pdfUTH) de la société avec un médicament non dénué de risque…

2.3. Acné et Médicaments : les antidépresseurs sérotoninergiques aussi !

Les médicaments constituent la première cause des acnés (ou éruptions acnéiformes) survenant après l’âge habituel de l’acné vulgaire. On a imputé de nombreux médicaments : corticoïdes, ACTH, dérivés halogénés (iode, brome, fluor, chlore, halothane), vitamines (B12), antiépileptiques (barbituriques, hydantoïnes), antituberculeux (isoniazide, rifampicine), immunosuppresseurs (ciclosporine, azathioprine), certains antinéoplasiques. Parmi les psychotropes, on a rapporté des cas avec le lithium ou certains neuroleptiques. A partir de Banque Nationale de PharmacoVigilance, le CRPV de Bordeaux a récemment décrit la survenue de 31 cas d’acné avec les antidépresseurs sérotoninergiques. Dans cette liste, on retrouve, tous les produits: fluoxétine Prozac®, paroxétine DEROXAT®, sertraline ZOLOFT®, citalopram SEROPRAM®, fluvoxamine FLOXYFRAL®. Le tableau régresse généralement à l’arrêt de l’antidépresseur en cause (Thérapie, 2006, 61, 71). A connaître et à déclarer au CRPV.

2.4. Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) peuvent-ils engendrer des troubles

glycémiques?

Les données expérimentales, montrent chez la souris la survenue d’hypoglycémie et d’hyper insulinémie dose-dépendante après administration de sérotonine. Plusieurs cas de troubles glycémiques sont rapportés dans la littérature avec les IRS. Le CRPV de Montpellier a analysé les cas de troubles glycémiques suspectés sous IRS déclarés à la pharmacovigilance française. Au total, 87 cas concernant 57 femmes et 33 hommes (moyenne d’âge : 61,3 ans) ont été notifiés (Fundam Clin Pharmacol, 2006, 20, 191) Il s’agit d’hypoglycémie dans 69 cas et d’hypoglycémie dans 18 autres cas. Au total, 36 patients recevaient aussi des antidiabétiques. Les cas concernent tous les IRS : fluoxétine (35), paroxétine (19), citalopram (12), sertraline (9 cas), venlafaxine (7) et fluvoxamine (5). Dans 47 observations, l’IRS a été considéré comme suspect. Comme autres médicaments associés suspects, on retrouve les ß-bloquants (8 cas), les corticoïdes (5 cas), le dextropropoxyphène (dans DIANTALVIC®, 5 cas), la clozapine (LEPONEX®, 3 cas) et la cibenzoline (CIPRALAN®, 2 cas). Les auteurs concluent sur la concordance de ces données avec celles rapportées dans la littérature. Compte tenu des interactions des IRS avec les CYP450 à l’origine d’inhibition enzymatique, une interaction pharmacocinétique avec les hypoglycémiants pourrait être à l’origine de cette dysrégulation glycémique sous IRS. La prescription avec surveillance des IRS chez les sujets à risque, (diabétiques, poly médicamentés), pourrait prévenir la survenue de ce type d’effet indésirable.

2.5. Délire, agitation et anxiété sous aripiprazole

La schizophrénie associe des symptômes dits « positifs » (hallucinations, idées délirantes) et des symptômes « négatifs » (émoussement affectif, apragmatisme….). L’aripiprazole ABILIFY®, commercialisé en France depuis 2005, est un antipsychotique atypique, dérivé des quinolinones. Son

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mécanisme d’action reste inconnu, mais il possède une activité agoniste partielle sur les récepteurs dopaminergiques D2 et sérotoninergiques 5HT1A ; ainsi qu’une activité antagoniste des récepteurs sérotoninergiques 5HT2A. Plusieurs cas d’aggravation des symptômes positifs ont été rapportés, avec agitation et anxiété, en particulier lors de l’association ou en relais d'un autre neuroleptique (J Clin Psychiatr 2004, 65, 132 ; Am J Psychiatr 2004, 161:1308 ; Int Clin Psychopharmacol 2004, 19, 45 ; Pharmakritik 2004; 26, 34). Ces effets paradoxaux s’expliquent par l’activité agoniste partielle de l’aripiprazole. L’instauration de ce type de médicament doit donc s’assortir d’une surveillance accrue du patient durant les premiers jours de traitement. Sa prescription doit être adaptée à la symptomatologie présentée et l’association à d’autres neuroleptiques prudente.

2.6. Les neuroleptiques "atypiques" sont-ils véritablement atypiques?

Les neuroleptiques "atypiques" (olanzapine ZYPREXA®, risperidone RISPERDAL®…) sont présentés comme déterminant moins d'effets indésirables de type parkinsonien que les produits conventionnels (haloperidol HALDOL®…). Une étude de cohorte réalisée dans l'Ontario, chez les sujets de plus de 65 ans, a comparé le risque de développer une symptomatologie parkinsonienne sous neuroleptique classique et neuroleptique dit "atypique". Par rapport aux patients sous atypiques, les malades traités par neuroleptiques classiques ont 30 fois plus de chances de développer une symptomatologie extrapyramidale. Cette différence, retrouvée aux posologies standards, disparaît aux fortes posologies. Ainsi, la prescription des "nouveaux" neuroleptiques à fortes doses ne semble apporter aucun gain de sécurité par rapport aux produits conventionnels (Arch Int Med, 2005, 165,1811).

2.7. Le rapport bénéfices-risques des hypnotiques chez le sujet âgé pourrait être défavorable

Une étude canadienne (BMJ, 2005, 331, 1169) rediscute des avantages et inconvénients des hypnotiques prescrits chez le sujet âgé. Dans une méta-analyse de 24 essais cliniques comparatifs avec tirage au sort incluant plus de 2400 sujets de plus de 60 ans recevant un hypnotique, les auteurs ont montré une efficacité marginale (majoration du temps de sommeil total de 25 minutes en moyenne, réduction du nombre d’éveils nocturnes de 0,63) pour une élévation franche des effets fâcheux [altérations cognitives (x 4,78), troubles psychomoteurs dont les chutes (x 2,61), fatigue diurne (x 3,82)] par rapport au placebo. L’article se termine ainsi : « chez les sujets de plus de 60 ans, le bénéfice de ces médicaments pourrait ne pas justifier l’élévation du risque d’effets indésirables, en particulier si le patient présente des facteurs de risque comme une altération psychomotrice ou cognitive ». 3. MEDICAMENTS ET CONDUITE AUTOMOBILE L'AFSSAPS a revu la classification concernant les effets des médicaments sur la conduite automobile. Les nouveaux pictogrammes classent les médicaments en trois niveaux :

- Niveau 1 : "Soyez prudents. Ne pas conduire sans avoir lu la notice". Ce groupe comprend notamment les antiémétiques antagonistes de la sérotonine (5HT3), la plupart des analgésiques et antipyrétiques, l'ergotamine, les antitussifs (opiacés ou non), les anti-inflammatoires (stéroïdiens et non stéroïdiens), les anti glaucomateux (sympathomimétiques, inhibiteurs de l'anhydrase carbonique, ß-bloquants ou encore analogues de la prostaglandine).

- Niveau 2 : "Soyez très prudents. Ne pas conduire sans l'avis d'un professionnel de santé". Ce niveau inclut les autres antiémétiques, l'insuline et les antidiabétiques oraux, les anesthésiques locaux, la morphine et les opioïdes, les antimigraineux de fond (y compris les triptans), les anti-épileptiques par voie orale, les antiparkinsoniens (dopaminergiques et anticholinergiques), les neuroleptiques par voie orale, les benzodiazépines anxiolytiques par voie orale (sauf pour les formes les plus fortement dosées), les antidépresseurs (imipraminiques, sérotoninergiques, IMAO), les anticholinestérasiques utilisés dans la démence, les médicaments des phénomènes de

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dépendance, la plupart des antihistaminiques anti-H1 d'usage systémique, les anti glaucomateux parasympathomimétiques (pilocarpine et dérivés)…

- Niveau 3 : "Attention, danger : Ne pas conduire. Pour la reprise de la conduite, demandez l'avis d'un médecin": anesthésiques généraux, neuroleptiques (formes parentérales), barbituriques, benzodiazépines et apparentés (utilisées comme hypnotiques), collyres mydriatiques (anticholinergiques ou sympathomimétiques).

4. ANTI-INFLAMMATOIRES ET ANTI-RHUMATISMAUX

4.1. Actualités sur les anti-TNF alpha

Le CRPV de Toulouse a comparé le profil d’effets indésirables (EI) déclarés aux CRPV entre 1999 et 2004 des 3 anti-TNF alpha commercialisés : infliximab REMICADE®, adalimumab HUMIRA® et étarnercept ENBREL®. Parmi prés de 1000 EI, nous avons trouvé une association entre la prise d’infliximab ou d’adalimumab et la survenue d’infections (bactériennes ou tuberculeuses). Sous étarnercept, le risque de tuberculose ou d’EI allergiques est moindre qu’avec les autres anti-TNF (alors que le risque d’atteintes de la peau, de la lignée blanche, des plaquettes ou du système nerveux périphérique est plus élevé) (Fundam Clin Pharmacol 2006, 20, 153). Cette hétérogénéité du profil de sécurité des 3 anti-TNF alpha (mise en évidence en phase IV en l’absence d’essai clinique comparatif pré AMM) peut s’expliquer par les différences dans leur mécanisme d’action : infliximab et adalimumab sont des anticorps monoclonaux, étanercept un récepteur soluble. Les Anti-TNF alpha majorent le risque infectieux, notamment tuberculeux. Le CRPV de Nancy a montré que ces médicaments augmentaient également (bien que moins fréquemment) la possibilité de survenue de légionellose (Fun dam Clin Pharmacol 2006, 20, 153).

4.2. Biphosphonates et ostéonécrose de la mâchoire

Les biphosphonates (et notamment l'acide zolédronique ZOMETA®, le pamidronate de sodium AREDIA® et ses génériques) peuvent déterminer, notamment chez des patients souffrant de cancers, une ostéonécrose de la mâchoire. Ce type d'effet indésirable, dont le mécanisme peut mettre en jeu une action anti-angiogénique, a été le plus souvent associé à des interventions dentaires (extractions, …). On retrouve souvent des signes d'infections localisées associées. Il convient donc, avant l'instauration des biphosphonates, chez des patients présentant des facteurs de risques (cancer, chimiothérapie, corticoïdes, mauvaise hygiène buccale) d'effectuer des soins dentaires préventifs. Sous biphosphonates, ces patients devront éviter, dans la mesure du possible, toute intervention dentaire invasive. Pour les patients nécessitant une intervention dentaire, il n'existe pas de données disponibles suggérant que l'arrêt du médicament diminue le risque d'ostéonécrose. (Uwww.agmed.sante.gouv.frU).

4.3. Fraude dans les essais cliniques? Les coxibs encore!

Les questions concernant la possibilité de fraude dans la recherche scientifique semblent aussi vieilles que celle-ci. Certains citent même Grégoire Mendel comme l’un des premiers fraudeurs ! Alors que la grande presse discute le cas du biologiste coréen Hwang Woo Suk, le New England Journal of Medicine du 29 décembre dernier a soulevé la possibilité de tricherie dans l’essai pivot du rofecoxib VIOXX® (essai VIGOR). En manipulant la version informatique de l’article soumis au journal, les éditeurs ont constaté de troublantes modifications. En effet, dans le logiciel Word, une fonction permet de visualiser l’ensemble des modifications apportées au texte avec le type, la date et même l’heure de la modification. La veille de la soumission, 3 patients décédés d’infarctus du myocarde ont été supprimés du groupe rofecoxib ! Ces données, remettant en cause les conclusions sur le rofecoxib, sont à rapprocher des résultats tronqués sur le risque digestif du celecoxib CELEBREX® (voir BIP 2002, 8, suppl, 6).

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Au-delà de la polémique, ces observations doivent surtout rappeler la nécessité de toujours plus de transparence en matière de médicaments : transparence dans les registres d’essais, transparence dans les dossiers soumis aux Agences comme aux revues scientifiques et médicales, transparence dans les données de pharmacovigilance recueillies par les firmes. Par exemple, les résultats détaillés des essais cliniques devraient être désormais consultables par tous, et non pas uniquement par des « experts » choisis par les autorités d’enregistrement. Ces questions soulèvent aussi le problème des clauses de confidentialité pour les médecins et pharmaciens participants aux essais cliniques. Attendons de voir quelle sera la réponse des Agences et autorités publiques vis-à-vis des auteurs et firmes fraudeurs. Dans tous les cas, plus de transparence aurait à coup sûr évité un certain nombre d’infarctus ou de décès de cause cardiovasculaire survenus ces dernières années sous coxibs ! Finalement, cet exemple (qui n’est pas unique) doit renforcer notre prudence a priori vis-à-vis de tout nouveau produit récemment commercialisé (et donc encore nécessairement mal connu). Il y va de l’intérêt de nos patients !

4.4. La vie sans coxibs?

Sous ce titre, le BMJ commente les résultats d’une méta-analyse de 138 essais cliniques sur le risque cardiovasculaire des coxibs et autres AINS ! L’utilisation des coxibs s’accompagne d’une majoration de 42% du risque d’évènement vasculaire « grave » versus placebo (expliquée par un doublement du risque d’infarctus du myocarde). Les auteurs ont retrouvé des résultats similaires avec d’autres AINS à doses élevées : diclofenac ou ibuprofène, mais pas naproxène (BMJ, 2006, 332, 1302). Cette confirmation des dangers des coxibs doit faire cesser toute polémique. Elle rappelle la méfiance obligatoire vis-à-vis de « nouveaux » médicaments symptomatiques sans efficacité établie en termes de morbi-mortalité et promus sous couvert d’un mécanisme d’action moléculaire « original » sans données cliniques à long terme. Finalement, ce travail (montrant que certains AINS partagent le même risque cardiovasculaire que les coxibs) remémore un fait pharmacologique de base souvent ignoré : les effets indésirables varient selon les AINS.

4.5. Finalement, quels effets indésirables cardiovasculaires pour les AINS?

Le retrait en 2004 du rofecoxib VIOXX® pour majoration du risque cardiovasculaire [et notamment d’infarctus du myocarde (IM)] a refait envisager ce problème pour l’ensemble des AINS. Trois études récentes permettent de clarifier les données. La première, une méta analyse réalisée par des auteurs néo-zélandais à partir de 4 études incluant un total de 4222 patients, trouve un risque d’IM majoré sous celecoxib CELEBREX® (avec un RC=2,26) par rapport au placebo. Ce risque se retrouve aussi dans une autre méta analyse plus large de 6 essais avec comme comparateurs paracétamol, diclofénac, ibuprofène et placebo (SCRIP, 10 mars 2006). Une autre étude cas-témoin, issue de l’équipe de Pharmacoépidémiologie de Madrid, réalisée à partir de la banque anglaise de prescription GPRD, ne retrouve aucun excès de risque d’IM avec les AINS « classiques ». La seule élévation du RR concerne une utilisation de ces AINS « classiques » supérieure à 1 an (RR=1,21), avec notamment un risque d’IM non mortel chez les patients ne recevant pas conjointement d’aspirine (BMC Medicine 2005, 3, 17). Finalement, si on respecte les recommandations usuelles (et notamment si on évite les utilisations prolongées), les AINS « classiques », à la différence des coxibs, n’exposent pas à un risque majoré d’IM.

5. DIVERS

5.1. Troubles cognitifs légers chez la personne âgée : imputabilité des médicaments à propriétés anticholinergiques

Les médicaments à propriétés anticholinergiques (ou atropiniques), nombreux, s’utilisent largement chez la personne âgée. Pour certains, ces propriétés pharmacologiques sont exploitées: antiparkinsoniens, antispasmodiques dans diverses douleurs ou dans l’incontinence urinaire, bronchodilatateurs,

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antitussifs… Pour d’autres appartenant à des classes pharmacologiques différentes (antidépresseurs imipraminiques, antihistaminiques H1, anti arythmiques, neuroleptiques, antiémétiques neuroleptiques ……), ces effets anticholinergiques sont indésirables. Les patients âgés sont plus sensibles aux effets indésirables centraux de ces médicaments anticholinergiques : confusion, désorientation, hallucinations visuelles, agitation, irritabilité, délire, troubles mnésiques et agressivité. Une étude (BMJ 2006, 332, 455-9) a évalué les risques d’apparition de troubles cognitifs légers chez 372 patients âgés de plus de 60 ans et ne présentant pas de démence. Après un suivi d’un an, on les a questionnés sur leur consommation médicamenteuse et on a testé leurs performances intellectuelles. La prise d’anticholinergiques apparaît comme un facteur de risque significatif majeur de prédiction de détérioration des capacités cognitives. Les auteurs soulignent l’importance de la prise en compte de ces résultats pour éviter de prescrire, chez ces patients atteints d’une altération cognitive modérée due aux anticholinergiques, un inhibiteur de la cholinestérase !

5.2. Médicaments et mouvements anormaux : pensons aussi aux non psychotropes!

Le CRPV de Nantes a rappelé qu’à coté de la lévodopa ou des neuroleptiques (vrais ou cachés), de nombreux médicaments pouvaient déterminer myoclonies, dystonies, dyskinésies, chorées, tics, tremblements et autres mouvements anormaux : antagonistes calciques, anti-infectieux (bétalactamines, quinolones, antiprotéases et antirétroviraux), amphétaminiques (comme méthylphénidate RITALINE®), morphiniques (utilisés comme antalgiques ou médicaments de substitution méthadone), antidépresseurs ou même benzodiazépines (Fundam Clin Pharmacol 2006, 20, 188). Recherchons une cause médicamenteuse devant tout mouvement anormal !

5.3. Prudence avec AGREAL® dans les bouffées de chaleur post-ménopausiques

Le CRPV d’Amiens a rapporté la survenue de troubles extrapyramidaux (syndromes parkinsoniens, dyskinésies aigues ou tardives) et de rares syndromes anxiodépressifs (pouvant correspondre à un syndrome de sevrage) sous véralipride AGREAL® (Rev Med Int 2005, 26, 453). Ces effets indésirables sont en fait attendus car le véralipride est, comme son nom l’indique, un neuroleptique « caché ». L’AFSSAPS a donc modifié les recommandations de prescription : pas plus de 1 gélule par jour ; pas plus de 3 mois sous forme de cures de 20 jours par mois ; arrêter le médicament en cas de dyskinésie ou de syndrome extrapyramidal ; le reprendre puis assurer un sevrage progressif en cas de tableau dépressif (ou anxieux) survenant entre 2 cures ou à l’arrêt. En fait, ces recommandations doivent être l’occasion pour le prescripteur de s’interroger sur le bien fondé d’un tel médicament (à l’origine d’effets indésirables rares mais graves) dans une pathologie somme toute bénigne. Le véralipride a été retiré en Espagne pour ces raisons….

5.4. Echecs contraceptifs sous implant contraceptif d'étonogestrel

Une enquête de Pharmacovigilance sur IMPLANON®, implant contraceptif progestatif (étonogestrel), a analysé les 39 grossesses (échecs contraceptifs), les 11 suspicions de migrations et les difficultés de pose (n=6) ou de retrait (n=11) de cet implant, notifiés en France entre mai 2001 et septembre 2002 (Gynécol Obstétr Fertil 2005, 33, 966). 30 grossesses sont dues à une erreur dans la technique de pose (implant non retrouvé), 3 sont secondaires à un échec du contraceptif (par association à un inducteur enzymatique dans 2 cas) et 4 s’expliquent par un non-respect du moment de la pose. L’incidence des grossesses sous IMPLANON® en France peut s’estimer à 0.359/10P

3P implants vendus. La survenue d’une grossesse sous

implant contraceptif est donc possible et sans doute sous-estimée en raison d’une sous notification probable. La majorité s’explique par une erreur dans la technique de pose. Les difficultés d’insertion sont sources de difficultés de localisation de l’implant, elles-mêmes à l’origine d’examens complémentaires coûteux. Les auteurs insistent ainsi sur la nécessité d’une formation des praticiens aux techniques de pose et de retrait de l’implant afin de diminuer ces risques.

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5.5. Mises en garde américaines à propos des bêta2 agonistes à longue durée d'action dans l'asthme

A la suite de l’étude SMART, les médecins américains ont reçu « une Lettre au Prescripteur » les informant des dangers des béta2 agonistes à longue durée d’action utilisés comme antiasthmatiques. Le salmétérol (SEREVENT®) majore le risque de décès liés à l’asthme (ce que certains ont joliment appelé « la mort dans l’asthme ») ainsi que les événements respiratoires graves associés. Ce risque pourrait être majoré chez les Africo-américains comme chez les patients n’utilisant pas des corticoïdes inhalés. Des effets indésirables analogues peuvent concerner aussi le formeterol (FORADIL®) et les autres médicaments à longue durée d’action de cette classe pharmacologique (HTUwww.hc-sc.gc.caUTH).

5.6. Hyperkaliémies sévères et médicaments du système rénine-angiotensine-aldostérone

De nombreuses notifications aux Centres Régionaux de PharmacoVigilance (CRPVs) concernent la survenue d'hyperkaliémies sévères sous spironolactone associée ou non à des inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) et/ou des sartans chez des patients insuffisants cardiaques ou hypertendus. Le Centre Régional de PharmacoVigilance d'Amiens a, par exemple, relevé 74 notifications de kaliémie supérieure à 6 mmol/l sous spironolactone entre Janvier 2000 et Décembre 2004. L'indication la plus fréquente de la spironolactone concernait l'hypertension artérielle (bien que ce médicament n'ait pas été évalué sur des critères cliniques pertinents de morbi-mortalité dans cette pathologie). Cinq de ces observations eurent un pronostic fatal. L'AFSSAPS vient de résumer ces données dans une lettre aux prescripteurs. Trois facteurs favorisants sont retrouvés dans la survenue de cet effet indésirable : âge supérieur à 70 ans, altération de la fonction rénale, présence de diabète. L'AFSSAPS rappelle que les associations spironolactone + IEC (ou sartan) sont déconseillées en dehors de l'insuffisance cardiaque. Il convient de surveiller régulièrement la kaliémie et la fonction rénale. Il faut ainsi éviter l'association aux médicaments hyperkaliémiants : non seulement les sels de potassium, les médicaments du système rénine angiotensine, les AINS ou les héparines, mais aussi la ciclosporine, le tacrolimus, les époiétines, le trimétoprime (dans BACTRIM® et autres) ou encore la drospérinone (dans JASMINE®). L'Agence souligne également le danger de toute prescription hors AMM de ces médicaments et la nécessité de déclarer les effets indésirables "graves" ou "inattendus" aux CRPVs. D'une façon générale, la survenue de ces effets indésirables pose, une nouvelle fois, la question de la transférabilité des essais cliniques. On discute habituellement de la transférabilité du bénéfice observé lors des essais cliniques. Ici, il s'agit, à l'évidence, de la transférabilité des effets indésirables puisque le risque d'hyperkaliémie s'avère assurément beaucoup plus important en pratique quotidienne que dans l'essai clinique pivot à l'origine de l'AMM de la spironolactone dans l'insuffisance cardiaque (essai RALES).

5.7. Les corticoïdes par voie nasale peuvent-ils aggraver un glaucome?

Les corticostéroïdes, administrés par voie systémique et/ou ophtalmique, sont considérés comme des facteurs d´aggravation des glaucomes. En revanche, il existe peu d´informations concernant leur usage nasal. Bui et al ont évalué l’effet des corticoïdes par voie nasale sur la pression intraoculaire (PIO) de 12 patients glaucomateux (J.Allergy Clin. Immunol.2005; 116: 1042). Les résultats montrent une élévation significative de la PIO, passant d’une moyenne de 15,4 avant à 18,9 mmHg sous corticoïdes (p=0.007). 3 des 12 patients ont présenté une altération visuelle cliniquement significative. La PIO est redevenue normale après l’arrêt des corticoïdes nasaux. Même si l’effectif de cette étude est faible (les résultats méritent d’être confirmés sur un plus grand nombre de sujets), les patients glaucomateux et les prescripteurs doivent connaître le rôle aggravant des corticoïdes utilisés par voie nasale.

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5.8. Cécité sous sildénafil et dérivés?

Fin 2005, plusieurs dizaines de cas de troubles visuels, à type de cécité, souvent unilatérale ont été rapportées sous inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 indiqués dans les troubles de l’érection (sildenafil VIAGRA®, vardenafil LEVITRA®, tadalafil CIALIS®). Cet effet indésirable (dont l’imputabilité a été discutée) survient le plus souvent chez des sujets à risques cardiovasculaires et se caractérise par une baisse soudaine de l’acuité visuelle dans les minutes ou les heures suivant la prise d’un de ces « nafils » (dont on rappelle le puissant effet vasodilatateur, sur tout le réseau artériel y compris rétinien). Un tel tableau, imposant l’arrêt du médicament suspect, peut être le signe d’une NAION ou Neuropathie Optique Ischémique Non Artéritique. A signaler à votre CRPV.

5.9. Thrombopénies médicamenteuses

L'incidence annuelle des thrombopénies médicamenteuses est habituellement estimée à 1/100 000. L'équipe du CRPV de Paris-St Antoine a recherché, dans la littérature, les médicaments les plus fréquemment cités à l'origine de cet effet indésirable. Il s'agit, en premier lieu, de l'héparine, suivie des sels d'or, de la pénicillamine, de l'abciximab (REOPRO®), de la quinine et la quinidine, du cotrimoxazole (BACTRIM®), de l'acide valproïque (DEPAKINE®), de la rifampicine, de la carbamazépine (TEGRETOL®)… Les classes les plus souvent imputées sont les anticoagulants injectables, les antirhumatismaux, les antiagrégants plaquettaires, les AINS. Devant toute thrombopénie, il convient de suspecter son origine médicamenteuse. Le premier traitement repose sur l'arrêt du produit suspect (Lettre Pharmacol. 2005, 19, 56-61).

5.10. Le VIAGRA® s'utilise-t-il pour améliorer les performances?

Le sildénafil (VIAGRA®) (comme ses me too : vardenafil LEVITRA®, tadalafil CIALIS®) est un inhibiteur « sélectif » de la phosphodiestérase (PDE) de type 5, enzyme dégradant au niveau des corps caverneux le GMP cyclique en produit inactif. L’inhibition de cette PDE renforce donc localement le puissant effet vasodilatateur du GMP cyclique, facilitant lors de l’excitation sexuelle, la dilatation pénienne et l’érection. Cependant, ici comme ailleurs, la notion d’inhibition « sélective » (c’est-à-dire d’inhibition de la seule PDE 5), vraie in vitro, disparaît chez l’individu entier : ainsi, ces médicaments (en agissant sans distinction sur toutes les PDE de l’organisme) dilatent tous les vaisseaux de l’économie : ils peuvent déterminer ainsi une hypotension artérielle, des céphalées (par dilatation carotidienne) ou encore un flush cutané. Ce puissant effet relaxant concerne, par exemple, le lit vasculaire pulmonaire où le sildenafil et ses congénères déclenchent une importante vasodilatation. Cet effet est recherché par les alpinistes pour améliorer la fonction respiratoire, accélérer l’adaptation à l’altitude et faciliter l’exercice aux sommets. Les inhibiteurs de la PDE sont donc désormais parfois présentés comme des remèdes du mal des montagnes, et notamment des signes tels que dyspnée ou tachycardie surprenant les explorateurs des cimes. Des expériences ont été conduites avec le sildénafil au Népal. Ces produits semblent également s’utiliser pour améliorer la performance dans les courses avec paris, chez les lévriers par exemple. Pourtant, aucun de ces médicaments ne figure, à ce jour, parmi les substances interdites !

5.11. Hémorragies digestives : les antiagrégants aussi!

L’équipe de Pharmacologie clinique de Barcelone (Pr J.R. Laporte) a étudié le risque de survenue d’hémorragies digestives hautes (HDH) chez 2813 cas et 7193 témoins hospitalisés en Espagne et Italie. Les antiagrégants plaquettaires sont à l’origine de 14,5% des cas d’HDH (soit 58 cas par million d’habitants et par an). A titre de comparaison, les valeurs pour les AINS sont de 38% (152 cas par million d’habitants et par an). Le risque avec les antiagrégants se majore avec les fortes doses, l’association aux AINS et surtout l’âge (> 70 ans). Il concerne non seulement l’aspirine (RC=4), mais aussi le clopidogrel

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PLAVIX® (RC=2,3) et la ticlopidine TICLID® (RC=3,1). L’association avec les inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole) supprime ce risque (Aliment Pharmacol Ther 2006, 23, 235).

5.12. Quels sont les médicaments les plus fréquemment à l'origine d'atteintes hépatiques?

A partir d’un registre d’hépatites médicamenteuses enregistrées entre 1994 et 2004, un groupe de gastroentérologues, internistes et pharmacologues espagnols a revu les médicaments les plus fréquemment imputés dans cet effet indésirable très souvent « grave » (car conduisant à une hospitalisation dans 50% des cas, à un décès chez 5% des sujets, à une transplantation hépatique dans 2% des cas et à une passage à la chronicité 1 fois sur 3). L’amoxicilline associée à l’acide clavulanique (AUGMENTIN®) s’avère le médicament le plus souvent en cause, suivi des antituberculeux (isoniazide, rifampicine, pyrazinamide), de l’ibuprofène (BRUFEN® et autres), du flutamide (EULEXINE®), de la ticlopidine (TICLID®) et du diclofenac (VOLTARENE®) sans oublier les plantes (phytothérapie) (Gastroenterology, 2005, 129, 512-21). Très instructif pour la pratique !

5.13. Buflomédil FONZYLANE® : attention au risque convulsif et cardiaque!

Le CRPV de Lyon a analysé les 188 EI « graves » déclaré, entre 1998 et 2005, aux CRPV français. Parmi ceux-ci, on retrouve notamment 1/3 d’effets neurologiques (avec 36 crises d’épilepsie) et 1/6 d’effets cardiaques (troubles du rythme et arrêts cardiaques). Ces EI sont survenus plus volontiers chez le sujet âgé et, 1 fois sur 4, sur un terrain d’insuffisance rénale. Ils sont apparus tant avec la forme parentérale qu’avec la voie orale. Ces observations de PharmacoVigilance sont confirmées par les données des Centres Anti Poisons sur une population plus jeune (<30 ans) avec, parmi 233 intoxications volontaires, 53 cas de convulsions, 26 états de mal épileptique, de nombreuses observations de troubles du rythme et de la conduction cardiaques, de choc cardiogénique et aussi 25 décès par arrêt cardiaque (Fundam Clin Pharmacol 2006, 20, 151). Le profil des EI de ce « vasodilatateur » indiqué comme médicament symptomatique des artériopathies ou comme « appoint » ( !?) dans le Raynaud n’est donc pas si anodin que décrit dans le Vidal ! Ces EI s’expliquent par le mécanisme d’action du buflomédil, qui agit certes comme un alpha bloquant mais aussi comme un bloqueur des canaux calciques (et vraisemblablement sodiques), largement représentés au niveau cérébral et cardiaque. Finalement, il n’existe aujourd’hui aucune justification à la poursuite du buflomédil, médicament faisant courir un risque injustifié pour une efficacité clinique jamais démontrée (pour la commission de transparence, le Service Médical Rendu est « insuffisant »).

5.14. Retrait du marché des spécialités à visée immunostimulante

A la suite d'une enquête nationale de PharmacoVigilance ayant mis en évidence des effets indésirables "graves" et potentiellement "graves" (essentiellement de type allergique ou cutané), l'AFSSAPS a réévalué le rapport bénéfice-risque des spécialités composées d'antigènes bactériens à visée immunostimulante (BIOSTIM®, IMOCUR®, IMUDON®, IRS® 19, RIBOMUNYL®). Cette réévaluation a montré l'absence de démonstration de l'efficacité (et du mécanisme de l'effet revendiqué) au regard des critères actuels de pharmacologie clinique exigés pour l'évaluation des médicaments. L'AFSSAPS a donc décidé du retrait du marché de ces médicaments à compter du 24/10/2005. L'AFSSAPS rappelle que "chez l'enfant, les infections ORL et respiratoires récidivantes sont pour la plupart d'origine virale, spontanément résolutives et elles contribuent au renforcement de l'apprentissage immunitaire. A ce titre, elles relèvent essentiellement d'une prise en charge symptomatique. Chez l'adulte, la prévention des infections ORL et bronchiques récidivantes doit être centrée sur la prise en charge des facteurs individuels favorisant ces infections (allergies, reflux gastro-oesophagien) et environnementaux (tabagisme passif)".

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5.15. Risques de l'utilisation du citrus aurantium (oranger amer) dans les régimes amaigrissants

Depuis l’interdiction de l’utilisation de l’éphédrine en raison du risque de survenue d’effets indésirables (EI) neurologiques (accident vasculaire cérébral, AVC) ou cardiovasculaires (infarctus du myocarde, IM), des compléments alimentaires et des préparations magistrales à base de Citrus Aurantium remplacent, sans preuve d’efficacité, l’éphédra dans des prescriptions à visée amaigrissante. Le Citrus Aurantium contient de la synéphrine, agoniste alpha-adrénergique apparenté à l’éphédrine. Les risques d’EI liés à la prise de synéphrine sont similaires à ceux de l’éphédrine. Seize cas graves, comprenant tachycardie, collapsus transitoire et fibrillation ventriculaire, ont été signalés en octobre 2004 par les Autorités de Santé canadiennes. Dans la majorité des cas, le Citrus Aurantium était associé à de la caféine et/ou de l’éphédrine. Deux autres observations d’EI graves liés au Citrus Aurantium ont été publiées récemment (Ann Pharmacother. 2004, 38, 812-16 ; Mayo Clin Proc, 2005, 80, 541-5). Il s’agissait d’un IM et d’un AVC ischémique chez deux femmes sans aucun antécédent. Le Citrus Aurantium pourrait aussi favoriser des interactions médicamenteuses par inhibition du cytochrome 3A4 (Jpn J Pharmacol, 2001, 85, 399-408 ; Planta Med, 2000, 66, 653-5).

5.16. Attention à l'orlistat chez les jeunes obèses!

L’orlistat (XENICAL®) est inhibiteur des lipases gastro-intestinales indiqué dans l’obésité (ou le surpoids). En formant une liaison covalente avec les lipases gastriques et pancréatiques, il inactive ces enzymes, empêchant ainsi la l’hydrolyse des triglycérides alimentaires en acides gras et mono glycérides absorbables. Au cours d’un essai clinique comparatif, en double insu, orlistat versus placebo, réalisé au Canada et USA chez 539 adolescents, on a retrouvé une majoration de l’incidence des fractures osseuses : 6% sous orlistat versus 2,8% avec le placebo. Cet effet indésirable peut s’expliquer par la diminution de l’absorption des vitamines liposolubles (dont la vitamine D), déterminée par l’orlistat. A prendre en compte chez le jeune obèse.

5.17. Les effets indésirables (EI) médicamenteux varient selon les groupes ethniques Le risque d’effets indésirables secondaires à la prise de médicaments cardiotropes varie selon l’appartenance ethnique des patients. Une méta analyse réalisée par des pharmacologues anglais a retrouvé notamment un risque 3 fois plus élevé d’angio-oedème à la suite de la prise d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) chez les sujets de race noire. Chez ces mêmes sujets noirs, le risque relatif d’hémorragie intracrânienne après thrombolytique est de 1,5. Les asiatiques ont 2,7 fois plus de risque de présenter une toux sous IEC (BMJ, 2006, 332, 1177). Tenons compte de ces différences lors de nos prescriptions (en attendant que les essais cliniques précisent systématiquement les appartenances ethniques des patients étudiés).

5.18. Quelles informations sur les effets indésirables médicamenteux dans les essais cliniques?

On considère les essais cliniques comme le "gold standard" de l'évaluation des médicaments. Cette notion, trop largement divulguée ou enseignée, doit être, une nouvelle fois, remise en question à la lumière des résultats d'une étude publiée dans le JAMA en 2001 (285, 437-43). Les auteurs, ont analysé les effets indésirables (EI) décrits dans 192 essais cliniques comparatifs avec tirage au sort, la plupart en double insu, concernant au total 130 000 patients et impliquant 7 classes pharmacologiques. Leurs conclusions sont étonnantes. Par exemple, l'espace moyen dédié aux EI dans le texte a été d'1/3 de page, soit autant que l'espace occupé par le nom des auteurs et leurs coordonnées ! Seuls 39% des articles décrivent la sévérité des EI. Le nombre d'arrêts pour EI n'a été précisé que dans 1/4 des essais et la raison précise de ces arrêts donnée dans seulement 1 essai sur 2 (d'après Rev. Prescrire, 2001, 21, 439). Ces informations, déjà connues mais négligées, doivent rendre prudents lors de la présentation d'un "nouveau" médicament juste après l'AMM. Seul un suivi long et complet de phase IV avec une pharmacovigilance

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sérieuse peut permettre de connaître réellement le rapport bénéfice/risque des médicaments. Une raison de plus pour déclarer régulièrement les effets indésirables aux Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPVs)!

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