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SYNTHÈSE / REVIEW ARTICLE DOSSIER La place des proches en onco-hématologie, utopie ou réalité ? Considering the Place for Caregivers in Onco-Hematology, Utopia or Reality? A. Altmeyer · C. Bauchetet · F. Victoire-Feron · C. Guillemet · O. Rigal Reçu le 30 septembre 2013 ; accepté le 17 décembre 2013 © Springer-Verlag France 2014 Résumé L annonce dun cancer saccompagne de boulever- sements majeurs, non seulement pour les patients mais, éga- lement, pour leur entourage proche. Il nexiste pas de défi- nition universelle pour « les proches », il peut sagir aussi bien du conjoint, de partenaires, des enfants, de parents ou damis. Ils sont très fréquemment la première source de sou- tien, et leur rôle évolue tout au long de la maladie en fonction des besoins du patient. Les proches sont amenés à collaborer étroitement avec les équipes soignantes, ils contribuent aux soins et à lamélioration de la qualité de vie des patients. Ils négligent néanmoins fréquemment leur propre bien-être, que ce soit au niveau psychologique, physique, social, financier ou spirituel. Cet article a pour objectif de décrire le rôle des proches, les retentissements possibles sur leur propre qualité de vie, de répertorier et de proposer des soutiens pour leur venir en aide dans laccompagnement auprès des patients. Mots clés Proches · Patients · Cancer · Soignants · Relation Abstract A cancer diagnosis has a significant impact not only on the patients, but also on their caregivers. There is no universal definition for the term caregiversand it may include spouses, partners, children, relatives, or friends. Caregivers are often the primary source of support and their role changes as the patients needs change. Caregivers work with the health care team and have an important role in improving the patients health quality of life. But caregivers often neglect their own well-being, including psychological, physical, social, financial, or spiritual issues. This article will attempt to provide an understanding of the multifaceted role of caregivers in cancer care, describe the impact of this role on the caregivers quality of life, describe interventions, and formulate proposals for providing support to non-medical persons caring for patients with cancer. Keywords Caregivers · Patients · Cancer · Health care workers · Relationship Introduction En raison de la survenue de multiples bouleversements dans leur vie intime, familiale, sociale et professionnelle, le diag- nostic et la prise en charge dun cancer sont le plus souvent vécus par les patients et leur entourage comme un événement de vie traumatisant. Ces proches, par la richesse et la diver- sité des soutiens quils pourront apporter aux patients, seront très fréquemment une aide constante et infiniment précieuse. Malheureusement, parfois lentourage proche ne pourra rem- plir ce rôle daidant, risquant même dêtre la source de diffi- cultés supplémentaires pour les patients. Les équipes soignantes en cancérologie sont fréquem- ment amenées à sinterroger sur le terme de « proche ». Qui est ce proche ? Proche de qui ? Quelle est la nature des liens qui lunissent au malade ? Le patient est entouré de « proches » mais, parallèlement, pour chacun dentre eux, le patient est lui-même un procheLes interactions entre ces personnes apparaissent souvent complexes, voire parfois indéchiffrables pour les soignants, alors que leur connais- sance se révélera essentielle dans la prise en charge optimale des patients tout au long de leur maladie [19]. Définition dun proche La notion de proche ne peut mener à une définition unique mais plutôt à une tentative de définition en labsence de A. Altmeyer Service doncologie médicale et de radiothérapie, site du Mittan, CHBM, F-25200 Montbéliard, France C. Bauchetet 50, boulevard Saint-Jacques, F-75014 Paris, France F. Victoire-Feron Comité départemental Seine-Maritime, Ligue contre le cancer, rue de lHôpital, F-76000 Rouen, France C. Guillemet · O. Rigal (*) Département doncologie médicale, Centre de lutte contre le cancer Henri-Becquerel, rue dAmiens, F-76000 Rouen, France e-mail : [email protected] Oncologie (2014) 16:42-54 DOI 10.1007/s10269-014-2364-9

La place des proches en onco-hématologie, utopie ou réalité ?; Considering the place for caregivers in onco-hematology, Utopia or reality?;

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SYNTHÈSE / REVIEW ARTICLE DOSSIER

La place des proches en onco-hématologie, utopie ou réalité ?

Considering the Place for Caregivers in Onco-Hematology, Utopia or Reality?

A. Altmeyer · C. Bauchetet · F. Victoire-Feron · C. Guillemet · O. Rigal

Reçu le 30 septembre 2013 ; accepté le 17 décembre 2013© Springer-Verlag France 2014

Résumé L’annonce d’un cancer s’accompagne de boulever-sements majeurs, non seulement pour les patients mais, éga-lement, pour leur entourage proche. Il n’existe pas de défi-nition universelle pour « les proches », il peut s’agir aussibien du conjoint, de partenaires, des enfants, de parents oud’amis. Ils sont très fréquemment la première source de sou-tien, et leur rôle évolue tout au long de la maladie en fonctiondes besoins du patient. Les proches sont amenés à collaborerétroitement avec les équipes soignantes, ils contribuent auxsoins et à l’amélioration de la qualité de vie des patients. Ilsnégligent néanmoins fréquemment leur propre bien-être, quece soit au niveau psychologique, physique, social, financierou spirituel. Cet article a pour objectif de décrire le rôle desproches, les retentissements possibles sur leur propre qualitéde vie, de répertorier et de proposer des soutiens pour leurvenir en aide dans l’accompagnement auprès des patients.

Mots clés Proches · Patients · Cancer · Soignants · Relation

Abstract A cancer diagnosis has a significant impact notonly on the patients, but also on their caregivers. There isno universal definition for the term “caregivers” and it mayinclude spouses, partners, children, relatives, or friends.Caregivers are often the primary source of support and theirrole changes as the patient’s needs change. Caregivers workwith the health care team and have an important role in

improving the patient’s health quality of life. But caregiversoften neglect their own well-being, including psychological,physical, social, financial, or spiritual issues. This article willattempt to provide an understanding of the multifaceted roleof caregivers in cancer care, describe the impact of this roleon the caregiver’s quality of life, describe interventions, andformulate proposals for providing support to non-medicalpersons caring for patients with cancer.

Keywords Caregivers · Patients · Cancer · Health careworkers · Relationship

Introduction

En raison de la survenue de multiples bouleversements dansleur vie intime, familiale, sociale et professionnelle, le diag-nostic et la prise en charge d’un cancer sont le plus souventvécus par les patients et leur entourage comme un événementde vie traumatisant. Ces proches, par la richesse et la diver-sité des soutiens qu’ils pourront apporter aux patients, seronttrès fréquemment une aide constante et infiniment précieuse.Malheureusement, parfois l’entourage proche ne pourra rem-plir ce rôle d’aidant, risquant même d’être la source de diffi-cultés supplémentaires pour les patients.

Les équipes soignantes en cancérologie sont fréquem-ment amenées à s’interroger sur le terme de « proche ».Qui est ce proche ? Proche de qui ? Quelle est la naturedes liens qui l’unissent au malade ? Le patient est entouréde « proches » mais, parallèlement, pour chacun d’entre eux,le patient est lui-même un proche… Les interactions entreces personnes apparaissent souvent complexes, voire parfoisindéchiffrables pour les soignants, alors que leur connais-sance se révélera essentielle dans la prise en charge optimaledes patients tout au long de leur maladie [19].

Définition d’un proche

La notion de proche ne peut mener à une définition uniquemais plutôt à une tentative de définition en l’absence de

A. AltmeyerService d’oncologie médicale et de radiothérapie,site du Mittan, CHBM, F-25200 Montbéliard, France

C. Bauchetet50, boulevard Saint-Jacques, F-75014 Paris, France

F. Victoire-FeronComité départemental Seine-Maritime, Ligue contre le cancer,rue de l’Hôpital, F-76000 Rouen, France

C. Guillemet · O. Rigal (*)Département d’oncologie médicale,Centre de lutte contre le cancer Henri-Becquerel,rue d’Amiens, F-76000 Rouen, Francee-mail : [email protected]

Oncologie (2014) 16:42-54DOI 10.1007/s10269-014-2364-9

consensus clair [32]. Être proche d’un patient implique uneproximité (physique, affective, philosophique, reli-gieuse…) par rapport à celui-ci, mais également une notionde partage et de communion [16]. Seul le patient est àmême de définir qui est (sont) son (ses) proche(s) [37].Pour cela, il doit se sentir libre de son choix, qui devra sefaire en dehors de toutes contraintes et pressions, notam-ment d’ordre familial. Le proche est le plus souvent unmembre de la famille, et il diffère fréquemment en fonctionde l’âge du patient :– les proches parents (de jeunes enfants ou d’adolescentsmalades) ;

– les proches enfants (de patients jeunes ou âgés) ;– les proches conjoints (avec des fonctionnements de cou-ples singuliers) ;

– les proches amis (reconnus ou non par la famille) ;– le proche « illégitime » ou « intime », reconnu ou non parla famille.

Bien sûr, le proche peut être en dehors de la famille : ami,soignant, bénévole…

Il existe des cercles de proches autour du patient qui peu-vent être distincts ou interagir positivement ou négativemententre eux :– cercle de relations familiales ;– cercle d’amis ;– cercle de relations professionnelles ou associatives.

Il se construira une sorte « d’alchimie » autour du patient,portée par une dynamique qui évoluera tout au long de lamaladie [6]. La complémentarité et l’hétérogénéité de l’en-tourage permettent ainsi de répondre aux différents besoinset attentes du patient. Néanmoins, ces relations peuventêtre parfois compliquées par la concurrence ou les conflitspréexistants à la maladie (femme/maîtresse, mère/sœur,famille/amis…).

Le proche est le plus souvent un accompagnant moralet/ou physique.

Son rôle n’est pas limité à celui d’aidant ; l’aidant sup-plée en effet à une incapacité en étant spécifié plus par sonrôle concret auprès du patient que par la nature des liens quil’unissent à lui. Le proche n’a pas la même fonction que lapersonne de confiance, celle-ci ayant un statut officiel (cf.loi du 4.04.2002 relative aux droits du malade article L.1111-6 du code de la santé publique). « En effet toute per-sonne majeure peut désigner une personne de confiancequi peut être un parent, un proche ou le médecin traitant,et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’étatd’exprimer sa volonté et de recevoir l’information néces-saire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elleest révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, lapersonne de confiance l’accompagne dans ses démarcheset assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans sesdécisions ».

En fonction du temps passé auprès du patient, de saproximité géographique, les aides apportées peuvent êtrediverses [37] :– soutien moral ;– communication et écoute privilégiées ;– accompagnement dans les démarches du patient pouraméliorer sa qualité de vie ;

– mise en place des soins oncologiques de support (SOS) ;– aide économique, juridique.

La définition du proche varie également en fonction de laculture des patients et de leur entourage ; l’apport de l’an-thropologie est une aide pour les soignants afin d’aborder etde comprendre certaines spécificités culturelles [16].

Les conséquences pour les proches sur leur propre vieseront extrêmement variables et dépendront de leur implica-tion auprès du patient, de leur personnalité et de leurs possi-bilités de ressources, mais également du stade de la maladieet de l’importance des besoins du patient [11].

Ainsi, plusieurs études montrent que la santé des proches,voire même leur espérance de vie peuvent être impactéeslors de la prise en charge d’un malade atteint de cancer[35]. Le plus souvent il est rapporté des troubles du sommeil,une asthénie accrue, la survenue de douleurs, une perte d’ap-pétit et de poids [11]. La fatigue ressentie par les proches estainsi fréquemment associée à une diminution de leurs capa-cités de concentration, de leur degré de motivation et de leursactivités de la vie quotidienne. Elle retentit également defaçon négative sur leur humeur et sur l’ensemble de leursrelations [37]. Lorsque la maladie est au stade des soins pal-liatifs, ces retentissements apparaissent alors plus importants[39]. La prévalence des syndromes anxieux et dépressifs estégalement accrue, et peut même être plus marquée que pourles patients eux-mêmes [4–20]. L’impact psychologique seraplus fréquent pour les proches les plus jeunes, de sexe fémi-nin, disposant de moins de ressources socio-économiques etde niveau éducatif plus faible [11–18]. La qualité relation-nelle entre proche et patient sera également prépondérante.L’importance des comorbidités, des besoins en soins et ensoutiens du patient, ainsi que le stade terminal de la maladiefavoriseront la survenue d’un retentissement psychologique.L’impact sur la vie sociale et relationnelle sera variable avecle risque que cet accompagnement ne conduise le proche àun isolement, voire à une solitude extrême aux effets délétè-res sur sa qualité de vie et sur ses capacités pour apporter uneaide dans la durée [11].

Il apparaît essentiel que l’intérêt pour l’intégration desproches dans l’accompagnement des patients soit investi àla fois par les soignants mais aussi dans une dimension pluslarge au niveau sociétal (mesures pour favoriser la solidarité,aides à la garde des enfants, aides au domicile…). La mise àdisposition pour les proches d’interventions de soutien d’or-dre psychosocial pourra également leur apporter une aidesignificative [22].

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Le proche et les phases de la maladie

Le proche au temps de l’annonce du diagnostic

Les professionnels de santé sont fréquemment désireux d’in-former rapidement les malades afin de commencer les trai-tements sans délai. Cependant, en dehors de certaines situa-tions d’urgence, il est souvent préférable de leur laisser dutemps pour intégrer les bouleversements liés à l’annonce dela maladie et des traitements envisagés [14].

Il est indispensable de favoriser et d’instaurer dès cetteétape un temps de dialogue, d’écoute et de prise de repères :qui est ce patient ? Que dit-il de lui-même ? De sa vie ? Deson entourage ? Quels sont ses besoins ? Quelles sont sespeurs ?

Ce temps d’évaluation des besoins du patient, mais éga-lement de ses proches, doit conduire si nécessaire à mettre enplace précocement des aides en termes de SOS, notammentun soutien psychologique [23]. L’information dont pourrabénéficier le proche ne pourra se faire qu’avec l’accord dupatient dans le cadre légal du respect du secret médical.

Cette démarche est rendue possible grâce à la généralisa-tion du dispositif d’annonce. Encore faut-il que cet entretienne soit pas uniquement un temps d’information, mais qu’illaisse une large place à l’expression du patient et du procheaccompagnant [28,30].

Les soignants devront évaluer la compréhension dupatient et de son entourage, mais aussi prendre en compteleurs difficultés et besoins :– comment repérer quel « proche » sera le plus aidant au-delà de sa « désignation » qui privilégie le plus souvent leconjoint ?

– dans certaines situations, faire la distinction entre « aidant »et « proche » ;

– quelles sont les ressources du proche (disponibilité, finan-cières, psychologiques) ?

– y a-t-il également un entourage pour soutenir le« soutenant » ?

– ce proche est-il reconnu comme légitime par l’entouragefamilial, les amis et les soignants ? Le patient désigne sonproche « privilégié », mais le peut-il vraiment (situationsde rivalités ou de conflits entre conjoints ou parents etenfants) ?

Cela peut être encore plus compliqué dans les famillesdont les relations sont déjà conflictuelles avant la maladie,la notion de proche risquant alors de devenir « forcée ».

Ce temps essentiel accordé dès le début de la prise ensoins devra être renouvelé pour chaque élément mal com-pris, chaque question posée. Le proche aidant doit se sentirlibre avec l’accord du patient de susciter des rencontres avecles soignants chaque fois que cela sera nécessaire. Or, leniveau de relation entre proches et soignants n’est pas tou-

jours celui qui est attendu : d’un côté des soignants surme-nés, parfois eux-mêmes en difficulté, de l’autre des prochesrévoltés par la maladie d’un des leurs, exprimant colère etressentiment. La ligne de confiance est délicate à établird’autant qu’il est parfois difficile pour l’entourage de savoirquelle est l’attitude à adopter face au malade. Certains ontpeur, fuient, voire le rejettent, d’autres vont surinvestir cetterelation jusqu’à cesser de mener leur vie personnelle.

Le niveau de compréhension des informations transmisesn’est pas toujours égal pour les patients et leurs proches avecle risque de voir apparaître des dissymétries. Aussi la com-munication conjointe est-elle parfois plus simple, si tant estque le patient accepte la présence du proche [7–34].

Par ailleurs, il faut noter que l’attention envers les prochesn’est pas ancrée suffisamment dans la culture soignante, bienqu’elle soit indissociable de la prise en charge des patients [2].

Le proche au temps des traitements

Le plus souvent, les soignants en hospitalisation ne serontpas les mêmes que ceux qui participent au dispositif d’an-nonce. Les relations tissées initialement vont être à recréerlors de la prise en soins. L’infirmière coordinatrice ou d’an-nonce occupe une place essentielle mais ne peut assumerseule cet accompagnement tout au long de la maladie : ilest donc indispensable que le lien se fasse entre les différen-tes équipes soignantes afin que patients et proches bénéfi-cient d’une information adaptée, cohérente et continue.

Selon les services, la présence des proches sera plus oumoins facilitée. Le plus souvent ils pourront accompagner lepatient sans restriction, mais certaines situations seront plusdifficiles (chambres à plusieurs lits, chambre stérile, hospi-talisation en unité de soins intensifs).

Une logistique réfléchie en équipe et en partenariat avecles associations de patients devrait permettre aux prochesd’avoir facilement accès au malade hospitalisé, de prévoirl’aménagement de locaux adaptés pour accueillir l’entourageou encore d’avoir la possibilité d’utiliser les technologiesactuelles de communication.

Une autre question essentielle est celle de l’intimité : quelaissent les établissements et les soignants comme place auxmanifestations affectives, voire sexuelles pour les couples ?La sphère privée que devient la chambre est rarement adap-tée pour permettre l’expression de cette dimension humaine.La santé sexuelle est difficile à aborder spontanément pourles patients et encore plus pour les conjoints, cependant tou-tes les études montrent qu’ils souhaitent pouvoir en parleravec les soignants [3]. La maladie et les traitements ayanttrès souvent des répercussions sur la sexualité des patients,il est essentiel de tenter de les prévenir et de leur permettre deverbaliser ces difficultés afin d’apporter l’aide la plusadaptée.

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Les personnes atteintes d’un cancer voient parfois leurapparence physique et/ou leur comportement dégradés parla maladie et ses traitements. Les proches peuvent en êtreprofondément affectés. Le rôle des soignants sera d’expli-quer les causes, la durée probable des symptômes et de lesaider à surmonter d’éventuels sentiments culpabilisants(rejet, dégoût…) [12].

Les équipes soignantes devraient :– se rendre disponibles pour délivrer une information cohé-rente et adaptée ;

– tenter de comprendre les mécanismes de communicationau sein de l’entourage ;

– explorer si possible les difficultés qui peuvent interféreravec la continuité des soins (couples en cours de sépara-tion, absence ou rupture de contact avec les proches,patient souffrant de modifications comportementales et/ou physiques, particularismes culturels, patients isolésou appartenant à un groupe discriminé) ;

– intégrer la vulnérabilité des proches : conjoint âgé et/oumalade lui-même, difficultés d’ordre professionnel, épui-sement physique et psychique des aidants, notammentpour les patients en fin de vie ;

– aborder la thématique de la santé sexuelle avec le patientmais également avec son partenaire et cela le plus tôt pos-sible dans la maladie ;

– prendre en compte les particularités (exemple : patientsvivant en foyer communautaire sans proche familial,transgressions des jeunes malades en rébellion…) ;

– être en mesure de proposer à l’entourage de l’associer auxsoins, tout en étant attentif à ne pas imposer une chargedont il ne se sentirait pas capable ;

– évaluer et anticiper au cours de réunions cliniques pluri-professionnelles les éléments de retour au domicile pou-vant être problématiques : prise en compte des contraintesde l’habitat, précarités financières et socioculturelles,capacités de maintenir un niveau d’hygiène correct, com-préhension des préconisations alimentaires, permanenced’une présence au domicile, conditions nécessaires aurepos. Les besoins régulièrement évalués seront synthéti-sés lors de ces réunions pluriprofessionnelles ;

– veiller à ce que le proche ait reçu et intégré l’ensemble desinformations nécessaires à la prise en charge du malade à

Au diagnostic : synthèse des difficultéset préconisations pour les proches

Difficultés :

– bouleversements d’ordre psychologique, social et familial ;

– culpabilité du patient sur le schéma familial et les projets ;

– différences de niveaux d’intégration des informations entre le

patient et l’entourage ;

– relations conflictuelles préexistantes ;

– craintes pour le proche de ne pouvoir assumer l’accompagne-

ment ;

– incapacité à se projeter dans l’avenir face aux incertitudes ;

– légitimité d’être reconnu comme proche ;

– pour le proche âgé, état de santé parfois précaire, disponibilité,

capacité à aider, isolement ;

– ressources matérielles insuffisantes ;

– risque d’instauration d’une collusion où le proche fait obstacle

auprès des médecins à la divulgation des informations médica-

les destinées au patient.

Préconisations pour les proches :

– faciliter l’identification du proche aidant en accord avec le

patient ;

– désigner la personne de confiance et clarifier le rôle de chacun ;

– situer la place de la personne de confiance et celle du proche

aidant ;

– intégrer la place des proches dans un projet de soins et sociétal ;

– créer un espace temps–lieu pour que le proche puisse s’expri-

mer et parler en son nom propre ;

– développer un temps systématisé d’évaluation des ressources

du proche (écoute, repères psychosociaux, ce que le proche

dit de lui-même et de sa vie…) ;

– généraliser le dispositif d’annonce en étant attentif à y associer

les proches ;

– intégrer des notions qualitatives dans l’entretien soignant

(niveaux de compréhension, croyances, valeurs et représenta-

tions, projets de vie) ;

– proposer d’emblée aux proches un accès aux soins oncologi-

ques de support ;

– analyser les interactions familiales et amicales (par exemple

utiliser le génosociogramme) 1 ;

– définir un soignant de référence (infirmière coordinatrice, infir-

mière d’annonce…) qui reste en lien permanent avec les soi-

gnants, le patient et les proches ;

– intégrer la notion de proche comme partenaire dans le pro-

gramme personnalisé de soins (PPS) ;

– proposer au proche des informations sur la maladie cancéreuse,

les traitements, les aides et les soutiens disponibles (rôle des

Espaces de rencontre et d’information [ERI®], documenta-

tions, sites Internet) ;

– proposer des manifestations grand public (conférences, tables

rondes…).

1 Le génogramme est un outil graphique qui permet de représenter unarbre généalogique familial contenant les principales informations etles interactions dynamiques des membres d’une famille. Il est appelégénosociogramme quand il est étendu au réseau amical ou social,notamment pour évaluer l’entourage du patient.

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domicile, qu’il sache repérer notamment les symptômesnécessitant un avis médical et qu’il dispose des coordon-nées utiles pour obtenir de l’aide ;

– développer des programmes d’éducation thérapeutique(ETP) en y associant les proches, et qui porteront notam-ment sur la gestion de la prise des médicaments (antalgi-ques et autres traitements de support, chimiothérapies ora-les, thérapies ciblées…) et de leurs effets indésirables.

Intégrer le proche dans les programmes d’ETP

Les traitements contre le cancer sont de plus en plus perfor-mants, permettant un allongement considérable de l’espé-rance de vie et conduisant à une chronicisation de la maladie,ce qui n’est pas sans effet sur les modalités d’organisationdes soins.

Les temps d’hospitalisation se sont considérablementréduits, avec comme conséquence pour le patient d’êtredavantage suivi en ambulatoire.

Les aidants les plus proches (conjoint ou enfant) vont seretrouver acteurs du système de santé. Il va rapidement leurêtre demandé d’être performant dans la relation avec lepatient et pour les soins à lui apporter.

Les professionnels hospitaliers sont encore peu sensibili-sés à cette approche partenariale, et les retours à domicile sefont fréquemment sans que cette dimension ne soit intégrée.

La mise en œuvre de programmes d’ETP et leur accessi-bilité aux proches peuvent constituer une aide en soi. Il nes’agit en aucun cas de diminuer l’autonomie du malade maisde faire de son proche un véritable partenaire et acteur sur ladurée.

La plupart des programmes d’ETP visent à améliorerl’observance des traitements oraux, et à apprendre à mieuxgérer leurs effets secondaires. Il doit être envisagé d’y faireparticiper les proches (séances individuelles ou de groupe),dans le but de partager les connaissances sur le traitement etde préparer le retour à domicile [36].

Former un proche à la continuité des soins au domicileimplique qu’il soit identifié comme étant le partenaire fami-lial adéquat. Plusieurs éléments sont à évaluer :– les interactions familiales et le soutien que le prochepourra solliciter pour lui-même dans son entourage (ungénosociogramme peut être utile) ;

– la motivation du proche choisi par le patient : est-ce parcequ’il se sent le plus légitime ? Se sent-il le plus compé-tent ? A-t-il bien évalué les contraintes de son engage-ment ? Est-il celui qui a suivi le patient depuis le débutde la maladie ? Se sent-il reconnu par l’équipe soignante ?Consent-il à participer aux soins (relationnels, nursing,techniques) ? Attend-il une reconnaissance de la part desprofessionnels, du patient, du reste de la famille ? Quelleest sa disponibilité réelle ? Est-il lui-même en bonnesanté ? Est-il dans l’obligation de quitter ou restreindre

son activité professionnelle ? Quelles seront les consé-quences sur sa propre qualité de vie ? Ne risque-t-il pasde se désocialiser et de s’isoler ?

– Les compétences du proche aidant : comment comprend-illa maladie ? Quel est son degré d’information ? Quels sontles mécanismes de défense qui pourraient être un frein àson engagement ? Quelles sont ses capacités d’apprentis-sage des gestes techniques ou de nursing ? Dispose-t-ild’un recours (associations, soins à domicile, disponibilitédu médecin traitant) ?Les programmes existant en gériatrie, notamment dans le

cadre de la maladie d’Alzheimer, montrent que l’ETP peutfaciliter l’entente et les relations entre aidants et intervenantsmédicaux et sociaux, et ainsi permettre de construire unevéritable alliance thérapeutique [17].

Les études retrouvent à la fois des bénéfices sur la santédu malade, mais aussi sur celle de son proche aidant [21].

L’expérience faite à l’hôpital Charles-Foix à Ivry-sur-Seine, où il existe une structure dédiée à l’ETP et à l’ac-compagnement des aidants familiaux de patients gériatriques(espace CAAPA), pourrait servir de modèle à l’élaborationd’un programme pour les aidants de patients atteints decancer.

Dans le domaine de la cancérologie, cela incite les soi-gnants à être attentifs à la santé du proche qui peut être miseà mal, principalement parce qu’il néglige sa propre santé. Ilest indispensable de prévenir le risque accru de maladie enfaisant prendre conscience aux proches de leurs limites et deleurs propres besoins.

En effet, de nombreux objectifs apparaissent transposa-bles à la cancérologie, principalement ceux concernant le «savoir-faire » et le « savoir-être » :– objectifs de savoir sur la maladie et les traitements :

• acquérir des connaissances sur la maladie ;

• savoir repérer les effets secondaires des traitements ;

• savoir comment administrer le traitement ;

• comprendre le comportement du patient ;– objectifs de savoir-faire :

• trouver une aide professionnelle adéquate et des aidesde répit ;

• partager avec son entourage la responsabilité et l’aide àdonner au patient ;

• renforcer ou rétablir les liens amicaux ou familiaux,parler librement de la maladie de son proche ;

– objectifs de savoir-être :

• valoriser son engagement et l’aide apportée au patient ;

• accepter ses propres limites ;

• s’occuper de sa santé « personnelle » et de son équilibrepsychique ;

• prendre suffisamment de repos, faire des activités etconsacrer du temps pour soi-même.

Donner une place aux aidants dans les programmesd’ETP semble essentiel, en permettant de leur apporter des

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compétences et des connaissances sur la maladie, mais éga-lement de prévenir leur épuisement physique et psycholo-gique et d’améliorer les relations avec le patient.

Le proche au temps de la phase palliative

L’acceptation de l’évolution de la maladie et de l’absence deguérison nécessite de laisser du temps au patient comme àson entourage. La finitude du proche n’est pas concernéedirectement, mais sa vie en sera totalement bouleversée dansses dimensions affective, psychologique, sociale et familiale.Les proches risquent d’être dans la projection de « l’après »,voire déjà confrontés à un deuil anticipé avec des difficultéspour vivre et investir le moment présent.

De nouveaux modes de communication vont s’instaureravec la personne malade. C’est un temps où se déroulent desévénements essentiels que les soignants devront accompa-gner et aider à mettre en œuvre. Plus que jamais, un « juste

espace » (ou une « juste proximité ») va s’instaurer entretoutes ces personnes qui n’étaient pas destinées à les vivreensemble, mais qui vont y être confrontées et devront tenterd’élaborer un projet commun.

Avec l’évolution de la maladie, le patient peut être transférédans une autre unité de soins, notamment de soins palliatifs,ou bien il pourra être envisagé un retour à domicile. La contri-bution du proche sera différente s’il doit assumer une fin devie au domicile. Cette épreuve sera extrêmement éprouvantepour l’entourage qui aura besoin d’être accompagné et sou-tenu. L’accompagnement d’un patient en fin de vie peutconfronter les proches à une souffrance physique et/ou psy-chologique parfois insoutenable. Le souhait de certainspatients de voir leur existence abrégée, qui impliquent parfoisdirectement l’entourage dans leur demande, peut conduire àdes situations d’une extrême complexité. Ces proches néces-siteront toute l’attention, le soutien et l’accompagnement dessoignants avec l’aide des équipes de soins palliatifs.

Le temps des traitements : synthèsedes difficultés et préconisationspour les proches

Difficultés :

– retentissements physiques et psychologiques liés à la maladie ;

– difficultés de communication au sein de la cellule familiale et

de l’entourage ;

– trouver sa place de proche parmi « le monde des soignants » ;

– conditions d’accès à l’établissement hospitalier (distance à par-

courir, moyens de transport, possibilités de stationnement…) ;

– accompagner le patient hospitalisé (accueil au sein du service,

intimité, disponibilité…) ;

– problématiques liées au retour à domicile ;

– maintien de la permanence des soins ;

– cohérence des transmissions.

Préconisations :

– humaniser les temps d’hospitalisation ;

– créer une commission de réflexion au sein des établissements

sur les conditions d’accueil des proches ;

– créer et diffuser une charte pour les proches aidants ;

– avoir une démarche d’équipe orientée sur la place des

proches ;

– élaborer des questionnaires de satisfaction et de suggestions ;

– faciliter l’accès aux patients hospitalisés (stationnement, cham-

bres accompagnants, horaires libres de visite) ;

– veiller à respecter l’intimité patient/proche (la chambre comme

« un chez-soi ») ;

– créer les conditions d’un espace temps–lieu pour que le proche

puisse exprimer ses craintes et ressentis et en parler en son nom

propre ;

– fournir les numéros d’appel utiles pour donner des nouvelles si

le patient est hors d’état de le faire et inciter les proches à les

utiliser ;

– informer au « fil de l’eau » dans un langage clair et accessible ;

– faciliter les moyens de communication entre le patient hospita-

lisé et son entourage (webcam, Internet…) ;

– évaluer le désir et les possibilités pour le proche de participer

ou d’assister aux soins ;

– anticiper et organiser le retour à domicile en évaluant la charge

du proche ;

– proposer une évaluation et une prise en charge sociale dès le

début de l’hospitalisation (conditions de retour au domicile,

dans un service de soins de suite et de réadaptation ou une

unité de soins palliatifs) ;

– établir des contacts avec les réseaux de soins (cancérologie ou

soins palliatifs) ;

– inciter le proche à prendre soin de lui, ne pas négliger sa propre

santé, l’aider à reconnaître les signes d’épuisement et à s’auto-

riser des temps de ressourcement ;

– intégrer les proches dans les programmes d’ETP ;

– aider les proches à réinvestir ou à maintenir le lien étroit avec

leur médecin traitant ;

– inciter les associations à développer une démarche proactive

envers les proches ;

– favoriser la participation des proches aux associations de

patients ;

– place des usagers : accessibilité et recours aux commissions

des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en

charge (CRUQPEC), ainsi qu’aux commissions d’éthique [8].

Oncologie (2014) 16:42-54 47

Le proche au temps de l’après-cancer

Il est difficile « d’entrer en maladie », mais il est égalementdifficile d’en sortir. Les patients craignant d’être abandonnésont du mal à rompre le contact établi pendant de longs moisavec l’institution et les soignants. L’annonce de la fin destraitements, liée à la rémission, est un moment qui soulève

de nombreuses interrogations et qui nécessite pour le patientd’être accompagné et informé afin qu’il puisse retrouverconfiance et autonomie.

De plus en plus de malades vont guérir de leur cancer touten devant vivre avec d’éventuelles répercussions physiqueset/ou psychiques mais également socio-économiques de lamaladie et des traitements. Une nouvelle épreuve attend les

Le temps de l’après-cancer : synthèsedes difficultés et préconisationspour les proches

Difficultés :

– réinvestissement dans une vie nouvelle avec la crainte d’une

rechute (syndrome de l’épée de Damoclès) ;

– répercussion des modifications du schéma familial et des rela-

tions sociales ;

– crainte de l’abandon des soignants de référence ;

– sentiment d’inutilité et d’isolement ;

– difficultés financières (liées au coût de la maladie, notamment

si le patient ne peut reprendre son activité professionnelle) ;

– perte des aides à domicile.

Préconisations :

– généraliser la mise en œuvre d’un staff pluriprofessionnel de

suivi de l’après-cancer ;

– anticiper et informer le proche sur les difficultés de l’après-

cancer ;

– aider le proche à investir des temps spécifiques pour lui-m

ême ;

– anticiper les risques sociaux (place de l’assistante sociale, cré-

dits et prêts bancaires, réinsertion et réorientation

professionnelle) ;

– accompagner la réorganisation du schéma familial en fonction

des difficultés (travail du conjoint, aide aux enfants) ;

– maintenir le lien avec les soignants (consultations de fin de

traitement, groupes de soutien des proches, lien téléphonique

systématisé…) ;

– informer sur les associations de patients et de proches ;

– aider les proches à réinvestir ou maintenir le lien étroit avec

leur médecin traitant.

Le temps du palliatif : synthèse des difficultéset préconisations pour les proches

Difficultés :

– temporalités perçues différemment entre patient–proches–

soignants ;

– le risque de deuil anticipé ;

– le déni éventuel du proche ;

– le manque d’anticipation ;

– l’absence d’information claire et adaptée ;

– l’agressivité envers les soignants ;

– le risque de mauvaise interprétation des informations et des

demandes ;

– les « non-dits » avec l’entourage ;

– les situations de collusion dans la famille (dissimulations

mutuelles) ;

– le maintien de la permanence médicale auprès du patient.

Préconisations :

– anticiper et préparer un éventuel retour à domicile :

• évaluer le désir et les capacités du proche à assumer la fin de

vie au domicile ;

• travailler interprofessionnellement (désirs du patient, éva-

luer les disponibilités du médecin traitant, poser les indica-

tions ou non d’appel Samu, maintenir les liens avec le ser-

vice d’origine) ;

• établir un contrat de sortie précisant les conditions de réhos-

pitalisation en cas de difficultés à domicile ;

• préparer la sortie d’hospitalisation en prenant en compte les

conditions matérielles du domicile (aides, aménagements,

soutiens) ;

• veiller à la continuité des soins (relais médicaux et

soignants) ;

• expliquer au proche les symptômes prévisibles de la fin de

vie, si possible ;

– aider le proche à essayer de vivre et de partager l’instant pré-

sent avec le patient ;

– accompagner le cheminement du proche par une information et

une écoute adaptées ;

– favoriser les échanges avec les proches par rapport aux directi-

ves anticipées ;

– proposer des groupes de soutien ou de parole ;

– proposer l’aide d’un réseau de soins palliatifs ;

– proposer et aménager des temps de répit ;

– inciter le proche à s’occuper de soi, à ne pas négliger sa propre

santé et à se ressourcer.

48 Oncologie (2014) 16:42-54

proches, celle d’apprendre à vivre avec une personne maladeen rémission avec laquelle il faudra réinvestir de nouvellesrelations empreintes d’inquiétudes pour l’avenir. L’aidantpeut être en état de fragilité, épuisé physiquement et mora-lement, avoir repoussé d’éventuels examens de santé ou trai-tements pour lui-même. Ce temps de la rémission ou de laguérison peut lui faire décompenser toute la fatigue accumu-lée. Avec la fin des traitements, le soutien apporté tout aulong de la maladie risque de s’effriter et un éventuel ressen-timent apparaître. Tous les temps consacrés au patient vontalors disparaître laissant une impression de vacuité. Un nou-vel équilibre temporel doit se créer et souvent les patients,comme les proches, sont démunis pour l’appréhender.

Un accompagnement par une consultation ou un suivitéléphonique a toute sa place dans les premiers mois pourrassurer patient et proches. Le temps passant, ils reprendrontconfiance en eux, recréeront une cellule familiale adaptée etpourront « réapprivoiser » leur vie.

Les besoins psychosociaux doivent être réinterrogésdurant cette période, les aides au domicile, l’aide à la réin-sertion sociale, les reconversions professionnelles, les prêtsbancaires seront adaptés à chaque situation. La place du pro-che sera encore prédominante pour soutenir le patient dansses démarches et ses questionnements.

Les proches « particuliers »

Le proche du patient âgé

La prise en compte de cette question répond à une évidenceépidémiologique. En effet, le vieillissement de la populationlié à l’augmentation de l’espérance de vie s’accompagned’une augmentation du nombre de personnes âgées atteintesde cancer [10]. Ce qui a conduit au développement de l’on-cogériatrie qui permet de prendre en compte de façon glo-

bale les spécificités de la personne âgée malade risquantd’interférer avec la maladie comme avec ses traitements(polypathologie, polymédication, troubles cognitifs et thy-miques, dépendance et perte d’autonomie, isolementsocial…).

Le proche de la personne âgée atteinte d’un cancer est leplus souvent un membre de la famille, soit le conjoint, lui-même âgé et qui risque également d’être fragile, soit lesenfants résidant parfois à distance ou, plus rarement, unami. Il a alors très fréquemment le rôle d’aidant naturel prin-cipal. Cette population âgée, vulnérable, est également plusfréquemment isolée socialement, parfois même en situationde précarité. Une éventuelle institutionnalisation peut égale-ment modifier les rapports entre le patient et son entourage.Le proche de la personne âgée malade paraît plus exposé aurisque d’épuisement en cas de troubles cognitifs ou dedépendance associés au cancer. Ce risque est égalementmajoré pour les proches âgés [13]. Il faudra être vigilant faceà une surprotection de ces patients, notamment au momentde l’annonce et par rapport aux décisions en lien avec laréalisation des traitements spécifiques contre le cancer. Il ya en effet un risque pour le malade âgé de se voir exclu à lafois de l’information et des prises de décisions. Cette impli-cation renforcée des proches peut néanmoins être nécessaireen cas de troubles cognitifs majeurs [31]. Cette approche desspécificités gériatriques et de la prise en compte des prochestout au long du parcours de soins des patients âgés fait partiede l’évaluation gériatrique standardisée telle qu’elle est pro-posée par les soignants en gériatrie [29].

Le proche d’un enfant mineur

Voir son enfant touché par un cancer est sans doute l’une dessituations les plus dramatiques et les plus injustes que desparents puissent avoir à affronter [9,15].

Le proche en oncogériatrie : synthèsedes difficultés et préconisationspour le proche

Difficultés :

– proche âgé ou malade lui-même, ou encore éloigné

géographiquement ;

– difficultés pour certains proches âgés, eux-mêmes vulnérables,

de partager, de comprendre l’information et d’adhérer aux

traitements ;

– surprotection et infantilisation du patient, au risque de ne pas

respecter son autonomie ;

– surinvestissement par le proche, au détriment de sa propre

santé (épuisement physique et/ou psychologique).

Préconisations :

– favoriser l’évaluation et l’approche oncogériatrique dès le

début de la maladie, en lien avec le médecin traitant ;

– évaluer les possibilités physiques, psychologiques et matériel-

les du proche ;

– mettre en place de façon anticipée des aides matérielles et de

soutien (SOS) ;

– réévaluer les besoins du patient et de son entourage à chaque

événement de santé ;

– aménager des temps de répit (hospitalisation du patient) ;

– expliquer et détailler les événements prévisibles ;

– favoriser la communication entre patient et proches (dernières

volontés, réconciliation, respect des directives anticipées…) ;

– tenir compte des fragilités exprimées ou observées.

Oncologie (2014) 16:42-54 49

L’intensité des émotions et le désarroi ressenti risquent desubmerger ces familles face à une telle catastrophe. Pour lesparents, il s’agit de faire le deuil de l’enfant en bonne santé,mais aussi le deuil de la famille parfaite. Plus encore quepour les adultes, les prises en charge et l’implication desproches seront diverses, qu’il s’agisse d’un nouveau-né,d’un jeune enfant ou d’un adolescent. On distingue le plussouvent les parents, la fratrie et les grands-parents commetrois groupes de proches vivant très différemment le cancerde l’enfant.

La qualité et l’exhaustivité de l’information des prochessont primordiales et il faudra pour les équipes soignantesprendre le temps de répondre aux nombreuses interrogationsformulées : sur les causes possibles, le caractère héréditaireou non, les traitements, les séquelles, le pronostic…

Les équipes soignantes devront aider les parents à faireface aux nombreuses répercussions liées à la maladie de leurenfant, à la fois au niveau psychologique, familial, profes-sionnel, économique, mais également sur leur vie de couple.

Il leur faudra tout particulièrement écouter et prendre enconsidération l’information donnée par les parents sur leshabitudes de l’enfant, son mode de vie, ses relations dansla fratrie et avec ses grands-parents, observer et prendre encompte les caractéristiques des parents (critères sociaux,culturels, religieux, ethniques, psychologiques, éducatifs),détailler et expliquer le rôle de chacun des membres del’équipe soignante ainsi que les interventions et examenspratiqués en leur proposant systématiquement d’assister audéroulement de ceux-ci.

L’objectif de cette alliance thérapeutique est d’être le plusclair possible dans les explications concernant le stade de lamaladie, les modalités d’administration des traitements, lesbénéfices attendus sans faire l’impasse sur les possibleseffets secondaires. Particulièrement, il sera nécessaire deles rassurer sur la prise en compte et la prévention de ladouleur liée aussi bien à la maladie qu’aux examens. Le rôledes parents est primordial pour décoder les modificationsdans l’attitude et le comportement de leur enfant (anxiété,agitation, prostration, insomnies).

L’accompagnement psychosocial a également une placeprépondérante. Il sera fondamental dans la qualité relation-nelle de l’enfant et ses proches, et il devra être proposésystématiquement.

La question de la poursuite de la scolarité est essentiellepour l’enfant malade et sa fratrie, elle doit être une priorité.

Par ailleurs, la question sociale et économique particuliè-rement prégnante nécessite une évaluation et un accompa-gnement personnalisé (aide à la garde de la fratrie, prise encharge des matériels coûteux). La place de l’assistantesociale est centrale pour obtenir les aides rapidement ouchercher des solutions relais quand les droits de congé etd’allocation de présence parentale sont épuisés.

Les équipes soignantes devront aider les parents à recon-naître leurs émotions, à accepter leurs propres limites, à garderdu temps personnel sans pour autant culpabiliser, à faire atten-tion à leur propre santé et à maintenir une relation conjugale(attention toute particulière aux couples en situation de crise etaux familles monoparentales ou recomposées).

Il pourra être proposé des groupes d’entraide ou des grou-pes de parole pour les aider à mieux supporter l’insupportable.

Les équipes devront en outre être en mesure d’accompa-gner et de guider les parents dans leurs échanges avec leurenfant en proposant quelques règles : ne surtout pas luicacher la vérité, dissiper ses fausses croyances, lui permettred’exprimer ses ressentis et de poser toutes ses questions,même les plus difficiles, accepter que ses émotions (colère,culpabilité, tristesse) soient légitimes, aussi bien pour l’en-fant que le parent, et qu’il n’est pas nécessaire de les taire.Les douleurs et les émotions peuvent être exprimées par lelangage verbal mais aussi non verbal, il est fondamental d’yêtre à l’écoute et de ne pas hésiter à demander de l’aide.

Lors du parcours de soins, les temps d’hospitalisationsouvent longs constitueront une épreuve pour l’enfantcomme pour son entourage proche (rupture avec leur lieude vie familiale et investissement d’un autre environnementavec de nouvelles personnes).

Il sera donc nécessaire d’y préparer l’enfant et ses parentsen prenant en compte les spécificités des différentes périodesde l’enfance, du nouveau-né à l’adolescence. Recréer uneambiance et un environnement familial (repas, jeux, bains,objets du domicile), permettre aux parents d’accompagnerleur enfant de jour comme de nuit (chambres adaptées ou« maisons des familles »), faciliter les contacts, les tempsd’échange et de répit entre les parents d’enfants hospitalisés.

La survenue d’un cancer chez l’enfant bouleversel’ensemble de la vie familiale. Le quotidien des parents seréorganise autour des besoins de l’enfant malade devenusprioritaires et pouvant alors instaurer un sentiment de jalou-sie et d’injustice au sein de la fratrie. Ces comportements etces ressentis varient en fonction de l’âge [25]. « Ainsi, entre8 et 13 ans, les sentiments d’abandon et d’injustice prédomi-nent. L’enfant a le sentiment que les parents sont trop gentilsavec l’enfant malade et qu’ils sont injustes envers lui. Entre14 et 19 ans, il se sent vulnérable et mortel. Il est préoccupépar les changements qu’il perçoit chez ses parents, et troublépar la révélation de leur fragilité. Il se sent investi de la res-ponsabilité du soutien physique et moral de son frère » [24].

Il faudra offrir la possibilité pour les parents d’assurer uneprésence et une aide pour l’ensemble de la fratrie, en leurgardant des temps privilégiés, leur proposer un soutien psy-chologique individuel ou sous la forme de groupe de parole,voire proposer un soutien scolaire pour la fratrie si néces-saire. Il est préférable aussi de les préparer à d’éventuelschangements d’ordre physique ou comportementaux dufrère ou de la sœur, en les informant clairement.

50 Oncologie (2014) 16:42-54

Une attention toute particulière devra également être por-tée aux grands-parents. Par leur présence, ils peuvent offrirune aide précieuse (présence physique, aide matérielle, sou-tien psychologique, garde de la fratrie…). Certains pourrontmême être amenés à suppléer les parents en difficulté. D’au-tres resteront distants ou auront même un comportementnégatif (présence excessive dans la relation parent–enfant,attitude conflictuelle avec les parents, pessimisme systéma-tique, non-contrôle émotionnel…) [25].

Ces différents comportements dépendent beaucoup desrelations familiales préexistantes. L’entente dans la familleaura un rôle important dans le soutien que les différentsmembres peuvent s’apporter les uns aux autres.

Le proche de l’adolescent ou du jeune adulte (AJA)

À la suite de ce qui a été dit pour le proche en pédiatrie,nous aborderons certaines particularités propres à l’adoles-cent ou au jeune adulte. Le cancer à cet âge constitue unedouble épreuve (celle du cancer et de l’adolescence) quipeut avoir des répercussions profondes et durables [26].L’expérience du cancer et de ses traitements bouleversetous les repères de l’adolescent qui voit changer son corps,sa place dans la famille et dans la société, mais égalementles relations avec ses pairs. Il peut être confronté à la remiseen cause, voire au renoncement à ses projets de scolarité,d’orientation professionnelle et de vie affective, au renfor-cement de sa dépendance vis-à-vis des parents dans unepériode d’acquisition de l’autonomie mais, surtout, à samort possible. Cette épreuve est à l’origine de déstabilisa-tions, non seulement pour le patient mais également pourses proches et, tout particulièrement, pour ses parents. Pources derniers, il existe un risque important de surinvestisse-ment et de surprotection auprès de leur enfant. Cette éven-

tuelle dépendance peut être à l’origine de sentiments culpa-bilisants pour l’adolescent [27]. A contrario, il peut tenterde pallier sa détresse de manière inconsciente par un com-portement régressif. Ce mécanisme de défense, souventtemporaire, peut être très déstabilisant pour les prochescomme pour les soignants. Il est néanmoins essentiel dele respecter et d’accompagner l’adolescent en respectantson rythme. D’autant que ce mouvement régressif « s’avère[pour ces patients] le seul recours possible pour tenter derépondre à l’agression de la maladie et à l’invasion de lasouffrance. Ne pas entendre cette douloureuse requête,c’est risquer d’engendrer un état de dépression réaction-nelle » [33].

Les amis vont également jouer un rôle essentiel. Ceux-cipeuvent être déstabilisés et ne pas savoir quoi dire ni com-ment aider l’adolescent malade, voire le rejeter. Les équipessoignantes s’appuyant sur une collaboration renforcée entrepédiatres et oncologues médicaux tenteront d’aider les jeu-nes à garder leur place et les proches à comprendre les réac-tions de l’adolescent. Il est notamment essentiel d’anticiperet d’expliquer les modifications corporelles secondaires à lamaladie et aux traitements (alopécie, modification dupoids…), les risques de stérilité et leurs mesures de préven-tion, les séquelles éventuelles [5]. Les services de soins,notamment ceux d’hématologie, avec les contraintes deschambres stériles, sont rarement adaptés à l’accueil des pro-ches, d’où l’importance de favoriser les contacts via Internetet au sein de lieux spécifiques de rencontres et d’animationcomme les espaces AJA.

Le proche soignant

Il est arrivé à tout soignant d’être sollicité par des proches encas de maladie. La conséquence est moindre si ce proche est

Pédiatrie : synthèse des difficultéset préconisations pour les proches

Difficultés :

– faire face aux nombreuses répercussions de la maladie, à la fois

au niveau psychologique, familial, professionnel, économique

et conjugal ;

– difficultés accrues pour les familles divorcées, monoparentales

ou recomposées ;

– rupture avec la vie sociale, familiale parfois professionnelle ;

– fratrie confrontée aux difficultés de la maladie, répercussions

affectives, émotionnelles et matérielles.

Préconisations :

– disponibilité et information claire et répétée (maladie, traite-

ments, examens) ;

– possibilité d’accompagner l’enfant pendant son hospitalisation ;

– participation aux soins si le proche le souhaite ;

– permettre des temps de répit aux parents ;

– proposer un soutien psychologique ;

– apporter les aides sociales nécessaires ;

– préparer à d’éventuels changements d’ordre physique ou

comportementaux ;

– reconnaître et accepter ses propres limites sans culpabilisation ;

– garder du temps personnel ;

– faire attention à leur propre santé ;

– partager les émotions et les peurs ;

– maintenir une relation entre conjoints ou partenaires ;

– proposer des groupes d’entraide ou des groupes de parole.

Oncologie (2014) 16:42-54 51

éloigné, car elle permet au soignant de ne pas trop s’investiret de garder une certaine distance et neutralité.

Quand le proche fait partie de l’entourage immédiat dusoignant, quelle place garder ? Comment respecter le prin-cipe du secret médical ? Doit-on réagir en soignant averti, oubien uniquement en proche ? Que dire ? Comment reformu-ler ce qui a été dit ? Jusqu’où aller dans l’information (pro-nostique notamment) ?

Le proche soignant doit toujours être vigilant à respecterle principe éthique d’un accès aux soins pour tous et ne pasagir au détriment des autres patients (faveur pour raccourcirles délais des rendez-vous ou autre demande du patient).

Le soignant parent d’un enfant malade se verra égalementsouvent investi d’une charge en soin demandée par l’enfantou bien par les médecins et dont l’impact psychologiquepeut être majeur. Ainsi, le parent qui va « faire mal » ouqui administre des médicaments avec des effets secondairesà son enfant se trouve confronté à une charge affectivelourde. Être proche soignant, c’est voir les rôles de chacunse déplacer et parfois se confondre avec le risque de désta-biliser les relations entre le patient et son proche.

Le proche donneur d’organe

Le don d’organe est le plus souvent motivé par l’altruisme etle désir d’apporter une guérison. Mais il peut, en l’absenced’anonymat du donneur (don de moelle osseuse ou d’un reinpar exemple), faire émerger de nouveaux rapports entraînantdes difficultés relationnelles entre le patient receveur et ledonneur [1]. Ainsi, un don au sein d’une fratrie peut révélerdes préférences, des jalousies ou des inimitiés qui vonts’exacerber et modifier considérablement les relations fami-liales [38].

À cela peut s’ajouter l’idée d’une contrepartie au donimplicite. Qu’attend le donneur de ce don : davantage dereconnaissance ? Une place privilégiée ? Voire des avantagesplus mercantiles ?

Ces éléments sont rarement abordés mais peuvent êtreprésents en filigrane dans les motivations du donneur.

Le donneur « choisi » n’est peut-être pas celui qui auraitfait le don de la manière la plus désintéressée, il peut avoirpeur pour sa propre vie, être inquiet des conséquences sur sasanté. Il peut craindre également l’échec de la greffe ou

Adolescent : synthèse des difficultéset préconisations pour les proches

Difficultés :

– pour faire face aux nombreuses répercussions de la maladie,

notamment au niveau psychologique et familial ;

– pour accepter les bouleversements physiques pouvant avoir des

conséquences sur l’avenir ;

– difficultés relationnelles souvent accrues ;

– incompréhension des mécanismes de défense des patients par

les proches et les soignants ;

– pour l’adolescent à garder un lien étroit avec son

entourage ;

– pour respecter l’évolution « naturelle » de l’adolescent : ses

projets, ses relations sentimentales, ses études…

Préconisations :

– informer régulièrement sur la maladie, ses traitements et les

séquelles éventuelles ;

– préparer aux changements comportementaux accrus de l’ado-

lescent pendant la maladie ;

– proposer un soutien psychologique spécifique ;

– proposer et favoriser le maintien des contacts extérieurs via

Internet ;

– favoriser la communication avec les parents et la fratrie ;

– respecter l’intimité de l’adolescent (vie sentimentale) ;

– aider l’adolescent à s’investir dans ses projets d’avenir ;

– développer des lieux d’accueil et d’animation spécifiques au

sein des établissements de soins, comme les espaces AJA ;

– collaboration avec la pédiatrie ;

– formations spécifiques des équipes soignantes.

Le proche soignant : synthèseet préconisations pour les proches

Difficultés :

– ne pas savoir se situer entre « le rôle » de proche et de

professionnel ;

– prendre en charge des éléments de surveillance ou de soins

difficiles à porter ;

– devenir le proche référent par défaut du fait de son métier de

soignant ;

– développer des mécanismes de défense de type projection et

identification.

Préconisations :

– définir avec le patient « la juste place » de proche et ses attentes ;

– soutien de l’équipe soignante pour définir le rôle du proche

soignant ;

– sensibiliser à la difficulté d’être à la fois proche et soignant

(risque de se substituer aux professionnels) ;

– savoir se protéger des demandes « impossibles » et guider le

patient vers l’équipe soignante ;

– avoir connaissance de ses propres mécanismes de fonctionne-

ment et si besoin pouvoir bénéficier de l’aide d’un

psychologue ;

– se référer au code de déontologie concernant le secret médical.

52 Oncologie (2014) 16:42-54

d’autres complications et alors éprouver un sentiment deculpabilité. Si le décès survient, il est indispensable de luiproposer un accompagnement spécifique.

Le donneur potentiel récusé (lorsque, par exemple, plu-sieurs donneurs sont compatibles dans une même fratrie)peut éprouver un ressentiment avec le risque de s’éloignerde la personne malade.

Il peut être difficile pour les soignants de comprendre lesenjeux et les bouleversements des relations familiales. Ilapparaît indispensable d’instaurer avant toute greffe desconsultations systématiques dédiées au donneur, afin d’inci-ter sans jugement l’expression de ses peurs, interrogations,représentations et lui permettre ainsi d’accepter le don enversson « proche ». Le refus de don est peu souvent abordé et defait il est très rarement exprimé. Comment le donneur peut-ilexprimer son autonomie décisionnelle alors qu’il sait qu’ilva être jugé par les équipes soignantes et l’entourage ? Les

raisons du refus peuvent être multiples et difficiles à verba-liser tant elles appartiennent souvent à une histoire familialeparticulière. La situation se complique encore lorsqu’il s’agitd’un donneur mineur pour un membre de sa fratrie : quelleliberté a l’enfant d’accepter ou non ? La loi prévoit que ledonneur soit entendu devant un juge pour donner sonconsentement mais les considérations du vécu de celui-ciou de son refus restent peu prises en compte du côté du don-neur comme du côté du receveur.

Conclusion

La prise en compte des proches est un facteur essentiel dusoin en cancérologie, sa place et l’aide qu’elle apporte sontprépondérantes face aux nombreux bouleversements de lamaladie et de ses traitements. De multiples questions se

Le proche donneur d’organe : synthèseet préconisations pour les proches

Difficultés :

– les nouveaux rapports qui se tissent dans la fratrie (redevabilité,

ne pas être « choisi », relations distantes ou conflictuelles

préexistantes) ;

– altruisme du don ;

– craintes non exprimées par le donneur (risques pour sa vie ou

son intégrité) ;

– culpabilité en cas d’échec de greffe ou de complications graves

pour le receveur ;

– non-expression d’un refus (donneur contraint) et crainte du

jugement de la part des professionnels ou de l’entourage ;

– donneur mineur dont les parents décident pour lui ;

– naissance « d’enfant-médicament ».

Préconisations :

– instaurer des consultations prégreffes systématiques pour le

donneur avec repérage d’éventuelles difficultés du donneur ;

– tenir compte aussi dans le choix du donneur des considérations

psychosocioaffectives et non uniquement des données

médicales ;

– proposer un accompagnement de deuil pour le donneur si

nécessaire.

Synthèse des préconisations :

– reconnaître et respecter le choix du patient dans l’identification

de ses proches et de la personne de confiance ;

– favoriser les conditions d’accueil des proches et leur intégra-

tion tout au long du parcours de soin ;

– permettre la prise en compte des spécificités et de la diversité

des proches ;

– identifier et accompagner les situations plus complexes (fonc-

tion de l’âge et de la situation sociale) ;

– identifier et accompagner les temps « à risque » de la maladie :

l’annonce, le retour à domicile, l’arrêt des traitements spéci-

fiques et la prise en charge palliative, l’après-cancer ;

– adapter les informations aux proches dans le respect du droit

des malades et du secret médical ;

– développer la réflexion éthique pluriprofessionnelle au sein des

établissements de soins ;

– favoriser et étendre aux proches l’accès aux soins oncologiques

de support ;

– créer des commissions de réflexion afin d’ancrer et d’intégrer

la dimension des proches dans la culture soignante ;

– informer les proches sur les risques d’épuisement et proposer

un soutien ;

– intégrer les proches dans le développement des programmes

d’éducation thérapeutique ;

– faciliter l’accessibilité et le recours aux commissions des rela-

tions avec les usagers, ainsi qu’aux commissions d’éthique ;

– favoriser la participation des proches aux associations de

patients ;

– travailler conjointement avec les sciences humaines (sociolo-

gie, anthropologie, éthique…) ;

– initier ou établir des partenariats d’études de recherche

clinique spécifiques aux proches aidants (parents âgés, enfants,

couple, fratrie, amis…) ainsi que sur l’impact de la maladie au

niveau des fonctionnements intrafamiliaux, psychosociaux,

professionnels…

Oncologie (2014) 16:42-54 53

posent selon la diversité des patients, leur âge, leur conditionde vie et leurs relations avec l’entourage. Il ne peut y avoirun seul type de réponse stéréotypée. Les difficultés et préco-nisations énoncées relèvent du domaine global, aussi la sin-gularité de chaque cas doit donc être impérativement évaluéeet les réponses apportées en relation directe avec la situationde chaque patient et de ses proches, tout cela dans le cadre durespect du secret médical.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir deconflit d’intérêt.

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