3
certaines fermes. Six sont « mixtes », conservant une partie de leur SAU en conventionnel. Malgré tout, l'en- semble de ces fermes conserve un point commun : le débouché pour la vente des tubercules, orienté vers le marché du frais. On distingue les productions en contrat, les ventes en détail (livraison directe en maga- sin) et la vente directe, qui entraînent des valorisations différentes. Des pratiques culturales propres à chaque situation La pomme de terre s’intègre dans des rotations plutôt longues sur les fermes enquêtées (supérieures à 5 ans et jusqu’à 10 ans pour cer- taines), et respectent presque toutes un délai de retour mini- mum de 5 ans sur une même parcelle. 70 % pratiquent des ro- tations à base de luzerne, facilitant la gestion des adventices et la fer- tilité du sol. Exemples de rotations. (figure 2) La pomme de terre est majoritai- rement implantée après une céréale, et en particulier après un blé. La variété Ditta est cultivée 6 ALtER AgRI n°104 - NOVembRe-DéCembRe 2010 Recherche/expé. - grandes cultures La pomme de terre biologique de plein champ : entre diversité de systèmes et performances technico-économiques Dans un contexte de développement croissant de l’agriculture biologique en France, la filière pomme de terre biologique reste encore aujourd’hui en retrait. Rassemblant 900 hectares en 2008 (Agence Bio), elle doit faire face à une demande croissante des consommateurs mais l’éclatement de sa filière freine son développement. Dans le cadre du projet CAS DAR « Légumes de plein champ bio », une étude a été réalisée sur la pomme de terre biologique de plein champ auprès d'agriculteurs biologiques dans cinq régions de grandes cultures françaises. Elle s’appuie sur une approche complémentaire technique et économique. Par Robin Euvrard (aRVaLIS-InStItUt DU VéGétaL) Des structures de production diverses et hétérogènes Vingt quatre agriculteurs ont été en- quêtés dans cinq régions de grandes cultures: Centre, Nord-Pas-de- Calais, Picardie, Champagne- Ardenne, Bourgogne. L’échantillon regroupe des producteurs biolo- giques en système céréalier cultivant de la pomme de terre de plein champ. Les surfaces maraîchères et les cultures de plants ont été écar- tées de l’étude. Les fermes enquêtées sont marquées par une forte hétérogénéité. La SAU moyenne est de 106 ha, mais on note des structures variant de 27 ha à 399 ha. De même, les surfaces en pomme de terre représentent de 0,5 ha à 17 ha par exploitation, avec une moyenne de 5,6 ha. Dans les ré- gions Centre, Champagne-Ardenne et Bourgogne, les cultures sont conduites sous irrigation alors que l'irrigation est inexistante dans les fermes du nord de la France. Ces sys- tèmes sont donc divers… mais également très diversifiés ! Ainsi, il n’est pas rare de rencontrer des ate- liers d’élevage ou de maraîchage sur J. bruyère Figure 1 – Coût de production complet Foncier : 100% en fermage • Assurances, frais divers • Rémunération des capitaux propres • Salaires, charges sociales • « MSA exploitant » • Rémunération de la MO familiale • Amortissement technique • Entretien, réparation, fuel • Travaux par tiers • Frais financiers • Engrais, amendements • Produits phytosanitaires • Semences FONCIER AUTRES CHARGES FIXES MAIN DŒUVRE MÉCANIS ATION INTRANTS e/t

La pomme de terre biologique de plein champ - lpcbio.orglpcbio.org/PDF/article_pomme_de_terre.pdf · certaines fermes. Six sont « mixtes », conservant une partie de leur SAU en

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La pomme de terre biologique de plein champ - lpcbio.orglpcbio.org/PDF/article_pomme_de_terre.pdf · certaines fermes. Six sont « mixtes », conservant une partie de leur SAU en

certaines fermes. Six sont «mixtes»,conservant une partie de leur SAUen conventionnel. Malgré tout, l'en-semble de ces fermes conserve unpoint commun: le débouché pourla vente des tubercules, orienté versle marché du frais. On distingue lesproductions en contrat, les ventesen détail (livraison directe en maga-sin) et la vente directe, qui entraînentdes valorisations différentes.

Des pratiques culturalespropres à chaque situation

La pomme de terre s’intègre dansdes rotations plutôt longues surles fermes enquêtées (supérieuresà 5 ans et jusqu’à 10 ans pour cer-taines), et respectent presquetoutes un délai de retour mini-mum de 5 ans sur une mêmeparcelle. 70 % pratiquent des ro-tations à base de luzerne, facilitantla gestion des adventices et la fer-tilité du sol.Exemples de rotations. (figure 2)La pomme de terre est majoritai-rement implantée après unecéréale, et en particulier après unblé. La variété Ditta est cultivée

6 ALtER AgRI n°104 - NOVembRe-DéCembRe 2010

Recherche/expé. - grandes cultures

La pomme de terre biologiquede plein champ :entre diversité de systèmes et performancestechnico-économiques

Dans un contexte de développement croissant de

l’agriculture biologique en France, la filière pomme

de terre biologique reste encore aujourd’hui en

retrait. Rassemblant 900 hectares en 2008 (Agence

Bio), elle doit faire face à une demande croissante

des consommateurs mais l’éclatement de sa filière

freine son développement. Dans le cadre du projet

CAS DAR « Légumes de plein champ bio », une étude

a été réalisée sur la pomme de terre biologique de

plein champ auprès d'agriculteurs biologiques dans

cinq régions de grandes cultures françaises. Elle

s’appuie sur une approche complémentaire

technique et économique.

Par Robin Euvrard (aRVaLIS-InStItUt DU VéGétaL)

Des structures de productiondiverses et hétérogènes

Vingt quatre agriculteurs ont été en-quêtés dans cinq régions de grandescultures : Centre, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Champagne-Ardenne, Bourgogne. L’échantillonregroupe des producteurs biolo-giques en système céréalier cultivantde la pomme de terre de pleinchamp. Les surfaces maraîchères etles cultures de plants ont été écar-tées de l’étude.Les fermes enquêtées sont marquéespar une forte hétérogénéité. La SAUmoyenne est de 106ha, mais on notedes structures variant de 27 ha à399 ha. De même, les surfaces enpomme de terre représentent de0,5ha à 17ha par exploitation, avecune moyenne de 5,6ha. Dans les ré-gions Centre, Champagne-Ardenneet Bourgogne, les cultures sontconduites sous irrigation alors quel'irrigation est inexistante dans lesfermes du nord de la France. Ces sys-tèmes sont donc divers… maiségalement très diversifiés! Ainsi, iln’est pas rare de rencontrer des ate-liers d’élevage ou de maraîchage sur

J. b

ruyè

re

Figure 1 – Coût de production complet

Foncier : 100% en fermage

• Assurances, frais divers• Rémunération des capitaux propres

• Salaires, charges sociales• « MSA exploitant »• Rémunération de la MO familiale

• Amortissement technique• Entretien, réparation, fuel• Travaux par tiers• Frais financiers

• Engrais, amendements• Produits phytosanitaires• Semences

FONCIER

AUTRESCHARGES

FIXES

MAIND’ŒUVRE

MÉCANISATION

INTRANTS

e/t

Page 2: La pomme de terre biologique de plein champ - lpcbio.orglpcbio.org/PDF/article_pomme_de_terre.pdf · certaines fermes. Six sont « mixtes », conservant une partie de leur SAU en

7NOVembRe-DéCembRe 2010 - ALtER AgRI n°104

Recherche/expé. - grandes cultures

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28

Rendement haut Rendement moyen Rendement bas

n° Exploitation

e/ tonnes

0

200

400

600

800

1 000

1 200

Figure 3 – Coût de production et variabilité du rendementFigure 2 – Exemples derotations

par 75 % des agriculteurs qui ap-précient sa polyvalence (bonnequalité culinaire, rendement ré-gulier et élevé, bonne tolérance aumildiou).Les itinéraires techniques mis enœuvre présentent des différencesimportantes, influencés par lesconditions pédoclimatiques maisaussi par l’expérience et les stra-tégies des producteurs. La gestiondu mildiou reste le problème ma-jeur en production de pomme deterre. Tous les agriculteurs enquê-tés mettent en œuvre des mesuresprophylactiques (gestion des re-pousses et des déchets) mais lalutte repose essentiellement surl’utilisation du cuivre, et en parti-culier la Bouillie Bordelaise (90%des enquêtés). Peu de producteursatteignent le plafond règlemen-taire de cuivre, fixé à 6 kg/ha, et lamajorité d’entre eux fractionnentleurs apports de manière à cou-vrir une large période deprotection. Quelques producteursutilisent des produits alternatifsau cuivre : SDN (stimulateurs desdéfenses naturelles), huiles essen-tielles… Certains notent desproblèmes ponctuels de taupins(pour lesquels aucune solutiontechnique n’existe) ou de dory-phores, dont le risque est

AR COURNégoce & Courtage

de produits biologiquesJean Paul PASQUIER

Le marché des céréales biologiques en direct propose aux :

La guillauderie F 86240 ITEUIL e-mail : [email protected]él. 05 49 41 93 94 Fax 05 49 00 28 86 Portable 06 12 33 79 93

Éleveurs : Vrac ou big bagTourteaux de :soja, colza, tournesolLuzerne déshydratéeCéréales & protéagineux

Producteurs et transformateursde grains et graines :

Info des coursCotation & valorisation

des productions au jour le jour

maîtrisable par l’application deproduits homologués (à base deBacillus thuringiensis) ou l’utili-sation d’outils spécifiques(« collecteur à doryphores »).Les pratiques de fertilisation sontétroitement liées à la stratégie del’agriculteur. Ceux qui recherchantl’autonomie de leur système va-lorisent majoritairement lescomposts de ferme ainsi que leslégumineuses, en précédent (fé-verole, soja…) ou en couvert(trèfle, mélilot…). A l’inverse, ceuxvisant une meilleure productivitétravaillent plus fréquemment avecdes engrais organiques (farines,vinasses), certains ayant égale-ment recours à des compléments,notamment potassiques, pouréquilibrer au mieux la fertilité dumilieu. Ils obtiennent ainsi desrendements plus élevés mais ilssont parfois confrontés à la vola-tilité de ces produits, en termes deprix et de disponibilité.Seuls trois producteurs ne prati-quent pas le labour avantl’implantation de la pomme deterre. La maîtrise de la flore adven-tice en culture est assurée par lapratique du buttage, en moyenneen deux ou trois passages. La moi-tié des agriculteurs enquêtéscombinent ce buttage à d’autrespratiques : passage d’une herseétrille (40%), d’une écimeuse (4%),d’un brûleur thermique ou encorele recours au désherbage manuel.

Des coûts de productionvariables

La variabilité des coûts de produc-tion est très importante d’un

système à un autre, pouvant allerdu simple au double (entre 140 et290€/t). Elle s’explique tout d’abordpar une forte variabilité des rende-ments (figure 3), influencée par lepotentiel agronomique des sols, lespratiques de fertilisation ainsi quela maîtrise du risque mildiou. Lesrendements moyens exprimés sesituent entre 10 et 30t/ha. Toutefois,ils peuvent atteindre des valeurstrès basses en cas de forte pressionmildiou, observée une fois tous lesdix ans environ (en 2007 par exem-ple). A l’instar du conventionnel,le poste « intrants » est central (fi-gure 4) : il peut représenter de 11 à65 % des charges totales, en fonc-tion des produits utilisés et desstratégies suivies. Les charges demécanisation représentent quantà elles de 15 à 40 % du total, maisces variations s’expliquent bienplus par des critères de structured’exploitation que par les straté-gies des agriculteurs. En particulier,les opérations de plantation et d’ar-

Rotation base luzerne

Rotation sans luzerne

Page 3: La pomme de terre biologique de plein champ - lpcbio.orglpcbio.org/PDF/article_pomme_de_terre.pdf · certaines fermes. Six sont « mixtes », conservant une partie de leur SAU en

8 ALtER AgRI n°104 - NOVembRe-DéCembRe 2010

Recherche/expé. - grandes cultures

(vente directe ou en détail) en-traîne une très forte valorisationde la production. En effet, l’inves-tissement dans du matériel destockage (unités ventilées, réfri-gérées) permet d’allonger le tempsde conservation des tubercules àla ferme (pour une durée pouvantatteindre 8 à 9 mois, selon les va-riétés) et donc d’étaler ses ventesen fonction de la demande dumarché. Toutefois, les coûts rela-tifs au conditionnement et à lalivraison de la production, ainsique le temps de travail supplé-

mentaire, n’ont pas pu être éva-lués. De plus, l’écoulement de laproduction peut s’avérer délicatles années de forte production àl’échelle nationale.Lors de rendements très faibles(une année sur dix environ), cer-taines exploitations présentent desmarges nettes négatives : les bonsrésultats économiques obtenuspermettent donc de limiter lesrisques inhérents à la culture depomme de terre.

L’avenir de la filière passerapar une organisation de laproduction

Aujourd’hui, le maintien de pro-ducteurs de pomme de terrebiologique est permis par des prixrémunérateurs, en hausse régu-lière. Mais l’augmentation del’offre, en partie tirée par les ob-jectifs du Grenelle del’Environnement (20% de produitsbiologiques en restauration col-lective publique d’ici 2012),pourrait faire peser demain desrisques sur le maintien des struc-tures de production existantes.Au-delà des questions techniques(dynamique de l’azote, risque mil-diou), c’est l’organisation desproducteurs et la maîtrise des vo-lumes produits qui occupentaujourd’hui le centre des débatsde cette filière. Jusqu’à au-jourd’hui, les producteurs depomme de terre biologique deplein champ sont parvenus à gérerla rareté de l'offre ; demain, il leurfaudra réussir à maîtriser l’aug-mentation des surfaces et desvolumes.

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28

n° Exploitation

Intrants Méca Ch. salariales ACF Fermage

e/ ha

Figure 4 – Cumul des charges (€/ha)

rachage entraînent des coûts par-fois très élevés, du fait de faiblessurfaces travaillées et en fonctionde l’équipement (propriété, pres-tation extérieure ou solutioncollective – CUMA ou copropriété).

Une culture fortementrémunératrice… selon lavalorisation

Le calcul des marges permet uneautre approche de la performanceéconomique d’une production. Ellesrenseignent ainsi sur la rentabilitéd’une culture. En particulier, lamarge nette peut être utiliséecomme un indicateur de pérennitéde l’exploitation : elle permet d’es-timer le niveau de rémunérationde l’agriculteur ainsi que la rému-nération des capitaux investis.

Le faible développement de la fi-lière pomme de terre biologiquelui confère des caractères de mar-ché de niche. De fait, l’introductiond’une pomme de terre dans unsystème biologique garantit desmarges nettes très élevées. En par-ticulier, la vente en circuits courts

J. b

ruyè

re