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La pratique de l’escalade J’écris des romans comme on pratique l’escalade, enfin je suppose puisque je n’en fais pas. Disons que je pratique l’escalade littéraire. Je cherche au-dessus de moi la prise assez solide, je m’assure qu’elle « tiendra », je l’agrippe, je me hisse en m’appuyant sur d’autres prises,qui sont déjà sous moi. Me voilà un mètre plus haut. Je cherche la suivante. Je m’agrippe. Je me hisse. Me voilà trente cen- timètres plus haut. Cinquante centimètres… Le sommet est à huit mille, mais c’est tou- jours ça de pris. Parfois je reste accroché à la paroi, immobile, sans pouvoir ni redes- cendre ni continuer à monter.Mes muscles durcissent. Le doute m’assaille. Est-ce que je suis vraiment un alpiniste ? Ou bien est-ce que je joue à l’être ? J’ai fait croire que,et on m’a cru. Je suis suspendu. Je pendouille. Personne ne me voit heureusement. Je prends le temps de me reposer un peu, ou le temps de désespérer, puisqu’on doit passer par là, le temps de pleurer même s’il le faut. Les romans qu’on écrit jusqu’au bout sans pleurer ne peuvent pas être bons. Ceux où on se force non plus. C’est délicat, cette affaire ! Le moment vient toujours où je trouve la nouvelle prise. Quand je la trouve, c’est comme une formidable nouvelle. Je l’empoigne avec jubilation, je me hisse. Elle est bonne et solide. Me voilà quelques mètres plus haut ! Cela dure des mois ou un an. Quand enfin je suis en haut, je n’éprouve jamais le bonheur promis. Plutôt une vague sensation de vide et de tristesse, parce que c’est fini, l’effort, l’exaltation. Parler de deuil serait trop grave et incorrect à cause des vrais deuils, mais il s’agit un peu de ça, le senti- ment que quelque chose était là qui ne reviendra plus : le commerce avec les person- nages, la vie en eux qui les faisait avancer et qui me tenait éveillé la nuit. Cette fois, c’est fini.Il reste à en parler,mais ça n’a rien à voir. C’est mort. Alors on imagine la prochaine escalade. On s’y prépare. Elle est comme un rendez-vous d’amour.On est content d’y aller mais on a peur, un peu. Jean-Claude Mourlevat n°239 - février 2009 le mensuel du livre en Rhône-Alpes en +++++++++ En morceaux… C’est le titre du recueil de nouvelles édité par La Passe du vent, à la suite du concours « Quelles Nouvelles ? » 2008, organisé par la DRAC Rhône-Alpes et l’Espace Pandora. Karine Courville, Laura Krivine, Catherine Balaï, Nils Barrellon, Pierre Ducrozet, Willy Play et Thomas Pourchayre sont les sept auteurs amateurs retenus par le jury, présidé cette année par Jean-Noël Blanc, qui signe une préface autour des huit commandements à respecter pour mener à bien cet exercice littéraire. De bonnes sur- prises après cette entrée en matière… > www.arald.org les écrivains à leur place Le juste Prix Hommage aux jeunes lecteurs, dans ce numéro de Livre & Lire, avec la première édition du Prix littéraire des lycéens et apprentis rhônalpins, qui rassemble vingt-trois classes et quelque six cents élèves autour de quatre romans et de quatre bandes dessinées. Initié par la Région Rhône- Alpes, qui poursuit ainsi sa politique en faveur de la rencontre entre le jeune public et la littérature contem- poraine dans les lycées, ce Prix, orga- nisé avec la collaboration de l’ARALD, mobilise les classes et les ensei- gnants, comme on le découvre dans le dossier que nous lui consacrons (lire p. 2 et 3). Lecture, entrée dans la littérature « adulte », rencontre avec des écrivains et des illustrateurs, mais aussi découverte des métiers du livre,ce projet d’envergure multi- plie les trajectoires pour atteindre son but : lire, faire lire, partager. L.B. Os Candangos. Brasília vu par Viviane Lièvre. La photographe accompagne Jean-Yves Loude dans son beau voyage littéraire, au cœur de la capitale du Brésil. (lire p.11) Rive-de-Gier fait appel 30 000 livres, 10 000 CD, 2 000 DVD et 700 partitions…, outre le mobilier et l’équipement informatique, c’est la plus grande partie du fonds de la médiathèque Louis Aragon, à Rive-de-Gier, qui a été détruite lors des terribles inondations qui ont frappé la ville, le 2 novembre 2008. Aujourd’hui, l’équipe de la médiathèque, à travers la voix de son directeur, Roland Delpui, lance un appel à contribution pour reconstituer les collections par un éventuel don de livres. Un appel lancé en direc- tion des maisons d’édition, des bibliothèques, des librairies, des institutions et des particuliers, pour que la médiathèque de Rive-de-Gier puisse refaire surface. BP 236 - 42800 Rive-de-Gier urgent !!!!!!!!!!!!! L’ancien Mexique Un face à face intrigant à la Bibliothèque interuniversitaire de lettres et sciences humaines, dans le 7 e arr.de Lyon, entre le regard des autochtones, celui des conquérants et des missionnaires sur les civilisations préhispaniques mexicaines. L’exposition « Mexicana – regards croisés sur l’ancien Mexique » propose des fac- similés de codex du XII e au XVII e siècle, des œuvres pictographiques des peuples indigènes et nombre d’ouvrages anciens. Jusqu’au 20 février. http://biu.ens-lsh.fr zoom/p.6 Résidences en série Suite de notre feuilleton sur les résidences d’écrivains avec Michel Thion, accueilli à la Maison de la poésie Rhône- Alpes de Saint-Martin-d’Hères. chronique/p.7 Au travail ! Du nouveau dans Livre & Lire, avec la chronique en texte et en image de Géraldine Kosiak, artiste multi-talents et touche-à-tout qui, chaque mois, nous proposera un exercice intime de lecture. À découvrir. © Viviane Lièvre © Géraldine Kosiak

La pratique Le juste Prix de l’escalade · Ducrozet,Willy Play et Thomas Pourchayre sont les sept auteurs amateurs retenus par ... Michel Thion,accueilli à la Maison de la poésie

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La pratiquede l’escaladeJ’écris des romans comme on pratiquel’escalade, enfin je suppose puisque jen’en fais pas. Disons que je pratiquel’escalade littéraire. Je cherche au-dessusde moi la prise assez solide, je m’assurequ’elle « tiendra », je l’agrippe, je me hisseen m’appuyant sur d’autres prises, quisont déjà sous moi. Me voilà un mètreplus haut. Je cherche la suivante. Je

m’agrippe. Je me hisse. Me voilà trente cen-timètres plus haut.Cinquante centimètres…Le sommet est à huit mille, mais c’est tou-jours ça de pris. Parfois je reste accroché àla paroi, immobile, sans pouvoir ni redes-cendre ni continuer à monter. Mes musclesdurcissent. Le doute m’assaille. Est-ce que jesuis vraiment un alpiniste ? Ou bien est-ceque je joue à l’être ? J’ai fait croire que,et onm’a cru. Je suis suspendu. Je pendouille.Personne ne me voit heureusement. Jeprends le temps de me reposer un peu,ou letemps de désespérer, puisqu’on doit passerpar là, le temps de pleurer même s’il le faut.Les romans qu’on écrit jusqu’au bout sanspleurer ne peuvent pas être bons. Ceux oùon se force non plus. C’est délicat, cetteaffaire ! Le moment vient toujours où jetrouve la nouvelle prise. Quand je la trouve,c’est comme une formidable nouvelle. Jel’empoigne avec jubilation, je me hisse. Elleest bonne et solide.Me voilà quelques mètresplus haut ! Cela dure des mois ou un an.Quand enfin je suis en haut, je n’éprouvejamais le bonheur promis. Plutôt une vaguesensation de vide et de tristesse, parce quec’est fini, l’effort, l’exaltation. Parler de deuilserait trop grave et incorrect à cause des vraisdeuils, mais il s’agit un peu de ça, le senti-ment que quelque chose était là qui nereviendra plus : le commerce avec les person-nages, la vie en eux qui les faisait avancer etqui me tenait éveillé la nuit. Cette fois, c’estfini. Il reste à en parler,mais ça n’a rien à voir.C’est mort. Alors on imagine la prochaineescalade. On s’y prépare. Elle est comme unrendez-vous d’amour.On est content d’y allermais on a peur,un peu. Jean-Claude Mourlevat

n°239 - février 2009le mensuel du livre en Rhône-Alpes

en + + + + + + + + +En morceaux… C’est le titre du recueil denouvelles édité par La Passe du vent, à lasuite du concours « Quelles Nouvelles ? »2008, organisé par la DRAC Rhône-Alpes etl’Espace Pandora. Karine Courville, LauraKrivine,Catherine Balaï,Nils Barrellon,PierreDucrozet, Willy Play et Thomas Pourchayresont les sept auteurs amateurs retenus parle jury, présidé cette année par Jean-NoëlBlanc,qui signe une préface autour des huitcommandements à respecter pour menerà bien cet exercice littéraire.De bonnes sur-prises après cette entrée en matière…

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Hommage aux jeunes lecteurs, dansce numéro de Livre & Lire, avec lapremière édition du Prix littérairedes lycéens et apprentis rhônalpins,qui rassemble vingt-trois classes etquelque six cents élèves autour dequatre romans et de quatre bandesdessinées. Initié par la Région Rhône-Alpes, qui poursuit ainsi sa politiqueen faveur de la rencontre entre lejeune public et la littérature contem-poraine dans les lycées, ce Prix, orga-nisé avec la collaboration de l’ARALD,mobilise les classes et les ensei-gnants, comme on le découvre dansle dossier que nous lui consacrons(lire p. 2 et 3). Lecture, entrée dans lalittérature « adulte », rencontre avecdes écrivains et des illustrateurs,mais aussi découverte des métiersdu livre, ce projet d’envergure multi-plie les trajectoires pour atteindreson but : lire, faire lire, partager. L.B.

Os Candangos. Brasília vu par Viviane Lièvre. La photographe accompagne Jean-YvesLoude dans son beau voyage littéraire, au cœur de la capitale du Brésil. (lire p.11)

Rive-de-Gier fait appel

30 000 livres, 10 000 CD, 2 000DVD et 700 partitions…, outrele mobilier et l’équipement

informatique, c’est la plus grandepartie du fonds de la médiathèqueLouis Aragon, à Rive-de-Gier, qui aété détruite lors des terriblesinondations qui ont frappé la ville,le 2 novembre 2008. Aujourd’hui,l’équipe de la médiathèque, à

travers la voix de son directeur,Roland Delpui, lance un appel àcontribution pour reconstituer lescollections par un éventuel donde livres. Un appel lancé en direc-tion des maisons d’édition, desbibliothèques, des librairies, desinstitutions et des particuliers,pour que la médiathèque deRive-de-Gier puisse refaire surface.

BP 236 - 42800 Rive-de-Gier

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Bibliothèque interuniversitaire de lettres etsciences humaines, dans le 7e arr. de Lyon,entre le regard des autochtones, celui desconquérants et des missionnaires sur lescivilisations préhispaniques mexicaines.L’exposition « Mexicana – regards croiséssur l’ancien Mexique » propose des fac-similés de codex du XIIe au XVIIe siècle,des œuvres pictographiques des peuplesindigènes et nombre d’ouvrages anciens.Jusqu’au 20 février. http://biu.ens-lsh.fr

zoom/p.6Résidences en sérieSuite de notre feuilleton sur les résidences d’écrivains avecMichel Thion, accueilli à laMaison de la poésie Rhône-Alpes de Saint-Martin-d’Hères.

chronique/p.7Au travail !Du nouveau dans Livre & Lire,avec la chronique en texte eten image de Géraldine Kosiak,

artiste multi-talents et touche-à-tout qui, chaque mois,nous proposera un exerciceintime de lecture.À découvrir.

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C’était le 18 décembre 2008 et il y avait la grève.Les lycéens mobilisés par centaines dans le centrede Lyon. Comme les autres, le Lycée Saint-Bruno –Saint-Louis était largement déserté. Dernièregrande récréation citoyenne dans la rue avant lesvacances de Noël. Pas de chance… C’était aussile jour où la classe de 1ère STG Communication dulycée privé croix-roussien recevait Pascal Garnier,pour l’une des toutes premières rencontres orga-

nisées dans le cadre duPrix des lycéens et apprentisrhônalpins. Légère tensionaux alentours de 17 heures.L’écrivain n’est pas encorelà. Les élèves non plus.Agnès Cabrol, professeur decommunication, rassure sescollègues : « Ils ont promisqu’ils seraient tous là ». Unquart d’heure plus tard, lapromesse a été tenue. Unevingtaine d’élèves entourentPascal Garnier dans la salledu CDI. Ils ont entre seize etdix-huit ans,ressemblent auxjeunes adultes qu’ils sont,unpeu intimidés, pas trop.

La rencontre se lance rapidement, les premierspropos de l’écrivain résonnant dans le silence del’attente. Encore et toujours une surprise, pourlui, de se retrouver dans une salle de classe.Simplement parce que l’Éducation nationale etPascal Garnier se sont séparés assez rapidementet d’un commun accord… L’homme a l’expé-rience de ce genre de rendez-vous. Il parle de savie, mais surtout de l’écriture et de ses livres, dela place que tout cela occupe,de la « sale manie »qu’il a d’entrer dans la vie des gens ordinaires.On sent que les élèves sont emportés. La plu-part d’entre eux. Non pas sous le charme – Pascal Garnier n’est pas un charmeur –, maispris par la sincérité de cet écrivain qui parlecomme il est, tutoie son auditoire, n’est pas ins-piré par les dieux, fait au contraire l’apologie dudoute, de la façon qu’ont les personnages del’envahir, de prendre le pouvoir : « Il y a del’aventure partout où tu veux qu’il y ait de l’aven-ture… » Les élèves sourient. C’est aussi ça, uncréateur, quelqu’un qui vous fait sentir que ceschoses-là ne sont pas à l’autre bout du monde,que l’évasion n’est pas forcément liée à la maî-trise de l’orthographe et que toutes ces histoiresqu’on raconte dans les livres font aussi partiede la vie.

dossier /prix des lycéens

Dans vingt-trois lycées de la région, le Prixdes lycéens et apprentis rhônalpins est enmarche. Une première expérience, lancée parle Conseil régional, avec l’appui de l’ARALD,et de nouveaux chemins de traverse pouramener les jeunes à la lecture et à la littérature.

Après les centaines de rencontres organisées avecdes écrivains dans les lycées depuis plusieursannées,dans le cadre du dispositif Soprano mis enplace par la Région Rhône-Alpes, la création d’unPrix des lycéens et des apprentis rhônalpins a desallures de continuité. Il s’agit en effet d’aller plus loindans la rencontre et de permettre à des classes deconstruire un projet autour des écrivains et dela littérature contemporaine : « un véritableprojet d’éducation artistique et culturelle », insisteLionel Chalaye, en charge de cette action auConseil régional. Alors,avant lesprix,qui récompenseront un écri-vain et un auteur de bande dessi-née,et dont on connaîtra les résul-tats en avril (dotation 3 000 €),tousles élèves liront les quatre romanset les quatre BD de la sélection,

rencontreront un écrivain et un illustrateur, bénéfi-cieront éventuellement d’ateliers d’accompagne-ment ou visiteront une librairie… « Favoriser les rap-prochements culturels de proximité entre lesstructures culturelles de référence et les établissementsscolaires », telle est la motivation que met en avantLionel Chalaye, au nom de la Région.Un comité de pilotage, réunissant les institutions deréférence dans le domaine de l’éducation artistique,et un comité de sélection des ouvrages,avec des pro-fessionnels du livre,ont été formés, ce dernier ayanttoute latitude dans ses choix littéraires,orientés réso-lument vers la littérature dite « adulte »,avec un soucide diversité dans les genres (roman, nouvelle…).Plus de cinquante lycées ont répondu à l’appel lancépar la Région et vingt-trois ont été sélectionnés –plus que les quinze initialement prévus… – pour laqualité de leurs projets,et notamment l’engagement

des enseignants et des documentalistes à collabo-rer avec une bibliothèque et une librairie. Les éta-blissements ont ensuite reçu la sélection de livreset le choix des deux auteurs à accueillir.Résultat :quarante-six rencontres, avec la prise en chargedes achats de livres à hauteur de 1 000 € par classe,la rémunération et le défraiement des écrivains, lapossibilité d’organiser des ateliers artistiquesd’accompagnement à hauteur de 750 € par éta-blissement ainsi qu’un déplacement dans une fêtedu livre (budget total de cette action aux alentoursde 90 000 €), la visite d’une librairie,d’une maisond’édition ou d’une imprimerie…Lire et faire lire, découvrir les différents lieux etmétiers du livre, le Prix des lycéens et apprentisrhônalpins s’est fixé de multiples objectifs. Leurréalisation dépendra de l’engagement des ensei-gnants et de la qualité des rencontres.Puis quelquesix cents voix viendront départager les livres encompétition. Il n’y aura pas de second tour ! L.B.

Ça se passe comme ça, à Saint-Bruno - Saint-Louis…

Garnier de 5 à 7…LA SÉLECTION DU PRIX

CATÉGORIE BD• Putain d’usine, Efix et Levaray (Petit à Petit)• Couleur de peau : miel, tome 1, Henin Jung (Soleil)• RG, Bangkok-Belleville, Frederik Peeters et PierreDragon (Gallimard)• La Fin du monde, Tom Tirabosco et Pierre Wazem(Futuropolis)

CATÉGORIE ROMANS/NOUVELLES• La Théorie du panda, Pascal Garnier (Zulma)• Le Dernier Frère, Natacha Appanah (Éditions de l’Olivier)• J’attends l’extinction des feux, Dominique Fabre(Fayard)• Polichinelle, Pierrick Bailly (P.O.L)

Les élèves de 1ère STG Communication rencontrent Pascal Garnierau CDI du Lycée Saint-Bruno - Saint-Louis, à Lyon. ©

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Un projet d’éducation artistique et culturelle

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Les grands moyens

Après viennent les questions. Elles sont nom-breuses, pesées, soignées, préparées. Pour se ras-surer un peu avant de prendre la parole, chacuna sorti son exemplaire de La Théorie du panda.C’est joli toutes ces couvertures roses sur le boisdes tables usagées.On s’interroge tous azimuts : « alors vous, vous nevous posez pas de questions quand vous écrivezvos livres ? » ; « vous écrivez de la façon dont vousvivez ? » ; « pourquoi votre personnage,Gabriel,portele nom d’un ange ? ». Une jeune fille lit un passage– « charnière », reconnaît l’auteur – en demandantdes explications.Devant l’ordinateur,une autre exigedes précisions sur des propos tenus par l’écrivaindans la presse. Ça vole assez haut. On est fran-chement épaté par l’application et le travail.Les professeurs sont derrière tout ça,évidemment.À vrai dire,on a de la chance pour cette premièrerencontre parce qu’on est présenté à une dreamteam : Julie Nublat,professeur de français,AgnèsCabrol, professeur de communication et deux

documentalistes de choc : ColetteSougy-Rouquet et Marie-ChristineBialais.Madame le professeur princi-pal de la 1ère STG Communication estaussi venue pour se rendre comptedu travail accompli. Une heure etdemie plus tard,elle repartira conquise.D’abord, tout le monde a lu les huitlivres et donné son avis sur les deuxauteurs à inviter.« Une sélection auda-cieuse », commente Julie Nublat,« mais c’est ce qu’il faut. Ce sont dejeunes adultes et,après un léger choc,ils ont été contents d’entrer ainsi dansla littérature adulte. Et puis, je croisqu’ils se sont sentis dans un autre rap-port avec nous.Bien sûr, il y a des livresqu’ils n’ont pas aimés… Mais il leur afallu argumenter, ce qui a aussi donnédes choses intéressantes.» Et il faudrarecommencer à argumenter ses choixau moment du vote… « L’aspect prixlittéraire est très important pour lesélèves, qui sont impatients d’endécoudre », rappelle le professeur defrançais.Mais,pour les enseignantes,l’enjeu est plus large : « Un tel pro-jet,dans sa globalité et son envergure,montre de manière collective que les élèves sontcapables de beaucoup de sérieux et de profession-nalisme.C’est un moyen de valorisation importantpour cette filière scolaire*. »D’ailleurs, on n’a pas lésiné sur les idées et lesinitiatives, toutes prises dans le cadre de l’annéescolaire bien entendu (voir encadré). En tout cas,en 2009,Pascal Garnier sera au programme du bacde français des élèves de 1ère STG Communicationde Saint-Bruno – Saint-Louis…

Pas pour rien

Il est un peu plus de 18h30 et toute cette agita-tion littéraire,qui durera encore jusqu’en avril,nepasse pas inaperçue. Pourtant, il faut clore lesdébats. On se réjouit, même s’il y avait encorebeaucoup à dire,parce que les élèves ont préparéde quoi se sustenter. Le buffet est rapidementdressé par les plus affamés, les dédicaces

Lycée du Granier (La Ravoire)Lycée professionnel privé Les Cordonniers (Cluses)Lycée horticole privé de laFondation du Bocage (Chambéry)Lycée Renée Cassin (Tarare)Lycée Condorcet (Saint-Priest)Lycée René Descartes (Saint-Genis-Laval)Lycée professionnel Louise Labé(Lyon)

Lycée Ampère Saxe (Lyon)Lycée La Martinière Diderot (Lyon)Lycée privé Saint-Bruno - Saint-Louis (Lyon)Lycée Charlie Chaplin (Décines-Charpieu)Lycée agricole (Dardilly)Lycée professionnel André Cuzin(Caluire-et-Cuire)Lycée professionnel ÉtienneLegrand (Le Coteau)Lycée du Forez (Feurs)Lycée agricole privé Bellevue

(Saint-Marcellin)Lycée agricole horticole (Saint-Ismier)Lycée Pierre Béghin (Moirans)Lycée professionnel AndréArgouges (Grenoble)Lycée professionnel Victor Hugo(Valence)Lycée Vincent D’Indy (Privas)Lycée professionnel du Sacré-Cœur(Privas)Maison familiale rurale d’éducationet d’orientation La Vernée(Péronnas)

dossier /prix des lycéens

Lycées participants

Ce qu’ils ont fait, en 1ère STG

• Une recherche documentaire sur Pascal Garnier etPierre Dragon,et la rédaction de leur biobibliographie.• La réalisation d’affiches de promotion pour chaquelivre en lice, exposées, en mars, dans les vitrines deslibrairies Passages et Vivement dimanche.

• Une visite de l’imprimerie Charvet et de la librairiePassages, avec découverte des métiers et des par-cours professionnels, et compte-rendu sous formePowerPoint.• L’organisation d’une soirée « café littéraire » avecl’écrivain Philippe Fusaro – qui est aussi libraire –pour échanger autour des livres en compétition.• L’animation et la présentation des travaux lors dela journée portes ouvertes du lycée.

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recueillies par les plus acharnés. Chez tous cesjeunes, le panda est devenu un nouveau symbole.On se détend un peu en goûtant aux spécialitésdes différents pays d’origine. L’orangeade couleà flot. Une élève remarque qu’il est beaucoupquestion de nourriture dans le roman de PascalGarnier… Le voilà d’ailleurs qui s’éclipse. Avecle sourire. On ose imaginer qu’il a apprécié cetterencontre. Il le confirmera plus tard.En attendant,il part pour la librairie Vivement dimanche, quil’accueille, à 19h, pour une lecture de La Théoriedu panda par un comédien. Encore un coupmonté par les professeurs avec la complicité dela libraire de la Croix-Rousse… Les élèves quile souhaitent seront de la soirée, y compris lesinternes de la classe,qui ont permission de sortie.Merci, monsieur le directeur…Il est déjà tard, environ 20h30, lorsqu’on seretrouve à la librairie. Il y a du monde. Au milieudes clients et des lecteurs, une dizaine d’élèvesont fait le déplacement.Eux aussi,après tout, sontdes lecteurs. Contents d’être là. Pas banal de sor-tir un soir de semaine avec ses profs et d’écouterun comédien lire des passages d’un livre qu’onn’est pas loin de connaître par cœur. « Çachange »,dit l’un d’eux, « ce n’est pas pareil d’en-tendre cette voix qu’on avait jusque-là dans latête… » C’est vrai, il a raison, ce n’est pas pareil.D’autant que le comédien s’est glissé avec légèretéentre les lignes de Pascal Garnier.Mais, silence…, la deuxième partie de la lectureva débuter. Les jeunes se préparent, ne s’intéres-sent plus aux questions qu’on leur pose.Alors onse tait, on écoute avec les autres et on se dit qu’ily a des soirs, comme celui-ci, où on a l’impres-sion que tout ça ne se fait pas pour rien. L. B.

* Sciences et technologies de la gestion, option communication.

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C’était il y a 10 ans… La villed’Ugine,en Savoie, créait son centreculturel, y implantait une média-thèque, réfléchissait à la valorisationde ce nouvel équipement. L’idéed’un événement rassembleurautour du livre était là, en grainebientôt éclose. Depuis une décen-nie, le Festi’livre grandit, s’appuyantsur quelques idées simples etfortes : permettre au visiteur d’en-trer en contact avec le livre danstoutes ses dimensions (ateliersd’écriture, de dessin, mais aussi defabrication de papier ou de reliure

sont donc au programme),s’adresserà un public large et familial (avec2 500 visiteurs l’an passé, le festivalrelève le défi), imaginer de vraiesrencontres avec les auteurs… Cetteannée, pour la première fois, leFesti’livre se dote d’une théma-tique, le Japon. Une tentative quis’inscrit dans « la nécessité d’inno-ver, de faire évoluer l’événement »,explique Emmanuel Lombard,adjoint à la Culture, qui envisageégalement, « pour les années àvenir, des rapprochements avec lemultimédia, des expositions inter-actives et surtout des partenariatsplus étroits encore avec le milieuscolaire. » M.B.

Festi’livre à Ugine 7 et 8 marsComplexe sportif et culturelwww.ugine.com

littéraire de ce pays. Mais nousvoulons surtout parcourir les ter-ritoires de la fiction, du désir, dufantasme, de l’imaginaire.

Cela fait 23 ans que cette manifes-tation existe. Comment un salon dece type se renouvelle-t-il d’année enannée ?Il faut d’abord souligner la grandeconstance de l’équipe : les membresfondateurs de cette fête sont toujours

Comme chaque année en mars,Bron fête le livre. Et pour cette23e édition, l’équipe de la Fête dulivre invite ses visiteurs à oserle décalage horaire, à entrer dansune « quête d’ailleurs », à explo-rer, avec les écrivains invités, desterritoires neufs. Un avant-goûten trois questions.

Pour 2009, la Fête du livre de Bron seplace sous la thématique « En quêted’ailleurs ».Comment cela se décline-t-il dans votre programmation ?Il s’agit pour nous de parlerd’ailleurs, d’aller ailleurs, sans exo-tisme. Les auteurs invités sontprincipalement français, mais uncertain nombre sont d’origineétrangère. Presque tous sont desécrivains dont le parcours est mar-qué par la rupture, les départs, ledéplacement ou l’exil. Mais notreprogrammation inclut aussi deplus en plus d’auteurs étrangers.Cette année, par exemple, nousrecevons Margo Glantz, AlbertoRuy-Sánchez et Enrique Serna,trois auteurs mexicains avec les-quels nous évoquerons la scène

actualités / manifestation

Saint-Marcellin :voyager autrement

Pour sa 6e édition, le Salon dulivre de voyage de Saint-Marcellin,dans l’Isère, invite sesvisiteurs à la rencontre de

l’engagement et du témoignage.LeSalon réunit trente bourlingueursdu verbe et de l’image, romanciers(Pascal Garnier, Delphine de Vigan,Sayouba Traoré), ethnologues ouanthropologues (Rodolphe Christin,Jean-Yves Loude), auteurs de BD(dont Jung), écrivains militants (JoBriant, pour son livre Mes luttes,

nos luttes pour un autre monde),alpinistes ou voyageurs (LionelDaudet,André Weill…).Les maisonsd’édition Rue du monde, Ventsd’ailleurs, ainsi que la Maison de lapoésie Rhône-Alpes seront aussi de lapartie. Pour mieux ancrer la manifesta-tion dans cette petite ville, les organi-sateurs (le service culturel de la mairie,la médiathèque municipale et la librairieLe Marque Page) travaillent aussi avec leslycées, en organisant un concours de nou-velles et un prix littéraire des lycéens, qui

sera remis le 6 mars.À Saint-Marcellin, lire,écrire et voyager, c’est donc approcherd’autres mondes et aiguiser sa conscience.M.B.

Du 6 au 8 mars - Salon du livre de voyage de Saint-Marcellin Espace Saint-Laurentwww.saint-marcellin.fr

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les maîtres d’œuvre de ce salon.Cetteannée, l’équipe de programmations’est enrichie de la présence de YannNicol.Côté programmation,justement,nous nous appuyons sur l’actualitélittéraire. Cela garantit un renouvel-lement des contenus et des sujets.Quant à l’avenir, nous l’envisageonssereinement : les partenaires s’enga-gent à nos côtés et le public est aurendez-vous (30 000 visiteurs l’an der-nier),et ce dès l’ouverture, le vendredi

après-midi. Cela traduitqu’une vraie dynamiquecontinue d’exister autourde cet événement.

Vous dédiez votre journéeprofessionnelle à la question desblogs d’écrivains…Oui, c’est Frédéric Houdaer, écrivainet blogueur, qui animera cette ren-contre. On se questionnera sur lesenjeux éthiques et esthétiques decette forme d’écriture,mais aussi surla nature de la relation entre l’œuvrede fiction traditionnelle et le blog,ainsi que sur ce que ces nouveauxsupports induisent pour la création etla diffusion de la littérature.Pour cer-tains auteurs, le blog est une œuvreen soi, une façon différente d’écrire.Cette journée professionnelle s’inscritchaque année dans notre program-mation, avec des thèmes différents,et regroupe 150 personnes enmoyenne, venues de la région,maisaussi de toute la France.C’est désor-mais un rendez-vous à part entière.

Propos recueillis auprès de GérardLamoureux par M.B.

Le Festi’livred’Ugine a 10 ans !

+ + + + + + + + d’actualités sur www.arald.org

Fête du livre de BronDu 6 au 8 marsHippodrome de Lyon - Parillywww.fetedulivredebron.com

23e édition de la Fête du livre de Bron

À la recherche d’un ailleurs

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Pascale Chemain y a grandi :« J’étais attirée par les images, lesrécits, mais aussi par l’odeur deslivres. Je me rappelle que mon pèresentait le papier et j’aimais ça. »Elle commence donc à travailler auxcôtés de son père en 1985, se formesur le tas, en autodidacte passion-née. Et, dès 1990, elle se tournevers le secteur jeunesse. C’est avecl’association Folije de Grenoble(organisatrice du Forum du LivreJeunesse) qu’elle fait ses premièresarmes. Elle mettra au point ensuitenombre d’animations, invitant de

La librairie Chemain, à Voiron, c’esttoute une histoire… Une histoire defamille d’abord, depuis 1941,lorsque le grand-père de PascaleChemain reprend cette librairie-papeterie. Il la lèguera à son beau-fils, dans les années 60,qui la trans-mettra lui-même à sa fille, en 1996.Au fil des ans, les livres ont peu àpeu poussé les murs : si l’échoppegrand-paternelle occupait 60 m2,la librairie d’aujourd’hui propose220 m2 de surface de vente, agré-mentés de 160 m2 de stockage ensous-sol et de 20 m de vitrines !

La Rumeur librecollectionne la poésie…Non que la poésie soit absente ducatalogue de La Rumeur libre,récentemaison installée dans la Loire, la col-lection « La Bibliothèque » auraitmême pu suffire à satisfaire les lec-teurs amateurs d’écriture poétique.Mais les éditeurs ont choisi d’allerplus loin et de créer une collectionspécifiquement dédiée à la poésie,à travers des livres simples etmodestes dans leur forme.« Plupartdu temps », c’est le nom de cettecollection,accueille donc des poèteset crée des rapprochements a prioriinattendus, en sortant les titresdeux par deux. Joël Roussiez et

Patrick Dubost inaugurent la collec-tion : le premier est très sensible aupaysage et crée une poésie autourd’une relative absence de sujet ; lesecond conçoit ses poèmes commeun dispositif sonore et visuel. Lesprochains opus seront ceux de deuxauteurs publiés pour la premièrefois : Véronique Arbez et Sylvie Brès.

Caroline Schindler

Joël RoussiezNous et nostroupeaux58 p., 10 €, ISBN 978-2-35577-005-0

Patrick Dubost)Le Corps dupaysage(91 p., 12 €, ISBN 978-2-35577-006-7

actualités / librairie

Mille titres pourles collèges !Poursuivant son travail éditorialpédagogique et soucieux de multi-plier les instruments de travail etd’information à destination desenseignants, le Centre régional dedocumentation pédagogique del’académie de Grenoble vient depublier un cédérom intitulé Milletitres pour les collèges, dans sa col-lection « Banques pédagogiques ».Un répertoire commenté de litté-rature jeunesse autant quede grands classiques, quireprend les contenus del’ouvrage papier en lescomplétant,en les mettantà jour et en les dévelop-pant, notamment grâceaux coups de cœur del’équipe de la revue Lire aucollège,publiée également

par les éditions du CRDP. Accessibleaux enseignants et à l’ensemble desmédiateurs, le cédérom propose,pour chaque titre, un résumé cri-tique et, le plus souvent, quelquespistes pédagogiques qui permet-tront d’aller plus loin. Le moteur derecherche, simple et pratique, per-met par ailleurs d’effectuer desrecherches thématiques et parniveau de classe,avec des mots-clésprésélectionnés,qui pourront orien-ter d’éventuels travaux. Un outil

soucieux de la culturehumaniste de l’élève,cinquième compétencedu socle commun desconnaissances. L.B.

CRDP de l’académie de GrenobleAvenue Général Champon38031 Grenoble cedexwww.crdp.ac-grenoble.fr

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grands auteurs-illustrateursdans les communes environ-nantes. 2006 sera le pointd’orgue de cette activité :cette année-là, elle organisepas moins de 80 rencontres,un peu partout dans le paysvoironnais.

Un commerçant militant

Aujourd’hui,Pascale Chemainvend sa librairie pour pour-

suivre sa route. Les projets ne man-quent pas. On retiendra en particu-lier deux idées originales : remplacerde petits libraires pendant leurscongés et partager son savoir-faire enconseillant des structures sur l’orga-nisation d’animations autour du livre.C’est sans regret qu’elle laisse sonancien outil de travail, entre debonnes mains.Laurence et Thierry Ponset repren-nent en effet la librairie à partir du28 février.Elle conçoit des sites pourles bibliothèques, lui, diplômé del’ENSSIB, dirige Opsys, une entre-prise proposant des solutions infor-matiques pour les médiathèques.L’univers du livre, ils connaissentbien, et ont décidé de passer del’autre côté du comptoir. Au pro-gramme, la création d’un site web,

Finalistes et vainqueurs

Dans le numéro de décembre 2008de Livre & Lire, nous étions revenussur la rentrée littéraire des éditionsChamp Vallon, à travers un entre-tien avec Laurent Nunez, auteur desRécidivistes, roman inclassable etvirtuose. On se félicite donc de

retrouver ce livre dans la sélection duprix Goncourt du premier roman. Findu suspens le 3 mars… Et puis les Édi-tions Mosquito auront peut-être le prixBD 2009 des lecteurs de Libérationpuisque La Bête, tome 5 de L’Esprit duvent, signé Gianfranco Manfredi etPasquale Frisenda,a été sélectionné parun jury composé de journalistes deLibé et de personnalités de la bandedessinée, avec neuf autres titres ayantmarqué l’année 2008. Résultats dansle journal… Enfin, dans le cadre de laFête du livre jeunesse de Saint-Paul-Trois-Châteaux, le Sésame, prix coup de cœurdes classes de 4e, récompense cetteannée Be Safe, de Xavier-Laurent Petit(L’École des loisirs). Quant au Pitchou,qui rend hommage à un album pour lestout-petits, il revient à Hervé Tullet,pourLe Grand Livre du hasard (Éditions duPanama). L. B.

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Librairie Chemain6, rue Adolphe Peronnet38500 Voiron

la poursuite des animations et lavolonté de compléter l’offre scolairepar la vente de manuels d’occasion.La philosophie générale est celle duservice en direction des lecteurs,maisaussi des collectivités locales. Maisavant tout, les nouveaux propriétairesveulent prendre leurs marques afin defaire perdurer un esprit de « commer-çant militant ». Marion Blangenois

Voiron change de libraires, mais pas de librairie

Suivre son ChemainLa librairie Chemain, une institution à Voiron, dans l’Isère, changede mains. L’occasion de revenir sur le parcours de l’actuelle pro-priétaire et le profil des repreneurs.

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Fabienne Swiatly,Sylvie Deshors,Jean-Yves Picq et les autres…- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

« Cinquétral. Résidence.Jura. Neige. Froid. Verglas.Je prends mes marques. Jem’acclimate. Je vais passercinq mois dans une maisonau cœur d’un petit village àplus de 900 mètres d’alti-tude ; accueillie par Saute-Frontière et la Maison de la poésie transjurassienne.Ateliers d’écriture, lectures,échanges… Haut-Jura. » Onpeut suivre sur son blog(www.latracebleue.net)

l’aventure de la résidence deFabienne Swiatly, qui séjourneraau cœur du Parc naturel régionaldu Haut-Jura pendant cinq mois, àl’invitation de Saute-Frontière, uneassociation qui cherche à créerdes liens entre la création litté-raire et la culture de montagne.Fabienne Swiatly nous donneraprochainement des nouvelles desa résidence dans Livre & Lire.

www.sautefrontiere.fr www.latracebleue.net

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L’écrivain Sylvie Deshors, elle,attend le printemps pour se rendrecôté sud… Elle sera en effet l’invi-tée de la prochaine résidence d’écri-ture de Saint-Paul-Trois-Châteaux,dans la Drôme, menée par la Fête

du livre,dont la 25e édition vient dese dérouler.Trois mois de résidence,de la mi-mars à la mi-juin, qui per-mettent de prolonger les activitésde la Fête du livre et de proposerune médiation en continu de la lit-térature jeunesse,à Saint-Paul-Trois-Châteaux mais aussi dans la région.Cinquième hôte de cette résidence,qui existe depuis 2005 et privilégiele temps de création (1/4 du tempsest cependant réservé à la média-tion),Sylvie Deshors,auteur de Monamour Kalachnikov (Éditions duRouergue),bénéficiera d’une boursede la Région Rhône-Alpes alors quela Fête du livre sera aidée par laDRAC Rhône-Alpes pour l’organisa-tion de l’accueil.

www.slj26.com

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La médiathèque de Vaise, dans le9e arr. de Lyon, dont on connaît legoût prononcé pour le théâtre etles arts vivants, accueille en rési-dence, jusqu’au 27 février, YvesCharreton, de la Compagnie Fenilhirsute, pour un spectacle autourde la pièce de Jean-Yves Picq, LeContrat des attachements.Un prin-cipe de résidence qui permet à l’ar-tiste de disposer d’un lieu de tra-vail durant deux mois et de créer,en contrepartie,un spectacle pourle public de la médiathèque.Représentations les 26 et 27 févrierà 19h30. Jean-Yves Picq fera,quantà lui, une lecture de Joris, le 24février à 12h30.

www.bm-lyon.fr

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zoom /résidencesLa résidence comme respiration

là, en plus du programme initial…Pourtant, il faut savoir dire stop ».L’angoisse de l’écrivain en résidence,c’est en effet de s’assurer qu’il pourratout de même s’asseoir devant sonécran ou son cahier. Ses hôtes onttout prévu,justement : hébergement,bureau, ordinateur, imprimante,connexion Internet… Ils n’ont enrevanche pas précisé le temps sauvépour l’écriture.Impossible calcul, à l’évidence, caril en va d’une résidence comme

Depuis le 15 janvier et jusqu’au31 mars, Michel Thion est en rési-dence d’écriture à Saint-Martin-d’Hères, accueilli par la Maisonde la poésie Rhône-Alpes. Unexercice de plongée, où il fauttrouver sa respiration.

Pour ces deux mois et demi d’immer-sion dans la ville et au-delà,un travailest notamment prévu avec des élèvesdu lycée Pablo Neruda, ainsi qu’unecréation à l’école de musique de laville. Féru de dialogue avec les musi-ciens, Michel Thion a trouvé chez ledirecteur une oreille acquise à sacause. Le dialogue avec une classed’improvisation a commencé.Rendez-vous en mars pour un concert-lectureen public.Un atelier d’écriture ouvert à tousfigure aussi au programme, ainsiqu’un atelier d’expression avec desélèves du primaire dans le Trièves, etun bout de chemin à faire vers leGrésivaudan tout proche, où l’attendune classe de lycée. Sans oublierquelques apparitions dans des librai-ries de Grenoble.Tout cela commence à se savoir,déjà.« On dit que la poésie n’intéresse per-sonne,mais j’ai déjà été interpellé pardes gens qui veulent m’inviter ici ou

d’autres explorations : on ne saitjamais où cela mène, et les cheminsde traverse, les distractions, les sortiesde route,font partie du voyage.MichelThion en a fait le constat lors d’uneprécédente expérience à Saint-Nazaireet à Nantes,où il partageait au quoti-dien la vie d’un théâtre,« avec ce quecela suppose de rencontres, derebonds.On peut bifurquer en route. »Le poète-résident est ainsi voué àl’improvisation. À l’incertitudequant à la chose produite.

Financée par le Centre national dulivre, la résidence de Michel Thionrepose sur un cahier des charges quivise à protéger la part de la création,30 % seulement du temps étantdévolu à l’animation littéraire. Parailleurs, la commission d’attributionexamine la qualité d’un projet d’écri-ture déjà avancé.« Est-ce un absolu ? »questionne opportunément le poète.« Le travail que j’ai commencé, c’estun gros chantier,une expérimentationentre récit et écriture poétique, j’espèreque j’aurai du temps pour cela. »De son côté, la Maison de la poésieRhône-Alpes, qui mène là son troi-

sième accueil en résidence,a aussi ses attentes. Sondirecteur, Pierre Vieuguet,souhaite ainsi que la parolepuisée pour partie « dans ceterreau » aboutisse à un tra-vail d’édition. Juste publi-cité pour ce que la prési-dente de l’association,Brigitte Daïan, présentecomme « un engagementimportant de la structure ».Le défi du poète-résident estdonc aussi celui-ci : conten-ter tout le monde,soi-même,les autres, les institutions, ladéontologie. Trouver l’équi-libre. Respirer l’air de la ville.S’inspirer de. Souffler. Écrire.Danielle Maurel

Michel Thion se consacrepleinement à l’écrituredepuis quelques années.Son dernier recueil, Unefleur sur la neige, illustrépar les peintures d’AnneWeurlesse, a paru chezVoix d’encre en 2008.

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Publication des actes du Forum de la SGDL

Quel écrivain dans quelle cité ?La Société des gens de lettres faitparaître les actes d’un Forum surla place de l’écrivain dans la cité,qui s’est tenu l’an dernier à Paris.Résumé des débats et des enjeux.

Le Forum organisé par la Société desgens de lettres (SGDL) s’est tenu àParis en octobre 2008 et a réuni,autour de la question de « L’écrivaindans la cité », des universitaires(notamment Bruno Blanckeman),des écrivains (Arnaud Cathrine,Noëlle Chatelet, Anne-Marie Garat,Sylvie Germain, Brigitte Giraud,Pierre Jourde,Philippe Ségur,PierreSenges…),des éditeurs,des libraires,des responsables de manifestationslittéraires et d’institutions,des jour-nalistes, etc. L’occasion d’interroger,à travers quatre thèmes, la place oul’absence de place de l’écrivain dansla société : « Écrire et vivre »,« Écrireet être lu », « Écrire et transmettre »,« Écrire et s’engager ».À lire l’ensemble des interventions,publiées aujourd’hui par la SGDLdans un petit fascicule – et dispo-nibles sur Internet –, on peut dési-gner les lignes de tension qui cer-nent le statut et la fonction del’écrivain ainsi que ses rapports avecle monde social et politique.Entre « écrire et vivre », il y a ainsi àla fois la nécessité du retrait etl’obligation de « l’écoute dumonde », le temps de l’écriture etcelui des sollicitations – de plus enplus nombreuses, selon les écri-vains interrogés. Entre « écrire etêtre lu », il y a la question du statutde l’écrivain,à défaut de sa statue…

Le deuxième lieu de débat fait ainsile point sur la reconnaissancesociale des auteurs, ces « rescapésde la société marchande », commeles appelle l’agent littéraire FrançoisSamuelson, et les risques liés auxnouvelles formes de publicationstelles qu’elles sont apparues surInternet : un « miroir aux alouettes »et « la mort de l’auteur », selonl’éditeur Gilles Haéri ; un « véritabletsunami en matière de productionde contenus et de diffusion », pourJean-Marc Savoye, responsable dusite lepublieur.com.

Le temps de la lecture

Mais dans cette course à la transmis-sion, les modalités techniques nesont pas les seules à évoluer. Ainsi,pour Dominique Bondu, respon-sable du CRL de Franche-Comté,les écrivains sont de plus en plusnombreux à prendre le risque des’engager dans des rencontres avecleurs lecteurs, ce qui constitue « unenjeu essentiel pour réinscrire lelivre dans le lien social ».Les écrivains, antidotes à la crise ?Peut-être, dans la mesure où la lec-ture donne accès à un temps entotale contradiction avec la « tem-poralité accélérée » que nous subis-sons de plus en plus fortement.Les questions sont innombrables, lesavis divergents, les réponses forcé-ment au pluriel. Mais avec la publi-cation des actes de ce Forum, laSGDL permet aux professionnels etaux médiateurs du livre de se poserla question de la place de l’écrivaindans la chaîne du livre, et aux lec-teurs comme aux citoyens de s’in-former et de mieux comprendreles réalités de l’écriture et de lapublication. L.B.

Pour accéder aux actes du Forum :www.sgdl.orgrubrique documentation, les dossiers de la SGDL

Pour obtenir la publication :[email protected]

Chaque mois, retrouvez Géraldine Kosiak,en texte et en image,pour un regard singulier, graphique, tendre et impertinent surl'univers des livres, des lectures et des écrivains...

Au travailChaque début d’année commence par le bilan de l’année pré-cédente. J’ai souvent cette impression de ne pas travaillerassez vite.Décembre 1960,Georges Simenon s’interroge, lui aussi.Commentrépondre à ceux qui le questionnent sur ce qu’il fait quand iln’écrit pas ? Il se sent casanier, pantouflard. Cette année-là, seu-lement trois romans, cela lui semble bien peu.Toujours au mêmerythme : huit jours d’écriture, quelques jours de détente, puisune semaine pour revoir tout ça (à cette époque, il écrit au crayonde papier, il aime en tailler une centaine d’avance).Et le reste du temps ?La démesure de l’attente. Manger avec les enfants à heures fixes,lire seize kilos de dossiers sur une affaire criminelle, relire toutela correspondance et les ouvrages livrant l’emploi du temps deBalzac, les annoter et puis écrire un brouillon de cent quarantepages pour improviser devant une caméra, fréquenter le premierCongrès de criminologie à Lyon, recevoir Henry Miller, remettreune palme d’or à Federico Fellini...Et moi, que fais-je en ce moment ?Pas grand-chose, et pourtant je suis toujours très occupée.Je relis Tout Simenon !

Georges SimenonTout Simenon, tome 26Presses de la Cité, 2004Collection Omnibus

chronique Géraldine Kosiak

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regards /écrivains

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Conviviales »,c’est le nomde ce terrifiantparadis sécuri-taire, ne fontpas recette. Pasencore.Mais avec l’ar-rivée des pre-miers voisins,sensiblementdu même âge,puis celle d’unefemme seule,qui déchaîne la curiosité de tous,les choses changent peu à peu.Pour le meilleur, et puis surtoutpour le pire… Car les autres nesont jamais ceux que l’on imagine.Et, au bout des histoires sombreset tranquilles, que raconte PascalGarnier, tout le monde se révèlefinalement capable d’être commeles autres…

Lune captive dans un œil mort,titre western pour une descenteaux enfers tout à fait contem-poraine : la retraite. Tout y estpossible, même si l’on sait àcoup sûr que ça finira mal…Avec son sens du noir et du déri-soire, Pascal Garnier étudie unnaufrage collectif in vitro.

L’immense plage déserte et mono-tone de la retraite… Martial etOdette, des seniors encore verts,doivent la parcourir de long enlarge et par tous les temps – essen-tiellement pluvieux, malgré lespromesses des prospectus, qui lesont poussés à quitter leur banlieueparisienne. Dans ce lotissementrésidentiel protégé du sud de laFrance, où ils viennent d’emména-ger, ils sont en quelque sortecondamnés aux vacances perpé-tuelles. Et à la solitude. Car « Les

Des monstresordinaires

Dans ce nouveauroman, l’écrivainorganise minu-tieusement unhuis clos mena-çant de person-nages qui se sontdébarrassés deleur avenir etgèrent leur dériveavec un grandsouci de l’organi-sation.Mais le principalennemi contrelequel tous ces

candidats à l’éternité doivent lutter,c’est le temps.Odette,qui veut abso-lument apprendre quelque chose –mais quoi ? –, le sait bien : « Tout cetemps, à présent… C’était commela traversée d’un long dimanche.Le temps lui appartenait, à elle, rienqu’à elle, elle pouvait en faire cequ’elle voulait. Cependant, cetimmense territoire vierge dont on

lui faisait cadeau n’était qu’un grosglaçon flottant sur un océan devide qui fondait davantage chaquejour. C’était un peu angoissant, elleavait peur de gâcher. Elle n’avaitpas l’habitude, c’est encombrant laliberté. »À sa manière, toute de précision etde tranquillité, de phrases sècheset cassantes, de dialogues et dedécors convenus, Pascal Garnierlivre un roman où les secrets et lesblessures intimes finissent une foisencore par imposer le drame.Jusque dans les nids faussementdouillets de ces retraités, monstresordinaires, parvenus à l’âge del’isolement et de la peur. L.B.

PascalGarnierLune captivedans un œilmortZulma160 p., 16,50 €ISBN 978-2-84304-465-6

livres & lectures/ littérature

Un récit intime de Hafid Aggoune

Écrire contrel’absence« Entre les lignes, je ne voyais pas desmots ou une histoire, je voyais au-delà ce qui m’avait manqué dans celong tunnel sans lumière et sansmère, cette longue apnée sans malangue maternelle. » Confessiond’un écrivain,pour qui la lecture futl’instrument de la survie et l’écriturele moyen de se révéler, de se sentirprésent,« avéré »,de gagner un corpset de survivre à l’absence.Pas une tra-gédie,plutôt unesimple affaire decirconstances…Dès l’âge dedeux ans, et jus-qu’à quatre ans,

le narrateur,Hervé, a été séparé de samère. Son père l’a envoyé dans safamille, en Algérie, jusqu’à ce qu’ilsoit en âge d’aller à l’école et de reve-nir à Saint-Étienne, où le couple estinstallé. Plus simple, plus pratique,plus économique… De ce séjour, quidevait tout d’abord être court ets’avéra interminable, le petit garçongardera un profond sentiment de soli-tude, qui ne le quittera plus. Jamais.Ce court texte, évidemment auto-biographique, de Hafid Aggounepart d’une photographie où l’enfantfigure avec sa mère, sur la côtemarocaine, lors de l’été des retrou-vailles, en 1978 : la première image

d’un bonheur possible, d’un bon-heur réel, et le témoignage d’uneseconde naissance. Entre le vide dela mère et le plein de l’écriture s’estnoué un lien que l’écrivain s’efforceici de comprendre et d’analyser,avecsensibilité. Pour aller plus loin. Etrêver au-delà des lignes. L.B.

Sirop d’érableSi vous aimez (un peu) que l’auteurvous prenne par la main dès la pre-mière page et ne vous la lâche plus.Si vous supportez (assez bien fina-lement) sa petite voix un peu insis-tante,d’une fraîcheur naïve.Si vousne trouvez rien à redire à son omni-science, son sens curieux du non-suspense, sa façon d’être souvent aubord de trop en dire. Si vous avezle sentiment (sans en faire forcé-ment un plat) que la trame de cer-tains romans ressemble à un cahierdes charges bien ficelé. Ici : une his-toire d’amour + une histoire d’ami-tié + les pentes de la Croix-Rousse+ le temps qui passe + des person-nages bien trempés + des quiproquos

et des péripéties romanesques. Sivous appréciez la langue françaiseavec une pointe de sirop d’érable.Si vous ne rechignez pas à vous payerun bon livre qui ne (se) prend pas latête.Si vous vénérez Chaplin.Si vousaimez la nostalgie à dose compa-tible avec votre optimisme naturel.Eh bien, alors, ne rougissez pas dedire, comme l’auteur de cette chro-nique, que vous avez pris un plaisircertain à traverser ce roman pleinde sentiments et d’émotions, entreamour du cinéma et évocation réus-sie de l’avant-guerre dans le petitmonde des ateliers. Et que cetteVictoria (qui est bien l’héroïne pro-mise par le titre) est une vieille dameassez épatante qu’on aimerait rencon-trer dans le square en bas de chez soi.Et qu’on irait même jusqu’à boire un

mauvais vin (enfinpas trop) avec elle.D.M.

MélikahAbdelmoumenVictoria et levagabondÉditions Marchand de feuillesISBN 978-2-922944-45-7

Le nouveau roman, cruel et acide, de Pascal Garnier

Fin de partie

Hafid AggouneRêve 78Éditions Joëlle Losfeld72 p., 9,50 €ISBN 978-2-07-078754-8

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Monsieur William : un petit albumqui a tout d’un grand

MonsieurBlanpainBlanpain et Caussimon,en voilà uncouple bien assorti… Qui ne connaîtpas Monsieur William, la chansoncomposée en 1950 par Jean-RogerCaussimon et mise en musiquepar Léo Ferré, chantée par SergeGainsbourg, Les Frères Jacques ouCatherine Sauvage ? Monsieur William,cet homme comme il faut etemployé modèle qui, « un beausoir du mois d’août », où il faisaitsi bon et si doux, est allé flâner auhasard dans la 13e Avenue telle-ment mal fréquentée…

La publication concomitantede Coups de Cœur et Elmouthn’aime pas, par Séverin Millet,laisserait penser,malice des titresoblige, à une nouvelle farce deCupidon pour ces temps de Saint-Valentin. Ce hasard éditorial nedevrait pas déplaire à l’auteurdont la démarche artistiqueconsiste justement à jongleravec les associations d’idées etles jeux de mots…

S’il est question d’amour ou dedésamour dans ces deux nouveauxalbums,les registres sont en revanchebien différents. Avec Coups de cœur(Seuil Jeunesse), une abeille, un peuvolage (sic),rencontre l’amour sous desformes aussi variées qu’inattendues…L’album s’ouvre sur un sommaire-inventaire de trente-cinq rencontresque les pages suivantes viennentillustrer. Ainsi, l’abeille tomberaamoureuse d’un cœur papillon(nœud papillon),d’un cœur à mordre(os) ou encore d’un cœur enflammé(flamand rose).Le plaisir de lecture tient autant àl’identification du cœur dans la pagequ’à la mémorisation du jeu deformes – ou de mots – associé.

L’histoire courte et dramatiqued’un homme décidé à se perdredans les bas-fonds de la grande ville.Un thème de série noire pour lequelJean-Pierre Blanpain a composé unevingtaine de linogravures – en blanc,noir et bleu – dans un traitementexpressionniste et stylisé quirésonne années 20. On y retrouvel’esprit des prodiges graphiquesaccomplis par Frans Masereel dansses bois gravés et l’image kaléidosco-pique d’une ville dépravée, où la viese perd au milieu des rixes et de lamusique de jazz, où les êtres à ladérive se retrouvent sur les trottoirs,parfois vivants, parfois morts. Fintragique de la balade pour MonsieurWilliam – « Vous manquez detenue ! » –, dont l’existence ne lais-sera derrière elle rien d’autre que cesquelques traces de pas : « Un aveugle,

en gémissant / Sans lesavoir, a marché dans lesang, puis dans la nuit, adisparu… » La ville estindifférente, le mondecontinue. Avec ou sansMonsieur William. Pournous, grâce à Jean-PierreBlanpain et à ce très jolilivre, ce sera avec. L.B.

Jean-Roger CaussimonIllustrations de Jean-Pierre BlanpainMonsieur WilliamEsperluète ÉditionsAlbum non paginé, 14 €ISBN 978-2-930223-92-6

L’ACT MEM

L’Azur, stratégie de l’emprunt chez Mallarméd’Éric GarnierL’emprunt, conscient ouinconscient, constitue depuistoujours une part nonnégligeable du processus de création poétique. ÉricGarnier démontre comment,chez Mallarmé, cet aspectrevêt un caractère autrementcrucial qui l’inscrit au seinmême de l’enjeu esthétique.

112 p., 17 €ISBN 978-2-35513-029-8

CHAMP VALLON

Histoire des ordres et des congrégationsreligieuses du MoyenÂge à nos joursde Sophie HasquenophCet ouvrage est une histoiredes religieux et religieusescatholiques français depuisles origines. Il présentel’identité, la spécificité et la diversité des grandesfamilles religieuses, leuradaptation aux différentesépoques et mutationshistoriques, ainsi que leurplace dans la société, l’État,la vie économique etculturelle de notre pays.

Collection Les Classiques1344 p., 39 €,ISBN 978-2-876734-95-1

CHRONIQUE SOCIALE

(Re)découvrir le métierde prof d’école : la preuve par neufde Dominique SénoreLe lecteur est invité àpartager les aventuresprofessionnelles de Fred,un/e remplaçant/e, appelé/edans une école pourquelques jours ou quelquessemaines. Descriptionromancée ou fictionréaliste, chacune de cesnouvelles plonge le lecteurdans la réalité quotidiennedes professeurs des écoles.

Collection Pédagogie, formation80 p., 6 €ISBN 978-2-85008-754-7

CRDP DE GRENOBLE

Photos de famille etHistoire : 5 séquencespour les classesd’histoire et de françaisau lycéede Joël Mak, dit MackLes photographies prises ausein de la famille constituentautant de traces pouvantservir à la connaissance de notre passé. Les cinqséquences proposées (niveau Bac Pro) permettentd’intégrer des photographiescomme documentshistoriques à l’étude desmutations techniques etsocioculturelles des années1850-1950.

138 p., 12 €ISBN 978-2-86622-827-9

livres & lectures/ jeunesse

On retrouve la même démarchedans Elmouth n’aime pas (ActesSud Junior). Cette fois, on assiste à laconfrontation page à page des désirset des goûts d’Elmouth : « Elmouthn’aime pas…, il préfère… » Derrièreces énoncés très simples, les liens etles logiques les plus fantaisistes seconstruisent dans l’image pour déca-ler le propos et surprendre le lecteur.En découpant la réalité pour l’assem-bler autrement, en s’amusant dessignes et du sens,Séverin Millet s’ins-crit dans une démarche surréaliste.D’album en album, il crée son proprelexique, son propre inventaire, aussiétonnant graphiquement qu’espiègle.On aime. Anne-Laure Cognet

Séverin MilletCoups de cœurSeuil Jeunesse44 p., 12 €ISBN 978-2-02-098997-8

Séverin MilletElmouthn’aime pasActes Sud Junior32 p., 10 €ISBN 978-2-7427-7982-6

Les derniers albums de Séverin Millet

Un peu, beaucoup,passionnément…

nouveautés des éditeurs

ÉDITIONS ANNA CHANEL

La Marche des géantsd’Hervé LeblanIl est des aventures que l’onne peut vivre qu’à hauteurd’imaginaire et des hérosqui sont là pour nous ouvrirles portes mystérieuses.Entrons ensemble dansl’univers d’Archie qui vabraver bien des dangerspour sauver René, sapeluche qu’il vient d’égarer.

50 p., 16,50 €ISBN 978-2-917204-12-2

À PLUS D’UN TITRE

Ça tourne !d’Yves NeyrollesYves Neyrolles construit au fil des pages un retoursur sa jeunesse. Inventaire,ré-invention, à partir de l’usine familiale,de l’éducation reçue,des rêveries adolescentes,avant la fuite vers d’autres horizons.

264 p., 19 €ISBN 978-2-91748-603-0

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CRÉAPHIS

Le Fond et la surface :photographies dubassin minier deProvencede Fabienne BarreLa mine de Gardanne aarrêté son exploitation en2003. Durant plusieurssiècles, elle a modifié lepaysage et la vie sociale duterritoire avoisinant, duMassif de l’Étoile auxvallées des rivières de l’Arc

et de l’Huveaune. Mêlantphotographies et réflexions,l’ouvrage s’intéresse à ceterritoire dans sa dimensionpatrimoniale, mémorielle etartistique et aux empreintesde l’homme sur le paysage.

124 p., 28 €ISBN 978-2-35428-016-1

FAGE ÉDITIONS

QI2

de Jean GourounasVous avez aimé QI, le testd’intelligence absolu etdéfinitif, vous allez adorer ce QI-là. Plus gros, plusbeau, plus cher : 50nouvelles questionsréunissant un castingéblouissant de stars et descentaines de figurants

que je meproposed’offrir aulecteur. »

200 p., 17 €ISBN 978-2-84137-226-3

ORGANIC ÉDITIONS

El Levird’Alain DamasioPour un Scribe de la tremped’El Levir, calligraphier leLivre, jusqu’au bout, sous ladictée tournante des Valetsde Matière, est l’épreuve quijustifie une vie. Le texte,pourtant, s’avèreétonnamment court, lamanière est libre et le tempsn’est en rien limité… Certes,il faut doubler la taille des

lettres tous les deux mots ;certes, le texte s’efface de lamémoire du Scribe aussitôtécrit, pour s’inscrire dans soncorps d’une très brûlantefaçon… El Levir le devinait.Il est prêt.

collection Petite bulle d’univers16 €, ISBN 978-2-9523101-5-4

PUG (PRESSES UNIVERSITAIRES

DE GRENOBLE)

La Diffusion descroyances populaires : le cas de l’effet Mozartd’Adrian BangerterÉcouter de la musiqueclassique nous rend-il plusintelligent ? Cette croyance,connue sous le nom d’effetMozart, s’est répandue àtravers les États-Unis dans lesannées 1990. L’auteur explore

bourrés de talent. Vousallez rire, pleurer, frémir.Entièrement imprimé, celivre qui se lit comme unroman-photo est avant toutun test qui va faire de vousplus qu’un surhomme : il va faire de vous… un survous !

150 p., 18 €ISBN 978-2-84975-150-3

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cacher pour montrer. Non. Il préfèreentrer dans le vif du sujet, éclairer sespensées de mots simples et précis,fairepartager son expérience du monde.Prenons par exemple le poème parson commencement. D’où il mevient ? Comment il me vient ? Celas’appelle pour certains l’inspiration,oul’inatteignable.Pour d’autres,dont évi-demment Siméon, ce seront d’abordles influences : un oncle,un père,unefamille politique, un milieu social.

Entre exigence et laisser-aller

Voyons maintenant le rôledu poète : il lui vient à cetendroit de drôles d’idées d’in-carnation, d’une langue quise compromettrait avec l’his-toire sociale, économique,politique. Rien de moins ! Lereste est à l’avenant : l’ensei-gnement et le goût pour latransmission (de belles etjustes intuitions sur le couplelire/écrire), la tentation duroman (et de la langue quierre), le théâtre et sa parole

Donner la parole à un poète est chosedangereuse : il peut ne jamais larendre. Autrement dit : décider defaire silence sur ce qui le pousseà écrire des mots plus hauts queles autres. Rester dans le retrait,le retable presque, l’en dehors dela vie et du grand jour.Jean-Pierre Siméon,l’auteur de Traquerla louve, Fuite de l’immobile, LeSentiment du monde…, n’est pas dugenre à se taire pour mieux dire, se

immédiate, le rugby et son « jeu d’at-taque au grand large »… c’est toutSiméon, en tout et pour tout, qui sedécouvre : « un engagement de vie »,selon la juste formule de Yann Nicol.Et c’est finalement la vraie réussite decette conversation, conduite par uneoreille au diapason, soucieuse d’en-tendre puis d’attendre,que d’arriver àfaire toucher le « corps » de la poésiede Siméon. Ce corps qui n’a qu’unnom : l’amour. L’amour au risque dulyrisme : « Je crois profondément quesi on a peur, en écrivant de la poésie,d’être débordé par l’affect, par la sub-jectivité, il ne faut pas en écrire ».Telleest la salutaire et vertueuse leçon demystère d’un poète libre, qui reven-dique ici plus que jamais l’alternanceentre « les plaisirs et les faiblesses »,« l’exigence et le laisser-aller ». Roger-

Yves Roche

Jean-Pierre SiméonUsages du poème. Conversation avec Yann NicolLa Passe du vent144 p., 13 € - ISBN 978-2-84562-138-1

(Yann Nicol collabore à Livre & Lire)

Histoires deréseauxLe rôle de la culture dans la construc-tion de la société de demain, c’estautour de cet axe que se développentles interventions réunies dans Culture& Société, ouvrage piloté parl’Observatoire des politiques culturellessuite à un cycle de conférences.

Synthèse de diverses interventionsmenées par des philosophes,des éco-nomistes,des sociologues,des acteursculturels…, on y retrouve plusieursdébats, notamment ceux de l’excep-tion culturelle, de l’évaluation despolitiques publiques et de la place du« citoyen » dans la consommationculturelle. Avec des contributionsd’Edgar Morin, Alain Touraine,Françoise Benhamou, MichelWieviorka, Bernard Stiegler…Autre réseau, virtuel celui-ci, et pour-tant de plus en plus présent dans laréalité des échanges,celui d’Internet,étudié lors d’un colloque du Collègeinternational de philosophie,en 2006,sous la direction de Paul Mathias,Françoise Massit-Folléa et GérardWormser : L’Internet, entre savoirs,espaces publics et monopoles. Onconnaît l’intérêt des éditions SensPublic pour ces questions, et cetouvrage propose un tour d’horizonphilosophique sur les notions de com-munauté et d’individu telles qu’ellesse trouvent redéfinies dans le cadredu numérique. La pensée au cœurdes conséquences anthropologiques,culturelles et sociales des nouvellestechnologies. L.B.

Culture & société Un lien à recomposerSous la direction de Jean-Pierre SaezÉditions de l’attribut216 p., 20 € ISBN 978-2-916002-08-8

L’Internet, entre savoirs,espaces publics et monopolesSens Public224 p., 17 € ISBN 978-2-9524947-9-3

livres & lectures/ essais

ÉDITIONS JÉRÔMEMILLON

La Petite Bible des jeunes épouxde Ch. Montalban,édité par Alain Corbin« Dans ma carrièremédicale, j’ai eu lieude faire bien souventd’amères réflexions sur lebonheur conjugal. Commetout médecin digne de cenom, j’ai été, quoiquejeune encore, ledépositaire de petitssecrets, de ces mille riensen apparence qui ontsouvent, pour l’avenir d’unménage, des conséquencesimportantes. C’est le fruitde mes pensées reposantsur l’ensemble deconnaissances pratiques

Un livre d’entretiens avec Jean-Pierre Siméon

Sans fard, ni manièresLes livres d’entretiens et autres conversations à bâtons rompus –ou pas – sont à la mode. Ratés, ils sont à mourir de lire. Réussis, ilsnourrissent le lecteur et lui donnent envie d’aller voir plus loinencore. Usages du poème est, de ce point de vue, un plat de choix,aussi frais que revigorant.

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Sélection des nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpesréalisée par Caroline Schindler

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la plus agréable à vivre » ? En écrivain et en voyageur,Jean-Yves Loude la parcourt avec gourmandise.En obser-vant,en interrogeant,en donnant la parole aux habitants,en cherchant à comprendre… Ce véritable journal d’uneville qu’est Planète Brasília prend la forme d’une longuelettre, évoquant l’histoire et la géographie, les rêves et lesréalités, les sensations et les couleurs liées à la ville. Unprodige urbain et un très beau périple littéraire.

Conte des origines

Mais Jean-Yves Loude a toujours publié, en parallèle de sesenquêtes et romans pour les adultes, des récits pour la jeu-nesse. Il a aussi toujours cherché à diffuser les musiques despays explorés en produisant de nombreux disques.Ces deuxdémarches se rejoignent avec la parution de La Sanza deBama, illustrée par Frédérick Mansot.Ce conte des originesexplique comment la sanza,petit instrument de musiqueafricain aussi appelé « piano à pouces », fut donnée auxhommes… Le livre est accompagné d’un excellent CD

du collectif Lézards noirs, quimêle reprises traditionnelles(Zimbabwe,Congo…) et créationsen hommage à cet instrument.Pour se laisser bercer… L.B. et A.-

L.C.

Jean-Yves Loude : du Brésil à l’Afrique

Planète voyageDe la Sanza de Bama aux rythmes architectu-raux de Brasília, tout est affaire de musique…À travers deux petits livres singuliers, Jean-YvesLoude nous entraîne dans la trace de ses voyages.D’un continent l’autre.

On avait dit que ce serait la capitale de l’espérance…Une utopie architecturale sortie du sol par la volontédes hommes, en plein cerrado, cette savane pous-siéreuse qui règne sur le milieu du pays. Conçuepar l’urbaniste Lucio Costa, l’architecte OscarNiemeyer, sous l’impulsion du bâtisseur incroyableque fut le président Juscelino Kubitschek, Brasíliaest désormais sur la liste du patrimoine mondialde l’humanité établie par l’Unesco. Mais quiconnaît cette ville, « la plus pénible à visiter mais

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les facteurs favorisantl’émergence, la diffusion et le déclin de cette croyancepopulaire. Ce cas est intégré dans une réflexion sur lesdifférentes formes decroyances populaires, commeles rumeurs, les légendesurbaines et les théories du complot.

collection Vies sociales216 p., 20 €ISBN 978-2-7061-1475-5

PUL (PRESSESUNIVERSITAIRES DE LYON)

André Gide - LéonBlum : Correspondance(1890-1951)édité par Pierre LachasseCette correspondancecomprend soixante-et-onzelettres des années de

Le défi chinois« Le ciel est haut, l’empereur est loin », dit unproverbe chinois. Et le fait est que les décisionspolitiques prises à Pékin en matière de régula-tion des naissances sont appliquées de manièrespécifique selon les régions et les ethnies.Le livrede Françoise Chabert, Naître en chine, conçuavec de nombreuses photographies de QiangZhang, aborde la foisonnante question de lapolitique familiale de la Chine, confrontéedepuis quelques décennies à ses démons démo-graphiques, mais aussi, depuis toujours, à uneculture de la tradition ancestrale. Entre néo-confucianisme et communisme, entre moder-nisation forcenée et politique des quotas, laplanification des naissances, dont les débutsremontent aux années 50, reste un enjeu fon-damental des relations sociales telles qu’ellessont structurées dans l’immense Chine. Un

pays – un milliardcinq cents mil-lions d’habitants àl’horizon 2020 ! –aux yeux duquelon cache certainsenfants, nés sans« autorisation »…Avec son récitsimple et biendocumenté,Naîtreen Chine est unlivre d’ouverture etd’information. L.B.

Françoise ChabertPhotographies de Qiang ZhangNaître en Chine Éditions Alternatives128 p., 19 €ISBN 978-286227-569-7

Jean-Yves LoudePhotographiesde Viviane LièvrePlanète BrasíliaTertium Éditions144 p., 13,50 €ISBN 978-2-916132-18-1

jeunesse, qui révèlent un Blum encore étudiant,intimidé par la réussitelittéraire de Gide et piégépar sa facilité à passerd’une amitié à l’autre.L’équilibre ne se rétablitqu’à la suite des combatsdu Front populaire etsurtout des souffrances de la prison et de ladéportation. Tous deuxpeuvent alors se découvriren toute authenticité dans la sérénité de l’œuvre accomplie.

215 p.,18 €ISBN 978-2-7297-0811-5

Jean-Yves LoudeIllustrations de Frédérick MansotLa Sanza de BamaCD Lézards noirsBelin, 16 €ISBN 978-2-7011-4850-2

Souvenirsd’ItalieD’origine belge, compagnon de

Cendrars, Albert t’Sterverstens a laissénombre de récits de voyages dontcelui-ci, où l’Italie se déroule dans unesuite d’instantanés un peu jaunis parle temps. À Amalfi et à Salerne, maisaussi à Assise, Palerme et dans unearmée de villages en fêtes ou en deuil,Albert t’Serverstens met en scène lavie des hommes, des femmes et destraditions, racontant une Italie dont ona fait « une nécropole esthétique, ellede qui la beauté est faite de vie sous lalumière. » Illustrant cette vie, l’écrivainraconte des histoires antiques ouanciennes qui se mêlent au présent –pour nous, déjà le passé. Une Italie decontes, de légendes, de matins calmeset de beautés assoupies, de person-nages fantasques et indolents, relatéepar l’écriture chantante d’Albertt’Serverstens, amoureux de son sujet :« Mais je ne puis rien traduire de labeauté des choses qui m’entourent,parce qu’il me faudrait apprendre unlangage nouveau pour dire ce quim’émerveille. » L’occasion de redécou-vrir ces chroniques à travers une édi-tion timidement illustrée. L.B.

Albert t’ServerstensAquarelles d’André PazdzerskiLa Fête à AmalfiÉditions du Lampion192 p., 21,80 € - ISBN 978-2-917976-03-6

livres & lectures/ voyages

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La poésie au-delàdes frontièresL’association Saute-Frontière –

Maison de la poésie transjuras-sienne de Cinquétral a accueilli les8 et 9 janvier l’Assemblée généralede la Fédération européenne desMaisons de la poésie. Créée en2005, cette fédération regroupe àce jour 28 membres, en France, enBelgique et en Allemagne, et viseà favoriser l’existence et le rayon-nement des maisons de la poésie.

L’AG a permis de valider un rapportmoral encourageant, d’où émergeun fort esprit de mutualisation.Celase traduit notamment par l’organi-sation de tournées de poètes étran-gers dans les différentes « MAIPO »(les coûts de transport étant ainsipartagés), mais aussi par un solideprincipe d’entraide dans la concep-tion des programmations et la miseen œuvre de journées internationalesde la Fédération,sur la base d’un pro-gramme commun (mais éclectique)de manifestations poétiques.

La Fédération permet aussi la visi-bilité des Maisons et de leurspublications par sa présence surdes salons du livre en France et àl’étranger. Malgré l’adhésion pour2009 de nouveaux membres italienet suisse, le volet européen, quipeine à exister pleinement à causedes distances, reste sans doute lepoint faible de ce regroupement.Mais gageons que les années àvenir sauront nous faire mentir.M.B.

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Directeur de la publication : Geneviève Dalbin

Rédacteur en chef : Laurent Bonzon

Assistante de rédaction :Marion Blangenois

Ont participé à ce numéro : Anne-Laure Cognet, GéraldineKosiak, Danielle Maurel,Jean-Claude Mourlevat,Roger-Yves Roche et Caroline Schindler.Remerciements à VivianeLièvre pour les photographies

Livre & Lire / Arald 25, rue Chazière - 69004 Lyon tél. 04 78 39 58 87 fax 04 78 39 57 46 mél. [email protected] www.arald.org

Siège social / Arald1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecy tél. 04 50 51 64 63 - fax 04 50 51 82 05

Conception : PerluetteImpression : ImprimerieFerréol (Imprim'Vert).Livre & Lire est imprimé sur papier 100% recyclé avec des encres végétales

ISSN 1626-1331

Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

nous écrire > > > >

[email protected]

n’y aurait-il pas de la littérature exi-geante dans les espaces culturels desgrandes surfaces ? Jean Echenoz esttrès content d’être chez Leclerc… ».

L’aventure du livre

Autodidacte fougueux, l’ancien res-taurateur de Limoges voit plutôt lavie devant lui. Il assume ses para-doxes et son image d’homme d’affaires avec le sourire. « Je suis unmilitant du livre qui joue au golf demanière obsessionnelle… ». Rire.Puis modération de la fréquenceself-made-man pour évoquer leshéritages et les élans décisifs.Grandlecteur durant l’enfance, il voit dansla BD « les restes à peu près maîtri-sés » de ce terreau d’émotions. Il nethéorise pas sur le père, rescapéd’Oradour et devenu compagnontailleur de pierre, mais l’acquiesce-ment devant l’énergie affleure.Quant à la plongée dans l’aventuredu livre, il affirme ce qu’elle doit àla rencontre avec la dessinatriceGuth Joly, même si leurs cheminspersonnels ont divergé. « BD Fugue,l’idée vient d’elle. Dans le mot, il yavait tout, le tempo et l’envie des’échapper… » La gratitude ne faitvisiblement pas défaut à ce franc-tireur, qui rend hommage, parailleurs, à son équipe d’Annecy et àla déjà longue fidélité de certainscompagnons.Épineuse question du temps.Durer,oui, mais surtout faire, recommen-cer, inventer sans cesse. « Le jour oùje m’ennuie, j’arrête tout.» Parole delibraire. D. M.

www.bdfugue.com

la production éditoriale,et pas seulement les titres d’élite,l’expérimental, le pointu.Les mots sont lâchés, petites flèches acérées qui ciblentprincipalement un monde que Jean-Jacques Roby connaîtparfaitement, lui qui a fait ses premières armes de libraireen 1981. Un certain « ghetto de la bande dessinée », sesmagasins étroits et « parfois sales »,son langage codé et sesréférences pour initiés.Un monde qui vit en vase clos,« sansmême un bout de chaise où s’asseoir en feuilletant un albumdevant un bon café chaud ». C’est en réaction à tout celaque sa librairie, installée au cœur d’Annecy,devient,en 1998,BD Fugue Café. La réussite est vite au rendez-vous, l’heu-reux propriétaire de la marque fait naître plusieurs autrescafés-BD, à Lyon d’abord, puis à Lille, Bordeaux, Nice,Grenoble et Besançon.

La vie devant lui…

Banale affaire de franchise,alors ? Certesnon. D’abord Jean-Jacques Roby s’in-vestit totalement dans chaque création.À commencer par le choix du gérant :« il faut que ça colle entre nous très vite,sinon j’arrête tout ! ». Il cherche ou valideles sites d’implantation, pilote les choixarchitecturaux avec Jacques Losserand,architecte annécien, met les pieds et lesmains dans le chantier. « J’apporte sur-tout ma compétence dans le cœur dumétier, où la gestion ne souffre pas l’ama-teurisme.» Par ailleurs, les « bédé-fugueurs »forment un réseau, permettant des éco-nomies d’échelle et des actions com-munes,dont les tournées de dédicaces. Ilss’inscrivent aussi dans un cercle plus large,

qui publie BDCAF’Mag, un magazine d’information etde liaison.Pas question,en revanche,d’aller s’installer n’im-porte où, au risque de menacer un confrère : « je suis làpour pérenniser le livre, pas pour le faire disparaître ».Simplement ce rêve : créer pour la bande dessinée uneenseigne généraliste et généreuse,qui attire tout ensemblele profane, l’amateur éclairé et le passionné. Dit autre-ment : « pourquoi seule la FNAC vendrait-elle du LuckyLuke ou du Largo Winch ? Pourquoi,de la même manière,

L’art de la fugueAncien restaurateur, libraire, entrepreneur, hommepressé, Jean-Jacques Roby n’a pas les deux piedsdans le même sabot. Inventeur des cafés-librairiesBD Fugue Café, il voue à la bande dessinée unepassion qui se décline aujourd’hui en réussiteset chiffres d’affaires. Le franc-parler et certainsraccourcis pourraient agacer. Et pourtant…

Le rendez-vous est donné au BD Fugue Café à Grenoble,dans une petite rue feutrée de l’hyper-centre. À l’inté-rieur, ambiance de pierres nues et de couleurs vives,flamboiement du bar, impression de liberté et de

confort. Les rayons sont bien et diversement garnis, lesobjets dérivés et les sérigraphies ne manquent pas àl’appel. On est au cœur d’un concept que Jean-JacquesRoby s’emploie à détailler. Objectif n°1 : grâce au barlicence IV, injecter de la convivialité à l’univers de la bandedessinée, où manque d’espace rime trop souvent avecesprit confiné et entre soi. Objectif n°2 : attirer un publicféminin largement rejeté aux marges d’un monded’hommes.Objectif n°3 : donner à voir, sans rougir, toute

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