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LA PRIERE SACERDOTALE DU CHRIST Jean 17,1-26

17 1 Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit : "Père, l'heure est venue : glorifie ton Fils, afin

que ton Fils te glorifie 2 et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à

tous ceux que tu lui as donné. 3 Or, la vie éternelle c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. 4 Je t'ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin l'oeuvre que tu m'as donné de faire. 5 Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j'avais auprès de toi, avant que fût le monde. 6 J'ai manifesté ton nom aux hommes, que tu as tirés du monde pour me les donner. Ils étaient à toi et tu me

les as donnés et ils ont gardé ta parole. 7 Maintenant ils ont reconnu que tout ce que tu m'as donné vient de

toi ; 8 car les paroles que tu m'as données, je les leur ai données, et ils les ont accueillies et ils ont vraiment

reconnu que je suis sorti d'auprès de toi, et ils ont cru que tu m'as envoyé. 9 C'est pour eux que je prie ; je ne

prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m'as donnés, car ils sont à toi, 10 et tout ce qui est à moi est à

toi, et tout ce qui est à toi est à moi, et je suis glorifié en eux. 11 Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, je viens vers toi.

Père saint, garde-les dans ton nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient un comme nous. 12 Quand j'étais avec eux, je les gardais dans ton nom que tu m'as donné. J'ai veillé et aucun d'eux ne s'est perdu, sauf le fils de

perdition, afin que l'Ecriture fût accomplie. 13 Mais maintenant je viens vers toi et je parle ainsi dans le monde,

afin qu'ils aient en eux-mêmes ma joie complète. 14 Je leur ai donné ta parole et le monde les a haïs, parce

qu'ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. 15 Je ne te prie pas de les enlever du

monde, mais de les garder du Mauvais. 16 Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. 17

Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité. 18 Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai

envoyés dans le monde. 19 Pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. 20 Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, 21 afin que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie

que tu m'as envoyé. 22 Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un comme nous

sommes un : 23 moi en eux et toi en moi, afin qu'ils soient parfaits dans l'unité, et que le monde reconnaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé.

24 Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils contemplent

ma gloire, que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde. 25 Père juste, le monde

ne t'a pas connu, mais moi je t'ai connu et ceux-ci ont reconnu que tu m'as envoyé. 26 Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux."

C'est la grande prière d'oblation et d'intercession du Sauveur à l'heure de son sacrifice sur la Croix. Jésus est tout offrande à son Père, totalement remis entre ses mains dans un ultime acte d'abandon et en même temps il intercède dans une vision totale : pour les siens présents, ses Apôtres, et pour tous les croyants de tous les temps ; pour tous ceux qui grâce

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aux Apôtres recevront son enseignement et se rangeront sous sa conduite – lui, le Bon Pasteur par excellence. Pour saisir le sens fondamental de cette prière et toute sa portée il faut se plonger dans l'Ancien Testament au chapitre 16 du Lévitique qui décrit la fête des Expiations "Yom kippour"

16 2 Yahvé dit à Moïse : Parle à Aaron ton frère : …

3 Voici comment il pénétrera dans le sanctuaire : avec un taureau destiné à un sacrifice pour le péché et un bélier pour un holocauste… 5 Il recevra de la communauté des enfants d'Israël deux boucs destinés à un sacrifice pour le péché et un bélier

pour un holocauste. 6 Après avoir offert le taureau du sacrifice pour son propre péché et fait le rite d'expiation

pour lui et pour sa maison, 7 Aaron prendra ces deux boucs et les placera devant Yahvé à l'entrée de la Tente

du Rendez-vous. 8 Il tirera les sorts pour les deux boucs, attribuant un sort à Yahvé et l'autre à Azazel. 9 Aaron

offrira le bouc sur lequel est tombé le sort "A Yahvé" et en fera un sacrifice pour le péché. 10 Quant au bouc sur lequel est tombé le sort "A Azazel", on le placera vivant devant Yahvé pour faire sur lui le rite d'expiation,

pour l'envoyer à Azazel dans le désert. 11 Aaron offrira le taureau du sacrifice pour son propre péché, puis il fera le rite d'expiation pour lui et pour sa maison et immolera ce taureau…

14 Puis il prendra du sang du taureau et en aspergera avec le doigt le côté oriental du propitiatoire ; devant le

propitiatoire il fera de ce sang sept aspersions avec le doigt. 15 Il immolera alors le bouc destiné au sacrifice pour le péché du peuple et il en portera le sang derrière le rideau. Il procédera avec ce sang comme avec celui

du taureau, en faisant des aspersions sur le propitiatoire et devant celui-ci. 16 Il fera ainsi le rite d'expiation sur le sanctuaire pour les impuretés des Israélites, pour leurs transgressions et pour tous leurs péchés.

Ainsi procédera-t-il pour la Tente du Rendez-vous qui demeure avec eux au milieu de leurs impuretés. 17 Que personne ne se trouve dans la Tente du Rendez-vous depuis l'instant où il entrera pour faire l'expiation dans le sanctuaire jusqu'à ce qu'il en sorte !

Quand il aura fait l'expiation pour lui, pour sa maison et pour toute la communauté d'Israël, 18 il sortira, ira à l'autel qui est devant Yahvé et fera sur l'autel le rite d'expiation. Il prendra du sang du taureau et du sang du

bouc et il en mettra sur les cornes au pourtour de l'autel. 19 De ce sang il fera sept aspersions sur l'autel avec

son doigt. Ainsi le purifiera-t-il et le séparera-t-il des impuretés des enfants d'Israël. 20 Une fois achevée

l'expiation du sanctuaire, de la Tente de Rendez-vous et de l'autel, il fera approcher le bouc encore vivant. 21 Aaron lui posera les deux mains sur la tête et confessera à sa charge toutes les fautes des Israélites, toutes leurs transgressions et tous leurs péchés. Après en avoir ainsi chargé la tête du bouc, il l'enverra au désert sous

la conduite d'un homme qui se tiendra prêt, 22 et le bouc emportera sur lui toutes leurs fautes en un lieu aride.

Quand il aura envoyé le bouc au désert, 23 Aaron rentrera dans la Tente du Rendez-vous, retirera les

vêtements de lin qu'il avait mis pour entrer au sanctuaire. Il les déposera là, 24 et se lavera le corps avec de l'eau dans un lieu consacré. Puis il reprendra ses vêtements et sortira pour offrir son holocauste et celui du peuple. Il fera le rite d'expiation pour lui et pour le peuple… 27 Quant au taureau et au bouc offerts en sacrifice pour le péché et dont le sang a été porté dans le sanctuaire pour faire le rite d'expiation, on les emportera hors du camp et l'on brûlera dans un feu leur peau, leur chair et

leur fiente… 34 Cela sera pour vous une loi perpétuelle ; une fois par an se fera sur les enfants d'Israël le rite d'expiation pour tous leurs péchés. Et l'on fit comme Yahvé l'avait ordonné à Moïse.

Le grand prêtre pénètre dans le sanctuaire avec un taureau pour le sacrifice, pour ses propres péchés et un bélier pour l'holocauste destiné à l'expiation pour ses péchés ceux de sa propre famille (famille sacerdotale). Dans un second temps il reçoit des fils d'Israël deux boucs, l'un pour un sacrifice à Yahvé pour le péché du peuple et l'autre pour le rite d'expiation lequel sera envoyé au désert à Azazel (nom d'un démon que les anciens Hébreux et Cananéens croyaient habiter le désert, terre infertile où Dieu n'exerce pas son action

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fécondante). Symboliquement ce bouc émissaire reçoit sur lui toutes les transgressions des Israëlites, leurs péchés. Ce rite avait lieu une fois par an pour qu'Israël, le peuple de l'Alliance, retrouve sa pureté originelle et sa vocation particulière "être le peuple de Dieu au milieu du monde", le peuple choisi. Cette structure tripartite :

- prière pour le prêtre (Aaron) - Prière pour sa famille - Prière pour le peuple

est reprise dans la grande prière sacerdotale de Jésus qui prie : - Pour lui 17, 1-8 - Pour les siens, les Apôtres 17, 9-19 - Pour ceux qui croieront en lui sur la parole des Apôtres 17, 20-26 – le peuple des

croyants.

Il y a là une vision universelle du Salut ; mais la pensée unique de cette prière est celle de l'œuvre du Christ pour la gloire du Père.

Jésus se sanctifie lui-même, procure aux siens la sainteté et enfin de compte il procure le salut de tous comme il l'avait annoncé déjà en Jn 6,51 : "le pain que je donnerai c'est ma chair pour la vie du monde".

Cette prière de Jésus le montre bien comme grand prêtre au jour de l'Expiation Lv 16,1 ; son élévation sur la Croix constitue l'expiation définitive du monde dans sa totalité en dépit de tant de mal qui le ravage par le péché, la haine, la destruction, la soif de puissance. La grande différence entre l'A.T. et le N.T. c'est qu'après le sacrifice par excellence que représentent la Passion et la mort sur la Croix, suivies de la Résurrection, il n'est plus besoin d'aucun autre sacrifice.

Dans l'A.T. Yom Kippour était renouvelé tous les ans par le grand prêtre, de nature humaine, alors que par le sacrifice du Christ, Fils du Père et Dieu lui-même, Verbe incarné, notre nature humaine est prise tout entière dans son Sacrifice qui nous divinise. Dieu s'est fait homme, pour que l'homme soit divinisé, et c'est définitif. Notre nature humaine redevient capable d'alliance avec Dieu. Nous sommes réconciliés avec Dieu en Jésus Xt. Et si cette alliance est rompue par le péché, en Jésus nous pouvons renouer cette alliance par le sacrement de réconciliation.

Les sacrifices d'animaux de l'ancienne Alliance sont dépassés. Dans la prière de Jésus qui s'exprime en langage humain, c'est la Parole par excellence, le Verbe de Dieu qui prend

leur place. Cette Parole "entraîne donc toutes les paroles humaines dans le dialogue

intérieur avec Dieu"1

Par ailleurs on peut rapprocher de cette grande prière de Jésus un passage du

psaume 40,7-9 : 7 Tu ne voulais sacrifice ni oblation, tu m'as ouvert l'oreille, tu n'exigeais

holocauste ni victime,

8 alors j'ai dit : Voici, je viens. Au rouleau du livre il m'est prescrit

1 Benoît XVI

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9 de faire tes volontés ; mon Dieu, j'ai voulu ta loi au profond de mes entrailles.

C'est l'obéissance, le oui à la Parole qui est source de vie, non les sacrifices. Alors le Verbe prend corps attire à lui la condition humaine, la transporte dans la Parole de Dieu, la transforme en oreille qui écoute et en obéissance qui accomplit. La Parole est faite chair, elle est un corps donné, un sang versé. On retrouve bien ici sans difficulté les premières lignes du

Prologue de la Règle : "écoute, tends l'oreille de ton cœur, mets en pratique…"

Une autre référence à l'A.T. d'une très grande importance est le rapprochement avec le 4e chant du Serviteur en Is 52,13 – 53,12 52 13 Voici que mon serviteur prospérera, il grandira, s'élèvera, sera placé très haut. 14 De

même que des multitudes avaient été saisies d'épouvante à sa vue, -- car il n'avait plus figure

humaine, et son apparence n'était plus celle d'un homme -- 15 de même des multitudes de

nations seront dans la stupéfaction, devant lui des rois resteront bouche close, pour avoir vu ce

qui ne leur avait pas été raconté, pour avoir appris ce qu'ils n'avaient pas entendu dire.

53 1 Qui a cru ce que nous entendions dire, et le bras de Yahvé, à qui s'est-il révélé ? 2

Comme un surgeon il a grandi devant lui, comme une racine en terre aride ; sans beauté ni

éclat pour attirer nos regards, et sans apparence qui nous eût séduits ; 3 objet de mépris,

abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu'un

devant qui on se voile la face, méprisé, nous n'en faisions aucun cas. 4 Or ce sont nos

souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions

comme puni, frappé par Dieu et humilié. 5 Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes,

écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses

blessures nous trouvons la guérison. 6 Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun

suivant son propre chemin, et Yahvé a fait retomber sur lui nos fautes à tous. 7 Maltraité, il

s'humiliait, il n'ouvrait pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir, comme

devant les tondeurs une brebis muette, il n'ouvrait pas la bouche. 8 Par contrainte et jugement

il a été saisi. Parmi ses contemporains, qui s'est inquiété qu'il ait été retranché de la terre des

vivants, qu'il ait été frappé pour le crime de son peuple ? 9 On lui a donné un sépulcre avec

les impies et sa tombe est avec le riche, bien qu'il n'ait pas commis de violence et qu'il n'y ait

pas eu de tromperie dans sa bouche. 10 Yahvé a voulu l'écraser par la souffrance ; s'il offre sa

vie en sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours, et par lui la volonté

de Yahvé s'accomplira. 11 A la suite de l'épreuve endurée par son âme, il verra la lumière et

sera comblé. Par sa connaissance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en

s'accablant lui-même de leurs fautes. 12 C'est pourquoi il aura sa part parmi les multitudes, et

avec les puissants il partagera le butin, parce qu'il s'est livré lui-même à la mort et qu'il a été

compté parmi les criminels, alors qu'il portait le péché des multitudes et qu'il intercédait pour

les criminels.

Le Serviteur de Dieu charge sur ses épaules l'iniquité de tous (Is 53,6), s'offre lui-même en expiation (Is 53,10) porte le péché des multitudes (Is 53,12) ; il manifeste en tout cela le ministère du grand prêtre. Ces textes donnent une vision prophétique du sacerdoce du Christ. Dans ce passage le grand prêtre à venir est bien à la fois le prêtre et la victime et réalise ainsi la réconciliation entre Dieu et les hommes.

Dans le sacrifice du Serviteur souffrant on relève deux caractéristiques étroitement liées entre elles : ce sacrifice est volontaire 'il s'est livré lui-même à la mort' et ce sacrifice se prolonge par une prière d'intercession 'il a porté la faute des multitudes, il intercède pour les

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pécheurs' (Is 53,12), dans la douceur, comme un agneau. Livré à la mort, acte définitif qui ne se reproduira plus et intercession, c'est le rôle continu du Christ qui 'intercède toujours pour nous devant le Père'. Jésus accepte librement la volonté du Père sur lui. On voit bien ainsi le rapport étroit de ce texte de l'A.T. avec notre ch.17 : Jésus agit bien en qualité de grand prêtre : il se sacrifie et il prie.

Il existe cependant une différence entre nos deux textes : "alors qu'en Isaïe la prière

du serviteur est une intercession pour la restauration de l'Alliance entre Dieu et la multitude pécheresse, en Jean il s'agit de conduire l'Alliance entre Dieu et les hommes à son suprême achèvement l'unité des disciples qui doit être assez forte pour réfléchir l'unité du Père et du

Fils"2

Ce chapitre 17 de Jean fait suite aux dernières instructions de Jésus aux siens sur la vigne, sur les disciples dans le monde ch.15 dont Jean reprend les idées et sur la venue du Paraclet, l'envoi de l'Esprit Saint pour conforter les Apôtres et les faire entrer concrètement (en acte et en vérité) dans le mystère divin ch.16.

"L'idée fondamentale de la théologie johannique est sans doute celle-ci : Dieu qui est

en lui-même amour, convie les hommes à une véritable communion d'amour avec lui par son Fils et dans l'Esprit Saint.

"… Ces rapports mutuels entre Dieu et les disciples de Jésus apparaissent avant tout

comme le fruit par excellence de l'Eucharistie…

"Le ch.17 apporte à cette doctrine un ultime développement. Elle nous dit que les

disciples du Xt doivent être unis entre eux comme le Père et le Fils ne font qu'un. Elle nous présente l'unité des Personnes divines dans la Trinité tout à la fois comme la source et le modèle de l'union des chrétiens entre eux. Qu'est-ce à dire sinon que la communion des disciples entre eux est précédée et commandée elle-même par leur communion à la vie divine, fruit elle-même de la communion eucharistique ? Dans ces conditions il apparaît clairement que la grande prière de Jean 17 dont le thème fondamental est l'unité des

croyants entre eux, a un arrière-plan et une résonnance eucharistiques."3

Si dans cette grande prière l'Esprit Saint n'est pas explicitement mentionné, en réalité son action est partout présupposée et en particulier par la consécration dans la vérité du verset 17, inséparable de la consécration en esprit comme il est annoncé en Jn 4,23 :

" 23 Mais l'heure vient -- et c'est maintenant -- où les véritables adorateurs adoreront le Père

dans l'esprit et la vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. 24 Dieu est esprit, et

ceux qui adorent, c'est dans l'esprit et la vérité qu'ils doivent adorer."

L'objet fondamental de ce chapitre c'est que l'Eglise apparaisse comme miroir de l'unité du Père et du Fils.

2 A. Feuillet le sacerdoce du Xt et de ses ministres 3 A. Feuillet : id. p. 17-18

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Quatre grands thèmes semblent se dégager de cette prière du Seigneur : - La vie éternelle - La consécration dans la vérité - La connaissance du Nom - L'unité

1ère PARTIE Jésus prie pour lui

17 1 Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit: "Père, l'heure est venue:

glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie

Jésus tourne résolument son regard vers son Père "il se transporte dans la sphère

céleste"4. Ce geste lui était familier ; on le retrouve dans la multiplication de pains (Lc 9,10-

17) dans le miracle du sourd muet (Mc 7,34), sur Lazare (Jn 11,41). Ici le ton devient hautement filial avec l'invocation du nom de Père qui ponctuera cette prière à quatre reprises avec des ajouts : Père saint, Père juste V/ 1;5;21;24. C'est un dialogue divin entre le

Père et le Fils. Ainsi, l'heure dont il parlait à Cana : "mon Heure n'est pas encore venue", se

réalise ici pleinement "Père, l'Heure est venue".

L'heure de Jésus comporte deux aspects :

1) Le temps de la pleine manifestation de ce qu'il est, de son unité avec le Père, le triomphe de la lumière sur les ténèbres

2) Le drame de sa Passion, celui des souffrances et de la Crucifixion, celui de

l'aveuglement des hommes "Père, ils ne savent pas ce qu'ils font".

A travers ces événements humains, c'est en réalité Satan, le Prince des ténèbres, qui mène l'action en secret. Et si le mal en apparence semble vainqueur, en réalité l'Heure de Jésus est celle de sa victoire sur toutes les forces du mal dans la plus extrême faiblesse. Cette Heure de Jésus constitue le sommet de toute l'histoire du monde. Tout l'A.T. est orienté vers le Salut opéré en Jésus Xt et du côté transpercé de Jésus nait l'Eglise, la vie de l'Eglise jusqu'à la fin des temps. En cette prière s'accomplit déjà le mystère de notre Rédemption. C'est l'acte suprême de Jésus allant à son Père pour notre Salut. C'est déjà l'accomplissement de la Croix. Nous sommes introduits et enseignés par Jésus dans le déroulement de la Passion Résurrection.

"glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie". Cette gloire que le Père donne au Fils c'est la Vie Trinitaire et le pouvoir sur toute chair c'est la Vie Eternelle. Si Jésus demande d'être glorifié ce n'est pas qu'il cherche sa propre gloire mais sa gloire et celle du Père ne font qu'un. Cette gloire est apparue au moment de l'Incarnation lors de la venue de Jésus sur

4 Lagrange

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notre terre ; qu'on se rappelle le chant des anges : "gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur

la terre paix aux hommes objet de sa complaisance." C'est aussi le témoignage de Jean 1,14 :

"Nous avons vu sa gloire". C'est la foi de Jean qui a vu la gloire et celle de ceux qui ont cru.

Mais ceux qui ont refusé de croire n'ont pas vu sa gloire ; c'est le rejet du peuple d'Israël, surtout de ses dirigeants : pharisiens, scribes et grands prêtres. Dans l'A.T. la gloire c'est le rayonnement de la majesté divine, le poids écrasant de Dieu. Pour Jean, la gloire touche à l'être même de Jésus, ce qui est en lui au-delà de l'apparence et ne se révèle qu'à la foi de ceux qui l'entourent et après eux, de ceux qui y adhéreront. La gloire que le Fils donne au Père se réalise concrètement dans l'œuvre qu'il accomplit selon la volonté et le dessein du Père, de sauver l'humanité en lui communiquant cette gloire c'est-à-dire en divinisant l'homme. Il ne faut pas oublier que c'est par la Croix que doit s'opérer cette Rédemption et donc aussi la glorification du Xt. Saint Léon dit

admirablement bien de Jésus : "Le prêtre tout puissant et éternel, qui, semblable à nous et égal au Père, a abaissé

la divinité jusqu'au niveau de l'homme et élévé l'humanité jusqu'au niveau de Dieu".

2 et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous

ceux que tu lui as donnés !

Dans le texte grec le pouvoir "exousia" signifie tout à la fois : le pouvoir, la faculté, la

liberté de faire quelque chose qui résulte de l'absence d'obstacles extérieurs, ou encore la puissance qui s'impose par elle-même, qui se manifeste par un simple commandement. Dans le contexte qui nous occupe ce terme exprime la royauté souveraine de Dieu à qui rien ne peut faire obstacle. On le constate dans les miracles accomplis par Jésus ou lorsqu'il perce les pensées secrètes des pharisiens, telle est le pouvoir du Père confiée au Christ5. Le pouvoir sur toute chair, c'est-à-dire sut toute créature, sur tout homme, n'enlève pas aux hommes la libeté de prendre parti pour le Père en se laissant attirer par la Parole, le Verbe, son Fils.

"Que tu lui as donné" ; ce verbe donner revient trois fois dans ce verset, il caractérise

l'intercommunication du Père au Fils et du Fils aux disciples. Dieu se donne en son Fils dont il est le Père. Dieu nous donne son Fils et ce Fils se donne à nous dans sa Parole (les Evangiles) dans le Pain de l'Eucharistie pour nous communiquer la vie éternelle. Ce don que nous font le Père et le Fils c'est l'Esprit Saint qui procède du don de l'amour total entre le Père et le Fils.

"Il donne la vie éternelle" Qu'est-ce que cette vie éternelle ? Il n'y en n'a qu'une pour le

présent et l'au-delà, c'est celle du Dieu trinitaire. Il ne s'agit pas pour nous chrétien d'attendre une quelconque vie de l'au-delà ; par le baptême au nom du Père et du Fils et du St Esprit c'est déjà la vie éternelle qui coule dans nos âmes, ce sont les Trois Personnes

5 Il s'agit du pouvoir du Père confié à la nature humaine de Jésus, car il est bien entendu que dans sa nature divine il est égal au Père et possède même gloire avec Lui de toute éternité.

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divines qui nous habitent, qui ont en nous leur demeure. L'œuvre rédemptrice du Christ c'est la création d'une humanité nouvelle qui nous rend apte à la vie éternelle. 3 Or, la vie éternelle c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as

envoyé, Jésus-Christ.

{Connaître au sens biblique c'est : choisir, discerner, aimer, créer une communion). Connaissance qui procède d'une expérience, d'une présence qui s'achève dans l'amour. Dans le livre de l'Exode revient plusieurs fois de la part de Dieu : Ils (les israélites) doivent croire en moi (Dieu) et en Moïse son envoyé ; or l'envoyé du Père par excellence

c'est Jésus. La vie éternelle est donc "un événement relationnel"6. C'est la rencontre de Jésus

avec l'homme et de l'homme avec Jésus. "L'homme a trouvé la vie quand il s'attache à celui

qui est lui-même la Vie".7 Connaître au sens biblique implique donc une plénitude telle que la

communion de vie des époux. Un tel connaître est à la base de toute l'Alliance, si bien que le mariage est le symbole sacramentel de l'union nuptiale entre Dieu et son peuple, chantée par les prophètes et qui s'accomplit dans le N.T. C'est ce qu'entend dire Jean Baptiste quand

il annonce : "Voici l'Epoux qui vient".

4 Je t'ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin l'œuvre que tu m'as donné de faire. (j'ai achevé l'œuvre)

On pourrait traduire : « j'ai consommé l'œuvre » Mieux que le verbe 'mener' Jésus a

conduit à terme – est allé jusqu'au bout – a achevé. Sur la terre : l'œuvre du Verbe, du Verbe incarné, Dieu fait homme, c'est de racheter le monde, de sauver l'homme, de lui rendre sa dimension divine, c'est-à-dire, de le rendre (capax Dei) capable de communier avec Dieu.

"L'œuvre que tu m'as donné" – cette œuvre est commune au Père et au Fils ; Le Père fait

connaître au Fils sa volonté de sauver tous les hommes et le charge de l'exécuter ; il lui fait confiance pour la réalisation de son dessein de salut.

. 5 Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j'avais auprès de toi, avant

que fût le monde.

"Et maintenant" Cette conjonction relie deux temps de la glorification de Jésus : Jésus glorifie

son Père sur la terre par son œuvre de Rédemption ; il s'agit des œuvres "ad extra" – hors de

la Trinité, des signes qu'il accomplit – et il glorifie son Père au sein même de la Trinité,

œuvres "ad intra" de toute éternité. "Glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j'avais auprès

de toi" – ce que nous pouvons expliquer par les paroles de Jean dans son Prologue : "au

commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu". Maintenant Jésus achève sa mission

sur la terre. La volonté du Père accomplie, il retourne vers ce Père avec lequel il n'a

6 Benoît XVI : Jésus de Nazareth T.II, p.107 7 Benoit XVI : id

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cependant pas cessez de vivre de toute éternité. Les évangiles le montrent toujours en lien avec son Père, la nuit en prière ou dans ses actes de miséricorde, de guérisons etc…

6 J'ai manifesté ton nom aux hommes, que tu as tirés du monde pour me les donner. Ils étaient

à toi et tu me les as donnés et ils ont gardé ta parole.

Ce verset et les deux suivants semblent bien être rattachés à ce qui précède, ils explicitent plutôt l'œuvre que Jésus a accompli sur la terre. La prière effective pour les Douze

ne commencera qu'au V.9 "c'est pour eux que je prie".

Les Apôtres sont considérés tantôt comme un groupe nettement distinct du reste des disciples qui reçoivent un enseignement particulier et privilégié, tantôt comme point de départ de la communauté tout entière des croyants ce qui signifie bien qu'ils sont les premières pierres de l'Eglise qui va se perpétuer en ceux qui croiront grâce à leur parole ; il y a continuité dans une seule Eglise, celle du Christ. Le ministère des Apôtres est au service des frères.

Revenons à la mission de Jésus : c'est de "manifester" le Nom de Dieu. C'est par toute

sa vie qu'il le manifeste. Ce nom indicible que les Hébreux ne prononçaient pas et que les

juifs pieux de nos jours traduisent par "l'Eternel, béni-soit-il", s'était révélé à Moïse au

buisson ardent comme "Celui qui est" – Je suis – mais aussi comme "le Dieu de vos Pères,

Abraham, Isaac, Jacob" Ex. 3,6-14. Ce Dieu inaccessible en quelque sorte au Peuple de

l'Alliance condescend à se révéler en s'incarnant dans son Verbe, sa Parole vivante, Jésus Christ. Dieu le Père qui désire nous réconcilier avec Lui manifeste en Jésus la tendresse qui l'habite ; il fait toujours le premier pas – que l'on pense au père du prodigue qui chaque jour perce l'horizon pour courir au-devant de son fils dès qu'il l'apercevra. Le nom de Dieu est

"MISERICORDE" que Jésus manifeste à chaque page des Evangiles.

Le nom c'est la personne dans son être même ; c'est ce qui la caractérise (Jésus = Yahvé sauve). Les hommes que le Père donne au Fils ce sont les Apôtres, les douze pour lesquels Jésus a prié avant de les choisir. "Ils sont tirés du monde", choisis, mis à part dans leur pauvreté même, dans leur impuissance. Jésus, lui-même dira : "je te remercie, Père, d'avoir

caché cela aux puissants et de l'avoir révélé au tout petits". Dans leur humilité ils acceptent

jésus comme envoyé du Père, ils s'appuient sur sa parole ; ils le voient à l'œuvre et acceptent d'être formés, façonnés, transformés par lui.

"Ils ont gardé la Parole" il y a convergence entre 'j'ai manifesté ton Nom' et 'ils ont

gardé ta Parole' – le Nom et la Parole – Jésus réalise en lui-même cette convergence, par son

Nom même 'Yahvé sauve" et parce qu'il est le Verbe du Dieu - la Parole vivante de Dieu -

celui qui manifeste l'amour de Dieu ; les Apôtres vont garder cette Parole et ils auront à la transmettre après la Résurrection et surtout après la Pentecôte lors de l'effusion de l'Esprit Saint. Comme Dieu est Père de Jésus, Jésus nous apprend que Dieu veut être aussi notre Père.

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7 Maintenant ils ont reconu que tout ce que tu m'as donné vient de toi ;

Encore "maintenant" – Au terme de sa course terrestre Jésus constate dans l'attitude des

siens qu'ils le reçoivent comme l'envoyé du Père et qu'ils reconnaissent ses 'dire' comme

ceux du Père. "Tout don excellent, toute donation parfaite vient d'en haut et descend du Père des lumières, chez qui n'existe aucun changement, ni l'ombre d'une variation."8 Et le don par excellence c'est Jésus lui-même, c'est Dieu le Père en son Fils. 8 car les paroles que tu m'as données, je les leur ai données, et ils les ont accueillies et ils ont

vraiment reconnu que je suis sorti d'auprès de toi, et ils ont cru que tu m'as envoyé

Ici, le terme grec 'les paroles' – rhemata – visent les signes accomplis, les événements ; ce n'est plus 'logos' – la parole, le Verbe - il s'agit des paroles et des faits, c'est-à-dire, des miracles (ou des œuvres) accomplis par Jésus selon la volonté du Père. 'Le Père et moi nous

sommes un'. A partir des signes les Apôtres et certains de leurs contemporains, surtout dans le petit pleuple, ont cru que Jésus était l'envoyé du Père, le Messie promis et attendu depuis des générations et en ont conclu à son origine divine. "Si cet homme n'était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire"9

2ème PARTIE Jésus prie pour ses Apôtres

. 9 C'est pour eux que je prie ; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m'as

donnés, car ils sont à toi,

Jusqu'au V.20 c'est vraiment la prière de Jésus pour ses plus proches, ceux qu'il a formé pour l'annonce de la Bonne Nouvelle – l'Evangile – et qui, l'épreuve de la Passion dépassée, grâce à l'effusion de l'Esprit Saint à la Pentecôte, vont allumer le feu sur la terre. Dans ces versets 9 – 19, toutes proportions gardées, les Apôtres sont vraiment présentés comme d'autres christs. Le Père envoie le Fils, mais c'est le Fils qui envoie les Apôtres, cependant, le Père étant Principe de tout, c'est lui qui envoie aussi les Apôtres dans le monde pour poursuivre la mission du Fils de Dieu incarné. Le Christ est bien l'unique médiateur, Sauveur du monde, entre Dieu et les hommes, mais les Apôtres, et par voie de conséquence, leurs successeurs sont envoyés en dépendance du Christ comme ses intendants pour agir en son nom, comme ses instruments.

Ils agissent "in persona Xti" – dans la Personne du Xt –

Tout comme la consécration du Christ par le Père précède son envoi dans le monde, de même la consécration des Apôtres par le Christ précède leur envoi dans le monde, lequel

aura définitivement lieu après la Résurrection. "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous

envoie" Jn 20,21.

8 Jc 1,17 9 Lc 9,33

11

"Je ne prie pas pour le monde mais pour ceux que tu m'as donnés". Plus loin la prière

s'étendra au monde, mais pour le moment Jésus a souci de protéger les siens. Il connaît leur fragilité, dans quelques heures ils le lâcheront tous ; plus que jamais ils ont besoin de lui. Ils sont au Père autant qu'à Jésus puisque le Père les a remis entre ses mains. 10 et tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi, et je suis glorifié en eux.

"Le Père qui a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même, comme lui-même la possède,

aime le Fils comme lui-même, tandis que le Fils aime le Père comme lui-même. Et leur amour, c'est l'Esprit Saint, leur lien et leur communion à tous deux. Leur amour est à ce point indivisible que celui qui aime le Père aime forcément le Fils, et que celui qui n'est pas aimé du Fils ne l'est pas non plus du Père. Unique est leur amour, et indivis leur honneur ; unique leur force et indivise sa mise en œuvre. Si grande s'avère

leur communion que le Père peut dire du Fils : "tout ce qui est à moi est à toi et tout ce qui

est à toi est à moi" Et Jean l'Evangéliste affirme : "le Père aime le Fils et a tout remis entre ses

mains" (Jn 3,35). Enfin, le Seigneur lui-même s'exprime encore en ses termes "le Père aime le

Fils et lui montre tout ce qu'il fait" (Jn 5,20).10

La force des Apôtres prend sa racine dans l'unité trinitaire puisque l'unité du Père et du Fils est exprimée par cette communion ; ceci est soulignée dès le début de la prière de

Jésus qui va du 'je' au 'tu', du 'toi' au 'moi'.

"Je suis glorifié en eux". Ce n'est pas encore par leurs œuvres que les Apôtres glorifient Jésus

puisque leur mission propre ne commencera qu'après la Pentecôte mais parce qu'en eux, remis à Jésus par le Père, se manifeste déjà cet attachement , cette adhésion à la Parole pour la mettre en pratique, dans un cercle bien restreint encore, mais promis à un épanouissement surnaturel inconcevable pour des êtres humains, s'ils n'étaient pas fondés sur le roc, le Christ. Ce présent nous fait saisir à quel point Jésus dépasse son propre temps et englobe déjà le futur. 11 Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. Père

saint, garde-les dans ton nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient un comme nous.

Jésus est déjà dans son éternité. Sa mission de Rédemption reçue du Père est déjà accomplie, aussi va-t-il adresser à son Père une ultime prière pour ceux qui lui ont été remis.

"Père Saint" La sainteté est un attribut de Dieu et déjà dans l'A.T. Dieu exige : 'soyez saints,

comme je suis saint.' Ce n'est pas un attribut parmi d'autres, c'est l'essence même du divin (Lv 19,2 ; 20,25 ; 11,44).

10 Beaudoin de Ford Sermon 15,21 (+1190 – abbé de l'Abbaye de Forde en Angleterre puis évêque de Worcester et de Cantorbery – part ensuite

pour la croisade et meurt à St Jean d'Acre le 18 oub 19 novemvre 1190)

12

"Père Saint" – D'abord "C'est en raison de son retour dans la maison du Père que Jésus

demande à son Père de garder les siens de tout mal et de leur donner part à sa sanctification. La pensée du Christ va des Apôtres à l'Eglise qui devra refléter la sainteté divine, c'est pourquoi il donne au Père le qualificatif de 'saint'. Les Apôtres seront en

quelque sorte la manifestation de la sainteté de Dieu."11

Ensuite "Garde-les dans ton nom que tu m'as donné". Le Nom du Père c'est le lieu où les Douze doivent se réfugier. Jésus désire que le Père manifeste sa sainteté dans les disciples en 'les gardant en son Nom' comme dans un lieu saint, un endroit réservé, privilégié. Deux idées force se dégage de cette phrase un peu difficile à comprendre. Le petit schéma suivant aide à comprendre :

Nom

A) garde-les dans ton Nom ---------------------- a) les disciples

A') que tu m'as donné ---------------------- a') Père et Fils

Unité

B) pour qu'ils soient un ----------------------- b) les disciples

B') comme nous ----------------------- b') Père et Fils

Dans cette composition nous trouvons deux points de vue complémentaires : Les deux premiers membres ont pour thème le Nom du Père. Jésus prie pour que les disciples soient gardés dans le Nom, ce Nom a été donné au Fils par le Père. Les deux derniers membres ont pour thème l'unité. Prière pour que les disciples soient un, comme le Père et le Fils sont un. Tant pour le thème du Nom que pour le thème de l'unité on remarque le même déplacement d'attention des disciples vers le Père et le Fils ; c'est la même composition. Cette phrase est difficile et a reçu plusieurs explications dans la Tradition : St Jean Chrysostome, St Thomas, Denys le Chartreux etc… y ont vu simplement 'garde-les

sous ta protection, garde-les par ta Providence contre les dangers du monde' ; mais cela est

trop négatif et ne rend pas compte du développement sur "qu'ils soient un comme nous".

Dans St Jean le Nom du Père ne désigne nulle part la nature divine (au sens métaphysique) la gloire ou la puissance de Dieu ; le terme est appliqué ici au Père en tant

11 A. Feuillet id. p.55

13

que tel, celui que la théologie appelle 'la Personne du Père' (c'est-à-dire la première Personne de la Trinité). Le 'Nom' dans ce verset ne peut être que le nom du Père ; il forme le milieu vital où vivent le Père et le Fils, il constitue donc le fondement de leur unité ; mais il est également le

fondement de l'unité des disciples. Jésus demande qu'ils soient "gardés" dans le Nom qu'il

leur a révélé, qu'ils soient maintenus dans l'union au Père, et donc dans leur vie filiale envers le Père.12 C'est donc en définitive être adopté comme fils de Dieu.

"Que tu m'as donné". Le verbe 'donner' revient 16 fois dans la prière de Jésus, c'est un

mot clé et c'est le plus souvent (13 fois) relatif au Père. - le Père donne les paroles V.8 - le Nom V. 11 - La gloire V. 22-24 - Le pouvoir sur toute chair V.2 - L'œuvre à accomplit V.4 - Les hommes eux-mêmes V.6-9

Le Père ne donne jamais directement aux hommes, Jésus est toujours l'intermédiaire et lui-même dira 'nul ne vient au Père si ce n'est par moi', et cela fait ressortir l'unité du Père et du Fils dans l'accomplissement de l'œuvre de salut.

Le verset 11b fut ainsi paraphrasé par Théodore de Mopsuète13 : "De même que tu

m'as uni à Dieu le Père par l'Esprit, et m'as rendu digne de la filiation en sorte que je puisse t'appeler 'mon Père' fais de ceux-ci également tes fils en leur donnant la grâce de l'Esprit : ainsi, comme moi, eux aussi seront un, ils possèderont la même union avec toi et avec

confiance ils t'appelleront 'Père'.14 Et Rupert de Deutz "Jésus demande l'adoption des fils de

Dieu pour ceux-là même en faveur desquels il souffre la Passion car on ne saurait mieux

interpréter 'être gardé dans le Nom du Père' que par ce qui revient au même 'être adoptés

pour fils de Dieu'".15 Nous sommes ici au cœur même de l'amour trinitaire.

"Garder les disciples dans le Nom du Père donné à Jésus, c'est les garder dans la

connaissance de ce qu'est Jésus comme Fils de Dieu, "dans un Nom qui unit le culte du Père

et celui du Fils. Ce Nom est donc le lien qui unira les disciples. C'est parce que le Père les gardera dans l'unité de ce Nom que les disciples pourront être entre eux une seule chose,

une communauté d'esprit et d'âme" comme un reflet de l'unité du Père et du Fils."16

A partir du V.12 et jusqu'au V.19 il s'agit explicitement des Apôtres.

12 I. de la Potterie "la vérité dans St Jean" p.727-728 13 Théodore de Mopsuète 350-428 représentant de l'exégèse et de la théologie d'Antioche 14 I. de la Potterie Id. p. 733 15 Cité par 'Bible chrétienne' p.690 16 A. Feuillet citant Lagrange in 'le sacerdoce du XT 'p.51

14

12 Quand j'étais avec eux, je les gardais dans ton nom que tu m'as donné" Ce passage vient

d'être commenté plus haut

J'ai veillé et aucun d'eux ne s'est perdu, C'est l'image du Bon Pasteur qui veille et porte la brebis défaillante sur ses épaules. Déjà en Jn 6,39 Jésus précisait 'c'est la volonté de celui qui m'a envoyé que je ne perde rien de tout ce qu'il m'a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour'. Dans ce passage il s'agissait de l'œuvre à accomplir, et maintenant tout est accompli en quelque sorte : 'j'ai

veillé, et aucun ne s'est perdu'. On peut rapprocher ce passage du "tout est accompli" que

dira Jésus sur la Croix. Cependant il connaît les faiblesses de chacun et surtout les velléités de Pierre dont la prière de Jésus a permis qu'il ne défaille pas : 'Simon j'ai prié pour toi afin que tu ne défailles point' Lc 22,31,32. C'est la prière de Jésus qui porte la faiblesse des siens et les relève lorsqu'ils sont tombés. sauf le fils de perdition, On pense évidemment à Judas - fils de… c'est un sémitisme pour exprimer une relation avec une chose ce qui est en plusieurs cas une façon de suppléer au manque d'adjectif (ex. fils de la mort = fils qui mérite la mort), donc ici celui qui mérite d'être perdu par son attitude même, c'est lui qui l'a choisi ; alors que Pierre croisant le regard de Jésus sort pour pleurer. Judas, lui a refusé tout pardon. afin que l'Ecriture fût accomplie Ceci renvoie à deux psaumes :

40,10 "Même l'ami qui avait ma confiance et partageait mon pain, m'a frappé du talon"

108,5-8 "ils me rendent le mal pour le mal et paient mon amitié de leur haine,

chargeons un impie de l'attaquer qu'un accusateur se tienne à sa droite… Que les jours de sa vie soient écourtés, qu'un autre prenne sa charge." La destinée de Judas est un mystère et l'on ne peut juger de sa fin. Il ne faudrait cependant pas imaginer que Dieu ait programmé son destin. La trahison de Judas prophétisée dans les Ecritures ne relève pas d'une volonté déterminée de Dieu par avance, mais pour celui-ci, le déroulement des temps est un éternel présent et il connaît tout d'avance, (le terme est inapproprié, puisqu'il n'y a aucune succession de temps pour et en Dieu). C'est donc Judas, dans l'exercice de son libre arbitre qui décide, non seulement de trahir et de vendre son Maître, mais surtout de refuser le pardon que Jésus désirait lui offrir. Il regrette certes, en disant : 'j'ai péché' mais, sous l'action de Satan il refuse le pardon. Il en est de Judas comme de chacun de nous. C'est à nous, et à personne d'autre, d'accueillir ou de refuser le pardon de Dieu, donc notre Salut. (Refuser le pardon offert c'est toujours un acte d'orgueil).

13 Mais maintenant je viens vers toi et je parle ainsi dans le monde, afin qu'ils aient en eux-mêmes ma joie complète

15

Pour Jésus, la parole qu'il délivre dans cette prière, c'est l'accomplissement même de sa Passion ; il la vit actuellement devant les siens et leur en explique le sens et la portée pour qu'ils puissent supporter le choc de la Passion à l'heure où ils la vivront. L'ultime message de Jésus c'est de transmettre sa joie en plénitude, c'est-à-dire la joie éternelle. Avoir en soi-même au fond de l'âme la vie éternelle déjà commencée depuis le baptême dans la foi, ici-bas, avant la plénitude dans la vision béatifique. Cette joie ne consiste pas en quelque chose d'extérieur, en quelques vagues sentiments de bonheur, en expressions sensibles, mais, au milieu des vicissitudes de l'existence, c'est une conviction profonde, une adhésion totale de ma volonté au vouloir de Dieu qui permet tout pour mon bien et le salut du monde ; c'est cette paix intérieure qui permet d'affronter sereinement les événements en les recevant de Dieu et tourne le regard de l'homme vers les hauteurs dans une joie sereine malgré la souffrance. 14 Je leur ai donné ta parole et le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde.

Tout comme Jésus fut incompris de sa génération, et même des siens, au long de sa vie terrestre, pris à parti, menacé de mort, traqué, contesté pour trouver en lui un acte, une parole, qui l'oblige à se contredire, ainsi les disciples participent de ce rejet du monde. Le chrétien de tous les temps est à contre-courant des idéologies fausses, il participe du rejet

de son Maître – "le disciple n'est pas au-dessus de son Maître, ils m'ont haï, ils vous haïront".

Il faut choisir entre Dieu et le monde et, si nous avons été choisi par lui, nous avons à répondre de ce choix, nous sommes dans le monde, comme n'étant pas du monde. Les Apôtres ne sont pas du monde. Jésus ne prévoit pas une fin imminente de ce monde temporel ; au contraire on sous-entend dans ce passage une préparation des siens et de leurs successeurs à l'œuvre entreprise par Jésus et son Père. Il y a 'mise à part' pour une mission, celle-ci sera confirmée aux versets suivants par la 'sanctification' versets 17-19. Les Apôtres sont assimilées au Christ 'ils ne sont pas du monde, - moi, je ne suis pas

du monde'. "Le but de l'institution des Douze est double, ils doivent quitter leur milieu

familial et social pour être habituellement avec Jésus ; ils doivent participer à son ministère. Il est clair que si les autres disciples de Jésus n'ont pas le droit de se désintéresser de la

cause du règne de Dieu, eux sont tenus très spécialement de s'en occuper."17

15 Je ne te prie pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais.

On retrouve ici la dernière parole du Pater. Jean tout au long de son Evangile insiste

sur cet affrontement entre le Christ et l'emprise du "Prince de ce monde"

8 12 "Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura

la lumière de la vie."

17 A. Feuillet id. p.110

16

12 31 C'est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être

jeté dehors ;

14 30 Je ne m'entretiendrai plus beaucoup avec vous, car il vient, le Prince de ce monde; sur

moi il n'a aucun pouvoir,

16 11

le prince de ce monde est jugé Depuis la chute de nos premiers parents Satan dominait le monde, la mort de Jésus

affranchit l'humanité de sa tyrannie. De par la volonté du Père tout est "en la main " Jn 3,35,

en la main puissante de Jésus (Jn 10,28-29 ; 13,3 ; 17,2)

10 28 je leur donne la vie éternelle elles ne périront jamais et nul ne les arrachera de ma

main.

29 Mon Père, quant à ce qu'il m'a donné, est plus grand que tous. Nul ne peut rien arracher

de la main du Père.

12 31 C'est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être

jeté dehors ;

13 3 sachant que le Père lui avait tout remis entre les mains et qu'il était venu de Dieu et qu'il

s'en allait vers Dieu.

17 2 et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous

ceux que tu lui as donnés !

C'est le fondement de sa royauté qu'il inaugurera au jour de son "exaltation" Jn 12,32

"et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi." Tandis que le règne du Prince de ce monde prend fin. La prière de Jésus en cet instant est pour nous une garantie, un rempart qui nous

protège des puissances du mal "le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurai-je

crainte ; le Seigneur est le rempart de ma vie devant qui tremblerais-je ?" nous fait chanter le

psalmiste (ps.261) 16 Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. C'est toujours pour les Douze que prie Jésus ; il y a similitude entre Jésus et ceux qu'il a choisi pour transmettre au monde son message. 'Pas du monde, mais dans le monde' voilà pourquoi ils ont besoin d'être fortifiés, protégés par la prière de leur Seigneur. iI s'agit du monde hostile à Dieu, de ceux qui refusent de le recevoir comme il est dit au Prologue (Jn

110-11) Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l'a pas reconnu.11 Il est venu

chez lui, et les siens ne l'ont pas accueilli.

. 17 Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité… 19 Pour eux je me sanctifie moi-même,

afin qu'ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité.

"Sanctifier c'est mettre à part pour Dieu, vouer à Dieu (sanctum facere = faire saint).

La sanctification des Apôtres est en lien étroit avec celle du Christ et à son image, puisqu'il précise en V.19 'pour eux je me sanctifie, afin qu'ils soient eux-mêmes sanctifiés dans la vérité'.

17

"Pour agir sur le monde, sans en être, c'est-à-dire, en étant à l'abri de sa contagion, il

faut que les disciples reçoivent une consécration qui achève leur séparation du monde en les

rapprochant de Dieu"18

'Dans la vérité' c'est d'abord Jésus lui-même, si l'on s'en réfère au ch.832 de Jean 'la vérité vous libèrera' et 836 'si le Fils vous libère vous serez réellement libres' – par le Fils nous sommes libérés du péché et de la mort ; il y aura d'autres libérations (maladies, esprits impurs etc…) mais c'est là l'essentiel. Nous avons vu dans l'introduction comment Jésus se substitue aux sacrifices de l'Ancienne Alliance. Il est le grand prêtre par excellence, mais en même temps il est la vicitime offerte une fois pour toutes ; donc Jésus est à la fois le sacrificateur, le grand prêtre qui offre le sacrifice (le sien propre) et la victime offerte (une fois pour toutes). C'est ce que Jésus nous laisse entendre en Jn 10,36 "à celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde…" Il offre sa vie en sacrifice pour réparer l'offense du péché originel. Cette consécration du Fils par le Père est en relation étroite avec le mystère de l'union

hypostatique et c'est un mystère permanent : "il en résulte que le sacerdoce du Christ est

nécessairement éternel"19.

L'union hypostatique : en Jésus fait homme se rencontre deux natures : la nature divine en tant qu'il est le Verbe de Dieu, la seconde Personne de la Trinité, il est donc de même nature que le Père et l'Esprit Saint, et la nature humaine qu'il tient de l'acquiescement de la Vierge à la parole de l'ange à l'Annonciation. Mais il n'a qu'une Personne divine qui assume et sanctifie sa nature humaine.

Si l'on rapproche Jean 1036 des deux versets qui nous occupent on peut y voir une triple sanctification (ou consécration) :

1) Le Père a consacré le Fils et l'a envoyé dans le monde 2) Le Fils se consacre lui-même et demande 3) Que les Apôtres soient consacrés dans la Vérité à partir de sa consécration

Que signifie 'sanctifier (ou consacrer) ? Dans l'Ancien Testament seul Dieu est saint 'le Saint' ; sanctifier une personne, une chose, c'est la mettre à part en vue du culte, c'est la faire devenir propriété de Dieu. Elle participe ainsi de la sainteté de Dieu 'soyez saints comme je suis Saint'. Le terme grec employé par Jean 'hagiazein' correspond à l'hébreu 'quiddesh' qui exprime une idée de séparation et de réservation pour Dieu (quiddesh = mettre à part,

sanctifier, consacrer et parfois sacrifier). "Dans la Septante ce verbe grec peut exprimer la

mise à part faite par Dieu d'une personne ou d'un groupe de personne en vue d'une mission que Dieu veut leur confier : Jn 1,5 ; Si 45,4 ; 49,7 ; 2 M 1,25-26. Une telle mise à part opérée par

18 P. G. Lagrange cité par Feuillet d) p.115 19 A.Feuillet id. p.104

18

Dieu impose comme conséquence aux personnes qui en sont bénéficiaires le devoir de la

sainteté morale"20

Autre sens de 'quiddesh' = mise à part en vue de la liturgie sacrificielle Dans le passage qui nous occupe Jésus demande au Père de mettre les Apôtres à part pour une mission spéciale avec ses deux aspects : consécration et mission, aux versets 17 et 19 ; Jésus se sanctifie (ou se consacre) pour eux. Alors que la consécration de Jésus par le Père concerne l'Incarnation ici il s'agit plutôt de la Passion comme sacrifice. C'est dans sa Passion, déjà inaugurée à travers toute cette prière, que Jésus, qui est le sacrifice (la victime

par excellence) se rend présent dans l'Eucharistie de tous les temps ; il s'est fait chair "pour la

vie du monde" et chaque Eucharistie renouvelle son sacrifice – non sanglant –. Les disciples

doivent être impliqués dans la consécration de Jésus ; en eux aussi doit s'accomplir ce passage de propriété, ce transfert dans la sphère de Dieu et par là doit se réaliser leur envoi dans le monde. Par cette appartenance nouvelle à Dieu leur consécration est unie à la consécration de Jésus et elle devient participation à son être consacré. Dans le verset 19 'pour eux je me sanctifie moi-même' il y a une allusion à la dernière

Cène "ceci est mon corps livré pour vous, mon sang versé pour vous". On peut mettre en

parallèle Hébreux 10,10-14 : 10 Et c'est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par l'oblation du

corps de Jésus Christ, une fois pour toutes. 11 Tandis que tout prêtre se tient

debout chaque jour, officiant et offrant maintes fois les mêmes sacrifices, qui sont

absolument impuissants à enlever des péchés, 12 lui au contraire, ayant offert pour

les péchés un unique sacrifice, il s'est assis pour toujours à la droite de Dieu, 13

attendant désormais que ses ennemis soient placés comme un escabeau sous ses

pieds. 14 Car par une oblation unique il a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il

sanctifie.

Et nous en arrivons à la troisième consécration "sanctifie-les (consacre-les) dans ta

vérité" V.17 et "je me consacre moi-même afin qu'ils soient eux-aussi consacrés dans ta

vérité" V.19. Il y a de nombreux parallèles entre Jean XVII et Hébreux :

Le Christ est le sanctificateur, celui qui rend saint et nous sommes sanctifiés par lui : Jn 17 19 Pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, sanctifiés

dans la vérité.

He 2,11 Car le sanctificateur et les sanctifiés ont tous même origine. C'est

pourquoi il ne rougit pas de les nommer frères,

He 10, 10 Et c'est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par

l'oblation du corps de Jésus Christ, une fois pour toutes.

He 13, 12 C'est pourquoi Jésus lui aussi, pour sanctifier le peuple par son propre

sang, a souffert hors de la porte.

20 A. Feuillet Id. p.26

19

Le Christ reçoit sa gloire du Père : Jn 17,1 Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel il dit : "Père, l'heure est venue :

glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie 2 et que, selon le pouvoir que tu lui

as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés! 3 Or, la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui

que tu as envoyé, Jésus-Christ 4 Je t'ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin

l'oeuvre que tu m'as donné de faire.5 Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de

toi de la gloire que j'avais auprès de toi, avant que fût le monde. He 5,4 Nul ne s'arroge à soi-même cet honneur, on y est appelé par Dieu,

absolument comme Aaron. 5 De même ce n'est pas le Christ qui s'est attribué à

soi-même la gloire de devenir grand prêtre, mais il l'a reçue de celui qui lui a dit :

Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré ;

Les croyants ont été donnés à Jésus par son Père : Jn 17,2 et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie

éternelle à tous ceux que tu lui as donnés !...

6 J'ai manifesté ton nom aux hommes, que tu as tirés du monde pour me les

donner. Ils étaient à toi et tu me les as donnés et ils ont gardé ta parole…

9 C'est pour eux que je prie, je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que

tu m'as donnés, car ils sont à toi,

Hé 2 13 Pour moi j'aurai confiance en lui. Et encore : Nous voici, moi et les

enfants que Dieu m'a donnés.

Le Christ arrache les siens à la puissance du diable : Jn 1715 Je ne te prie pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais.

He 2,14 Puis donc que les enfants avaient en commun le sang et la chair, lui

aussi y participa pareillement afin de réduire à l'impuissance, par sa mort, celui

qui a la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable, 15 et d'affranchir tous ceux

qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort.

Jésus conduit les siens à la perfection : Jn 17 4 Je t'ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin l'œuvre que tu

m'as donné de faire.

He 10 1… la Loi est absolument impuissante, avec ces sacrifices, toujours les

mêmes, que l'on offre perpétuellement d'année en année, à rendre parfaits ceux

qui s'approchent de Dieu… 5 C'est pourquoi, en entrant dans le monde, le Christ

dit : Tu n'as voulu ni sacrifice ni oblation; mais tu m'as façonné un corps. 6 Tu

n'as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés.7 Alors j'ai dit : Voici, je

viens, car c'est de moi qu'il est question dans le rouleau du livre, pour faire, ô

Dieu, ta volonté. 8 Il commence par dire : Sacrifices, oblations, holocaustes,

sacrifices pour les péchés, tu ne les as pas voulus ni agréés -- et cependant ils

sont offerts d'après la Loi --, 9 alors il déclare : Voici, je viens pour faire ta

volonté. Il abroge le premier régime pour fonder le second. 10 Et c'est en vertu

de cette volonté que nous sommes sanctifiés par l'oblation du corps de Jésus

Christ, une fois pour toutes. 11 Tandis que tout prêtre se tient debout chaque

jour, officiant et offrant maintes fois les mêmes sacrifices, qui sont absolument

impuissants à enlever des péchés, 12 lui au contraire, ayant offert pour les péchés

un unique sacrifice, il s'est assis pour toujours à la droite de Dieu, …14 Car par

une oblation unique il a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il sanctifie.

20

He 11 40 c'est que Dieu prévoyait pour nous un sort meilleur, et ils ne devaient

pas parvenir sans nous à la perfection.

Pour les Apôtres doit se faire aussi ce transfert de leur être propre en Dieu à l'image de Jésus dans le Père afin qu'ils puissent être eux aussi envoyé dans le monde. Comme Jésus, ils sont consacrés, sanctifiés, ils participent de son être même, ils sont mis à part pour Dieu.

"consacrés dans la vérité" V.17 ici la vérité est qualifiée comme force de sanctification

"consacrés en vérité" V.19 c'est-à-dire vraiment dans leur être entier

V.19 "La vérité est le bain qui les purifie, la vérité est le vêtement dont ils ont besoin. Cette

vérité purificatrice et sanctificatrice c'est le Christ lui-même. En Lui ils doivent être plongés ;

de lui ils doivent être comme "revêtu" et ainsi sont-ils rendus participants de sa consécration,

de sa charge sacerdotale, de son sacrifice"21. Le Christ ne se contente pas d'apporter la

vérité, il est la Vérité. Donc, les Apôtres consacrés dans la vérité "seront pénétrés et

transformés intérieurement"22. C'est l'Esprit Saint qui introduit les Apôtres dans la vérité, en

Jésus Vérité, ainsi ils travaillent au salut du monde en dépendance totale à l'Unique Sauveur. On peut dire aussi que Jésus s'est dit lui-même la Vérité aussi 'sanctifié dans la vérité' c'est être saint en Jésus, par lui la vérité, la vie, la voie. 18 Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde.

Jésus s'exprime au passé, comme un fait accompli. Il les préparait déjà depuis qu'il les avait choisis. Consécration sacerdotale par le Père et mission vont de pair dans l'existence du Fils de Dieu 'celui que le Père a consacré et envoyé en mission' Jn 1036, ainsi devra-t-il en être pour les Apôtres et leurs successeurs ; leur mission se coule dans la mission du Fils, lui-même envoyé par le Père. il y a continuité : le Père envoie le Fils, le Fils envoie les Apôtres. 19 Pour eux je me sanctifie (ou me consacre) moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. Ce verset renvoie au ch. 53 d'Isaïe sur le serviteur souffrant :

53 1 Qui a cru ce que nous entendions dire, et le bras de Yahvé, à qui s'est-il révélé ?

2 Comme un surgeon il a grandi devant lui, comme une racine en terre aride ; sans beauté ni

éclat pour attirer nos regards, et sans apparence qui nous eût séduits; 3 objet de mépris,

abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu'un

devant qui on se voile la face, méprisé, nous n'en faisions aucun cas. 4 Or ce sont nos

souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions

comme puni, frappé par Dieu et humilié. 5 Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes,

écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses

blessures nous trouvons la guérison. 6 Tous, comme des moutons, nous étions errants,

21 Benoît XVI Jésus T.2 p.112 22 P. Lagrange

21

chacun suivant son propre chemin, et Yahvé a fait retomber sur lui nos fautes à tous. 7

Maltraité, il s'humiliait, il n'ouvrait pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à

l'abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n'ouvrait pas la bouche. 8 Par

contrainte et jugement il a été saisi. Parmi ses contemporains, qui s'est inquiété qu'il ait été

retranché de la terre des vivants, qu'il ait été frappé pour le crime de son peuple ? 9 On lui a

donné un sépulcre avec les impies et sa tombe est avec le riche, bien qu'il n'ait pas commis de

violence, et qu'il n'y ait pas eu de tromperie dans sa bouche. 10 Yahvé a voulu l'écraser par la

souffrance ; s'il offre sa vie en sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses

jours, et par lui la volonté de Yahvé s'accomplira. 11 A la suite de l'épreuve endurée par son

âme, il verra la lumière et sera comblé. Par sa connaissance, le juste, mon serviteur, justifiera

les multitudes en s'accablant lui-même de leurs fautes. 12 C'est pourquoi il aura sa part parmi

les multitudes, et avec les puissants il partagera le butin, parce qu'il s'est livré lui-même à la

mort et qu'il a été compté parmi les criminels, alors qu'il portait le péché des multitudes et

qu'il intercédait pour les criminels.

Mais dans notre texte la conception du serviteur souffrant est dépassée infiniment puisque le serviteur qui se sacrifie pour le monde est le Fils de Dieu, Dieu lui-même incarné, et non plus un homme, fut-il le plus saint. Nous avons vu dans l'introduction que le chapitre XVII de Jean transpose la liturgie juive des Expiations (Kippour). Le but de cette fête était de restituer à Israël sa sainteté par les sacrifices offerts pour le prêtre et pour le peuple. Ainsi se trouvait accompli, pour une

année au moins, le précepte de Dieu "soyez saint car moi je suis saint".

Dans la prière sacerdotale "les exigences du Christ pour son Eglise sont beaucoup plus

élevées. Elles sont conformes à la révélation apportée par le Fils de Dieu et à la nouvelle Alliance qu'il a instituée (que l'on songe aux récits de l'Eucharistie).

Mt 26 26 Or, tandis qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna

aux disciples en disant : "Prenez, mangez, ceci est mon corps." 27 Puis, prenant une coupe, il rendit

grâces et la leur donna en disant : "Buvez-en tous ; 28 car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui

va être répandu pour une multitude en rémission des péchés. 29 Je vous le dis, je ne boirai plus

désormais de ce produit de la vigne jusqu'au jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le

Royaume de mon Père."

Mc 14,22-25 22 Et tandis qu'ils mangeaient, il prit du pain, le bénit, le rompit et le leur

donna en disan : "Prenez, ceci est mon corps." 23 Puis, prenant une coupe, il rendit grâces et la leur

donna, et ils en burent tous. 24 Et il leur dit : "Ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui va être

répandu pour une multitude. 25 En vérité, je vous le dis, je ne boirai plus du produit de la vigne

jusqu'au jour où je boirai le vin nouveau dans le Royaume de Dieu."

Lc 2919-20 19 Puis, prenant du pain, il rendit grâces, le rompit et le leur donna, en disant

: "Ceci est mon corps, donné pour vous ; faites cela en mémoire de moi." 20 Il fit de même pour la

coupe après le repas, disant : "Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang, versé pour vous.

1Co 1123-25 le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain 24 et, après avoir

rendu grâce, le rompit et dit : "Ceci est mon corps, qui est pour vous ; faites ceci en mémoire de

22

moi." 25 De même, après le repas, il prit la coupe, en disant : "Cette coupe est la nouvelle Alliance

en mon sang ; chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi."

La prière de Jean XVII est celle du Christ non pas simplement restaurateur de l'Alliance sinaïtique, mais médiateur d'une Nouvelle Alliance caractérisée par une nouvelle connaissance de Dieu. La prière de Jésus vise à mettre tous les disciples de Jésus, la future Eglise, en harmonie avec la révélation nouvelle apportée par le Fils de Dieu aux hommes. Celle-ci nous apprend que de toute éternité le Père a un Fils et qu'entre le Père et le Fils règne dans l'Esprit Saint l'unité de la communion la plus parfaite qui se puisse concevoir. En conséquence le peuple de Dieu dans la Nouvelle Alliance ne devra plus simplement refléter la sainteté divine à l'instar de l'A.T. 'soyez saint comme je suis saint', il devra en outre par l'unité dans la charité, refléter, grâce à l'action sanctificatrice de l'Esprit, l'unité du Père et du

Fils. Tel est l'objet principal de la prière de Jésus"23.

3e PARTIE Jésus prie pour ceux qui croieront

Arrivée à ce stade la prière de Jésus s'ouvre sur une perspective universelle : 20 Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, En définitive Jésus prie pour tous les croyants ; pour l'Eglise des croyants, pour ceux qui, par la parole des Apôtres et de leurs successeurs ouvriront leur cœur à la Bonne

Nouvelle sur leur témoignage. "La foi vient de ce que l'on entend" – fides ex audire - de

l'écoute de la Parole. Cette perspective était déjà sous-jacente au V.2, Jésus demandait à son Père selon le pouvoir 'qu'il lui a donné sur toute chair', que l'œuvre qu'il doit accomplir s'étende à tous ceux que le Père lui a donné' et cette œuvre c'est de leur donner la vie éternelle et la vie éternelle c'est de connaître Dieu. Ici s'exprime clairement la prière de Jésus pour nous.

21 afin que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé.

22 Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un comme nous

sommes un : 23 moi en eux et toi en moi, afin qu'ils soient parfaits dans l'unité, et que le monde reconnaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé.

Entre le V.21 et les VV.22, 23 il y a similitude et progression

21 Que tous soient un Comme toi Père tu es en moi

22 Qu'ils soient un Comme nous sommes un

23 A. Feuillet id. p. 78

23

Et moi en toi Qu'eux aussi soient en nous Et que le monde croie que tu m'as envoyé

23 (Moi en eux) et toi en moi Pour qu'ils soient consommés dans l'unité (parfaits dans l'unité) Et que le monde reconnaisse que tu m'as envoyé

Que les croyants soient un comme le Père et le Fils le sont. Sans la communion avec le Christ la vie chrétienne serait stérile. Or la source, le grand modèle de cette unité des chrétiens entre eux c'est l'unité des Trois Personnes divines. Ce qui permet cette unité c'est l'Eucharistie. Comme on disait des premiers

chrétiens "ils ne faisaient qu'un cœur et qu'une âme"24. On comprend combien il est

important que les Eglises retrouvent le sens fondamental du sacrifice non sanglant du Christ dans l'Eucharistie ; St Paul l'exprimait ainsi : 1 Co 10 17 Parce qu'il n'y a qu'un pain, à

plusieurs nous ne sommes qu'un corps, car tous nous participons à ce pain unique." C'est aussi

ce qu'exprime St Jean 1 Jn 1,3-7 " ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons

afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec

le Père et avec son Fils Jésus Christ. 4 Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète. 5 Or voici le message que nous avons entendu de lui et que nous vous annonçons :

Dieu est Lumière, en lui point de ténèbres. 6 Si nous disons que nous sommes en communion

avec lui alors que nous marchons dans les ténèbres, nous mentons, nous ne faisons pas la

vérité. 7 Mais si nous marchons dans la lumière comme il est lui-même dans la lumière nous

sommes en communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de

tout péché." La communion trinitaire doit être le modèle de tout chrétien. L'unité du Corps du Christ, l'Eglise, se fonde sur l'unité trinitaire, prend racine dans cette relation du Père avec le Fils ; comme le Père aime le Fils, ainsi nous aime-t-il aussi, nous fils adoptifs dans le Fils engendré de toute éternité. Cette relation des croyants entre eux fondée sur l'image trinitaire est le signe visible, qui rend crédible la Rédemption opérée par Jésus. L'œcuménisme n'est pas un vague rassemblement des chrétiens ; voilà pourquoi le

grand témoignage des chrétiens doit être leur unité. En Actes 4,32-33 "La multitude des

croyants n'avait qu'un coeur et qu'une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre

eux tout était commun. 33 Avec beaucoup de puissance, les apôtres rendaient témoignage à la

résurrection du Seigneur Jésus, et ils jouissaient tous d'une grande faveur." C'est cette unité rayonnante qui a valeur de témoignage. Ainsi aujourd'hui encore l'unité des chrétiens sanctifiés da ns la vérité et la charité est en partie et doit devenir toujours davantage la révélation où se fonderait la conversion du 'monde'.25 Même si le monde reste encore incroyant, Jésus le constate au V.25 'même si le monde ne t'a pas connu' se profile ici un vaste élargissement, son message est adressé à tout

24 Actes des Apôtres 25 Cf Bible xtienne II* p 693

24

l'univers et il dépend de chaque homme de le recevoir ou non. C'est ici le grand mystère de la liberté. Dieu propose sans jamais imposer et n'exclut personne. Cette ré-union des hommes en Eglise n'est que le lieu et l'instrument par où s'effectue leur ré-union à Dieu et à sa Vie trinitaire dans et par la Vérité du Christ comme le dit si bien St Paul Ga 2,20-21 et ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie

présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et s'est livré pour moi. 21 Je n'annule pas le don de Dieu : car si la justice vient de la loi, c'est donc que le Christ est

mort pour rien."

Et Ga 3,28-29 il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni

femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus. 29 Mais si vous appartenez au

Christ, vous êtes donc la descendance d'Abraham, héritiers selon la promesse. Par la foi le Christ devient sujet de toutes les actions vitales du chrétien 'sans moi vous ne pouvez rien faire'. La Tradition chrétienne ne nous enseigne rien d'autre.

"Il y a deux capacités admirables en Jésus : l'une par laquelle il est rendu

capable de la divinité, de la plénitude de la divinité et de l'égalité de Dieu mais avec dépendance (car le Christ en son humanité est inférieur au Père, cf Jn 14,28). L'autre est une capacité des âmes qu'il contient en soi, en son autorité, en sa puissance. Car s'il est capacité de Dieu, combien plus des créatures ? Cette seconde capacité est donnée à notre Seigneur par la plénitude de la divinité qui est en lui : qui le fait une capacité des âmes, ainsi que Dieu

est une capacité de ses créatures (car "en Dieu nous avons la vie, le mouvement et l'être" cf

Act. 17,28) ; capacité contenante, conservante et protégeante, par laquelle les âmes sont en une continuelle et profonde dépendance de Jésus et de Dieu. Et il a plu à Jésus-Christ d'instituer le sacrement de son Corps pour se lier nos âmes et les tirer en la plénitude de la divinité qui habite en lui, selon cette capacité aimable et adorable qu'il a de les contenir et leur donner vie et subsistance en lui. Tellement qu'en cela nous est représentée cette chaîne admirable, composée de trois divins chaînons, de laquelle parlent les Pères. Le premier desquels lie le Fils unique au Père éternel, par le lien de la consubstantialité et unité d'essence (c'est-à-dire dans l'unité même de la sainte Trinité). le second lie ce même Fils à notre nature par l'unité de la personne sacrée (c'est-à-dire par le mystère de l'Incarnation). Le troisième lie cette humanité déifiée et cet Homme-Dieu à la personne de chacun d'entre nous, par l'efficace et singulière vertu du sacrement de son Corps (l'Eucharistie) qui nous incorpore avec son humanité sainte et nous fait vivre en lui et de sa vie comme ses membres, et avec lui en son Père ; l'homme remontant jusqu'à cette chair déifiée et jusqu'à Dieu même, comme Dieu descend jusqu'à la chair et jusqu'à nous."

26

Les versets 24-26 sont la conclusion, la finale du testament de Jésus :

24 Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire, que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde.

Avec ce pronom "ceux" Jésus embrasse tous les fidèles de l'avenir et le "Je suis" nous

renvoie au Nom divin révélé au Buisson ardent de la Genèse c'est donc tout l'être divin qui

désire nous faire partager sa vie divine. "Avec moi" c'est l'intimité divine partagée. C'était le

privilège des Apôtres durant la vie terrestre de Jésus, eux qui partagèrent son ministère, et qui bientôt partageront sa Passion dans la faiblesse totale, jusqu'à l'abandonner ; cela s'étend maintenant à tous ceux qui reconnaissent Jésus à travers tous les temps et jusqu'à la

26 Bérulle : Œuvres de piété XXXIII, dans Œuvres complètes II p. 801 cité dans Bible Xtienne II*

25

fin du monde 'voici que je suis avec vous jusqu'à la fin du monde' (Mt 28,20) et ensuite pour l'éternité. Tout comme la joie de Jésus est son union trinitaire (en son Père avec l'Esprit) et son désir de revenir chez le Père avec son humanité, ainsi son désir extrême est de nous entraîner dans sa gloire pour contempler, dans un face à face éternel, avec tous les saints de tous les temps (c'est-à-dire l'humanité entière) la gloire de la Trinité. Cette gloire c'est le

rayonnement de l'amour réciproque des trois Personnes divines, le don qu'elles se font

mutuellement de toute éternité : 'qu'ils contemplent la gloire que tu m'as donnée'. Le désir de Jésus c'est cela 'je veux qu'ils soient avec moi' ; ainsi s'exprimait-il déjà au V.3 : 'la vie éternelle c'est de connaître au sens biblique (choisir, discerner, créer une communion), c'est vivre de la vision béatifique. Cette gloire Jésus l'avait déjà fait pressentir à Pierre, Jacques et Jean sur le Thabor. Elle présageait déjà notre état de gloire future où l'état de l'âme comblée de Dieu rendra nos corps eux-mêmes glorieux, exempts des pesanteurs terrestres et participant de la gloire divine. C'est le cœur de la prédication paulinienne :

Rm 5 2 lui qui nous a donné d'avoir accès par la foi à cette grâce en laquelle nous sommes

établis et nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire de Dieu.

Rm 8, 18 J'estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la

gloire qui doit se révéler en nous. 19 Car la création en attente aspire à la révélation des fils de

Dieu: 20 si elle fut assujettie à la vanité, -- non qu'elle l'eût voulu, mais à cause de celui qui

l'y a soumise, -- c'est avec l'espérance 21 d'être elle aussi libérée de la servitude de la

corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu.

1 Co 1,27

le Christ en vous espérance de la gloire"

1 Co 2, 7 Ce dont nous parlons, au contraire, c'est d'une sagesse de Dieu, mystérieuse,

demeurée cachée, celle que, dès avant les siècles, Dieu a par avance destinée pour notre gloire,

1 Co 15, 43 on est semé dans l'ignominie, on ressuscite dans la gloire ;

2 Co 4, 17 Car la légère tribulation d'un instant nous prépare, jusqu'à l'excès, une masse

éternelle de gloire,

Ph 3, 21 qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire, avec

cette force qu'il a de pouvoir même se soumettre toutes choses.

Col 3 4 quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez

manifestés avec lui pleins de gloire.

1 Th 2, 12 exhortés, encouragés, adjurés de mener une vie digne de Dieu qui vous appelle à son

Royaume et à sa gloire.

2 Th 2, 14 c'est à quoi il vous a appelés par notre Evangile, pour que vous entriez en possession

de la gloire de notre Seigneur Jésus Christ.

Il ne faut cependant pas oublier que la gloire du Christ c'est aussi sa Passion. Jésus glorifie son Père sur La Croix. La Rédemption passe par la croix. Aussi le disciple, qui n'est pas

26

au-dessus de son Maître s'il veut vivre de sa vie, doit nécessairement glorifier Dieu en passant par la Croix.

25 Père juste, le monde ne t'a pas connu, mais moi je t'ai connu et ceux-ci ont reconnu que

tu m'as envoyé. 26 Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux."

Jésus donne à son Père l'attribut "juste" non seulement au sens d'un Dieu qui rétribue

avec équité 'qui sonde les reins et les cœurs' (ps.118 137, 144) mais aussi au sens d'un Dieu qui rend juste qui nous recrée en nous rachetant par l'œuvre de la Rédemption, comme on le voit en finale du psaume 2131 'on annoncera le Seigneur aux générations à venir, on proclamera sa justice au peuple qui va naître, Voilà son œuvre' L'œuvre de Dieu c'est la Rédemption qui nous justifie, qui nous réhabilite devant Dieu, car c'est pour cela qu'il a envoyé son Fils ; la justice de Dieu c'est en fin de compte sa miséricorde. En Isaïe, très souvent, la justice n'est autre que l'intervention salvifique de la miséricorde divine 'mon salut est prêt d'arriver et ma justice de se révéler' (Is 561). Le Dieu juste se révèle en Jésus 'les nations verront ta justice et tous les rois ta gloire' (Is 622). Le

Dieu juste nous envoie "sa justice" en la personne de Jésus qui nous rend juste. Cf 1 Jn 2,1-2 1 Petits enfants, je vous écris ceci pour que vous ne péchiez pas. Mais si

quelqu'un vient à pécher, nous avons comme avocat auprès du Père Jésus

Christ, le Juste. 2 C'est lui qui est victime de propitiation pour nos péchés, non

seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier.

"Il est risqué, même pour un juste, de discuter avec 'Le Juste' par excellence – car on ne pourra Lui répondre un mot sur mille (Jb 9,3). Mieux vaut prévoir de loin, et envoyer une

légation pour dire : "n'entre pas en jugement avec ton serviteur !" (Ps 143,2). Cette

ambassade de paix c'est la Miséricorde. Seule la miséricorde obtiendra Miséricorde. C'est elle qui sur la tête du juste est une couronne d'or, marquée du signe de la sainteté ; c'est elle qui sauvera le juste quand le salut est presque impossible… c'est grâce à elle que l'homme

entendra du Seigneur cette parole : "venez les bénis de mon Père" alors qu'il se tournait sur

sa couche, le cœur déchiré pensant à ses fautes."27

Dieu, Père, reçoit de son Fils sa reconnaissance en tant qu'il a accepté de partager avec lui les conséquences de sa justice – à savoir, de s'offrir en victime pour nous sauver – La suite du verset est un constat : le monde ne t'a pas connu. Dieu offre son salut à

tous, mais tous ne le reçoivent pas ; c'est un renvoi au Prologue "Jn 1,5 "la lumière luit dans

les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie" et Jn 1,9-12 9 Le Verbe était la lumière

véritable, qui éclaire tout homme ; il venait dans le monde 10 Il était dans le monde, et le

monde fut par lui, et le monde ne l'a pas reconnu. 11 Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont

27 Isaac de l'Etoile : Sermon 3 sur la Toussaint S.C. 130, p.129-122

27

pas accueilli. 12 Mais à tous ceux qui l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de

Dieu, à ceux qui croient en son nom, Jésus fait donc un bilan devant son Père : tous n'ont pas reconnu le salut qui leur était proposé en sa Personne, lui l'envoyé, le révélateur du Père ; mais ceux qui l'ont reconnu 'comme envoyé' du Père ont eu la révélation de son Nom c'est-à-dire de la Personne du Père. – qui me voit, voit le Père –

26 Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux."

La révélation du Nom, nous l'avons vu au V. 11 c'est la connaissance de l'amour trinitaire. 'Je leur ferai connaître' dans un avenir proche pour le Douze, au jour de l'effusion de l'Esprit Saint à la Pentecôte, et pour nous après le baptême et la confirmation par un approfondissement de plus en plus grand de cet amour trinitaire qui vit au plus profond de notre âme. C'est le désir ultime de Jésus de rester avec nous jusqu'à la fin de temps et éternellement.

"La communication que Dieu, Père nous fait de sa divinité se trouve conjointement

dans le Christ et dans l'Esprit Saint." Dans cette ultime prière de Jésus avant son arrestation, c'est bien à l'Esprit Saint (le Paraclet = l'avocat, le défenseur) qu'il confie les siens tout autant que ceux qui croieront en eux et par eux, comme il l'avait dit en Jn 14,16-17, 26 16 et je prierai

le Père et il vous donnera un autre Paraclet pour qu'il soit avec vous à jamais,17 l'Esprit de

Vérité,que le monde ne peut pas recevoir, parce qu'il ne le voit pas ni ne le reconnaît. Vous,

vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous…

26 Mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera

tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.

C'est bien à lui en définitive que Jésus a remis les siens afin qu'ils découvrent, en grandissant dans la foi, son Œuvre révélatrice, sanctificatrice et divinisatrice.